- Speaker #0
Les Rendez-vous de l'histoire sont bien Au rythme de rencontres,
- Speaker #1
d'échanges La grande fête annuelle de l'histoire Et des passionnés de l'histoire Enseignants, chercheurs Le grand lieu d'expression et de débat Lecteurs,
- Speaker #0
amateurs Sur tout ce qui se dit Curieux,
- Speaker #1
rêveurs Sur tout ce qui s'écrit Qui aide à prendre la mesure des choses A éclairer le présent et l'avenir Dans l'espace et dans le temps
- Speaker #2
Bien, bonjour à tous, bienvenue à la Maison de la Magie pour ce débat qui va porter sur la dépénalisation universelle de l'homosexualité. Le titre qui a été donné c'est « Dans mon pays, ma sexualité est un crime » , référence à l'exposition que vous avez peut-être vu déjà à l'Hôtel de Ville de Blois, exposition organisée par Philippe Castedbon qui est ici présent et que je représenterai tout à l'heure plus en détail. Nous sommes extrêmement heureux et honorés que Robert Badinter ait accepté de se joindre à nous dès ce matin. Et nous sommes également très heureux de recevoir Louis Georgetin, qui est président du comité IDEO, comité qui lutte pour la dépénalisation de l'homosexualité à travers le monde, pour les droits des homosexuels et des trans, qui est à l'origine de la journée mondiale contre l'homophobie, journée qui a été lancée, je crois, en 2015. et qui est célébrée maintenant le 17 mai dans plus de 70 pays aujourd'hui. Alors, monsieur le ministre, je rappelle simplement très brièvement que vous avez été garde des Sceaux de 1981 à 1986, président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, vous êtes sénateur, avocat, professeur de droit, auteur de très nombreux ouvrages sur la justice, sur les injustices aussi. votre engagement pour les droits des homosexuels n'est pas nouveau. Et j'aimerais peut-être que pour commencer, avant d'aborder justement la question de la pénalisation de l'homosexualité dans le monde, vous rappeliez peut-être comment en 1981, vous avez œuvré justement pour la dépénalisation de l'homosexualité en France.
- Speaker #0
Oui, merci de la présentation. J'indique tout de suite qu'à mon âge, j'évite autant que je peux de tomber dans le travers que Winston Churchill. dénonçait fort bien les notables vieillissants ont tendance à confondre leur discours avec leurs souvenirs. Donc la première partie sur ce qui advint jadis, je serai très bref. En revanche, sur la seconde partie que M. Tain, je serai, je l'espère, extrêmement vivant. C'est une des injustices majeures que celle-là, que depuis des années, des décennies, je combats. Et si nous avons fait des grands progrès, je considère qu'ils ne sont pas suffisants. Et je dirai pourquoi tout à l'heure. Alors, rapidement, flashback, vous dites 1981. En effet, c'est en décembre 1981 qu'a eu lieu la séance à l'Assemblée nationale où a été débattu pour... La première fois, la question de la suppression de ce qu'on appelait encore le délit d'homosexualité. Alors, je marque tout de suite qu'au regard de la très très très longue et cruelle persécution des homosexuels dans l'histoire et à travers le monde, persécution sur les raisons de lesquelles on pourrait longuement s'interroger mais nous n'avons pas le temps, c'était... une forme d'aboutissement, je dirais, relatif. Relatif, je tiens à être précis, on ne va jamais oublier que dans le code pénal de 1810, dont on va célébrer d'ailleurs prochainement le bicentenaire, il n'y a pas en France, à cette époque assez répressive, de pénalisation de l'homosexualité entre adultes consentants. Ça n'existe pas. ni entre adultes et... mineurs de 15-18 ans. Bonne raison, qui est une raison à la fois de réaction contre la législation de l'ancien droit, extrêmement cruelle à cet égard, bonne raison aussi circonstancielle, l'archi-chancelier, personnage clé de la justice et du droit français à l'époque, c'est-à-dire M. Cambacérès, était notoirement homosexuel. Il existe d'ailleurs encore des dossiers Très curieux pour les amateurs d'archives, mais nous sommes dans les journées rendez-vous de l'histoire, des dossiers très intéressants sur les rapports de police concernant Cambacérès et ses relations au palais royal dans les milieux spécialisés. Donc, il était hors de question de pénaliser. Cela est demeuré constant. Constant jusqu'au régime de Vichy. C'est le régime de Vichy qui a pénalisé rapport sexuel librement consenti entre un adulte et un mineur de 15 à 18 ans. Et la 4e République et la 5e République jusqu'en 1981 n'ont pas eu le courage de toucher à ce qui constituait une évidente régression. et une violation du principe absolu de non-discrimination. Puisqu'aussi bien entre une femme et un jeune homme, entre Léa et Chéri, c'était parfaitement possible, même après la loi. Donc nous sommes là dans une situation, il faut le souligner, d'injustice. Et dans le cadre de la campagne électorale, François Mitterrand, avait répondu à une question, je crois que c'était Arcadier, en disant « Oui, cela ne demeurera pas » . On en avait beaucoup parlé et je me souviens de réunions qui se tenaient antérieurement. Alors, disons-le, le débat a été singulier, étrange, étrange, parce que ce qui n'est pas si rare à l'Assemblée nationale, nous n'étions pas nombreux. C'était un dimanche après-midi. En période de haute pression parlementaire, comme toujours au début des législatures, on avait beaucoup de travail, notamment sur les nationalisations, et le dimanche après-midi, les députés, majorité et opposition avaient considéré que c'était le jour du repos, sinon celui du Seigneur pour les plus laïcs. Et par conséquent, on devait être, en étant généreux, 10-12 dans l'hémicycle. J'avais le sentiment que les commissaires du gouvernement derrière moi étaient plus nombreux ... que les députés dans l'hémicycle. Mais la passion a été vive, très vive. Et ce détail dont je me souviens, les tribunes, si l'hémicycle était vide, elles étaient pleines, archi-pleines. C'est fou ce qu'il peut y avoir comme monde dans les tribunes ce jour-là par rapport à l'hémicycle désert. Et à un moment donné, vous savez, il y a des jours avec et des jours sans, en matière d'éloquence, il y a des jours où on a envie. parler et jour on se force et on se jette là dedans comme dans une piscine glacée mais ce jour là ça n'était pas le cas et le sujet sans doute m'inspirait les ailes de l'éloquence m'ont touché un instant porté et au moment où je me laissais aller dans une improvisation que j'espérais être fulgurante je suis pas si sûre mais enfin vous savez quand on part on part je montais comme monsieur de Villepin dans ses meilleurs moments. Et sans savoir très bien où j'allais atterrir, mais j'y allais. Et quand j'ai renoncé dans un moment d'enthousiasme, et du grand temps que la France reconnaisse tout ce qu'elle doit à nos concitoyens homosexuels, ça a été un tonnerre d'applaudissements dans les tribunes. Ce qui est strictement