Speaker #0Les aventures de Moustache Malauré, une histoire originale, écrite et mise en voix par Mademoiselle M. Tome 1. L'esprit de famille. Pour profiter au mieux de ce podcast, je te donne quelques conseils. Une bonne écoute implique... bien plus qu'entendre simplement les mots qui vont suivre. Il s'agit de comprendre une histoire, de ressentir des émotions. Pour cela, tu dois être bien détendu. Écoute ta respiration, essaye de la faire légèrement ralentie. Visualise les mouvements de ta cage thoracique dans ton esprit. Ensuite, laisse-toi tout doucement glisser dans cet univers imaginaire créé pour toi. Je te souhaite à présent une très belle écoute en compagnie de Moustache, de Mike et de Jojoko. Chapitre 6 Jojoko « Qu'est-ce qu'il avait de bizarre ? » m'étonnais-je, curieux. « Il était louche, c'est tout. » Je dressais le museau. « Louche ? » Venant d'un board, c'était plutôt drôle. Je me retins néanmoins de rire. Mike affichait un air sérieux et je ne voulais pas prendre le risque de le vexer. Le sujet avait l'air sensible. Je ne sais pas comment l'expliquer. Il avait un sourire à mille dents accroché au visage qui m'a semblé faux. D'instinct, j'ai su qu'il préparait un mauvais coup. Il marqua une pause. Plutôt que de partir, j'ai préféré me rapprocher et écouter ce qu'il disait. Mike se posta donc à la fenêtre et, discrètement, il les espionna. L'homme insistait, un peu trop lourdement à son goût, pour vendre à Jojoko une gamme de cosmétiques dont les vertus purifiantes étaient soi-disant spectaculaires. Mike se fit aussitôt la réflexion qu'il avait eu raison de se méfier. Cet homme en faisait un peu trop pour être sincère. Il en déduisit que ses intentions étaient sûrement loin d'être charitables. Mike observa la façon décontractée avec laquelle le représentant s'installer sur une des chaises de la cuisine comme s'il était chez lui c'est alors qu'il entendit ce dernier dérouler un à un la liste de ses arguments de vente marquant une pause de temps à autre pour siroter une gorge gorgée de café. La vieille dame lui avait poliment offert une tasse, et le vendeur faisait exprès de boire tout doucement, en prenant bien son temps. Je me doutais qu'il allait lui jouer un sale tour, j'ai le flair pour ces types-là. Très vite, Jojoku ne parvint plus à s'en dépêtrer. Le représentant, Koryas, avait réponse à tout. Il lui suggérait même de souscrire un abonnement mensuel, afin qu'elle soit directement livrée par le Seigneur. le service postal. « Grâce à cet avantage unique que nous n'offrons qu'à notre clientèle privilégiée, et vous avez de la chance, madame, d'en faire partie, vous n'aurez même plus à vous déplacer. N'est-ce pas une nouvelle formidable ? » « Mais enfin, je n'ai pas besoin de toutes ces crèmes ! » objectait-elle désespérée. « Vous êtes une femme coquette, cela se voit de suite. » La flatte a-t-il d'une voix mielleuse. « Croyez-moi, ces produits-là sont révolutionnaires. Vous sentirez immédiatement la différence sur votre peau et ce... Dès la première application, bien entendu, les produits dont ils vantaient les mérites n'étaient autres que des invendus de magasins discount. « Monsieur, regardez par exemple celle-ci. C'est un masque contre l'acné. À mon âge, je me demande bien ce que j'en ferais. » « Oh, généreuse comme vous êtes, vous n'aurez qu'à l'offrir à l'un de vos petits-enfants, » répondit le représentant imperturbable. Un voile gris. passa devant les yeux de la vieille dame. « Malheureusement, c'est impossible. Vous savez, je n'ai pas de famille. » Le représentant fit mine de compatir. « Ah, c'est triste en effet. » Avant de rebondir sur un ton presque guilleret. « Mais vous avez des amis qui n'en ont pas. Vous ne me ferez pas croire qu'il n'y a aucun adolescent boutonneux dans votre entourage. Alors