- Speaker #0
Dans cet épisode, avec Blandine Dussauge, psychologue spécialiste en thérapie cognitive, on parle de peur, de péperonie et d'adrénaline. Vous avez une question ? On a la réponse ! Vous écoutez Conseil Sport, le podcast bien-être, santé, nutrition de Décathlon.
- Speaker #1
Bonjour Blandine.
- Speaker #2
Bonjour Céciliane.
- Speaker #1
Comment vas-tu ?
- Speaker #2
Eh bien je vais très bien aujourd'hui, merci. Malgré ce ciel gris, je me sens bien.
- Speaker #1
Merci de m'accueillir chez toi et également dans ton cabinet, avec cette belle vue où on peut voir loin, très loin, ça fait du bien. En rendant le vif du sujet aujourd'hui, on va parler de peur. Et je voudrais savoir, c'est quoi finalement avoir peur ?
- Speaker #2
Alors pour moi, avoir peur, c'est imaginer les risques que représente une situation et du coup les redouter.
- Speaker #1
D'accord. Tout simplement. Tout simplement,
- Speaker #2
voilà. Je redoute les risques qu'amène une situation.
- Speaker #1
Comment on crée une peur ? Quand je parle de peur, moi j'avais envie de parler de peur, la peur du vide ou la peur de la vitesse auxquelles les sportifs et les sportives peuvent être confrontés, en tout cas des personnes qui aiment le sport.
- Speaker #2
Alors, une peur d'une façon générale, elle peut être innée ou elle peut être acquise.
- Speaker #1
Ça veut dire que tu nais et t'as peur,
- Speaker #2
quoi. Tu nais et t'as peur. Non, c'est vrai en plus. C'est fou. C'est Jung qui en parlait de l'inconscient collectif, c'est-à-dire que tu te nais avec une phobie, par exemple. La trypophobie, c'est la peur des petits trous. Ça paraît bête, mais en fait, l'humanité, à force, quand elle s'est développée, tout ça, tout ça, s'est rendue compte que l'homme chasseur-cueilleur, quand il était confronté à une situation où il regardait par terre et il y avait plein de petits trous à côté, c'était synonyme de danger. Parce que parasite, parce que serpent, parce que chose dangereuse pour lui, du coup pour l'humanité. À force, on a développé cette peur comme un instinct de survie. D'autres peurs sont acquises. Donc qui sont plus celles qu'on va aborder aujourd'hui. Et la peur acquis, c'est soit j'ai eu une expérience qui m'a tellement fait peur, c'est-à-dire je fais du VTT et d'un coup je prends trop de vitesse, ainsi j'ai peur. Cette peur est tellement forte que je ne veux plus la retrouver. Donc je développe une peur vis-à-vis de cette vitesse. Qui peut aussi également s'acquérir avec notre entourage. Si je suis un peu comme une maman qui a peur de quelque chose, par exemple peur du vide, je vais rarement être en situation de vide et ainsi je ne vais pas pouvoir m'habituer. au vide et développer une peur du vide.
- Speaker #1
Je vais prendre un peu mon exemple. Tu vois, j'ai commencé le ski tardivement et le VTT tardivement. Et j'avoue que la peur, dès que je prends de la vitesse, alors il y a un peu de plaisir. Et puis, d'un seul coup, il y a la petite voix, tu vas mourir, qui arrive. Et là, je me fige. Alors, j'ai des auréoles, pas de transpiration, d'effort, mais de stress. Comment on fait quand on a peur comme ça ? Et tu vois, j'aimerais quand même pouvoir m'améliorer dans ces deux activités. Mais la peur, elle m'empêche de progresser. Comment on fait ?
- Speaker #2
Pour gérer sur le moment, il faut savoir que si avant tout allait bien et que d'un coup sur ton parcours, tu commences à paniquer, c'est que ton sport t'apporte de l'adrénaline, ce qui est cool. C'est pour ça qu'on fait du sport, pour les endorphines et l'adrénaline, qui sont des hormones pour ce qui est de l'adrénaline liées au stress. Et cette hormone que tu commences à sécréter de plus en plus parce que tu prends de la vitesse, donc tu kiffes de plus en plus, va finir par en gros emballer ton cerveau, qui d'un coup va plus réussir à penser. Tu ne vas plus être capable de raisonner, de te dire, c'est bon, je contrôle. Ça, c'est le néocortex. C'est un des cerveaux, une des parties du cerveau. Et ce néocortex, normalement, nous aide à prendre du recul, nous aide à raisonner, nous aide à peser le pour et le contre et à rationaliser dans une situation. Toi, comme tu as trop d'adrénaline pile à ce moment-là, ce néocortex est complètement down. Il est hors service. Ce qui prend le relais, et c'est ça qui peut vraiment nous rassurer, avant même de nous confronter à cette situation, c'est le cerveau reptilien. C'est le cerveau des automatismes. C'est ce cerveau qui fait que, quand je marche sur le trottoir et que je vais traverser, d'un coup, il y a une voiture qui passe devant moi, je recule. Je ne me suis pas dit, mince, je risque de me faire écraser, il faut que je recule. C'est le cerveau reptilien qui sait que, dans ce genre de situation, c'est très dangereux, je dois reculer.