interdit. Depuis la révolution électricoteuse, le public doit rester absolument impassible. Quand on est dans une séance parlementaire, je n'ai vu à ce principe que deux exceptions. J'évoquais il y a un instant Et puis une autre toute récente, au Congrès, la première fois où le président de la République mettait les pieds dans un Congrès, depuis la Troisième République, ça ne se fait pas, le président de la République ne devait pas, ne pouvait pas, maintenant il peut réunir le Parlement au Congrès et s'adresser directement à lui, eh bien la tribune présidentielle a éclaté en applaudissements quand le président de la République a terminé, ce qui a provoqué une stupéfaction générale. Le président n'est quand même pas intervenu pour rappeler à l'ordre madame la femme du président de la République. Mais peu importe sur l'anecdote, j'indique simplement que ce jour-là, le président a arrêté, a dit « la prochaine fois, je fais évacuer les tribunes » . Simplement, et c'est le dernier souvenir que j'en ai, il y a eu un mouchoir de Baptiste, d'ailleurs, qui a volé. qui avait quitté les mains de quelqu'un qui était dans les tribunes du public, a volé comme ça, comme colombe, et est venu se poser délicatement sur le banc des ministres. Je l'ai ramassé et je lui ai tendu la douce, il faut le rendre à son heureux propriétaire. Mais il était là, volant, et tout le monde s'était arrêté pour regarder ce mouchoir. Alors, pour le reste, ça a été fait. Alors, je marque simplement, pour être politiquement sérieux, sinon correct, Et que le Sénat, qui a un goût excessif à se prétendre défenseur des libertés, sauf quand il s'agit, semble-t-il, des libertés des homosexuels, le Sénat n'a jamais accepté de voter ce texte. Jamais. Et comme je n'acceptais pas la procédure d'urgence, mais j'utilisais toujours les deux lectures, il a fallu aller jusqu'au terme de la troisième lecture pour que la suppression du délit d'homosexualité soit acquise enfin dans le droit français. Voilà comment ça s'est passé. Je marque que la pratique antérieure que j'avais connue comme avocat était une pratique mesurée. avec une cinquantaine d'affaires par an, pas plus. Mais derrière la pratique mesurée, il y avait tout un système organisé autour de dénonciations et mises en cause d'adultes homosexuels, dont la police obtenait, de la part de certains mineurs avec lesquels ils avaient des relations, des aveux. qui permettait ensuite, utilement, de tenir celui-ci ou éventuellement d'autres. Voilà. Donc c'était aussi un moyen scélérat pour les uns de chantage et pour les autres de renseignement dont on se servait dans le domaine politique. Alors, j'ivrerai simplement deux considérations avant de venir à l'essentiel, mais là c'est à vous d'intervenir. Moi j'interviendrai aussi avec force et conviction. qu'un grand une fois seul compte l'avenir. Quand je fais une rétrospective et que je me dis, mesurant le parcours d'une vie déjà longue, je me dis, voyons, qu'est-ce qui a profondément changé ? Et parmi les quelques révolutions culturelles intervenues, je considère que le changement des mentalités, beaucoup plus que les textes en 1981, au regard de l'homosexualité transsexuelle aussi, mais l'homosexualité... Ce changement de mentalité est saisissant. Il est saisissant, la loi de 1981, la débénalisation, n'en est qu'un des instants de la marche, mais l'essentiel s'est produit ensuite. Il s'est produit, le changement de mentalité collective, au regard de l'homosexualité, il s'est heureusement produit à la faveur de la plus cruelle épreuve, c'est-à-dire des ravages exercés par le sida dans la fin des années 80. C'est à ce moment-là, dans la dignité, la solidarité de la communauté homosexuelle, que la considération est née et qu'on s'est interrogé en profondeur sur l'abomination que représente l'homophobie. Jusque-là, ce n'était pas le cas. Et c'est à partir de ce moment-là, et à partir de l'affirmation publique de ce qui est un choix sexuel sur lequel personne n'a à s'interroger, et moins encore à porter la critique, que les choses ont changé, que pour reprendre la célèbre mélodie, maintenant enfin les homosexuels marchent aussi en « on the sunny side of the street » . Voilà, c'est très remarquable. Très remarquable, une conférence comme celle-ci n'aurait pas pu avoir lieu il y a 30 ans de cela. Ou si elle avait lieu, elle aurait lieu dans une salle de conférence, nous serions peu nombreux et on n'en parlerait surtout pas. Pour le reste... Il y aurait immensément à dire sur l'histoire, je préfère dire la bataille n'est pas finie. Alors quand même, je tiens à le dire, on ne s'est pas aperçu assez que la loi votée, et par une majorité de gauche hélas, en 2002 avant les élections, à l'initiative de Mme Ségolène Royal, et que je crois avoir été le seul à combattre, pénalisant les rapports tarifés entre adultes. et mineurs de 15-18 ans a abouti, pour partie, à ressusciter le délit d'homosexualité. Pour partie seulement, ici, ce n'est plus la discrimination, c'est la volonté de lutter contre l'exploitation sexuelle des mineurs. J'ai fait remarquer que l'exploitation sexuelle des mineurs, qui est une abomination, est le fait des adultes. Il est le fait des adultes dans le crime organisé. Et que ce qui compte, c'est la lutte contre ce crime organisé. La pénalisation du client a ceci pour conséquence que le pépin ne va me frapper. J'ai consacré un livre à Oscar Wilde et son jugement, et disons-le, sa lente exécution dans la prison de Pentonville. C'est 3-3. C'était le numéro matricule d'Oscar Wilde, qui n'était plus jamais désigné par son nom, et vécu dans le silence quand on sait qui était Oscar Wilde, être devenu un chiffre et ne plus pouvoir parler. On comprend qu'en deux ans, il en soit sorti pour mourir très peu de temps après. Mais ce que je remarquais, c'est qu'on ne se souvient pas assez, et qu'Oscar Wilde n'a pas été condamné pour ses amours avec Lord Douglas. Ça aurait été mettre Lord Douglas, fils d'un très très grand aristocrate anglais, dans une situation que le système social de l'époque ne permettait pas. On a condamné, poursuivi Oscar Wilde, poursuivi et condamné, pour ses relations avec trois jeunes gélitons, dont deux avaient moins de 18 ans. qu'il entretenait sur un pied fastueux. Non seulement il les enrichissait par sa conversation, mais il les enrichissait aussi en bonne Guinée. Et c'est pour cette raison qu'il a été condamné au maximum de la peine. Eh bien, Oscar Wilde, aujourd'hui en France, serait poursuivi et condamné pour les motifs qui ont entraîné sa condamnation en Angleterre grâce à la loi de 2002, alors qu'à l'époque... Oscar Wilde n'aurait rien risqué à Paris, pas plus que Verlaine avec Rimbaud. Voilà ce que je voulais marquer. Maintenant, on passe à l'avenir, au combat de l'avenir. Et croyez-moi, il m'a été de mener. La situation est loin, loin, loin d'être satisfaisante.
