- Générique
Adequancy présente.
- Jean-François Dufresne
C'est-à-dire que l'ensemble du milieu considérait que c'était impossible, qu'on ne pouvait pas faire travailler ces personnes. Et comme tout chef d'entreprise, non, je dis, ils ont peut-être raison, mais tant qu'on n'a pas essayé, on ne sait pas. Or, là, je ne vois pas qu'ils essayent. Donc je dis, moi, j'ai la chance de pouvoir disposer d'un certain nombre d'usines en France.
- Anthony Baron
Les Afters de la Transformation, le podcast des acteurs qui façonnent l'entreprise de demain. Un rendez-vous qui donne la parole aux dirigeants. Une production Adéquancy.
Bonjour et bienvenue dans l'émission Les After de la Transformation, une émission qui accueille des leaders entreprenants, acteurs de l'économie réelle, portant au quotidien des mutations et des innovations dont les actions impactent notre société. Nous nous retrouvons comme chaque année à l'occasion du podcasthon et aujourd'hui c'est Jean-François Dufresne, ancien directeur général d'Andros et créateur de l'association Vive et Travailler Autrement, que nous accueillons. Bonjour Jean-François. Et bienvenue dans ce nouveau numéro des Afters de la Transformation.
- Jean-François Dufresne
Merci de me recevoir.
- Anthony Baron
C'est un réel plaisir. Et donc dans cette interview, nous allons revenir sur les éléments de votre parcours, celui de l'association également, les solutions que l'association Vivre et Travailler Autrement propose, l'inclusion dans l'entreprise ainsi que son impact et puis les perspectives d'extension du modèle que vous avez développé. Et puis, si on va plus loin encore, son impact au niveau sociétal, voire également au sein des politiques publiques. Alors Jean-François, pour votre parcours, vous êtes un entrepreneur et dirigeant d'entreprise à succès. Vous débutez votre carrière en créant une agence de communication Dufresne Corrigan Scarlett qui monte jusqu'à 250 salariés. Vous cédez ensuite la société et vous rejoignez le groupe Andros, 10 000 personnes, comme directeur général entre 2005 et 2018. Entre dirigeant d'une entreprise de communication et un groupe industriel agroalimentaire, il n'y a qu'un pas. Comment s'est passée cette transition, Jean-François ?
- Jean-François Dufresne
La transition s'est passée très naturellement. A l'origine, je suis ingénieur, donc j'avais toujours rêvé de m'occuper d'usines. Le monde de l'usine m'a toujours fasciné. Et bizarrement, pour quelqu'un qui s'intéressait aux usines, je suis allé dans la communication. Mais Andros était mon client depuis très longtemps. Et il m'avait sollicité à plusieurs reprises pour les rejoindre et j'ai fini par dire oui en 2005.
- Anthony Baron
Magnifique. Alors vous êtes père d'un enfant autiste et vous avez été particulièrement marqué par votre parcours de parent d'adulte d'un enfant autiste. Le handicap de votre fils vous a permis aussi de comprendre que les difficultés liées aux particularités de l'autisme étaient une force et pourraient devenir un réel atout pour obtenir un emploi. En 2014, vous créez l'association Vivre et Travailler Autrement. Quels ont été les éléments déclencheurs pour créer cette association et d'où vous est venu en fait ce sursaut ?
- Jean-François Dufresne
Les éléments déclencheurs, c'est clairement mon fils. Quand on n'est pas touché personnellement, en général on se mobilise peu. Et ensuite, moi j'ai la conviction qu'on se mobilise parce qu'on pense qu'il y a quelque chose d'efficace qu'on peut faire. Au bout, j'emploie le mot efficace qui exècre le milieu médico-social, puisque les personnes handicapées ne sont pas supposées être efficaces. Moi, je pense qu'il faut qu'elles le soient. Donc, c'est une vraie différence. ne trouvant pas de solution pour mon fils, ni quand il était enfant d'ailleurs, parce qu'il n'est jamais allé à l'école du tout.
- Anthony Baron
Oui, d'accord.
- Jean-François Dufresne
Donc j'ai créé une première association qui s'appelait Apprendre Autrement, vous voyez l'affiliation. qui existe toujours et qui prend en charge une quinzaine de gamins sans solution, rue de Belleville à Paris. On est totalement dehors des clous. Si vous avez vu, c'est l'équivalent du hors-norme, si vous avez vu le film hors normes. Donc c'est l'équivalent du hors normes, mais pour les enfants. On est l'espèce de hors normes des enfants. D'ailleurs, je connais bien les gens qui ont inspiré le film hors normes, qui s'appelle Le silence des justes. Et c'est des gens formidables. Et donc, nous, on est un peu ça. On a eu la même histoire, finalement. Et quand mon fils est arrivé à 20 ans, on va à la maison départementale des personnes handicapées, MDPH. qui oriente les jeunes adultes à partir de 20 ans, et qui dit, ben voilà, lui, on l'oriente vers tel dispositif. Alors, c'est lié au système français. Ce système français, on pourrait éventuellement en parler, mais il se trouve que c'est un système unique au monde. Il n'y a pas d'équivalent. Que ce système n'a pas que des qualités, parce que sinon, on ne serait pas condamné cinq fois. par l'Europe, une fois par les Nations Unies pour non-respect de la charte des droits des personnes handicapées, quand même.
Ok, donc ça a été loin, quand même.
- Anthony Baron
C'est pas sur ce dispositif.
