- Speaker #0
Hervé Gaudignon, 9 ans après son premier titre de champion de France, c'était en 1978, il est un nouveau champion de France avec la belle tière, une toute petite jument, fantastique.
- Speaker #1
Bienvenue dans Légende Cavalière, le podcast de Grand Prix qui vous replonge dans l'histoire des sports équestres. Je suis Pascal Boutreau, journaliste passionné par l'histoire du sport. Pour ce 46e épisode, je vous propose de débuter cette nouvelle année avec un retour dans les années... 80. Une jument à l'itinéraire atypique, passée par les Antilles, et un cavalier à la forte personnalité. Personnage incontournable de ces dernières décennies, Hervé Gaudignon a sans doute vécu quelques-unes de ses plus belles années avec une petite jument née dans la Manche, la Belle-Thière. Avec ses victoires dans les plus beaux concours et ses participations à de grands championnats, le couple a fait les beaux jours de l'équitation tricolore pendant très longtemps. Si la carrière d'Hervé est souvent associée et parfois résumée, à tort, à l'étalon qui dame de Revelle, cette petite jument-là tient une place à part dans son cœur. Dans la seconde partie de ce podcast, Hervé Gaudignon évoquera ses grandes heures et ses grandes émotions vécues avec la belle tière, mais aussi avec les grands chevaux montés tout au long de sa très riche carrière. N'oubliez pas de vous abonner à Légende Cavalière, c'est gratuit sur... C'est un des noms qui résonnent dans la grande histoire des sports équestres français, bien évidemment. Mais c'est surtout un nom qui s'inscrit aussi au palmarès de très nombreuses épreuves, parmi les plus prestigieuses. Hervé Gaudignon est né le 22 avril 1952 à Paris. Très jeune, au décès de son père, il part en pension. et tombe très vite amoureux des chevaux. Il n'a encore que 12 ans. Je ne voyais pas ma vie en dehors des chevaux expliquera-t-il plus tard. À la sortie du collège, il part chez le maître Jean Couillaud, fondateur de l'école professionnelle d'hommes de cheval installée à Vincennes, puis à Poigny-la-Forêt, dans les Yvelines. L'enseignement y est dur, très dur. Mais les bases acquises, le jeune homme poursuit son chemin chez Hubert Parot, champion olympique par équipe en 1976. Il y croise notamment Gilles Bertrand de Ballanda. Les deux hommes partageront ensuite de nombreuses aventures. Et la même dévotion à l'égard de l'équipe de France. Hervé a toujours porté la veste bleue avec beaucoup de fierté, dira le Provençal, quelques années plus tard dans un portrait d'Hervé Godignon, paru dans Grand Prix et Rose. C'est un vrai patriote. Quand nous avons été champions du monde en 2002, il a été le premier à venir nous saluer avec une banderole à notre descente d'avion. Retour dans les années 70. A seulement 22 ans, Hervé reprend la propriété de Colette Ducornet près de Gisors dans l'Eure. Son plan de carrière ? Devenir moniteur, pas plus. La vie et diverses rencontres vont lui écrire une destinée d'une toute autre dimension. Dès 1976, il remporte d'abord le grand prix du CSIO de la Bôle avec Cupidonfou. Avec Electre, une jument en sel français qu'il a débourré à 3 ans, Il remporte le critérium des 6 ans, puis, en 1978, le championnat de France première catégorie. Arrivé à la tête de l'équipe de France, Marcel Rosier lui donne alors sa chance. Dans un sujet diffusé sur TF1, en avril 1977, le champion olympique par équipe de 1976 présente cette nouvelle vague.
- Speaker #0
L'équipe de France de jumping nous avait valu la joie de remporter la dernière médaille d'or décernée aux Jeux de Montréal. Aujourd'hui, avec la nomination de Marcel Rosier, un des médaillés olympiques, un poste de responsabilité nationale, une nouvelle équipe est née.
- Speaker #2
En tête, Adeline Wirth, qui monte Couscous.
- Speaker #1
Ensuite,
- Speaker #0
Emmanuel Henry,
- Speaker #2
qui monte Derby. Christophe Cuyet, qui monte Callback. Etienne Laboute,
- Speaker #1
Bali.
- Speaker #0
Gilles-Vertrande Ballanda,
- Speaker #1
Queda.
- Speaker #2
Hervé Godignon,
- Speaker #1
Diane Dandjou. Moyenne d'âge, 23 ans,
- Speaker #2
une équipe de jeunes.
- Speaker #1
Un an plus tard, c'est au tour de Stade 2 de lui attribuer le trophée Antenne 2 de l'espoir des sports équestres. Sur le plateau, il succède à Florence Artaud, récompensée pour la voile.
- Speaker #0
qui appelle maintenant Hervé Godignon, sport équestre, pour recevoir le deuxième trophée Espoir. Hervé Godignon, champion de France à 25 ans, est le chef de file de la nouvelle génération des cavaliers français avec Frédéric Gauthier. Il est le premier sélectionné olympique. C'est sans doute notre plus sérieux espoir pour les Jeux de Moscou. À ce titre, il méritait de recevoir aujourd'hui ce trophée. Vous voulez lui poser une question, Paris Dubois ? Oui, je voulais simplement savoir si Hervé Godignon connaissait le cheval avec qui... Il allait concourir aux Jeux Olympiques 80.
- Speaker #3
Disons que je possède un cheval que la Fédération a bien voulu mettre à ma disposition. Il s'appelle Paolo Di Fuga.
- Speaker #0
Jeune cheval.
- Speaker #3
Un jeune cheval, puisqu'il a fait cette année 78 sa rentrée en compétition internationale. Il a fait un premier oeuvre.
- Speaker #1
Hélas, le boycott des Jeux de Moscou par la plupart des grandes nations équestres privera les Bleus d'une possible et peut-être même probable médaille. Une épreuve de remplacement fut organisée à Rotterdam, remportée par l'Autrichien Hugo Simon en individuel et le Canada par équipe. Un vendredi 13 n'est pas toujours signe de malédiction. Frédéric Cotier, Jean-Marc Nicolas, Gilbert Trandebalanda et Hervé Godignon peuvent en témoigner. Ce vendredi 13 juin 1980, les quatre hommes entrent dans l'histoire des sports équestres français. Pour la première fois... Dans le stade de la Sœurs, d'Aix-la-Chapelle, la Marseillaise retentit à l'issue de la mythique Coupe des Nations. Gaudignon est alors associé à Ausha d'Escla, côtier à Flambeau C. Nicolas Mador, cheval alors inconnu, est convoqué ce jour-là pour remplacer Siman, cheval de tête de Jean-Marc mais blessé la veille. Tandis que Ballanda monte le grand et très spectaculaire Galoubet A.
