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Les invisibles

# 38 Lison, la souffrance invisible derrière l'avortement

# 38 Lison, la souffrance invisible derrière l'avortement

1h06 |27/01/2025|

312

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# 38 Lison, la souffrance invisible derrière l'avortement

# 38 Lison, la souffrance invisible derrière l'avortement

1h06 |27/01/2025|

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Description

« Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. »
Quand sa fille de cinq ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix.

Elle porte un stérilet, pourtant elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin au réveil, le verdict tombe : le test posé sur le lavabo affiche « enceinte ».

Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l’amour, elle prend la décision d’avorter.
« J’ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celles qui avaient déjà donné la vie deux fois. »

Ce choix, elle l’assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable.
Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu’elle refuse de bouleverser.

Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse et dans son esprit, ce fœtus est déjà un bébé. « Dans ma tête, j’abandonnais mon bébé. »
La culpabilité s’installe, la honte aussi.
Ces émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amies. Lison affiche un masque de bonheur, mais à l’intérieur, tout s’effondre.

Aujourd’hui Lison nous livre son témoignage bouleversant ; forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d’une liberté retrouvée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins,

  • Speaker #1

    c'est ce que je crois.

  • Speaker #0

    Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit.

  • Speaker #1

    Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry,

  • Speaker #0

    l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute ! Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Quand sa fille de 5 ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix. Elle porte un stérilet et pourtant, elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin, au réveil, le verdict tombe. Le test posé sur le lavabo affiche enceinte Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l'amour, elle prend la décision d'avorter. J'ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celle qui avait déjà donné la vie deux fois. De choix, elle l'assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable. Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu'elle refuse de bouleverser. Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse. Et dans son esprit, ce foetus est déjà un bébé. Dans ma tête, j'abandonnais mon bébé, me confie-t-elle. La culpabilité s'installe, la honte aussi. Ses émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amis. Lison affiche alors un masque de bonheur, mais à l'intérieur, tout s'effondre. Aujourd'hui, Lison nous livre son témoignage bouleversant, forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d'une liberté retrouvée.

  • Speaker #1

    Mercredi 7 juin 2023 Hier, la phrase je me choisis a résonné en moi toute la journée. Ce matin, en allant au travail, j'ai écouté Uncover. J'ai pleuré. Pleuré ce bébé qui n'adviendra pas. Pleuré ce minuscule petit être que je ressens dans mon corps, dans mes seins, mais surtout dans mon cœur de maman. Au réveil et au coucher, je pense à lui. Il m'arrive de mettre ma main sur mon ventre, même si je sais qu'à ce stade, je ne le ressentirai pas. Aujourd'hui, je pleure ce bébé surprise que j'aurais aimé quelques semaines. Quatre grossesses, deux menées à terme. Et chaque fois, qu'est-ce que je les ai aimés, ces bébés ? Lundi 26 juin 2023. Je sais que c'était la bonne décision, mais physiquement... Ça a été très douloureux et moralement, j'ai encore le cœur en miettes. Même avec les meilleures raisons du monde, je garde cette impression amère qui me broie les entrailles d'avoir abandonné mon bébé qui s'était accroché à moi coûte que coûte. Je ressens une boule immense dans la gorge qui, je pense, diminuerait nettement si je m'autorisais à déverser ma douleur qui ne s'est pas arrêtée le jour de l'expulsion. Mardi 27 juin 2023, j'ai évacué mon bébé sur mes toilettes, entre mes cuisses qui avaient déjà donné la vie deux fois. J'ai observé ce petit amas de cailloux qui avait rougi la cuvette immaculée. J'ai pris une photo pour être sûre que c'était bien ça. Puis j'ai tiré la chasse pour que l'eau l'emporte. L'eau l'a emporté, mais n'a pas emporté ma douleur de mer, ma douleur qui est restée, viscérale, tapie en moi et ressurgissant par intermittence. On pourrait penser que cet acte réalisé dans ce lieu si trivial m'aurait permis de réaliser qu'effectivement, il ne s'agissait que d'un amas de cellules Mais ça n'a pas été le cas. Vous faites votre deuil sur une cuvette des toilettes, vous.

  • Speaker #0

    Merci Lison pour ce partage d'intimité. J'aimerais savoir comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, aujourd'hui, ça fait un an, jour pour jour, à deux jours près. que j'ai vécu cet avortement. Et aujourd'hui, je peux dire qu'il y a un an, je ressentais un désespoir intense. Et aujourd'hui, je me sens en paix, sereine, je me sens bien.

  • Speaker #0

    Je suis contente de l'entendre. Alors, qu'est-ce qui t'a amenée à cet avortement où on sent quelque chose qui est vraiment douloureux dans le témoignage que tu nous en as fait au travers de ton écriture ?

  • Speaker #1

    Ce qui a été extrêmement douloureux, je pense, c'est le fait d'être déjà maman, le fait d'avoir vécu une fausse couche avant la grossesse de mon fils puis de ma fille, et de savoir que cette sensation dans le corps que je sens... En fait, c'est moi qui ai pris la décision de ne pas garder ce bébé parce que j'étais sous-stérilée. C'était vraiment une décision avec mon mari. Nous ne souhaitions plus d'enfants. Mais il y a une différence entre l'idée de ne pas avoir de bébé et l'idée de... En fait, là, il est là. Il s'est quand même immiscé en moi. Et qu'est-ce que je fais de ça ? Et j'ai ressenti dans mon corps les seins qui ont commencé à grossir. J'ai commencé à... C'était un tout début de grossesse, mais c'est la grossesse que j'ai le plus sentie. Et ce qui m'a le plus procuré de souffrance, c'est le fait de dire que la première fois, lors de la fausse couche, ce bébé, c'est lui qui ne s'était pas accroché à moi. Et ça a été très très dur à vivre. Alors que cette fois-ci, c'est moi qui ne voulais pas de lui. Et donc j'ai éprouvé une grande grande grande culpabilité. Parce que dans ma tête, j'abandonnais mon bébé. et une grande honte aussi à en parler. Et d'ailleurs, lorsque je t'ai proposé de participer à ce podcast il y a quelques mois, je m'étais dit, ah non mais surtout il faudra une photo anonyme avec, je sais pas, quelque chose de flouté ou pas moi, parce que je ressentais encore de la honte. Alors qu'aujourd'hui, non, ça fait partie de ma vie. C'est un chapitre de ma vie qui fait partie de moi. Et c'est encore un petit peu douloureux, mais de jour en jour, ça va de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Ton témoignage, il résonne pas mal parce qu'on a quelques points communs dans ce qu'on a pu vivre. Plus jeune, je crois que j'avais 25 ans à l'époque, j'étais aussi tombée enceinte sous stérilet. Comme quoi, c'est quelque chose qui arrive. Et j'ai comme toi, donc à ce moment-là, j'ai avorté. Et j'ai comme toi aussi vécu une fausse couche un mois avant. la grossesse de ma fille qui a été menée à terme et qui a aujourd'hui aujourd'hui même neuf mois donc au final c'est toujours ça fait quelque chose en fait de sentir quand ça résonne le témoignage des autres avec son propre vécu donc toi t'es tombée enceinte sous stérilet comme tu disais comment t'as appris comment t'as découvert que tu étais enceinte parce que Dans le souvenir que moi j'avais à l'époque, j'ai mis deux mois et demi avant d'apprendre que j'étais enceinte parce que je me disais que le stérilet c'est mon moyen de contraception.

  • Speaker #1

    Alors je reprendrai la citation que tout le monde connaît bien de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ce qui va parfaitement avec le titre de ton podcast. En fait c'est ma fille. C'est ma fille. Alors à l'époque, elle avait 5 ans et demi. J'avais juste deux jours de retard de règles. Elle m'a embrassé le ventre. Elle m'a dit Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Et je lui ai dit Mais non, tu sais très bien que ce n'est pas possible. Avec papa, on fait des câlins d'amoureux, mais on ne peut pas avoir de bébé. Elle m'a dit Mais tu ne le sais pas encore, parce qu'il est tout petit, mais il y a un bébé dans ton ventre. Elle m'a dit ça le dimanche. J'avais mis un test de grossesse sur les toilettes pour y penser le lendemain matin, pour être sûre, me tranquilliser. Et le test était positif.

  • Speaker #0

    Et comment tu as intégré cette nouvelle-là de test positif ?

  • Speaker #1

    J'étais totalement perdue, je n'arrivais pas à comprendre. J'ai eu un moment, j'ai ressenti de la colère envers mon corps, en me disant, mais quand je voulais un bébé, tu me l'as enlevé, ce bébé qui n'a pas tenu cette fausse couche, il n'a pas tenu, et puis là je n'en veux pas, tu m'en mets un, alors que moi j'ai mis un stérilet pour ne pas en avoir, donc il y a eu du désespoir, il y a eu de la colère, il y a eu beaucoup de choses mêlées. Et puis finalement, j'ai réussi à le retourner en me disant que c'est une preuve de l'amour que mon mari et moi avons l'un pour l'autre. Et qu'effectivement, on est des animaux, on est des mammifères et qu'on est le stérilé. Tous les moyens de contraception, il n'y en a aucun qui n'est pas fiable à 100%, sauf s'il y a abstention. Et que ça fait partie de la vie, du cycle de la vie. Donc j'ai finalement réussi à m'apaiser en me disant que ça représente la force de l'amour. Et peut-être même encore plus. plus fort que mes deux autres enfants, où là, après une fausse couche, j'avais tellement ce désir de grossesse que j'ai appris à connaître un peu les signes au niveau de mon corps, sur la glaire cervicale, la période d'ovulation. Donc les câlins étaient un peu, pas tout le temps, mais souvent à tel moment propice parce que je voulais à tout près un enfant, alors que là, pour le coup, on ne voulait pas d'enfant. Donc finalement, c'était une vraie grossesse de l'amour. Donc voilà, je suis passée par toutes ces émotions mêlées en très très peu de temps. de temps.