- Jean-François Dufresne
C'est pas le dispositif, c'est le système. C'est le système. Et donc, il faut s'interroger de pourquoi on est condamné, alors que la France est le pays d'une merveilleuse protection sociale et je ne suis surtout pas en train de dire qu'elle n'est pas merveilleuse. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a, comme d'habitude, toute médaille à son revers et là c'est un des revers de la médaille. Le système propose quoi ? Le système propose, alors en l'occurrence pour mon fils, des foyers occupationnels, mais dans lesquels on vous oriente et on vous dit, pour l'instant il n'y a pas de... de place, puis un jour il y a une place et on vous dit vous allez y aller donc on va et on met la personne dans ce foyer occupationnel à vie puisqu'elle y va à vie oui C'est une très bonne question. On les met sous camisole chimique. Et donc 80% sont sous camisole chimique. Je ne vais pas employer le mot inhumain parce que les gens qui s'en occupent sont profondément humains, c'est des gens bien. Mais par contre, vous imaginez bien que comme les institutions qui accueillent les jeunes sont payées par l'État. via le passage par les ARS, l'Alliance régionale de santé, etc. Le poids que vous avez dans le système quand vous arrivez et que vous ne payez pas, et qu'on vous a dit c'est là qu'il faut aller, vous imaginez que votre poids est quand même un peu limité. Alors on me dit mais vous êtes pour la privatisation du... médico-social. Je dis peut-être pas pour la privatisation, mais en tout cas, pour un système plus proche de ce qui nous entoure. Dans ce qui nous entoure et dans tous les pays qui nous entourent, les personnes reçoivent une allocation et choisissent le lieu où ils veulent aller. Que ce lieu soit un lieu d'État, contrôlé par l'État, ou pas. donc comme par hasard si les gens choisissent ils ont un peu plus de poids sur le système et puis du coup ils peuvent arrêter puisque c'est eux qui payent donc moi on me dit vous avez fait ce constat globalement d'un système détaillant d'un système qui ne correspondait pas à ce que je souhaitais pour mon fils Parce qu'on me dit qu'il doit aller en foyer d'accueil médicalisé. On me dit ça, ce qui est assez classique pour les autistes sévères. Ils sont quasiment tous orientés. Puisque le questionnaire qui est rendu à la MDPH, c'est qu'est-ce qu'il ne peut pas faire. Heureusement que dans les entreprises, on n'engage pas les gens en fonction de ce qu'ils ne peuvent pas faire. On essaye de trouver leurs compétences. Mais non, dans le système, j'allais dire, officiel français, on demande aux gens... gens, ce qu'ils ne peuvent pas faire, ce qui permet de gérer des degrés d'autonomie. Et donc, évidemment, les autonomies des jeunes autistes sévères sont très faibles. Donc, effectivement... Effectivement, on me dit qu'il faut aller en foyer d'accueil médicalisé. Je dis que je vais aller voir ce que c'est parce que je ne sais pas ce que c'est. J'y vais et à chaque fois que je sonne, je m'aperçois que c'est fermé à clé et qu'on vient m'ouvrir. Quand je pose la question...
- Anthony Baron
Il n'y a pas de possibilité d'y rentrer, d'y accéder, de voir comment ça se passe de l'achat arrière ?
- Jean-François Dufresne
Tout à fait, on prend rendez-vous et on va voir. Mais la porte est fermée. Donc on sonne et on vient vous ouvrir la porte. On dit mais pourquoi vous fermez à clé ? La réponse qui m'a été donnée, c'est pour ne pas qu'ils s'en aillent. aille. Et le papa, il se dit, tiens, pour pas qu'il s'en aille, ça me fait penser à autre chose. Un endroit fermé à clé pour pas que les gens s'en aillent, ça s'appelle pas un foyer d'accueil médicalisé dans ma tête. Voilà. On se dit, mon fils est un être très actif, très dynamique, et je m'aperçois que dans ces lieux, eh bien, ils ont l'air un peu abrutis. Et je m'aperçois au bout d'un certain temps qu'ils sont sous camisole chimique. 80% sont sous camisole chimique.
- Anthony Baron
80% sont sous camisole chimique.
- Jean-François Dufresne
C'est énorme. Et ensuite, on trouve d'autres chiffres du genre leur espérance de vie est de 20 ans inférieure à la moyenne nationale.
- Anthony Baron
Et en même temps, il y a l'explication aussi.
- Jean-François Dufresne
Absolument. Et quand on vous dit, en tant que papa, vous savez, on va mettre votre fils là-dedans, on va le mettre en prison à vie sous camisole chimique, j'en passe et des meilleurs, vous dites, je ne suis pas sûr que ce soit ça que je veux. Je me dis, bon, pourquoi on n'essaye pas de le faire travailler ? Et là, je retourne à la MDPH, je veux des orientations de travail, etc. On me dit, monsieur, vous rêvez. Ah,
- Anthony Baron
Vous avez une fin de non-recevoir ?
- Jean-François Dufresne
C'est-à-dire que l'ensemble du milieu considérait que c'était impossible. Qu'on ne pouvait pas faire travailler ces personnes. Et comme tout chef d'entreprise, non, je dis, ils ont peut-être raison. Ils ont peut-être raison, mais tant qu'on n'a pas essayé, on ne sait pas. Or, là, je ne vois pas qu'ils essayent. dit, moi j'ai la chance de pouvoir disposer d'un certain nombre d'usines en France, une douzaine à l'époque, un peu plus maintenant. Pourquoi on ne le fait pas ? Avec le soutien de mon président propriétaire, on décide d'essayer de faire travailler des autistes en usine.
- Anthony Baron
Alors justement, comment vous arrivez à convaincre votre président ?
- Jean-François Dufresne
Oh, parce que c'est un ami. de toute façon, et qu'il connaît très bien mon fils, il l'a vu naître, et donc il a une affection pour lui. Donc ça, ça a été très facile. Par contre, il faut accompagner ces jeunes. Ces jeunes, ils ne peuvent pas aller au boulot comme ça, on ne va pas les envoyer au boulot comme ça. Et il y a une deuxième chose, c'est qu'ils n'ont pas l'autonomie nécessaire, donc il faut leur faire acquérir cette autonomie. Alors la raison, c'est que ni les parents, ni les institutions n'ont fait le boulot. Pourquoi ? Parce qu'il faut une structure. Oui, quand on a un enfant jeune et sans problème, c'est quoi notre boulot ? C'est de leur apprendre la vie. Pour qu'à l'âge de 20 ans, ils soient capables de se débrouiller tout seuls. Donc, on essaye de leur apprendre vaguement à faire à manger, à nettoyer la chambre, à faire le ménage. à s'habiller chaudement l'hiver, plus légèrement l'été, en fait, toutes sortes de choses.
- Anthony Baron
Le quotidien de la vie.