- Speaker #2
Merci, monsieur le ministre. Alors peut-être, merci de ce rappel historique. Merci en effet d'avoir souligné que des discriminations continuent d'exister. je pense que peut-être on peut évoquer avec Philippe Castedbon l'exposition qui a lieu en ce moment à l'hôtel de ville de Blois parce qu'elle rend très bien compte de la situation qui est celle des homosexuels, des transsexuels dans le monde aujourd'hui. Il y a 7 pays qui continuent de punir l'homosexualité de la peine de mort, et c'est une peine qui continue d'être appliquée. Il y a plus de 80 pays qui continuent de pénaliser l'homosexualité d'une manière ou d'une autre avec des peines de prison. très lourdes, certaines jusqu'à la perpétuité. Il y a des peines telles que la flagellation, qui sont des peines absolument monstrueuses. Et vous, vous avez eu des témoignages directs des personnes qui vivent dans ces pays. Alors je voudrais que vous nous expliquiez un petit peu peut-être la jeunesse de ce projet et les témoignages auxquels vous avez eu accès qui sont extrêmement bouleversants.
- Speaker #1
Alors si vous voulez, le projet s'est fait en plusieurs temps, mais je me suis inscrit par curiosité en... J'ai été en train de me retrouver en juillet 2007 sur un site de rencontre. Je voulais voir ce que ça donnait, comment on en parlait beaucoup. J'y suis allé par curiosité. Je n'y suis pas resté longtemps. Mais j'ai quand même eu le temps de découvrir avec beaucoup de surprises qu'il y avait tous les pays. On pouvait contacter des hommes dans tous les pays du monde. Et comme je connais un peu les lois, comme je connais un peu la situation dans le monde, j'étais très surpris de voir qu'on pouvait contacter des homosexuels en Afghanistan, en Algérie, en Birmanie, etc. Donc j'ai eu envie de voir leur... pages, c'est-à-dire leurs profils, comment ils se présentaient pour voir à quoi ça ressemblait par rapport à chez nous. Et là, j'ai découvert avec encore beaucoup de surprises que jamais on ne voyait leur visage. C'est-à-dire qu'ils se présentent, mais ils sont toujours cachés. Les photos sont coupées et on ne voit jamais de visage. Elles sont gribouillées, elles sont dessinées. Ils trouvent plein d'astuces pour être là, mais ne pas être reconnaissables. J'ai gardé cette idée en tête comme ça en me disant, il faut faire quelque chose, il faut faire quelque chose parce que je trouvais que toutes ces pages comme ça de présentation, était comme une espèce de galerie de photos, mais terrible, assez dure, sur une réalité. Donc j'ai gardé cette idée en tête, et puis un an plus tard, c'était en novembre 2008, l'idée était claire dans ma tête, donc je savais que je voulais récupérer, demander à partir des sites internet de rencontres, je voulais demander à un garçon, un homme par pays, de m'envoyer une photo de lui, le visage caché, pour pas qu'il soit reconnaissable, ça c'était d'abord la première chose, c'était pour sa sécurité. qui se cache le visage, et puis pour montrer ce que l'on voit sur les sites internet, je souhaitais que chacun écrive un texte sur sa vie quotidienne, et qu'ils écrivent chacun dans la langue du pays, dans mon pays, ma sexualité est un crime. Ça me semblait très important aussi d'avoir cette phrase-là dans toutes les langues, puisque dans tous les pays concernés, on peut la dire. Voilà. Et donc en novembre 2008, je me suis réinscrit sur un site. Et puis avec la liste des pays qui condamnent l'homosexualité, pays par pays, j'ai contacté des hommes. Et puis pendant un an j'ai travaillé comme ça tous les jours. Et j'ai dû en contacter à peu près entre 650 et 700 pour au final récupérer 51 témoignages dans 51 pays. Et donc ils ont envoyé comme ça par internet, c'était ce que je voulais montrer aussi. C'est que aujourd'hui grâce à internet on peut être en contact avec le monde entier. Que pour eux c'est une vraie bouffée d'oxygène. une vraie liberté, parce qu'ils vivent quand même isolés tout le temps, ils, je dis ils parce que moi j'ai travaillé avec des hommes, comme je suis un homme je me suis inscrit sur un site internet pour hommes, puisque après les sites pour lesbiennes sont séparés donc ils vivent isolés, ils vivent dans le secret ils vivent dans le mensonge, c'est pour ça que j'ai appelé ce livre là les condamnés, ce projet là les condamnés parce qu'ils sont condamnés à mentir, ils sont condamnés à se fuir, à se taire, à fuir beaucoup sont très malheureux, ils sont condamnés à la prison, ils sont condamnés parfois à la mort. Voilà, donc c'est pour ça que je trouvais que les condamnés étaient ce qui exprimait le plus. Voilà, et donc petit à petit, j'ai reçu comme ça. Et j'avais un doute sur la faisabilité du projet. Je ne savais pas. Vous dites, je vais dans 80 pays et essayer de demander tout le temps de prendre une photo où on se cache le visage. Peut-être que ce sera la même photo. Peut-être que le texte sera le même. Et en fait, j'ai été très surpris de voir qu'ils ont tous... pris des photos différentes. Ils sont tous faits des autoportraits différents parce qu'ils ne pouvaient pas demander à quelqu'un extérieur de les prendre en photo. C'est aussi un élément qui rendait la tâche compliquée parce qu'ils me disaient, je ne peux pas demander à ce qu'on me prenne en photo le visage caché parce que ce n'est pas possible, sinon il faudrait que je dise pourquoi. Donc ils ont envoyé des autoportraits magnifiques. Ils ont tous écrit des textes différents où ils racontent leur vie chacun dans leur pays. Et je crois que ce qui m'a donné la force de le faire, c'est qu'au bout d'une semaine, le premier témoignage reçu, a été le témoignage d'un homme qui habite au Yémen, qui très vite m'a dit oui, c'était le premier que j'ai contacté au Yémen. Il m'a dit oui, je vais te le faire, il me l'a envoyé, il m'a envoyé une très très belle photo, un texte très émouvant. Et donc je me suis dit, si en une semaine, un homme qui habite au Yémen, alors qu'au Yémen c'est la peine de mort par lapidation, si en une semaine dans ce pays-là je reçois un témoignage, les autres devraient pouvoir suivre. voilà donc lui m'a donné la force comme ça de continuer pendant un an nuit et jour pour être en fonction des fuseaux horaires de chaque pays, parce que je voulais vraiment que les hommes qui participaient à ce projet soient des hommes qui étaient connectés en même temps que moi sur les sites internet. Voilà, donc j'ai fait sur un site. Ensuite, comme dans une partie du monde en Asie et le pays arabe, je n'arrivais pas à en trouver parce qu'ils étaient très peu inscrits. Un jour, un de mes contacts m'a dit, mais il y a un deuxième site où là on est tous. Donc je suis allé sur un deuxième site où effectivement pour l'Asie et les pays arabes, ils étaient tous. Et ensuite, comme pour les Caraïbes, Je n'arrivais pas à en trouver non plus. Il y a un de mes contacts, j'ai beaucoup discuté avec eux, qui m'a dit qu'il y avait un troisième site où là on est tous. Je suis allé sur un troisième site et là il y avait tous les pays des Caraïbes. Ça s'est fait comme ça, petit à petit.