  • Speaker #0

    Toi, du coup, tu l'as vécu comme une grossesse de l'amour et pas un simple fait biologique.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je pense que c'est le fait d'avoir déjà eu des enfants, d'avoir ma fille aussi qui aurait rêvé d'être grande sœur, qui a fait que, effectivement, directement, je l'ai considéré comme un bébé, en fait. Et dans mes notes, effectivement, j'ai relu mes notes, je parlais de lui en disant mon bébé même si intellectuel. Je savais très bien que c'était tellement petit que quand on a été à l'hôpital, on ne le voyait même pas l'embryon. J'ai fait un test de grossesse qui était positif. J'ai dû y retourner plusieurs fois pour voir qu'effectivement, la grossesse était évolutive. Mais c'était tellement récent qu'on ne voyait rien à l'échographie. Mais comme la gynécomatie, de toute façon, vous le savez, vous le savez, ça fait la quatrième grossesse, vous le sentez au fond de vous. Et c'est vrai que c'est... Oui, je ne voulais pas d'enfant, mais là, c'était... Je ne voulais pas l'idée d'un bébé. Là, ce n'était pas une idée. Il était là, implanté.

  • Speaker #0

    Et en fait, quand on t'a enlevé le stérilet, ce qui était attendu, c'était que tu fasses une fausse couche. Mais en réalité, le bébé, il a tenu.

  • Speaker #1

    Oui. En fait, c'était surprenant parce que lors de l'échographie, elle m'a dit Mais ce n'est pas possible que l'embryon soit à cet endroit-là. Parce qu'il est vraiment sur le stérilet. Donc, il n'y avait rien, un stérilet au cuivre. Donc aussi bien par le cuivre que par la position là où il est, il n'aurait jamais dû être là. Et elle me dit, mais là, si vous pensez poursuivre une grossesse, on peut conserver le stérilet et essayer de voir si ça fonctionne. Et je lui ai dit que non, je lui ai demandé de le retirer. Elle dit, mais là, vous risquez la fausse couche dans les deux prochains jours. Sauf qu'en fait, effectivement, il n'y a pas eu de fausse couche et il s'est accroché, il a grossi.

  • Speaker #0

    Et il s'est accroché, il a grossi et il a fallu faire justement ce douloureux choix de l'avortement. Comment ton mari a réagi à cette situation ? Est-ce que vous avez pu être ensemble pour prendre cette décision ?

  • Speaker #1

    Oui, on a pu en parler. À ce moment-là, moi j'avais vu une neuropsychologue qui m'avait diagnostiqué un trouble anxieux généralisé. où en fait là l'essentiel c'était de prendre soin de moi et mon mari qui est médecin m'a dit tu sais dans un cas pareil quand il faut choisir entre une maman et un bébé on choisit toujours la maman Et là, physiquement, émotionnellement, psychiquement, tu as besoin de te reconstruire toi. Donc ça a été son discours de médecin un peu détaché, mais je pense que c'était son moyen de protection, parce qu'il voyait à quel point j'en souffrais. Et puis après, on a eu aussi des dialogues drôles. En deux secondes, je me fais des films. Alors attends, du coup, la chambre, comment on va faire ? On va faire un étage, et puis pour l'école, et puis la nounou. Et puis mon mari qui dit, ouais, et puis on va l'appeler Arnold aussi, comme Arnold Schwarzenegger, parce que je suis fort quand même, tu te rends compte ? T'arrives à être tombée enceinte alors que le stérilet, c'est vraiment qu'on s'aime super fort. Donc il y a eu un mélange du côté médical. Il faut prendre soin de la maman parce qu'en ce moment, tu vis quelque chose, tu es déjà en fragilité. Et puis il y a eu l'humour. qui permettait aussi de dédramatiser, de soulager. Et il a été présent le jour où j'étais à l'hôpital, parce que l'avortement c'est en deux temps. Un premier temps où il y a un cachet à prendre en présence d'un médecin, et il faut signer aussi le formulaire de consentement. Et il y a un deuxième temps, quelques jours après, où là il faut prendre le cachet à la maison, et l'avortement a lieu à la maison, comme je l'ai lu tout à l'heure dans les toilettes. Et il était présent. Alors ça m'a fait énormément de bien parce qu'effectivement c'était à deux. Et ce qui m'a fait, ce qui a été douloureux pour moi, c'est que quand tu signes le texte qui dit qu'effectivement tu acceptes l'apportement, etc. En fait, il n'y a que toi qui le signes. Et comme mon mari m'a dit, c'est normal en fait, c'est ton corps. Et si tu avais décidé de le garder, on l'aurait gardé. Si tu veux... C'est toi qui choisis en fait et c'est important que ça soit toi. Sauf que moi, psychologiquement, si on avait été deux assignés, ça m'aurait permis de dire que c'est vraiment une décision de couple. Alors je sais, voilà, il y avait toujours cette dualité en moi, entre d'un côté mon cœur de maman qui saignait, et puis l'aspect rationnel en disant, oui, je comprends très bien, c'est le corps d'une femme, une femme fait ce qu'elle veut de son corps, c'est elle qui choisit au final. Mais c'est vrai que ça m'aurait aidée. Mais le fait déjà qu'il soit présent, c'était très bien, parce qu'ensuite, c'est lui qui a pu parler de contraception, qui a posé les questions à la gynéco. Bon, du coup, concrètement, comment ça se passe ? Donc, c'est très précieux d'avoir son homme à ses côtés quand ça arrive.

  • Speaker #0

    Et le fait que ta fille, elle est quand même un esprit un peu mystique. Elle a découvert à quelques jours de grossesse que tu étais enceinte. Ça, c'est vraiment la force des enfants. Toutes leurs antennes sont bien connectées. Est-ce qu'à ta fille, tu lui en as parlé, justement, de ce qui s'est passé ? Est-ce que tu lui as dit qu'en effet, elle avait eu raison, il y a bien eu un bébé qui s'était installé dans ton ventre ?

  • Speaker #1

    Alors ça, je lui en ai parlé. Et à mon fils aussi, ils ont trois ans d'écart. Donc, elle avait cinq ans et demi, lui avait huit ans et demi. Je leur en ai parlé le samedi, après avoir pris le deuxième cachet. C'est-à-dire que quand je savais que de toute façon je ne pourrais pas revenir en arrière, parce que je crois que j'avais trop peur de ce qui concerne ma décision en fait. Il fallait vraiment que ça soit très clair pour moi dans ma tête, mais une partie dans mon corps aussi. Et donc effectivement j'ai pris le temps de leur expliquer, de leur dire qu'avec leur papa on s'aimait extrêmement fort, que notre canin d'amoureux a fait un bébé, qu'elle avait effectivement raison, elle l'avait senti. et qu'on avait décidé de ne pas poursuivre cette grossesse parce qu'en ce moment, j'avais besoin de prendre soin de moi, de ma santé. Et ça a été un gros déchirement pour elle. Elle a énormément pleuré parce qu'elle souhaitait tellement être grande sœur. Et ça, ça a été très très dur pour moi à l'entendre me dire ces paroles que je comprenais. En même temps, je me sentais responsable, mais je ne me voyais pas. élever à nouveau un enfant de manière aussi intense que je l'ai fait avec les deux autres, c'est à dire un allaitement long, le portage, le cododo. Et donc ça, pour ma fille, ça a été très dur. Et heureusement, il y a mon fils qui a eu cette prise de recul qui lui m'a aidé en me disant mais maman, quand à un moment plusieurs personnes m'ont dit que c'était le bon choix, je me suis dit ah, donc ils n'avaient pas confiance en moi en fait. Je l'ai un peu mal pris. Je me suis dit ils n'avaient pas confiance en moi, je n'aurais pas été une bonne mère. Parce que je me jugeais déjà en me disant, je ne suis pas capable de prendre soin de mon bébé parce que j'avorte, je suis une mauvaise mère. Grosse, grosse, grosse culpabilité. Et mon fils m'a dit, mais c'est l'inverse maman, tu aurais tellement pris soin de lui, mais toi, qui aurait pris soin de toi ? Comment tu aurais fait ? Et avoir cet écho de mes deux enfants, ça m'a permis d'accepter la peine de ma fille. Mais effectivement, elle a le droit d'en souffrir, d'éprouver de la peine. Mais mon fils me rappelle qu'en fait... Pour le bien-être de toute la famille, ils avaient besoin d'une maman forte. Et je pense que ça aurait été compliqué de l'être avec un troisième enfant.

  • Speaker #0

    Ça me touche beaucoup le fait que tu leur en auras... J'ai rien rêvé. Ça me touche le fait que tu en aies parlé avec tes enfants. Parce que moi, je suis vraiment partisane du fait de nommer les choses avec les petits qui sont justement dans des ressentis tellement forts que ne pas leur dire les choses, c'est être dans le secret. Je suis assez persuadée que le secret n'est pas bon. pour son développement. Mais en même temps, il y a quelque chose qui me fait vraiment quelque chose, si je me mets deux secondes à réfléchir dans l'empathie de ta fille, à imaginer en effet qu'une petite fille de 5 ans et demi, tout d'un coup, avec sa compréhension de petite, imagine que ce bébé qui est logé dans ton ventre va finir par ne jamais exister.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. Mais tu vois, là, j'ai... Les choses qui me viennent, comme tu dis, c'est que je ne voulais pas qu'il y ait de secret. Je voulais aussi qu'ils m'ont vu. Quand tu avortes, tu te vides de ton sang. Au niveau de la tension, elle baisse énormément. C'est une fatigue physique intense. Émotionnellement, c'est très très dur. Donc du coup, pas de secret, j'avais envie de le dire. Et puis, il y avait deux choses aussi qui m'ont fait leur dire. La première, c'est que j'avais envie de valider son ressenti. Elle a senti que j'étais enceinte et en fait, elle a eu raison. Et on a été tellement, enfin moi en tout cas, j'ai été tellement élevée, tu sais, où il ne faut pas montrer ses émotions. Une famille d'Italiens, tu gardes tout pour toi, t'es fort, etc. Que là, j'avais envie de lui valider ce que moi, on n'a pas validé en moi quand j'étais petite fille. C'était un moyen de réparer en fait et de lui dire que ce qu'elle a ressenti était vrai, était légitime. Mais j'ai fait un choix. qu'elle n'aurait pas fait, mais mon choix était celui-là. Mais elle a ressenti des choses et c'est formidable qu'elle ait cette intuition. Et puis la deuxième chose aussi, c'est qu'on est des modèles pour nos enfants. Et je voulais leur montrer aussi que si un jour, que ce soit mon fils ou ma fille, étaient confrontés à ce choix, en fait on peut, souvent quand on parle d'avortement, on parle d'avortement. On peut parler par exemple des personnes qui ont été violées, qui ont subi des actes de violence, ou que le compagnon est parti, ou des choses vraiment difficiles, comme pour justifier ce choix. Et là où j'ai ressenti, je pense, de la honte et de la culpabilité, c'est qu'avec mon mari, ça fait 12 ans qu'on est mariés, on a un couple stable, on a nos deux enfants, un métier stable, on a une maison. En fait, il y aurait tout ce qu'il aurait pu faire. qu'on le garde ce bébé. Et pourtant, on a pris cette décision de ne pas le garder, et c'est notre choix. Il est aussi légitime que le fait de le garder ou de ne pas le garder, et peu importe les raisons, en fait. C'est le couple qui décide. Et ça, tu vois, j'avais envie qu'ils en aient conscience si jamais ça leur arrive pour d'autres choses, que c'est... C'est pas parce que c'est douloureux que c'est le mauvais choix et qui... Enfin voilà, si ça leur arrive, qu'ils puissent m'en parler, qu'ils puissent parler de tout. Pour moi, c'est le primordial.