- Jean-François Dufresne
Le quotidien de la vie, faire les courses, etc. Essayer de comprendre la valeur de l'argent, plein de trucs comme ça. Quand on a un enfant handicapé, on fait tout pour lui. Et les institutions font tout pour lui, car on fait de la surprotection. Et en réfléchissant un tout petit peu, je me dis, mais c'est pas possible la surprotection. C'est pas comme ça qu'on va les aider à rentrer dans la vie. Et pourquoi eux, ils ne rentreraient pas dans la vie ? C'est sûr qu'il faut passer de la surprotection, qui est le mantra de tout le système de protection sociale. D'ailleurs, dans la protection sociale, il y a protection. Il s'agit de protéger les gens. C'est bien joli de les protéger, mais s'ils ne sont pas capables de s'adapter à une vie dans notre société, ça va être compliqué et pour ça faut les aider. Donc il faut passer de la protection à la formation. Donc c'est une immense différence.
- Anthony Baron
Et c'est là où Andros en fait ouvre ses portes ?
- Jean-François Dufresne
Andros ouvre ses portes. Non, c'est pas mon fils qui rentre le premier, il rentre au bout de deux ans d'ailleurs, mais il ouvre ses portes à des autistes sévères. y compris des autistes très sévères, si je peux dire, parce que, comme personne n'y croyait, ils nous ont balancé au début des personnes qui étaient vraiment difficiles. Mais ça a remarquablement marché, surtout avec elles. Donc, je dis, il faut les autonomiser, et la première des autonomies dans la vie, c'est le boulot. Donc, si on n'a pas de boulot, on a du mal à être autonome. Donc, il faut, le matin, à mi-temps, ils vont travailler, et l'après-midi, on va leur apprendre la vie.
- Anthony Baron
Alors ça, c'est le dispositif que vous mettez en place, et ce modèle, au sein de l'association Vivre et Travailler Autrement.
- Jean-François Dufresne
Absolument, à partir de 2014 on crée cette association. Un premier dispositif d'expérimentation, on peut l'appeler comme ça. On appelle ça un prototype en termes industriels.
- Anthony Baron
Et donc, qu'est-ce qui a fonctionné dans le cadre de ce dispositif, notamment chez Andros ?
- Jean-François Dufresne
Alors tout a fonctionné. C'est ça qui est très étonnant.
- Anthony Baron
Vous parliez de surprotection.
- Jean-François Dufresne
Pour y arriver, il fallait évidemment que j'accompagne ces jeunes. Et donc l'association a engagé du monde, mais l'association n'a pas d'argent. Donc il faut qu'elle soit soutenue par les pouvoirs publics. À ce moment-là, j'avais la chance de connaître le président de la République. Ça peut aider. Ça peut aider. ça a aidé, je lui en suis extrêmement reconnaissant c'était François Hollande à l'époque et donc qui m'a dit d'ailleurs depuis qu'on lui avait dit il ne faut pas soutenir ce truc là, ça ne peut pas marcher et les jeunes dont on parle étaient réputés inemployables donc à partir du moment où tout le monde dit ils sont inemployables, on ne va pas soutenir un système qui essaye de les faire travailler bon il l'a fait quand même nous l'a expliqué le président de la République les mêmes. On a pu démarrer un dispositif grâce au soutien de l'Elysée, c'est-à-dire qu'ils ont financé les hôpitaux de chartes qui nous ont mis du personnel gratuitement à disposition. C'est quand même un truc totalement irreproductible. On peut le faire sur... Et qu'est-ce qui se passe ? C'est que ça marche vachement bien. Et là,
- Anthony Baron
Il y a combien de personnes dans le dispositif, notamment en situation...
- Jean-François Dufresne
Aujourd'hui, il y en a 11. Et il y en a 11 depuis 6 ou 7 ans. sept ans. Donc, il y en a onze depuis six ou sept ans, mais on n'en a pas mis onze d'un coup. Il y en a eu d'abord un, puis deux, puis etc.
- Anthony Baron
Et comment vous les avez sélectionné ?
- Jean-François Dufresne
On les sélectionne en liaison avec les professionnels de l'autisme. Il faut d'abord les trouver, mais on les a trouvés facilement, et on était en liaison étroite avec la maison des autistes de Chartres, et on a eu la chance que la personne m'a... qui dirigeait la maison des autistes a cru à notre dispositif. Parce que c'est une question de dire qu'est-ce qu'on risque d'essayer ? Et c'est vraiment une démarche d'entrepreneur, normalement. On n'a pas peur de l'échec. Les meilleurs entrepreneurs disent je n'échoue pas, j'apprends.
- Anthony Baron
Et les 11 sont dans le même site industriel ?
- Jean-François Dufresne
Les 11 sont dans le même site industriel, qui est un site assez important, où il y a un peu plus de 300 salariés dans le site. site, et ils ont en moyenne, aujourd'hui, ils sont tous là, tous ceux qui sont rentrés sont restés, ce qui dénote deux phénomènes. Un, qu'ils sont contents, parce que sinon ils seraient partis, ils peuvent démissionner, ils sont en CDI.
- Anthony Baron
Un vrai contrat de travail.
- Jean-François Dufresne
De droit commun. Et donc, ils sont en CDI, et donc ça veut dire que eux n'ont pas eu envie de démissionner, mais ça veut dire que l'entreprise n'a pas eu envie de les virer non plus. Et moi, je dis toujours, il faut les virer si ça ne va pas. Alors quand je dis ça, évidemment, je suis un ignoble exploiteur qui veut virer. Bien sûr que non, mais c'est vrai de toute personne qu'on a dans une entreprise. Une personne qui n'est pas bien. Qu'elle soit autiste ou non, et qu'elle n'est pas bien dans son poste, qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut la réorienter dans un premier temps, essayer de lui donner un boulot qui l'intéresse, puis dans un deuxième temps, si on voit que ça ne marche pas, il faut trouver une solution extérieure. Donc, ça ne veut pas dire virer les gens comme des malpropres, ça ne veut pas dire virer les gens sans solution, mais les garder, c'est idiot, parce que ça les rend malheureux, et que ça... pénalise l'ensemble du collectif de travail. Donc, c'est pareil avec les autistes.
- Anthony Baron
Absolument. Et quels sont les rôles ou les fonctions qu'on leur a donné dans l'entreprise ?
