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Learning Coach

S01E06 - Laurie MEZARD - L’impact d’une pédagogie engageante

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21min |23/07/2024
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Description

Dans cet épisode, Laurie Mézard explore l’utilisation des pédagogies actives et l’importance de l’engagement dans l’apprentissage. Elle souligne la nécessité de créer un environnement propice à l’émergence des idées, permettant aux apprenants de réaliser qu’ils possèdent des ressources internes valorisables. Laurie aborde la complexité de plonger dans les aspects personnels et intimes des apprenants, ce qui exige un cadre sécurisé et de non-jugement, comparable à celui d’un groupe de thérapie. Elle discute également du rôle crucial de l’engagement du formateur, équivalent à la motivation intrinsèque de l’apprenant, et de la pédagogie active, qui invite à transformer et interagir avec le matériel d’apprentissage, le considérant comme un « partenaire de combat ».


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Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez Learning Coach by Trendy, le podcast qui part à la rencontre de ceux qui ont maîtrisé l'art d'apprendre et de former. Tout au long de cette saison, nous vous invitons à un voyage au cœur de l'innovation pédagogique, là où les rôles de formateur et de facilitateur s'entrelacent pour stimuler l'autonomie et l'engagement de vos apprenants. Dans cette série d'échanges, les conseils pratiques et les expériences personnelles de nos invités vous inspireront vers une maîtrise renouvelée de l'art d'accompagner l'apprentissage. Bienvenue dans ce nouvel épisode de Learning Coach, bienvenue à notre invité Laurie Mézard, avec qui nous allons évoquer la question des pédagogies actives et de l'impact d'une pédagogie engageante. Et pour bien débuter, pouvez-vous s'il vous plaît compléter votre présentation et nous donner, puisque c'est d'elle dont nous parlons, votre définition de la facilitation en formation. Comment s'applique-t-elle ? Quelles en sont les interactions ? Finalement, quels bénéfices qu'elles apportent ?

  • Speaker #1

    Je crée des expériences d'apprentissage en utilisant un mix de modalités pédagogiques. J'essaie de rester très loin du dogmatisme pour que ça soit à la fois très engageant, très efficace et puis que ça construise un rapport à l'apprentissage qui développe une certaine autonomie et une envie chez l'apprenant de continuer longtemps après la formation. Pour moi, la facilitation, c'est le fait de créer un environnement. et des modalités d'interaction dans cet environnement qui vont permettre de faire émerger des réflexions, des relations, des moments de... de connexion à soi et aux autres, qui vont faire qu'on va apprendre de ces moments et à l'intérieur de ces moments. Ce n'est pas forcément incompatible avec des séquences plus descendantes. Pour moi, une séquence de facilitation a sa place dans une formation, par exemple, certifiante. Mais ça va être des moments où l'apport n'est vraiment pas du tout extérieur. On va travailler avec ce qui émerge chez les apprenants. Et du coup, les bénéfices sont doubles. Pour moi, déjà, il y a un gros bénéfice sur l'autonomie. Parce qu'à ce moment-là, on fait prendre conscience aux apprenants qu'ils ont des ressources à l'intérieur, et qu'en faisant émerger ces ressources, ils ne sont pas forcément obligés d'aller s'appuyer sur des ressources extérieures, des profs, des référents, des sachants, qu'ils ont quelque chose en eux qui a déjà de la valeur et qu'ils peuvent exploiter. Et le deuxième truc, c'est justement d'aller, pour les transformer en profondeur, c'est d'aller... racler un peu le fond de la personne, faire remonter ça, et du coup pouvoir travailler et transformer vraiment l'être. C'est convoquer la personnalité entière de la personne à ce moment-là, pour pouvoir la transformer. C'est ça pour moi l'intérêt.

  • Speaker #0

    Aller chercher, racler le fond de la personne, ce sont quelques propos qui m'interpellent et qui auront certainement interpellé nos auditeurs. À quel moment, à quelle formation, à quelle situation cela peut-il se référer ?

  • Speaker #1

    Je pense que ça dépend de l'objet dans la séquence de formation, de l'objet qu'on est en train de travailler. Pour des compétences techniques, ce n'est pas forcément nécessaire. Par contre, pour tout ce qui est soft skills ou ce qu'on appelle le apprendre à apprendre, développer la métacognition. ça, ça va être nécessaire quand même d'aller convoquer les représentations, les croyances pour pouvoir les transformer. Pareil, quand on fait des retours réflexifs après un apprentissage qui soit court, ou que ça soit un gros projet, ou quelle que soit la temporalité ou la complexité de l'apprentissage, si on veut aller défricher ce qui s'est passé, à un moment, il faut quand même aller chercher ce qui a été en jeu pour la personne dans l'expérience. Donc je pense que c'est applicable. à tous les sujets de formation. Après, ça dépend des objectifs pédagogiques du formateur à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Est-ce simple d'aller, pardon pour l'expression, fouiller dans du personnel, voire de l'intime ? Est-ce simple d'obtenir l'adhésion des participants ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simple du tout. Il faut un vrai cadre de sécurité et un vrai cadre de non-jugement. En fait, je compare presque ça au cadre qu'on met dans des groupes de parole ou des groupes de thérapie, c'est-à-dire où on pose le fait que là, on est en train de partager un moment qui ne va pas être derrière sujet à débat et où tout est accepté et où tout est OK. Parce qu'en fait, à ce moment-là, il faut que chacun puisse amener ce qu'il est et qu'il ne rencontre aucune... Barrière, parce qu'en fait c'est hyper insécurisant de se montrer d'un coup oser et puis se manger un jugement. Donc il faut vraiment que le facilitateur soit capable d'instaurer ce cadre et qu'il soit capable de le porter, de l'incarner. Parce qu'en fait il ne s'agit pas de marquer trois consignes sur un tableau, il faut aussi que tout dans le langage verbal et non verbal du facilitateur passe ça. Donc dès que quelqu'un, par exemple quelqu'un qui ne veut pas s'engager, sur l'atelier pratique narrative que j'ai fait la dernière fois, Il y a une personne qui n'a pas voulu réécrire son histoire. Je lui dis, c'est bon, c'est OK, en fait, il n'y a pas de souci, on peut continuer à discuter, on fait autre chose pendant que les autres écrivent leur histoire. Et elle a adoré aussi l'atelier, même si elle n'a pas fait ça. Donc en fait, il faut accepter de prendre chacun où il en est, et ça c'est au facilitateur ou à la facilitatrice de le porter. Et c'est pas du tout évident. Ce début d'atelier, je reprends cet exemple parce qu'il est très récent, des pratiques narratives, il y a une participante, dès qu'on a ouvert le sujet de l'identité et du récit de soi, Elle, très militante dans certains milieux, elle a tout de suite ramené le sujet, mais de manière un peu sèche en plus, à ses préoccupations et à me dire qu'on a plusieurs identités, machin, machin, et a ramené ça sur son contexte théorique. Et du coup, il a fallu que moi je navigue un peu avec ça, que je l'accepte, que je le valorise pour après l'emmener, l'embarquer dans le reste de l'atelier avec les autres. Donc ça demande beaucoup de souplesse de l'encadrement.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités qui ne s'improvisent pas et qui se travaillent.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Qui se travaillent et qui sont... Enfin, qui se travaille presque, j'allais dire d'un point de vue, ça se travaille presque de manière thérapeutique. C'est-à-dire qu'il faut avoir fait un grand travail sur soi-même pour ne pas réagir à ce qui agite les autres. Il faut rester la référence neutre et bienveillante qui laisse s'exprimer les pics d'émotion sans se laisser dépasser. Donc ça demande effectivement un gros, gros travail sur soi-même. Et ça demande de travailler son rapport à l'émergent, c'est-à-dire accepter l'inconnu, accepter ce qui vient, se dire que tout ce qui émerge à ce moment-là dans le groupe, c'est ce qui devait émerger et que tout est acceptable, à part évidemment les sorties de cadre, mais que toute réaction est légitime en fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la première fois que nos invités évoquent ce que je vais nommer un chaos, ce que vous venez également de décrire. Est-ce une étape nécessaire, voire un point de départ indispensable ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que le chaos soit absolument nécessaire si tout le monde sait exactement pourquoi il est là. Mais le problème, c'est qu'en général, les gens ne savent pas pourquoi ils sont là, ils ne sont pas alignés, et du coup, c'est le fer organisme au début, qui soit toutes les cellules vont dans la même direction, soit elles n'y vont pas encore et il y a un moment de chaos. Mais tu vois, ce que tu me dis, ça me fait penser... Il y a deux ans, Denis a organisé un forum ouvert à Bédarieux, et ce n'était pas facilité. C'est-à-dire que son objectif, c'était d'expérimenter un forum ouvert non facilité. Et du coup, on était quoi ? On était 25, et c'était... Le premier jour, il n'y a pas d'ordre du jour qui a été posé, il devait être co-construit par les participants. Et ça a été... un joyeux bordel, mais pendant au moins un jour et demi, où personne ne savait pourquoi il était là, et où dès que quelqu'un parlait, moi j'avais l'impression d'avoir une petite radio, et dès qu'une nouvelle personne parlait, je devais changer de fréquence, parce qu'on n'était pas alignés. Et ce moment de devoir rester justement dans le chaos, et attendre qu'on se mette tous un peu sur la même longueur d'onde, et que petit à petit, le petit organisme s'aligne, et il se met à vibrer ensemble, jusqu'à ce qu'il y ait un but commun. C'était... extrêmement apprenant de le vivre comme ça, de le voir, de le vivre pleinement sans avoir quelqu'un qui porte le cadre et qui dit Non, attendez, moi je sais comment faire pour que la dynamique de groupe avance dans le bon sens. On va faire ci, on va faire ça. Et de juste le laisser émerger, ça a vraiment fait laboratoire où là on l'a vu se passer en live et dans toute la complexité. C'était très rigolo. Mais du coup, je pense que le chaos vient quand il n'y a pas le cadre et le cadre naît du chaos.

  • Speaker #0

    Venons-en maintenant au sujet principal de notre épisode, la pédagogie engageante. De quoi parlons-nous ?

  • Speaker #1

    Moi, je mettrais la pédagogie engageante sur un niveau comparable avec la motivation intrinsèque. L'engagement et la motivation, ce ne sont pas les mêmes mécanismes exactement, mais pour moi, une pédagogie engageante, c'est quelque chose qui va permettre un élan qui vient de l'apprenant et qui va nourrir cet élan en continu. Donc c'est pas le fait d'organiser des activités où les apprenants sont tout le temps en mouvement et du coup toute la journée on les a un petit peu réveillés. Pour moi ça c'est pas ça une pédagogie engageante. Ça va plutôt être quelque chose qui va aller allumer le feu et garder les braises allumées tout au long de la formation.

  • Speaker #0

    Ça veut dire quoi allumer le feu ?

  • Speaker #1

    Ça c'est l'aspect un peu... magique, qui est un peu difficile à expliquer. Pour moi, il y a plusieurs composantes. Déjà, il y a la relation qui est créée avec l'apprenant. C'est-à-dire, est-ce qu'on arrive à l'embarquer dans une aventure d'apprentissage ? Ça, ça demande soi-même d'avoir identifié et de vivre pleinement les émotions liées à l'objet d'apprentissage. C'est-à-dire que si je ne suis pas passionnée par le truc et que moi-même je n'ai pas identifié des trucs que je trouve rigolos, incroyables, saisissants, machin, je n'arriverai pas à engager l'apprenant dans ce rapport-là avec l'objet d'apprentissage. Après, il y a le fait aussi de créer une communauté d'apprentissage, c'est-à-dire créer de l'entraide, de la camaraderie et le sentiment d'avancer tous ensemble vers le même but commun. Et puis aller chercher justement d'un point de vue... individuelle, au-delà des buts communs du groupe, c'est quoi le rapport individuel que la personne a avec l'objet d'apprentissage, pourquoi elle veut l'apprendre et en quoi ça résonne avec ses valeurs. Donc c'est en gros préparer le terrain en amont. et préparer l'environnement pour qu'il y ait une relation solide qui puisse se construire sur le long cours. Donc c'est ça, allumer le feu, c'est préparer toutes les raisons de la motivation, permettre à l'apprenant d'être reconnu et de se relier aux autres.