- Speaker #0
Un cavalier français qui salue ici le jury et le président de la... de la République d'Allemagne, Hervé Godignon, qui monte Faulo d'Escla. Hervé Godignon qui a définitivement perdu sa petite jument fétiche, Electre, car le divorce paraît consommé entre la Fédération et la propriétaire de la jument. Faulo d'Escla, c'est un cheval fédéral, un baie de 9 ans par Monceau. Hervé Godignon est un cavalier de 27 ans, qui a déjà été champion de France avec Electre précisément, qui n'a pas eu une bonne saison l'année dernière, mais qui semble maintenant... Bien se reprendre, et il va le prouver ici dans ce tour. Il avait 4 points dans le premier parcours, une toute petite faute. Une petite faute comme la veille dans le prix d'Allemagne. Mais suivons Hervé Godignon qui passe la rivière ici, très bien. Le 10, oui, Hervé Godignon qui contrôle parfaitement son cheval. Un très bon cheval qui s'était blessé l'année dernière et qui était resté un certain temps sans participer aux épreuves. Toujours sans faute Hervé Godignon, là alors qu'il est à l'obsacre numéro 12, la barre de Spa, et à main droite maintenant, la ligne droite. Nous sommes tellement habitués à la petite faute française qu'on ose croire encore à un sans faute. Il touche ! C'est un sans faute. C'est un sans faute et les chances françaises restent donc tout à fait intactes après le passage de deux cavaliers.
- Speaker #1
Gilles Bertrand de Ballandat sera le dernier à s'élancer.
- Speaker #0
Un sans faute et c'était la victoire. Une faute, le barrage. Deux fautes, c'était la défaite. Le triple, il pourrait y avoir eu une passe, une passe, une très haute. Voilà. Et la France a gagné avec 8 points devant la Hollande, la Suisse, l'Allemagne. Il est évident que si les Jeux Olympiques avaient eu lieu, au moins pour les sports d'équestre, dans des conditions normales... Je pense que la France avait une très bonne chance de renouveler sa victoire de Montréal, car il y a là non seulement quatre très bons cavaliers, mais également de très bons chevaux, et c'est bien sûr la conjonction des deux qui fait la réussite.
- Speaker #1
Celui qui n'espérait que devenir moniteur est déjà au sommet. Hervé Godignon est devenu un pilier de l'équipe de France. En 1980, avec Gitan, il remporte même sa première Coupe du Monde à Bordeaux. Deux ans plus tard, on le retrouve d'ailleurs en Gironde. toujours à l'occasion de la Coupe du Monde, abordée cette fois dans des conditions très particulières.
- Speaker #0
Pour Hervé Godignon, le jumping de Bordeaux a un parfum de succès. C'est ici en effet qu'il remporta l'épreuve du Grand Prix en 1980. Mais cette fois, les données ont bien changé. Depuis son stupide accident de juillet dernier à Royan, où il s'était fracturé la jambe dans une démonstration d'acrobatie écrite, le normand d'adoption était au repos forcé. Son opération a-t-elle laissé des traces ? Beaucoup de questions trottées dans les esprits. Godignon. était très attendu après deux essais à Caen et Orléans. Comment se porte la jambe gauche, Hervé ?
- Speaker #3
La jambe va de mieux en mieux. Elle n'est pas complètement parfaite. C'est pourquoi j'ai monté un petit système. Entre l'étrier et l'étrivière, vous voyez ici, j'ai enroulé un morceau de chambre à air de mobilette, je crois. Ce qui fait qu'à chaque réception, qui normalement sont assez violentes, quand le cheval rejoint le sol, vous voyez, l'étrivière joue, la pièce en caoutchouc joue et me permet d'amortir toutes les réactions dans ce caoutchouc au lieu de les amortir dans la jambe.
- Speaker #1
Hervé est désormais en selle sur Stador. A Paris, porte de Versailles, il s'adjuge à sa deuxième victoire en Coupe du Monde.
- Speaker #2
Paris et son concours hippique, une épreuve à disputer à la porte de Versailles cet après-midi. Dans un lot composé des 50 meilleurs cavaliers du monde, les Français se sont encore distingués. Retenez leur nom, ils sont célèbres déjà. Hervé Godignon, Pierre Durand et Frédéric Cotier en selle pour la Coupe du Monde.
- Speaker #0
Il fut champion de France, on le connaît bien. On ne le voyait plus guère sur les terrains cet an dernier. C'est qu'il avait une jambe cassée. Hervé Godignon a eu le temps de se reposer, mais il lui faut rattraper les victoires. Il l'a fait cet après-midi. Ils étaient deux sans faute au second barrage de l'épreuve de la Coupe du Monde. Deux Français. Godignon a battu Pierre Durand, le Bordeauxais champion de France, sur le merveilleux petit Japlou.
- Speaker #1
À cette période, une jument, celle française, à l'itinéraire complètement atypique, entre dans la vie de Godignon. Née le 16 avril 1977, chez Louis Lempérière à Orval-sur-Sienne, dans la Manche, baptisée en référence au nom du lieu de l'élevage, La Belle-Thière est une toute petite jument d'1m58, à peine plus grande ou moins petite si vous préférez que j'appelou. Elle est la fille du pur sang peau d'or et de Griselidis, jument sel français par starter. Elle participe au cycle classique des jeunes chevaux, est achetée à 4 ans à l'issue de la grande semaine de Fontainebleau. Elle part alors en Martinique. Mais la jument est compliquée, trop compliquée. Son propriétaire jette l'éponge et la revend à un ami. Quelques mois plus tard... le voilà muté en Guyane. Pour des raisons sanitaires impossibles d'y amener la belle tière. Mais la jument a des qualités, c'est indéniable. Il décide alors de la renvoyer en métropole. Reste à trouver un cavalier capable de la monter. Dans le milieu du saut d'obstacles de haut niveau, Hervé Godignon a la réputation de monter des chevaux difficiles. En 1984, après trois semaines de bateau, la Zout, comme Hervé la surnommera plus tard, débarque dans ses écuries. En pleine forme, l'association peut débuter. Elle durera plus de dix ans. Pourtant, monter la belle tière à l'orage de sept ans est loin d'être une évidence. La jument est dure, tire en permanence. Mais Hervé comprend tout de suite qu'elle est hors norme. Il le sait, il le sent. L'avenir du couple s'annonce radieux. Bien d'autres cavaliers rigolent. Ils comprendront assez vite que la vision d'Hervé était la bonne. On s'est trouvé. dira plus tard le cavalier. J'ai fait des concessions, elle en a fait. T'es un vrai couple. Quelques concours à trois, l'équivalent aujourd'hui d'épreuves à 1m20, 1m25, et la Belle-Thierre gravit vite les échelons. Au CSIO d'Amsterdam, quelques mois plus tard, Hervé est privé de son cheval de tête pour l'épreuve qualificative du Grand Prix. La Belle-Thierre est appelée à la rescousse. Et sans faute. En 1987, sur le Grand Parquet de Fontainebleau, la Belle-Thierre offre aux Normands un nouveau titre de champion de France. Stade 2 et Jean Marquet, son homme de cheval, n'en manque pas une miette.
