- Speaker #0
Vous écoutez Learning Coach by Trendy, le podcast qui part à la rencontre de ceux qui ont maîtrisé l'art d'apprendre et de former. Tout au long de cette saison, nous vous invitons à un voyage au cœur de l'innovation pédagogique, là où les rôles de formateur et de facilitateur s'entrelacent pour stimuler l'autonomie et l'engagement de vos apprenants. Dans cette série d'échanges, les conseils pratiques et les expériences personnelles de nos invités vous inspireront vers une maîtrise renouvelée de l'art d'accompagner l'apprentissage. Bienvenue dans ce nouvel épisode de Learning Coach, bienvenue à notre invité, Denis Christol, avec qui nous allons évoquer la question de la posture de facilitateur. Denis, vous êtes consultant en apprenance collective, stimulateur d'écosystèmes innovants, chercheur associé à Paris-Ouest-Nanterre. Pour bien débuter, pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner, puisque c'est d'elle dont nous parlons, votre définition de la facilitation en formation ? Comment s'applique-t-elle ? Quelles en sont les interactions ? Quels en sont ses bénéfices et apports ?
- Speaker #1
Alors souvent on va évoquer la facilitation, on va la comparer à la formation. Parfois on dit la formation c'est organiser un contenu, une progression pédagogique, avoir des objectifs, accompagner un groupe, le sécuriser, lui donner toutes les ressources nécessaires pour qu'il apprenne. Et on attribue à la facilitation un regard plutôt sur les processus, maîtrise du cadre et abandon sur le contenu avec une mise en pouvoir des participants. Voilà un petit peu comment on va souvent distinguer la formation de la facilitation. Donc ça peut être un véritable enjeu pour des formateurs qui ont misé sur leur contenu ou leur expertise métier de la lâcher un petit peu. pour se mettre au service de la dynamique et de l'énergie des groupes. De mon point de vue, je vois, je prends une casquette de chercheur, il y a plusieurs courants de facilitation, j'en distinguerai trois. Tu as un premier courant qui est porté un petit peu par toutes les pratiques de design fiction, design thinking, co-design, avec la portée un peu américaine et marketing, où tu emmènes au départ des groupes de consommateurs à réfléchir à des produits. Et donc ça nous donne tout un tas de dice breakers de façons d'emmener de l'émotion dans un groupe, de susciter de la créativité. Ça c'est un premier courant. Dans les recherches menées, tu peux trouver un autre courant qui vient plutôt de pratiques scandinaves. Dans les pratiques scandinaves, la facilitation c'est l'art de faire accoucher des sociétés. Donc, ce n'est pas simplement l'idée de l'émulation de groupe, mais il y a cette idée de faire accoucher une société, de construire l'optimum social dans un groupe. Donc, le groupe est considéré là comme une communauté qui va restaurer des liens, qui va construire pour le futur. Et puis, il y a une troisième approche. qui est plus diffuse, dispersée dans toutes les autres approches, que j'appelle une approche plutôt asiatique de la facilitation, avec un courant philosophique du zen, du tao, du confucianisme. C'est-à-dire une approche où tu vas apprendre à lâcher prise et à laisser advenir. C'est tout un art du renoncement. un art du vide, d'une certaine façon. Les facilitateurs sont attachés au cercle. Le cercle, au milieu, il est vide, et il est vide de tous les possibles qu'on peut y mettre. Donc cet esprit-là, je le creuse, cet art de la facilitation à une façon asiatique, avec des valeurs qui tournent autour de l'énergie, par exemple. L'énergie qui va circuler en soi et dans le groupe. Alors tu as trois dimensions de l'énergie dans l'approche de la médecine chinoise. Tu as le Qi qui est l'anima quelque part, ce qui anime le groupe. Tu as le Chen. Le Chen c'est la face sociale, c'est cette puissance d'exister face aux autres. Et puis tu as le Jing qui est la vitalité. Ces trois formes d'énergie, je les ai découvertes en pratiquant le massage Thuina et le Qigong, et je les applique dans ma pratique de facilitation de groupe, en étant accompagnateur d'énergie d'une certaine façon. Donc je renonce même à ce qu'on offre aux facilitateurs, c'est de maîtriser le processus. j'abandonne le processus. Si quelqu'un est meilleur que moi dans le groupe pour le processus, qu'ils le prennent. Donc il y a vraiment un art de l'effacement pour moi dans la facilitation, un art de simplement ressentir, et que son ressenti circule et se mélange à celui des autres. Donc c'est un art de la présence, une présence bienveillante, confiante, qui fait en sorte que le potentiel de chacun puisse se révéler et puisse se mettre en mouvement. Voilà comment je perçois la facilitation. Et pour moi, c'est tout en posture, c'est tout en style individuel. Souvent, on regorge de méthodes, de techniques. Je me méfie un peu quand on a trop de méthodes et de techniques. Je mise beaucoup plus le travail sur la posture.