  • Speaker #0

    Lorsque j'entends parler d'engagement, il s'agit souvent de celui de l'apprenant. J'entends bien plus rarement parler de celui du formateur.

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'on n'en parle pas beaucoup. Après, moi, dans mes cercles de formateurs, la plupart des formateurs ressentent une grosse responsabilité vis-à-vis de l'objet et sont bien conscients quand même que c'est eux qui portent partie de cet engagement par eux, leur passion et leur engagement envers leurs apprenants. Ce n'est pas un impensé, mais c'est peut-être un non-dit, parce que je ne sais pas pourquoi il serait un non-dit d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Ne serait-ce pas une posture de neutralité du formateur, comme on le voit souvent par exemple dans des formations digitales ?

  • Speaker #1

    Avoir un formateur neutre en face de moi, il n'y a rien qui me rend plus folle. Pour moi, ça n'a aucun intérêt. Je peux lire un bouquin ou une encyclopédie. Il y a des bouquins très bien où justement, il y a de l'opinion et pour moi, c'est ça qui est intéressant. C'est pour ça que ChatGPT me rend un peu folle aussi, parce qu'en fait, on perd complètement. la pensée singulière de la personne qui porte le sujet, avec laquelle on peut être d'accord ou pas, mais qui l'incarne avec ses émotions, et qui le fait vivre le sujet. Si on n'est pas capable, même en digital learning, on peut très bien écrire des tutos ou faire des vidéos où il y a beaucoup d'émotions et où il y a beaucoup d'implications de la personne qui écrit, c'est pas antinomique. Et pour moi, le but de se former avec quelqu'un, c'est d'avoir son opinion en tant que personne. Je vois pas l'intérêt sinon d'aller interagir avec un autre être humain. Après, on peut se positionner selon nos valeurs. On a un formateur qui a un avis très tranché sur un truc, et chez nous, parce qu'on a des valeurs différentes, on va être un peu braqué, Ah bah non, j'aime pas ce qu'il dit, je suis pas d'accord. Ouais, bah ok, mais du coup, je me suis positionnée et j'ai intégré des émotions à ce que je suis en train d'apprendre. Donc c'est ok. Je viens de faire un stage de 4 jours de Kung Fu et de Tai Chi, et mon prof, il est tout le temps dans l'émotion, ce qui l'empêche pas d'être d'une rigueur extrême. évidemment quand il nous fait pratiquer l'art, mais c'est le fait qu'il porte son sujet, qu'il soit autant passionné, qu'il le partage avec autant d'excitation, qui fait qu'il nous embarque tous. Pour moi, l'engagement du formateur est un prérequis à l'engagement des apprenants.

  • Speaker #0

    L'engagement, ce n'est pas un vœu ou un souhait, c'est un combat, c'est une lutte.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Moi, je me souviens de m'être un peu, pas accrochée, mais d'avoir débattu avec des étudiants de certains sujets. Et en fait, quand ils commencent à débattre et à être pas d'accord, alors déjà nous, même si ça nous met un peu en insécurité, ça nous oblige quand même à aller consolider nos propos. Donc c'est bien, ça nous oblige à aller plus loin dans ce qu'on... dans ce qu'on pratique en tant que formateur. Mais eux, du coup, ça veut dire qu'ils sont emparés émotionnellement du sujet. Parce qu'on ne débat pas d'un truc dont on n'a rien à faire. Donc ça veut dire qu'ils sont à fond dans le sujet et suffisamment pour... Et c'est là où la posture du formateur est hyper importante. C'est suffisamment pour être OK de mettre le formateur en défaut là-dessus. C'est le meilleur moment, finalement. C'est quand l'étudiant est suffisamment en confiance, en sécurité et intéressé pour remettre en question ce qu'on vient de dire. Ça, c'est trop bien.

  • Speaker #0

    Et donc, quel est alors le rôle de la pédagogie active ?

  • Speaker #1

    La pédagogie active, c'est celle qui va créer l'environnement, qui va faire apparaître ces éléments nouveaux et qui va demander à ce qu'ils soient intégrés, à ce qu'il y ait du sens qui soit créé à partir de cette rencontre entre ce qu'on croyait et ce qui arrive de nouveau. Pour moi, les pédagogies actives, c'est... Alors déjà, ça recouvre... Beaucoup de choses, même du descendant peut être de la pédagogie active quand il y a des questions, des histoires, des machins. Et ça va être la rencontre avec du nouveau. Et c'est organiser cette rencontre en fait.

  • Speaker #0

    Je crois que nous atteignons le bon moment pour poser une définition sur la pédagogie active.

  • Speaker #1

    Alors je vais faire une définition qui se mord la queue. Pour moi, la pédagogie active, c'est des modalités d'apprentissage qui vont faire que l'apprenant va devoir transformer ce qu'on lui apporte. Ce n'est pas juste transmettre quelque chose qu'il doit accepter tel quel, il va y avoir une confrontation avec l'objet d'apprentissage et une interaction forte avec lui. Donc ça peut se faire via des échanges avec les pairs structurés, ça peut se faire via de l'expérimentation, ça peut se faire via une rencontre avec un conférencier inspirant qui va poser plein de questions pendant la rencontre et qui va créer ce déclic. Mais c'est vraiment l'objet d'apprentissage comme un peu un partenaire de combat, quelque chose avec lequel on va interagir, avec lequel on va faire des allers-retours.

  • Speaker #0

    Comment établit-on le lien entre pédagogie active et posture du facilitateur ?

  • Speaker #1

    En pédagogie active, du coup, on va organiser une rencontre, mais il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui facilite cette rencontre. Un peu comme quand on arrive à un événement de networking, quand il y a quelqu'un qui est timide, qui n'a pas confiance en lui, qui ne sait pas comment aller vers les autres, c'est très bien qu'il y ait quelqu'un qui organise les rencontres, qui mette un peu de process pour rassurer et pour donner un peu des rails sur lesquels se poser. Et du coup, pour moi, le facilitateur en pédagogie active, c'est ça qu'il fait. Il crée l'environnement. Et une fois que l'environnement est posé et que l'apprenant va à la rencontre de l'environnement, le facilitateur est là pour aider les apprenants qui auraient des blocages, soit cognitifs, comportementaux, ou qui n'ont pas confiance en eux. Donc des blocages émotionnels et tout. Le facilitateur, il est là, lui, pour aller repérer les endroits où il y a des petits blocages et aller fluidifier, soit en donnant des billes, soit en accompagnant sur certains moments clés.

  • Speaker #0

    Depuis le début de notre enregistrement, on parle, sans les nommer, du corps et des émotions. Comment décrire leur place ? Comment décrire leur importance ?

  • Speaker #1

    On est dans une civilisation où on est tout le temps, tout le temps dans le mental et on n'est jamais dans le corps. Et ça, comment on veut construire du lien, de l'entraide, du faire ensemble, si on n'a pas déjà conscience de tout ce qui se passe dans nos corps, de toutes les émotions qui nous dirigent ? À part quand on commence à faire de la méditation, de la pleine conscience, du travail thérapeutique et tout, on est quand même très peu conscient, en tant qu'être humain normal, enfin la personne moyenne a très peu conscience de ce qui déclenche ses émotions, de comment elle vit ses émotions, de où se situent les émotions dans le corps et tout. Donc en fait on a... En tant que société, on n'a pas assez d'éducation à ces sujets-là. C'est d'autant plus fort dans le domaine de la formation, parce que dans le domaine de la formation, on a la prétention, entre guillemets, d'aider les autres à grandir. Donc si on les fait grandir sur plein de dimensions, mais pas la dimension incarnée, on est en train de... De faire pousser les gens de manière un peu déséquilibrée. C'est comme si on avait un plan de tomates et on mettait que de la flotte et jamais de l'engrais.

  • Speaker #0

    Le corps, les émotions et j'ajoute, si vous le permettez, le verbe avec un V majuscule. Les mots sont aussi facteurs d'engagement.

  • Speaker #1

    Moi, le poids des mots, je le mets surtout dans ce qu'on appelle le copywriting, pour utiliser encore un mot corporate. Moi, quand j'écris, que ce soit des tutoriels, des consignes d'exercice et tout, je mets beaucoup d'émotions. J'ai un langage très actif avec une voix active. Je parle toujours directement aux étudiants, je m'inclus, je parle en première personne souvent aussi et j'évite beaucoup le jargon. C'est-à-dire que moi, les mots techniques, je les mets toujours après une petite image qui va leur parler, qui va évoquer un truc très visuel. Donc moi, le langage, j'y fais surtout attention dans ce sens-là. Après, dans ta question, ça me fait penser à un autre truc, et c'est un truc dont on parle dans mon master sur l'inaction, parce que c'est extrêmement important, c'est le fait de l'engager. De l'engager, c'est entrer en langage, entrer en communication avec les autres. Ça ne présuppose pas d'un verbe ou de mot particulier, mais c'est l'acte d'entrer en communication avec vraiment l'envie de créer du commun. Et pour moi, c'est plus ça qui manque dans le verbe qu'on a aujourd'hui, c'est que ce n'est pas du verbe qui est là pour. permettre une entrée en communication et un partage. C'est du verbe qui est là pour imposer des idées, mettre dans des silos et plus isoler les gens que les rassembler.

  • Speaker #0

    Pour conclure cet épisode, une question que l'on pose régulièrement à nos intervenants. Avez-vous une pratique de facilitation qui est vos faveurs ?

  • Speaker #1

    Ça va être une pratique pédagogique. qui dépasse un peu le cadre de la facilitation, parce qu'on entend souvent facilitation sur des temps assez courts. Mais j'ai quand même, moi, personnellement, une grosse faveur pour la pédagogie par projet, même si je l'utilise avec beaucoup de parcimonie et où j'adapte à chaque fois mon approche au contexte et tout ça. Mais cette pratique de mettre des apprenants dans des environnements complexes et de les aider à naviguer la complexité du monde m'intéresse beaucoup parce que je sais, pour l'avoir vécu moi-même en tant qu'apprenant, que ça peut débloquer vraiment des choses extrêmement puissantes sur le rapport au monde, sur notre attitude, sur les croyances. Donc je suis vraiment très attachée à cette transformation que permet une pédagogie par projet. Après, récemment, ce qui m'intéresse de plus en plus, c'est de voir comment mettre des moments de pleine conscience, de méditation, de redescendre dans le corps, avant les actes d'apprentissage. Donc ça pour le coup, c'est vachement plus réduit en temps, parce que ça peut durer que 5-10 minutes, mais ça a une influence assez profonde sur ce qui va se passer après dans la tête de l'apprenant, parce qu'on l'a rendu très disponible et qu'on lui a permis un retour à soi, et qu'on l'a respecté, on l'a reconnu et on lui a permis de se recentrer sur lui-même en tant qu'être humain, avant de lui demander de faire quelque chose en tant qu'apprenant. à la fois très large avec la pédagogie par projet et très réduit avec la méditation. C'est mes deux pratiques favorites en ce moment.

  • Speaker #0

    Nous arrivons au terme de cet épisode. Laurie Mézard, vous avez le mot de la fin.

  • Speaker #1

    Déjà, merci pour cet échange qui a été vachement plus sur le fond que je ne m'y attendais. Avec le titre Engagement, j'avais une... une crainte de devoir parler truc et astuce, et en fait je suis ravie d'avoir pu parler sur le fond. Et si je pouvais conclure, je dirais que il faut que les... J'invite les facilitateurs à oser plus, à laisser plus de place aux apprenants, justement pour qu'ils puissent s'engager pleinement. Donc c'est prendre le risque que certains des fois n'y aillent pas, mais à partir du moment où on laisse vraiment un grand champ... que l'apprenant peut exploiter, dans lequel il peut s'investir, ça lui laisse aussi vraiment beaucoup d'espace pour se déployer à l'intérieur de ce champ. Donc c'est un risque, mais la récompense, c'est un apprenant qui a les ailes entièrement déployées dans l'espace.

  • Speaker #0

    Merci Laurie Mézard pour votre participation. Merci à vous, chers auditeurs. Pour aller plus loin, découvrez la Masterclass Facilitateur d'apprenant sur le site www.learning.coach. Vous retrouverez cet épisode, comme tous ceux qui l'ont précédé, sur le site internet. trendy.io, sur nos réseaux sociaux et sur l'ensemble des plateformes d'écoute. A très bientôt pour le prochain épisode.