  • Speaker #0

    Tu évoquais hors antenne, et on le ressent aussi des fois, là dans ton discours, un peu cette ambivalence, ces émotions contradictoires que tu as pu ressentir, dans le sens que oui, c'était un choix qui était assumé, et en même temps, ça n'a pas du tout empêché toute la souffrance que ça génère d'avoir perdu ce bébé. En tout cas, toi, tu l'appelles comme un bébé, et non pas un foetus, donc je reprends tes mots. Comment tu arrives à concilier ces émotions qui sont un peu contradictoires et ambivalentes dans un quotidien ?

  • Speaker #1

    Alors je me dis qu'il y a mon côté rationnel qui dit qu'effectivement c'était un fœtus, un amas de cellules et qu'effectivement le stérilet c'est un moyen de contraception qui n'a pas fonctionné et j'ai fait ce choix-là. D'un autre côté, il y a la sphère émotionnelle qui est vraiment dans mes entrailles les plus profondes de mer. Tu vois, la femme, la mer sacrée dans son ventre, où là, ça a été une très, très grande souffrance pendant de nombreux mois, parce qu'il me manquait une partie de moi. Pour moi, je l'ai vécu comme ça. Il me manquait une partie de moi-même. Et donc, régulièrement, c'était juste de pouvoir m'apporter de la douceur quand je ressentais ça viscéralement. De dire... évidemment que tu souffres, évidemment que dans ta tête, toi qui a déjà porté la vie trois fois, qui a allaité tes enfants longtemps, qui est très proche d'eux, évidemment que ça te fait souffrir, évidemment que ça te rend triste, et tu as le droit. Et puis après, quand il y a des moments où ça allait mieux, le côté rationnel me disait, Ah ben regarde, telle activité avec tes enfants, tu vois, avec un bébé, en fait, là, ça n'aurait pas été possible, ça aurait été compliqué. Donc voilà, je... En fait, cette ambigüence, je l'ai toujours en tête, mais juste me dire qu'il y a des moments, ça va plus d'un côté, d'autres moments, ça penche de l'autre. Et quand ça penche du côté souffrance, essayer, et c'est ce que ça m'a appris à m'apporter de la douceur et à me dire que c'est légitime d'avoir encore cette souffrance. Et j'ai le droit de ressentir ça.

  • Speaker #0

    Et comment on s'apporte de la douceur concrètement ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les autocalins. On peut se serrer soi-même dans les bras, j'ai appris ça il n'y a pas longtemps. C'est aussi sur le discours intérieur, la façon de se parler. J'avais un discours assez négatif et très jugeant, j'étais ma première juge. Et là, m'accorder le fait d'avoir le droit de ressentir ces émotions-là, déjà pour moi c'est une grande douceur. Et il y a une amie d'ailleurs, Julie, qui m'a offert un bracelet. Elle m'a dit, allez celui-là, je te le mets au poignet, c'est pour te rappeler chaque jour de te parler gentiment. Donc tu vois, un signe concret à revoir dans la journée régulièrement pour se rappeler ça.

  • Speaker #0

    Merci Julie.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, alors là c'est vrai que tu nommes cette amie-là, quand vous avez vécu cette expérience d'avortement, est-ce que vous aviez eu un soutien émotionnel à ce moment-là, que ce soit de la part des amis, de la famille ou de professionnels ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en fait, moi, il y a vraiment trois grandes choses qui m'ont aidée à traverser cette épreuve. La première, parce qu'en fait, je n'arrivais pas au départ à en parler. Comme je t'ai dit, c'était une grande honte. Pour moi, j'étais une mauvaise mère. Si j'abandonne mon bébé, il n'y a pas pire mère que ça. Donc, c'était difficile. Donc, la première chose, ma thérapie, ça a été l'écriture. Vraiment un exutoire, un moyen de libérer mes émotions. de mettre des mots sur ma douleur. Et en fait, c'est le fait d'écrire qui m'a fait prendre la décision. Et on en revient à ce que je disais tout à l'heure, que ton compagnon, ton mari, il peut te soutenir, t'accompagner. Mais en réalité, c'est ton corps, c'est bien toi qui prends la décision. Donc ça, c'est les mots que j'ai posés qui m'ont fait prendre conscience de la décision que j'avais au fond de moi. Parce que réellement, j'étais totalement perdue. Et j'aimerais te citer, il y a une citation que j'aime beaucoup de John Piper à ce sujet. étaler de l'encre sur une page, ça ouvre les yeux. On ne peut pas comprendre comment ça éclaire, mais on sait seulement qu'il y a des yeux dans les crayons et dans les stylos. Tu vois, c'est exactement ça, c'est l'écriture qui m'a permis de prendre la décision. Et une fois que la décision a été prise, à chaque fois qu'il y avait un tourment, des remises en question, l'écriture a continué à m'accompagner dans ce choix et à me soulager en fait. Donc ça a été déjà la première chose avant les personnes. Donc ensuite, effectivement, la deuxième chose qui m'a aidée, c'est le soutien bienveillant de mon entourage. Ma kiné, une kiné ostéo, Caroline, qui m'a dit, c'est elle qui a eu cette phrase, ce n'est pas parce que c'est douloureux que ce n'est pas le bon choix. Ça peut être le bon choix et quand même extrêmement douloureux. Et ça, ça a été... C'est suite à ça que j'ai fait un flot de pensées et où j'ai pris la décision de l'avortement. C'est de me dire que la décision est très dure, c'est extrêmement douloureux, mais c'est mon choix. Et le fait de savoir que ce n'était pas une remise en question du choix m'a fait prendre la décision et m'a fait un bien fou. Mon fils, comme je t'ai dit aussi, il échange avec lui, qui m'a dit évidemment que j'aurais pris soin du bébé, que je l'aurais allaité, porté, mais que moi-même je me serais épuisée. Et puis aussi, j'ai assisté à un cercle de femmes. Et il y avait la merveilleuse Joëlle qui a eu pour moi cette phrase qui m'a touchée en plein cœur. Elle m'a dit Ce n'est pas ton bébé que tu as abandonné, c'est toi-même que tu aurais abandonné en le gardant. Parce qu'elle connaissait mes antécédents. Et donc en fait, tu vois, c'est toutes ces phrases qui m'ont aidée à avancer et à accepter ma décision. Parce que j'ai une... Au niveau de ma mémoire, les mots c'est quelque chose d'important, l'écriture et le fait d'avoir eu ces phrases par des personnes en qui j'ai confiance et bienveillante, ça m'a guidée. Et la dernière chose qui m'a aidée...

  • Speaker #0

    Pour le contexte, ma sœur est tombée enceinte en même temps que moi, sans le savoir, parce qu'elle s'est à l'inverse. Elle avait des difficultés pour avoir un bébé. Ça a été extrêmement douloureux. Quand je voyais les échographies au début, dans ma tête, c'était ça aurait dû être le mien J'ai réussi à penser ensuite ça aurait pu être le mien En tout cas, toute sa grossesse, pour moi, psychologiquement, a été difficile. Au moment de la naissance aussi, ça a été très compliqué. Et puis ensuite, j'ai été voir, on habite à 300 kilomètres l'une de l'autre, quand j'ai été voir ma nièce, en fait, j'étais en mode, là, je vais pour ma sœur. Donc j'ai préparé à manger pour trois jours, je lui ai préparé plein de choses pour qu'elle ait rien à faire pour prendre soin d'elle. Je l'ai allaitée pour son allaitement parce que sa fille avait des difficultés à prendre le sein. Et on a vécu un moment de... Souvent on parle de sororité entre femmes qui ne se connaissent pas, mais là c'est carrément ma sœur, c'est vraiment le... terme très très proche toutes les deux avec son bébé là vraiment j'étais pour ma soeur et je me rappelle avoir écrit quelque chose comme le soir la veille j'avais le coeur en miettes et le soir après avoir vu ma soeur je me sens libérée et sereine et je l'ai revu quelques temps après et là c'est là où j'ai vraiment découvert ma nièce c'est à dire que la première fois je venais en fait je venais pour aider ma soeur Alors que là, réellement, j'ai fait la connaissance de ma nièce en toute sérénité et vraiment avec grand plaisir. Et pareil, dans les fameuses phrases des personnes qui aident, il y avait une amie qui m'a dit, c'était écrit qu'il devait y avoir un bébé dans votre famille en 2024. Et bien voilà, ce n'était pas le mien, c'était celui de ma sœur.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ta sœur, tu as pu lui confier le fait qu'il y avait ce processus qui était douloureux quelque part parce que vous êtes tombée enceinte au même moment ? Et que du coup, elle qui poursuivait sa grossesse et toi qui l'avais terminée, est-ce que tu as pu en parler avec elle ?