- Speaker #0
Eh bien c'est un formidable final que nous avons eu pour ce championnat de France ici au Grand Parquet à Fontainebleau avec avant le dernier parcours, le dernier des cinq parcours qu'il y avait pour ce championnat, six cavaliers à moins d'une barre. Et finalement, c'est un des anciens qui a gagné dans cette nouvelle querelle des anciens et des nouveaux. Hervé Godignon, neuf ans après son premier titre de champion de France, c'était en 1978. Il est un nouveau champion de France avec La Belle-Thière, une toute petite jument fantastique. Hervé Godignon et sa petite jument La Belle-Thière. Parti de la 11e place, ils sont 2e avant ce tour qu'ils terminent sans faute et ils prennent la tête du championnat, 9 ans après l'avoir déjà gagné. Reste Éric Levallois et son entier, le top de Sémigny. Le 7 à un vertical leur sera fatal. Hervé Gaudignon, 9 ans après ? Oui,
- Speaker #3
9 ans après, je croyais que c'était fini, puisque j'avais gagné en 1978, deuxième en 1979, troisième en 1980 et après plus rien. Alors je suis revenu au top niveau, comme l'ont écrit un petit peu les journaux avec la belle tière.
- Speaker #0
Deux petites juments, après l'être, la belle tière, c'est le plus petit cheval du concours là.
- Speaker #3
Moitié chandant, la belletière est effectivement la plus petite jument avec Japlou, puisqu'elle toise à 1 cm près la même taille. 1,68 ? 1,56.
- Speaker #0
1,56.
- Speaker #3
1,56, c'est effectivement tout petit, c'est plus petit que la plupart des barres qu'elle a sauté aujourd'hui.
- Speaker #1
En 1988, dans un long reportage proposé par France 3, Hervé évoque la belletière à l'occasion d'une séance de travail. C'est avec elle qu'il a remporté son second titre de champion de France. A Grenoble,
- Speaker #0
le voilà qualifié pour le barrage du Grand Prix Renault qu'il va remporter.
- Speaker #1
Le champion national va effectuer un parcours fulgurant avec sa petite bombe venue des Antilles il y a deux ans.
- Speaker #0
Godignon, le gagneur,
- Speaker #4
conseillé de temps à autre par Nelson Pessoa,
- Speaker #1
le cavalier qu'il admire le plus,
- Speaker #0
est venu à bout du tempérament de feu de la belle Antillaise.
- Speaker #3
J'ai réussi à trouver un rythme de travail qui ne la contrarie pas, où je la laisse se détourner un petit peu, se détendre à la longue. Et puis après, je peux faire une séance de travail beaucoup plus courte et qui est beaucoup plus constructive. C'est un perpétuel travail de dressage de fond, c'est-à-dire qu'elle a un cœur plus gros qu'elle. Elle n'est pas grande, mais elle a un gros cœur. Et elle veut tellement aller de l'autre côté des obstacles qu'elle, de temps en temps, elle pêche un peu par excès. qu'elle se précipite. Donc mon travail moi consiste sans arrêt à la calmer, à calmer le jeu, à essayer de la ralentir à la bord, à lui faire comprendre qu'un obstacle il va sauter en fait doucement, le plus doucement possible pour qu'elle soit très en équilibre. Et quand le cheval est parfaitement en équilibre, un cheval en général, et bien à ce moment-là on peut commencer à aller vite parce qu'il avance un petit peu comme un hors-bord. Alors que si elle cherche à aller trop vite, en fait elle se met sur les épaules, elle met du poids sur ses épaules et c'est comme ça que les cavaliers vont à la côte. J'essaie de travailler le plus possible dans des allures calmes et lentes et de ne garder le galop que de temps en temps à l'entraînement et puis aux réserves pour les parcours.
- Speaker #1
Logiquement, le couple figure parmi les prétendants à une sélection pour les Jeux Olympiques de 1988 à Séoul. Le prestigieux concours de Dinard doit permettre au sélectionneur Patrick Caron de faire sa sélection. Mais rien ne va se passer comme espéré pour Hervé.
- Speaker #0
Pantard, bravo, la firste présentait bien à Dinard dans la Coupe des Nations pour une équipe de France composée de Pierre Durand, Michel Robert, Frédéric Cotier et Hervé Godignon. En fait, ce fut un beau beat comme on dit. 52 points pour la France, une contre-performance suivie avec attention par les petits camarades Philippe Rosier, Éric Navet et Hubert Bourdi, alors également candidats au voyage à Séoul. Hervé Godignon et Mouette Labeltière, sérieux candidats au voyage en Corée, étaient particulièrement malheureux. 20 points dans la première manche, 12 points. dans la deuxième.
- Speaker #1
Patrick Caron a fait sa sélection. Le verdict tombe.
- Speaker #2
4 cavaliers, Pierre Durand, Michel Robert, Hubert Bourdi et Frédéric Cotier constitueront l'équipe des Jeux Olympiques de Séoul.
- Speaker #0
Alors pour la 5e place, Hervé Godignon ou Philippe Rosier ?
- Speaker #2
Il faut donc emmener à ces Jeux une réserve, un 5e cavalier prêt. Prêt à remplacer au dernier moment, c'est-à-dire la veille de la compétition, un des 4 cavaliers que je vous ai cités. Et pour cela, j'ai choisi Philippe Rosier. Il faut s'entourer de toutes les précautions. Séoul, ce n'est pas la porte à côté. C'est un long voyage. Nous avons une quarantaine. Les chevaux ne sont pas des machines. Il peut leur arriver quelque chose. Une tendine unique, comme un humain. Ce sont des athlètes.
- Speaker #0
Sous le regard déçu de son sponsor Jean-Marie Dubois, Hervé Godignon n'est donc premier réserviste.
- Speaker #2
C'est un cavalier dont la saison 1988 a été ponctuée de petits soucis. Une entorse du genou pour le cavalier en plein milieu de saison. Donc, écarté de l'équipe première, revient très fort en équipe deuxième, leader de l'équipe numéro 2, arrive à Dinard avec une jument qui n'est pas en super forme. Il a monté remarquablement comme le champion qu'est Hervé Gognon, mais cela n'est pas suffisant. De plus, Hervé Gognon ne conçoit pas dans son esprit d'aller aux Jeux Olympiques de Séoul à la place de cinquième, c'est-à-dire à la place de réserve. Dans la mesure où un cavalier n'est pas bien dans sa tête, je ne peux pas prendre ce risque.
- Speaker #1
Pendant que Pierre Durand et Japlou se partent d'or en Corée du Sud, moment que vous pouvez revivre dans l'épisode 35 de Légende Cavalière, Hervé et la Belle-Thière se consolent à Calgary, avec la deuxième place du très doté Grand Prix. Idéal avant de se projeter sur 1989. Une année marquée par de multiples succès. Au niveau hexagonal, Hervé Godignon s'offre un nouveau titre de champion de France à Fontainebleau, son troisième et le deuxième avec la Belle-Thière. Deux autres suivront d'ailleurs avec Unique du Perchy en 1995 et Viking du Tillard en 1996. Aux Européens organisés à Rotterdam, le couple doit certes se contenter d'une 9e place individuelle dans un championnat remporté par le mythique couple John Whittaker-Milton devant Michael Whittaker avec Monsanta. La médaille est obtenue par équipe pour l'équipe de France. De l'argent à partager avec Michel Robert sur Lafayette, Philippe Rosier sur Oscar Minotier et Pierre Durand, bien évidemment sur Japlot. On retrouve Jean Marquet dans Stade 2 pour le parcours d'Hervé.