Description

Dans cet épisode, Laurie Mézard explore l’utilisation des pédagogies actives et l’importance de l’engagement dans l’apprentissage. Elle souligne la nécessité de créer un environnement propice à l’émergence des idées, permettant aux apprenants de réaliser qu’ils possèdent des ressources internes valorisables. Laurie aborde la complexité de plonger dans les aspects personnels et intimes des apprenants, ce qui exige un cadre sécurisé et de non-jugement, comparable à celui d’un groupe de thérapie. Elle discute également du rôle crucial de l’engagement du formateur, équivalent à la motivation intrinsèque de l’apprenant, et de la pédagogie active, qui invite à transformer et interagir avec le matériel d’apprentissage, le considérant comme un « partenaire de combat ».


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    Vous écoutez Learning Coach by Trendy, le podcast qui part à la rencontre de ceux qui ont maîtrisé l'art d'apprendre et de former. Tout au long de cette saison, nous vous invitons à un voyage au cœur de l'innovation pédagogique, là où les rôles de formateur et de facilitateur s'entrelacent pour stimuler l'autonomie et l'engagement de vos apprenants. Dans cette série d'échanges, les conseils pratiques et les expériences personnelles de nos invités vous inspireront vers une maîtrise renouvelée de l'art d'accompagner l'apprentissage. Bienvenue dans ce nouvel épisode de Learning Coach, bienvenue à notre invité Laurie Mézard, avec qui nous allons évoquer la question des pédagogies actives et de l'impact d'une pédagogie engageante. Et pour bien débuter, pouvez-vous s'il vous plaît compléter votre présentation et nous donner, puisque c'est d'elle dont nous parlons, votre définition de la facilitation en formation. Comment s'applique-t-elle ? Quelles en sont les interactions ? Finalement, quels bénéfices qu'elles apportent ?

  • Speaker #1

    Je crée des expériences d'apprentissage en utilisant un mix de modalités pédagogiques. J'essaie de rester très loin du dogmatisme pour que ça soit à la fois très engageant, très efficace et puis que ça construise un rapport à l'apprentissage qui développe une certaine autonomie et une envie chez l'apprenant de continuer longtemps après la formation. Pour moi, la facilitation, c'est le fait de créer un environnement. et des modalités d'interaction dans cet environnement qui vont permettre de faire émerger des réflexions, des relations, des moments de... de connexion à soi et aux autres, qui vont faire qu'on va apprendre de ces moments et à l'intérieur de ces moments. Ce n'est pas forcément incompatible avec des séquences plus descendantes. Pour moi, une séquence de facilitation a sa place dans une formation, par exemple, certifiante. Mais ça va être des moments où l'apport n'est vraiment pas du tout extérieur. On va travailler avec ce qui émerge chez les apprenants. Et du coup, les bénéfices sont doubles. Pour moi, déjà, il y a un gros bénéfice sur l'autonomie. Parce qu'à ce moment-là, on fait prendre conscience aux apprenants qu'ils ont des ressources à l'intérieur, et qu'en faisant émerger ces ressources, ils ne sont pas forcément obligés d'aller s'appuyer sur des ressources extérieures, des profs, des référents, des sachants, qu'ils ont quelque chose en eux qui a déjà de la valeur et qu'ils peuvent exploiter. Et le deuxième truc, c'est justement d'aller, pour les transformer en profondeur, c'est d'aller... racler un peu le fond de la personne, faire remonter ça, et du coup pouvoir travailler et transformer vraiment l'être. C'est convoquer la personnalité entière de la personne à ce moment-là, pour pouvoir la transformer. C'est ça pour moi l'intérêt.

  • Speaker #0

    Aller chercher, racler le fond de la personne, ce sont quelques propos qui m'interpellent et qui auront certainement interpellé nos auditeurs. À quel moment, à quelle formation, à quelle situation cela peut-il se référer ?

  • Speaker #1

    Je pense que ça dépend de l'objet dans la séquence de formation, de l'objet qu'on est en train de travailler. Pour des compétences techniques, ce n'est pas forcément nécessaire. Par contre, pour tout ce qui est soft skills ou ce qu'on appelle le apprendre à apprendre, développer la métacognition. ça, ça va être nécessaire quand même d'aller convoquer les représentations, les croyances pour pouvoir les transformer. Pareil, quand on fait des retours réflexifs après un apprentissage qui soit court, ou que ça soit un gros projet, ou quelle que soit la temporalité ou la complexité de l'apprentissage, si on veut aller défricher ce qui s'est passé, à un moment, il faut quand même aller chercher ce qui a été en jeu pour la personne dans l'expérience. Donc je pense que c'est applicable. à tous les sujets de formation. Après, ça dépend des objectifs pédagogiques du formateur à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Est-ce simple d'aller, pardon pour l'expression, fouiller dans du personnel, voire de l'intime ? Est-ce simple d'obtenir l'adhésion des participants ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simple du tout. Il faut un vrai cadre de sécurité et un vrai cadre de non-jugement. En fait, je compare presque ça au cadre qu'on met dans des groupes de parole ou des groupes de thérapie, c'est-à-dire où on pose le fait que là, on est en train de partager un moment qui ne va pas être derrière sujet à débat et où tout est accepté et où tout est OK. Parce qu'en fait, à ce moment-là, il faut que chacun puisse amener ce qu'il est et qu'il ne rencontre aucune... Barrière, parce qu'en fait c'est hyper insécurisant de se montrer d'un coup oser et puis se manger un jugement. Donc il faut vraiment que le facilitateur soit capable d'instaurer ce cadre et qu'il soit capable de le porter, de l'incarner. Parce qu'en fait il ne s'agit pas de marquer trois consignes sur un tableau, il faut aussi que tout dans le langage verbal et non verbal du facilitateur passe ça. Donc dès que quelqu'un, par exemple quelqu'un qui ne veut pas s'engager, sur l'atelier pratique narrative que j'ai fait la dernière fois, Il y a une personne qui n'a pas voulu réécrire son histoire. Je lui dis, c'est bon, c'est OK, en fait, il n'y a pas de souci, on peut continuer à discuter, on fait autre chose pendant que les autres écrivent leur histoire. Et elle a adoré aussi l'atelier, même si elle n'a pas fait ça. Donc en fait, il faut accepter de prendre chacun où il en est, et ça c'est au facilitateur ou à la facilitatrice de le porter. Et c'est pas du tout évident. Ce début d'atelier, je reprends cet exemple parce qu'il est très récent, des pratiques narratives, il y a une participante, dès qu'on a ouvert le sujet de l'identité et du récit de soi, Elle, très militante dans certains milieux, elle a tout de suite ramené le sujet, mais de manière un peu sèche en plus, à ses préoccupations et à me dire qu'on a plusieurs identités, machin, machin, et a ramené ça sur son contexte théorique. Et du coup, il a fallu que moi je navigue un peu avec ça, que je l'accepte, que je le valorise pour après l'emmener, l'embarquer dans le reste de l'atelier avec les autres. Donc ça demande beaucoup de souplesse de l'encadrement.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités qui ne s'improvisent pas et qui se travaillent.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Qui se travaillent et qui sont... Enfin, qui se travaille presque, j'allais dire d'un point de vue, ça se travaille presque de manière thérapeutique. C'est-à-dire qu'il faut avoir fait un grand travail sur soi-même pour ne pas réagir à ce qui agite les autres. Il faut rester la référence neutre et bienveillante qui laisse s'exprimer les pics d'émotion sans se laisser dépasser. Donc ça demande effectivement un gros, gros travail sur soi-même. Et ça demande de travailler son rapport à l'émergent, c'est-à-dire accepter l'inconnu, accepter ce qui vient, se dire que tout ce qui émerge à ce moment-là dans le groupe, c'est ce qui devait émerger et que tout est acceptable, à part évidemment les sorties de cadre, mais que toute réaction est légitime en fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la première fois que nos invités évoquent ce que je vais nommer un chaos, ce que vous venez également de décrire. Est-ce une étape nécessaire, voire un point de départ indispensable ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que le chaos soit absolument nécessaire si tout le monde sait exactement pourquoi il est là. Mais le problème, c'est qu'en général, les gens ne savent pas pourquoi ils sont là, ils ne sont pas alignés, et du coup, c'est le fer organisme au début, qui soit toutes les cellules vont dans la même direction, soit elles n'y vont pas encore et il y a un moment de chaos. Mais tu vois, ce que tu me dis, ça me fait penser... Il y a deux ans, Denis a organisé un forum ouvert à Bédarieux, et ce n'était pas facilité. C'est-à-dire que son objectif, c'était d'expérimenter un forum ouvert non facilité. Et du coup, on était quoi ? On était 25, et c'était... Le premier jour, il n'y a pas d'ordre du jour qui a été posé, il devait être co-construit par les participants. Et ça a été... un joyeux bordel, mais pendant au moins un jour et demi, où personne ne savait pourquoi il était là, et où dès que quelqu'un parlait, moi j'avais l'impression d'avoir une petite radio, et dès qu'une nouvelle personne parlait, je devais changer de fréquence, parce qu'on n'était pas alignés. Et ce moment de devoir rester justement dans le chaos, et attendre qu'on se mette tous un peu sur la même longueur d'onde, et que petit à petit, le petit organisme s'aligne, et il se met à vibrer ensemble, jusqu'à ce qu'il y ait un but commun. C'était... extrêmement apprenant de le vivre comme ça, de le voir, de le vivre pleinement sans avoir quelqu'un qui porte le cadre et qui dit Non, attendez, moi je sais comment faire pour que la dynamique de groupe avance dans le bon sens. On va faire ci, on va faire ça. Et de juste le laisser émerger, ça a vraiment fait laboratoire où là on l'a vu se passer en live et dans toute la complexité. C'était très rigolo. Mais du coup, je pense que le chaos vient quand il n'y a pas le cadre et le cadre naît du chaos.

  • Speaker #0

    Venons-en maintenant au sujet principal de notre épisode, la pédagogie engageante. De quoi parlons-nous ?

  • Speaker #1

    Moi, je mettrais la pédagogie engageante sur un niveau comparable avec la motivation intrinsèque. L'engagement et la motivation, ce ne sont pas les mêmes mécanismes exactement, mais pour moi, une pédagogie engageante, c'est quelque chose qui va permettre un élan qui vient de l'apprenant et qui va nourrir cet élan en continu. Donc c'est pas le fait d'organiser des activités où les apprenants sont tout le temps en mouvement et du coup toute la journée on les a un petit peu réveillés. Pour moi ça c'est pas ça une pédagogie engageante. Ça va plutôt être quelque chose qui va aller allumer le feu et garder les braises allumées tout au long de la formation.

  • Speaker #0

    Ça veut dire quoi allumer le feu ?

  • Speaker #1

    Ça c'est l'aspect un peu... magique, qui est un peu difficile à expliquer. Pour moi, il y a plusieurs composantes. Déjà, il y a la relation qui est créée avec l'apprenant. C'est-à-dire, est-ce qu'on arrive à l'embarquer dans une aventure d'apprentissage ? Ça, ça demande soi-même d'avoir identifié et de vivre pleinement les émotions liées à l'objet d'apprentissage. C'est-à-dire que si je ne suis pas passionnée par le truc et que moi-même je n'ai pas identifié des trucs que je trouve rigolos, incroyables, saisissants, machin, je n'arriverai pas à engager l'apprenant dans ce rapport-là avec l'objet d'apprentissage. Après, il y a le fait aussi de créer une communauté d'apprentissage, c'est-à-dire créer de l'entraide, de la camaraderie et le sentiment d'avancer tous ensemble vers le même but commun. Et puis aller chercher justement d'un point de vue... individuelle, au-delà des buts communs du groupe, c'est quoi le rapport individuel que la personne a avec l'objet d'apprentissage, pourquoi elle veut l'apprendre et en quoi ça résonne avec ses valeurs. Donc c'est en gros préparer le terrain en amont. et préparer l'environnement pour qu'il y ait une relation solide qui puisse se construire sur le long cours. Donc c'est ça, allumer le feu, c'est préparer toutes les raisons de la motivation, permettre à l'apprenant d'être reconnu et de se relier aux autres.

  • Speaker #0

    Lorsque j'entends parler d'engagement, il s'agit souvent de celui de l'apprenant. J'entends bien plus rarement parler de celui du formateur.