- Jean-François Dufresne
Alors,ils sont opérateurs de production. Ils sont vraiment... C'est pour ça que j'ai commencé dans les usines, parce que je me suis dit que dans les usines, il y avait plein de travaux... qui pouvaient être remplis par les autistes. Et en fait, ils nous ont montré qu'ils étaient capables de faire beaucoup plus que ce qu'on avait imaginé. Parce que le succès, ce n'est pas le succès de Vivre et Travailler Autrement, c'est le succès des autistes. Oui, bien sûr. C'est-à-dire qu'ils sont tellement... Ils cachent tellement bien tout ce qu'ils sont capables de faire qu'on n'imagine pas qu'ils puissent le faire. Et en fait, non seulement ils le font, mais ils vont au-delà de ce qu'on avait imaginé. Moi, ils me bluffent tous les jours. Tellement ils sont bons.
- Anthony Baron
Et justement, quelles sont les capacités, les facultés qu'ils amènent ?
- Jean-François Dufresne
En revenir, donc, les capacités qu'ils amènent, ce sont des gens extrêmement méticuleux. extrêmement sérieux, qui se conforment toujours aux règles établies. Ce sont des gens qui sont extrêmement concentrés dans leur travail et que les tâches répétitives ne rebutent absolument pas. Ça a des conséquences très simples. On les met sur des lignes et des choses comme ça. Il y a moins d'accidents du travail. Pourquoi ? Parce qu'ils sont concentrés. Les accidents du travail, c'est des erreurs d'inattention. Ils sont toujours à l'heure. Ils détestent ne pas venir. Ils font tomber le taux d'absentéisme. Parce que quand on est à côté d'un autiste qui vient là et qui est là tous les jours, soi-même, on se sent un tout petit peu moins bien pour aller chercher un certificat de complaisance.
- Anthony Baron
Il y a une vraie assiduité au travail. Il y a un des éducateurs de l'association qui disait que lorsque les 11 salariés partent en vacances, alors que je ne sais pas s'ils partent ensemble en vacances.
- Jean-François Dufresne
Oui, ils partent ensemble parce que c'est l'encadrement. C'est l'encadrement. On est contraints par l'encadrement. 15 intérimaires pour les remplacer. Oui, absolument. Ça veut dire qu'ils sont très efficaces. On a pu mesurer leur productivité, encore un mot horrible. On parle de handicap et de productivité, comment, comment, etc. En même temps,
- Anthony Baron
le terme va parler à nos auditeurs.
- Jean-François Dufresne
Voilà, mais il va y avoir effectivement, ils sont au minimum aussi productifs que les autres. Et on a mesuré qu'en moyenne, ils étaient 10% plus productifs dans les usines Andros. Alors pas tout de suite, pas du jour au lendemain, mais une fois qu'ils sont habitués, une fois qu'ils savent ce qu'ils ont à faire, il n'y a plus aucun problème.
- Anthony Baron
Et comment ont-ils été accueillis par le management et également par les collaborateurs ?
- Jean-François Dufresne
Alors par le management, c'était un peu moins le management, c'était un peu plus facile dans le dispositif d'origine. Je vais vous raconter une petite anecdote. Quand j'ai été trouvé le directeur de l'usine, je lui ai dit Yannick, tu sais, on va mettre des autistes chez toi. Sa réaction, ça a été pourquoi moi ? Pourquoi ici ? Ah oui,
- Anthony Baron
il l'a pris.
- Jean-François Dufresne
Il l'a pris comme le prénom. Tout le monde. C'est-à-dire, ça va me compliquer la vie, c'est déjà compliqué ici, etc.
- Anthony Baron
Il s'est senti démuni, peut-être, à un certain endroit ?
- Jean-François Dufresne
Peut-être pas démuni, mais il s'est dit, mais qu'est-ce qu'on vient me compliquer encore la vie ? Cette usine est complexe, comment je vais faire ? Un an plus tard, il dit, c'est la plus belle expérience que j'ai vécue dans ma vie professionnelle. Il n'est pas le seul, puisqu'on est rentré dans d'autres usines depuis. Il y en a 11 dispositifs en route. Et le frein, la plupart du temps, ce ne sont ni les managers, ni les RH. C'est les opérationnels. Parce qu'ils se disent, c'est moi qui vais avoir dans mes équipes ces oiseaux-là. Et donc, c'est eux qui mettent les freins au maximum. Et à l'arrivée, c'est eux les plus enthousiastes parce que c'est eux qui disent c'est formidable. Ils mettent une ambiance formidable. Ils arrivent au boulot en chantant.
- Anthony Baron
Ah oui.
- Jean-François Dufresne
Ah oui, mais ils adorent aller au boulot. C'est extraordinaire. Le collectif de travail, alors évidemment, il faut les former. Il faut former le collectif de travail, mais ça, on s'en charge. Et donc, ils vont très bien.
- Anthony Baron
Est-ce que vous avez observé également, vous parliez tout à l'heure, d'autonomie, de surprotection ? Est-ce que ces éléments, vous les avez vus évoluer, notamment pour ces personnes autistes ? Vous observez des gains en termes d'autonomie. La surprotection finalement qui était amenée par le système, on les amène finalement à gagner effectivement cette autonomie. Quelles ont été vos observations depuis ces dernières années ?
- Jean-François Dufresne
Pour les autistes, ça a été qualifié de miracle par un certain nombre de professionnels de l'autisme. qui ont dit que le travail est une thérapie. Mais pour l'autisme et pour toutes sortes de handicaps mentaux, voire de maladies mentales, on sait par exemple que le sport est une thérapie. Et le travail est une thérapie. Et donc, ils progressent de façon incroyable. Les gens qui les voient, ceux qui étaient totalement non-verbaux, commencent à dire des mots. C'est extraordinaire à voir. Alors, c'est vrai que dans notre dispositif maintenant, les premiers ont 10 ans. Oui,
- Anthony Baron
tout à fait. J'allais vous poser comme question. Il y a eu cette expérimentation. Andros a ouvert ses portes aux dispositifs et à l'association. Aujourd'hui, est-ce que vous avez d'autres entreprises qui nous ont accueillis également des personnes autistes ?
- Jean-François Dufresne
Vu le succès inattendu, voir si cette expérimentation était vouée à l'échec de la vie unanime. Bon, et puis elle a marché. Ça a plutôt marché. Et puis elle a marché. Et puis elle a marché, elle a marché au-delà de ce que je pensais qu'elle pouvait marcher. Donc on a été visiter beaucoup. Les gens sont venus voir. On nous a dit que ça ne pouvait pas marcher, etc.