- Speaker #0
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, bonjour. Ici Rotterdam, le Kralingen Park, un cadre idéal pour ce championnat d'Europe d'équitation dont nous suivons ici la deuxième manche de l'épreuve Paris-Cypre avec en piste Hervé Godignon et Moët Labelle-Thiers. 8 points dans la première manche. Hervé Godignon, dont c'est le premier championnat d'Europe. A mes côtés, un fidèle, Marcel Rougier.
- Speaker #2
On est de droite.
- Speaker #5
D'accord,
- Speaker #0
l'objet numéro 6, vertical. délicat. Deux fautes dans la première manche. C'est ce qui aborde maintenant ici devant nous le triple.
- Speaker #1
Auxerre, vertical, auxerre,
- Speaker #5
auxerre,
- Speaker #1
vertical, une foulée, auxerre.
- Speaker #5
Bien.
- Speaker #1
Il attaque le déconal, vertical, délicat. Nord de spa, deux mètres de large.
- Speaker #0
Auxerre, une foulée,
- Speaker #1
auxerre,
- Speaker #5
auxerre, une foulée, auxerre.
- Speaker #0
4 points ici pour Hervé Godignon, c'est intéressant parce que la France court au moins pour une médaille d'argent dans ce championnat de range.
- Speaker #1
L'hiver suivant débute par la Coupe du Monde de Bordeaux, organisée dans le nouveau vélodrome.
- Speaker #0
7 cavaliers au dernier barrage, autant dont le champion de France Hervé Godignon ici, avec sa belle petite jument, Mouette Labeltière. Ils vont vite, mais une côte des antérieurs, 4 points, un excellent temps toutefois, 38 secondes, 73 centièmes. Pour Hubert Bourdi, dans ces conditions, avec Morgat, mieux est d'assurer le sans faute. Belle morphologie Morgat, menée par un excellent jockey, Bourdi. Médaillé de bronze par équipe au JO de Séoul, Hubert Bourdi montre ici toute son assurance. Il termine sans faute et il va gagner ce Grand Prix de Bordeaux. Après lui, Roger Yves Bost fera en effet deux barres et le sorcier brésilien Nelson Pessoa une barre. Yann Millard se classe deuxième, Hervé Godignon troisième.
- Speaker #1
Un podium de plus pour le couple Godignon-Label-Thiers. Quelques semaines plus tard, nouveau coup d'éclat. Les Pays-Bas réussissent décidément bien aux Français. À Amsterdam, cette fois, le couple français s'offre en effet le Grand Prix Coupe du Monde, son deuxième. Tous ces bons résultats sur le circuit indoor le qualifient logiquement pour la finale organisée à Dortmund avec une 23e place à la clé. En 1990, se profilent les Jeux équestres mondiaux de Stockholm. Tous les indicateurs placent le couple français parmi les grands favoris. La belle tière est en très grande forme. Elle remporte même le grand prix du CSIO de Stockholm, justement. Dernière grosse épreuve avant les mondiaux, le CHIO d'Aix-la-Chapelle. Hélas, à la réception d'une rivière, la jument trébuche et se fait une entorse au boulet. Le couple doit renoncer au JUM. Sans doute l'un des plus grands regrets du cavalier, tant la jument était alors au sommet de sa forme. Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. Éric Navet et Kito Debossy sont appelés à leur place. Ils se pareront d'or en individu allé par équipe lors de l'une des pages les plus marquantes de l'histoire des sports équestres français. Un moment que vous pouvez bien évidemment revivre dans l'épisode précédent de Légende Cavalière. La Belle-Thière est de retour à son meilleur niveau en fin d'année. Au Masters, organisé Porte de Versailles à Paris, elle devance tous les autres champions tricolores.
- Speaker #0
Navet est battu par le malchanceux d'une saison qu'il termine pourtant très fort, Hervé Godignon, qu'une légère blessure de la belle-thière a privé d'une sélection cet été pour le championnat du monde gagné par son remplaçant, Éric Navet. Vainqueur récent du Grand Prix de New York, Hervé Godignon confirme ici en gagnant l'épreuve.
- Speaker #1
Peu à peu, un fils de Jalisco, un certain Kidam de Revelle, né en 1982, commence à faire parler de lui. Assez vite, il endosse même le rôle de cheval de tête du Normand. Il va l'emmener vers d'autres sommets. C'est avec les talons, c'est le français qu'il obtiendra en effet son meilleur résultat en finale Coupe du Monde. Une cinquième place en 1991 à Göteborg. Avec Kidam, il participera à ses premiers Jeux Olympiques à Barcelone en 1992. Il repartira d'Espagne avec le bronze par équipe. Accompagné sur le podium par Eric Navet sur Kito de Bossy, Hubert Bourdi sur Radzia Duponcelle et Michel Robert sur Nonix.
- Speaker #4
Et puis les cavaliers français. Ils n'ont pas raté leur premier rendez-vous, médaille de bronze du concours par équipe, derrière les Pays-Bas et l'Autriche, la France, troisième nation du monde, en équitation comme à Séoul. Tous les espoirs sont donc permis pour le concours en individuel dimanche. Bonsoir, ils s'appellent Navé, Godignon, Robert, Bourdi, ils sont donc troisième des Jeux Olympiques. Une histoire d'homme, une histoire de cheval, une histoire d'amour en fait.
- Speaker #0
Hervé Godignon ici réussit un sans-pote dans la deuxième manche par équipe.
- Speaker #4
La journée des cavaliers français s'annonce heureuse.
- Speaker #1
Quelques heures plus tard, on retrouve Godignon au micro de Jean Mamère.
- Speaker #4
Hervé Godignon, ça fait quoi le plaisir de recevoir une médaille olympique ? Vous avez gagné quand même beaucoup de choses.
- Speaker #3
Oui, c'est vrai, après une carrière bien remplie, ça fait drôle de disputer les premiers Jeux olympiques, mais je crois que l'émotion est intacte, comme si j'avais… 18 ans.
- Speaker #4
C'est vraiment différent, c'est une compétition vraiment différente.
- Speaker #3
Il y a une tension qui est extrêmement importante. C'est vrai qu'on se met beaucoup plus de pression peut-être que l'épreuve elle-même n'en exigerait. C'est ça qui est passionnant, surtout quand ça ne se passe pas trop mal.