- Speaker #2
Merci. Je voudrais justement souligner, comme vous l'avez dit, que c'est une exposition, mais c'est d'abord un livre, édité aux éditions HNO, je crois, avec ce titre, Les Condamnés. Un livre qui réunit toutes les photographies avec, en effet, des allusions aux peines. à la menace véritablement de l'État, mais aussi à tout cet environnement, l'environnement familial, la peur des voisins, la haine que l'on peut ressentir dans la rue, quand on marche, quand on se promène, qu'on doit être invisible, quand on est avec son ami mais qu'on ne peut pas lui tenir la main. Donc tout un ensemble finalement de peurs qui habitent ces hommes. Et je voudrais préciser à ce sujet, vous l'avez dit, vous n'avez contacté que des hommes, mais dans beaucoup de ces pays, les lesbiennes sont également poursuivies. punis par la loi, et pour ce qui est des personnes transidentitaires, transgenres, transsexuelles, les menaces sont permanentes, menaces de genre, menaces de l'État, mais menaces évidemment de leur environnement.
- Speaker #1
Ce que je voulais préciser, c'est que dans le projet, je souhaitais qu'il y ait la loi de chaque pays, parce qu'il me semblait essentiel que l'on la lise, qu'on découvre cette loi, parce que les formulations des lois sont quand même terribles. La plupart du temps, il est écrit, tout homme qui aura un rapport... contre nature, ou tout homme qui aura un rapport avec un homme, une femme ou un animal, l'homosexualité est associée à la bestialité. Donc voilà, je souhaitais que les lois soient aussi dans ce travail-là, pour qu'on découvre comment elles sont écrites. Et l'autre chose que je voulais préciser, c'est que dans le livre, il y a 51 pays, alors qu'à la mairie de Blois, actuellement à l'exposition, il y a 49 pays. Parce que depuis que ce projet a été terminé, L'Inde et les Fidji, alors l'Inde pour une partie du pays et les Fidji pour tout le pays, ont dépénalisé l'homosexualité. Voilà, donc ce sont plutôt deux bonnes nouvelles, sachant que mon objectif est qu'il n'y en ait plus et que ce travail soit obsolète. Bientôt.
- Speaker #2
Merci Philippe Castedbon. Je pense que ce témoignage était indispensable pour comprendre quel est le combat aujourd'hui. Et donc je me tourne vers Louis-Georges Tain. Vous avez notamment parmi vos nombreuses publications édité, dirigé le dictionnaire de l'homophobie au PUF en 2003. Je l'ai dit, vous êtes président du comité IDEO. Vous avez lancé la journée mondiale contre l'homophobie. Mais le comité IDEO en 2006, si je ne me trompe pas, a lancé une pétition. Pour la dépénalisation universelle de l'homosexualité, pétition qui a été signée par Robert Badinter, qui a été signée par de nombreux prix Nobel, je crois, Desmond Tutu par exemple. Alors j'aimerais que vous expliquiez un petit peu quel est ce projet, vos objectifs, peut-être rappeler aussi le rôle que la France peut jouer. En décembre 2008, la France qui était à ce moment-là à la tête, à la présidence de l'Union Européenne par la voix de Ramayad, a présenté à l'Assemblée Générale des Nations Unies une déclaration demandant justement la dépénalisation universelle de l'homosexualité. Dépénalisation, donc ce projet qui a été, je crois, signé, approuvé par 60 pays, mais d'autres pays, par contre, sont totalement opposés à ce projet. Donc, est-ce que vous pouvez nous expliquer le sens de ce combat et son objectif ?
- Speaker #3
Merci beaucoup. En effet, j'ai, depuis plusieurs années... était frappé par la violence, des exactions légales ou illégales contre les homosexuels. Et je trouve que le mérite justement de l'exposition de Philippe Castedbon est de mettre un visage sur des réalités souvent un peu abstraites ou totalement inconnues, a fortiori quand il s'agit des lesbiennes. Et j'ai pris vraiment ce combat à bras le corps en essayant d'organiser une pétition en 2006 qui a rassemblé beaucoup de signatures, vous l'avez dit, donc des personnalités politiques. du monde intellectuel, des artistes également, vraiment pour qu'il y ait une communauté civile de conscience, j'ai envie de dire, une conscience de cette violence. Ce qui n'était évidemment pas le cas auparavant. Quelques personnes partageaient cette connaissance, mais elles étaient peu nombreuses. Alors, cette pétition a eu un grand succès et il m'a semblé opportun, après cette première étape d'appel à la société civile, de faire appel ensuite aux Nations Unies. Alors... Alors pour arriver aux Nations Unies, vous ne pouvez pas arriver en votre nom, même si vous êtes une association, il faut un État. Et donc nous avons essayé d'identifier l'État qui pourrait porter ce texte à l'Assemblée Générale des Nations Unies. Alors nous avons fait plusieurs tentatives, au départ peu couronnées de succès. Nous avions pensé par exemple à l'Afrique du Sud, qui nous semblait un exemple éminent, pour diverses raisons géopolitiques. Parce que par exemple, dans beaucoup de débats internationaux, on dit que l'homosexualité, ça n'existe pas chez nous.
