- Speaker #0
Bienvenue au 12-14 de l'URPS Médecins Libéraux, le rendez-vous de l'Organisation des soins en Ile-de-France. Une heure d'échange sur les initiatives locales qui font bouger les lignes. Aujourd'hui, le 12-14 est consacré à la pénurie de médicaments. Comment s'organiser localement ? Pour en parler, l'URPS Médecins a invité Mme Sonia Delaprovot, sénatrice et médecin. et présidente de la commission d'enquête sur la pénurie du médicament. Le docteur Delphine Chadouto, pharmacienne et présidente de l'URPS Pharmacien d'Ile-de-France. Monsieur Philippe Ausha, vice-président de Sanofi France. Et le docteur Laurent Péquer, pharmacien et représentant de Pharmacien des Préparatoires de France. Les échanges sont animés par le docteur Rachida Inaoui-Rosé, médecin rhumatologue et élu de l'URPS Médecins libéraux Ile-de-France.
- Speaker #1
Bonjour, bienvenue au podcast 12-14 de l'URPS Médecins Libéraux d'Ile-de-France. Aujourd'hui, nous allons débattre de la pénurie de médicaments et des organisations locales qui tentent d'y pallier. On accueille nos invités, Madame Sonia Delaprovoté, sénatrice du Calvados.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Bonjour, merci. Docteur Delphine Chadouto, vous êtes pharmacienne d'officine à Orsay et présidente de l'URPS Pharmacienne Ile-de-France.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Merci. Docteur Laurent Péquer, vous représentez la Société Savante Prêve Pharmacien des Préparatoires de France.
- Speaker #3
Bonjour à tous.
- Speaker #1
Et M. Philippe Ausha, vous êtes directeur industriel de Sanofi France.
- Speaker #3
Bonjour à tous.
- Speaker #1
Merci. Je vais commencer par Mme Sonia de la Provoté, vous êtes donc médecin du travail et sénatrice, et vous avez présidé un rapport d'information intitulé « Pénurie de médicaments, trouver d'urgence le bon remède » qui a été publié en juillet 2023. Pourquoi ce rapport ? Qu'appelez-vous pénurie de médicaments ? Et quels sont vos principaux constats ?
- Speaker #4
Pourquoi ce rapport ? Parce que depuis une dizaine d'années désormais, les pénuries de médicaments vont s'aggravant. Il y avait eu un premier rapport du Sénat, une mission flash en 2018, à laquelle j'avais participé sur ce sujet, qui avait mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements. Entre-temps, nous avons eu la crise de la Covid, qui a pour le coup mis tellement en lumière notre dépendance sanitaire et notre absence de souveraineté dans le domaine médicamenteux et des dispositifs médicaux, bien sûr, qu'il a été décidé de lancer... Avec toutes les prérogatives d'enquête que ça comporte, une commission d'enquête du Sénat que j'ai donc présidée pour à la fois décortiquer toutes les étapes de la chaîne complexe du médicament, parce que c'est la complexité de la chaîne du médicament qui fait qu'il n'y a pas une solution, mais il y a plusieurs solutions, ou en tout cas plusieurs propositions à traiter, parce que les problèmes sont assez nombreux, et puis ça permettait aussi d'avoir une vision. à peu près claire de l'état de la situation à la fois mondiale, mais nationale et européenne également sur les pénuries. Et donc cette commission d'enquête a duré six mois. Son rapport a été rendu au mois de juillet 2023. Et depuis, nous n'avons eu de cesse vis-à-vis des ministres de la Santé itérative, puisqu'on peut ainsi les qualifier, de les contacter, leur représenter. présenter systématiquement la commission d'enquête, s'assurer du suivi des propositions qui étaient faites et constater qu'un certain nombre d'évolutions ont vu le jour, mais que pour autant, il reste encore un certain nombre de progrès à faire et notamment la reconstitution d'une partie de l'appareil industriel qui ne va pas se faire en une année ou deux.
- Speaker #1
D'accord. Et donc, vos principaux constats au niveau de la responsabilité dans cette chaîne de... pénurie ? Est-ce que vous avez mis en évidence plus quelque chose sur la fabrication, le transport ou les stockages ? Est-ce qu'il y a eu des choses qui ont été... Et de là, qu'est-ce qu'il y a eu comme propositions que vous avez faites qui ont peut-être déjà été mises en œuvre ?
- Speaker #4
Alors, la chaîne du médicament, comme je le disais, est complexe. C'est-à-dire que si on dit chaîne du médicament, on part de la chimie jusqu'à la dispensation. Ça veut dire que la question de la présence des pharmacies rurales est aussi un sujet de la pénurie de médicaments. C'est-à-dire, s'il n'y a pas de pharmaciens dans les territoires pour traiter les questions des substitutions, ou pouvoir alerter le médecin, ou pouvoir s'alerter d'une pharmacie à l'autre pour retrouver des stocks, On a... une partie de la chaîne qui n'est pas là. Je le précise parce que c'est important. On a tendance à dire que le premier sujet, c'est le sujet de la chimie. C'est-à-dire les principes actifs, 80% sont fabriqués hors les murs de l'Europe, on le sait, plutôt en Chine et en Inde, mais pas que. Et que, depuis un certain nombre d'années, pour des raisons... À la fois réglementaire, à la fois de coût de production, et bien nous, notre appareil industriel en matière de chimie, c'est complètement dégradé. Et donc on essaie de reconstituer. Donc on voit ça et là des initiatives qui se font jour. Mais pour autant, on n'a plus les savoir-faire, enfin plus autant. Et on n'a en tout cas plus les usines. Et puis il y a une contrainte quand même énorme, c'est la contrainte environnementale. C'est de l'industrie qui est CVSO, seuil haut, c'est-à-dire qui a la plus grosse contrainte de protection. Et pour le coup, ça entraîne un surcoût. Donc ça, la première partie, c'est vraiment la chimie. On a une vraie dépendance à l'étranger. Et donc, ça fait partie des éléments que nous avons constatés. Parmi les autres sujets qui ont été évoqués dans la chaîne du médicament, il y a aussi tout ce qui est la galénique, la forme galénique. C'est-à-dire que, par exemple, on a bien vu que pour les formes pédiatriques, on avait une plus grande dépendance que pour les formes adultes. Et ça, c'est pour des raisons aussi purement économiques. C'est-à-dire qu'il y a moins de consommation de médicaments pédiatriques. Et donc, il y a des arbitrages budgétaires de la part de ceux qui fabriquent, de la part des laboratoires, d'aller là où on est mieux rémunéré pour le prix du médicament. Et sur les médicaments, il y a un plus petit volume. Évidemment, la France est bien maigre. Et même l'Europe peut parfois ne pas être suffisante. En matière de consommation, enfin en matière de business plan pour le laboratoire, et pour le coup, il y a une pénurie à l'échelle du pays. Le troisième sujet, c'est le pilotage de tout ça, parce que le médicament, c'est à peu près quatre ministères, et donc ça serait bien qu'il y ait un petit pilote déjà au niveau... ministériels. Alors que ce soit le ministre de la Santé, ça paraîtrait le plus logique. Si on n'y parvient pas, il faut arriver à mettre côte à côte Bercy, l'industrie, la santé et l'environnement, pour que tout ce monde-là décide ensemble de répondre aux questions qui concernent les médicaments, parce qu'on ne peut pas répondre à une pénurie de médicaments si on n'a pas la réflexion sur l'appareil industriel, si on n'a pas la réflexion sur l'accompagnement économique, y compris au sein du CEPS. Si on n'a pas la réflexion du financement du prix du médicament par la Sécurité sociale, donc la Bercy est quand même extrêmement prévenant. Et puis, il y a tout le sujet aussi des territoires et de l'environnement. C'est-à-dire que pour construire des industries et des entreprises, il faut du foncier, il faut créer les conditions de bienvenue, ce qui n'est pas toujours évident, notamment quand on fait de l'industrie chimique. Donc, cette question du pilotage, c'est vraiment une question extrêmement prégnante. hors la question ministérielle, on a une foultitude d'interlocuteurs, ça c'est le grand secret de l'organisation française, et donc entre la NSM, entre l'HAS, entre le CEPS, et j'en passe et des meilleurs sur les indications et les autorisations de mise sur le marché, et pour le coup, on a besoin à un moment qu'il y ait un arbitrage global et qu'il y ait une vraie stratégie. Parce que traiter la question de la pénurie, c'est répondre à la fabrication du produit chimique, c'est répondre à la fabrication du conditionnement, c'est répondre à la distribution dans les territoires, c'est donc répondre aux arbitrages en matière de distribution des stocks au niveau national pour notre pays vis-à-vis des autres pays européens et vis-à-vis de ce grand territoire qui est le monde où parfois le prix est plus attractif ou alors les mesures en matière de santé publique sont plus attractives pour les laboratoires. Donc il y a des arbitrages qui se font aussi à ce niveau-là.
