- Speaker #0
Bonjour, je suis Frédéric Paul, guide conférencier et créateur des visites Le Visible et Invisible à Aix et en Provence. Je vous fais découvrir la ville lors de mes visites guidées publiques ou privées à travers les détails que l'on croise mais qu'on ne regarde pas. J'ai pu par ce moyen rencontrer de nombreuses personnes et j'ai eu envie de donner la parole à certaines. C'est ainsi qu'est née l'idée de ces interviews. Bienvenue dans le podcast Les gens d'Aix, le podcast qui fait parler les Aixois. Ce podcast se veut une galerie de portraits d'Aixois plus ou moins connus, qu'ils soient vivants ou morts, qu'ils soient artistes, entrepreneurs, politiques, sportifs ou simples citoyens, ils auront tous une place dans Les gens d'Aix. Et pour ce deuxième épisode de la saison 2, c'est un invité exceptionnel que je vais recevoir aujourd'hui. Cet invité n'a jamais répondu à une interview à la radio ou dans un podcast, et pour cause, il est mort avant l'invention des micros. Cet homme d'église a laissé son nom et son empreinte dans la ville, et pourtant beaucoup ne connaissent pas son histoire. Cet homme a été au XVIIe siècle à l'initiative de l'un des quartiers les plus connus de la ville aujourd'hui, le quartier Saint-Jean. que tout le monde appelle le quartier Mazarin.
- Speaker #1
Bonjour, monsieur Mazarin.
- Speaker #2
Ah, vous me reconnaissez. C'est moi, Michel Mazarin.
- Speaker #1
Oui, merci d'avoir accepté mon invitation à répondre de manière détendue et honnête à mes questions.
- Speaker #2
Avec grand plaisir. C'est d'ailleurs la première fois que l'on m'invite.
- Speaker #1
Avant toute chose, il ne faut pas vous confondre avec votre frère, Jules Mazarin, qui a été ministre du roi Louis XIII et précipité. de Louis XIV.
- Speaker #2
Bah oui, c'est facile de nous reconnaître, hein, car lui, c'est un couillon. Pardon ?
- Speaker #1
Vous le traitez de couillon alors que vous lui devez quand même votre nomination en tant qu'archevêque d'Aix-en-Provence, non ?
- Speaker #2
Oui, c'est vrai. Il ne m'a jamais rien refusé.
- Speaker #1
Et c'est lui aussi qui a usé de tout son poids auprès du peuple pour que vous soyez nommé cardinal ?
- Speaker #2
Eh oui. Avoir un faire Premier ministre, ça aide, hein. Vous savez… Le pape Inoshin Sodechimo, il ne voulait pas que je sois cardinal. Il ne voulait pas que deux frères soient cardinaux en même temps, ce vieil imbécile. Et il ne voulait pas céder à mon frère.
- Speaker #1
Et comment est-il été convaincu ?
- Speaker #2
Oh, vous savez, mon frère sait être persuasif. Quand le pape a refusé, il a simplement menacé de déclencher une guerre.
- Speaker #1
Vous voulez dire que la France a menacé le pape ? Simplement pour que vous, vous deviez cardinal ?
- Speaker #2
Oui, mais ne vous inquiétez pas. Personne ne lui a fait de mal. On lui a juste fait peur. C'est de la réelle politique, comme vous dites à votre époque, je crois. Non,
- Speaker #1
je ne crois pas. Vous me racontez ça comme ça, tranquillement ?
- Speaker #2
Il y a prescription, non ? Et puis, si vous m'avez invité, et je vous en remercie, c'est pour dire la vérité, non ? Ilochenso Decimo était un pape pro-espagnol et si nous avions pu, nous aurions empêché son élection. Mais nos ambassadeurs sont arrivés trop tard. On a bien tenté de faire réfléchir sa politique, mais sans succès. Il a nommé des dizaines de cardinaux espagnols pour montrer à la France qu'il ne se laisserait pas faire. Mais on a fini par le convaincre, vous savez. Tout est politique en ce bas monde.
- Speaker #1
Et du coup, est-ce que c'est aussi par la menace que vous êtes devenu archevêque d'Aix ?
- Speaker #2
Non, pour le pape, c'était plus acceptable de me faire archevêque que cardinal. Il a donc signé la proposition de mon frère de me faire archevêque, mais refusé que je sois cardinal jusqu'à ce que la conjoncture l'y oblige.
- Speaker #1
D'accord, maintenant qu'on a le contexte de votre nomination, Est-ce que vous pouvez me dire comment s'est passé votre arrivée à Aix ?
- Speaker #2
Ça s'est passé plutôt simplement. Je suis arrivé d'Italie, où le pape venait de me nommer archevêque, et j'ai été accueilli par les édiles de la ville. Je ne voulais pas quelque chose de grandiloquent, et je pense qu'ils étaient aussi surpris par mon arrivée.
- Speaker #1
Vous n'étiez pas le plus adoré des archevêques ?