- Speaker #0
Chez vous ça existe, c'est toujours le vice des autres. Et s'il y en a en Europe, traitez cela dans l'Union Européenne. S'il y en a aux Etats-Unis, réglez ça chez vous, mais chez nous il n'y en a pas. C'est le discours que tenait par exemple M. Ahmadinejad à l'Université de Columbia. Il est vrai que quand on essaie de tuer tous les homosexuels, il risque de ne pas en avoir. Et ceux qui restent risquent de se cacher, confirmant ainsi l'intuition de départ. Toujours est-il que, du coup, pour visibiliser justement cette homosexualité bien présente, un pays du Sud, et pas n'importe lequel, L'Afrique du Sud était intéressant, d'autant que l'Afrique du Sud, à la suite de l'apartheid aboli, avait inclus dans sa constitution le principe de l'orientation sexuelle et il y a une protection constitutionnelle contre les discriminations homophobes en Afrique du Sud. Alors l'Afrique du Sud n'a pas accepté, parce que ce n'était plus l'Afrique du Sud de M. Mandela, ce n'était plus l'Afrique du Sud de C.T.T. Il y avait d'autres dirigeants qui avaient d'autres idées sur ces questions. Nous avons frappé à de nombreuses portes, et je ne vais pas vous raconter tous les échecs. Ça serait fatigant pour vous et humiliant pour moi. Je vais plutôt vous raconter les succès. Ça sera plein d'espoir pour tout le monde. Et effectivement, c'est auprès de la France que nous avons trouvé cette oreille attentive. Pas tout à fait au début, mais à la fin totalement. Nous reviendrons sur les détails une autre fois. Toujours est-il que la France, Ramayad notamment, qui était à l'époque secrétaire d'État aux droits de l'homme, et la France dans son ensemble, ont accepté de... porter ce texte à l'Assemblée générale des Nations Unies, ce qui fut chose faite le 18 décembre 2008, comme vous l'avez rappelé. Le fait est qu'on n'avait jamais parlé de ce sujet à l'Assemblée générale des Nations Unies. C'était donc une première absolument historique et il était intéressant de voir comment les choses se sont passées. Le processus a été difficile, il fallait rallier un certain nombre d'États, il ne fallait pas que ça apparaisse comme une démarche unilatérale. qui auraient été perçus comme impérialistes, voire néocolonialistes. Il y a donc eu la constitution de ce qu'on appelle un corps-groupe, c'est-à-dire une espèce de noyau d'État. Sur chaque continent, on a identifié un pays chargé de contacter ses collègues et ses voisins. La France et les Pays-Bas pour l'Europe, le Brésil et l'Argentine pour l'Amérique, le Gabon pour l'Afrique, le Japon pour l'Asie, etc. Et donc, il y a eu ce travail, si vous voulez, de persuasion, de conviction, de diplomatie, bien sûr. que nous avons relayé nous-mêmes avec les associations avec lesquelles nous travaillons. Donc il y a eu cette double diplomatie, une diplomatie formelle au niveau des ambassades et une diplomatie informelle au niveau des associations pour recueillir un maximum de signatures. 66 le 18 décembre, aujourd'hui 67 avec les États-Unis de Barack Obama qui ont signé le texte après le vote. Et il y a eu aussi, c'est intéressant, une contre-déclaration présentée à cette occasion. qui a recueilli 56 textes, effectivement, et qui a été porté par l'Égypte et la Syrie, qui étaient à l'origine. Ce qui est intéressant dans ce processus, d'ailleurs, c'est de voir, bien sûr, on n'en est pas surpris, le rôle qui a joué l'organisation de la conférence islamique, mais aussi, plus discrètement et plus subtilement, le rôle du Vatican. Le Vatican, nous le savons, a beaucoup contribué à la rédaction du texte, mais plus habile que d'autres, à juger opportun. de ne pas en assumer une éventuelle paternité, et encore moins une co-signature. Donc, voilà, il y a eu, si vous voulez, deux diplomaties parallèles, peut-être même quatre, si on ajoute les associations de part et d'autre, et voilà ce qui a abouti à cette déclaration. Alors, cette déclaration est éminemment symbolique au sens fort du terme, c'est une première historique, mais aussi au sens faible, si j'ose dire, c'est-à-dire qu'elle n'est que symbolique. Voilà pourquoi nous appelons de nos voeux ... à une résolution. Une résolution dans le langage des Nations Unies, c'est un texte qui a une valeur, j'allais dire contraignante. Mon Dieu, non, les résolutions des Nations Unies ne sont pas toujours contraignantes, on le sait bien. Et ce n'est pas avec les armes que l'on peut imposer les droits humains. Cependant, nous savons qu'une résolution de ce genre pourrait avoir des effets significatifs sur certains pays. En Inde, où il y a déjà un processus local, elle pourrait être accélérée. Je pense au Liban ou à d'autres pays qui sont dans le concert des nations ou dans le concert des démocraties sur lesquels une résolution aurait une influence, je crois, assez directe à court ou moyen terme. Bien entendu, nous n'avons pas d'espoir particulier sur certains pays comme l'Iran. Je ne suis pas certain que cette résolution ait la moindre incidence positive en l'Iran. Mais si on arrive déjà à faire évoluer les choses en Inde, au Liban et dans quelques autres pays, il y aura des actions positives qui seront possibles et nous pourrons progresser. Alors voilà ce sur quoi nous travaillons et cette résolution, mon Dieu, il faut qu'elle soit portée par un État et nous avons des discussions avec la France pour voir si les choses peuvent avancer. Monsieur Badinter, vous aviez proposé cette idée que nous avons ici menée en parallèle, l'idée d'un moratoire. Alors qu'est-ce que c'est qu'un moratoire ? On connaît bien le moratoire sur la peine de mort. Eh bien, nous pensons qu'un moratoire sur la pénalisation de l'homosexualité est également pensable et même possible. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Ça veut dire concrètement que, dans un premier temps du moins, on ne demande pas aux États de changer leurs lois et encore moins leur théologie. On leur demande choses bien différentes, d'en suspendre l'application, de libérer les personnes. Et puisqu'ils disent souvent « mais vous comprenez, la société n'est pas prête, il nous faut du temps » , et bien justement, on leur dit cela, un moratoire est fait pour prendre le temps, prenez le temps de la discussion, mais que les personnes soient libres à tout le moins. Alors vous voyez, c'est un texte moins ambitieux qu'une dépénalisation absolue, mais le rapport de force en l'état actuel des choses n'est peut-être pas suffisant et il serait périlleux de mener une campagne si l'on pense être battu en race campagne. Voilà pourquoi le moratoire est proposé, voilà pourquoi il permettrait peut-être d'avancer. Les États sauveraient leur face, les personnes sauveraient leur vie, à tout le moins leur liberté, et l'on pourrait peut-être avancer de cette façon-là. En tout cas, c'est ce à quoi nous travaillons actuellement. Et je crois que cette stratégie a des chances raisonnables d'aboutir. Pourquoi ? Parce que par rapport à 2006, où là, en effet, je crois que ce n'était pas possible, il y a eu deux changements majeurs au niveau géopolitique et donc diplomatique. D'une part, l'arrivée de Barack Obama à la tête de la présidence aux États-Unis. Il a signé ce texte et Hillary Clinton a, elle aussi, mis sur son agenda cette question de la dépénalisation. Elle a fait plusieurs discours depuis deux ans en disant qu'elle s'engageait là-dessus. Il y a même une ligne budgétaire qui a été débloquée pour aider les associations dans plusieurs pays du monde qui luttent chez elles contre la pénalisation. Cependant, les États-Unis, qui ont une tradition un peu unilatérale, n'ont pas encore véritablement associé leur énergie diplomatique ... à la bataille des gens engagés, il faut donc faire la jonction, comme on dit en langage militaire. Et puis, l'autre élément important de la diplomatie, en 2010, aujourd'hui, c'est la situation du Vatican, qui aujourd'hui est en train d'évoluer sur ces questions l'air de rien. Nous avons eu un certain nombre de discussions avec des responsables plus ou moins importants, en essayant de leur représenter les choses d'une manière différente. Car enfin, le Vatican est très embêté sur la question de la pénalisation. Dire qu'il faut mettre les homosexuels en prison risque de satisfaire un certain nombre de chrétiens dans beaucoup de pays, mais d'en mécontenter d'autres dans beaucoup de pays. En d'autres termes, si je parle de point de vue géopolitique, les pays où le Vatican a le plus de bataillons seraient favorables à une surpénalisation, mais les pays où le Vatican a le plus d'argent seraient défavorables à cela. Il est toujours difficile de choisir entre l'argent et les hommes. Voilà pourquoi le Vatican... et invité à avoir une position plus modérée, qui consisterait à dire, bien sûr, non au mariage des couples de même sexe, mais non aux violences contre les personnes homosexuelles. Il pourrait trouver là une position d'équilibre relatif, une position modérée, qui pourrait être plus ou moins acceptable par l'ensemble des autorités chrétiennes, du nord comme du sud, de l'est comme de l'ouest. Et aujourd'hui, le Vatican commence, en effet, à avoir des positions de ce genre. En 2008, par exemple, en 2009 plutôt, Nous avions insisté pour que le Vatican soit invité à une conférence des associations aux Nations Unies. Et effectivement, l'un de ses porte-parole officiels avait argumenté en faveur de cette position. Donc nous avons simplement besoin que cette position, aujourd'hui officielle, quoique discrète, mais elle est officielle, puisse se traduire dans la diplomatie vaticane. En d'autres termes, si nous avons dans la bataille prochaine à la fois la diplomatie étatsunienne à nos côtés, et à la fois la diplomatie vaticane, non pas contre nous, mais neutre, voire vaguement à nos côtés, on est susceptible d'inverser, s'il le plaît, le rapport de force, de le faire progresser en tout cas, et espérer peut-être un vote favorable sur une résolution dans un avenir pas trop lointain.