- Anthony Baron
Des associations sont venues voir, ou les pouvoirs publics aussi ?
- Jean-François Dufresne
Les pouvoirs publics. J'ai eu trois premiers ministres, un président de la République quand même, pour voir un tout petit truc comme ça.
- Anthony Baron
Vous avez attiré l'attention.
- Jean-François Dufresne
J'ai attiré l'attention. Alors, ils ont attiré l'attention. C'est pas moi, il faut à nouveau. Bien sûr. pour remettre les choses dans les bonnes perspectives. Donc, il y a beaucoup de gens qui sont venus, les ministres successifs du handicap, en particulier Sophie Cluzel, sont venus, ils sont tous venus voir, et comme ils voyaient que ça marchait, ils m'ont dit, il faut en faire d'autres. Moi, j'ai dit, oui, vous avez raison, et donc, dans ma démarche d'industriel, je dis, on a fait un prototype, il faut faire une présérie, et puis on va apprendre de la présérie. Effectivement, on m'a beaucoup appris. Les entreprises, je leur ai fait visiter, beaucoup. Et on m'avait dit, de toute façon, les entreprises ne voudront pas. Totalement faux, comme d'habitude. Les entreprises sont tout à fait d'accord pour faire partie de la société, pour faire avancer la société. Mais ils me disent, oui, mais on ne va pas faire. Je dis, pourquoi vous n'allez pas faire alors que vous trouvez ça intéressant ? Ils me disent, parce qu'on ne sait pas faire. Parce qu'on ne sait pas faire, nous... en entreprise, on a les autistes, on les trouve où ? Comment on les sélectionne ? Les services RH, ils sont incompétents complets sur ce sujet. Ils ne sont pas incompétents en règle générale.
- Anthony Baron
Il y a certainement que d'éducation, de pédagogie, dans le capacité des accueils.
- Jean-François Dufresne
C'est compliqué. On ne s'est pas formé sur l'autisme, on ne s'est pas formé nos équipes sur l'autisme. Ensuite, il faut les accompagnants. Les accompagnants, ce n'est pas nous qui allons les payer. Il faut il faut aller trouver les financeurs. Alors, c'était qui les financeurs ? C'est le conseil départemental. On voit vaguement qui c'est, mais on ne parle pas à la même personne. Et l'ARS, alors l'ARS, ils ne savent même pas ce que ça veut dire. L'agence régionale de santé. Des gens un peu bizarres, ça. Donc, ils me disent, non, ça, on ne sait pas faire. Et puis, pour finir, il faut leur créer un lieu de vie. Créer un lieu de vie long terme pour des salariés. Ça fait longtemps que les entreprises ont abandonné. Et les... La dernière à avoir abandonné, c'est les charbonnages de France, les corons du Nord. Donc, il y a une immense absence de savoir-faire. Donc, en réfléchissant un tout petit peu, je me suis dit, mais ce n'est pas très compliqué, moi je sais faire. Et donc, on va transformer notre association, qui va devenir une association qui est là pour aider les entreprises. Et ça a mis en lumière un immense trou dans la politique publique. On se dit, mais pourquoi ça n'avance pas plus vite, le handicap en entreprise ? et la réponse c'est parce qu'il faut aider les entreprises on ne pense qu'à aider les personnes handicapées parce que c'est alors que chez Andros il n'y a pas eu de dispositif d'aide vous disiez tout à l'heure c'est pas fait pour ils étaient salariés en
- Anthony Baron
CDI et au même salaire Et au même salaire, j'avais posé la question sur la rémunération,
- Jean-François Dufresne
donc normalement,
- Anthony Baron
il n'y a pas besoin d'aide.
- Jean-François Dufresne
Il n'y a pas besoin d'aide, et je dirais même que le système n'a de logique que s'il n'y a pas d'aide. Parce que, est-ce qu'il y a des aides pour les autres ? Est-ce que dans le droit commun, il y a des aides ? Alors, il peut y avoir des aides ponctuelles, pourquoi pas ? Il y a effectivement les fameux 6%. de la GFIP, etc. Tout ça, c'est vrai. Mais je n'ai jamais engagé une personne dans mes entreprises, parce que ça me permettait de remplir les dépensants. C'est cette histoire. J'ai pris des gens parce que j'en avais besoin, et parce que leurs compétences me semblaient répondre à l'attente que j'avais. Je pense que dans les politiques publiques, on fait beaucoup trop d'aides, et pas assez de formations, pas assez d'incitations, pas assez, etc. C'est pas assez de com. ...
- Anthony Baron
Vous êtes allé sensibiliser les entreprises. Quelles sont celles qui ont à nouveau ouvert leurs portes ?
- Jean-François Dufresne
L'Oréal, qui nous a ouvert ses portes. En gros, évidemment, on a étalé dans d'autres usines de notre groupe. C'était la première, mais L'Oréal, qui nous a ouvert ses portes en grand. Et aujourd'hui, on est présent dans trois usines L'Oréal. Et ensuite, on est rentré chez Guerlain. Et devant le succès de l'expérimentation Guerlain, le groupe LVMH, puisque Guerlain fait partie du groupe LVMH, le groupe LVMH nous a demandé de les accompagner. On a des accords cadres avec le groupe LVMH et L'Oréal d'ailleurs. pour les accompagner dans un maximum de leurs activités. Ce qui est très bien parce que c'est des entreprises emblématiques et de grande notoriété.
- Anthony Baron
Oui, souvent tournées vers l'inclusion.
- Jean-François Dufresne
Voilà, qui font un boulot déjà remarquable d'un point de vue inclusion. Et là, cette opportunité se présentant à eux, ils m'ont dit, oui, ça nous intéresse. On est également chez Barilla, mais on va rentrer dans la défense nationale. On ne rentre pas.
- Anthony Baron
Incroyable, bravo en tout cas à vous.
- Jean-François Dufresne
C'est bravo aux autres.
- Anthony Baron
Bien sûr, bien sûr.
- Jean-François Dufresne
Ils montrent toute l'étendue de leurs compétences.