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'on n'en parle pas beaucoup. Après, moi, dans mes cercles de formateurs, la plupart des formateurs ressentent une grosse responsabilité vis-à-vis de l'objet et sont bien conscients quand même que c'est eux qui portent partie de cet engagement par eux, leur passion et leur engagement envers leurs apprenants. Ce n'est pas un impensé, mais c'est peut-être un non-dit, parce que je ne sais pas pourquoi il serait un non-dit d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Ne serait-ce pas une posture de neutralité du formateur, comme on le voit souvent par exemple dans des formations digitales ?

  • Speaker #1

    Avoir un formateur neutre en face de moi, il n'y a rien qui me rend plus folle. Pour moi, ça n'a aucun intérêt. Je peux lire un bouquin ou une encyclopédie. Il y a des bouquins très bien où justement, il y a de l'opinion et pour moi, c'est ça qui est intéressant. C'est pour ça que ChatGPT me rend un peu folle aussi, parce qu'en fait, on perd complètement. la pensée singulière de la personne qui porte le sujet, avec laquelle on peut être d'accord ou pas, mais qui l'incarne avec ses émotions, et qui le fait vivre le sujet. Si on n'est pas capable, même en digital learning, on peut très bien écrire des tutos ou faire des vidéos où il y a beaucoup d'émotions et où il y a beaucoup d'implications de la personne qui écrit, c'est pas antinomique. Et pour moi, le but de se former avec quelqu'un, c'est d'avoir son opinion en tant que personne. Je vois pas l'intérêt sinon d'aller interagir avec un autre être humain. Après, on peut se positionner selon nos valeurs. On a un formateur qui a un avis très tranché sur un truc, et chez nous, parce qu'on a des valeurs différentes, on va être un peu braqué, Ah bah non, j'aime pas ce qu'il dit, je suis pas d'accord. Ouais, bah ok, mais du coup, je me suis positionnée et j'ai intégré des émotions à ce que je suis en train d'apprendre. Donc c'est ok. Je viens de faire un stage de 4 jours de Kung Fu et de Tai Chi, et mon prof, il est tout le temps dans l'émotion, ce qui l'empêche pas d'être d'une rigueur extrême. évidemment quand il nous fait pratiquer l'art, mais c'est le fait qu'il porte son sujet, qu'il soit autant passionné, qu'il le partage avec autant d'excitation, qui fait qu'il nous embarque tous. Pour moi, l'engagement du formateur est un prérequis à l'engagement des apprenants.

  • Speaker #0

    L'engagement, ce n'est pas un vœu ou un souhait, c'est un combat, c'est une lutte.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Moi, je me souviens de m'être un peu, pas accrochée, mais d'avoir débattu avec des étudiants de certains sujets. Et en fait, quand ils commencent à débattre et à être pas d'accord, alors déjà nous, même si ça nous met un peu en insécurité, ça nous oblige quand même à aller consolider nos propos. Donc c'est bien, ça nous oblige à aller plus loin dans ce qu'on... dans ce qu'on pratique en tant que formateur. Mais eux, du coup, ça veut dire qu'ils sont emparés émotionnellement du sujet. Parce qu'on ne débat pas d'un truc dont on n'a rien à faire. Donc ça veut dire qu'ils sont à fond dans le sujet et suffisamment pour... Et c'est là où la posture du formateur est hyper importante. C'est suffisamment pour être OK de mettre le formateur en défaut là-dessus. C'est le meilleur moment, finalement. C'est quand l'étudiant est suffisamment en confiance, en sécurité et intéressé pour remettre en question ce qu'on vient de dire. Ça, c'est trop bien.

  • Speaker #0

    Et donc, quel est alors le rôle de la pédagogie active ?

  • Speaker #1

    La pédagogie active, c'est celle qui va créer l'environnement, qui va faire apparaître ces éléments nouveaux et qui va demander à ce qu'ils soient intégrés, à ce qu'il y ait du sens qui soit créé à partir de cette rencontre entre ce qu'on croyait et ce qui arrive de nouveau. Pour moi, les pédagogies actives, c'est... Alors déjà, ça recouvre... Beaucoup de choses, même du descendant peut être de la pédagogie active quand il y a des questions, des histoires, des machins. Et ça va être la rencontre avec du nouveau. Et c'est organiser cette rencontre en fait.

  • Speaker #0

    Je crois que nous atteignons le bon moment pour poser une définition sur la pédagogie active.

  • Speaker #1

    Alors je vais faire une définition qui se mord la queue. Pour moi, la pédagogie active, c'est des modalités d'apprentissage qui vont faire que l'apprenant va devoir transformer ce qu'on lui apporte. Ce n'est pas juste transmettre quelque chose qu'il doit accepter tel quel, il va y avoir une confrontation avec l'objet d'apprentissage et une interaction forte avec lui. Donc ça peut se faire via des échanges avec les pairs structurés, ça peut se faire via de l'expérimentation, ça peut se faire via une rencontre avec un conférencier inspirant qui va poser plein de questions pendant la rencontre et qui va créer ce déclic. Mais c'est vraiment l'objet d'apprentissage comme un peu un partenaire de combat, quelque chose avec lequel on va interagir, avec lequel on va faire des allers-retours.

  • Speaker #0

    Comment établit-on le lien entre pédagogie active et posture du facilitateur ?

  • Speaker #1

    En pédagogie active, du coup, on va organiser une rencontre, mais il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui facilite cette rencontre. Un peu comme quand on arrive à un événement de networking, quand il y a quelqu'un qui est timide, qui n'a pas confiance en lui, qui ne sait pas comment aller vers les autres, c'est très bien qu'il y ait quelqu'un qui organise les rencontres, qui mette un peu de process pour rassurer et pour donner un peu des rails sur lesquels se poser. Et du coup, pour moi, le facilitateur en pédagogie active, c'est ça qu'il fait. Il crée l'environnement. Et une fois que l'environnement est posé et que l'apprenant va à la rencontre de l'environnement, le facilitateur est là pour aider les apprenants qui auraient des blocages, soit cognitifs, comportementaux, ou qui n'ont pas confiance en eux. Donc des blocages émotionnels et tout. Le facilitateur, il est là, lui, pour aller repérer les endroits où il y a des petits blocages et aller fluidifier, soit en donnant des billes, soit en accompagnant sur certains moments clés.

  • Speaker #0

    Depuis le début de notre enregistrement, on parle, sans les nommer, du corps et des émotions. Comment décrire leur place ? Comment décrire leur importance ?

  • Speaker #1

    On est dans une civilisation où on est tout le temps, tout le temps dans le mental et on n'est jamais dans le corps. Et ça, comment on veut construire du lien, de l'entraide, du faire ensemble, si on n'a pas déjà conscience de tout ce qui se passe dans nos corps, de toutes les émotions qui nous dirigent ? À part quand on commence à faire de la méditation, de la pleine conscience, du travail thérapeutique et tout, on est quand même très peu conscient, en tant qu'être humain normal, enfin la personne moyenne a très peu conscience de ce qui déclenche ses émotions, de comment elle vit ses émotions, de où se situent les émotions dans le corps et tout. Donc en fait on a... En tant que société, on n'a pas assez d'éducation à ces sujets-là. C'est d'autant plus fort dans le domaine de la formation, parce que dans le domaine de la formation, on a la prétention, entre guillemets, d'aider les autres à grandir. Donc si on les fait grandir sur plein de dimensions, mais pas la dimension incarnée, on est en train de... De faire pousser les gens de manière un peu déséquilibrée. C'est comme si on avait un plan de tomates et on mettait que de la flotte et jamais de l'engrais.

  • Speaker #0

    Le corps, les émotions et j'ajoute, si vous le permettez, le verbe avec un V majuscule. Les mots sont aussi facteurs d'engagement.

  • Speaker #1

    Moi, le poids des mots, je le mets surtout dans ce qu'on appelle le copywriting, pour utiliser encore un mot corporate. Moi, quand j'écris, que ce soit des tutoriels, des consignes d'exercice et tout, je mets beaucoup d'émotions. J'ai un langage très actif avec une voix active. Je parle toujours directement aux étudiants, je m'inclus, je parle en première personne souvent aussi et j'évite beaucoup le jargon. C'est-à-dire que moi, les mots techniques, je les mets toujours après une petite image qui va leur parler, qui va évoquer un truc très visuel. Donc moi, le langage, j'y fais surtout attention dans ce sens-là. Après, dans ta question, ça me fait penser à un autre truc, et c'est un truc dont on parle dans mon master sur l'inaction, parce que c'est extrêmement important, c'est le fait de l'engager. De l'engager, c'est entrer en langage, entrer en communication avec les autres. Ça ne présuppose pas d'un verbe ou de mot particulier, mais c'est l'acte d'entrer en communication avec vraiment l'envie de créer du commun. Et pour moi, c'est plus ça qui manque dans le verbe qu'on a aujourd'hui, c'est que ce n'est pas du verbe qui est là pour. permettre une entrée en communication et un partage. C'est du verbe qui est là pour imposer des idées, mettre dans des silos et plus isoler les gens que les rassembler.

  • Speaker #0

    Pour conclure cet épisode, une question que l'on pose régulièrement à nos intervenants. Avez-vous une pratique de facilitation qui est vos faveurs ?

  • Speaker #1

    Ça va être une pratique pédagogique. qui dépasse un peu le cadre de la facilitation, parce qu'on entend souvent facilitation sur des temps assez courts. Mais j'ai quand même, moi, personnellement, une grosse faveur pour la pédagogie par projet, même si je l'utilise avec beaucoup de parcimonie et où j'adapte à chaque fois mon approche au contexte et tout ça. Mais cette pratique de mettre des apprenants dans des environnements complexes et de les aider à naviguer la complexité du monde m'intéresse beaucoup parce que je sais, pour l'avoir vécu moi-même en tant qu'apprenant, que ça peut débloquer vraiment des choses extrêmement puissantes sur le rapport au monde, sur notre attitude, sur les croyances. Donc je suis vraiment très attachée à cette transformation que permet une pédagogie par projet. Après, récemment, ce qui m'intéresse de plus en plus, c'est de voir comment mettre des moments de pleine conscience, de méditation, de redescendre dans le corps, avant les actes d'apprentissage. Donc ça pour le coup, c'est vachement plus réduit en temps, parce que ça peut durer que 5-10 minutes, mais ça a une influence assez profonde sur ce qui va se passer après dans la tête de l'apprenant, parce qu'on l'a rendu très disponible et qu'on lui a permis un retour à soi, et qu'on l'a respecté, on l'a reconnu et on lui a permis de se recentrer sur lui-même en tant qu'être humain, avant de lui demander de faire quelque chose en tant qu'apprenant. à la fois très large avec la pédagogie par projet et très réduit avec la méditation. C'est mes deux pratiques favorites en ce moment.

  • Speaker #0

    Nous arrivons au terme de cet épisode. Laurie Mézard, vous avez le mot de la fin.

  • Speaker #1

    Déjà, merci pour cet échange qui a été vachement plus sur le fond que je ne m'y attendais. Avec le titre Engagement, j'avais une... une crainte de devoir parler truc et astuce, et en fait je suis ravie d'avoir pu parler sur le fond. Et si je pouvais conclure, je dirais que il faut que les... J'invite les facilitateurs à oser plus, à laisser plus de place aux apprenants, justement pour qu'ils puissent s'engager pleinement. Donc c'est prendre le risque que certains des fois n'y aillent pas, mais à partir du moment où on laisse vraiment un grand champ... que l'apprenant peut exploiter, dans lequel il peut s'investir, ça lui laisse aussi vraiment beaucoup d'espace pour se déployer à l'intérieur de ce champ. Donc c'est un risque, mais la récompense, c'est un apprenant qui a les ailes entièrement déployées dans l'espace.

  • Speaker #0

    Merci Laurie Mézard pour votre participation. Merci à vous, chers auditeurs. Pour aller plus loin, découvrez la Masterclass Facilitateur d'apprenant sur le site www.learning.coach. Vous retrouverez cet épisode, comme tous ceux qui l'ont précédé, sur le site internet. trendy.io, sur nos réseaux sociaux et sur l'ensemble des plateformes d'écoute. A très bientôt pour le prochain épisode.