- Speaker #1
Alors je crois qu'on le voit très bien, il y a des enjeux stratégiques extrêmement complexes à l'œuvre, avec ce rapport de force, avec aussi... C'est des préjugés dont on peut se servir, comme l'idée par exemple en effet que l'homosexualité, ça serait une importation occidentale. Il y a des enjeux religieux qui sont encore plus forts et encore plus complexes. Alors monsieur le ministre, est-ce que vous pouvez préciser justement votre engagement sur ces questions ?
- Speaker #2
Les choses sont d'une grande clarté. Très bien, rappelez ce qu'étaient les initiatives actuelles, moi je vais revenir. un instant à l'essentiel. Pourquoi est-ce que c'est absolument intolérable la pénalisation de l'homosexualité ? Il s'agit, je le rappelle, ici de rapports, vraiment consentis, c'est-à-dire de soi, entre deux adultes qui ne regardent qu'eux. C'est la libre disposition de son corps. Et la libre disposition de son corps, c'est un premier principe qui s'enracine dans l'idée même de liberté humaine et qui, je le rappelle, répond aussi à l'exigence du respect de la dignité humaine de l'autre. Vous n'avez pas à vous mêler de l'intimité de la vie privée des autres. Deuxièmement, c'est une discrimination insupportable. Comme toutes les discriminations, et dans ce domaine-là, elle ne peut pas être un instant admise. On ne peut pas admettre de discriminer au nom d'une orientation sexuelle qui est librement choisie. Alors, si vous vous en tenez, à ces deux considérations. 1. Le droit de chacun à disposer librement de son corps et s'il est homosexuel avec l'accord de son partenaire. 2. Le fait que ceux-ci ne regardent que le principe qui combat absolument la discrimination en raison des mœurs se trouve ici pleinement méconnu par les lois sur la pénalisation. L'action doit être menée avec la dernière. vigueur, la dernière vigueur. Alors c'est vrai, à quoi vous heurtez-vous ? Les préjugés millénaires, et aussi, vous avez raison de le rappeler, à des principes qui sont inscrits dans le dogme de certaines religions. Vous avez évoqué le Vatican. Le Vatican, je conçois moi son embarras diplomatique. Ce n'est pas, venez-moi le dire, tellement lié à l'exigence de ne pas déplaire ici. à une église riche et là à une église pauvre non c'est pas ça c'est que dans le dogme il faut tout de même s'en souvenir la notion par exemple d'orientation sexuelle ou transsexuelle ça n'est pas admis et la difficulté que j'ai souvent entendue de la part de l'audititaire de l'église convaincue que la dépénalisation était nécessaire c'est que il n'était pas possible au nom de la dépénalisation, de reconnaître des concepts comme ceux que l'on a évoqués sur les transsexuels. Ce n'est pas dans le dogme. Ça leur pose un problème majeur et je conçois que tout à la fois ils disent, ah non, nous ne pouvons pas reconnaître ces catégories, mais en même temps, nous ne voulons pas admettre et nous combattons la discrimination et la pénalisation. Moi, je m'en tiens à ce deuxième aspect. des choses. Je le dis avec la dernière force et je le dirai toujours. C'est à proprement parler une infamie que de condamner à mort et d'exécuter des adultes parce qu'ils ont eu des rapports homosexuels librement consentis. C'est une infamie d'inscrire dans des législations encore aujourd'hui que l'homosexualité en tant que telle. entre adultes consentants sera punie de peine, vous l'avez rappelé, cela vaut pour 30 états supérieurs à 10 années d'emprisonnement. C'est une infamie que d'arrêter les gens au nom de leur comportement sexuel, librement consenti encore une fois, et d'user à leur égard de quoi ? Du flagellation avec quoi ? Ce n'est pas le Martinet, vous savez, c'est l'héritage des armées britanniques, l'usage des troupes coloniales, c'est le fouet. Et ce fouet, s'il est manié avec la dernière rigueur, au bout de 15 coups, si on roule trois fois autour de la colonne vertébrale, on le retire brutalement, on m'a expliqué ça au Pakistan, celui qui est fouetté ne marchera plus jamais. C'est fini. Au bout des 30 coups, il n'y a plus de colonne vertébrale qui puisse supporter le corps humain. Donc, c'est un supplice. Et cela se trouve inscrit et pratiqué aujourd'hui dans des législations nombreuses. Et je dois dire que je trouve qu'à cet égard, l'indignation n'est pas suffisante. Je trouve que, alors qu'on voit se lever très communément des mouvements justifiés à propos de telles formes de discrimination concernant le mariage ou l'adoption, je ressens profondément le fait que quand on apprend qu'on a arrêté et fouetté en Égypte pour raison d'homosexualité ou qu'on vient de condamner à mort en Arabie Saoudite un homme pour raison d'homosexualité, il n'y ait pas dans le monde une levée d'indignation comparable à celle à laquelle on a assisté à propos de cette femme condamnée à mort pour adultère et à la lapidation si cela est. C'est cette absence de résonance et de levée d'indignation qui, moi, me met hors de moi. Je trouve qu'on est passif dans ce domaine. Nous avons évoqué le moratoire à plusieurs reprises. C'est un pisalet, je le dis, bien que j'en sois partisan. Qu'est-ce que nous devons, au premier chef ? Éviter, évidemment, le supplice et la peine de mort. D'abord, arrêter ces supplices. Et puis, continuer l'action. Mais rien ne peut être... autre comme but que la dépénalisation absolue de l'homosexualité dans le monde. Je lutte toujours pour l'abolition universelle de la peine de mort, tout à fait parallèlement pour la dépénalisation universelle de l'homosexualité. Permettez-moi de dire que le mouvement de l'abolition universelle, fortement secondé, fortement appuyé par les opinions publiques, a emporté Des victoires que je n'espérais pas en 1981, que je n'espérais pas aujourd'hui, alors que nous étions le 35e État à abolir la peine de mort dans le monde, ce n'est pas une performance au regard de l'Union Européenne, entre nous, mais enfin, nous étions le 35e État, aujourd'hui c'est 138 États aux Nations Unies qui ont aboli la peine de mort, ou renoncé à l'utiliser absolument. L'abolition est devenue largement majoritaire, et le mouvement continue. Ce matin même, rendez-moi cette confidence, j'ai reçu du président de Mongolie une demande pour me rendre en Mongolie parce que lui veut abolir et que le Parlement est réticent. Et je vais y courir, bien que ce soit loin et froid, mais on doit faire ce qu'il faut, même en hiver en Mongolie. Bon, disons-le, j'aimerais que les militants, tous ceux qui œuvrent pour le respect de la dignité... et de la liberté des homosexuels s'émeuvent plus quand on apprend qu'on condamne à mort pour homosexualité ou en Arabie. Il est temps tout de même que l'on fasse entendre la voie d'indignation que ceux-ci appellent. Une flagellation est insupportable. 