Speaker #0Je me souviens d'une anecdote racontée par un pédopsychiatre en rendez-vous. Et il expliquait à une maman venue le voir pourquoi son enfant se sentait mal. Et la maman lui a répondu « Mais pourquoi je n'y ai pas pensé ? » Et ce pédopsychiatre de répondre « Ben, peut-être parce que vous n'êtes pas pédopsychiatre. » Et j'adore cette histoire, tellement elle est symptomatique de la manière dont nous investissons actuellement notre rôle de mère, au point de vouloir le rendre omnipotent, à lire tout, sur tout, à se renseigner sur tout, à... revêtir toutes les casquettes, vouloir tout faire pour son enfant ? Est-ce que ce n'est pas un peu exagéré ? Est-ce qu'on n'essaye pas là de viser la lune en cumulant toutes les compétences, tous les savoirs, jusqu'à la folie et l'épuisement, en oubliant qu'être maman, ça devrait être beaucoup plus simple. Juste essentiel, mais simple. C'est ce que nous allons voir aujourd'hui. Nous allons voir comment nous sommes tombés dans l'hyperméternité.
Hello, je suis trop heureuse de vous retrouver dans cette série. où on prend du recul et on regarde ensemble les grands mouvements autour de nous qui conditionnent nos vies de femmes et de mamans. Et vous avez été nombreux à me faire des retours enthousiastes sur ce moment tellement précieux avec l'interview de ma grande tante Paulette, 94 ans, c'était l'épisode 25. Son témoignage accompagnait tellement bien cette série sur la place de la femme et du couple. Et si tu ne l'as pas écouté, n'oublie pas de le faire, c'est un vrai petit bonbon. Et donc aujourd'hui, on continue et nous allons parler de l'hypermaternité. D'ailleurs, je dis hypermaternité, mais je me rends compte que beaucoup de papas aussi, maintenant, tombent dans cette hypermaternité. Et j'ai conscience que mon enjeu aujourd'hui, il est grand, parce que nous sommes tellement dedans que mon exercice aujourd'hui va ressembler à faire découvrir à un poisson l'eau dans laquelle il baigne. Parce que c'est vrai que l'hypermaternité, on est vraiment tombé les deux pieds dedans sans même nous en rendre compte. Mais c'est quoi, tu vas me dire ? Eh bien, c'est cette tendance à surinvestir le rôle de mère, à y mettre bien sûr tout son amour, tout son énergie, et souvent en en oubliant le reste. Et je voudrais te montrer quelques comportements typiques, et peut-être que tu t'y reconnaîtras parce qu'en fait, ils sont partout. C'est par exemple contrôler tous les aspects de la vie de nos enfants, de la nutrition à chacune des activités extrascolaires. L'hypermère s'assure que tout est parfaitement... organisé et en accord surtout avec les dernières tendances éducatives entendues, comme chercher toutes les activités Montessori pour son enfant qui les regardera à peu près de minutes trente. C'est gérer toute une logistique familiale comme une petite entreprise entre tous les rendez-vous, les réunions scolaires, les activités, la charge mentale qui devient écrasante, cette impossibilité à se détendre. Un exemple pour ça, ce serait la prise de tête au moment de préparer les valises pour partir en vacances pour absolument ne rien oublier. Mais c'est aussi se culpabiliser pour tout. Chaque petite imperfection ou décision qui n'est pas optimale devient une source de culpabilité. Il faut que les repas soient faits maison, avec des fruits et des légumes frais. Il ne faut rien manquer des événements scolaires où tout ça s'est perçu comme un échec. Bref, tout est important. Je me souviens un jour du drame que j'avais ressenti parce que je devais partir au travail. J'étais assez pressée et j'avais oublié de donner le costume pour le carnaval du jour à mon fils en maternelle. Et je me souviens d'avoir speedé, de m'être mis en stress pour aller chercher un costume, pour absolument sonner à la porte