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Description

Dans cet épisode, Laurie Mézard explore l’utilisation des pédagogies actives et l’importance de l’engagement dans l’apprentissage. Elle souligne la nécessité de créer un environnement propice à l’émergence des idées, permettant aux apprenants de réaliser qu’ils possèdent des ressources internes valorisables. Laurie aborde la complexité de plonger dans les aspects personnels et intimes des apprenants, ce qui exige un cadre sécurisé et de non-jugement, comparable à celui d’un groupe de thérapie. Elle discute également du rôle crucial de l’engagement du formateur, équivalent à la motivation intrinsèque de l’apprenant, et de la pédagogie active, qui invite à transformer et interagir avec le matériel d’apprentissage, le considérant comme un « partenaire de combat ».


Retrouvez toutes les ressources gratuites créées par Traindy pour la communauté pédagogique sur www.traindy.io.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez Learning Coach by Trendy, le podcast qui part à la rencontre de ceux qui ont maîtrisé l'art d'apprendre et de former. Tout au long de cette saison, nous vous invitons à un voyage au cœur de l'innovation pédagogique, là où les rôles de formateur et de facilitateur s'entrelacent pour stimuler l'autonomie et l'engagement de vos apprenants. Dans cette série d'échanges, les conseils pratiques et les expériences personnelles de nos invités vous inspireront vers une maîtrise renouvelée de l'art d'accompagner l'apprentissage. Bienvenue dans ce nouvel épisode de Learning Coach, bienvenue à notre invité Laurie Mézard, avec qui nous allons évoquer la question des pédagogies actives et de l'impact d'une pédagogie engageante. Et pour bien débuter, pouvez-vous s'il vous plaît compléter votre présentation et nous donner, puisque c'est d'elle dont nous parlons, votre définition de la facilitation en formation. Comment s'applique-t-elle ? Quelles en sont les interactions ? Finalement, quels bénéfices qu'elles apportent ?

  • Speaker #1

    Je crée des expériences d'apprentissage en utilisant un mix de modalités pédagogiques. J'essaie de rester très loin du dogmatisme pour que ça soit à la fois très engageant, très efficace et puis que ça construise un rapport à l'apprentissage qui développe une certaine autonomie et une envie chez l'apprenant de continuer longtemps après la formation. Pour moi, la facilitation, c'est le fait de créer un environnement. et des modalités d'interaction dans cet environnement qui vont permettre de faire émerger des réflexions, des relations, des moments de... de connexion à soi et aux autres, qui vont faire qu'on va apprendre de ces moments et à l'intérieur de ces moments. Ce n'est pas forcément incompatible avec des séquences plus descendantes. Pour moi, une séquence de facilitation a sa place dans une formation, par exemple, certifiante. Mais ça va être des moments où l'apport n'est vraiment pas du tout extérieur. On va travailler avec ce qui émerge chez les apprenants. Et du coup, les bénéfices sont doubles. Pour moi, déjà, il y a un gros bénéfice sur l'autonomie. Parce qu'à ce moment-là, on fait prendre conscience aux apprenants qu'ils ont des ressources à l'intérieur, et qu'en faisant émerger ces ressources, ils ne sont pas forcément obligés d'aller s'appuyer sur des ressources extérieures, des profs, des référents, des sachants, qu'ils ont quelque chose en eux qui a déjà de la valeur et qu'ils peuvent exploiter. Et le deuxième truc, c'est justement d'aller, pour les transformer en profondeur, c'est d'aller... racler un peu le fond de la personne, faire remonter ça, et du coup pouvoir travailler et transformer vraiment l'être. C'est convoquer la personnalité entière de la personne à ce moment-là, pour pouvoir la transformer. C'est ça pour moi l'intérêt.

  • Speaker #0

    Aller chercher, racler le fond de la personne, ce sont quelques propos qui m'interpellent et qui auront certainement interpellé nos auditeurs. À quel moment, à quelle formation, à quelle situation cela peut-il se référer ?

  • Speaker #1

    Je pense que ça dépend de l'objet dans la séquence de formation, de l'objet qu'on est en train de travailler. Pour des compétences techniques, ce n'est pas forcément nécessaire. Par contre, pour tout ce qui est soft skills ou ce qu'on appelle le apprendre à apprendre, développer la métacognition. ça, ça va être nécessaire quand même d'aller convoquer les représentations, les croyances pour pouvoir les transformer. Pareil, quand on fait des retours réflexifs après un apprentissage qui soit court, ou que ça soit un gros projet, ou quelle que soit la temporalité ou la complexité de l'apprentissage, si on veut aller défricher ce qui s'est passé, à un moment, il faut quand même aller chercher ce qui a été en jeu pour la personne dans l'expérience. Donc je pense que c'est applicable. à tous les sujets de formation. Après, ça dépend des objectifs pédagogiques du formateur à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Est-ce simple d'aller, pardon pour l'expression, fouiller dans du personnel, voire de l'intime ? Est-ce simple d'obtenir l'adhésion des participants ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simple du tout. Il faut un vrai cadre de sécurité et un vrai cadre de non-jugement. En fait, je compare presque ça au cadre qu'on met dans des groupes de parole ou des groupes de thérapie, c'est-à-dire où on pose le fait que là, on est en train de partager un moment qui ne va pas être derrière sujet à débat et où tout est accepté et où tout est OK. Parce qu'en fait, à ce moment-là, il faut que chacun puisse amener ce qu'il est et qu'il ne rencontre aucune... Barrière, parce qu'en fait c'est hyper insécurisant de se montrer d'un coup oser et puis se manger un jugement. Donc il faut vraiment que le facilitateur soit capable d'instaurer ce cadre et qu'il soit capable de le porter, de l'incarner. Parce qu'en fait il ne s'agit pas de marquer trois consignes sur un tableau, il faut aussi que tout dans le langage verbal et non verbal du facilitateur passe ça. Donc dès que quelqu'un, par exemple quelqu'un qui ne veut pas s'engager, sur l'atelier pratique narrative que j'ai fait la dernière fois, Il y a une personne qui n'a pas voulu réécrire son histoire. Je lui dis, c'est bon, c'est OK, en fait, il n'y a pas de souci, on peut continuer à discuter, on fait autre chose pendant que les autres écrivent leur histoire. Et elle a adoré aussi l'atelier, même si elle n'a pas fait ça. Donc en fait, il faut accepter de prendre chacun où il en est, et ça c'est au facilitateur ou à la facilitatrice de le porter. Et c'est pas du tout évident. Ce début d'atelier, je reprends cet exemple parce qu'il est très récent, des pratiques narratives, il y a une participante, dès qu'on a ouvert le sujet de l'identité et du récit de soi, Elle, très militante dans certains milieux, elle a tout de suite ramené le sujet, mais de manière un peu sèche en plus, à ses préoccupations et à me dire qu'on a plusieurs identités, machin, machin, et a ramené ça sur son contexte théorique. Et du coup, il a fallu que moi je navigue un peu avec ça, que je l'accepte, que je le valorise pour après l'emmener, l'embarquer dans le reste de l'atelier avec les autres. Donc ça demande beaucoup de souplesse de l'encadrement.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités qui ne s'improvisent pas et qui se travaillent.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Qui se travaillent et qui sont... Enfin, qui se travaille presque, j'allais dire d'un point de vue, ça se travaille presque de manière thérapeutique. C'est-à-dire qu'il faut avoir fait un grand travail sur soi-même pour ne pas réagir à ce qui agite les autres. Il faut rester la référence neutre et bienveillante qui laisse s'exprimer les pics d'émotion sans se laisser dépasser. Donc ça demande effectivement un gros, gros travail sur soi-même. Et ça demande de travailler son rapport à l'émergent, c'est-à-dire accepter l'inconnu, accepter ce qui vient, se dire que tout ce qui émerge à ce moment-là dans le groupe, c'est ce qui devait émerger et que tout est acceptable, à part évidemment les sorties de cadre, mais que toute réaction est légitime en fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la première fois que nos invités évoquent ce que je vais nommer un chaos, ce que vous venez également de décrire. Est-ce une étape nécessaire, voire un point de départ indispensable ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que le chaos soit absolument nécessaire si tout le monde sait exactement pourquoi il est là. Mais le problème, c'est qu'en général, les gens ne savent pas pourquoi ils sont là, ils ne sont pas alignés, et du coup, c'est le fer organisme au début, qui soit toutes les cellules vont dans la même direction, soit elles n'y vont pas encore et il y a un moment de chaos. Mais tu vois, ce que tu me dis, ça me fait penser... Il y a deux ans, Denis a organisé un forum ouvert à Bédarieux, et ce n'était pas facilité. C'est-à-dire que son objectif, c'était d'expérimenter un forum ouvert non facilité. Et du coup, on était quoi ? On était 25, et c'était... Le premier jour, il n'y a pas d'ordre du jour qui a été posé, il devait être co-construit par les participants. Et ça a été... un joyeux bordel, mais pendant au moins un jour et demi, où personne ne savait pourquoi il était là, et où dès que quelqu'un parlait, moi j'avais l'impression d'avoir une petite radio, et dès qu'une nouvelle personne parlait, je devais changer de fréquence, parce qu'on n'était pas alignés. Et ce moment de devoir rester justement dans le chaos, et attendre qu'on se mette tous un peu sur la même longueur d'onde, et que petit à petit, le petit organisme s'aligne, et il se met à vibrer ensemble, jusqu'à ce qu'il y ait un but commun. C'était... extrêmement apprenant de le vivre comme ça, de le voir, de le vivre pleinement sans avoir quelqu'un qui porte le cadre et qui dit Non, attendez, moi je sais comment faire pour que la dynamique de groupe avance dans le bon sens. On va faire ci, on va faire ça. Et de juste le laisser émerger, ça a vraiment fait laboratoire où là on l'a vu se passer en live et dans toute la complexité. C'était très rigolo. Mais du coup, je pense que le chaos vient quand il n'y a pas le cadre et le cadre naît du chaos.

  • Speaker #0

    Venons-en maintenant au sujet principal de notre épisode, la pédagogie engageante. De quoi parlons-nous ?

  • Speaker #1

    Moi, je mettrais la pédagogie engageante sur un niveau comparable avec la motivation intrinsèque. L'engagement et la motivation, ce ne sont pas les mêmes mécanismes exactement, mais pour moi, une pédagogie engageante, c'est quelque chose qui va permettre un élan qui vient de l'apprenant et qui va nourrir cet élan en continu. Donc c'est pas le fait d'organiser des activités où les apprenants sont tout le temps en mouvement et du coup toute la journée on les a un petit peu réveillés. Pour moi ça c'est pas ça une pédagogie engageante. Ça va plutôt être quelque chose qui va aller allumer le feu et garder les braises allumées tout au long de la formation.

  • Speaker #0

    Ça veut dire quoi allumer le feu ?

  • Speaker #1

    Ça c'est l'aspect un peu... magique, qui est un peu difficile à expliquer. Pour moi, il y a plusieurs composantes. Déjà, il y a la relation qui est créée avec l'apprenant. C'est-à-dire, est-ce qu'on arrive à l'embarquer dans une aventure d'apprentissage ? Ça, ça demande soi-même d'avoir identifié et de vivre pleinement les émotions liées à l'objet d'apprentissage. C'est-à-dire que si je ne suis pas passionnée par le truc et que moi-même je n'ai pas identifié des trucs que je trouve rigolos, incroyables, saisissants, machin, je n'arriverai pas à engager l'apprenant dans ce rapport-là avec l'objet d'apprentissage. Après, il y a le fait aussi de créer une communauté d'apprentissage, c'est-à-dire créer de l'entraide, de la camaraderie et le sentiment d'avancer tous ensemble vers le même but commun. Et puis aller chercher justement d'un point de vue... individuelle, au-delà des buts communs du groupe, c'est quoi le rapport individuel que la personne a avec l'objet d'apprentissage, pourquoi elle veut l'apprendre et en quoi ça résonne avec ses valeurs. Donc c'est en gros préparer le terrain en amont. et préparer l'environnement pour qu'il y ait une relation solide qui puisse se construire sur le long cours. Donc c'est ça, allumer le feu, c'est préparer toutes les raisons de la motivation, permettre à l'apprenant d'être reconnu et de se relier aux autres.

  • Speaker #0

    Lorsque j'entends parler d'engagement, il s'agit souvent de celui de l'apprenant. J'entends bien plus rarement parler de celui du formateur.