- Speaker #1
Est-ce qu'on peut parler d'instinct pour ce genre de réaction ?
- Speaker #2
Oui, on peut parler d'instinct. On peut parler d'instinct. Donc quelque chose qui s'est créé en tout. En tout cas, on va développer un instinct. Donc, dans ce genre de situation où tu commences à paniquer, comment gérer ? Il faut ralentir l'emballement de ton cerveau. Pour ça, il n'y a qu'une seule solution, c'est de respirer. Voilà. Il n'y a qu'une seule solution, c'est de respirer, c'est de ralentir ton rythme cardiaque. Quand je commence à paniquer, mon cerveau envoie comme message à tout mon système nerveux et à la colonne vertébrale notamment, de ça ne va pas du tout, il y a un risque de danger. et donc grâce à ça Le rythme cardiaque va s'accélérer pour préparer le corps à supporter ce danger. Si toi, tu ralentis ton rythme cardiaque, tu envoies comme message au cerveau, non, cool, tout va bien en fait, tu gères, tu maîtrises. Et en envoyant ce message au cerveau, tu vas ralentir la sécrétion de l'adrénaline et du cortisol, qui sont les hormones qui te stressent à ce moment-là et qui te mettent dans cet état de panique. Et en ralentissant ces hormones, tu vas rendre plus efficace ton néocortex. Et c'est là que tu retrouves la raison et que tu te dis « mais en fait, je me suis emballée pour rien, j'ai géré, c'est bon quoi » . De toute façon, c'est ton cerveau reptilien qui gère. Tu ne te dis pas à chaque fois, tiens, ce caillou, est-ce que je vais glisser dessus ? Est-ce que je vais me le faire ? Tu vois, tu gères, tu as les automatismes, tu sais faire.
- Speaker #1
Tu es en train de me dire qu'il faut lâcher prise.
- Speaker #2
Voilà, mais sur l'instant, pour lâcher prise, c'est respirer. Et souvent, ce que je conseille, c'est d'avoir un petit mot que tu te dis, un peu comme un mantra. Par exemple, là, je peux conseiller un pépéroni. Tu dis un pépéroni, deux pépéronis. Et ça, en fait, tu prends comme un mantra. Tu répètes quelque chose qui va te calmer. Et tu te concentres sur autre chose que sur ta peur.
- Speaker #1
Moi, ce que je retiens, c'est que ce sont les pépéronis qui te calment.
- Speaker #2
Je ne sais pas pourquoi. Ce matin, je me suis dit qu'il faudrait peut-être que je change d'exemple. Parce que pépéronis, je ne sais pas. Pépéronis. En fait, c'est le côté allitération. Ça, c'est quelque chose qui va me rassurer et qui donne un rythme. Donc, un pépéroni, deux pépéronis, trois pépéronis, quatre pépéronis. Et je me concentre vraiment sur ma respiration. et j'essaye de ralentir mes respirations. Ça c'est la seule chose à faire.
- Speaker #1
Je suis presque apaisée là et t'écouter déjà.
- Speaker #2
C'est les peperonis ça.
- Speaker #1
Donc la peur de la vitesse, tu nous as donné là des clés concrètes, ça c'est cool. Maintenant quand on ne sait pas qu'on a peur, parce que là moi je sais que j'ai peur de cette vitesse, donc je vais pouvoir anticiper et mettre en place ce que tu viens de dire. Mais quand on ne sait pas qu'on a peur, par exemple je suis en rando, tranquille, et d'un seul coup j'arrive sur une crête, et là, alors c'est beau, je vois le vide et d'un seul coup,
- Speaker #2
Oh là !
- Speaker #1
aspiré par le sol et tu te dis j'aurai le vertige en fait comment on fait ?