- Anthony Baron
En tout cas, l'association permet de le mettre en lumière par des réalisations concrètes. Et vous l'avez dit, vous avez utilisé quelques éléments de productivité, des gros mots peut-être dans le grand public. Pour un chef d'entreprise, ça lui parle.
- Jean-François Dufresne
Et pour convaincre les entreprises, je ne leur dis pas « soyez gentils, soyez généreux, soyez solidaires, etc. » parce que ça ne marche pas. Je leur dis « vous allez voir, vous allez rendre votre entreprise plus performante. » en faisant rentrer des personnes autistes dans votre collectif de travail. Ce qui n'a rien à voir.
- Anthony Baron
Absolument. Et donc sur les personnes autistes qui travaillent dans ces sociétés, alors je crois qu'elles ne sont pas à temps plein, c'est ça ?
- Jean-François Dufresne
Elles sont à mi-temps puisqu'il faut leur apprendre l'autonomie le reste du temps.
- Anthony Baron
D'accord. Donc en fait, elles travaillent le matin ?
- Jean-François Dufresne
Elles travaillent le matin, enfin, on a divers dispositifs.
- Anthony Baron
Bon, admettons, elles travaillent le matin et l'après-midi ?
- Jean-François Dufresne
Caricaturellement, elles travaillent le matin et l'après-midi, on leur apprend la vie. Que les parents ne leur ont pas appris, ni les institutions d'ailleurs.
- Anthony Baron
D'accord, alors qui leur apprend la vie justement ?
- Jean-François Dufresne
C'est les associations qui s'en occupent.
- Anthony Baron
Ah, parce que vous avez donc fait un...
- Jean-François Dufresne
On a fait un réseau d'associations qui travaillent. Si vous voulez, on fonctionne un peu comme une franchise. C'est-à-dire que nous, on a le savoir-faire qu'on a acquis avec les quelques années qu'on a passées à faire ça. et donc quand on a une usine qui se déclare volontaire une entreprise qui se déclare volontaire et qui veut ouvrir une usine chez n'importe où dans l'Oise et bien on va chercher une association locale dans l'Oise qui a envie de travailler sur notre modèle et du coup on signe un accord de franchise avec eux pour qu'ils continuent pas à faire ce qu'ils faisaient mais qu'ils acceptent de faire votre modèle notre modèle
- Anthony Baron
Donc c'est un excellent système coopératif, parce que là vous vous engagez en partenariat avec...
- Jean-François Dufresne
C'est comme si je faisais la franchise, et la franchise ça va beaucoup plus vite que de faire des systèmes en propre.
- Anthony Baron
Et vous savez estimer le nombre d'associations en France qui s'occupent de personnes ?
- Jean-François Dufresne
Il y en a deux à trois par département. Alors il y a des départements où ils sont... moins nombreux, mais il y a ce qu'on appelle les associations dites gestionnaires. C'est-à-dire qui gèrent des dispositifs. Que ça soit des IME, des femmes, des masses, etc. C'est des gens qui, des SAMSA, des habitats inclusifs, etc.
- Anthony Baron
Et ces travailleurs autistes, ils vivent en autonomie ?
- Jean-François Dufresne
Ou ils sont dans des foyers ? Alors, ils vivent le... Plus possible en autonomie. Des fois, ce n'est pas possible, il faut un accompagnement important. Donc, ça s'assimile à des foyers. Et puis, au fur et à mesure qu'ils avancent et qu'ils trouvent leur autonomie, on les envoie vers des systèmes... moins encadrés, puisqu'ils en ont moins besoin, et en plus que ça fait partie d'un parcours de vie. Ce qui m'avait frappé dans les foyers d'accueil médicalisés, c'est qu'on vous dit, votre fils va y aller, puis il en sortira les deux pieds devant. Donc, moi j'ai dit, ben non, c'est pas ça la vie. La vie, c'est d'apprendre. On appelle nos dispositifs écoles de l'autonomie d'ailleurs. Ben les écoles, on en sort. On n'y reste pas éternellement.
- Anthony Baron
Et donc pour la suite, Jean-François, comment va se passer l'élargissement du modèle ? Est-ce que vous êtes en recherche plutôt d'entreprises aujourd'hui pour accueillir des travailleurs autistes ? Des recherches aussi peut-être de financement ? Quels peuvent être vos besoins ?
- Jean-François Dufresne
La leçon de notre présérie, c'était que ce qu'on m'avait dit, c'est les entreprises qui seront les plus difficiles à trouver, ben c'était pas vrai. Qu'est-ce qui a été très difficile à trouver ? C'est les financements. C'est-à-dire que je ne suis pas arrivé avec l'appui des... avec l'appui de tout le monde, pourtant on n'arrivait pas à déclencher les financements des ARS et des conseils départementaux. Et il y a plusieurs entreprises qui ont fini par abandonner parce qu'au bout de trois ans sans financement, moi je ne peux pas démarrer. Et l'entreprise me dit, si ce n'est pas possible, ce n'est pas possible. On aurait bien voulu le faire, mais voilà. Donc, je me suis dit, essayons de trouver la raison à cela. Et la raison, c'est que globalement, les fonctionnaires qui sont dans ces dispositifs, alors fonctionnaires ou pas, statut de fonctionnaire ou pas, je veux dire, qui sont dans ces dispositifs sont là. pour s'occuper de l'argent du contribuable. Et pour ne pas qu'il y ait de dérapage, on leur donne des règles. Et les règles, elles sont votées en Assemblée nationale. Alors ça s'appelle le Code de l'Action sociale et des familles. Et si on n'est pas dans le Code de l'Action sociale et des familles, il faut être un dispositif expérimental. Et ça, c'est très très compliqué à obtenir. Et puis, c'est pas sûr que les fonctionnaires en question aient envie de se lancer dans des dispositifs expérimentaux parce qu'ils ont plein d'autres trucs à faire, parce qu'ils ont déjà... pas de budget, etc. Donc ils disent stop. Donc très rapidement, je me perçois qu'il faut qu'on devienne une politique publique et qu'on soit officialisé, parce que sinon j'y arriverais pas.
- Anthony Baron
Et donc c'est quoi les différentes étapes ?
- Jean-François Dufresne
Pour devenir politique publique, il n'y a pas d'étape. Il y a de la persévérance, de la patience, faire visiter, montrer que ça marche bien, montrer qu'on arrive à diffuser dans des grandes boîtes comme L'Oréal et LVMH Andros, etc. et travailler toutes les instances centrales au corps. Et à l'arrivée, notamment la délégation interministérielle qui est au cœur de ce truc-là.