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'on n'en parle pas beaucoup. Après, moi, dans mes cercles de formateurs, la plupart des formateurs ressentent une grosse responsabilité vis-à-vis de l'objet et sont bien conscients quand même que c'est eux qui portent partie de cet engagement par eux, leur passion et leur engagement envers leurs apprenants. Ce n'est pas un impensé, mais c'est peut-être un non-dit, parce que je ne sais pas pourquoi il serait un non-dit d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Ne serait-ce pas une posture de neutralité du formateur, comme on le voit souvent par exemple dans des formations digitales ?

  • Speaker #1

    Avoir un formateur neutre en face de moi, il n'y a rien qui me rend plus folle. Pour moi, ça n'a aucun intérêt. Je peux lire un bouquin ou une encyclopédie. Il y a des bouquins très bien où justement, il y a de l'opinion et pour moi, c'est ça qui est intéressant. C'est pour ça que ChatGPT me rend un peu folle aussi, parce qu'en fait, on perd complètement. la pensée singulière de la personne qui porte le sujet, avec laquelle on peut être d'accord ou pas, mais qui l'incarne avec ses émotions, et qui le fait vivre le sujet. Si on n'est pas capable, même en digital learning, on peut très bien écrire des tutos ou faire des vidéos où il y a beaucoup d'émotions et où il y a beaucoup d'implications de la personne qui écrit, c'est pas antinomique. Et pour moi, le but de se former avec quelqu'un, c'est d'avoir son opinion en tant que personne. Je vois pas l'intérêt sinon d'aller interagir avec un autre être humain. Après, on peut se positionner selon nos valeurs. On a un formateur qui a un avis très tranché sur un truc, et chez nous, parce qu'on a des valeurs différentes, on va être un peu braqué, Ah bah non, j'aime pas ce qu'il dit, je suis pas d'accord. Ouais, bah ok, mais du coup, je me suis positionnée et j'ai intégré des émotions à ce que je suis en train d'apprendre. Donc c'est ok. Je viens de faire un stage de 4 jours de Kung Fu et de Tai Chi, et mon prof, il est tout le temps dans l'émotion, ce qui l'empêche pas d'être d'une rigueur extrême. évidemment quand il nous fait pratiquer l'art, mais c'est le fait qu'il porte son sujet, qu'il soit autant passionné, qu'il le partage avec autant d'excitation, qui fait qu'il nous embarque tous. Pour moi, l'engagement du formateur est un prérequis à l'engagement des apprenants.

  • Speaker #0

    L'engagement, ce n'est pas un vœu ou un souhait, c'est un combat, c'est une lutte.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Moi, je me souviens de m'être un peu, pas accrochée, mais d'avoir débattu avec des étudiants de certains sujets. Et en fait, quand ils commencent à débattre et à être pas d'accord, alors déjà nous, même si ça nous met un peu en insécurité, ça nous oblige quand même à aller consolider nos propos. Donc c'est bien, ça nous oblige à aller plus loin dans ce qu'on... dans ce qu'on pratique en tant que formateur. Mais eux, du coup, ça veut dire qu'ils sont emparés émotionnellement du sujet. Parce qu'on ne débat pas d'un truc dont on n'a rien à faire. Donc ça veut dire qu'ils sont à fond dans le sujet et suffisamment pour... Et c'est là où la posture du formateur est hyper importante. C'est suffisamment pour être OK de mettre le formateur en défaut là-dessus. C'est le meilleur moment, finalement. C'est quand l'étudiant est suffisamment en confiance, en sécurité et intéressé pour remettre en question ce qu'on vient de dire. Ça, c'est trop bien.

  • Speaker #0

    Et donc, quel est alors le rôle de la pédagogie active ?

  • Speaker #1

    La pédagogie active, c'est celle qui va créer l'environnement, qui va faire apparaître ces éléments nouveaux et qui va demander à ce qu'ils soient intégrés, à ce qu'il y ait du sens qui soit créé à partir de cette rencontre entre ce qu'on croyait et ce qui arrive de nouveau. Pour moi, les pédagogies actives, c'est... Alors déjà, ça recouvre... Beaucoup de choses, même du descendant peut être de la pédagogie active quand il y a des questions, des histoires, des machins. Et ça va être la rencontre avec du nouveau. Et c'est organiser cette rencontre en fait.

  • Speaker #0

    Je crois que nous atteignons le bon moment pour poser une définition sur la pédagogie active.

  • Speaker #1

    Alors je vais faire une définition qui se mord la queue. Pour moi, la pédagogie active, c'est des modalités d'apprentissage qui vont faire que l'apprenant va devoir transformer ce qu'on lui apporte. Ce n'est pas juste transmettre quelque chose qu'il doit accepter tel quel, il va y avoir une confrontation avec l'objet d'apprentissage et une interaction forte avec lui. Donc ça peut se faire via des échanges avec les pairs structurés, ça peut se faire via de l'expérimentation, ça peut se faire via une rencontre avec un conférencier inspirant qui va poser plein de questions pendant la rencontre et qui va créer ce déclic. Mais c'est vraiment l'objet d'apprentissage comme un peu un partenaire de combat, quelque chose avec lequel on va interagir, avec lequel on va faire des allers-retours.

  • Speaker #0

    Comment établit-on le lien entre pédagogie active et posture du facilitateur ?

  • Speaker #1

    En pédagogie active, du coup, on va organiser une rencontre, mais il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui facilite cette rencontre. Un peu comme quand on arrive à un événement de networking, quand il y a quelqu'un qui est timide, qui n'a pas confiance en lui, qui ne sait pas comment aller vers les autres, c'est très bien qu'il y ait quelqu'un qui organise les rencontres, qui mette un peu de process pour rassurer et pour donner un peu des rails sur lesquels se poser. Et du coup, pour moi, le facilitateur en pédagogie active, c'est ça qu'il fait. Il crée l'environnement. Et une fois que l'environnement est posé et que l'apprenant va à la rencontre de l'environnement, le facilitateur est là pour aider les apprenants qui auraient des blocages, soit cognitifs, comportementaux, ou qui n'ont pas confiance en eux. Donc des blocages émotionnels et tout. Le facilitateur, il est là, lui, pour aller repérer les endroits où il y a des petits blocages et aller fluidifier, soit en donnant des billes, soit en accompagnant sur certains moments clés.

  • Speaker #0

    Depuis le début de notre enregistrement, on parle, sans les nommer, du corps et des émotions. Comment décrire leur place ? Comment décrire leur importance ?

  • Speaker #1

    On est dans une civilisation où on est tout le temps, tout le temps dans le mental et on n'est jamais dans le corps. Et ça, comment on veut construire du lien, de l'entraide, du faire ensemble, si on n'a pas déjà conscience de tout ce qui se passe dans nos corps, de toutes les émotions qui nous dirigent ? À part quand on commence à faire de la méditation, de la pleine conscience, du travail thérapeutique et tout, on est quand même très peu conscient, en tant qu'être humain normal, enfin la personne moyenne a très peu conscience de ce qui déclenche ses émotions, de comment elle vit ses émotions, de où se situent les émotions dans le corps et tout. Donc en fait on a... En tant que société, on n'a pas assez d'éducation à ces sujets-là. C'est d'autant plus fort dans le domaine de la formation, parce que dans le domaine de la formation, on a la prétention, entre guillemets, d'aider les autres à grandir. Donc si on les fait grandir sur plein de dimensions, mais pas la dimension incarnée, on est en train de... De faire pousser les gens de manière un peu déséquilibrée. C'est comme si on avait un plan de tomates et on mettait que de la flotte et jamais de l'engrais.

  • Speaker #0

    Le corps, les émotions et j'ajoute, si vous le permettez, le verbe avec un V majuscule. Les mots sont aussi facteurs d'engagement.

  • Speaker #1

    Moi, le poids des mots, je le mets surtout dans ce qu'on appelle le copywriting, pour utiliser encore un mot corporate. Moi, quand j'écris, que ce soit des tutoriels, des consignes d'exercice et tout, je mets beaucoup d'émotions. J'ai un langage très actif avec une voix active. Je parle toujours directement aux étudiants, je m'inclus, je parle en première personne souvent aussi et j'évite beaucoup le jargon. C'est-à-dire que moi, les mots techniques, je les mets toujours après une petite image qui va leur parler, qui va évoquer un truc très visuel. Donc moi, le langage, j'y fais surtout attention dans ce sens-là. Après, dans ta question, ça me fait penser à un autre truc, et c'est un truc dont on parle dans mon master sur l'inaction, parce que c'est extrêmement important, c'est le fait de l'engager. De l'engager, c'est entrer en langage, entrer en communication avec les autres. Ça ne présuppose pas d'un verbe ou de mot particulier, mais c'est l'acte d'entrer en communication avec vraiment l'envie de créer du commun. Et pour moi, c'est plus ça qui manque dans le verbe qu'on a aujourd'hui, c'est que ce n'est pas du verbe qui est là pour. permettre une entrée en communication et un partage. C'est du verbe qui est là pour imposer des idées, mettre dans des silos et plus isoler les gens que les rassembler.

  • Speaker #0

    Pour conclure cet épisode, une question que l'on pose régulièrement à nos intervenants. Avez-vous une pratique de facilitation qui est vos faveurs ?

  • Speaker #1

    Ça va être une pratique pédagogique. qui dépasse un peu le cadre de la facilitation, parce qu'on entend souvent facilitation sur des temps assez courts. Mais j'ai quand même, moi, personnellement, une grosse faveur pour la pédagogie par projet, même si je l'utilise avec beaucoup de parcimonie et où j'adapte à chaque fois mon approche au contexte et tout ça. Mais cette pratique de mettre des apprenants dans des environnements complexes et de les aider à naviguer la complexité du monde m'intéresse beaucoup parce que je sais, pour l'avoir vécu moi-même en tant qu'apprenant, que ça peut débloquer vraiment des choses extrêmement puissantes sur le rapport au monde, sur notre attitude, sur les croyances. Donc je suis vraiment très attachée à cette transformation que permet une pédagogie par projet. Après, récemment, ce qui m'intéresse de plus en plus, c'est de voir comment mettre des moments de pleine conscience, de méditation, de redescendre dans le corps, avant les actes d'apprentissage. Donc ça pour le coup, c'est vachement plus réduit en temps, parce que ça peut durer que 5-10 minutes, mais ça a une influence assez profonde sur ce qui va se passer après dans la tête de l'apprenant, parce qu'on l'a rendu très disponible et qu'on lui a permis un retour à soi, et qu'on l'a respecté, on l'a reconnu et on lui a permis de se recentrer sur lui-même en tant qu'être humain, avant de lui demander de faire quelque chose en tant qu'apprenant. à la fois très large avec la pédagogie par projet et très réduit avec la méditation. C'est mes deux pratiques favorites en ce moment.

  • Speaker #0

    Nous arrivons au terme de cet épisode. Laurie Mézard, vous avez le mot de la fin.

  • Speaker #1

    Déjà, merci pour cet échange qui a été vachement plus sur le fond que je ne m'y attendais. Avec le titre Engagement, j'avais une... une crainte de devoir parler truc et astuce, et en fait je suis ravie d'avoir pu parler sur le fond. Et si je pouvais conclure, je dirais que il faut que les... J'invite les facilitateurs à oser plus, à laisser plus de place aux apprenants, justement pour qu'ils puissent s'engager pleinement. Donc c'est prendre le risque que certains des fois n'y aillent pas, mais à partir du moment où on laisse vraiment un grand champ... que l'apprenant peut exploiter, dans lequel il peut s'investir, ça lui laisse aussi vraiment beaucoup d'espace pour se déployer à l'intérieur de ce champ. Donc c'est un risque, mais la récompense, c'est un apprenant qui a les ailes entièrement déployées dans l'espace.

  • Speaker #0

    Merci Laurie Mézard pour votre participation. Merci à vous, chers auditeurs. Pour aller plus loin, découvrez la Masterclass Facilitateur d'apprenant sur le site www.learning.coach. Vous retrouverez cet épisode, comme tous ceux qui l'ont précédé, sur le site internet. trendy.io, sur nos réseaux sociaux et sur l'ensemble des plateformes d'écoute. A très bientôt pour le prochain épisode.