- Speaker #0
Nous parlons d'une facilitation portée par une dimension intense sensoriellement. Nous serions face à un public de formateurs et de formatrices qui auraient plutôt envie d'assouvir un besoin immédiat et qui attendraient des outils, des méthodes à appliquer rapidement, une recette si je puis dire. Comment leur présenter la nécessité de prendre conscience de l'importance de la facilitation sous la forme que nous évoquons depuis quelques minutes maintenant ?
- Speaker #1
Je vois la facilitation comme un art relationnel énergétique. qui vise à favoriser l'autosaisissement de soi des individus et la capacité à les trouver en eux des ressources pour agir. Ce qui induit un changement de posture pour des formateurs qui voudraient aller dans cette direction. J'entends par là que le formateur va devoir apprendre à écouter beaucoup plus l'individu et ses intériorités. traditionnellement en formation on construit des environnements d'apprentissage. Un formateur bâtit un parcours et il va organiser d'une certaine façon comme un décor dans lequel on placerait l'apprenant. Ce faisant, il ne se soucie peut-être pas toujours de l'intériorité des émotions, des trajectoires, des états d'âme de l'individu. le facilitateur va plutôt composer ou aider à ce qu'un milieu se compose. Le milieu est à la fois en intériorité et en extériorité. Tu n'es pas coupé de ton milieu, tu es le milieu. Comme une cellule eucaryote a une frontière, une porosité et puis un extérieur, l'individu c'est pareil. Donc faciliter c'est aider l'individu à trouver des prises dans ce qui lui est proposé. Donc c'est passer d'une logique où tu es pratiquement face à face, à une logique où tu es en côte à côte, et tu regardes ensemble, avec lui, dans la même direction. Ça suppose donc de travailler un art du questionnement, plutôt qu'un art de la rhétorique. Ça suppose donc de déléguer des marges de liberté. Et là, ça nous renvoie à un grand pédagogue comme Carl Rogers, qui propose de la non-directivité, donc la facilitation suppose pour un formateur de progresser dans ses approches de non-directivité. Donc on peut commencer à glisser du formateur vers le facilitateur en intégrant un peu de non-directivité dans ses apports, dans sa façon de conduire l'action de formation. Donc des plages de temps libre à occuper par les participants eux-mêmes, des projets à conduire par les participants eux-mêmes sans trop de consignes, voire même des consignes floues, faire exprès de mettre des consignes floues pour obliger l'apprenant à se déterminer, à apprendre à discerner et à se positionner. Puisque faciliter c'est apprendre à se disposer. Si je reprends ma distinction entre l'environnement et le milieu, dans un milieu, tu apprends à te disposer, tu apprends à occuper une place. Alors que dans l'environnement, ta place est attribuée. Parfois même, ta place est attribuée au fond du radiateur, au chaud, et que tu ne bouges pas, que tu n'éranges personne. Dans l'idée de milieu, au contraire, on va engager tout l'individu. dans une découverte de l'espace dans lequel il est, espace qui est constitué de ressources pédagogiques, de temps de rencontre, de dispositifs en ligne, d'objectifs plus ou moins négociables selon les types de formation. Et donc on voit bien que dans l'idée de la facilitation, il y a une composition par l'individu lui-même, par l'apprenant lui-même, de ses moyens d'apprendre. L'apprenant est invité à être plus agile et le formateur qui devient facilitateur à favoriser cette agilité.
- Speaker #0
Nous redéfinissons en ce moment même à la fois le formateur comme l'apprenant. J'ai l'impression que depuis le début de ce podcast, nous redéfinissons à la fois ce qu'est le formateur, mais aussi ce qu'est l'apprenant. L'exercice de facilitation que vous nous présentez depuis le début de ce podcast ne nécessite-t-il pas un certain nombre de prérequis pour le formateur comme pour l'apprenant ?
