Speaker #0Les aventures de Moustache Malauré, une histoire originale, écrite et mise en voix par Mademoiselle M. Tom 1. L'esprit de famille. Chapitre 5. Larix. Au souvenir de cet épisode, Mike Soupirail leva la tête. « Oh, c'était il y a longtemps ! » répondit-il avant de revenir s'installer sur un des fauteuils de la terrasse. « Je me doute ! » rétorquai-je du tac au tac. Il tourna soudainement son museau vers moi, comme si un thon l'avait piqué. « Pourquoi ? Tu insinues que je suis vieux ? » Son regard était aussi luisant que celui d'un rapace. « Euh, non, non, pas du tout ! » m'excusai-je immédiatement en rentrant instinctivement la tête dans les épaules, telle une tortue. se réfugiant dans sa carapace. Je m'empressais de me justifier, craignant de l'avoir offensé. « Tu as l'air d'avoir de l'expérience, c'est ce que je voulais dire. Ça se voit de suite. » Il me Ausha un instant en silence, ce dernier seulement troublé par le bruit d'une voiture qui passait au loin dans une des rues du quartier. Il prit le parti d'ignorer ma remarque. « La vie ne m'a pas fait de cadeau, » déclara-t-il alors, tandis que je reprenais ma respiration. Même si nous avions établi le contact, l'animal n'avait pas l'air commode. Je le soupçonnais de pouvoir t'égoupiller à tout instant. Mieux valait rester sur mes cartes. En ce temps-là, je vivais dans la rue. Je ne dormais que d'un oeil à cause de cette satanée fourrière. Une chance qu'il ait pu conserver ses habitudes, pensais-je en prenant soin de garder cette réflexion hautement pertinente sous silence. Les habitants du quartier sollicitaient les policiers jour et nuit. « Qu'est-ce qu'ils ont pu me courir après, ces branquignoles, avec leurs filles à la main ! » dit-il en se fendant d'un rire gras. Il marqua une pause et s'allongea sur la terrasse en bois, les pattes croisées. « À cette époque, » poursuivit-il, « j'allais tous les soirs à la déchetterie pour me ravitailler. Oh, je n'étais pas difficile, je me contentais de ce que je trouvais. En ce temps-là, un vieux morceau de poulet ou une arête de sardine faisaient très bien l'affaire. L'essentiel, c'était surtout d'avoir quelque chose à manger. » J'eus un violent haut-le-coeur et Ausha immédiatement ces images de mé-infecte de ma pensée. Je concentrais mon attention sur le souvenir délicieux de la pâté de bœuf que m'avait servi Annie le matin même. En fin de compte, je n'étais pas si mal lotie. L'endroit était très mal fréquenté. Je n'étais pas seule à me battre pour survivre. Je l'écoutais d'une oreille nettement plus compatissante à présent. Il affichait un air plus grave avant de continuer. « En ce temps-là, vois-tu ? » je n'étais qu'un vulgaire chat de gouttière. Je faisais peur à tout le monde avec ma dégaine. Les autres n'osaient pas se frotter à moi. Et en général, il me laissait tranquille. Soudain, il fit une étrange grimace. On aurait dit qu'il venait d'avaler du jus de citron, pur. Un soir, je fus prise à partie dans une violente bagarre. Son œil s'anima alors d'une lueur étrange. Manifestement, le souvenir de cet épisode lui était encore douloureux. J'ai foncé dans le tas. prêt à en découdre avec chacun des zonards qui tentaient de me faire un pot. Ah ça, ils ne m'ont pas raté. J'ai rendu coup pour coup, tu peux me croire, aussi longtemps que je pouvais. Il me regarda droit dans les yeux et je vis une flamme nouvelle s'y allumer soudain. Plus jeune, j'étais une vraie tête brûlée. L'instant d'après, un voile de tristesse retomba sur son museau, qui fit baisser son regard comme s'il se sentait soudain honteux. Ils étaient trop nombreux. Il observa un instant de silence. Ces crapules m'ont laissé à moitié inconsciente, là, au milieu de toute cette puanteur. Et je suis restée comme ça, toute la nuit. J'agonisais entre un étendoir à linge cassé et un aspirateur à demi-éventré. J'avais du sang partout sur le corps. Je repensais à mon cube de bois et, pour la seconde fois, je me fais la réflexion qu'en vérité, j'étais incroyablement chanceux. Mike eut ensuite une absence soudaine et je vis son regard se perdre dans le vague. J'étais impatiente de savoir comment il avait réussi à s'en sortir. Je jugeais néanmoins préférable de le laisser se recueillir un moment. Au bout d'un certain temps, je risquais timidement une relance. « Et que s'est-il passé ensuite ? » Cette question le fit aussitôt revenir à lui. Il m'adressa un grand sourire, puis déclara simplement « Jojo, comment sauver ? » C'était donc ainsi qu'ils s'étaient rencontrés, pensais-je. Elle passe souvent la déchetterie pour y récupérer des vieilleries. C'est là qu'elle m'a trouvée le lendemain matin. J'étais dans un état lamentable. Mes chances de survie étaient très faibles. Mais elle, elle ne s'est pas posé la moindre question. Elle m'a immédiatement conduit chez le vétérinaire de Belleville. Je serais mort ce jour-là, sans son intervention. Nous échangions jamais en regard. Tout à coup, Mike me parut plus fragile. Il se dégageait de lui une tristesse profonde, toute puissante et terriblement touchante. Mike avait une personnalité à part. Son caractère respirait la solitude et le renfermait, mais il témoignait aussi d'une farouche combativité. Sa détermination, forte, faisait vibrer quelque chose de très pur en lui. C'était sans doute cela, l'élégance de la fierté. Bon d'accord, cette élégance s'arrêtait là. Mais rares étaient ceux qui en avaient autant dans le ventre, songeais-je, tandis que je repensais à mes réactions premières de poule mouillée. Quelques minutes auparavant, J'avais été moi-même un parfait trouillard, inutile de le nier. Quand il reprit son récit, je rivais sur lui un regard neuf, empreinte d'admiration. J'avais une dette envers elle. Une fois remise sur pied, j'ai donc voulu aller la remercier. C'est la moindre des choses, non ? Je fis un mouvement de tête en signe d'approbation. Au moment où je suis arrivée, elle ouvrait la porte à un représentant. Au départ, je pensais qu'il valait mieux repasser. Mais quelque chose dans l'attitude du vendeur. a immédiatement retenu mon attention.