  • Speaker #0

    Alors c'est uniquement au moment de l'annonce. Elle me l'a annoncé sans mes enfants, sans mon mari, on n'était que toutes les deux. Parce qu'elle savait que pour moi ça serait très difficile. Et j'ai pleuré en la prenant. J'ai pleuré à la fois de joie et de... parce que j'allais être tata en fait. Et aussi un peu de tristesse en voyant l'échographie, en me disant que ça aurait pu être le mien de bébé. Et ça a été très bienveillant de sa part. Elle m'a dit qu'effectivement, elle ne savait pas trop comment me le dire et qu'elle n'osait pas devant les enfants parce qu'elle avait peur de la façon dont j'allais réagir. Et qu'ensuite, elle voulait qu'on en parle ensemble aux enfants, comment en parler à ma maman. Elle était vraiment... toute pour moi, toute bienveillance pour dire comment toi tu gères cette annonce, comment tu veux qu'on fasse. Et puis ensuite, par contre, on n'en a plus reparlé.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça a été extrêmement bienveillant. On voit beaucoup de situations, au final par exemple, de couples qui n'arrivent pas à avoir des bébés, et puis on leur annonce autour d'eux sans cesse des grossesses. Et en fait, c'est compliqué parce qu'il y a tellement... Une charge émotionnelle, on va dire hyper positive, autour de la grossesse et de la parentalité, qui est énormément à déconstruire selon moi. Je ne dis pas que ce ne sont pas des événements heureux, bien au contraire, mais que de mettre que du positivisme là-derrière, ce n'est peut-être pas non plus toujours très réaliste. Et en fait, je trouve ces situations parfois compliquées. quand justement on vit soit une période d'infertilité, soit une fausse couche, soit un avortement, de devoir presque automatiquement se positionner comme étant très heureux de recevoir ce genre d'annonce de grossesse. Parce que dans notre chair, ça peut résonner autrement.

  • Speaker #0

    Oui, exactement. Alors pour ma sœur, j'ai eu l'ambivalence. Parce que je pensais qu'elle ne voulait pas d'enfant. On en était arrivé à l'idée là. Et donc le fait qu'elle m'annonce cette grossesse, vraiment, ça a été une joie immense. Parce qu'en gros, j'avais fait le deuil de ne jamais être tata un jour. Parce que mon mari est fils unique et moi, je n'ai que ma sœur. Donc du coup, réellement, j'ai vraiment une joie surprise immense. Et puis ensuite, il y a eu cette ambivalence par rapport à l'avortement. En revanche, quand une amie nous a annoncé sa grossesse un samedi, une semaine après l'avortement, là effectivement, j'ai pas réussi à... J'avais un masque, mais je n'ai pas réussi à réellement me réjouir parce que c'était très dur pour moi. Et puis ce qui était dur, je pense que le plus dur, ce n'était pas d'apprendre les grossesses des autres personnes autour de moi, c'était de ne pas pouvoir en parler parce que je n'osais pas. Je m'étais dit, elle m'annonce sa grossesse, je me vois mal lui dire, moi il y a une semaine j'ai avorté. Pareil pour une autre amie qui avait une petite fille et je ne me voyais pas lui dire ça. J'avais mis un masque, mais sachant qu'à ces deux amis, j'ai finalement réussi par leur dire, là il y a peu de temps, le chemin est long, mais j'ai réussi à leur dire. En fait, elles étaient attristées pour moi de ne pas pouvoir m'accompagner à ce moment-là, en me disant que l'amitié, elles auraient pu être là. Mais c'est vrai que c'était tellement douloureux pour moi, que je sentais que pour moi, c'était déplacé de leur en parler, alors qu'elles, elles portaient la vie en fait.

  • Speaker #1

    Oui. Quelque part c'est assez joli parce que je trouve que tu t'offres une réparation. C'est à dire que tu t'es quand même réjouie pour elle sur le moment même s'il y avait du masque à ce moment là mais tu leur as permis d'exprimer cette joie parce qu'il y a cette joie aussi qui est un bonheur à vivre quelque part pour elle et en même temps tu t'es offert la réparation de pouvoir en reparler avec elle et de pouvoir t'offrir cet espace que tu n'as pas eu au moment où elles annonçaient leur grossesse.

  • Speaker #0

    Exact. Je ne l'avais pas vu comme ça, une réparation. Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Tu m'avais évoqué le manque d'un rituel autour de ce deuil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si tu pouvais aujourd'hui créer un rituel qui t'aiderait, tu penses qu'il ressemblerait à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est... Je me demande si ça ne serait pas encore une fois en passant par l'écriture, en lui rédigeant une lettre, et peut-être en la brûlant dans le jardin, ou quelque chose entre l'écriture et la nature, quelque chose comme ça. Mais qu'effectivement, je n'ai toujours pas fait, parce que...

  • Speaker #1

    Tu sens que ce rituel, c'est quelque chose auquel tu vas accorder un temps à un moment donné ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense qu'il y avait deux étapes que j'attendais. La première, c'était de revoir mon gynéco, parce que ce n'était pas lui qui s'était occupé de l'avortement. Je l'ai vu il y a quelques semaines. Le fait de lui en parler, tout ça déjà, c'était important pour moi. Et le fait d'avoir cet enregistrement de podcast à tes côtés, pile un an, après ce qui s'est passé dans ma tête c'était une façon d'ouvrir un nouveau chapitre qui est non plus dans la souffrance mais vraiment dans la résilience et peut-être qu'en finissant notre échange toutes les deux effectivement faudrait que je le fasse maintenant pour vraiment clôturer ce chapitre et m'en libérer réellement oui donc je pense à écrire une lettre

  • Speaker #1

    En début d'interview tu disais que hum tu t'arrivais pas à te projeter à nouveau dans la parentalité avec l'allaitement long, le cododo, le portage quasi permanent. Est-ce que tu appellerais ça aujourd'hui ce qu'on appelle le maternage proximal ?

  • Speaker #0

    Exactement oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? Parce qu'il n'y a pas forcément beaucoup de gens qui connaissent ce terme là ou ce concept.

  • Speaker #0

    Alors Le maternage proximal, je dirais qu'en gros, il y a d'un côté la société de consommation qui nous vend plein d'objets gadgets en nous faisant croire que c'est le mieux pour un enfant, parce que le but c'est de faire de l'argent. Et le maternage proximal, c'est de réaliser que le meilleur à apporter à un enfant, surtout un tout petit, c'est juste sa présence, ses bras, être contre sa maman, contre son papa en pot à pot, en portage. pouvoir le nourrir. Alors pour l'allaitement, j'ai eu cette chance d'être extrêmement déterminée et très très bien entourée, parce que c'est vraiment difficile. Et je comprends aujourd'hui en France que beaucoup de femmes n'y arrivent pas, avec tous les discours qu'on a. Donc je ne leur jette vraiment pas la pierre, je sais que c'est un parcours du combattant, ça peut être vraiment difficile. Donc ça, c'est prendre... En fait, c'est vraiment se faire avec son bébé, c'est-à-dire le découvrir comme vraiment une personne un petit peu apparente, cher, voire... En fait, un bébé n'est pas un autre. J'ai deux enfants. Ce n'est pas parce que je les ai allaités tous les deux qu'ils ont la même personnalité. Ce n'est pas parce que j'ai fait ça, la motricité libre, que tous les deux ont telle façon de voir les choses. C'est accueillir l'enfant comme une fleur et puis essayer que tout autour, le terreau soit le meilleur possible pour lui.

  • Speaker #1

    Le capitalisme, il n'est pas hyper en phase avec le martyre. le maternage proximal, on est bien d'accord.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vu une étude sortie par la Lecce League, comme quoi l'allaitement, ça équivalait à 1800 heures de travail par année. Et je crois qu'en France, 100%, c'est 1650 heures. Sachant que dans l'allaitement, il n'y a pas les vacances et les soirées de libre, enfin voilà.

  • Speaker #0

    Et les nuits aussi.

  • Speaker #1

    Et je trouve vraiment, tout ça me questionne beaucoup aussi parce que c'est une période que je vis actuellement. Ce fait où tout d'un coup on parle de maternage proximal, tout d'un coup on invente un concept que je trouve tout à fait honorable. Simplement parce qu'on est dans un monde qui est tellement à l'inverse de ça. C'est-à-dire qu'au bout de trois nuits, on te demande si ton bébé fait ses nuits. parce que plus vite il fera ses nuits, plus vite tu pourras aller retourner travailler. Donc c'est bien, tu retourneras dans cette société-là. On est tout le temps à favoriser l'autonomie du bébé, à ce qu'il ne soit pas porté, à ce qu'il ne soit pas rassuré. Et du coup, j'ai l'impression que tout ça fait qu'on doit revenir à un concept qui s'appelle justement ce maternage proximal, alors que quelque part, simplement... Être contre son bébé, lui donner à manger, le rassurer la nuit, ça semblerait être quelque chose d'assez banal et évident, non ?

  • Speaker #0

    Oui, exact. On en arrive à ça, oui, effectivement. C'est la norme naturelle parce qu'en fait, avant tout, ce que je disais au début, c'est qu'on est des mammifères. On est faits pour porter la vie, qu'on a des mamelles, c'est-à-dire des seins, pour leur donner... notre lait, et puis c'est pas que de nez du lait, c'est une relation d'amour, ça crée une sécurité intérieure énorme pour l'enfant. Et je vais continuer, si tu veux bien, dans mes citations, il y en a une que j'aime beaucoup, par Alice Trépanier, doctorante en psychologie et consultante périnatale, qui a écrit Il est dans la nature de l'enfant d'être dépendant. Il est dans la nature de cette dépendance de passer avec l'âge. En vouloir à cette dépendance parce qu'elle n'est pas encore devenue indépendance, c'est comme en vouloir à l'hiver parce qu'il n'est pas encore devenu printemps. La dépendance se transforme en indépendance à son propre rythme.