- Speaker #1
La facilitation vise à développer la gentilité. de l'apprenant. Ce que je veux dire par là, par le mot agentivité, c'est le fait qu'ils se sentent maîtres et possesseurs de l'action d'apprentissage, et pas simplement objets qu'on va pousser d'une séquence à l'autre. On peut imaginer que ça nécessite d'être des super apprenants, d'avoir un niveau d'autonomie déjà très fort. J'ai fait l'expérience dans ma carrière, d'une usine dans laquelle je devais accompagner des ouvriers de faible niveau de qualification qui risquaient d'être licenciés. Et dans le programme, je travaillais avec eux pour les aider à découvrir les métiers qui étaient dans cette usine disponibles, et pour qu'ils puissent eux-mêmes se déterminer. Et il se trouve qu'à ce moment-là, j'étais malade. j'avais une semaine de formation avec eux, tous mes cours étaient préparés de façon très traditionnelle, mais j'étais malade. Et quand on est dans une petite entreprise, on ne lâche pas un contrat, on assure, quoi qu'il se passe. Donc j'ai dû assurer, je ne suis pas rentré chez moi, je ne me suis pas mis en maladie, j'étais là. Mais je ne pouvais pas rester plus d'une heure en salle de cours, il fallait que j'aille tout de suite à l'infirmerie, au WC, c'était très difficile. Et donc je dialogue de la situation avec les ouvriers en question. Et on décide d'organiser des visites de l'entreprise où chacun en binôme devait mener des interviews. Alors on a travaillé en plusieurs temps. D'abord un temps où on a fabriqué des interviews, on a fabriqué les questionnaires. Puis on a fabriqué les outils pour recueillir les informations. Puis on a organisé les visites. Et ils se sont organisés pour aller mener toutes ces visites pendant la semaine. Et moi, régulièrement, ponctuellement, toutes les heures, je les accueillais et j'écoutais ce qu'ils me disaient. Mais cette impossibilité physique que j'avais de former d'apporter du contenu, a obligé les apprenants à se prendre en charge. Et en fait, il y a plus de ressources dans un groupe qu'on ne peut imaginer y trouver. Et ça c'est un des grands principes de la facilitation, c'est que le pouvoir est dans le groupe, le pouvoir d'initiative, le pouvoir de la connaissance. La facilitation nous invite à des pédagogies beaucoup plus horizontales, dans lesquelles chacun peut être un leader d'apprentissage à un moment donné. Le rôle du facilitateur va être d'écouter qui peut contribuer au groupe sur tel ou tel point d'un programme. Et c'est valable aussi bien pour des ouvriers que pour des directeurs généraux, que pour des cadres, des agents de maîtrise, des commerciaux. Tout le monde a une part de connaissance de la situation. Comment le facilitateur va créer les conditions et les espaces pour que ces savoirs soient mobilisés ? Pour moi, c'est vraiment ça le cœur de la facilitation.
- Speaker #0
Cela nécessite une attention, mais de tous les instants.
- Speaker #1
La facilitation nécessite une attention de tous les instants. Merci. Je faisais référence à l'approche asiatique de la facilitation, avec la distinction entre l'attention et l'intention. On sait que l'attention est soumise à une pression, notamment numérique, d'interruption par le téléphone portable. On consulte près de 250 fois notre téléphone portable chaque jour, donc c'est considérable. L'intention, c'est l'orientation vers un but. Il y a une définition, une orientation vers un but. Le facilitateur, il doit porter cette intention. Il ne doit pas l'imposer, il doit l'apporter. Et s'il arrive à partager cela au groupe de participants, de même, ils vont collaborer, c'est-à-dire s'unir sans qu'il y ait un effort de coopération ou de coordination. Ils vont de même apporter ce qu'ils peuvent au groupe. Le rôle du facilitateur est donc d'aider chacun à identifier qu'il a un rôle à jouer, une place à prendre, un savoir à transmettre. et donc d'être attentif à ce que chacun contribue véritablement à l'effort collectif d'apprendre. Donc on est centré sur qui a de l'énergie, qui a de l'envie, qui a une possibilité d'accompagner au groupe, et de vérifier que chacun puisse le faire tout au long du processus.
- Speaker #0
En formation, on convoque souvent l'engagement ou encore la motivation. En tout cas, on les recherche. En quoi la facilitation peut les favoriser, les faire éclore, les maintenir tout au long d'une formation ?