- Speaker #2
Justement c'est typiquement dans ce genre de situation que tu dois uniquement te concentrer sur ta respiration il n'y a que ça qui peut t'aider parce qu'à côté de toi souvent quand tu n'es pas seule les personnes vont essayer de te rassurer, ça ne va pas suffire parce que ce genre de situation fait appel à une peur ancestrale qui est la peur de mourir la peur de se blesser c'est pour ça que parfois quand on ... On est en situation de grande peur, on voit tout qui défile sous nos yeux. Mais ce n'est pas maintenant que tu vas soigner ta peur de mourir. Moi, souvent, ce que je conseille, parce que je suis psy, mais avec mes amis ou quoi que ce soit, je leur dis au pire, tu meurs, tu n'es pas là. Tu n'es plus là. Non, mais c'est vrai. Mais ça, ce n'est pas un truc que tu peux soigner sur le coup. La seule chose qui puisse t'aider, c'est de te concentrer sur ta respiration. Pour deux effets, celui que je viens de décrire, c'est-à-dire le ralentissement du rythme cardiaque, les hormones, blablabla. et la deuxième chose, c'est que ça te décentre de ton inquiétude. Tu ne peux pas penser à deux choses à la fois. Tu vois, si je te dis de ne pas penser sur tout, tu ne penses pas à un ours blanc. Ne pense pas à un ours blanc, ne pense pas à un ours blanc. Je le vois, arrête, je le vois. Voilà, tu es obligé d'y penser. Alors, pour arrêter de penser à cet ours blanc, il faut que tu penses à un petit écureuil. Pense à un écureuil, le petit écureuil de Central Park, trop tout mignon là, alors qu'en fait c'est plein de poufs, c'est dégueu. Mais tu penses à cet écureuil. Tu vois ce que je veux dire ? Tu ne penses plus à l'ours blanc. C'est ce qui se passe quand tu es dans la situation et que quelque chose t'inquiète fort. Le mieux pour toi, ce serait de te concentrer sur quelque chose d'autre que tes peurs. et c'est pour ça que je conseille de se concentrer sur la respiration parce qu'au moins t'es concentré sur quelque chose qui est sensoriel, donc tu peux sentir donc ça aura un double impact, après tu peux aussi essayer de te concentrer sur l'arrivée comment est-ce que du coup ça se passe à l'arrivée qu'est-ce que je vais faire, je mettrais mon pied où là c'est parce que je sais pas pourquoi j'ai imaginé un fulambule bref, de toute façon il faut pas qu'il pense au vide qui est en dessous de son fil il va se dire et là-haut et au bout comment je fais une fois que je suis arrivé au bout oui,
- Speaker #1
sa direction est-ce qu'il existe d'autres... thérapie ou moyen pour s'en débarrasser de ces peurs ? Une fois qu'on sait qu'on les a, qu'on essaye de les gérer, mais ça reste, c'est assez permanent, est-ce que tu as des astuces concrètes pour aller plus loin, pour gérer ça ?
- Speaker #2
Alors, c'est ce qu'on appelle la thérapie d'exposition. C'est, je vais apprendre à contrôler mon stress, ma peur, en m'exposant à des situations qui me font peur, des situations stressantes. Voilà, ça c'est quelque chose que je peux faire avec un thérapeute. de façon approfondie pour vraiment soigner ça. Et tout à l'heure, je parlerai de quelques astuces pour commencer à le faire au quotidien.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #2
La thérapie d'exposition, c'est avec le thérapeute, je vais lister toutes les étapes, de la moins stressante à la plus stressante, qui vont m'amener à affronter ma peur principale. Par exemple, pour une personne qui a peur du vide, les différentes étapes, ça va être, peut-être que la première étape, c'est regarder par la fenêtre d'un premier étage. Deuxième étape, se pencher par la fenêtre d'un, et puis tu peux aller jusqu'à tous les étages, jusqu'à 12 étages. Et puis au bout d'un moment, au bout de 15-20 étages, tu peux te dire que là, si c'est bon, c'est réglé, c'est que t'as plus de la peur du vide. Et donc, avec le thérapeute, je vais lister toutes ces étapes-là. Et petit à petit... seule, je vais m'exposer, c'est-à-dire que je vais me mettre dans la situation de la première étape, situation moyennement stressante, et je vais regarder par-dessus la fenêtre de ce premier étage. Là, je vais ressentir un peu de stress, un peu de peur, je vais mesurer mon stress. On mesure toujours de 0 à 10, je suis à 7 sur 10, j'arrête l'exposition, je m'éloigne de la fenêtre, et là, je travaille la respiration. Je vais me calmer, je vais faire redescendre mon stress parce que je ne suis plus en situation stressante. Et en respirant, en ralentissant le rythme cardiaque, je vais retrouver mes esprits et je vais réussir à me calmer. Et ça, une fois que j'ai fait cet exercice-là, je vais le réitérer concernant la même étape. Une fois que cette étape ne va plus me causer de stress au niveau de 7 sur 10, mais plutôt au niveau de 3 ou 4 sur 10, j'arrêterai et je passerai à l'étape suivante.