30 ans de prison et quel prison et quel traitement en prison est insupportable. Alors, pourquoi ? Alors qu'en tant d'autres occasions, je vois des mobilisations, et notamment au sein de la communauté homosexuelle, ici, une sorte, je n'ose pas dire d'indifférence, mais de discrétion malvenue. Alors, sur le plan maintenant, au-delà de ce qui doit être fait, et que je ne cesserai jamais d'appeler néveu, c'est-à-dire la mobilisation des consciences, il y a des démarches précises. par je précise Alors, juridique, vous avez rappelé justement la déclaration, nous avons obtenu en effet 66 plus 1 égale 67, le 1 étant Barack Obama arrivant enfin. Très bien, de l'autre côté, vous avez 57 dans la contre-déclaration. Évidemment qu'on n'avait pas aux Nations Unies à s'intéresser à des problèmes de cet ordre qui ne figurent nulle part dans les documents. Mais il faut continuer. Et alors, en ce qui concerne les pays... de l'Union européenne, les États de l'Union européenne. Et en ce qui concerne la France, il y a à obtenir absolument la reconnaissance pour les homosexuels persécutés à raison de leur homosexualité dans leur pays et qui encourt ces traitements barbares et dégradants, la reconnaissance de la qualité de réfugiés politiques, la reconnaissance du droit d'asile. Ils doivent... pouvoir l'obtenir. Le Conseil d'État s'est prononcé en cette faveur. Cela doit se trouver aujourd'hui dans une directive européenne. Il faut militer à cet effet. La reconnaissance pour celui qui subit discrimination et traitements indignes, quittant son pays, il doit trouver l'asile ailleurs. L'asile ailleurs est d'ailleurs le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme. l'avait marqué s'agissant de l'application des conventions de réfugiés, ceux qui sont persécutés en raison de leur appartenance à un groupe. Ici, le groupe, c'est l'appartenance à une communauté homosexuelle. Il faut dire ces choses et il faut les faire passer dans les législations. Et il faut aller de l'avant aux Nations Unies. La France, à cet égard, s'est fort bien comportée dans les dernières années. Et je rends témoignage à l'action de Mme Yann. Il faut continuer. Il faut mobiliser. Et surtout, nous le savons, ce qui compte, c'est ce qui parle à l'imagination et au cœur. Eh bien, quand nous apprenons qu'un jeune homme ou un adulte est ou sont condamnés à mort ou à la flagellation ou à une longue peine d'emprisonnement pour homosexualité, il faut, si je puis dire, descendre dans la rue et manifester. On peut aussi manifester pour cela. Ce n'est pas pour décourager les manifestations d'aujourd'hui ou d'hier. Je dis simplement, on peut aussi manifester pour cela. Et on peut aussi, comme cette action que vous conduisez et je vous rends témoignage, constamment susciter pétition, demande, démarche. Et il faut aussi, à l'intérieur des assemblées, constamment reprendre le flambeau, soit sous la forme de proposition de loi, soit sous la forme de question au ministre, soit sous la forme, puisque maintenant on le peut constitutionnellement, de résolution et je pense à un texte en ce sens. Mais l'essentiel, l'essentiel, c'est encore une fois de s'adresser Merci. aux consciences et au cœur, de ne pas laisser. Ce qui constitue, à premier moment à parler, pour moi, une infamie injustifiable. La discrimination qui ne cache rien d'autre que la haine à l'encontre des homosexuels persistait plus longtemps. C'est très bien qu'on soit passé de la pénalisation de l'homosexualité à la pénalisation de l'homophobie. Mais ça ne suffit. Tant que ce ne sera pas une abolition universelle de la pénalisation de l'homosexualité, il faut lutter, lutter, lutter.
- Speaker #1
Merci, monsieur le ministre. Alors malheureusement, nous avons très peu de temps. Il y aurait encore beaucoup de questions que nous aurions pu aborder. Je dois dire, pour ce qui est de la question des réfugiés, qui est en effet essentielle, que non seulement, évidemment, le comité Haïdo est... extrêmement concerné par ces questions, mais que dans l'exposition, vous montrez justement des cas de personnes qui ont dû quitter leur pays et qui ont trouvé refuge souvent dans différents pays de l'Union européenne. Comme il nous reste peut-être un peu plus de cinq minutes, je pense que peut-être quelqu'un, quelques personnes dans la salle voudraient poser des questions. Donc s'il y a des questions dans la salle, nous avons un tout petit peu de temps pour pouvoir y répondre.
- Speaker #0
Bonjour. Je voulais poser une question en rapport avec le Sénat américain qui récemment a refusé aux homosexuels le droit de participer à l'armée américaine. Je voudrais savoir quelle est la situation en France à ce propos ?
- Speaker #2
J'ai une grande simplicité. La question n'est pas posée. C'est le droit de chacun. Ici, il y a sa propre liberté qui joue. Il n'y a aucune disposition à ma connaissance. ou alors je l'interroge. chef d'état-major général des armées, il n'y a aucune disposition dans laquelle on vise spécifiquement les divers membres des différents corps d'armée au sein des forces armées concernant l'homosexualité. Le problème américain est typiquement américain.