- Anthony Baron
C'est une réaction de lobbying ?
- Jean-François Dufresne
C'est du pur lobbying. Et j'y suis arrivé.
- Anthony Baron
Et donc voilà, j'essaie de vous poser, vous en êtes où aujourd'hui ?
- Jean-François Dufresne
On en est que j'ai reçu la semaine dernière la confirmation qu'il ne restait plus qu'à organiser la publication au bulletin officiel de la République. de notre dispositif qui s'appelle SAMSA emploi pour l'État.
- Anthony Baron
C'est une super nouvelle.
- Jean-François Dufresne
C'est génial.
- Anthony Baron
Vous avez les lignes.
- Jean-François Dufresne
On passe en 10 ans d'expérimentation vouée à l'échec à politique publique.
- Anthony Baron
Alors, qu'est-ce que ça va changer et notamment pour les entreprises ?
- Jean-François Dufresne
Pour les entreprises, ça ne va pas changer grand-chose. Moi, les entreprises, j'ai... Pas de problème, j'en ai une quarantaine qui attendent. Mais surtout, ce qui va changer pour les entreprises, c'est qu'il est probable que la plupart des ARS et des CD vont suivre maintenant, parce qu'on est une case de financement reconnue. Alors que jusqu'à présent, on était, dans le meilleur des cas, une expérimentation risquée. Donc on passe d'expérimentation risquée à un cas de financement reconnu. Ce qui veut dire que les entreprises, si tout va bien, ne vont plus attendre trois ans. trois ans pour avoir un accord. Parce que trois ans, au rythme de l'entreprise, c'est long. On ne travaille pas à trois ans. On travaille à six mois, un an. Et j'espère donc qu'on va pouvoir passer à des délais beaucoup plus courts.
- Anthony Baron
Ce qui permettra d'accélérer.
- Jean-François Dufresne
Voilà, et donc dans l'instruction, puisqu'il s'agit d'une instruction qui va être publiée. Dans l'instruction, ils veulent que nous fassions un dispositif par département. Alors c'est encore un... petit délire.
- Anthony Baron
L'étudié passera par Les ARS, puis par le département, c'est ça ?
- Jean-François Dufresne
Et par les départements.
- Anthony Baron
Il validera pour chacun individuel ou c'est au niveau de l'entreprise que se passera la validation ?
- Jean-François Dufresne
Qu'est-ce qu'on fait ? Nous, on va chercher une entreprise. L'entreprise nous dit oui. Elle est située, je reprends l'exemple de l'Oise, elle est située dans l'Oise. Donc, je trouve à ce moment-là... Je vais trouver les ARS et les CD. Jusqu'à présent, il me disait, ben oui, mais vous n'êtes pas officiel. Ben oui, mais il faudrait faire une expérimentation. Ben oui, mais etc. Alors il y en a qui l'acceptent. Il y en a quelques-uns. qui accepte. Aujourd'hui, ça sera Samsa Emploi. De toute façon, vous allez lancer une appel à manifestation d'intérêt, c'est comme ça que ça s'appelle. Ou un appel d'offre, quelque part. Et je vais répondre avec une association locale. C'est-à-dire que je suis une entreprise,
- Anthony Baron
Je suis intéressé à accueillir des salariés autistes. Il faut combien de temps entre le moment où j'émets mon besoin et le moment où je peux accueillir la personne ?
- Jean-François Dufresne
J'espère qu'on va pouvoir réduire le délai à un an. Voilà. Pourquoi ? Parce qu'il faut quand même, quand une entreprise me dit je suis intéressé, ce que nous faisons, c'est qu'on fait une étude de faisabilité. Mon objectif, c'est pas de faire du nombre, c'est de faire de la qualité. Oui,
- Anthony Baron
parce que ces conditions soient réunies pour que l'entreprise puisse s'accomplir. Et c'est quoi ces conditions ?
- Jean-François Dufresne
Qu'ils aient des postes d'abord long terme, parce qu'il ne s'agit pas de dire je les prends en stage, il s'agit de les prendre en CDI. Donc, CDI, ça suppose qu'effectivement, ils aient des postes de travail à aussi long terme que possible. On ne peut jamais dire, les choses changent dans la vie, mais à aussi long terme que possible. Donc ça, c'est l'association qui va travailler autrement ? Ce n'est pas l'association locale qui va faire en premier. C'est ça, en préalable, à l'accord avec l'association locale. Ensuite, on va trouver les ARS et les CD en leur disant, ben voilà, on veut faire ça, est-ce que vous allez nous financer ? Et donc là, aujourd'hui, ça va être beaucoup plus facile. Ils vont nous financer parce qu'il y a des réserves budgétaires qui ont été accordées dans le cadre du plan. de la stratégie TND 2023-2027, c'est comme ça qu'elle s'appelle. Et donc, on a des budgets pour cela.
- Anthony Baron
D'accord. Donc c'est quoi les enveloppes budgétaires ? Les enveloppes globales,
- Jean-François Dufresne
l'enveloppe globale est importante, puisque l'enveloppe globale est de 35 millions d'euros. Mais pour construire 100 dispositifs. Donc vous divisez par 100, ça fait déjà un peu moins. Donc ça, c'est dans... Ce qui est ce qu'ils appellent...
- Anthony Baron
350 000 euros par dispositif.
- Jean-François Dufresne
Voilà. C'est ce qui est cranté dans la stratégie nationale TND 2023-2026. D'accord. Dans l'instruction, il est dit que chaque ARS... pourra financer les dispositifs à hauteur de 40 000 euros.
- Anthony Baron
D'accord. Donc un dispositif, c'est un salarié autiste dans une entreprise ?
- Jean-François Dufresne
Non, un dispositif, c'est 8 à 10 salariés.
- Anthony Baron
8 à 10 salariés dans une entreprise ?
- Jean-François Dufresne
Autistes dans une ou dans deux entreprises proches les unes des autres, car on peut mutualiser aussi ce genre de choses. Si une entreprise ne peut pas recevoir 10 autistes, et qu'elle ne peut en recevoir que 5, on va trouver une autre entreprise à couvrir. Donc une, voire deux entreprises à couvrir. condition qu'elle soit à côté.