donc, je suis sûre qu'en cherchant bien, vous trouverez un... » petit jeune qui se débat dans les affres de l'âge ingrat. Ce dernier ne pourra que se montrer reconnaissant, croyez-moi. Tout est de se trouver. Mike ne perdait rien de la scène grotesque qui se jouait sous ses yeux. Il regardait Jojoko farfouiller nerveusement dans le panier d'échantillons et commencer sérieusement à bouillir. Il sentit son ventre se tordre de pitié et de colère mêlée, tandis que la vieille dame ajustait d'une main tremblante les demi-lunes de sa paire de lunettes. Ses verres, en plus d'être rayés, ne semblaient plus du tout adaptés à sa vue, ce qui la rendait encore plus... plus vulnérable à ses yeux. « D'accord pour celle-ci, » continua-t-elle, peu convaincue. « Mais que ferais-je d'un autopronçant ? » balbutia-t-elle, en déchiffrant maladroitement l'inscription collée sur le tube. Selon toute vraisemblance, ce devait être la première fois qu'elle prononçait ce mot. « Ne vous y trompez pas, cette crème est le produit phare de la gamme. Elle vous donnera un teint allé, » dit-il. étouffant un petit rire, à faire palir d'envie vos amis du club de bridge. Jojoko semblait moyennement goûter la plénanterie. Les sourcils de la vieille dame, lassée, s'affaissèrent juste après. « Vous passerez pour une des retraitées les plus chanceuses du quartier, celle qui peut s'offrir des vacances toute l'année ! » Visiblement, l'homme semblait très satisfait de sa nouvelle parade. De son côté, Mike vit à nouveau Jojoko souffler. Une terrible colère monta en lui. Elle tambourinait dans ses veines si violemment qu'il s'étonna même d'avoir réussi à la contenir jusque-là. En effet, Jojoko n'était inscrite à aucun club, ne partait jamais en vacances et n'avait aucun véritable ami. Mike le savait. Elle entretenait des relations courtoises avec les voisins du quartier, mais de là à ce qu'elle les considère comme des amis, À cet instant précis, Mike vit subitement Jojoko flancher. Un instant après, la vieille dame n'eut plus le moindre courage de tenir tête au représentant. Elle n'espérait qu'une chose, qu'il s'en aille, et de préférence, le plus vite possible. Ses signes de reddition n'échappèrent pas à son interlocuteur. À sa mine réjouie, Mike supposa qu'il se félicitait d'avoir déniché une proie aussi facile pour refourguer ses abonnements. Cette nouvelle souscription lui générerait une grasse commission et, qui sait, peut-être même qu'il décrocherait la prime du meilleur vendeur à domicile du mois. Il voyait déjà son portrait s'afficher en grand sur le site web de l'entreprise. Mike, l'œil révulsé, écouta Jojoko protester une dernière fois d'une voix désespérée. « Mais elle coûte un prix faramineux ! Je n'ai pas les moyens, je suis vraiment désolée ! » « Je vous comprends, madame, mais heureusement, j'ai LA solution ! » s'écria-t-il d'un ton victorieux. Mike sentait l'estocade finale se préparer. « Nous offrons des facilités de paiement, madame, en trois, cinq ou dix fois. Et ceci, évidemment, sans aucun frais additionnel. » Les yeux du représentant brillaient d'un éclat presque diabolique. « Oh, mais ne me remerciez pas, c'est tout naturel. Vous voyez, nous savons ménager nos clients, » déclara-t-il, « au moment même. » où un bulletin d'adhésion et un stylo tout neuf se matérialisaient sur la table comme par magie. « Tenez ! » dit-il en les lui tendant. « Vous n'avez plus qu'à signer dans le cadre en bas et après, promis, je vous laisse tranquille. » Pour Mike, c'en était trop. Il bondit dans la cuisine et se mit à grogner, felant méchamment en direction du vendeur, le menaçant de son œil borgne, le poil hérissé de colère. Sa queue, quant à elle, avait quasiment triplé de volume. L'autre, surpris, eut aussitôt du mal à dégustir et pour cause, le représentant étrangla un