- Speaker #1
En individuel, il échoue cette année-là au pied du podium, dominé par Ludger Berbaum et Classic Touch. Quatre ans plus tard, à Atlanta, associé à Viking du Tillard, il terminera à nouveau au pied du podium, cette fois par équipe. Hervé Gaudignon met sa belle tière à la retraite à 17 ans. Les adieux se font à Bercy. Dans un scénario bien évidemment préparé à l'avance, Hervé interrompt son parcours au milieu d'une épreuve et décèle la Jumant. Quelques mots, puis un symbole. La Jumant a déjà eu un poulain, Highlander One, par Prince d'Inconville. Et talons lui aussi montés par Gaudignon, vainqueur notamment du derby de Dinard en 1989. Highlander fait alors son entrée sur la piste de Bercy au Grand Gallo. La transmission. est assurée. Le dernier parcours de la Belle-Thière ? Pas tout à fait. Dans la seconde partie de cet épisode, Hervé nous racontera une délicieuse anecdote qui, quelques mois plus tard, fera ressortir la jument de son pré pour une nouvelle victoire. Cette fois la dernière. Assez vite après sa vraie retraite, la jument manifestera des fourbures qui finiront par lui coûter la vie. D'autres illustres chevaux permettront à Hervé de rester encore au plus haut niveau plusieurs années, avec quelques grands succès à son palmarès. Parmi eux, unique du Perchy, médaillé de bronze par équipe aux Européens de Saint-Gal en 1995, avec à l'époque Alexandra Lederman sur Ausha, Roger Yves Bost sur Souviens-toi et le regretté Jean-Maurice Bonneau sur Hurlevent Pironière. Diams III ou encore Calypso d'Herbier, sans oublier Obélix, avec lequel il disputera ses derniers Jeux équestres mondiaux. En 2006, à Aix-la-Chapelle, Stade, où il avait quelques semaines avant pris la deuxième place du Grand Prix du CHIO, comme en 1993 derrière le Belge Jean-Claude Wangenberg, et cette fois derrière Marc Oussenning sur Cushion Girl, et juste devant Éric Lamaze sur XTED. Sacré podium. Mais comme le confie Hervé Gaudignon dans la suite de ce podcast, c'est bien la belle tière qui occupe la place du roi, ou plutôt de la reine dans son cœur. Il est désormais temps de retrouver Hervé Gaudignon qui a eu la gentillesse de nous recevoir dans ses écuries à Port-Mort dans l'heure.
- Speaker #0
Hervé Gaudignon, merci beaucoup de nous recevoir chez vous, dans vos écuries, dans l'heure, à la frontière des Yvelines. Bel endroit d'ailleurs, Hervé.
- Speaker #1
Oui, j'ai coutume de dire que c'est la Normandie parisienne.
- Speaker #0
Exactement, c'est un peu ça. Je vais vous proposer un voyage dans le temps, repartir à l'époque de vos 30 ans. C'est plutôt tentant ça, non ?
- Speaker #1
Oui, c'est même un rêve.
- Speaker #0
Écoutez, on va le concrétiser. On va évidemment évoquer la Belle-Thière, mais pas que la Belle-Thière, parce que... Votre carrière est tellement longue, Hervé, qu'il y a eu beaucoup de chevaux marquants dans votre histoire.
- Speaker #1
Oui, c'est une chance, effectivement. Je crois que je fais partie des cavaliers qui ont amené le plus grand nombre de chevaux à ce niveau. Alors aujourd'hui, tout s'accélère. Je pense que des cavaliers comme Kevin ou Pénélope ou Simon de l'Est s'en approchent largement.
- Speaker #0
Donc à l'époque de vos 30 ans à peu près, il y a déjà eu des chevaux marquants, électres notamment,
- Speaker #1
c'est un peu le début de l'histoire. Oui, c'est la première d'une histoire, parce que ce n'était pas la première en termes de performance, puisque j'ai gagné le Grand Prix de la Bôle en 1976 avec Cupidonfou, qui a été le premier cheval, puis après est venu un petit peu Faolo d'Escla. Oui, c'est ça. Et Electre est arrivé, mais Electre, c'était une histoire, je dirais, du début à la fin, puisque c'est une jument que j'ai eue dès l'âge de 3 ans, au débourrage, et avec toute la carrière qui va avec jusqu'au championnat de France et des Coupes des Nations.
- Speaker #0
Exactement, c'est votre premier titre de champion de France, il est avec Electre.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Petite jument aussi.
- Speaker #1
Oui, 1m60. Je n'ai jamais été raciste. Ni sur la taille, ni sur la race, ni sur... Voilà, mais j'ai de cœur... Voilà, on peut dire que quand un cavalier monte un cheval, il fait un mariage. Et puis dans la vie, il y a des mariages d'affaires et des mariages d'amour. Alors j'ai monté des chevaux d'un mètre quatre-vingt, mais ce n'est pas mes grands mariages d'amour. Je préfère de cœur les petits chevaux pleins de sang qui ressemblent un petit peu à ce qui se fait aujourd'hui.
- Speaker #0
Justement, on va rester dans la petite jument au caractère bien trempé. La Belle-Thierre, l'histoire est assez incroyable. Racontez-nous un petit peu la genèse de votre mariage, justement de votre union.
- Speaker #1
Oui, alors la Belle-Thierre est une jument qui appartenait à des amis martiniquais qui avaient acheté la jument lorsqu'elle avait 4 ans. qui avait donc été exporté en Martinique et qui, à 7 ans, son propriétaire de l'époque, je vais les citer, le premier c'était Hugues Ayotte, qui n'a pas pu s'entendre avec l'ajument et je le comprends, c'est pas dévalorisant pour lui de dire que c'était compliqué, et qu'il l'avait revendu à un de ses amis, Jacques de Virginie, et ce fameux Jacques de Virginie, c'est... lors de son parcours professionnel, a dû aller travailler en Guyane. Et il ne pouvait pas emmener la jument avec lui pour des raisons sanitaires. C'est-à-dire qu'il aurait pu l'amener, mais il n'aurait pas pu la ramener en retour. Donc la question s'est posée, la belletière est là, qu'est-ce qu'on en fait ? Et à l'époque, disons qu'il y avait... deux cavaliers qui avaient la réputation de monter des petits chaux. C'était Jean-Marc Nicolas et moi-même. Et leur choix s'est porté sur moi. Voilà, et donc j'ai récupéré la jument après ces trois semaines de bateau qui est arrivé dans un conteneur en pleine forme.
- Speaker #0
Elle faisait quoi en Martinique ? Il y a des concours ?
- Speaker #1
Oui, il y a un circuit de concours absolument je ne sais pas elle faisait des épreuves à 125, 130 elle sautait un peu plus haut parce qu'ils s'étaient amusés à faire un peu des puissances donc c'est là où je pense que tout le monde s'est rendu compte que la Jumant avait quand même un petit potentiel qui sortait de l'ordinaire...
- Speaker #0
Vous avez parlé de votre réputation avec Jean-Marc Nicolas de cavalier qui montait des chevaux un peu compliqué. Comment on acquiert cette réputation ? Ça vient d'où ?