  • Speaker #1

    Merci, décidément tu as des citations pour tous les sujets. Est-ce que justement si tu n'avais pas été dans ce type de maternage dit proximal, tu penses que tu aurais pu garder ce bébé ?

  • Speaker #0

    Si c'était... Je me vois tellement pas faire autrement parce que ça fait partie de moi. J'ai l'impression que ça me définit en fait en tant que maman. Mon fils a été très dur parce que l'allaitement, je me suis pris plein de réflexions, etc. Ça a été compliqué. Alors que pour ma fille, je me rappelle que c'était... Vraiment, je sais pas faire autrement.

  • Speaker #1

    j'ai jamais donné de biberon de ma vie en fait donc je sais pas faire donc je ça serait pas moi je rappelle que tu avais aussi des réflexions un peu sur la société et la contraception parce que tu me disais que tu trouvais pas ok au final que la contraception ce soit quelque chose qui soit uniquement gérée par les femmes moi je rajouterais personnellement qu'en plus de ça les donc les femmes sont fertiles une petite période dans le mois alors que les actes Tout le temps ? Hein ? C'est quoi ton regard là autour ?

  • Speaker #0

    Alors déjà par rapport aux rendez-vous gynéco, donc aux urgences par rapport à l'avortement, moi ce qui m'avait un petit peu... Alors la gynéco a été très douce, très bienveillante et vraiment je la remercie vraiment beaucoup. Néanmoins il y a quelque chose qui m'a un peu titillée, c'est que quand mon mari a posé la question de la contraception, Donc elle a parlé de ligature des trompes, elle a parlé de pilules. Mais c'est mon mari qui a parlé de vasectomie. Et là je me dis mais... J'aurais bien aimé qu'elle le dise elle en fait, en tant que médecin. Donc là, ça m'avait un petit peu embêtée. Et après, mon mari a connu des ennuis de santé, donc la vasectomie, ce n'était plus possible pour lui. Et je pense que je serais devenue folle, parce que j'avais réellement peur de revivre ça, une nouvelle grossesse, un avartement. Et donc, j'ai pris la décision d'une ligature des trompes. Et ça répond à ta question, parce qu'en fait, je le vois de deux façons. Au début, je ressentais une colère immense contre le patriarcat, parce que j'ai eu quand même quatre grossesses, c'est moi qui les ai portées, c'est moi qui les ai allaitées, c'est moi qui ai accouché. Et à un moment, c'est au bonhomme à prendre aussi leur part des choses. Et là, vraiment une colère contre le système patriarcal, qui fait que même là, c'est encore les femmes. Une femme, quand même, une ligature des trompes, c'est une anesthésie générale, c'est pas rien. Un homme en 10 minutes c'est fait, c'est une anesthésie locale, on coupe et c'est fini tu vois. Donc ça, une grosse grosse colère. Et puis après, j'ai fini par trouver de l'apaisement en renversant ça, en me disant finalement, il y a quand même des pays où en gros on vend des femmes contre des chameaux, où on met un prix sur les femmes. Et là en fait, oulala, je suis stérile. Donc aux yeux de certains hommes de la société, je ne vaudrais plus rien. Et finalement, peut-être que je peux prendre cette ligature comme un acte militant, en disant j'ai pris la décision de ne plus pouvoir être mère, de ne plus pouvoir porter la vie, et ça ne fait pas pour autant de moi une sous-femme ou autre chose, je reste une femme Donc tu vois, j'ai eu ce travail-là qui m'a permis de l'accepter, alors qu'au départ il y avait une grande colère.

  • Speaker #1

    Et comment cette grossesse, cet avortement et ensuite cette ligature des trompes ? Elles ont affecté ton trouble anxieux généralisé et ta vie en général ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, dès que je voyais une femme enceinte, en fait, je le sentais, c'était dans mon ventre, dans mes entrailles, où c'était très très dur. Il y a eu beaucoup de pleurs, beaucoup de... À aucun moment, en fait, je n'ai regretté mon choix. Parce que réellement, je savais au fond de moi que c'était le bon, mais le fait d'être en contact avec des personnes enceintes, c'était quelque chose de très difficile. Ça, c'est directement par rapport à des femmes enceintes, de côté négatif, c'est-à-dire que les émotions ressortaient de manière démultipliée, de façon très fréquente. Et à l'inverse, parce qu'il y a toujours le... Il y a l'ombre noire, mais il y a l'ombre blanche. Le côté positif, c'est que je suis prof, moi, dans un collège. Et à un moment donné, on a été amené à parler d'avortement avec mes élèves. Et tu vois, là, j'étais chère de pouvoir... Parce qu'il y a eu, comme je disais au début, il y a eu plein d'arguments, tu sais, sur une femme, par exemple, qui se fait violer, ou une femme qui se retrouve seule avec quatre enfants, la cinquième grossesse. Tu vois, en gros, à chaque fois, c'était toujours les cas extrêmes. Et tout le monde disait, bah oui, c'est normal. Et là, j'ai pu, alors évidemment, je leur ai pas dit que c'était mon cas, mais j'ai pu leur apporter des nuances en leur expliquant que même si en fait elle est en couple et tout se passe bien, même si elle a déjà des enfants, même si c'était son choix, et juste en fait on n'a pas questionné son choix et c'est elle qui décide. Et donc tu vois, le fait de l'avoir vécu, ça m'a permis de plus être dans les extrêmes. En parlant de ce qui se passe parfois aux États-Unis, tu sais, des femmes par exemple qui n'ont pas le droit d'avorter, il y en a une, elle s'est retrouvée avec un bébé, on lui a dit que ce bébé allait mourir peu de temps après la naissance. Elle a dû le porter les neuf mois et deux jours après la naissance, il est décédé. Tu vois, ça c'est des cas extrêmes qui choquent. Et en fait, j'avais aussi, vis-à-vis de mes élèves, par respect pour eux et pour toutes ces femmes qui le vivent, leur apporter cette nuance-là, que ça peut être une décision. sans que ça soit ce genre de cas.

  • Speaker #1

    Et en plus de cette transmission que tu as faite auprès de tes élèves, est-ce que tu souhaites à plus grande échelle sensibiliser autour des maladies et des traumatismes qui sont invisibilisés ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que vraiment, moi j'avais l'impression, comme je t'ai dit, l'essentiel est invisible pour les yeux. Le fait que ma fille l'ait vue. Alors que c'est... Enfin, on ne le voyait pas, trois semaines de grossesse, personne ne le voit. Ma fille l'a vu, mais en fait, la souffrance viscérale, la souffrance émotionnelle, elle peut être... c'est pour mon cas il ya d'autres femmes pour qui ça ne l'est pas mais en tout cas elle peut être extrêmement forte et j'aimerais pouvoir lui sensibiliser les personnes à la fois ceux qui ne traversent pas ça pour pouvoir peut-être comprendre la souffrance d'une femme qui avorte en se disant mais ce n'est pas parce que c'est son choix que c'est facile pour elle et que tourner la page est facile et puis aussi dire à ces femmes qui sont face à ce choix que ce n'est pas parce qu'elle Ce n'est pas parce qu'elle ressent une souffrance intense que c'est le mauvais choix en fait. Ça peut être le bon choix tout en étant douloureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que là on parle beaucoup aussi de la douleur que ça peut générer, mais de manière un peu plus globale, j'ai quand même envie qu'on puisse transmettre qu'il est possible de ne pas en souffrir. Et ça c'est une réalité aussi et je pense qu'il ne faut pas culpabiliser si on ne souffre pas d'avoir un fait. Et je sais très bien que ce n'est pas du tout ce que tu es en train de faire, mais je tiens à le dire quand même, parce que moi, je fais partie des personnes qui ont avorté et pour qui ça n'a pas été une souffrance. Et ça ne l'a jamais été, maintenant, je peux le dire, parce que ça fait presque 10 ans. Et même, il n'y a pas eu d'effet rebond par rapport à ça, alors que la fausse couche que j'ai vécue, alors que c'était un bébé qui était vraiment désiré, j'en ai extrêmement souffert. Et encore maintenant, c'est quelque chose qui vient parfois me rattraper. Donc voilà, c'est vrai que là, on parle de... de toute cette douleur que ça a suscité, des émotions que ça a généré chez toi, mais il est possible aussi, je sais pas si toi aussi tu as rencontré des personnes qui n'avaient pas souffert d'avoir d'avoir pris cette décision là.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est ma médecin généraliste qui m'a parlé d'une de ses patientes qui lui avait dit ah non mais là l'avortement tel jour machin et c'est bon lundi je retourne au travail. Elle m'avait dit mais vous êtes sûr vous savez que c'est dur c'est éprouvant, elle dit ah non mais attendez En France, on a cette chance extraordinaire de pouvoir le faire. Donc, non, c'est bon, moi, je passe à autre chose, tac, c'est fini. Effectivement, pour elle, elle passe à autre chose. Et c'est vrai que je me suis aussi rappelé ça dans mes moments de souffrance, qu'en fait, c'est un droit que certaines femmes n'ont pas dans certains pays, qu'en France, on n'a eu que très tardivement, et qu'en fait, c'est une chance extraordinaire. Et oui, j'ai tout à fait conscience que pour des femmes, elles peuvent ne pas en souffrir. Juste, ça fait partie, c'est une étape dans leur vie de femme. et que c'est facile de passer à autre chose. J'en ai tout à fait conscience.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu aurais des outils ou des conseils ou des choses qui pourraient faire partie de la petite boîte à outils d'autres femmes qui vivent ces expériences similaires ? Je dis exprès femmes et non pas couples, parce que là, c'est vraiment ton témoignage en tant que femme qui me touche. Donc voilà, la question, c'est est-ce que tu aurais des choses à partager pour mieux traverser cette période ?