de l'école maternelle pour qu'il ait bien son costume. Je pense qu'il leur en aurait prêté un, mais dans ma perception à ce moment-là, c'était impossible d'aller travailler avec le poids de cette culpabilité de mon fils potentiellement sans son costume pour le carnaval. L'hypermaternité, c'est aussi être dans cette quête de perfection, d'idéal impossible. à suivre, se sentir obligé de tout faire parfaitement. Et pourtant, ce n'est pas un examen. Il n'y a pas de concours à réussir derrière ce travail acharné à s'occuper de nos enfants. Et puis enfin, l'hypermaternité, c'est aussi, et peut-être surtout, j'en sais rien, sacrifier ses propres besoins. Combien de mères passent en dernier, reportent leurs propres soins, leurs loisirs, leurs aspirations, après, après, après tout, pour s'assurer que les enfants ont tout. ce dont ils ont besoin. Passer son temps câblé sur les autres comme quand on va se loguer sur les caméras de la crèche quand on a une pause au travail plutôt que de prendre un café et se détendre. L'hyperméternité, c'est ce phénomène où le rôle de la mère devient central, voire exclusif dans la vie d'une femme, au point d'étouffer ses autres rôles. Et ça se traduit par un surinvestissement dans chaque aspect de la vie de l'enfant, de la santé à l'éducation, et souvent au détriment de l'équilibre de vie de la mère, mais aussi de l'équilibre de vie de l'enfant. C'est au final une forme d'exigence extrême, pour donner le meilleur à son enfant bien sûr, mais aussi pour continuer. de le protéger au-delà de la grossesse, en devenant, j'aime bien cette image, parce que je trouve qu'elle parle vachement, une maman utérus, prolonger cette utérus dans le monde extérieur. Alors bien sûr, il est important de se rappeler que cette attitude, elle vient souvent d'un désir sincère de bien faire, d'une volonté de donner le meilleur à ses enfants, et c'est effectivement très louable. Mais il est aussi très important de voir que ce phénomène, il est alimenté par une pression sociale et culturelle qui valorise excessivement la figure maternelle, créant cet idéal, créant ce perfectionnisme et créant ce Graal impossible à atteindre qui nous fatigue toutes et nous rende folle. Alors finalement, pourquoi sommes-nous tombés dans l'hypermaternité ? J'y vois là plusieurs phénomènes. Le premier, c'est peut-être le rôle de la mère qui est vraiment hyper valorisée dans la société. Depuis des siècles, la mère est vue comme... Une figure d'amour inconditionnel, de générosité et même de sacrifice. Cette image de la mère parfaite, elle est vraiment glorifiée dans notre culture populaire. Et cette vision, elle a traversé les époques. C'est un peu la maman confiture qui cuisine à la maison, le modèle de la femme au foyer bienveillante, dévouée pour les enfants. Cet archétype, il a dominé le discours public et enfermé probablement les femmes dans une vision parfois étouffante. de ce que signifie être une bonne mère. Et je pense d'ailleurs que l'existence de cet archétype aussi fort nous empêche parfois de trouver un équilibre de vie aussi entre nos investissements familiaux et nos vies professionnelles ou nos ambitions personnelles. Je me souviens un jour, on m'a donné une carte postale et dessus il y avait un proverbe d'Ilish qui disait « Dieu ne pouvait pas être partout, alors il a inventé la mère » . Et c'est vrai, quand on lit cette carte, on trouve ça beau, on trouve ça doux, on trouve ça hyper valorisant pour le rôle de maman. Mais waouh, qu'est-ce que c'est lourd aussi, remplacer Dieu quand il ne peut pas être là. Et je crois qu'il y a de ça dans ce qu'on porte tous les jours. Je vais juste prendre un exemple dans les cas dramatiques où on entend qu'un père a quitté le foyer et il a laissé ses enfants et qu'il ne les voit