- Anthony Baron
C'est extraordinaire parce qu'on estime à combien de potentiel actif autiste en France ?
- Jean-François Dufresne
Moi je l'estime au minimum 100 000. Autistes sévères ! Parce que je ne vous parle pas des autres catégories d'autisme qui sont...
- Anthony Baron
Vous vous disposez uniquement sur les autistes sévères.
- Jean-François Dufresne
Qui dont le taux d'emploi aujourd'hui est quasi nul. Il y en aurait minimum c'est mon estimation mais je sais que c'est un minimum d'accord on a de quoi faire vous avez de quoi faire exactement si je fais 100 dispositifs à 10 autistes on aurait fait 1000 donc j'aurais pas fait le boulot. Donc le problème, c'est de changer la culture française, c'est de communiquer, de faire percevoir à tout le monde qu'ils peuvent être une valeur ajoutée dans notre société au lieu d'être une charge. Ce qui est plutôt essentiel.
- Anthony Baron
Absolument. Et quels conseils vous donneriez aujourd'hui aux entreprises qui peuvent, qui nous écoutent déjà et qui se posent la question d'accueillir des salariés autistes chez eux ?
- Jean-François Dufresne
De m'appeler parce que nous sommes aujourd'hui, j'espère que ça ne va pas durer, on va former d'autres gens, mais nous sommes aujourd'hui les seuls à savoir faire. Donc il faut appeler vivre et travailler autrement, ça se trouve assez facilement, ou il faut m'appeler moi-même à travers Adequancy. Par exemple,
- Anthony Baron
on sera ravis de faire en tout cas la discussion. Et il y a un site internet pour vous contacter.
- Jean-François Dufresne
Il y a évidemment un site internet.
- Anthony Baron
Je voudrais travailler autrement.
- Jean-François Dufresne
Point org.
- Anthony Baron
Point org, tout simplement. Moi, je voulais aussi prendre des nouvelles de votre fils. Il en est où aujourd'hui ?
- Jean-François Dufresne
Il est heureux.
- Anthony Baron
Il est heureux.
- Jean-François Dufresne
C'est un résumé à ça. Qu'est-ce qu'on veut pour nos enfants ? Il est heureux parce qu'il travaille. Heureux parce qu'il est dans un endroit qui lui convient. Heureux parce qu'il fait sans arrêt quelque chose. On m'avait dit, les autistes, il faut faire attention, il ne faut pas leur donner trop d'activité. En fait, tout ce qu'on m'avait dit s'avère faux. Ils sont tous différents les uns des autres. Donc, pour certains, c'est vrai, et pour certains autres... c'est totalement faux on m'a dit il ne faut pas les faire travailler dans une atmosphère bruyante, je les ai fait travailler en 7 ans dans une atmosphère épouvantable on leur a mis des casques ils sont comme nous ils sont comme nous et puis dire les autistes n'a pas de sens je vais reprendre cette phrase que j'adore qui vient d'une autiste d'ailleurs que j'aime beaucoup, qui dit je ne suis pas différent de toi, je suis différent comme toi ça dit tout ça dit tout
- Anthony Baron
Je pense qu'à travers cette phrase, on peut quasiment arriver à notre conclusion. Et avant ça, peut-être une dernière question, Jean-François. Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour la suite ? Et qu'est-ce qu'on peut souhaiter à l'association Vivre et Travailler Autrement ?
- Jean-François Dufresne
Souhaiter à moi, pas grand-chose. J'ai une chance inouïe. Puisque ce que nous faisons... Change la vie des gens. Quelle chance inouïe peut-on avoir à mon âge avancé de faire mieux que de pouvoir changer la vie des gens ? C'est extraordinaire. Donc qu'est-ce qu'on peut souhaiter ? C'est que la culture française totalement axé sur la protection, commence à comprendre que c'est vraiment le phénomène de l'inclusion par rapport à l'exclusion. Est-ce qu'on veut une société qui exclue ou est-ce qu'on veut une société qui inclut ? les personnes handicapées, parce que je me contente de parler de ça. Et si on peut, à travers l'exemple des autistes sévères réputés inemployables, montrer que l'inclusion est beaucoup plus bénéfique pour nous tous, pour nous tous, pas pour eux, pour nous tous, que l'exclusion, écoutez, on aura gagné.
- Anthony Baron
Je pense que vous êtes sur la bonne voie pour gagner et sincèrement je vous le souhaite, naturellement à votre association, je pense que vous avez réussi à réunir des salariés autistes plein de courage et je pense que l'idée c'est de pouvoir poursuivre cette aventure. Moi je suis vraiment ravi qu'on ait pu avoir cet échange, cette discussion aujourd'hui pour partager.
- Jean-François Dufresne
Merci de m'avoir invité.
- Anthony Baron
Exactement. Je retiens aussi quelques mots essentiels que vous avez dit. Déjà, cette phrase de leader et de dirigeant entrepreneur, je n'échoue pas, j'apprends. Et puis, vous avez insisté à un moment donné, Jean-François, sur un point qui était essentiel, que le travail est une thérapie au même titre que le sport. Et je vous avais fait la démonstration aujourd'hui que pour les personnes autistes sévères, il y a des vraies solutions qui existent et que la surprotection ne fait que finalement créer un système qui ne fait que les exclure, là où vous avez su créer l'autonomie et montré par l'exemple du travail, par les entreprises aussi, je pense qu'on peut remercier d'avoir ouvert leurs portes, d'avoir réussi ce modèle très inclusif. pour des personnes qu'on ne pensait pas en capacité de pouvoir travailler. Donc bravo à vous. Moi, j'étais vraiment, encore une fois, ravi de vous accueillir. Bravo à vous. À nouveau, l'association Vivre et Travailler Autrement est accessible sur son site internet. Cette interview est arrivée à sa fin. Une émission, les acteurs de la transformation, a retrouvé sur l'ensemble des plateformes d'écoute musicale. On vous souhaite une bonne semaine et on vous dit à la semaine prochaine.
- Jean-François Dufresne
Merci beaucoup.
- Anthony Baron
Les Afters de la Transformation, une émission à écouter et à télécharger sur adequency.com et toutes les plateformes de podcast.