- Speaker #1
Et justement, dans les propositions que vous faisiez, c'était la liste des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur et puis une sous-liste. Est-ce que vous pouvez nous en dire un mot ? En parlant de pilotage, qui pilote ça ?
- Speaker #4
Alors, là aussi, il y a un petit sujet de pilotage. Donc, les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, ces fameux MITM, ils sont au nombre de 6000 en France. Il est bien évident qu'on ne peut pas traiter de façon logistique et claire. à la chaîne de valeur de ces 6 000 MITL. Et donc, il a été proposé une liste des médicaments dits indispensables, une sous-liste, une liste plus restreinte. Donc, il y a une réflexion qui se fait au niveau de la France, puisque dans le cas de la subsidiarité européenne, c'est la France qui a quand même la main sur les politiques de santé. Mais pour autant, l'Agence européenne du médicament réfléchit aussi à la mise en place de cette liste restreinte, pour qu'au niveau européen, c'est un peu le modèle vaccin Covid. Comment on fait quand on a une pénurie sur quelque chose d'absolument essentiel d'un point de vue thérapeutique ? Ça peut être un anticancéreux de première ligne dont on se retrouve en pénurie. Et si on ne l'a pas, c'est dramatique pour les patients. Et ça peut être à l'échelle européenne. À ce moment-là, c'est dans une liste européenne, identifier un certain nombre de médicaments. Alors plutôt les principes actifs et certaines formes galéniques, puisqu'on ne va pouvoir non plus mettre tous les dosages, etc. mais en tout cas pour lesquelles il y aurait une reprise en main au niveau européen des commandes et de la distribution d'un pays à l'autre, c'est-à-dire des stocks qui peuvent aller d'un pays à l'autre pour pouvoir répondre aux besoins. En France, on a une réflexion qui s'est faite, c'est la liste des médicaments dits stratégiques. Cette liste répond à deux objectifs. Un, le caractère indispensable du point de vue thérapeutique. 2. Le caractère indispensable du point de vue thérapeutique En cas de crise spécifique, donc d'épidémie, par exemple les épidémies hivernales, c'est pour ça qu'on y range par exemple les corticoïdes à usage pédiatrique, donc plutôt buvables, etc. Donc là, c'est vraiment une liste particulière. La liste des médicaments qui mettraient en péril les avancées en matière de santé publique dans notre pays, et je pense par exemple à la pilule abortive. Il n'y a pas de plan B sur la pilule abortive. S'il n'y en a pas... On ne peut pas répondre à notre objectif de santé publique et de protection des femmes dans cette situation. Donc là, pour le coup, c'est une raison particulière pour laquelle on répond à ça. Et enfin, le quatrième élément qui est très important et qui est suivi par la direction aux entreprises du ministère, c'est quels sont les médicaments en fragilité du point de vue de leur processus de fabrication. À savoir, par exemple, un seul fabricant du principe actif, et pour le coup, s'il y a un accident industriel sur l'usine qu'il fabrique, ou les usines qu'il fabrique, on se retrouve en pénurie. Alors c'est décalé, puisqu'il y a à peu près un an entre le moment où il y a l'accident industriel et la vraie pénurie. Pour le coup, il faut pouvoir l'anticiper, donc il faut avoir une veille sur la chaîne de fabrication et sur l'appareil industriel. Il y a deux réponses à ça. Évidemment, c'est de pouvoir produire chez nous, c'est l'idéal. Donc on essaie de le faire, mais ce n'est pas évident, pour toutes les raisons que j'expliquais précédemment. Et la deuxième solution, c'est de multiplier les fournisseurs. C'est-à-dire, si on a plusieurs fournisseurs, admettons cinq fournisseurs sur un principe actif, dans trois pays différents, ça sécurise quand même plus la présence du médicament que s'il n'y a qu'une usine dans un pays. Je parle de ça parce que, par exemple, pour certains... certains médicaments, on a une production qui est exclusivement liée à la Chine et pour le coup, ça nous a mis en fragilité dans bien des situations. J'ajouterais que de toute façon, c'est aussi un objectif géostratégique essentiel. C'est-à-dire qu'on ne peut pas être dépendant d'un pays qui décide d'appuyer sur un bouton rouge en disant « demain, on ne vous donne plus accès à tel ou tel médicament qui met en danger la santé de vos populations » . De toute façon, de ce point de vue-là, la souveraineté, ce n'est pas que se faire plaisir dans les débats politiques en disant le réoutillage, le réarmement industriel de notre pays, etc. Tout ça, c'est des mots, c'est très important, mais c'est surtout, de toute façon, il y a un sujet vital, très clairement, à traiter cette question.
- Speaker #1
Merci beaucoup, madame la sénatrice, de nous avoir éclairé sur la difficulté. de la pénurie et de nous avoir donné toute cette dimension politique. Docteur Delphine Chadouto, vous êtes pharmacienne d'Officine Orsay. Je voulais vous demander, partagez-vous le constat de la pénurie de certains médicaments et si oui, comment se traduit-il concrètement pour les pharmacies d'Officine ?
- Speaker #2
Non seulement on le partage et on le partage depuis de très nombreuses années, mais aujourd'hui ça devient vraiment quelque chose de très contraignant au quotidien puisque s'il y a quelques mois ou quelques années, on avait... quelques molécules en difficulté. Aujourd'hui, tous les jours, on en découvre une nouvelle et ça impacte directement notre façon de travailler au quotidien. C'est-à-dire qu'au lieu de passer un quart d'heure à passer mes commandes chez mes grossistes, aujourd'hui, ça va me prendre une heure parce que je vais fouiller chez quel grossiste je peux trouver telle molécule, chez quel autre j'ai l'espoir que ça arrive. Donc, en fait, pour que mes patients ne soient pas... En panne, je passe des heures, ne serait-ce qu'à passer mes commandes. Et ensuite, face au patient, je découvre, ah bah tiens, celle-ci, elle est en rupture, c'est nouveau. Où est-ce que je vais la trouver ? Donc, dans notre quotidien, je pense qu'on a facilement deux heures qui sont consacrées à gérer les ruptures. Donc, ça veut dire que ce sont deux heures qu'on ne passe pas. au service directement du patient, puisqu'on règle des problèmes techniques qui ne devraient pas être.
- Speaker #1
Et l'ensemble de vos collègues partagent cette...
- Speaker #2
Oui, je pense que les pharmaciens qui m'écoutent aujourd'hui me diront « Oui, deux heures, ça peut même être plus ! »
- Speaker #1
Et comment gérez-vous vos organisations pour pallier à ces pénurés, notamment avec les grossistes ? Vous avez déjà commencé à nous dire un mot.