- Speaker #1
Alors, on utilise souvent la facilitation comme un moyen pour créer, pour développer, pour susciter, pour encourager toute forme de motivation à apprendre. Ce qui est important de noter, ce que nous apprennent de nombreux pédagogues, c'est qu'on ne peut pas avoir d'intention sur autrui, on ne peut pas le forcer à apprendre ou l'inciter. On ne peut que créer des conditions favorables pour cela. J'ai distingué six conditions qui vont permettre de créer une ambiance favorable au désir d'apprendre ensemble. La première, c'est l'autopoyèse. C'est la capacité à s'auto-structurer, à se doter de règles et de finalités communes. C'est comment... faciliter l'effort collectif pour qu'il se prenne en charge lui-même, pour qu'il sème les graines de sa propre histoire. Donc, travailler déjà à ce que le collectif fonctionne ensemble. Ça peut passer par un temps d'acclimatation mutuelle, de travaux en binôme tout d'abord, un collectif ça peut être d'abord un binôme, puis un trinôme, puis après on fait grossir les relations personnelles. Un deuxième élément, c'est ce que j'appelle l'écoute générative, c'est l'accueil des émergences du groupe. C'est cette attention aux signaux faibles, aux énergies de chacun. Et donc, écouter très attentivement ce que les participants peuvent dire, ressentir, ce qui nécessite de savoir s'écouter soi-même pour pouvoir écouter l'intériorité des autres. ça va faire mettre la confiance, ça va faire mettre la parole authentique, cette qualité d'écoute. Et ça va générer du potentiel pour le groupe, c'est pour ça qu'on parle d'écoute générative. Le troisième ingrédient, c'est de se rappeler de la mémoire transactive, qui est la capacité d'un groupe à partager des informations, à les distribuer. et donc de faire appel à une part de sa connaissance du sujet. Donc là aussi, le qui sait quoi est un élément important pour le facilitateur. Essayez de s'appuyer sur ses connaissances. Un quatrième élément, une quatrième composante, on appelle ça la murmuration. c'est le vol des étourneaux qui s'auto-coordonne pour faire des figures parfois extraordinaires à près de 40 000 oiseaux. Il faudrait 250 contrôleurs aériens si on devait fonctionner comme des humains pour contrôler le vol de tous ces étourneaux. Mais eux, ils sont capables de le faire en gardant toujours à distance deux ou trois autres oiseaux. et en filant dans les espaces vides. Avec ces deux règles, ils arrivent à se coordonner à 40 000. Donc ça, c'est une règle de la nature qui est intéressante. Qu'est-ce qu'on peut faire pour qu'à chaque fois, les apprenants soient toujours en capacité d'avoir 2-3 soutiens dans le groupe, et être en capacité d'occuper des espaces vides qui ne sont pas pris par les autres. Un cinquième élément, c'est l'apprenance collective. Cette apprenance collective, C'est le désir d'apprendre ensemble qu'on va faire grandir, notamment par plusieurs dimensions. L'intelligence collective corporelle, c'est-à-dire se mettre ensemble, à se mettre en mouvement, c'est des principes de stigmergie qu'on va observer par exemple chez les insectes, où la coaction crée de l'énergie. c'est aussi avoir un souci à l'écologie du groupe et vérifier que les énergies circulent correctement, que tout le monde prend la parole. Et puis cette apprenance collective, elle participe d'un flot, c'est-à-dire que quand elle est bien menée, que l'enchaînement des séquences se fait de façon naturelle, il y a un flot qui opère, une espèce de magie qui fait qu'on ne voit pas le temps passer, on oublie son ego, on le met au service du groupe et on fait une réalisation collective. qui créent de la fierté et un sentiment d'efficacité collective. Ce flot collectif, c'est le sixième élément. Ça s'installe quand il y a un haut rendement collectif qui apparaît. Et là, on n'a pas cette espèce d'idée qu'on est passager clandestin d'un groupe, mais on est pleinement partie prenante du groupe. Le flot collectif, c'est cet abandon au groupe, cette capacité... à se vivre comme si on était dans une bulle tous ensemble et à partager un destin extrêmement fort. Voilà six éléments qui sont des éléments de nature à soutenir la motivation de chacun, non pas à dire tu vas être motivé mais à la soutenir. À l'inverse de la démotivation, ça n'est pas la motivation. L'inverse de la démotivation, c'est le mouvement. Donc la facilitation doit créer du mouvement. Soit le réchauffer quand le groupe est amorphe, soit le ralentir quand le groupe est en état d'excitation. Ça équivaut, ces énergies de réchauffement et de refroidissement, au chi, auquel je me réfère, avec les racines asiatiques de la facilitation.