Description

Dans cet épisode, Laurie Mézard explore l’utilisation des pédagogies actives et l’importance de l’engagement dans l’apprentissage. Elle souligne la nécessité de créer un environnement propice à l’émergence des idées, permettant aux apprenants de réaliser qu’ils possèdent des ressources internes valorisables. Laurie aborde la complexité de plonger dans les aspects personnels et intimes des apprenants, ce qui exige un cadre sécurisé et de non-jugement, comparable à celui d’un groupe de thérapie. Elle discute également du rôle crucial de l’engagement du formateur, équivalent à la motivation intrinsèque de l’apprenant, et de la pédagogie active, qui invite à transformer et interagir avec le matériel d’apprentissage, le considérant comme un « partenaire de combat ».


Retrouvez toutes les ressources gratuites créées par Traindy pour la communauté pédagogique sur www.traindy.io.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez Learning Coach by Trendy, le podcast qui part à la rencontre de ceux qui ont maîtrisé l'art d'apprendre et de former. Tout au long de cette saison, nous vous invitons à un voyage au cœur de l'innovation pédagogique, là où les rôles de formateur et de facilitateur s'entrelacent pour stimuler l'autonomie et l'engagement de vos apprenants. Dans cette série d'échanges, les conseils pratiques et les expériences personnelles de nos invités vous inspireront vers une maîtrise renouvelée de l'art d'accompagner l'apprentissage. Bienvenue dans ce nouvel épisode de Learning Coach, bienvenue à notre invité Laurie Mézard, avec qui nous allons évoquer la question des pédagogies actives et de l'impact d'une pédagogie engageante. Et pour bien débuter, pouvez-vous s'il vous plaît compléter votre présentation et nous donner, puisque c'est d'elle dont nous parlons, votre définition de la facilitation en formation. Comment s'applique-t-elle ? Quelles en sont les interactions ? Finalement, quels bénéfices qu'elles apportent ?

  • Speaker #1

    Je crée des expériences d'apprentissage en utilisant un mix de modalités pédagogiques. J'essaie de rester très loin du dogmatisme pour que ça soit à la fois très engageant, très efficace et puis que ça construise un rapport à l'apprentissage qui développe une certaine autonomie et une envie chez l'apprenant de continuer longtemps après la formation. Pour moi, la facilitation, c'est le fait de créer un environnement. et des modalités d'interaction dans cet environnement qui vont permettre de faire émerger des réflexions, des relations, des moments de... de connexion à soi et aux autres, qui vont faire qu'on va apprendre de ces moments et à l'intérieur de ces moments. Ce n'est pas forcément incompatible avec des séquences plus descendantes. Pour moi, une séquence de facilitation a sa place dans une formation, par exemple, certifiante. Mais ça va être des moments où l'apport n'est vraiment pas du tout extérieur. On va travailler avec ce qui émerge chez les apprenants. Et du coup, les bénéfices sont doubles. Pour moi, déjà, il y a un gros bénéfice sur l'autonomie. Parce qu'à ce moment-là, on fait prendre conscience aux apprenants qu'ils ont des ressources à l'intérieur, et qu'en faisant émerger ces ressources, ils ne sont pas forcément obligés d'aller s'appuyer sur des ressources extérieures, des profs, des référents, des sachants, qu'ils ont quelque chose en eux qui a déjà de la valeur et qu'ils peuvent exploiter. Et le deuxième truc, c'est justement d'aller, pour les transformer en profondeur, c'est d'aller... racler un peu le fond de la personne, faire remonter ça, et du coup pouvoir travailler et transformer vraiment l'être. C'est convoquer la personnalité entière de la personne à ce moment-là, pour pouvoir la transformer. C'est ça pour moi l'intérêt.

  • Speaker #0

    Aller chercher, racler le fond de la personne, ce sont quelques propos qui m'interpellent et qui auront certainement interpellé nos auditeurs. À quel moment, à quelle formation, à quelle situation cela peut-il se référer ?

  • Speaker #1

    Je pense que ça dépend de l'objet dans la séquence de formation, de l'objet qu'on est en train de travailler. Pour des compétences techniques, ce n'est pas forcément nécessaire. Par contre, pour tout ce qui est soft skills ou ce qu'on appelle le apprendre à apprendre, développer la métacognition. ça, ça va être nécessaire quand même d'aller convoquer les représentations, les croyances pour pouvoir les transformer. Pareil, quand on fait des retours réflexifs après un apprentissage qui soit court, ou que ça soit un gros projet, ou quelle que soit la temporalité ou la complexité de l'apprentissage, si on veut aller défricher ce qui s'est passé, à un moment, il faut quand même aller chercher ce qui a été en jeu pour la personne dans l'expérience. Donc je pense que c'est applicable. à tous les sujets de formation. Après, ça dépend des objectifs pédagogiques du formateur à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Est-ce simple d'aller, pardon pour l'expression, fouiller dans du personnel, voire de l'intime ? Est-ce simple d'obtenir l'adhésion des participants ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas simple du tout. Il faut un vrai cadre de sécurité et un vrai cadre de non-jugement. En fait, je compare presque ça au cadre qu'on met dans des groupes de parole ou des groupes de thérapie, c'est-à-dire où on pose le fait que là, on est en train de partager un moment qui ne va pas être derrière sujet à débat et où tout est accepté et où tout est OK. Parce qu'en fait, à ce moment-là, il faut que chacun puisse amener ce qu'il est et qu'il ne rencontre aucune... Barrière, parce qu'en fait c'est hyper insécurisant de se montrer d'un coup oser et puis se manger un jugement. Donc il faut vraiment que le facilitateur soit capable d'instaurer ce cadre et qu'il soit capable de le porter, de l'incarner. Parce qu'en fait il ne s'agit pas de marquer trois consignes sur un tableau, il faut aussi que tout dans le langage verbal et non verbal du facilitateur passe ça. Donc dès que quelqu'un, par exemple quelqu'un qui ne veut pas s'engager, sur l'atelier pratique narrative que j'ai fait la dernière fois, Il y a une personne qui n'a pas voulu réécrire son histoire. Je lui dis, c'est bon, c'est OK, en fait, il n'y a pas de souci, on peut continuer à discuter, on fait autre chose pendant que les autres écrivent leur histoire. Et elle a adoré aussi l'atelier, même si elle n'a pas fait ça. Donc en fait, il faut accepter de prendre chacun où il en est, et ça c'est au facilitateur ou à la facilitatrice de le porter. Et c'est pas du tout évident. Ce début d'atelier, je reprends cet exemple parce qu'il est très récent, des pratiques narratives, il y a une participante, dès qu'on a ouvert le sujet de l'identité et du récit de soi, Elle, très militante dans certains milieux, elle a tout de suite ramené le sujet, mais de manière un peu sèche en plus, à ses préoccupations et à me dire qu'on a plusieurs identités, machin, machin, et a ramené ça sur son contexte théorique. Et du coup, il a fallu que moi je navigue un peu avec ça, que je l'accepte, que je le valorise pour après l'emmener, l'embarquer dans le reste de l'atelier avec les autres. Donc ça demande beaucoup de souplesse de l'encadrement.

  • Speaker #0

    Ce sont des qualités qui ne s'improvisent pas et qui se travaillent.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Qui se travaillent et qui sont... Enfin, qui se travaille presque, j'allais dire d'un point de vue, ça se travaille presque de manière thérapeutique. C'est-à-dire qu'il faut avoir fait un grand travail sur soi-même pour ne pas réagir à ce qui agite les autres. Il faut rester la référence neutre et bienveillante qui laisse s'exprimer les pics d'émotion sans se laisser dépasser. Donc ça demande effectivement un gros, gros travail sur soi-même. Et ça demande de travailler son rapport à l'émergent, c'est-à-dire accepter l'inconnu, accepter ce qui vient, se dire que tout ce qui émerge à ce moment-là dans le groupe, c'est ce qui devait émerger et que tout est acceptable, à part évidemment les sorties de cadre, mais que toute réaction est légitime en fait.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la première fois que nos invités évoquent ce que je vais nommer un chaos, ce que vous venez également de décrire. Est-ce une étape nécessaire, voire un point de départ indispensable ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que le chaos soit absolument nécessaire si tout le monde sait exactement pourquoi il est là. Mais le problème, c'est qu'en général, les gens ne savent pas pourquoi ils sont là, ils ne sont pas alignés, et du coup, c'est le fer organisme au début, qui soit toutes les cellules vont dans la même direction, soit elles n'y vont pas encore et il y a un moment de chaos. Mais tu vois, ce que tu me dis, ça me fait penser... Il y a deux ans, Denis a organisé un forum ouvert à Bédarieux, et ce n'était pas facilité. C'est-à-dire que son objectif, c'était d'expérimenter un forum ouvert non facilité. Et du coup, on était quoi ? On était 25, et c'était... Le premier jour, il n'y a pas d'ordre du jour qui a été posé, il devait être co-construit par les participants. Et ça a été... un joyeux bordel, mais pendant au moins un jour et demi, où personne ne savait pourquoi il était là, et où dès que quelqu'un parlait, moi j'avais l'impression d'avoir une petite radio, et dès qu'une nouvelle personne parlait, je devais changer de fréquence, parce qu'on n'était pas alignés. Et ce moment de devoir rester justement dans le chaos, et attendre qu'on se mette tous un peu sur la même longueur d'onde, et que petit à petit, le petit organisme s'aligne, et il se met à vibrer ensemble, jusqu'à ce qu'il y ait un but commun. C'était... extrêmement apprenant de le vivre comme ça, de le voir, de le vivre pleinement sans avoir quelqu'un qui porte le cadre et qui dit Non, attendez, moi je sais comment faire pour que la dynamique de groupe avance dans le bon sens. On va faire ci, on va faire ça. Et de juste le laisser émerger, ça a vraiment fait laboratoire où là on l'a vu se passer en live et dans toute la complexité. C'était très rigolo. Mais du coup, je pense que le chaos vient quand il n'y a pas le cadre et le cadre naît du chaos.

  • Speaker #0

    Venons-en maintenant au sujet principal de notre épisode, la pédagogie engageante. De quoi parlons-nous ?

  • Speaker #1

    Moi, je mettrais la pédagogie engageante sur un niveau comparable avec la motivation intrinsèque. L'engagement et la motivation, ce ne sont pas les mêmes mécanismes exactement, mais pour moi, une pédagogie engageante, c'est quelque chose qui va permettre un élan qui vient de l'apprenant et qui va nourrir cet élan en continu. Donc c'est pas le fait d'organiser des activités où les apprenants sont tout le temps en mouvement et du coup toute la journée on les a un petit peu réveillés. Pour moi ça c'est pas ça une pédagogie engageante. Ça va plutôt être quelque chose qui va aller allumer le feu et garder les braises allumées tout au long de la formation.

  • Speaker #0

    Ça veut dire quoi allumer le feu ?

  • Speaker #1

    Ça c'est l'aspect un peu... magique, qui est un peu difficile à expliquer. Pour moi, il y a plusieurs composantes. Déjà, il y a la relation qui est créée avec l'apprenant. C'est-à-dire, est-ce qu'on arrive à l'embarquer dans une aventure d'apprentissage ? Ça, ça demande soi-même d'avoir identifié et de vivre pleinement les émotions liées à l'objet d'apprentissage. C'est-à-dire que si je ne suis pas passionnée par le truc et que moi-même je n'ai pas identifié des trucs que je trouve rigolos, incroyables, saisissants, machin, je n'arriverai pas à engager l'apprenant dans ce rapport-là avec l'objet d'apprentissage. Après, il y a le fait aussi de créer une communauté d'apprentissage, c'est-à-dire créer de l'entraide, de la camaraderie et le sentiment d'avancer tous ensemble vers le même but commun. Et puis aller chercher justement d'un point de vue... individuelle, au-delà des buts communs du groupe, c'est quoi le rapport individuel que la personne a avec l'objet d'apprentissage, pourquoi elle veut l'apprendre et en quoi ça résonne avec ses valeurs. Donc c'est en gros préparer le terrain en amont. et préparer l'environnement pour qu'il y ait une relation solide qui puisse se construire sur le long cours. Donc c'est ça, allumer le feu, c'est préparer toutes les raisons de la motivation, permettre à l'apprenant d'être reconnu et de se relier aux autres.