- Speaker #2
Voilà, alors quand on a essayé les deux, trois grossistes avec lesquels on travaille et que ça n'a pas... Ça n'a pas donné grand-chose. On essaye de voir auprès des confrères. Alors, on appelle les confrères. Est-ce que tu en as ? Bon, je t'envoie le patient. Parfois, on appelle aussi le laboratoire fabricant en disant, il n'y en a pas chez le grossiste. Comment c'est possible ? Alors, le fabricant nous dit, non, non, ce n'est pas possible. Je lui en ai envoyé. Alors, on rappelle le grossiste en disant, il m'a dit qu'il en avait envoyé. Non, non, dans la commande, il n'y en avait pas. Alors, on rappelle le fabricant. il me dit qu'il n'y en a pas, ils en auront la semaine prochaine donc on tourne en rond parce qu'en plus parfois on aimerait bien avoir la possibilité d'acheter le médicament en direct au labo mais il nous dit non je ne peux pas puisque c'est parti chez le grossiste donc c'est des situations qui sont inextricables et on se dit il y en a un qui se moque de moi je ne sais pas lequel mais ça devient catastrophique et puis on a mis en place des petits trucs les médecins eux-mêmes souvent sur une prescription vont mettre tel médicament ou tel médicament ou tel médicament parce qu'ils savent que sur les trois il y a peut-être une chance pour qu'on en trouve un donc ça évite un appel le... aux médecins pour dire, je n'ai pas celui-là, est-ce que vous voulez bien que je mette celui-ci ? Vous n'allez pas m'appeler pour ça à chaque fois ? En plus, il y a les médecins qui veulent être appelés pour être sûrs et puis ceux qui me disent, non mais attends, tu peux gérer ça toute seule. Oui, mais je ne sais pas si tu veux que je gère toute seule ou pas. Donc, il y a des appels aux médecins. Et puis, il y a un site, je ne suis pas là pour en faire la pub, mais il a le mérite d'exister, c'est Vigirupture. Je dirais qu'à vue de nez, 30 à 40 % des pharmacies sont connectés à Vigirupture. Donc, il nous géolocalise et toutes les nuits, il remet à jour nos stocks. Donc, je peux voir en me connectant sur Vigirupture à quelle distance est la pharmacie la plus proche qui a le médicament que je recherche. Donc, l'autre jour, j'avais une patiente qui était vraiment en peine. Moi, je suis à Orsay, j'ai trouvé le médicament dans une pharmacie à Châtenay-Malabry. Elle était prête à faire le trajet pour aller à Châtenay-Malabry pour chercher son médicament. Donc j'appelle le confrère, je vois sur Vigirupture que vous avez tel médicament, est-ce que c'est bien le cas ? Oui, il me reste une boîte. Ok, mettez-la de côté, je vous envoie tout de suite Madame X qui vient. Là, elle arrive d'ici trois quarts d'heure, le temps de faire le trajet. Et la patiente est ravie, même si je lui impose un trajet de trois quarts d'heure, elle est contente parce qu'elle a trouvé son médicament. Donc c'est des situations qui sont quand même compliquées pour le patient, compliquées pour nous. Et ce serait bien qu'il y ait un petit peu d'accalmie dans le domaine.
- Speaker #1
D'ailleurs, en parlant de vigirupture, j'ai de plus en plus de collègues médecins qui utilisent le site et qui conseillent les patients. Est-ce que vous avez un retour de ça ? Et vous savez combien de pharmaciens utilisent ce site ?
- Speaker #2
Je peux ne juger que sur ce que j'ai autour de moi. Autour de moi, je dirais que 30 à 40 % de mes confrères officinaux sont connectés. C'est pratique, ce n'est pas suffisant, mais on ne peut pas l'imposer. On ne peut pas l'imposer puisque, en fait, le pharmacien accepte de livrer son stock à un site. Il y a des pharmaciens à qui ça pose problème, je ne juge pas ça. mais c'est c'est vrai qu'au quotidien, quand on a cette aide, elle est précieuse, oui.
- Speaker #1
Est-ce que vous avez la visibilité sur la durée des puniries et est-ce que vous savez en général les raisons ? Vous avez déjà un petit peu répondu. Est-ce que souvent, nous, on reçoit, par exemple, moi, je reçois, comme je suis aussi hospitalière, on me dit, attention, rupteur d'approvisionnement chez notre fournisseur jusqu'à début décembre. Je me dis, mais comment ils évaluent ça ? Donc, vous, comment vous évaluez ça ?
- Speaker #2
C'est aussi ce qui est très frustrant pour nous, c'est que quand on appelle en disant... C'est en pénurie ou en rupture pour combien de temps ? On ne sait pas. Et pourquoi ? On ne sait pas. Donc, en plus, on n'a pas les réponses. C'est d'autant plus contraire à rien parce que le patient nous dit, mais vous l'aurez quand ? Mais je ne sais pas. Donc, on est vraiment sans réponse. Et c'était très intéressant ce que disait le docteur de la Provoté. C'est vrai que quand on est monofabricant sur un principe actif, On est complètement dépendant de lui. Le problème qu'il y a eu sur la kétiapine, là, on avait eu l'explication. C'est un fabricant qui est en Grèce, qui fabriquait 80% de la kétiapine pour toute l'Europe. Il a eu un problème sur cette molécule. On s'est tous retrouvés en peine de kétiapine. Et pour le coup, on n'a pas de plan B. Je ne vais pas appeler le médecin en disant « par quoi tu veux remplacer ? » Rien ! Il est sous kétiapine, je ne vais pas changer la kétiapine. C'est les patients qui sont sous lithium aussi. Ces traitements sont équilibrés. On ne va surtout pas toucher à ça. donc là en plus il y a Il faut vraiment trouver la molécule, le bon dosage, parce qu'on n'a aucune solution de secours, sauf à mettre en danger le patient. Donc, dans ces cas un peu plus extrêmes, heureusement, on a recours aux pharmaciens qui fabriquent des médicaments, qui ont de très gros préparatoires. Et là, on leur demande de fabriquer la molécule à la demande, parce que c'est la dernière solution pour éviter de mettre un patient en danger, en réelle rupture de son temps. Un traitement, oui, avec lequel il est équilibré et pour lequel on ne veut surtout rien toucher parce qu'il ne faut pas mettre en danger le patient.
- Speaker #1
Et justement, pour ce type de traitement de médicaments qui sont un petit peu délicats, plus sensibles, est-ce que vous avez la possibilité de faire des stocks pour vos patients sur 2-3 mois à la pharmacie, sachant que le patient va revenir ou c'est quelque chose que vous ne pouvez pas faire ou qui n'est pas recommandé même ?
- Speaker #2
Alors, un, c'est compliqué à faire. parce que le grossiste lui-même va bloquer, c'est-à-dire qu'il va m'autoriser une boîte par jour pour être sûr que je ne surstocke pas. Et deux, comme vous dites, c'est dangereux parce que si un pharmacien s'amuse à mettre 50 boîtes en stock, tous les autres sont en pénurie. Confraternellement, c'est tout à fait discutable. Je comprends qu'il n'ait pas envie que ses patients soient en difficulté, mais il met en difficulté tous les autres patients. Donc, ce qui est intelligent, c'est d'avoir son stock d'un mois pour ses 3-4 patients. Dès qu'on reçoit la boîte, on appelle le patient en disant c'est bon, j'ai une boîte pour vous, je vous la mets de côté parce que là, vous allez bientôt être en rupture. Donc, j'ai la prochaine boîte. Donc, c'est aussi toute une logistique. Moi, j'ai cinq patients qui sont sous lithium. Je regarde à quel moment ils tombent en panne, quand est-ce qu'ils sont venus chercher la dernière boîte pour prévoir la prochaine. Donc, en plus, ça aussi, ça prend beaucoup de temps. C'est-à-dire qu'on parlait du temps qu'on passe sur les commandes, mais on essaye aussi d'anticiper pour qu'on ne se retrouve pas complètement démuni quand le patient arrive à la pharmacie et qu'on se dit « Oh ! » Il faut être quand même comprimé. J'ai pris le dernier aujourd'hui et là, c'est la panique. Donc, on essaye d'anticiper toutes ces choses pour les médicaments qui sont très sensibles et pour lesquels on n'a pas de plan B.
- Speaker #1
Et parmi les NTE, les marches thérapeutiques étroites, pareil, vous avez la même attitude ou vous avez la possibilité de stocker un peu plus parce qu'eux ne peuvent pas être génériqués. On est obligé de leur donner.
- Speaker #2
Alors, par chance, les marches thérapeutiques étroites comme ça, il ne m'en vient pas en tête qu'ils soient en rupture. très ennuyeuses.
- Speaker #1
Il y a le prégabaline.
- Speaker #2
Oui, mais pour l'instant, avec les différents génériqueurs, etc., on n'est pas encore en difficulté sur ces molécules-là. Donc voilà, on fait très attention sur le lithium, par exemple. Sur les autres, on est encore à peu près serein. Je ne dis pas que ça ne peut pas arriver demain, mais à ce jour, on est encore tranquille.