- Speaker #0
Il y a eu par le passé cependant des règlements militaires spéciaux dans la Légion étrangère, par exemple, dans les classes préparatoires. où il était interdit de se trouver dans un autre lit que le sien. Et comme c'était des classes non mixtes, évidemment, on voit très bien ce que ça visait. Mais effectivement, ce sont des règlements qui n'ont jamais eu la même vigueur que celles qu'ils avaient aux Etats-Unis, d'autant qu'ils avaient été adoptés aux Etats-Unis, notamment et renforcés dans un contexte de guerre froide. Les homosexuels étaient considérés comme les maillons faibles de la chaîne de sécurité, comme les alliés potentiels de l'ennemi, et la chasse aux sorcières dont on a beaucoup parlé, qui a visé les communistes. a beaucoup visé, si non plus, des homosexuels en réalité, chassé, désarmé, et même après la loi du Don't Ask, Don't Tell, qui a été imposée par Bill Clinton, c'est-à-dire, on ne vous demande pas votre orientation sexuelle, mais vous n'avez pas le droit de la dire. Donc c'est une espèce de compromis qui semblait progressiste et qui, en réalité, entraînait peut-être encore plus d'expulsions par la suite. Donc c'est effectivement un enjeu important aux Etats-Unis. Vous voyez, même Lady Gaga s'est engagée en faveur de l'abrogation de la loi du Don't Ask, Don't Tell.
- Speaker #1
Tout à fait. Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Monsieur Badater, vous avez employé très nombreuses fois le mot discrimination. Aujourd'hui, en France,
- Speaker #2
nous savons que les couples homosexuels sont encore victimes de nombreuses discriminations,
- Speaker #0
telles que l'absence du droit au mariage ou celui de l'adoption. J'aurais souhaité savoir s'il y avait des avancées dans ce domaine et quelle était votre position sur le sujet.
- Speaker #2
Oui, j'ai dit le principe général de non-discrimination, c'est un principe absolu. La question dès lors se pose, si on parle droit, savoir si la non-discrimination vaut à l'égard d'un droit qui trouve son origine dans le rapport entre l'homme et la femme en vue de la procréation. Ceci, je vous le dis carrément, n'est pas ma position. Moi, je considère qu'avec l'évolution qui est intervenue et notamment les techniques actuelles de procréation artificielle ou les moyens actuels qui permettent d'échapper à ce qui était le principe fondamental et essentiel inscrit dans les lois, si les homosexuels souhaitent se marier, qu'ils se marient. Je souris un peu parce que nous savons tous que le mariage est une institution qui n'est pas florissante, telle qu'il est pratiquée aujourd'hui, puisqu'on connaît le nombre de divorces. Mais il semble qu'il y ait là un intérêt, un enthousiasme pour le mariage. Pourquoi pas ? Pourquoi pas ? Vous voyez, donc si la proposition de loi est évoquée devant le Parlement, moi, je le voterai. Il y a quand même toujours marqué, parce que rien n'est aussi intéressant que de voir l'évolution des institutions. Et ici, après tout, nous sommes aux journées de Blois. Je regarde la bataille du Pax. Le Pax a été une bataille qui m'a rappelé des temps heureux, en effet, les époques de 1981, quand on dépénalisait l'homosexualité, ce qui, je rappelle, est le thème d'aujourd'hui. Eh bien, le Pax, disons-le, il était fait pour éviter de trancher frontalement la question du droit au mariage des homosexuels. Qu'est-ce qui s'est passé ? Il s'est passé que ce qui avait été conçu, sans l'avouer, pour permettre aux couples homosexuels de connaître une légalisation de leurs rapports et une égalité dans le cadre d'avantages sociaux et fiscaux, est devenu aujourd'hui... un instrument essentiellement utilisé par les couples hétéros. Et qu'en quelques années, on a suivi cette évolution, il y a de moins en moins de couples homosexuels qui se faxent et de plus en plus de couples hétérosexuels qui se faxent. C'est très intéressant, ça veut dire qu'ici, la finalité d'une institution qu'on croyait en définitive l'entrée dans la société civile du couple homosexuel, est devenue la reconnaissance d'une situation plus facile au regard de la possibilité de se séparer, tout en ayant des avantages sociaux et fiscaux importants pour les hétérosexuels. Ainsi vont les évolutions. Je vous réponds clairement, je vous le voterai, en ce qui concerne l'adoption, le problème a été très très longuement débattu, il est toujours débattu, du côté de ceux qui disent « Ah, un couple dans lequel il y a deux êtres d'un même sexe, par rapport aux enfants, est-ce que ça ne créera pas ensuite un handicap ? Moi je pense que ce n'est pas ainsi que les choses doivent être posées. La vraie question, c'est l'abandon de la solitude et la misère des enfants, et que je considère les couples homosexuels aussi capables de donner l'amour nécessaire, les soins nécessaires, l'attention nécessaire à des enfants, qu'un couple hétéro, et par conséquent, c'est vraiment, si je puis dire, pastichant un auteur qui me sert. Ce qui compte, c'est l'amour en plus.
- Speaker #1
Merci, M. le ministre, pour cette mise au point nécessaire. Pour conclure, parce que malheureusement le temps s'est écoulé, je voudrais dire deux choses. D'abord, je trouve qu'il était essentiel de rappeler, en effet, que même si la situation de la France ou d'autres pays occidentaux semble très favorable comparée aux pays qu'on a évoqués, les discriminations demeurent. Nous n'avons pas eu le temps de parler, par exemple, de l'homophobie ordinaire. au quotidien, mais qui est toujours présente en France comme ailleurs. On a parlé récemment des États-Unis avec les suicides de jeunes homosexuels. C'est également le cas en France. On sait que les jeunes homosexuels ont, je crois, cinq fois plus de risques de se suicider que les jeunes hétérosexuels. Ça fait partie des choses qu'il faut rappeler. Les crimes de haine existent, le harcèlement existe en France comme ailleurs. La deuxième chose, et je pense que votre appel était très clair, passionné, ... et que c'est un appel, je pense à tous, peut-être à manifester, en tout cas à signer la pétition pour la dépénalisation universelle de l'homosexualité, à s'engager très clairement dans ce but. Je vous encourage à aller voir l'exposition de Philippe Castetbon, à lire le livre également Les Condamnés, qui évoque de manière véritablement poignante le sort de tous ces hommes, mais je pense aussi à toutes ces femmes, aux personnes transidentitaires qui ne sont pas forcément représentés là. mais qui souffrent quotidiennement, et même dans des pays où l'homosexualité est dépénalisée, je pense au Brésil, où on va trouver des escadrons de la mort qui pourchassent les trans. Donc il y a énormément de cas dont on aurait pu parler et dont nous n'avons malheureusement pas le temps de parler ici. Je remercie très vivement et très chaleureusement M. Robert Badinter, Louis-Georges Eutin et Philippe Castelbon. Merci à vous tous.