- Speaker #1
D'accord. Tu vois ?
- Speaker #2
Et ça, c'est quelque chose qui, du coup, doit être fait de façon régulière.
- Speaker #1
Et progressive.
- Speaker #2
Et très progressive. Comme le sport,
- Speaker #1
comme l'entraînement.
- Speaker #2
Tout à fait. Parce que si je m'expose trop vite, je vais régresser. Et c'est quelque chose qui est très efficace. Moi, je le vois en cabinet. Les patients, souvent, tu commences, tu fais la liste. Puis en fait, très rapidement, ils se rendent compte qu'ils le font de chez eux. Ils travaillent chez eux cette peur. Et au bout de quelques expositions, c'est bon, ils ne sont plus peur. Donc, ils font des bonds de géant. Mais si tu fais un trop grand bond et que tu passes du premier étage au 18e étage, là, tu risques une grosse régression. Oui. Parce que ça va te recoser cette peur et repartir.
- Speaker #1
Oui, toujours des objectifs réalistes.
- Speaker #2
Voilà, d'y aller graduellement et surtout de redescendre. L'idée, c'est vraiment d'apprendre à faire redescendre ton stress. Donc, je m'expose à ce qui m'inquiète et ensuite, je respire, j'utilise n'importe quelle technique de relaxation, je fais quelque chose qui me fait du bien et je vois que mon stress redescend. Et ça, ça va vraiment me valoriser et je vais prendre conscience que je peux contrôler ma peur. C'est vraiment là-dessus que repose toute cette thérapie d'exposition. C'est que quoi qu'il en soit, cette peur, ce n'est pas une fatalité. Tu peux vraiment apprendre à la contrôler.
- Speaker #1
Top. Merci. Tu parlais d'astuces concrètes que tu voulais donner pour terminer.
- Speaker #2
Quelque chose qui me paraît vraiment important, c'est qu'au lieu de fuir les situations qui vous inquiètent, provoquez-les. Provoquez-les en les mesurant.
- Speaker #1
Oui, j'allais dire... Ne vous lancez pas maintenant !
- Speaker #2
Non, c'est ça, mais il faut les choisir avec mesure et qu'elles soient au début stressantes, mais pas trop. Tu vois ? Et comme vous allez les choisir, vous allez contrôler votre peur. Et donc, apprendre... à se calmer avec la respiration. Vous allez réussir à apprendre à vous calmer grâce à la respiration et vous allez prendre conscience qu'en fait, vous contrôlez, c'est bon, je gère. Tu vois, donc c'est vraiment... Moi, d'ailleurs, j'ai peur du vide.
- Speaker #1
Reprendre le contrôle.
- Speaker #2
Voilà. Moi, j'ai peur du vide et je sais que là, maintenant, j'habite dans une maison à la campagne, j'y suis plus du tout exposée. Quand je faisais mes études à Paris, j'y étais tout le temps exposée. Tu vois, que je sois dans les grandes tours à Nanterre, t'es au bord de la fenêtre pendant ton cours. Tu vois le vide. Donc même si ce n'est pas le vide comme en haut de la tour Eiffel, tu es quand même régulièrement exposée à ce vide-là. Moi, je n'y suis plus exposée. J'ai été justement à la tour Eiffel avec ma fille il y a quelques mois. Je me suis rendue compte de la peur du vide que j'avais développé à force de ne plus y être confrontée. Donc confrontez-vous.
- Speaker #1
Ça s'entretient.
- Speaker #2
Ça s'entretient. Oui, ça s'entretient.
- Speaker #1
Pas de fatalité quand on est sportif ou sportive. Quand on se découvre des peurs, de vitesse, de vertige,
- Speaker #2
la vitesse, c'est pareil. On va le faire graduellement. Ça se travaille. Il faut aller voir un thérapeute TCC. Il pratique les thérapies cognitives et comportementales. Il est vraiment formé à la thérapie d'exposition.
- Speaker #1
Merci beaucoup, Blandine.
- Speaker #2
Je t'en prie.
- Speaker #0
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