- Speaker #2
Non, peut-être pas, mais on peut dire que je suis celui qui a laissé la place la plus vivace, non ? ce quartier saint-jean qui porte aujourd'hui mon nom n'est-il pas superbe avec ses alignements d'hôtels particuliers cette couleur ocre ce bel ordonnancement On y voit de l'ordre, de l'ordre et de l'ordre, pour paraphraser un de vos ministres.
- Speaker #1
Oui, mais vous n'avez pas connu le quartier tel qu'on le connaît aujourd'hui.
- Speaker #2
Ah, c'est sûr qu'à mon époque, il s'agissait des champs. Il s'est construit après ma mort. Il a fallu 150 ans pour que tout le quartier soit construit. La création par les rois des nouvelles charges au Parlement de Provence a amené dans la ville une nouvelle noblesse et une riche bourgeoisie. On se sentait un peu à l'étroit dans le rempart à cette époque et on ne trouvait plus de terrain libre pour construire un hôtel particulier. C'était la crise immobilière déjà à l'époque. Alors c'est ainsi que j'ai eu l'idée d'un nouveau quartier. Au sud de la ville, les champs appartenaient en partie à l'ordre de Malte et à l'archevêché pour l'autre part. Alors je me suis dit qu'il y avait matière à agrandir la ville et à faire au passage une opération immobilière.
- Speaker #1
Et cela a grandi la ville d'un tiers à l'époque. Mais vous parlez d'opérations immobilières. Ce n'était pas pour le bien public que vous avez fait ça ?
- Speaker #2
Mais vous savez, quand on veut faire passer une décision dans l'opinion, on dit que c'est pour le bien public. Mais c'est toujours comme ça à votre époque. On vous retire vos libertés, mais c'est pour le bien public. On va te dire que le peuple ne veut pas, mais c'est pour le bien public. Et toutes les décisions controversées, on vous dit que c'est pour le bien public. Vous ne pouvez pas vous opposer aux biens publics quand même. Vous croyez que les Aixois avaient envie de voir un lotissement de luxe se créer avec des prix parisiens ?
- Speaker #1
Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne comprends pas. Vous voulez dire que le quartier était décrié à l'époque ?
- Speaker #2
Oui, les religieuses carmélites et l'ordre des maltes ne voulaient pas de ces quartiers qui viendraient des entourés. De plus, comme il fallait faire des rues et que ça coûtait cher, j'avais décidé de taxer à... payé par tous les habitants du quartier et les sœurs ne voulaient pas payer.
- Speaker #1
C'est normal, elles étaient là avant le quartier.
- Speaker #2
Et vous pensez vraiment que c'est une raison pour ne pas payer l'impôt ? En plus, elles râlaient sans cesse qu'un cours à carreaux sous la fenêtre les gênait dans leur pratique de la prière, comme si cela était plus important que le bien public.
- Speaker #1
Et donc, malgré cette opposition des ordres religieux, vous avez quand même fait ce quartier ?
- Speaker #2
C'est bizarre que cela vous choque, car je vois que malgré l'opposition de la rue, de l'opinion publique de votre parlement on fait passer des lois à coups de quarante-neuf étrés moi je n'avais pas besoin de cet artifice je n'avais qu'à faire seulement mon bon vouloir car il ne s'agissait pas d'une démocratie de mon temps je dois vous avouer que je vous trouve assez cynique quand même c'est peut-être vous qui êtes un peu naïf je trouve que votre époque n'est pas très erronée de la mienne est-ce que je dois vous dire que j'avais fait voter par les édiles de la commune L'obligation pour tout nouvel achat de terrain, que ce dernier soit situé dans le nouveau quartier Saint-Jean, personne ne pouvait échapper aux tarifs élevés de mon quartier.
- Speaker #1
C'est malin et dégoûtant à la fois.
- Speaker #2
Merci, merci. Vous savez comment j'ai fait de la vente de la première parcelle ? En m'offrant de la vaisselle à mes initiales.
- Speaker #1
Vous voulez dire aux initiales de l'archevêché ?
- Speaker #2
Non, non, à mes initiales. En plus, j'ai chargé un entrepreneur véreux de la vente des parcelles. Il a fait des tas de bêtises. Des expropriations de propriétaires sur le terrain des fossés, des malfaçons et des retards dans la construction du nouveau rempart au sud, la vente des parcelles qui ne lui appartenait pas, et un vrai champion.
- Speaker #1
Vous auriez pu mieux choisir. En tout cas, pour le choix de Jean Lombard pour tracer les rues, vous avez fait le bon choix. Les perspectives qu'il a créées sont encore aujourd'hui... admirable.
- Speaker #2
Ah oui, Lombard était l'architecte de la ville à cette époque. Il avait vécu à Lavalette, la capitale de Malte, quelques années, et il y avait étudié là-bas les plans carrés, vous savez, ces damiers qui forment un quadrillage. Il a reproduit à une moindre échelle pour les rues du quartier Saint-Jean qui se croisent toutes à angle droit.