- Speaker #1
On l'acquiert déjà, dans mon cas, quand on n'est pas un enfant du serail. Mes parents n'avaient rien de... Je n'étais pas un fils de pro. Comment fait un jeune cavalier quand... Il démarre sa carrière, il monte tout ce qu'on lui amène. Il n'y a pas le choix. Je n'ai pas eu le choix que de monter tout ce qu'on m'amenait. Évidemment, n'ayant pas la notoriété au départ, j'ai eu un peu les repris de justice. Et donc, ayant réussi avec eux. Ça a contribué à ma réputation, y compris à une réputation qui n'est pas la plus flatteuse. Puisque quand on m'amenait des chevaux au refus, dans notre jargon des chevaux plantés, quelques fois j'ai dû avoir des attitudes qu'aujourd'hui on n'autorise plus. Et donc ça, ça m'a suivi longtemps, jusqu'au jour où quand on m'amenait un cheval en me disant bon cheval pour vous, il est complètement au refus. Un jour, j'ai dit non, stop, stop, parce que ça ne m'amuse pas, ça ne me plaît pas, moi, j'aime les chevaux et je n'ai plus jamais eu de problème à ce niveau-là.
- Speaker #0
La Belle-Thière, vous m'avez dit, elle est arrivée, trois semaines de bateau et pourtant, pleine forme.
- Speaker #1
Ah non, mais plus que pleine forme, parce que voilà... On peut dire qu'elle est restée enfermée pendant trois semaines. Donc j'avais l'impression de monter sur le taureau qui rentre dans l'arène. Les premières fois, ça sortait par les trous de nez, les yeux qui tournaient dans les orbites. Mais voilà, on a senti tout de suite que ça allait être quelque chose de spécial.
- Speaker #0
J'ai lu que les autres cavaliers, quand vous leur disiez que vous aviez là une jument pour aller très haut, vous regardaient parfois un petit peu avec sourire, on va dire.
- Speaker #1
Oui, oui, ils me disaient t'es complètement fou, t'es complètement fou Oui, c'est très personnel, mais j'en ai fait. D'ailleurs, c'était presque un moteur pour moi. Parce que j'ai dit, je vais vous montrer. Et donc, effectivement, je me suis acharné. Il y a eu beaucoup de travail, beaucoup. C'est une jument qui demandait, mais qui avait un tempérament. Je n'en ai pas eu deux comme ça dans ma vie. Effectivement, c'est hors du commun.
- Speaker #0
Comment on travaille justement ce type de jument ?
- Speaker #1
On apprend un peu. Alors, je l'aurais aujourd'hui, j'aurais certainement... Parce que j'ai essayé, on emprunte... J'étais à la fois un jeune cavalier quand même, donc en début de carrière, pas toute l'expérience. Et donc, on n'a pas toujours les solutions. Donc, on emprunte des routes. Et puis, quelquefois, il s'avère qu'elles sont sans issue. Donc, on revient en arrière, puis on reprend une autre route. Et elle avait besoin de dégazer. Ce n'était pas qu'une question de travail. et d'intensité dans le travail, elle avait besoin de lâcher. Donc il fallait qu'on la mette en liberté, qu'elle fasse de l'allonge, qu'elle se défoule complètement pour ne pas être débordée par son énergie débordante.
- Speaker #0
Le barrage, c'était son truc ?
- Speaker #1
C'était son truc. C'est-à-dire que le plus difficile à monter, parce que c'est une jument qui était... qui réagissait en opposition. C'est-à-dire, si vous la montez reine longue, la jument, elle est impeccable. Elle ne tire pas. D'ailleurs, les cavaliers, vous savez ce qu'on dit, pour tirer, il faut être deux. Donc, les reines longues, la jument était parfaitement calme. Dès qu'on voulait la ralentir, par opposition, elle se mettait à tirer dans l'autre sens. Donc le plus compliqué, c'était les premiers tours avec des parcours évidemment plus techniques, avec des distances imposées. Et là, ça la rendait un petit peu furieuse. Donc voilà, on a appris à se connaître. J'acceptais une imprécision, je dirais visuelle, parce qu'elle bougeait beaucoup la tête. Mais à la fin, j'avais quand même... J'arrivais à placer mes distances à peu près comme je voulais, à peu près. Et le barrage, qui est l'exercice où au contraire, là, on peut lâcher un peu les gaz, parce que la jument était débordante d'énergie, avec ce tempérament d'opposition, mais absolument pas hystérique. Elle était tout sauf folle. Donc je pouvais venir, mais vraiment à fond de ballon. sur un obstacle, la jument se reprenait toute seule. Mais je ne pouvais pas monter un parcours de Grand Prix initial avec les reines à la couture, sans n'importe quoi. Mais voilà.
- Speaker #0
J'ai lu qu'à un moment, vous déclariez, j'ai fait des concessions, elle a fait des concessions. On est de nouveau dans le mariage, là.
- Speaker #1
Oui, absolument. Mais absolument. Absolument. On a appris. J'ai appris. J'ai appris parce que... Dans un couple ou dans une relation conflictuelle, à mon avis, c'est toujours le plus intelligent qui cède. Donc il vaut mieux dire ok, c'est pas grave et puis prendre les choses un peu par la bande plus que d'essayer d'attaquer de front.
- Speaker #0
Les résultats sont venus assez vite, il y a tout de suite eu des grosses victoires.
- Speaker #1
Oui, très rapidement. Très rapidement, d'ailleurs la progression, quand elle est arrivée à la maison, elle avait donc 7 ans, on a commencé par faire des épreuves. Elle a fait 7 ou 8 épreuves, une petite dizaine d'épreuves, du milieu de l'année de 7 ans jusqu'à la fin de l'année de 7 ans. Et on a commencé sur des épreuves d'1m25 et terminé au niveau 1m45-1m50. Donc ça a été effectivement ultra rapide. Elle avait ce tempérament où je l'aurais mis devant un autobus et j'aurais essayé de sauter l'autobus.
- Speaker #0
C'était la période des petits chevaux parce qu'en équipe de France, il y avait un cheval Japlou.
- Speaker #1
Oui, c'était la période des deux petits bouts de zan. tout noir, un peu fougueux aussi.
- Speaker #0
La Belletière avait un surnom d'ailleurs, vous l'appliez.
- Speaker #1
Ah ça c'est un de mes groupes qui l'appelait la Zoute,
- Speaker #0
je ne sais pas pourquoi.
- Speaker #1
Ça ressemble à Zouk peut-être. Peut-être,
- Speaker #0
c'est une origine antillaise, peut-être le passage aux Antilles. L'équipe de France c'était quelque chose d'important pour vous. J'ai lu aussi tous les autres cavaliers, quand ils parlent de vous ils disent J'ai trouvé, il avait la veste bleue accrochée au cœur
- Speaker #1
Oui, franchement, je crois d'ailleurs détenir le record du nombre de Coupes des Nations. Je dois avoir 107 ou 108 Coupes des Nations. C'était vraiment... Et puis c'était une époque aussi où, quand on parlait d'équipe de France, on parlait de Coupes des Nations. C'est un circuit... C'était le plus gros circuit. Aujourd'hui, tout ça a été remplacé par les 5 étoiles, par le Global Champions Tour, par des tas d'autres circuits parallèles et bien mieux dotés qui sont venus se mettre en concurrence. Mais à l'époque, les 5 étoiles de l'époque, c'était les CSIO. Donc, quand on était en équipe de France, c'était pour monter les Coupes des Nations. Et puis... Il y avait cette histoire, bien sûr, du drapeau et de l'élevage. Puisqu'on mettait en valeur, c'était la guerre des élevages, des studbooks, un petit peu.