- Speaker #1
Merci beaucoup de votre intervention. Avec plaisir. Justement, puisque l'on parlait des préparations magistrales, on va demander au Dr Laurent Péquer, vous êtes représentant de la société Savant de Prêves, pharmacien des préparatoires de France. Est-ce que vous pouvez nous présenter votre activité en quelques mots ? Quelles préparations magistrales faites-vous le plus fréquemment ? Quelle sont la sécurité, les normes de production, quelle volumétrie, et notamment lorsque vous êtes amené à fabriquer des médicaments avec marche thérapeutique étroite ? Merci de nous donner quelques précisions.
- Speaker #3
Merci de nous donner la parole et pour l'invitation. C'est toujours un plaisir de pouvoir communiquer sur notre activité qui est méconnue, même si elle a été mise un peu plus sur le devant de la scène depuis les récentes pénuries notamment. Donc moi je représente aujourd'hui les PREF qui sont une société savante de pharmaciens, principalement officinaux dédiés à la sous-traitance de préparation magistrale et aussi quelques hospitaliers. Les PREF, je représente mon président Sébastien Gallis qui est sur le secteur de Marseille, qui m'a laissé la main vu que je suis installé sur l'île de France. On est dans une mission qui vise à faire évoluer notre métier, la préparation magistrale, qui est notre métier principal. Ça veut dire améliorer la qualité du travail, faire des constats partagés avec les collègues pour partager les bonnes pratiques, augmenter le contrôle sur ce qu'on fabrique. On fabrique extemporanément un traitement pour un patient donné sur une ordonnance. Donc on est loin de la norme industrielle et pourtant on doit atteindre un niveau de qualité qui permet à chaque délivrance d'avoir le niveau de sécurité adapté. Donc c'est un engagement de toutes les pharmacies de sous-traitance et de leurs équipes et un gros travail fait par les PREF pour aligner les pratiques, pour partager ces bonnes pratiques et augmenter notre capacité à produire. notamment dans des situations d'urgence. On y reviendra tout à l'heure sur la partie rupture. Notre rôle, c'est aussi de travailler la communication et de faire connaître notre activité, comme je le disais. On sera d'ailleurs présent au Congrès de médecine générale de Toulouse, le 3 et 5 décembre. J'invite aussi tous les confrères à consulter notre site internet, lesprefs.fr, où ils retrouveront des formules. qui sont connus et qu'on arrive à maîtriser, qui leur permettent d'avoir des solutions alternatives en cas de rupture notamment, et toutes les informations nécessaires à comprendre un peu le fonctionnement de la prescription et parfois du remboursement, qui sont parfois un peu complexes. On travaille aussi beaucoup au lien ville-hôpital, donc avec nos confrères de PUI, parce qu'on a des problématiques communes dans la fabrication, dans la qualité, dans les normes de suivi de nos productions. Sur la qualité, la teneur de nos produits, on travaille également avec des associations de patients. Et bien sûr, on fait lien avec des prescripteurs et puis nos autorités de tutelle. On travaille beaucoup avec la NSM, les ARS et puis la DGS aussi. Dans les derniers exemples de pénurie, on a travaillé avec eux sur la fixation du prix. Puisque c'est pour des nouvelles molécules, pour les nouvelles ruptures qui apparaissent, de plus en plus on rentre dans une thématique de négociation et de fixation du prix pour la distribution en officine.
- Speaker #1
Merci pour cette intervention. Est-ce que pour la fabrication, vous avez des périodes saisonnières ? C'est-à-dire que l'hiver, vous êtes amené à fabriquer beaucoup plus, faire beaucoup plus de préparation magistrale. Et sur quelles molécules, par exemple des antibiotiques ou des formes pédiatriques ?
- Speaker #3
Alors, les formes, notre métier de sous-traitant de base, c'est vraiment de faire de l'adaptation à des formes et des dosages qui n'existent pas. Donc nous, on est là pour pallier à une spécialité qui va être en 5 mg et où il faut du 1. On ne va pas être là pour pallier à un patient qui va avoir un problème de déglutition, un patient jeune ou âgé, pour lequel il va falloir proposer une solution alternative. Donc notre métier, c'est d'abord d'adapter. Donc ça, il n'y a pas de saison. Je vous dirais, c'est vraiment toute l'année. Et à côté de ça, on développe aussi notre savoir-faire sur les produits, les spécialités en rupture, puisqu'on est amené de plus en plus à avoir des demandes de nos confrères. D'ailleurs, je souligne qu'on est avant tout des pharmaciens d'officine également. Et donc, je partage tous les conseils qui ont été donnés précédemment par le docteur Chadouto sur la difficulté à traiter, la difficulté à accueillir les patients, à les renseigner et à avoir de l'information fiable sur... les disponibilités ou non. Alors à ce titre-là, c'est vrai qu'on est plutôt bien placé parce qu'on est à la fois au comptoir, au contact des patients et puis on est au contact des autorités pour aussi être un peu donneur d'alerte, lanceur d'alerte, pour évoquer avec eux la manière de travailler sur comment on va fabriquer pour une molécule donnée qui visiblement va être en pénurie pendant un moment, comment on va sécuriser la production pour pouvoir produire dans les bonnes conditions pour l'ensemble des patients. Notre métier de sous-traitant, c'est une spécialisation de la pharmacie d'officine qui est agréée par les autorités régionales de santé, notamment parce qu'on travaille sur des produits dits dangereux, notamment CMR, cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, dans des conditions très spécifiques. Donc on a, par rapport aux officines classiques, des préparatoires adaptés, en termes de locaux, avec des zones d'atmosphère contrôlées. sur la formation des équipes, la spécialisation de nos préparateurs et de nos pharmaciens dans cette activité. Et on fabrique également toutes les formes classiques, gélules, sachets, suppôts, ovules. On garde une activité très générale en parallèle de ces ruptures, mais qui sont malgré tout, vous l'avez dit, quelque chose sur lequel nous sommes sollicités de plus en plus.
- Speaker #0
L'avantage pour les ruptures, c'est qu'on peut se mobiliser très rapidement, dans le sens où nos confrères industriels mettent des années à préparer la formule, à la stabiliser et à être en mesure de la produire en masse. Nous, on peut réagir sur les 40 préparatoires qui font cette activité, on peut réagir très rapidement pour écrire la formule, la tester, la stabiliser et être en mesure très rapidement de... D'être capable de lancer cette bouée de sauvetage aux patients qui se retrouvent en rupture de traitement. Parce que quand tout d'un coup la kétiapine s'arrête, effectivement, on a des patients en détresse. Et la seule solution, pour éviter la rupture de traitement, c'est qu'on puisse prendre la main ponctuellement, temporairement, et jamais à la hauteur de l'industrie, on ne pourra jamais produire autant que l'industrie, mais qu'on puisse attendre que le traitement revienne et que les patients soient soignés.
- Speaker #1
Et justement, quel est votre circuit pour récupérer les principes actifs ? Et puis, je suppose que s'il n'y a pas de principe actif, il n'y a pas de préparation magistrale. Mais est-ce que vous avez un circuit indépendant de ceux des industriels ou du gouvernement ?
- Speaker #0
Alors oui, je peux dire que l'actif est rarement le problème, en fait, pour nous.