- Speaker #0
Le mouvement appelle les émotions. On espère des résultats à la hauteur de l'engagement exigé. Comment évaluer les bénéfices de la facilitation ? Avez-vous un ou plusieurs exemples à ce propos ?
- Speaker #1
J'aimerais maintenant citer un exemple concret de facilitation qui a permis de faire bouger des personnes et des organisations. Je me suis trouvé à un moment directeur de l'ingénierie des dispositifs de formation au Centre national de la fonction publique territoriale. Et avec une équipe, je rappelle que la facilitation, c'est jamais solitaire, c'est toujours de la co-facilitation. Avec une équipe, on a travaillé à la création d'un état d'esprit qui favorise l'innovation publique collaborative. c'est-à-dire la capacité de partir de projets ou de problèmes très concrets rencontrés dans la fonction publique, pour essayer de résoudre cela. On a commencé par mettre en place quelques ateliers expérimentaux, où on testait ces pratiques de facilitation, où on s'essayait en groupe, à une meilleure qualité d'écoute, à créer également des visions communes qui permettaient de se soutenir mutuellement. Et puis ces ateliers ont bien fonctionné. L'institution nous a donc demandé d'intervenir dans une manifestation qui s'appelait Université de l'innovation, qui était pensée jusqu'alors comme très descendante, c'est-à-dire des experts viennent et expliquent aux autres ce que c'est que l'innovation. Et ça nous semblait un contresens. Donc on a créé un espace. La toute dernière demi-journée, on a fait un détournement d'avion, on va dire ça comme ça, on a fait un détournement d'avion, et on a pris la dernière demi-journée pour créer ce qu'on a appelé des accélérateurs de projet. Donc on a mis des facilitateurs qui étaient dans ces petits ateliers identifiés, et on a accompagné cette accélération de projet de la part de fonctionnaires publics territoriaux qui vivaient des vrais problèmes, des vrais contraintes. Cette posture de facilitation les a libérés, a permis qu'ils puissent exprimer un grand nombre de difficultés et qu'ils soient accompagnés sans jugement, sans solution préétablie par leur père. On voit là une posture d'horizontalisation qui a grandi dans l'organisation Chemin faisant. Cet événement a été un tel succès. qui nous a été demandé de le reproduire l'année suivante. Et là, on est passé de 120 participants à près de 200 participants. Mais cette fois-ci, on avait beaucoup plus préparé. Donc, on est sorti du mode détournement d'avion. On a formé des facilitateurs. On s'est formé au co-design. On s'est formé à des pratiques de facilitation graphique. On s'est formé à des pratiques de vidéo. Et quand je dis on, c'est à chaque fois les personnes qui portaient une envie, un savoir-faire, une appétence pour cela. Donc chacun avait l'opportunité de devenir un des experts du système en train de se mettre en place. Cet événement à 250 a permis de travailler sur une quinzaine de projets qu'on a appelés des défis territoriaux et on a commencé à modéliser une approche pédagogique qu'on a appelée pédagogie des défis. Il s'agit à travers la pédagogie des défis de ne pas partir sur des contenus solutions à l'avance, mais de partir sur des questions complexes et de proposer au groupe de les résoudre à l'aide de facilitateurs et d'experts qu'ils vont pouvoir consulter tout au long de l'apprentissage. La troisième année, on est monté de 250 à plus de 1000 participants. On était sur des sites multiples et là, il y avait une équipe de près de 200. co-organisateurs, co-facilitateurs. Donc l'événement était porté pas simplement par une toute petite équipe noyau, mais par tout un tas d'équipes qui essaimaient le processus de l'université d'innovation dans différentes régions. De mémoire, il y en avait sept. Et là, il y a une énergie assez incroyable qui se met en place, il y a une résonance systémique qui traverse l'organisation, et des initiatives qui sont prises par les uns et par les autres pour faire grandir encore. tous ces dispositifs, proposer des formations nouvelles, proposer des solutions nouvelles, construire des... solutions informatiques. La quatrième année, on est passé à plus de 2200 participants, parce qu'il y avait un tel engouement des facilitateurs qui avaient libéré de l'envie d'apprendre et du plaisir, et qui avaient pris plaisir à accompagner