  • Speaker #0

    Alors, comme je l'ai dit, l'écriture. pour celles qui arrivent à poser des mots. Et après, vraiment, je pense que le primordial, c'est l'entourage bienveillant, de réussir à s'entourer des bonnes personnes. Et en fait, c'est important de... Je pense que dans les situations comme ça difficiles, ne plus s'embêter des politesses, de faire des choses parce qu'il faudrait le faire. Mais vraiment... les personnes qu'on ressent au plus profond de soi, on sent qu'il y a quelque chose qui passe, qui est fluide. Et puis savoir que ça peut être très varié, ça peut être des professionnels de santé, tu vois là je t'ai parlé par exemple de ma kiné, et en fait c'est elle qui a eu une des phrases décisives, ça n'a pas été la gynéco, donc ça peut être, peu importe en fait, mais je pense que pouvoir en parler en des gens de confiance, déjà ça permet d'avancer sur ce chemin.

  • Speaker #1

    Et j'ai souvenir que tu faisais aussi un peu de danse et un peu de checking.

  • Speaker #0

    Ah oui, c'est vrai. Oui, parce que j'ai lu un bouquin sur les... Ah, je ne sais plus les références, les femmes qui font des burn-out. Et en fait, ce qu'elle expliquait effectivement, c'est que quand on vit un stress intense, il faut que ça sorte physiquement par le corps. Et il y a une vidéo qui circule sur YouTube, elle est excellente. On voit une... Je ne sais plus si c'est une gazelle ou une antilope, mais en tout cas, bref, c'est...... un animal ruminant de la savane qui a été poursuivi par un prédateur. Et en fait, ce qui se passe, c'est que quand on est face à un danger, il y a trois façons de réagir. Soit on attaque, là en l'occurrence, face à une lionne, la gazelle va éviter, c'est mal parti, donc elle laisse tomber. Soit on fuit. Donc elle a essayé, elle a couru très vite avec ses pattes, mais pareil, ça n'a pas marché. Et la solution extrême, c'est de faire le mort. Et là, elle ne bougeait absolument plus. Le félin qui l'a poursuivi est parti. Alors, est-ce qu'il est parti parce qu'il croyait que ça ne lui allait plus ? Ou est-ce que, je ne sais pas, peut-être qu'il a été prendre ses petits ? J'en sais rien, mais en tout cas, il est parti parce que, réellement, son rythme cardiaque s'est presque arrêté. Physiologiquement, en tout cas, le corps faisait le mort. En fait, ce qui s'est passé après le départ du prédateur, c'est que cet animal, qui était la proie, s'est mis à... à trembler de tous ses mains, mais à trembler extrêmement fort, très très très très fort, très très fort. Et ensuite, il s'est relevé et pof, il s'est remis à faire des sauts comme si de rien n'était. Et en fait, comme si de rien n'était, c'est parce que son corps avait compris que c'est bon. Le stress a été évacué par le corps grâce aux mouvements et que du coup, là, c'était bon. En fait, il pouvait passer à autre chose. Et des fois, on le remarque aussi pour les jeunes enfants. Quand les jeunes enfants, des fois, ils font des crises très très fortes, Et puis tout d'un coup, paf, il se relève et puis, Ah, en fait, maman, des fois les adultes, ils sont un petit peu déstabilisés. Alors, comme si de rien n'était. Souvent, c'est la réplique. En fait, si c'est comme si de rien n'était, ça veut dire qu'il a réussi à évacuer le stress par son corps et que du coup, il n'y aura pas de trauma et qu'il peut passer à autre chose. Donc du coup, effectivement, une autre source pour surmonter n'importe quelle épreuve, n'importe quel état de stress, c'est le mouvement. Donc ça peut être en faisant du sport, ça peut être le shaking, c'est-à-dire se secouer fortement en commençant par les mains, les pieds, tout le corps. Ça peut être de danser, la marche aussi, aller dehors, respirer, marcher. Tout ça, c'est extrêmement puissant. Et en fait, ça permet au corps de réaliser que c'est bon là, le stress, il est retombé. Parce qu'en fait, si on ne le dit que mentalement, si c'est uniquement Ah c'est bon, ne t'inquiète pas, le danger il est passé euh... Ouais non le cerveau il dit non non mais attends là, attends, non non il y a eu autre chose, il y a eu un truc qui s'est passé, et c'est là où on a les ruminations, du coup on dort pas etc. Donc quand on a quelque chose, une grosse source de stress, quand on a un trauma, c'est le corps qui permet de l'évacuer.

  • Speaker #1

    La référence du livre que tu mentionnes c'est Pourquoi les femmes font des burn-out d'Emily et Amelia Nagoski. Et c'est vrai que je trouve hyper intéressant ce que tu dis par rapport au checking. Parce que c'est quelque chose qui au final l'être humain fait relativement peu, souvent dans les réactions du système nerveux face aux dangers, il va y avoir le freezing, donc vraiment le fait de ne plus bouger. Chez l'être humain c'est un peu notre manière de faire le mort aussi quelque part, et en fait de garder tout ça complètement figé à l'intérieur de nous, et on va vraiment complètement se figer, et ça pendant des semaines, des mois, voire des années, et les traumas vont rester complètement à l'intérieur. Et en fait, je trouve super ce que tu proposes dans cette remise en mouvement, qui est de faire comprendre au corps, parce que l'esprit ne comprend rien tant qu'on ne passe pas par le corps, de faire comprendre au corps et donc ensuite à l'esprit que le danger, il est éloigné.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. C'est ce qu'elles expliquent dans leur ouvrage. Et c'est extrêmement puissant, je trouve. Et même, ça peut être très simple. Ça peut juste être aller marcher, en fait. Juste, tu sors, tu vas dix minutes marcher. Si tu es au boulot et il y a une situation de crise, tu as le droit d'aller aux toilettes comme tout le monde. Tu vas aux toilettes et tu fais ton shaking. Je le fais aussi avec mes élèves. Quand ils ont des oraux, des fois, ils ont peur de passer devant tout le monde. Un petit coup de shaking et on y va. C'est bon. Ça rappelle au cerveau. Ne t'inquiète pas, tu es en sécurité. Parce que si tu peux danser, marcher ou faire du shaking, ça veut dire qu'il n'y a pas un prédateur. Il n'y a personne qui va te bouffer derrière. Ça envoie l'image au cerveau que tu n'inquiètes pas. Tu es en sécurité. Ça va aller.

  • Speaker #1

    C'est ça. Moi, Lison, j'arrive sur mes deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, à ce stade, tu as envie de rajouter quelque chose ? Non. Moi, j'aimerais savoir quel message tu aimerais faire passer aux personnes qui vivent cette expérience qui est invisibilisée de l'avortement.

  • Speaker #0

    Je dirais surtout de s'apporter de la douceur, d'apprendre à s'apporter de la douceur. Parce qu'on n'y peut rien, c'est pas de notre faute. Et c'est un choix qui est très difficile. On en parle peu, c'est assez tabou. Comme tu l'as dit, on parle toujours de la grossesse, c'est formidable. Et puis pareil, c'est une image... Tout est formidable, les enfants, c'est que du bonheur. Oui, non, il y a beaucoup de bonheur, mais il y a aussi beaucoup de remise en question, c'est très compliqué. Donc, oui, pouvoir s'apporter de la douceur et être bienveillant envers soi-même. Déjà, la première chose, c'est soi-même, vis-à-vis de soi-même, et réussir à s'entourer de personnes bienveillantes également.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage ?

  • Speaker #0

    Euh... De ne pas hésiter à poser des questions. Parce qu'en fait, je pense que le pire, c'est quand on ne demande pas. Du coup, on a l'impression de traverser cette épreuve seule et que les autres s'en fichent. Alors que très souvent, pour la plupart des gens, c'est juste qu'ils sont gênés, ils sont embêtés, ils ne savent pas comment aborder les choses. Donc, le fameux je plus émotion Je me sens gênée parce que je vois que tu n'es pas très bien. Est-ce que tu souhaites en parler ? ou je me sens un peu embêtée de parler de ce sujet est-ce que tu voudrais te changer les idées en faisant quelque chose ? mais revenir à je plus émotion. Et comme ça, la personne, en fait, elle sait qu'elle peut refuser, mais elle sait qu'en fait, elle est soutenue.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir cette expérience de vie t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'en ai deux. Le premier super pouvoir, c'est celui de prendre soin de moi. Parce que vraiment, ça m'a fait prendre conscience que la personne la plus importante pour moi, c'est moi-même. Parce que je resterai avec moi toute ma vie. Et donc du coup, je dois veiller à ma santé physique, émotionnelle et mentale. Et le deuxième pouvoir, c'est de cultiver la gratitude. Là, j'ai vraiment appris à apprécier pleinement tout ce que j'ai. Mes enfants en bonne santé, mon mari, une vie de famille équilibrée, un travail que j'adore, un projet de co-écriture qui est en train de prendre forme. Ces deux super pouvoirs, c'est ça, c'est prendre soin de moi et cultiver la gratitude.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Lison pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir accueillie sur ton podcast Tamara.