- Speaker #1
Vous arrivez à avoir tous les principes actifs ? Alors,
- Speaker #0
on source des actifs qui sont retestés en Europe, qui sont qualifiés. Donc, il y a tout un travail de qualification de matière première qui est à faire par nos équipes également. Mais on arrive à avoir une grande partie des ruptures qui se sont présentées ces derniers temps. On arrive à avoir des volumes. Après, on n'a pas besoin des mêmes volumes que l'industrie. Donc aussi, quand quelques tonnes ne sont pas disponibles, quelques kilos peuvent l'être. Donc à notre niveau, on arrive à sourcer ces actifs. On a eu pas mal d'exemples sur ces dernières années où on a été en mesure de se mobiliser sur les ruptures. Alors il y a eu le Covid, on en parlait, ne serait-ce que le solité hydroalcoolique. où on a pu produire en masse très rapidement des milliers de litres pour la population et nos confrères. On a eu la moxicilline, très gros exemple de rupture pédiatrique, pour le coup qui n'a pas duré qu'un hiver malheureusement, où on a été mobilisés et donc à 40 sous-traitants, on a pu parfois pallier jusqu'à un tiers des traitements en rupture. C'est d'ailleurs le premier exemple où l'État a acheté la matière pour nous la distribuer, pour qu'on puisse prendre la main. et pallier à cette rupture, à cette période-là. Et puis, effectivement, on parlait de la quetiapine, les grands moments, c'est ça. La quetiapine, c'est l'exemple type du nouveau processus de réflexion avec les autorités qui se met en place. C'est-à-dire que la rupture se déclare, on est dans un premier temps en capacité de produire assez rapidement la substitution, des produits de substitution, qui sont des préparations magistrales selon l'article 51.21.1 du CSP, donc ils sont pris en charge rapidement pour pouvoir pallier à cette rupture. Et en même temps, on travaille avec les autorités sur des monographies, la manière de fabriquer, la manière de contrôler, la manière de sécuriser, éventuellement les équipements sur lesquels on doit investir à court terme pour pouvoir compléter notre arsenal. Et puis, à la fin de ce process, on arrive à une monographie. Et puis, très régulièrement maintenant, une discussion avec les autorités sur la fixation d'un prix qui va être à la fois pour la cession aux officines à nos confrères à qui on délivre. et puis à la délivrance au comptoir.
- Speaker #1
Oui, effectivement, ce problème du prix est récurrent, puisque nos patients nous disent, lorsqu'il y a des préparations magistrales, il peut y avoir des remboursements très différents d'une pharmacie à l'autre. À ce propos, comment un médecin libéral peut-il prescrire vos préparations ? Est-ce qu'il faut tout le temps utiliser la même formule, préparation magistrale, en l'absence d'équivalent thérapeutique disponible ? Ou bien, lorsqu'il y a des pénuries, c'est une autre formulation, par exemple ?
- Speaker #0
Dans le cas des p****, pénurie forte sur laquelle il y a un arrêté dans le cas des préparations officielles spéciales, notamment, ça a été le cas sur la moxiciline, sur la kétiapine, sur la sertraline également. La prescription de la spécialité peut donner lieu à la substitution vers la préparation magistrale parce que c'est cadré en cadré, il y a une monographie et tout est tracé. Pour les autres préparations, il nous faut une prescription. de la préparation magistrale en l'absence de la spécialité disponible. D'une part parce que nous, ça nous permet, sous-traitants qui n'avons pas le contact direct avec le patient, de bien savoir que le prescripteur est dans la boucle et qu'effectivement, ce n'est pas une solution de recours qu'on va pouvoir proposer, mais toute la chaîne d'informations qui traite le patient est au courant. Ça nous permet parfois de revenir vers les prescripteurs pour donner des informations complémentaires parce que tout cela se passe assez rapidement, entre les premières ruptures, les premières demandes de nos confrères. Et puis notre capacité à être en mesure de délivrer, tout ça va très très vite. Et puis voilà, c'est du médicament sur mesure. Il faut des notices parfois spéciales pour pouvoir délivrer avec nos médicaments. Il faut travailler, réfléchir très rapidement, en quelques semaines, à tout ce que l'industrie met plusieurs mois, plusieurs années à mettre en place, notamment en termes de sécurité d'emploi, de la préparation. Sur la Moxie Sealing, il y a eu un travail notamment conjoint avec l'agence. toutes les manières de prendre cette gélule ouvrable pour la pédiatrie. Et tous les médias, alors yaourt, compote et autres, la réflexion était là. Parce que finalement, ce qu'on allait devoir donner en plus de médicaments, c'est comment le prendre. Comment les parents vont l'administrer à l'enfant ? Ce qui n'était pas prévu au départ.
- Speaker #1
Merci beaucoup pour toutes ces informations qui nous permettent de mieux comprendre votre métier. Monsieur Philippe Ausha, vous êtes directeur industriel de Sanofi France. Est-ce que vous partagez les constats du rapport de Madame de la Provoté ? Et pourquoi les pénuries de médicaments ? Est-ce un phénomène mondial ? Et est-ce que vous pourriez reprendre un petit peu les définitions entre pénuries, rupture de stock, tension d'approvisionnement ?
- Speaker #2
Nous nous retrouvons dans l'analyse de madame la sénatrice, qui a très bien été détaillée. Vous savez, la raison d'être d'un laboratoire pharmaceutique, c'est de fournir à chaque malade son traitement. Donc toute situation de pénurie avec un impact sur le patient, pour nous c'est un échec. Alors quand on parle de pénurie, on parle de quoi ? Je pense que vous êtes d'accord avec moi, madame la sénatrice, la pénurie c'est un phénomène global, c'est pas un phénomène propre à la France, c'est un phénomène que l'on voit dans tous les pays et qui d'ailleurs n'est pas propre simplement aux médicaments. On n'a aucun pays qui est épargné, je ne crois pas qu'un pays ait trouvé la solution aujourd'hui et c'est pas uniquement les médicaments, vous parliez des dispositifs médicaux et on peut aussi parfois l'étendre. à d'autres produits industriels. Alors, vous citiez effectivement un point important, on emploie le mot pénurie-rupture, ce n'est pas tout à fait la même chose. Attention. Voilà, attention. Donc, une rupture, c'est vraiment lorsqu'un fabricant comme Sanofi n'est pas capable de livrer le volume à temps, qui va donc créer une rupture potentielle au niveau du patient. Il faut savoir quand même qu'elles ont été divisées par deux dans les deux dernières années. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un rapport de l'ANSM de mars 2025. pour revenir à un niveau à peu près pré-Covid. Une pénurie, c'est différent. Quelque part, une pénurie, c'est une rupture qui dure. Et donc, c'est une situation où le médicament n'est plus disponible. Alors, résoudre une situation de pénurie, c'est quand même un enjeu très complexe d'un point de vue industriel. Et Mme la sénatrice l'a très bien dit. Souvent, ce sont des causes externes. Si je prends l'exemple de Sanofi, en fait, 70% des cas de rupture ne sont pas de notre... propre fait. C'est-à-dire que c'est lié, vous le disiez, à un problème de fournisseurs, à un problème de transport, ça peut être aussi un problème de prévision de vente qui ne sont pas correctes, et donc on se retrouve avec des surventes et donc une surdemande. Une grande partie des causes ne sont pas liées directement à l'industriel, mais sont externes. Ça n'excuse en rien, mais c'est simplement pour expliquer. L'autre point que vous citiez également, qui est très important, c'est que les temps de cycle de production sont extrêmement longs. Il est fréquent d'avoir des médicaments qui sont produits sur un cycle de 12 mois quand ce n'est pas parfois 24 mois. Donc vous voyez bien qu'un écart en termes de prévision de vente met du temps, on va dire, à se résorber comme vous l'expliquez. Et puis, vous le notiez également, on a quand même une grande complexité de nos circuits de distribution des médicaments, sans compter des contraintes réglementaires qui vont croissantes. Pour le bénéfice du patient et la sécurité du patient, c'est parfaitement légitime. Mais il faut aussi parfois raison garder.
- Speaker #1
Bien sûr. Et que faites-vous pour améliorer la disponibilité des traitements ? Est-ce que vous avez plusieurs lignes de fabrication, plusieurs fournisseurs de principes actifs ou encore d'autres solutions ?
- Speaker #2
Oui, alors ça, c'est une question importante, effectivement. Donc, il y a certains éléments qui ont déjà été cités. Alors, madame la sénatrice, Sanofi, contrairement aux autres entreprises pharmaceutiques, ne se source que très peu en Chine. Simplement 5% de nos principes actifs viennent de Chine. La plupart sont fabriqués en interne ou viennent d'Europe. On a encore une plateforme Chimi qui est très active dans le sud de la France avec trois sites. Donc, notre stratégie, c'est effectivement de fabriquer principalement en interne. Et il y a plusieurs moyens, vous en avez cité certains, pour rendre l'ensemble de la supply chain plus robuste. Alors ça peut être effectivement d'avoir ce qu'on appelle des sites ou des lignes backup, soit sur le même site, soit encore mieux, ça a été dit, sur deux sites différents. Ça peut être avoir effectivement plusieurs fournisseurs pour une matière première donnée. Et puis aussi, point important, une meilleure intégration de nos fournisseurs en termes de système d'information, de façon à pouvoir partager en temps réel les prévisions. Ceci dit, il faut être transparent sur le fait que la... La composition d'un médicament est très complexe. Elle fait appel à de très nombreux ingrédients. Et il est absolument impossible d'avoir un double sourcing sur l'ensemble de ces ingrédients. Or, les contraintes réglementaires font que, si vous avez un problème de sourcing sur un des ingrédients, c'est l'ensemble de la chaîne de valeur qui est mis à risque. Donc, le double sourcing, oui, c'est une stratégie qu'on utilise de plus en plus, qu'il soit interne ou externe, mais ce n'est pas ce qui va... tout résoudre parce que la complexité des formulations font que s'il y a un ingrédient en manque, c'est l'ensemble de la chaîne de valeur qui est en danger.