plus. Certes, c'est mal vu, mais bon, voilà, c'est comme ça. Alors que si on imagine une mère faire ça, là ça devient complètement incompréhensible, inimaginable. Le même comportement, pourtant on n'imagine pas une mère pouvoir abandonner ses enfants comme ça. Ce petit exemple pour montrer à quel point le rôle maternel est perçu comme essentiel, absolument incontournable. Donc c'est doux et magnifique, mais c'est aussi un piège. La deuxième raison que je vois, c'est que l'enfant, il est devenu hyper précieux. Aujourd'hui, avoir un enfant, c'est un choix. Et d'ailleurs, on en a beaucoup moins qu'avant. On est, je crois, en moyenne 1,8 enfants par femme. Et souvent, les enfants, ils sont seuls. parfois deux, mais guère plus. Et comme ils sont rares, ces enfants, comme en plus on les a de plus en plus tard, comme en plus on les a, pour un grand nombre d'entre nous, après un parcours de PMA long et difficile, eh bien, quand ils sont là, on les a tellement attendus qu'on va avoir envie de les chérir, de les surprotéger. On a eu du temps et du temps et des années pour idéaliser ce rôle de mère, pour idéaliser celle qu'on sera pour lui. On projette, on attend. le rôle de notre vie qui arrive un jour. 93% des parents disent qu'il n'y a pas plus grande réussite dans leur vie que d'être un bon parent. C'est dire à quel point dans notre société, ce rôle de parent, il est hyper valorisé. La troisième raison que je vois, c'est une forme de déséquilibre qui a été créée par cette crise du couple. J'en ai parlé dans l'épisode 24, si tu ne l'as pas écouté, je t'invite à le faire. Il est aussi éclairant, j'ai vraiment voulu prendre du recul sur tous ces phénomènes sociologiques et expliquer l'impact de la crise du couple dans nos vies et dans nos vies de femmes et de mères. Et donc, pour cette crise du couple, l'impact sur notre relation à l'enfant, il est évident. C'est-à-dire que l'enfant et l'amour filial est devenu comme une forme de refuge affectif. Comme si l'amour inconditionnel qu'on ne pouvait plus attendre du couple, puisque un couple sur deux aujourd'hui se sépare, on avait surinvesti cet amour filial. Ce qui est assez délirant, parce qu'on sait très bien que notre enfant et cet amour parental ils visent à ce que l'enfant se détache de nous et s'en aille. Quelquefois, bien sûr, il faut l'espérer, on reste unis et le lien est fort et on reste attachés, mais ce n'est pas obligatoire, parce qu'on vise l'autonomie de nos enfants. C'est ça, le but de toute éducation. On aime, on donne pour que l'enfant s'en aille, se détache de nous. Et dans cet amour maternel exagéré, on pourrait confondre cet amour avec un besoin de réconfort personnel. Et puis enfin, il y a l'impact et l'influence de l'éducation positive et bienveillante et l'accroissement de toutes les connaissances scientifiques. Il n'y a pas un jour où on n'a pas un poste, une publication. qui va nous rappeler ce qui a été découvert. Et donc le truc, la chose très importante si on ne veut pas gâcher ses enfants. Et même si, bien évidemment, tout ça ce sont des sources de progrès importants pour l'enfant, pour le respect de ce qu'il est, pour l'accompagnement de ses besoins, ça représente aussi une forme de pression énorme. À force d'avoir tous les jours des injonctions, d'entendre qu'il y a des erreurs à ne pas faire, des bonnes pratiques à appliquer, et on a tous envie de bien faire. Et en même temps... Ce n'est pas la seule chose que l'on fait de nos vies. Souvent, on travaille, on évolue nous aussi. Il y a d'autres choses qui se passent dans nos vies. Ce rappel constant, en fait, à transformer la parentalité en une sorte de métier finit par conditionner les mères à se sentir responsables de chaque aspect de l'évolution émotionnelle, cognitive de l'enfant. Mais le problème, c'est quoi ? Le problème, c'est que tout ça, ça a un coût. Et que l'hypermaternité, elle n'est vraiment pas gratuite. Et il faut l'observer. Première chose, bien évidemment, c'est l'épuisement physique et psychologique. 