tout ce mouvement. Et bien que ça a vraiment essaimé à un niveau national, on était même sur trois continents, puisque la fonction publique française est aussi présente en Amérique et en Afrique. Et donc on a là développé cette énergie à plus de 2200 personnes, 200 projets, des communautés de facilitateurs qui se sont auto-structurées, auto-organisées. Donc il y a vraiment l'autopoyèse dont je parlais, qui est la génération de la communauté par elle-même par rapport à des buts élevés à atteindre. Et donc on a vu tout ce mouvement se mettre en place. Une douzaine des facilitateurs qui ont vécu cette expérience ont démissionné de la fonction publique. pour créer leur propre entreprise. C'est dire qu'elles avaient trouvé quelque chose de puissant, quelque chose qui les animait profondément. Elles n'étaient pas là simplement pour faire avancer un petit train-train, mais elles étaient devenues véritablement des militants, elles avaient envie de construire la société dans laquelle on vivait, de s'y mettre à corps perdu. Donc voilà des expériences dans lesquelles l'individuel et le collectif, par ce désir d'apprendre ensemble qui se maille, qui grandit, qui progresse, produit des effets sur les individus mais également sur l'organisation puisque le processus dans les deux dernières années a été accompagné par ce qu'on a appelé un chercheur collectif où on a commencé à rentrer sur une logique de facilitation de la recherche et donc de créer une recherche dont des participants sur chacun des sites. pouvait observer les transformations à l'œuvre et apprendre en même temps encore des pratiques de facilitation, mais cette fois sous l'angle de la recherche.
- Speaker #0
Nous approchons du terme de cet épisode et une question me brûle les lèvres. Peut-on faciliter à distance ? Est-ce que cela peut fonctionner ?
- Speaker #1
Un autre exemple de facilitation que j'aimerais citer, c'est lorsqu'on est contraint, et on l'a été par le Covid, d'interagir à distance. Il se trouve que pendant le Covid, je pilotais ce qu'on appelle un chercheur collectif dans le cadre d'une recherche action pour l'association Solfrance, spécialisée dans l'organisation apprenante. Et nous nous sommes réunis à une trentaine de personnes pour aller comprendre comment les organisations apprennent. Donc on est rentré dans un processus de facilitation de la recherche, dans le sens où il n'y avait pas un chercheur qui disait aux autres ce qu'il devait faire, mais que tout le monde devait co-élaborer ce qu'on devait chercher ensemble. L'objet, la méthode, l'échantillonnage, la façon de s'y prendre. Donc faciliter la recherche, c'est quelque chose d'assez extraordinaire. Malheureusement, le Covid arrive et nos réunions qui étaient prévues en présentiel doivent se faire à distance. Et on a dû apprendre à faciliter à distance, à créer des dialogues de haute qualité relationnelle à distance, à créer des protocoles nouveaux d'écoute en profondeur à distance. Et donc j'ai pu observer que même si... Bien évidemment, la dimension énergétique de laquelle je me prévaux est puissante en présentiel, elle fonctionne aussi à distance. Ça nécessite des temps de centration un peu différents, des temps d'ancrage un peu différents. On peut avoir des fois la sensation, lorsqu'on se centre, lorsqu'on médite à distance par l'écran, qu'il y a une forme de technoférence, une espèce d'interférence technologique qui peut être un peu dérangeante. Mais mine de rien, on a réussi à maintenir pendant un an et demi ce collectif de chercheurs à distance grâce à des pratiques que nous avons pu adapter. en ligne, que nous avons pu découvrir en ligne, et qui nécessite une autre forme de discipline, une autre forme d'écoute et de respect des autres.
- Speaker #0
Donc c'est possible de faciliter à distance. Et je l'ai fait après pour faire des formations, notamment aux Antilles, où là, forcément, tu ne peux pas être tout le temps sur place.
- Speaker #1
Merci Denis Christol pour votre participation. Merci à vous, chers auditeurs. Pour aller plus loin, découvrez la Masterclass Facilitateur d'apprenant sur le site www.learning.coach. Vous retrouverez cet épisode, comme tous ceux qui l'ont précédé, sur le site internet trendy.io, sur nos réseaux sociaux et sur l'ensemble des plateformes d'écoute. A très bientôt pour le prochain épisode.