- Speaker #1
Est-ce qu'on a la même problématique selon que ce sont des médicaments matures ou des médicaments innovants ?
- Speaker #2
Je dirais oui et non. Oui parce que ce que je viens de décrire comme situation, un accident industriel, un problème de qualité, un problème de transport, un problème de prévision, de toute façon c'est commun à l'ensemble du portefeuille de produits. Après, il est vrai que sur les médicaments innovants, en particulier lorsqu'on est proche du lancement, il y a une attention particulière qui est mise d'un point de vue industriel pour s'assurer que ce produit sera disponible. Dans le cas des produits matures, je dirais que le challenge est différent, en particulier pour les produits qui sont devenus génériques. Parce que comme ça a été très bien cité, paradoxalement, on pourrait se dire que le produit est générique, donc il y a une multiplicité de fournisseurs. En fait, ce n'est pas vrai parce que la plupart des principes actifs, et vous l'avez dit, Mme la sénatrice, sont sourcés sur une seule usine ou une seule entreprise dans le monde. Et en fait, là, on pourrait s'imaginer que le fait qu'un médicament devienne générique et donc qu'il y ait plusieurs fournisseurs et producteurs renforcent, on va dire, la chaîne d'approvisionnement. En fait, c'est le contraire qui se passe. C'est qu'elle devient moins robuste parce qu'en général, elle est moins contrôlée. Et en plus, elle s'appuie sur quelques fournisseurs en amont.
- Speaker #1
Est-ce que vous faites des stocks pour les médicaments matures ? Certains médicaments matures, peut-être ceux qui sont d'intérêt thérapeutique majeur ou qui sont à marge thérapeutique et droite ?
- Speaker #2
Là aussi, c'est une très bonne question parce qu'en fait, on a quand même une contrainte importante et je crois que ça a été mentionné aussi sur la gestion des stocks de médicaments, en particulier au niveau européen. Parce que faire des stocks de médicaments, c'est bien, mais il faut que ce soit aussi aligné avec les prévisions de vente. Or, vous vous trouvez souvent dans des situations, et vous l'avez cité, où vous avez un pays qui est proche de la rupture, voire en pénurie, et un pays sur lequel il y a du surstock. Malheureusement, le packaging, les indications, etc., la notice étant différente d'un pays à l'autre, on ne peut pas passer les stocks d'un pays à l'autre. Et nous, on milite, on va dire, pour avoir un packaging européen, c'est-à-dire en fait une boîte unique au niveau de l'Europe. Et puis, des notices, en particulier via des QR codes, on n'a plus de notices papier. mais des notices qui peuvent être directement accessibles sur un smartphone via un QR code, dans la langue évidemment du patient, mais qui permettraient de bouger rapidement les stocks d'un pays à l'autre et de mieux gérer ces situations qui peuvent être différentes d'un pays à l'autre. Alors quand on parle de stocks, c'est rarement des stocks de produits finis à cause de ça, parce qu'une fois que le produit est fini, on n'a plus aucune latitude pour le déplacer d'un pays à un autre. Mais par contre, oui, on gère ça avec des stocks d'encours. de produits, ce qu'on appelle semi-finis, soit au niveau du principe actif, soit plus généralement au niveau du produit avant packaging.
- Speaker #1
D'accord, merci beaucoup de votre intervention et de nous montrer à quel point c'est bien plus complexe qu'on ne pourrait penser. Et justement, je voudrais faire un petit tour de table. Et en ce qui concerne les stocks, justement par rapport à votre, Madame la Sénatrice, votre rapport, je ne sais plus si vous ne disiez pas qu'il fallait des stocks de 2-3 mois pour... la sous-liste des 400-500 médicaments essentiels ?
- Speaker #3
L'intérêt de constituer une liste, c'est d'avoir un traitement particulier des médicaments qui ont été identifiés dans la liste. Et donc, pour le coup, c'est vraiment, effectivement, avoir un stock plus long que pour les autres médicaments, à la fois demandé au laboratoire, mais aussi, et on l'avait évoqué dans notre... Dans notre rapport, parce qu'on a bien vu dans les explications qui ont été données qu'il y a une petite ambiguïté ou peut-être un renvoi un peu systématique de la patate chaude entre les laboratoires et les grossistes répartiteurs et en tout cas la distribution. Et aux Pays-Bas, par exemple, il y a un stock aussi qui est exigé de la part des grossistes répartiteurs, de façon à ce qu'il n'y ait pas cette réponse, « Ah ben non, moi je les ai envoyés, je ne comprends pas que vous ne les ayez pas. » Et puis de l'autre côté, « Ah ben non, moi ils ne me les ont pas envoyés, donc je ne les ai pas. » Donc ce sujet-là pourrait être réglé de cette façon-là. Donc c'est encore un élément qui manque dans notre organisation, mais on avait mis ça en évidence.
- Speaker #1
Vous voulez dire qu'on n'a pas encore de visibilité ? Peut-être que vous pouvez me répondre, docteur. docteur Chadoudo, sur les stocks chez les grossistes répartiteurs. On n'a pas de visibilité à votre niveau, au niveau gouvernemental, au niveau industriel ?
- Speaker #4
Non, le grossiste n'est pas du tout tenu de me dire ce qu'il a en stock. Et pareil pour nous.
- Speaker #2
Effectivement, je pense que c'est un bon point. Et une amélioration importante serait d'avoir un système d'information qui trace l'ensemble des stocks du fabricant au distributeur, au pharmacien. Parce qu'une fois que le laboratoire pharmaceutique... à transférer ses stocks chez le distributeur. Nous, on est aveugles et on ne sait pas effectivement ni ce qu'il y a chez le distributeur et encore moins ce qu'il y a au niveau des officines. Donc quand une rupture arrive, c'est extrêmement difficile de la prévoir.
- Speaker #1
D'accord. Dr Valérie Briegel, présidente du RPS, souhaite intervenir. Merci.
- Speaker #5
Bonjour, merci à tous. Tout ceci est bien clair. Après, nous, quand on est malheureux dans nos cabinets à ne pas pouvoir avoir des prescriptions suivies, On est déçu, en colère, on voit le patient qui va mal, qui revient, il souffre, mais il n'a pas eu le traitement, donc on comprend pourquoi. Et on essaye de tout faire, on comprend la situation très complexe que vivent les pharmaciens, à passer beaucoup de temps à faire des choses qu'ils ne faisaient pas avant, parce qu'il n'y avait pas ces histoires de pénurie. Et on est très surpris, parfois, de voir... qu'un médicament qui est utilisé depuis des années, des années, des années, tout d'un coup, un problème dans la chaîne de production, comme c'était l'agent pour infiltrer, et qui pouvait infiltrer le rachis, qui a disparu quasiment de la circulation, altime, problème, hop, c'est fini, il n'y a plus d'altime. Et là, on a vécu ça, avec la colchicine, cet été, et c'est un truc incroyable, parce que difficulté dans la chaîne de production. Tension d'approvisionnement, puis menace de rupture de stock. Et cet été, la SFR qui dit qu'on peut remplacer par Colchicina italienne qui sera livrée chaque mois. Et depuis aujourd'hui, 19 novembre, il y a même eu une question à l'Assemblée nationale par un député en disant « Mais qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'on fait ? » etc. Et Maioli a trouvé un moyen, parce que c'était fabriqué dans l'Est. de fabrication, de relocaliser à Auxerre. Et depuis aujourd'hui, bonne nouvelle, on va avoir une nouvelle fabrication en France de ce médicament-là.