- Speaker #1
Il y a une exception avec l'ancienne rue du Boeuf, aujourd'hui rue Fernandole, qui est courbe.
- Speaker #2
Oui. Car elle reprend le tracé existant de l'ancien chemin du Boeuf, qui lui a donné son premier nom. C'est vraiment lombard, l'architecte de ce quartier. Moi, je n'étais que le donneur d'ordre. Je trouve qu'il a su magnifier les éléments architecturaux déjà présents, comme l'église des Maltes, et en créer de nouveau, comme la place centrale.
- Speaker #1
La place des quatre dauphins, celle qui est faite en découpant les quatre parcelles centrales.
- Speaker #2
Oui, à la base, je voulais une statue à mon effigie, mais les habitants ont préféré une fontaine, car le puits et les puits alentours étaient insalubres.
- Speaker #1
Encore un peu de mégalomanie au passage. Et ce n'est rien. Il y a aussi, quand on regarde le nom des rues, vous avez demandé à ce que des rues allant dans le sens est-ouest portent le nom de rue Cardinal, rue Saint-Michel, aujourd'hui rue Guaran, et de rue Mazarin, ce qui fait que l'on peut dire Cardinal Michel Mazarin sur un plan ancien.
- Speaker #2
Oui, j'avoue que c'est bien pensé.
- Speaker #1
Quand vous regardez la ville aujourd'hui, par rapport à votre époque, que vous dites-vous ?
- Speaker #2
J'ai médit qu'il y a beaucoup plus de monde qu'à mon époque et que j'aurais pu devenir agent immobilier. Je trouve que le cours s'est embelli. Déjà, il est pavé, ce qui n'était pas le cas lors de sa création. Lorsqu'il y avait des pluies, il se transformait en marécage boueux. Les pires encore, les pots de chambre que l'on faisait sécher sur les toits se déversaient dans la rue et il ne fallait pas raser les murs. Il y avait un proverbe connu jusqu'à Paris qui disait Aix, quand il pleut, il pleut de la merde Rien que pour ça, je préfère votre époque. Il y a moins de maladies aussi. Et puis, il y a les arbres du cours que je trouve très beaux même si j'entends certains se plaindre qu'ils ne soient pas comme avant. Mais en fait, ils sont beaucoup plus grands qu'à mon époque où on venait tout juste de les planter et qu'ils ne faisaient pas la moindre ombre.
- Speaker #1
Ce quartier qui à l'époque s'appelait le quartier Saint-Jean est aujourd'hui connu sous votre nom, Michel Mazarin. Est-ce que c'est ce quartier qui est votre lieu préféré à Aix ?
- Speaker #2
Non, mon lieu préféré reste le palais de l'archevêché, qui était un palais somptueux. Je ne suis pas resté longtemps à Aix, mais c'est là que j'ai passé des heures merveilleuses. Aujourd'hui, c'est devenu un musée, et on y chante des opéras d'été. Quel dommage !
- Speaker #1
Vous n'aimez pas l'opéra ?
- Speaker #2
Si, mais je préfère cela dans les salons, pas en étant mêlé à la populace. Mille-deux-cent personnes, c'est... Beaucoup trop. De mon temps, on faisait ça dans les hôtels particuliers, hein, entre les gens bien, en petit comité. C'était plus chic.
- Speaker #1
Michel Mazarin, je vous remercie encore d'être venu à mon micro pour la première et la dernière fois. Merci d'avoir traversé les âges et d'être venu jusqu'à moi l'espace d'un instant. Je vous rends votre liberté et je vous renvoie dans l'invisible, là où vous étiez. Au revoir.
- Speaker #2
Au revoir Frédéric.
- Speaker #0
Voilà, c'est ainsi que s'achève cet épisode des gens d'Aix. Un épisode particulier puisque mon invité n'était pas réellement présent lors de l'interview comme vous l'imaginez. Toutes les réponses de Michel Mazarin sont issues de mes recherches et lectures. Elles s'approchent au plus près de la réalité mais restent bien sûr une interprétation personnelle. Je comprends que cela puisse ne pas plaire à certains mais j'en prends le risque. J'espère que cela a été une expérience enrichissante pour vous. et que vous avez pris autant de plaisir à l'écouter que j'en ai eu à le réaliser. Ce podcast est une initiative personnelle, bénévole et indépendante, et le meilleur moyen de m'aider à le faire connaître et durer, c'est d'en parler autour de vous. Vous pouvez aussi liker et commenter sur les plateformes Apple Podcasts, Deezer ou Spotify, afin de lui donner de la visibilité et le faire connaître au plus grand nombre en remontant dans les propositions. Pour ma part, Je vous remercie d'être toujours plus nombreux à écouter ce podcast, et je vous dis à très vite pour un nouvel épisode des gens d'Aix, avec un invité qui, je suis sûr, va faire parler les Aixois.