- Speaker #0
C'est l'époque des Jeux Olympiques 88, Séoul. Malheureusement, il y a Dinard avant, où ça ne se passe pas très bien. Il y a une Coupe des Nations à Dinard, il y a pas mal de fautes. Et pas de Jeux Olympiques 88, c'était une grosse déception, avec la belle tière.
- Speaker #1
Oui, un petit peu, mais j'ai eu une bonne compensation parce que si on parle bien de Séoul où j'étais 5e en fait. Et j'ai demandé à Patrick Caron l'autorisation, je lui ai demandé précisément est-ce que j'ai une chance de rentrer dans l'équipe. Il m'a dit, écoute, s'il y en a un qui tombe raide boiteux, oui, mais sinon, non. Donc au moins, il a eu cette honnêteté. Je lui ai dit, à partir de là, est-ce que tu m'autorises à ne pas venir et plutôt aller courir Calgary, qui était pendant cette période-là ? Il m'a dit, non, pas de problème. Donc Philippe Rosier est rentré à ma place en cinquième. Et j'ai été courir Calgary où j'ai terminé deuxième du Grand Prix. qui était à l'époque le Grand Prix le plus doté du monde. Donc j'ai séché mes larmes avec les billets de banque.
- Speaker #0
Exactement, c'est une bonne façon de les sécher. Alors il y a eu aussi une autre, là on est dans la période un petit peu plus compliquée. Il y avait les Jeux équestres mondiaux en 90, mais il y a une rivière avec la chapelle qui a un petit peu... Ah je sens le...
- Speaker #1
Alors là j'ai beaucoup plus de regrets. Parce qu'effectivement, on avait eu... À quel endroit déjà dans le Grand Nord, ces championnats du monde ?
- Speaker #0
Les championnats du monde, c'était à Stockholm.
- Speaker #1
À Stockholm. Donc on avait eu un CSIO en début d'année à Stockholm où j'avais gagné le Grand Prix avec la Belletière. Donc je veux dire que tous les voyants étaient au vert. Et j'aurais tellement rêvé de faire une finale tournante avec la Belletière et voir les trois autres essayer de se... de se sortir de ce pétrin.
- Speaker #0
Et puis donc, l'histoire, c'est une réception à une arrivée.
- Speaker #1
Oui, elle a trébuché à la réception. Elle a fait, emportée par l'élan, elle a fait une quinzaine de mètres, un petit peu en se rattrapant à moitié sur les genoux parce qu'elle n'allait pas se laisser tomber. Mais effectivement, elle a eu une petite entorse du boulet qui a fait qu'elle...
- Speaker #0
Et puis l'histoire fait que Eric Navey vous remplace, Eric Kito qui est le champion du monde, etc. Mais justement, est-ce que vous allez vous souvenir comment on vit les championnats du monde des autres ? Alors on se dit, j'aurais dû être là. Comment on vit ça ?
- Speaker #1
Je n'ai pas le souvenir exactement de ma réaction, mais si je réagissais il y a 30 ans comme je réagis maintenant, on a des carrières tellement longues que rater, ce n'est pas comme un athlète, quand il rate les Jeux, il ne sait pas s'il en fera d'autres. Quand on est cavalier, on voit des champions olympiques comme Nick Skelton à 59 ans, Voilà, donc la vie ne s'arrête pas. Bon, c'est certainement un regret, mais effectivement, le fait d'abord de courir en équipe, on a un peu l'esprit d'équipe. Donc non, non, je ne l'ai pas plus mal vécu que cela.
- Speaker #0
90, 91, c'est un peu la fin de la belle tière. On arrive sur les dernières années. Il y a encore des... Beau résultat. Je crois que d'ailleurs, juste après les championnats du monde, vous avez dû déclarer forfait. Vous revenez à le Masters Port de Versailles que vous gagnez.
- Speaker #1
Oui, oui. En toute simplicité. Oui, non, mais il faut être prêt le jour J à l'heure J avec tous les éléments. Bon, effectivement.
- Speaker #0
Mais sur ce, vous gagnez le Masters à Paris. Mais pour le Grand Prix, il y a un certain Kidam de Reveille qui est déjà là.
- Speaker #1
Alors, il y avait Kidam. En fait, on avait le droit de monter trois chevaux parce qu'il y avait un... Une épreuve de vitesse, ensuite formule Grand Prix et ensuite une puissance. Et donc j'ai eu la chance de pouvoir aligner trois chevaux avec la beltière que j'ai mis directement dans l'épreuve de vitesse. Kidam dans l'épreuve type Grand Prix où il n'y avait pas de chrono et ça tombe bien parce que ce n'était pas sa spécialité. Et la puissance, j'avais monté quel type d'aile que José Berenol m'avait prêté pour cette occasion. et j'avais gagné les trois épreuves. Et un,
- Speaker #0
et deux, et trois.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
Rappelez-nous votre record à la puissance, la hauteur ?
- Speaker #1
Alors, pas avec quel type, mais avec Nanou du Menildo, c'était 2,32 m et 2,33 m.
- Speaker #0
Qui était le record d'Europe.
- Speaker #1
À l'époque, oui. J'avais même fait une tentative sur l'obstacle record du monde qui n'a rien à voir avec le mur. Mecquelen où on avait mis la barre à 2,50 mètres et j'ai fait trois tentatives. La dernière a failli passer mais le cheval a accroché un petit peu les postérieurs en redescendant. Et voilà, ça fait haut. Ça fait haut,
- Speaker #0
ça commence à faire haut. On vient d'évoquer Kidam de Revelle. Le grand public, souvent si on dit Hervé Gaudignon, si on lui demande de citer un cheval, il cite Kidam. Est-ce que c'est la réalité de votre cœur ?
- Speaker #1
Non, non, non, Kidam, on l'a évoqué tout à l'heure quand on parlait un petit peu avant. Kidam, c'est certainement le cheval qui médiatiquement m'a fait le plus connaître parce que c'est devenu un cheval un peu d'exception sur le plan génétique, ce côté étalon. Mais j'ai monté Kidam pendant quatre années. Tiens, je vais vous poser une colle, cher Pascal. Combien d'épreuves à une période où je pense que je gagnais plutôt pas mal en quatre ans ? Combien d'épreuves j'ai gagné avec
- Speaker #0
Kidam ? Si vous me posez la question, je vais dire une vingtaine. Pas tant que ça. Deux.