8 femmes sur 10 sont sujettes à ce qu'on appelle la charge mentale souffrante. 26% des parents sont en réelle souffrance en ou en risque de burn-out. Bref, à force de surinvestir la parentalité, on finit par s'oublier, oublier de prendre soin de notre bien-être émotionnel, physique, mental. On finit par s'épuiser à force de cette pression constante que l'on se met. Le deuxième problème, c'est la perte d'identité personnelle parce qu'en surinvestissant ce rôle de mère, on finit par perdre de vue tout ce que l'on est en dehors de la maternité. D'ailleurs, peut-être que vous pouvez demander à vos collègues et qu'ils vous diront que vous ne parlez que de votre enfant et que c'est un petit peu lourd. Et dans ce tourbillon, on peut être prise et oublier des aspirations professionnelles, des passions personnelles, on peut oublier le couple. Bref, l'hypermaternité peut éclipser. tous les autres facettes de notre vie. Et quand il s'agira à un moment de retrouver l'équilibre, ce ne sera pas facile de repartir d'un terrain qui n'a pas été cultivé du tout. La troisième conséquence, c'est l'isolement social. Parce que souvent, on surinvestit tellement de temps et d'énergie avec nos enfants qu'on finit par se déconnecter des autres. Et tout ça, bien évidemment, ça accentue ce sentiment de solitude et de sentiment d'épuisement émotionnel. Et puis la quatrième conséquence qui est très néfaste, c'est... de ne pas respecter la vraie nature de l'enfant. L'enfant, il n'est pas là pour qu'on le couvre. L'enfant, il est là pour qu'on puisse lui donner les éléments pour s'émanciper. On a tous vu au parc ce petit garçon ou cette petite fille qui essaye de faire du toboggan, mais il a sa cagoule, ses gants, son manteau, sa mère qui l'empêche d'enlever tout ça alors qu'il a chaud quand d'autres enfants courent librement. Notre rôle en tant que parents, c'est d'observer l'évolution de son enfant et de s'y adapter. pas de faire en sorte que notre enfant se confond pour que nous, on se sente rassuré et en sécurité. Voilà comment je voulais te montrer que nous sommes tombés dans l'ère de l'hypermaternité et que cette pression que nous ressentons, ce n'est pas le fruit de notre imagination. Elle est hyper contextuelle. Moi, je me souviens quand Isée était toute petite, du pédiatre qui m'avait donné une fiche pour ses premiers petits pots, la diversification alimentaire, et la quantité de viande était notée au gramme près. Et pendant un temps dingue, j'ai tout pesé au gramme près. Et je crois fondamentalement qu'il faut se battre contre cette tendance, qu'il faut prendre du recul pour retrouver un peu de liberté et de sérénité. Il faut accepter de ne pas être des mères parfaites, renoncer à être une maman utérus, rentrer dans la confiance, l'acceptation de nos limites et l'envie de laisser la vie et les autres, et parmi les autres, il y a surtout nos enfants, nous surprendre. Voilà, dans le prochain épisode, nous parlerons des défis encore plus larges de la parentalité moderne. Comment se fait-il qu'être parent aujourd'hui, ce soit si difficile ? Pourquoi la pression est si intense et comment nous pouvons nous en libérer ? J'espère que cet épisode t'a plu. Si c'est le cas, n'oublie pas de me mettre une petite note. J'aime bien les 5 étoiles, personnellement. Un commentaire, j'adore lire un commentaire de ta part. Partage avec tes collègues, avec tes amis. Parle de mon travail, s'il te plaît. Et si ce n'est pas encore fait, n'oublie pas de t'abonner. Je te souhaite une excellente semaine et je te dis à la semaine prochaine. Ciao.