cri de peur à la vue de l'animal en furie. « Il est à vous ce chat ! » articula l'escroc en opérant un rapide mouvement de recul. « Et qu'est-ce qui lui prend ? » « Euh, eh bien... » balbutia Jojoko qui ne savait quoi répondre. Ce dernier, le valendex en direction de Mike, le replia en presque aussitôt, de peur qu'il ne le lui morde. « Regardez, il bave ! » dit-il, les yeux grands ouverts. Une soudaine panique s'empara du représentant. « Il ne faudrait pas qu'il ait la rage ! » mike continuait de fixer le représentant avec un regard menaçant plus noir que ne l'était sa fourrure électrique son oeil encore valide jetait des éclairs en direction de l'homme ce dernier ne parvenait plus à dissimuler la peur panique qu'il éprouvait Son visage, saisi des froids, était plus pâle que la mort. « Bon, déclara-t-il soudain, reculant encore à la hâte, je crois qu'il serait plus raisonnable que je vous laisse réfléchir. Ce n'était plus qu'une question de temps. D'un instant à l'autre, Mike lui sauterait à la gorge. Il n'avait plus le moindre doute à ce sujet. L'homme fit glisser le document sur la table avant de reculer à nouveau prudemment, empoignant son attaché case avant de tourner les talons vers la sortie. L'instant d'après, il est allé sans demander son reste, laissant la porte claquer bruyamment derrière lui. « Eh bien, on dirait que je te dois une fière chandelle ! » lança Jojoko en direction de Mike, tout en regardant par la fenêtre l'escroc s'engouffrer dans sa voiture, avec une précipitation qu'elle ne lui aurait jamais soupçonnée. Pour toute réponse, Mike s'approcha. Pour toute réponse, Mike s'approcha. et se frotta à ses bas de contention en ronronnant de satisfaction. « Mais je te reconnais, c'est toi que j'ai trouvé à la déchetterie, n'est-ce pas ? » Il confirma d'un miaulement bref. Elle sourit. « Ça te dirait de boire un peu de lait ? » lui demanda-t-elle de sa voix douce. Subitement, elle tourna la tête et se mit à taper nerveusement dans ses mains. S'exclama-t-elle agacée. Mike marqua un temps d'arrêt, perplexe, se demandant ce qui lui prenait tout à coup. « Zut, mais taisez-vous ! Ces orchidées, alors, mais qu'est-ce qu'elles chantent ? Faut que tu ne trouves pas ! » Mike dévisage à Jojoko quelques instants, avant de se rappeler qu'il l'avait déjà vu agir ainsi. Jojoko fit un effort pour se concentrer, avant de reprendre là où elle en était, l'air de rien. « Ne bouge pas ! » Il doit bien me rester quelque chose au frigo. À partir de ce jour-là, Mike et Jojoko ne s'étaient plus quittés. Quand Mike eut fini de me raconter cette histoire, il adoptait une voix aux accents devenus très sages. « Tu vois, moustache, c'est ça la clé pour s'intégrer. » Je le regardais bêtement, ignorant où il voulait en venir. « Pourquoi crois-tu que je t'ai raconté cette histoire, boy scout ? » En expression, Fijé ne lui donna d'autre choix que de continuer. « En vérité, dans un foyer, il n'y a pas secret. Pour trouver sa place, il faut prendre soin les uns des autres. Pour que les malheureux prennent soin de moi, il fallait donc également que je prenne soin d'eux. Mais ce n'était pas marqué dans le contrat, ça. Ils t'ont adopté. Maintenant, tu dois veiller sur eux, aussi longtemps qu'ils veilleront sur toi. » En rentrant chez moi, j'observais trois jours de boudrille pour la forme avant de mettre ces conseils en pratique. Je me mis alors à passer la majeure partie de mon temps auprès des malheureux. Je les écoutais, les accompagnais partout où ils allaient. Je m'empressais de les cajoler quand ils rentraient de leur journée fatigués. Et c'est ainsi que, comme Mike me l'avait annoncé, je fus peu à peu considéré comme un membre de la famille à part entière. C'est également grâce à cela que très vite, je sus que Malick deviendrait mon meilleur ami.