- Speaker #1
J'ai gagné le Grand Prix de Rome. Et en fait, si je suis très honnête, je ne l'ai pas gagné. C'est les autres qui ont perdu parce que j'étais le seul double sans faute. Et j'ai gagné réellement le Grand Prix de New York en allant chercher au barrage des chevaux comme Big Ben, Milton, et tout, Jim Twist, enfin tout ce qui comptait de chevaux de l'époque. Mais je savais que c'était le dernier concours de l'année et que je pouvais lâcher les gaz et prendre tous les risques parce qu'après j'avais au moins trois mois pour le remettre un petit peu en ordre.
- Speaker #0
Effectivement, oui, ça ne fait pas beaucoup. Deux victoires finalement avec le Val.
- Speaker #1
Le nombre de doubles sans faute dans les Coupes des Nations, là, c'était assez réglé comme du papier à musique.
- Speaker #0
Il y a eu beaucoup d'autres chevaux dans votre carrière. S'il y en a qui ressortent comme ça avant d'enregistrer cet entretien, on parlait d'Obelix qui vous a permis d'être deuxième.
- Speaker #1
C'est le dernier. Avant, il y a eu une autre jument de cœur qui s'appelait Diams. Romain Lécuyer, je cherchais son nom tout à l'heure, était le naisseur-éleveur, qui a fait aussi un beau brin de carrière avant d'être exporté aux Etats-Unis. Et puis Twist Duvalon, Pimpin Duvalon que j'ai monté, qui était aussi un cheval de cœur, Pimpin. Et puis voilà, si on parle du dernier, c'est Obélix qui m'a permis d'être effectivement deuxième du... du fameux Grand Prix d'Aix-la-Chapelle.
- Speaker #0
Pour revenir à la Belle Tière, deux fois champion de France avec la Belle Tière. En tout, vous l'avez été cinq fois champion de France. Le championnat de France, ça avait une vraie valeur à cette époque.
- Speaker #1
Oui, il était très couru, effectivement. Comme je vous le disais tout à l'heure, il y avait moins de grosses échéances à courir, quasiment 12 mois sur 12 maintenant. Quand on regarde le programme, le championnat de France faisait partie de ce concours que pas un cavalier de première catégorie de l'équipe de France n'aurait manqué. C'était une des échéances de l'année. On avait le championnat continental, championnat d'Europe, championnat du monde, Jeux Olympiques et le championnat de France qui, tous les ans, était le grand rendez-vous, la grande semaine de Fontainebleau. qui était d'ailleurs prisé par un public absolument incroyable. Voilà, c'était le moment où justement le public venait, le public français venait au contact de ses cavaliers, de ses champions. Et voilà, c'était une grande fête.
- Speaker #0
Un dernier mot sur la Belle-Thierre, sur sa retraite. Vous avez décidé quand de dire, allez, on arrête là ? Et en plus, la fin est plutôt spectaculaire. Le dernier tour, je connais l'histoire, je spoile un petit peu, mais la fin est plutôt spectaculaire aussi. Alors,
- Speaker #1
je pense que vous parlez des adieux à Bercy. A Bercy,
- Speaker #0
oui.
- Speaker #1
Alors, je vais quand même donner une anecdote que vous n'avez pas relevée. C'est que c'était son avant-dernière épreuve. Et je vais vous y amener. Mais effectivement, j'ai senti qu'il y a un moment donné, D'abord, d'autres chevaux poussaient derrière. Elle arrivait quand même à un âge, je veux dire, respectable. 17 ans ou 18 ans. Dans 17 ans. Et bon, j'ai préféré l'arrêter, ne pas faire le parcours de trop. Et dire, bon, ben voilà, elle a donné quand même pendant 9 ans. Ça fait beaucoup. D'ailleurs, on a oublié. son compagnon de voyage, Prince d'Incoville, dans les chevaux qui ont marqué aussi, puisque justement, lors des adieux à Bercy, on avait, l'année précédente, fait faire un transfert d'embryons avec la Belletière, donc en mère donneuse, et Prince d'Incoville, qui faisait camion commun avec elle depuis 4-5 ans. Et donc on avait fait un transfert d'embryons avec les deux, d'où était né un petit poulain qu'on a appelé Highlander, parce qu'on pensait que c'était la fille d'un guerrier, que c'était un peu le tempérament de prince et d'une immortelle. Donc s'il n'en reste qu'un, c'était Highlander. Et on a présenté la belle tière lors d'un parcours que j'ai interrompu. où on m'a donné le micro, on a décelé la jument, on a fait rentrer Prince pour expliquer que l'aventure ne s'arrêtait pas complètement, qu'ils avaient fait voyage commun et que, évidemment, naturellement, était arrivé ce qui devait arriver. Et on a lâché le poulain en liberté dans Bercy.
- Speaker #0
Mais donc, il y a une suite.
- Speaker #1
Et donc, la suite, c'est que l'année après, la jument était repartie au Pré. Elle était ici, d'ailleurs, où elle coulait des jours. Très heureuse, pleine forme, elle avait gardé vraiment sa taille de jeune fille, elle ne s'était pas du tout démusclée. Et au moment des championnats de France de l'année d'après, il y avait une épreuve qui était la finale des habits rouges à l'époque, qui était une épreuve d'un niveau 145 à peu près, et je n'avais pas de cheval, et je me suis dit, mais la belle tière. On a rentré la Belle-Thière une dizaine de jours avant, on l'a allongée, tendue, enlevée les toiles d'araignée, la boue, refait une petite séance de saut de puce, on est allé à Fontainebleau, elle a gagné cette épreuve-là, et elle est repartie au pré tranquillement.
- Speaker #0
Voilà, la vraie dernière épreuve de la Belle-Thière.
- Speaker #1
Voilà, c'était Fontainebleau.
- Speaker #0
9 ou 10 ans en gros de compétition, qu'est-ce que vous retenez de la Belle-Thière ?
- Speaker #1
Première victoire, beaucoup de victoires, c'était vraiment... Quand on parle justement de mes chevaux, on a évoqué Kidam versus la Belletière. La Belletière gagnait. Quand elle était au barrage, c'était facile d'aller la chercher quand ça passait. C'était une espèce de quatre roues motrices. Si je prenais des virages, le motard que vous êtes doit savoir de quoi je parle. Voilà.
- Speaker #0
D'accord. Écoutez, parfait Hervé. Merci. Ce petit voyage dans vos 30 ans, c'était bien ?
- Speaker #1
Oui, très bien.
- Speaker #0
Merci beaucoup Hervé Godillon de nous avoir reçus.
- Speaker #1
De rien.
- Speaker #0
C'était un podcast de grand prix. Un très très grand merci à Hervé Godignon. Merci à Sébastien Roulier-Varlamoff pour son précieux soutien éditorial et à Swan Decam, notre fidèle monteur et mixeur. Merci à vous d'avoir écouté ce podcast que vous pouvez bien évidemment partager sur les réseaux sociaux. N'hésitez pas à vous abonner et à nous soutenir par vos votes et vos commentaires sur les plateformes d'écoute. Vous pouvez évidemment y réécouter tous les épisodes précédents. Et surtout... Rendez-vous au prochain épisode de Légendes Cavalières.
- Speaker #2
Sous-de-Cavalières.