- Speaker #1
Merci beaucoup d'avoir abordé ce sujet. C'est ce que je voulais justement présenter. Il y a une relocalisation de cette molécule qui est unique pour nous, en fait, dans les spécialités que ce soit en rhumatologie, pour la goutte ou pour dans les péricardites. On a donc vu l'annonce passer. La milose, on a vu passer cette nouvelle. En même temps, j'ai lu un petit peu l'article rapidement. Vous savez qu'alcool Chisine, ça coûte 3 euros. Donc moins de 3 euros la boîte. Donc c'est rien du tout. Et les industriels, justement, qui vont reprendre de chez Galien, se posaient la question de comment ils allaient faire financièrement parce que ça paraît compliqué. Donc, Madame la Sénatrice, est-ce que vous avez un élément de réponse puisqu'ils posaient la question ? d'aider ces industriels qui vont aider à obtenir cette molécule qui est une molécule unique. Ça veut dire qu'elle n'est pas substituable. On peut la faire en préparation magistrale, mais ça fait partie exactement de la liste des médicaments à marge thérapeutique très très très faible.
- Speaker #3
Donc en fait, il y a plusieurs solutions, mais il y en a une qui est complexe, c'est une solution budgétaire. Et les temps ne sont pas tout à fait favorables. En l'état actuel des choses, ce qui conditionne le prix du médicament et donc qui est déterminé par des négociations au sein du CEPS, du comité en charge de la fixation du prix du médicament, à la fois d'une manière globale mais en B2B avec chaque laboratoire, ce prix du médicament il est déterminé par rapport à l'enveloppe médicament qui est votée dans le cadre du projet de loi de finances à sécurité sociale. En réalité, ce n'est pas l'enveloppe qu'on voudrait idéale pour le médicament, c'est l'enveloppe qui est... tenable par la sécurité sociale, ce qui est complètement différent. Je précise ça parce qu'on n'est pas dans un sujet de santé publique, on est un sujet de boucher le trou de la sécu. Je suis désolée de parler de façon triviale, mais c'est un peu ça le sujet quand même. Et donc, pour le coup, on ne parle pas exactement de la même chose. Je pense que sur cette identification du prix du médicament, à un moment, il faut qu'on se pose la question des vraies stratégies thérapeutiques, hors la question du prix, de savoir ce qui est tenable par la sécurité sociale. mais aussi ce qu'on est prêt à mettre en plus pour pouvoir avoir les bonnes conditions d'accès au traitement. Et le sujet, c'est que cette enveloppe, elle contient à la fois les médicaments matures, les médicaments génériques, donc les médicaments à bas coût et fabriqués à bas coût. Et mature, ça ne veut pas dire... Ça ne veut pas dire pour autant qu'ils ne sont pas indispensables. Et j'insiste là-dessus, parce qu'on dit mature, on dit stédarale, c'est des vieux médicaments. Sauf que le 5-fluoruracil, ça reste indispensable. Il y a certains antiepileptiques, c'est la même chose. Et donc, ça veut dire ça. Et puis aussi l'innovation, les médicaments innovants. Et les médicaments innovants, c'est juste ce qui mange toute l'enveloppe en ce moment. Parce qu'on est en pleine révolution thérapeutique, on le sait. Quoi qu'on dise. C'est-à-dire qu'il y a des trucs qui, depuis 20-30 ans... On y pense, on se dit, et puis hop, ça arrive là, en ce moment. Ça arrive là depuis à peu près 5-6 ans, vraiment de façon très importante. C'est des médicaments extrêmement coûteux, qui ne sont pas encore dans des productions complètement industrielles, qui sont le fruit de recherches assez pointues, et donc qui, de toute façon, ont un coût qu'il faut qu'on assume. Et donc, à un moment, il va falloir qu'on décorrèle une partie de l'innovation de l'enveloppe médicaments. c'est-à-dire que l'enveloppe médicaments doit servir... au traitement courant et dans l'innovation, tout ce qui est innovation innovante, ce qui sort un peu du lot, pour l'instant, il faudrait qu'on puisse donner la marge budgétaire pour pouvoir la financer autrement. Il faut qu'on traite la question maintenant pour deux sujets. D'abord, un, parce que les pénuries de demain, c'est les médicaments innovants de maintenant. Et donc, sur un sujet comme les carticelles, il va falloir qu'on règle la question. Parce que sinon, dans 15 ans, si on ne sait pas les produire, on va reprendre. Les mêmes problèmes que ceux qu'on a pour la moxiciline ou pour d'autres traitements. Ça, c'est le premier sujet. Et puis, le deuxième sujet, c'est que... Je vais reprendre les carticelles parce que c'est vraiment le truc qui nous a complètement bouleversé tout. On est en train de commencer à traiter des cancers d'organes. C'est du test pour l'instant, c'est de la recherche. Mais enfin, quand on commence à aborder un ou deux cancers d'organes et que ça va aller sur tous les organes, alors là, ça va être un tsunami budgétaire. Un tsunami budgétaire. Donc, il faut qu'on traite cette question maintenant. Il y a urgence à le faire.
- Speaker #1
Effectivement, Philippe Ausha, prenez la parole parce que c'est une vraie problématique les traitements innovants. Pour l'instant, on n'a pas l'impression qu'ils sont en tension, mais le problème du prix fait qu'au-delà de la tension, on ne les aura peut-être même pas.
- Speaker #2
Je rejoins tout à fait ce que vous dites, madame la sédatrice. Il faut savoir que pour développer un nouveau traitement aujourd'hui, il faut compter à peu près 2 milliards d'euros. 2 milliards d'euros quand ce n'est pas plus pour certaines aires thérapeutiques. et que le pourcentage d'attrition... est de 90%. C'est-à-dire qu'en fait, un médicament qui va rentrer en début de phase clinique, il a 10% de chance d'arriver au marché. Donc vous voyez, 2 milliards d'euros, 10%. Donc c'est une... La recherche pharmaceutique est extrêmement risquée, on le sait, ça fait partie du modèle, mais il faut aussi pouvoir la rémunérer. Et vous avez parfaitement raison, concernant les traitements innovants, je suis désolé, mais le constat est clair, l'accès se détériore en France. 40%. 40% ! des nouveaux médicaments, des nouveaux traitements ne sont pas disponibles en France contre 10% en Allemagne parce qu'effectivement, on a un problème de prix. Alors, les causes sont multifactorielles, mais le processus d'accès au marché, le processus de fixation des prix, comme vous le disiez, est l'une d'elles. Et il faut absolument travailler là-dessus parce que, ne serait-ce que d'un point de vue éthique, comment peut-on priver les patients français d'innovation thérapeutique ? Je vais revenir aussi simplement une seconde sur ce qui a été dit sur le prix des médicaments. Je voudrais quand même dire que ce n'est pas parce que le prix d'un médicament est bas qu'il ne sera pas disponible. Un médicament essentiel sur trois aujourd'hui, c'est moins de 25 centimes d'euros l'unité. Moins de 25 centimes d'euros l'unité. Or, quand je regarde, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est le LEM, où on en est en termes de pénurie ou de rupture sur ces médicaments, globalement, en pourcentage, c'est relativement faible. Par contre, en revanche, évidemment... vous avez tout à fait raison, le prix bas, ça peut être parfois non soutenable par les entreprises.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Je voudrais juste passer la parole à notre collègue docteur Natacha Regensper, médecin généraliste URPS.
- Speaker #6
Alors, j'aurais juste un constat et une question. Le constat, c'est que au niveau de mon cabinet, je travaille vraiment en collaboration avec toutes les officines autour et on a l'impression de faire tenir un petit peu avec des bouts de chandelles et des bouts de ficelles et c'est là d'ailleurs que toute la collaboration entre médecins et pharmaciens et et primordiales, et heureusement, ça marche. Mais il faut savoir que ça a un retentissement auprès des patients aussi, qui est extrêmement dommageable. Tout d'abord, une perte de confiance. Les patients qui se retrouvent avec des médicaments qui sont de façon répétée en rupture de stock, ils se retrouvent ensuite à se méfier, ou à stocker, ce qui n'est pas bon non plus, ou à diminuer de même les doses. Donc ça a des effets extrêmement pervers. Et ça, c'est quelque chose d'important. À un moment où la médecine, je dirais allopathique, est sujet de défiance auprès de nos patients. Et puis alors, vous avez dit quelque chose, docteur, qui m'a interloqué, que finalement, le plus souvent, le problème de la fabrication ne tenait pas au principe, c'est-à-dire à la matière principale, mais donc plutôt à des excipients, à la galénique. Et donc, j'aurais une question, c'est ce que vous disiez également par rapport aux notices, est-ce qu'on n'aurait pas une façon, lors des pénuries, de permettre certaines modifications de cette galénique, de ces excipients ? De la même façon qu'on peut avoir un QR code pour scanner les notices, mais de façon à ce qu'en période d'urgence, il y ait une possibilité pour les industries également, finalement, de faire ces médicaments d'urgence, même s'ils sont légèrement différents de ceux pour lesquels ils avaient exactement la même.