  • Speaker #2

    Avec joie. Merci beaucoup Tamara et Lison. Je reviens vers toi. Pour te donner quelques nouvelles, six mois après notre entretien, un an et demi après mon avortement, voilà un petit bilan pour te dire que récemment il y a eu les fêtes de Noël et c'est vrai que j'ai eu mon ventre qui s'est retourné en voyant ma nièce parce qu'en fait elle est née au moment où si j'avais gardé ce bébé, si cette grossesse avait été menée à terme. il serait né à la même période, et donc du coup, elle était âgée de l'âge que le bébé aurait pu avoir. Et du coup, cette douleur physique, assortie d'une souffrance émotionnelle, m'a fait prendre conscience de cette ambivalence que je porte en moi, cette ambivalence qui est à la fois cette idée de ça aurait pu j'aurais pu effectivement garder ce bébé, j'aurais pu être maman une troisième fois, mes enfants auraient pu être… grands frères et grandes sœurs. Et puis en même temps, heureusement que j'ai pris cette décision. Je suis toujours alignée avec cette décision parce que j'ai différents projets que j'ai menés depuis qui auraient été impossibles pour moi avec le maternage proximal que j'aurais créé pour ce bébé. Et je pense que ce que je retiens avec cet épisode de Noël, c'est que je pense que j'aurais espéré que ce serait possible Ne jamais plus ressentir ça, c'est-à-dire me dire ça y est, c'est bon, j'ai clôturé le chapitre, je passe à autre chose Et finalement, je me dis que cette ambivalence, elle fait partie de la vie, elle fait partie de moi. Et forcément, peut-être que certains moments de vie me feront penser à ce moment que j'ai vécu, à la fois avec douleur, à la fois avec alignement. Et c'est tout à fait normal, en fait, de ressentir les deux. Et le fait de m'accompagner, de me dire que c'est normal de ressentir les deux, et bien sûr que je ressens encore cette douleur, et bien sûr que je reste alignée avec mon choix, fait que je peux l'accepter de la façon la plus sereine possible. Le fait de pouvoir me dire que je peux compter sur moi-même pour m'accompagner, la prochaine fois où ça arrivera, car forcément, il y aura une autre fois où ça arrivera, mais je serai là. encore et toujours pour m'accompagner, m'aider et me soutenir moi-même dans cette décision qui a été difficile à prendre et pour laquelle je reste alignée encore aujourd'hui. Voilà. Et sinon, au niveau des projets, c'est que j'ai créé le fil rouge des émotions. Donc là, en six mois, j'ai créé le blog, le filrougedesémotions.com. J'ai créé ma première chaîne YouTube et je suis en train de créer un podcast. avec mon mari. Tous les deux, nous allons partager nos expériences respectives. Moi, en tant que maman et professeur de français, latin et grec, et lui, en tant que papa et médecin du sport et médecin généraliste. Et donc du coup, notre objectif, c'est de transmettre des outils pour que les personnes puissent mieux vivre et accueillir leurs émotions à travers des références littéraires, des éclairages scientifiques, des entretiens inspirants. J'aime bien cette métaphore de semer des graines. On espère semer des graines de confiance en soi et d'ouverture d'esprit pour que les personnes qui nous écoutent puissent appréhender le monde et le voir peut-être sous un nouveau jour. Voilà. Sur ces nouvelles, je t'embrasse. Je te remercie encore d'avoir été présente pour moi parce que tu fais partie intégrante à la fois avec ton podcast et à la fois avec le temps que tu as bien voulu me consacrer pour l'enregistrement, pour l'entretien, pour avant l'entretien, après l'entretien. Tout ça, ça m'a permis de guérir. J'ai l'impression, cette image que tu es comme un... un baume sur mon cœur, c'est que mon cœur, c'est moi qui suis en charge de le reconstruire, de prendre soin de lui. Et en fait, je prends soin de lui en prenant soin de moi, en m'entourant des bonnes personnes. Et tu fais partie de mes plus belles rencontres et je te remercie encore infiniment pour ta présence, ta bienveillance, ta douceur, ta sensibilité et pour, tu vois, ce... Ta voix, ouais. Ta voix qui m'aide beaucoup. Je suis assez speed de caractère. Et ta voix contribue à mon apaisement. Voilà. Je t'embrasse fort. À bientôt Tamara.

  • Speaker #1

    Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. Rencontrez mes invités et découvrez tous les engagements de la communauté Les Invisibles sur le compte Instagram Les Invisibles Podcast. Ensemble, continuons à visibiliser l'invisible.

Description

« Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. »
Quand sa fille de cinq ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix.

Elle porte un stérilet, pourtant elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin au réveil, le verdict tombe : le test posé sur le lavabo affiche « enceinte ».

Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l’amour, elle prend la décision d’avorter.
« J’ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celles qui avaient déjà donné la vie deux fois. »

Ce choix, elle l’assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable.
Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu’elle refuse de bouleverser.

Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse et dans son esprit, ce fœtus est déjà un bébé. « Dans ma tête, j’abandonnais mon bébé. »
La culpabilité s’installe, la honte aussi.
Ces émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amies. Lison affiche un masque de bonheur, mais à l’intérieur, tout s’effondre.

Aujourd’hui Lison nous livre son témoignage bouleversant ; forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d’une liberté retrouvée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins,

  • Speaker #1

    c'est ce que je crois.

  • Speaker #0

    Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit.

  • Speaker #1

    Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry,

  • Speaker #0

    l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute ! Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Quand sa fille de 5 ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix. Elle porte un stérilet et pourtant, elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin, au réveil, le verdict tombe. Le test posé sur le lavabo affiche enceinte Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l'amour, elle prend la décision d'avorter. J'ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celle qui avait déjà donné la vie deux fois. De choix, elle l'assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable. Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu'elle refuse de bouleverser. Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse. Et dans son esprit, ce foetus est déjà un bébé. Dans ma tête, j'abandonnais mon bébé, me confie-t-elle. La culpabilité s'installe, la honte aussi. Ses émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amis. Lison affiche alors un masque de bonheur, mais à l'intérieur, tout s'effondre. Aujourd'hui, Lison nous livre son témoignage bouleversant, forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d'une liberté retrouvée.

  • Speaker #1

    Mercredi 7 juin 2023 Hier, la phrase je me choisis a résonné en moi toute la journée. Ce matin, en allant au travail, j'ai écouté Uncover. J'ai pleuré. Pleuré ce bébé qui n'adviendra pas. Pleuré ce minuscule petit être que je ressens dans mon corps, dans mes seins, mais surtout dans mon cœur de maman. Au réveil et au coucher, je pense à lui. Il m'arrive de mettre ma main sur mon ventre, même si je sais qu'à ce stade, je ne le ressentirai pas. Aujourd'hui, je pleure ce bébé surprise que j'aurais aimé quelques semaines. Quatre grossesses, deux menées à terme. Et chaque fois, qu'est-ce que je les ai aimés, ces bébés ? Lundi 26 juin 2023. Je sais que c'était la bonne décision, mais physiquement... Ça a été très douloureux et moralement, j'ai encore le cœur en miettes. Même avec les meilleures raisons du monde, je garde cette impression amère qui me broie les entrailles d'avoir abandonné mon bébé qui s'était accroché à moi coûte que coûte. Je ressens une boule immense dans la gorge qui, je pense, diminuerait nettement si je m'autorisais à déverser ma douleur qui ne s'est pas arrêtée le jour de l'expulsion. Mardi 27 juin 2023, j'ai évacué mon bébé sur mes toilettes, entre mes cuisses qui avaient déjà donné la vie deux fois. J'ai observé ce petit amas de cailloux qui avait rougi la cuvette immaculée. J'ai pris une photo pour être sûre que c'était bien ça. Puis j'ai tiré la chasse pour que l'eau l'emporte. L'eau l'a emporté, mais n'a pas emporté ma douleur de mer, ma douleur qui est restée, viscérale, tapie en moi et ressurgissant par intermittence. On pourrait penser que cet acte réalisé dans ce lieu si trivial m'aurait permis de réaliser qu'effectivement, il ne s'agissait que d'un amas de cellules Mais ça n'a pas été le cas. Vous faites votre deuil sur une cuvette des toilettes, vous.

  • Speaker #0

    Merci Lison pour ce partage d'intimité. J'aimerais savoir comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, aujourd'hui, ça fait un an, jour pour jour, à deux jours près. que j'ai vécu cet avortement. Et aujourd'hui, je peux dire qu'il y a un an, je ressentais un désespoir intense. Et aujourd'hui, je me sens en paix, sereine, je me sens bien.

  • Speaker #0

    Je suis contente de l'entendre. Alors, qu'est-ce qui t'a amenée à cet avortement où on sent quelque chose qui est vraiment douloureux dans le témoignage que tu nous en as fait au travers de ton écriture ?

  • Speaker #1

    Ce qui a été extrêmement douloureux, je pense, c'est le fait d'être déjà maman, le fait d'avoir vécu une fausse couche avant la grossesse de mon fils puis de ma fille, et de savoir que cette sensation dans le corps que je sens... En fait, c'est moi qui ai pris la décision de ne pas garder ce bébé parce que j'étais sous-stérilée. C'était vraiment une décision avec mon mari. Nous ne souhaitions plus d'enfants. Mais il y a une différence entre l'idée de ne pas avoir de bébé et l'idée de... En fait, là, il est là. Il s'est quand même immiscé en moi. Et qu'est-ce que je fais de ça ? Et j'ai ressenti dans mon corps les seins qui ont commencé à grossir. J'ai commencé à... C'était un tout début de grossesse, mais c'est la grossesse que j'ai le plus sentie. Et ce qui m'a le plus procuré de souffrance, c'est le fait de dire que la première fois, lors de la fausse couche, ce bébé, c'est lui qui ne s'était pas accroché à moi. Et ça a été très très dur à vivre. Alors que cette fois-ci, c'est moi qui ne voulais pas de lui. Et donc j'ai éprouvé une grande grande grande culpabilité. Parce que dans ma tête, j'abandonnais mon bébé. et une grande honte aussi à en parler. Et d'ailleurs, lorsque je t'ai proposé de participer à ce podcast il y a quelques mois, je m'étais dit, ah non mais surtout il faudra une photo anonyme avec, je sais pas, quelque chose de flouté ou pas moi, parce que je ressentais encore de la honte. Alors qu'aujourd'hui, non, ça fait partie de ma vie. C'est un chapitre de ma vie qui fait partie de moi. Et c'est encore un petit peu douloureux, mais de jour en jour, ça va de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Ton témoignage, il résonne pas mal parce qu'on a quelques points communs dans ce qu'on a pu vivre. Plus jeune, je crois que j'avais 25 ans à l'époque, j'étais aussi tombée enceinte sous stérilet. Comme quoi, c'est quelque chose qui arrive. Et j'ai comme toi, donc à ce moment-là, j'ai avorté. Et j'ai comme toi aussi vécu une fausse couche un mois avant. la grossesse de ma fille qui a été menée à terme et qui a aujourd'hui aujourd'hui même neuf mois donc au final c'est toujours ça fait quelque chose en fait de sentir quand ça résonne le témoignage des autres avec son propre vécu donc toi t'es tombée enceinte sous stérilet comme tu disais comment t'as appris comment t'as découvert que tu étais enceinte parce que Dans le souvenir que moi j'avais à l'époque, j'ai mis deux mois et demi avant d'apprendre que j'étais enceinte parce que je me disais que le stérilet c'est mon moyen de contraception.