  • Speaker #0

    Lorsque j'entends parler d'engagement, il s'agit souvent de celui de l'apprenant. J'entends bien plus rarement parler de celui du formateur.

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'on n'en parle pas beaucoup. Après, moi, dans mes cercles de formateurs, la plupart des formateurs ressentent une grosse responsabilité vis-à-vis de l'objet et sont bien conscients quand même que c'est eux qui portent partie de cet engagement par eux, leur passion et leur engagement envers leurs apprenants. Ce n'est pas un impensé, mais c'est peut-être un non-dit, parce que je ne sais pas pourquoi il serait un non-dit d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Ne serait-ce pas une posture de neutralité du formateur, comme on le voit souvent par exemple dans des formations digitales ?

  • Speaker #1

    Avoir un formateur neutre en face de moi, il n'y a rien qui me rend plus folle. Pour moi, ça n'a aucun intérêt. Je peux lire un bouquin ou une encyclopédie. Il y a des bouquins très bien où justement, il y a de l'opinion et pour moi, c'est ça qui est intéressant. C'est pour ça que ChatGPT me rend un peu folle aussi, parce qu'en fait, on perd complètement. la pensée singulière de la personne qui porte le sujet, avec laquelle on peut être d'accord ou pas, mais qui l'incarne avec ses émotions, et qui le fait vivre le sujet. Si on n'est pas capable, même en digital learning, on peut très bien écrire des tutos ou faire des vidéos où il y a beaucoup d'émotions et où il y a beaucoup d'implications de la personne qui écrit, c'est pas antinomique. Et pour moi, le but de se former avec quelqu'un, c'est d'avoir son opinion en tant que personne. Je vois pas l'intérêt sinon d'aller interagir avec un autre être humain. Après, on peut se positionner selon nos valeurs. On a un formateur qui a un avis très tranché sur un truc, et chez nous, parce qu'on a des valeurs différentes, on va être un peu braqué, Ah bah non, j'aime pas ce qu'il dit, je suis pas d'accord. Ouais, bah ok, mais du coup, je me suis positionnée et j'ai intégré des émotions à ce que je suis en train d'apprendre. Donc c'est ok. Je viens de faire un stage de 4 jours de Kung Fu et de Tai Chi, et mon prof, il est tout le temps dans l'émotion, ce qui l'empêche pas d'être d'une rigueur extrême. évidemment quand il nous fait pratiquer l'art, mais c'est le fait qu'il porte son sujet, qu'il soit autant passionné, qu'il le partage avec autant d'excitation, qui fait qu'il nous embarque tous. Pour moi, l'engagement du formateur est un prérequis à l'engagement des apprenants.

  • Speaker #0

    L'engagement, ce n'est pas un vœu ou un souhait, c'est un combat, c'est une lutte.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Moi, je me souviens de m'être un peu, pas accrochée, mais d'avoir débattu avec des étudiants de certains sujets. Et en fait, quand ils commencent à débattre et à être pas d'accord, alors déjà nous, même si ça nous met un peu en insécurité, ça nous oblige quand même à aller consolider nos propos. Donc c'est bien, ça nous oblige à aller plus loin dans ce qu'on... dans ce qu'on pratique en tant que formateur. Mais eux, du coup, ça veut dire qu'ils sont emparés émotionnellement du sujet. Parce qu'on ne débat pas d'un truc dont on n'a rien à faire. Donc ça veut dire qu'ils sont à fond dans le sujet et suffisamment pour... Et c'est là où la posture du formateur est hyper importante. C'est suffisamment pour être OK de mettre le formateur en défaut là-dessus. C'est le meilleur moment, finalement. C'est quand l'étudiant est suffisamment en confiance, en sécurité et intéressé pour remettre en question ce qu'on vient de dire. Ça, c'est trop bien.

  • Speaker #0

    Et donc, quel est alors le rôle de la pédagogie active ?

  • Speaker #1

    La pédagogie active, c'est celle qui va créer l'environnement, qui va faire apparaître ces éléments nouveaux et qui va demander à ce qu'ils soient intégrés, à ce qu'il y ait du sens qui soit créé à partir de cette rencontre entre ce qu'on croyait et ce qui arrive de nouveau. Pour moi, les pédagogies actives, c'est... Alors déjà, ça recouvre... Beaucoup de choses, même du descendant peut être de la pédagogie active quand il y a des questions, des histoires, des machins. Et ça va être la rencontre avec du nouveau. Et c'est organiser cette rencontre en fait.

  • Speaker #0

    Je crois que nous atteignons le bon moment pour poser une définition sur la pédagogie active.

  • Speaker #1

    Alors je vais faire une définition qui se mord la queue. Pour moi, la pédagogie active, c'est des modalités d'apprentissage qui vont faire que l'apprenant va devoir transformer ce qu'on lui apporte. Ce n'est pas juste transmettre quelque chose qu'il doit accepter tel quel, il va y avoir une confrontation avec l'objet d'apprentissage et une interaction forte avec lui. Donc ça peut se faire via des échanges avec les pairs structurés, ça peut se faire via de l'expérimentation, ça peut se faire via une rencontre avec un conférencier inspirant qui va poser plein de questions pendant la rencontre et qui va créer ce déclic. Mais c'est vraiment l'objet d'apprentissage comme un peu un partenaire de combat, quelque chose avec lequel on va interagir, avec lequel on va faire des allers-retours.

  • Speaker #0

    Comment établit-on le lien entre pédagogie active et posture du facilitateur ?

  • Speaker #1

    En pédagogie active, du coup, on va organiser une rencontre, mais il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui facilite cette rencontre. Un peu comme quand on arrive à un événement de networking, quand il y a quelqu'un qui est timide, qui n'a pas confiance en lui, qui ne sait pas comment aller vers les autres, c'est très bien qu'il y ait quelqu'un qui organise les rencontres, qui mette un peu de process pour rassurer et pour donner un peu des rails sur lesquels se poser. Et du coup, pour moi, le facilitateur en pédagogie active, c'est ça qu'il fait. Il crée l'environnement. Et une fois que l'environnement est posé et que l'apprenant va à la rencontre de l'environnement, le facilitateur est là pour aider les apprenants qui auraient des blocages, soit cognitifs, comportementaux, ou qui n'ont pas confiance en eux. Donc des blocages émotionnels et tout. Le facilitateur, il est là, lui, pour aller repérer les endroits où il y a des petits blocages et aller fluidifier, soit en donnant des billes, soit en accompagnant sur certains moments clés.

  • Speaker #0

    Depuis le début de notre enregistrement, on parle, sans les nommer, du corps et des émotions. Comment décrire leur place ? Comment décrire leur importance ?

  • Speaker #1

    On est dans une civilisation où on est tout le temps, tout le temps dans le mental et on n'est jamais dans le corps. Et ça, comment on veut construire du lien, de l'entraide, du faire ensemble, si on n'a pas déjà conscience de tout ce qui se passe dans nos corps, de toutes les émotions qui nous dirigent ? À part quand on commence à faire de la méditation, de la pleine conscience, du travail thérapeutique et tout, on est quand même très peu conscient, en tant qu'être humain normal, enfin la personne moyenne a très peu conscience de ce qui déclenche ses émotions, de comment elle vit ses émotions, de où se situent les émotions dans le corps et tout. Donc en fait on a... En tant que société, on n'a pas assez d'éducation à ces sujets-là. C'est d'autant plus fort dans le domaine de la formation, parce que dans le domaine de la formation, on a la prétention, entre guillemets, d'aider les autres à grandir. Donc si on les fait grandir sur plein de dimensions, mais pas la dimension incarnée, on est en train de... De faire pousser les gens de manière un peu déséquilibrée. C'est comme si on avait un plan de tomates et on mettait que de la flotte et jamais de l'engrais.

  • Speaker #0

    Le corps, les émotions et j'ajoute, si vous le permettez, le verbe avec un V majuscule. Les mots sont aussi facteurs d'engagement.

  • Speaker #1

    Moi, le poids des mots, je le mets surtout dans ce qu'on appelle le copywriting, pour utiliser encore un mot corporate. Moi, quand j'écris, que ce soit des tutoriels, des consignes d'exercice et tout, je mets beaucoup d'émotions. J'ai un langage très actif avec une voix active. Je parle toujours directement aux étudiants, je m'inclus, je parle en première personne souvent aussi et j'évite beaucoup le jargon. C'est-à-dire que moi, les mots techniques, je les mets toujours après une petite image qui va leur parler, qui va évoquer un truc très visuel. Donc moi, le langage, j'y fais surtout attention dans ce sens-là. Après, dans ta question, ça me fait penser à un autre truc, et c'est un truc dont on parle dans mon master sur l'inaction, parce que c'est extrêmement important, c'est le fait de l'engager. De l'engager, c'est entrer en langage, entrer en communication avec les autres. Ça ne présuppose pas d'un verbe ou de mot particulier, mais c'est l'acte d'entrer en communication avec vraiment l'envie de créer du commun. Et pour moi, c'est plus ça qui manque dans le verbe qu'on a aujourd'hui, c'est que ce n'est pas du verbe qui est là pour. permettre une entrée en communication et un partage. C'est du verbe qui est là pour imposer des idées, mettre dans des silos et plus isoler les gens que les rassembler.

  • Speaker #0

    Pour conclure cet épisode, une question que l'on pose régulièrement à nos intervenants. Avez-vous une pratique de facilitation qui est vos faveurs ?

  • Speaker #1

    Ça va être une pratique pédagogique. qui dépasse un peu le cadre de la facilitation, parce qu'on entend souvent facilitation sur des temps assez courts. Mais j'ai quand même, moi, personnellement, une grosse faveur pour la pédagogie par projet, même si je l'utilise avec beaucoup de parcimonie et où j'adapte à chaque fois mon approche au contexte et tout ça. Mais cette pratique de mettre des apprenants dans des environnements complexes et de les aider à naviguer la complexité du monde m'intéresse beaucoup parce que je sais, pour l'avoir vécu moi-même en tant qu'apprenant, que ça peut débloquer vraiment des choses extrêmement puissantes sur le rapport au monde, sur notre attitude, sur les croyances. Donc je suis vraiment très attachée à cette transformation que permet une pédagogie par projet. Après, récemment, ce qui m'intéresse de plus en plus, c'est de voir comment mettre des moments de pleine conscience, de méditation, de redescendre dans le corps, avant les actes d'apprentissage. Donc ça pour le coup, c'est vachement plus réduit en temps, parce que ça peut durer que 5-10 minutes, mais ça a une influence assez profonde sur ce qui va se passer après dans la tête de l'apprenant, parce qu'on l'a rendu très disponible et qu'on lui a permis un retour à soi, et qu'on l'a respecté, on l'a reconnu et on lui a permis de se recentrer sur lui-même en tant qu'être humain, avant de lui demander de faire quelque chose en tant qu'apprenant. à la fois très large avec la pédagogie par projet et très réduit avec la méditation. C'est mes deux pratiques favorites en ce moment.

  • Speaker #0

    Nous arrivons au terme de cet épisode. Laurie Mézard, vous avez le mot de la fin.

  • Speaker #1

    Déjà, merci pour cet échange qui a été vachement plus sur le fond que je ne m'y attendais. Avec le titre Engagement, j'avais une... une crainte de devoir parler truc et astuce, et en fait je suis ravie d'avoir pu parler sur le fond. Et si je pouvais conclure, je dirais que il faut que les... J'invite les facilitateurs à oser plus, à laisser plus de place aux apprenants, justement pour qu'ils puissent s'engager pleinement. Donc c'est prendre le risque que certains des fois n'y aillent pas, mais à partir du moment où on laisse vraiment un grand champ... que l'apprenant peut exploiter, dans lequel il peut s'investir, ça lui laisse aussi vraiment beaucoup d'espace pour se déployer à l'intérieur de ce champ. Donc c'est un risque, mais la récompense, c'est un apprenant qui a les ailes entièrement déployées dans l'espace.

  • Speaker #0

    Merci Laurie Mézard pour votre participation. Merci à vous, chers auditeurs. Pour aller plus loin, découvrez la Masterclass Facilitateur d'apprenant sur le site www.learning.coach. Vous retrouverez cet épisode, comme tous ceux qui l'ont précédé, sur le site internet. trendy.io, sur nos réseaux sociaux et sur l'ensemble des plateformes d'écoute. A très bientôt pour le prochain épisode.

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