- Speaker #0
Alors sur l'industrie, je ne vais pas me prononcer, mais en tout cas sur la préparation magistrale, on a mis en place des QR codes reportant sur des notices dans l'urgence pour que les patients, je disais tout à l'heure, puissent avoir l'accès à l'information. Mais l'information, c'est le mot clé. Dans tout ce qu'on a dit, il y a l'information et le prix. C'est les deux enjeux forts de ces pénuries. Alors je ne vais pas faire de la promo, mais je vais juste citer les trois préparatoires. de l'Île-de-France qui agissent en sous-traitance et qui peuvent être source d'informations pour les prescripteurs, les pharmaciens, les confrères. Il y a la pharmacie homéopathique de l'Europe à Saint-Lazare, la pharmacie d'Elpêche dans le 6e et la pharmacie Maubeuge qui est la mienne à côté de la gare du Nord. Ces trois-là, n'hésitez pas à les appeler parce que nous, on est extrêmement friands de discuter. C'est une source d'informations énorme pour nous, pour vous. Les choses ne sont pas toujours simples. Les explications ne sont pas toujours limpides. C'est l'occasion de réfléchir ensemble à comment on partage l'info. C'est essentiel. Et sur le prix, je voudrais juste rajouter un point sur le budget et les dépenses de santé. Les dépenses de préparation magistrale, ce n'est pas grand-chose dans le budget de Sécu. Mais comme je le disais tout à l'heure, on est la seule bouée pour des patients qui vont être en rupture de traitement. On parlait de la Ketiapine, j'ai rapidement parlé de la Sertraline. Sertraline, c'est un exemple super intéressant parce qu'on a investi pour acheter du matériel, on a acheté la matière, elle est sur nos étagères, sauf que quand le prix a été déterminé. Il a été fixé un prix en marge des négociations qu'on avait avec la DGS qui ne nous permettait pas de produire autrement qu'à perte. Donc on a été contraints et forcés de ne pas faire de serre traline parce que nos préparatoires n'étaient pas en mesure d'assumer cette production alors qu'on avait investi pour tout faire, faire notre métier, notre mission habituelle. Donc attention, le warning est là. Quand le bateau prend l'eau, ce n'est pas sur le gilet de sauvetage qu'il faut faire les économies en premier, je pense. Et notre message est clair, c'est qu'on est la bouée de sauvetage. C'est hyper important de l'avoir en tête.
- Speaker #1
C'est important et toujours ce problème de prix. Je voudrais revenir sur ce que vient de dire ma collègue. Un problème très important, c'est le mésusage. À partir du moment où il y a des pénuries, il y a un risque de mésusage et de détournement. D'ailleurs, vous avez vu qu'il y a des plateformes de livraison de médicaments prescrits sur questionnaire à partir d'une intelligence artificielle. Et il y a eu quatre plateformes pour lesquelles la Caisse d'assurance maladie a arrêté le remboursement des prescriptions faites à partir de ces... plateforme, il y a Docteur ABC, Philly, puis Zavamed et Docteur Online, plus de remboursement. Je voulais justement vous demander, Docteur Chadouto, quelle est votre expérience, vous ou vos collègues, est-ce que c'est quelque chose qui est à la marge, actuellement, ces prescriptions sur des plateformes, ou c'est quelque chose qui est en train de se développer ? Nous, on a été surpris de découvrir ça, et de voir qu'il pouvait y avoir même des prescriptions de l'étranger. Actuellement, il y a aussi des prescriptions à partir de médecins en France. C'est pour nous une médecine un peu irrégulière.
- Speaker #4
Elle me semble aussi très irrégulière. À mon sens, elle est totalement à la marge. Moi, dans mon exercice, j'en ai jamais entendu parler. On a un système de sécurité sanitaire en France qui, je pense, est à envier et qu'il faut absolument protéger. Si je parle du médicament... Il y a quelques années, une directive européenne nous a demandé de sérialiser pour être sûr qu'on n'avait pas de médicaments contrefaits en France. En France, pour le coup, du fabricant à la dispensation, il y a toujours un pharmacien dans l'industrie, chez le grossiste, dans l'officine. On n'a jamais eu de médicaments contrefaits en France parce qu'on avait cette sécurité autour de la chaîne du médicament. donc bon, on a sérialisé parce qu'on nous a demandé de le faire mais toutes ces petites toutes ces petites exceptions qu'on commence à faire mettent à mal la sécurité autour de la délivrance du médicament. Donc je prendrai toujours mon porte-voix pour hurler « attention, il y a un danger » dès lors qu'il y a des systèmes qui sont un peu à la marge, qui peuvent s'infiltrer dans notre système qui est ultra sécurisé.
- Speaker #1
Merci beaucoup de votre réponse. Docteur Valérie Brial ?
- Speaker #5
Oui, alors déjà merci parce que... On découvre, certains ne connaissent pas trop bien tout le circuit du médicament, toutes les réflexions, les possibilités qu'on a avec les préparations magistrales, les mises à disposition et les efforts faits aussi par les industriels. Je pense qu'il faudrait qu'on communique mieux, déjà nous, on devrait communiquer le rapport de la sénatrice, on devrait communiquer ce qui est fait. pas que sous la forme du podcast, on devrait vraiment faire une newsletter parce que c'est de la santé publique. Donc ça, c'est important. Et je voulais juste poser une question sur le site Vigirupture. Moi, j'ai été dans un congrès interpellé par des gens, la French Tech, ils ont toujours plein d'idées géniales. Oui, on va vous mettre un petit site super sympa, vous allez acheter, et puis là, dessus, on saura où trouver tel ou tel médicament. Alors le site Vigirupture, il est accessible uniquement pour les pharmaciens ou il peut être accessible pour les médecins ? Vous avez un RPPS ? Pour les patients ? Non.
- Speaker #4
Non, les patients. Alors il faudrait que je recherche. Mais à mon sens, il faut un RPPS. Donc il faut que vous soyez un praticien quoi qu'il arrive. pour vous inscrire.
- Speaker #5
C'est une information qui est intéressante pour pouvoir s'inscrire sur le site et savoir où les patients peuvent trouver les traitements. Je vous remercie tous.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Je voulais revenir un petit peu sur le maillon faible du prix, parce que quand vous nous racontez cette histoire de Sertraline, ça fait un peu mal au cœur, mais je pense que le prix, c'est quelque chose d'important. mais il n'y a pas que ça, on a bien vu toute cette complexité. Je remercie tous nos invités pour le partage de leurs expériences et pour leur implication au quotidien pour corriger ces dysfonctionnements du système de santé. Nous constatons la complexité du sujet et notamment la difficulté de chaîner l'estimation des besoins, l'organisation de la production et la distribution dans un monde ouvert. Un travail est en cours, il concerne tous les acteurs au bénéfice des patients, de la qualité et de l'égalité des soins, même si les tensions rendent difficile sa réalisation à court terme. Autre sujet concernant la difficile organisation des soins et leur qualité, le prochain 12-14 de l'URPS Médecins sera consacré à mon parcours psy, bilan 2 ans, quelle évaluation médico-économique ? Merci.
- Speaker #7
Merci à nos invités et au public pour ces échanges autour de la pénurie de médicaments et des organisations locales. L'URPS Médecins libéraux Île-de-France vous donne rendez-vous pour son prochain 12-14 qui sera consacré à mon parcours psy. Bilan après deux ans, quelle coordination psychologue-psychiatre ?