  • Speaker #1

    Alors je reprendrai la citation que tout le monde connaît bien de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ce qui va parfaitement avec le titre de ton podcast. En fait c'est ma fille. C'est ma fille. Alors à l'époque, elle avait 5 ans et demi. J'avais juste deux jours de retard de règles. Elle m'a embrassé le ventre. Elle m'a dit Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Et je lui ai dit Mais non, tu sais très bien que ce n'est pas possible. Avec papa, on fait des câlins d'amoureux, mais on ne peut pas avoir de bébé. Elle m'a dit Mais tu ne le sais pas encore, parce qu'il est tout petit, mais il y a un bébé dans ton ventre. Elle m'a dit ça le dimanche. J'avais mis un test de grossesse sur les toilettes pour y penser le lendemain matin, pour être sûre, me tranquilliser. Et le test était positif.

  • Speaker #0

    Et comment tu as intégré cette nouvelle-là de test positif ?

  • Speaker #1

    J'étais totalement perdue, je n'arrivais pas à comprendre. J'ai eu un moment, j'ai ressenti de la colère envers mon corps, en me disant, mais quand je voulais un bébé, tu me l'as enlevé, ce bébé qui n'a pas tenu cette fausse couche, il n'a pas tenu, et puis là je n'en veux pas, tu m'en mets un, alors que moi j'ai mis un stérilet pour ne pas en avoir, donc il y a eu du désespoir, il y a eu de la colère, il y a eu beaucoup de choses mêlées. Et puis finalement, j'ai réussi à le retourner en me disant que c'est une preuve de l'amour que mon mari et moi avons l'un pour l'autre. Et qu'effectivement, on est des animaux, on est des mammifères et qu'on est le stérilé. Tous les moyens de contraception, il n'y en a aucun qui n'est pas fiable à 100%, sauf s'il y a abstention. Et que ça fait partie de la vie, du cycle de la vie. Donc j'ai finalement réussi à m'apaiser en me disant que ça représente la force de l'amour. Et peut-être même encore plus. plus fort que mes deux autres enfants, où là, après une fausse couche, j'avais tellement ce désir de grossesse que j'ai appris à connaître un peu les signes au niveau de mon corps, sur la glaire cervicale, la période d'ovulation. Donc les câlins étaient un peu, pas tout le temps, mais souvent à tel moment propice parce que je voulais à tout près un enfant, alors que là, pour le coup, on ne voulait pas d'enfant. Donc finalement, c'était une vraie grossesse de l'amour. Donc voilà, je suis passée par toutes ces émotions mêlées en très très peu de temps. de temps.

  • Speaker #0

    Toi, du coup, tu l'as vécu comme une grossesse de l'amour et pas un simple fait biologique.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je pense que c'est le fait d'avoir déjà eu des enfants, d'avoir ma fille aussi qui aurait rêvé d'être grande sœur, qui a fait que, effectivement, directement, je l'ai considéré comme un bébé, en fait. Et dans mes notes, effectivement, j'ai relu mes notes, je parlais de lui en disant mon bébé même si intellectuel. Je savais très bien que c'était tellement petit que quand on a été à l'hôpital, on ne le voyait même pas l'embryon. J'ai fait un test de grossesse qui était positif. J'ai dû y retourner plusieurs fois pour voir qu'effectivement, la grossesse était évolutive. Mais c'était tellement récent qu'on ne voyait rien à l'échographie. Mais comme la gynécomatie, de toute façon, vous le savez, vous le savez, ça fait la quatrième grossesse, vous le sentez au fond de vous. Et c'est vrai que c'est... Oui, je ne voulais pas d'enfant, mais là, c'était... Je ne voulais pas l'idée d'un bébé. Là, ce n'était pas une idée. Il était là, implanté.

  • Speaker #0

    Et en fait, quand on t'a enlevé le stérilet, ce qui était attendu, c'était que tu fasses une fausse couche. Mais en réalité, le bébé, il a tenu.

  • Speaker #1

    Oui. En fait, c'était surprenant parce que lors de l'échographie, elle m'a dit Mais ce n'est pas possible que l'embryon soit à cet endroit-là. Parce qu'il est vraiment sur le stérilet. Donc, il n'y avait rien, un stérilet au cuivre. Donc aussi bien par le cuivre que par la position là où il est, il n'aurait jamais dû être là. Et elle me dit, mais là, si vous pensez poursuivre une grossesse, on peut conserver le stérilet et essayer de voir si ça fonctionne. Et je lui ai dit que non, je lui ai demandé de le retirer. Elle dit, mais là, vous risquez la fausse couche dans les deux prochains jours. Sauf qu'en fait, effectivement, il n'y a pas eu de fausse couche et il s'est accroché, il a grossi.

  • Speaker #0

    Et il s'est accroché, il a grossi et il a fallu faire justement ce douloureux choix de l'avortement. Comment ton mari a réagi à cette situation ? Est-ce que vous avez pu être ensemble pour prendre cette décision ?

  • Speaker #1

    Oui, on a pu en parler. À ce moment-là, moi j'avais vu une neuropsychologue qui m'avait diagnostiqué un trouble anxieux généralisé. où en fait là l'essentiel c'était de prendre soin de moi et mon mari qui est médecin m'a dit tu sais dans un cas pareil quand il faut choisir entre une maman et un bébé on choisit toujours la maman Et là, physiquement, émotionnellement, psychiquement, tu as besoin de te reconstruire toi. Donc ça a été son discours de médecin un peu détaché, mais je pense que c'était son moyen de protection, parce qu'il voyait à quel point j'en souffrais. Et puis après, on a eu aussi des dialogues drôles. En deux secondes, je me fais des films. Alors attends, du coup, la chambre, comment on va faire ? On va faire un étage, et puis pour l'école, et puis la nounou. Et puis mon mari qui dit, ouais, et puis on va l'appeler Arnold aussi, comme Arnold Schwarzenegger, parce que je suis fort quand même, tu te rends compte ? T'arrives à être tombée enceinte alors que le stérilet, c'est vraiment qu'on s'aime super fort. Donc il y a eu un mélange du côté médical. Il faut prendre soin de la maman parce qu'en ce moment, tu vis quelque chose, tu es déjà en fragilité. Et puis il y a eu l'humour. qui permettait aussi de dédramatiser, de soulager. Et il a été présent le jour où j'étais à l'hôpital, parce que l'avortement c'est en deux temps. Un premier temps où il y a un cachet à prendre en présence d'un médecin, et il faut signer aussi le formulaire de consentement. Et il y a un deuxième temps, quelques jours après, où là il faut prendre le cachet à la maison, et l'avortement a lieu à la maison, comme je l'ai lu tout à l'heure dans les toilettes. Et il était présent. Alors ça m'a fait énormément de bien parce qu'effectivement c'était à deux. Et ce qui m'a fait, ce qui a été douloureux pour moi, c'est que quand tu signes le texte qui dit qu'effectivement tu acceptes l'apportement, etc. En fait, il n'y a que toi qui le signes. Et comme mon mari m'a dit, c'est normal en fait, c'est ton corps. Et si tu avais décidé de le garder, on l'aurait gardé. Si tu veux... C'est toi qui choisis en fait et c'est important que ça soit toi. Sauf que moi, psychologiquement, si on avait été deux assignés, ça m'aurait permis de dire que c'est vraiment une décision de couple. Alors je sais, voilà, il y avait toujours cette dualité en moi, entre d'un côté mon cœur de maman qui saignait, et puis l'aspect rationnel en disant, oui, je comprends très bien, c'est le corps d'une femme, une femme fait ce qu'elle veut de son corps, c'est elle qui choisit au final. Mais c'est vrai que ça m'aurait aidée. Mais le fait déjà qu'il soit présent, c'était très bien, parce qu'ensuite, c'est lui qui a pu parler de contraception, qui a posé les questions à la gynéco. Bon, du coup, concrètement, comment ça se passe ? Donc, c'est très précieux d'avoir son homme à ses côtés quand ça arrive.

  • Speaker #0

    Et le fait que ta fille, elle est quand même un esprit un peu mystique. Elle a découvert à quelques jours de grossesse que tu étais enceinte. Ça, c'est vraiment la force des enfants. Toutes leurs antennes sont bien connectées. Est-ce qu'à ta fille, tu lui en as parlé, justement, de ce qui s'est passé ? Est-ce que tu lui as dit qu'en effet, elle avait eu raison, il y a bien eu un bébé qui s'était installé dans ton ventre ?

  • Speaker #1

    Alors ça, je lui en ai parlé. Et à mon fils aussi, ils ont trois ans d'écart. Donc, elle avait cinq ans et demi, lui avait huit ans et demi. Je leur en ai parlé le samedi, après avoir pris le deuxième cachet. C'est-à-dire que quand je savais que de toute façon je ne pourrais pas revenir en arrière, parce que je crois que j'avais trop peur de ce qui concerne ma décision en fait. Il fallait vraiment que ça soit très clair pour moi dans ma tête, mais une partie dans mon corps aussi. Et donc effectivement j'ai pris le temps de leur expliquer, de leur dire qu'avec leur papa on s'aimait extrêmement fort, que notre canin d'amoureux a fait un bébé, qu'elle avait effectivement raison, elle l'avait senti. et qu'on avait décidé de ne pas poursuivre cette grossesse parce qu'en ce moment, j'avais besoin de prendre soin de moi, de ma santé. Et ça a été un gros déchirement pour elle. Elle a énormément pleuré parce qu'elle souhaitait tellement être grande sœur. Et ça, ça a été très très dur pour moi à l'entendre me dire ces paroles que je comprenais. En même temps, je me sentais responsable, mais je ne me voyais pas. élever à nouveau un enfant de manière aussi intense que je l'ai fait avec les deux autres, c'est à dire un allaitement long, le portage, le cododo. Et donc ça, pour ma fille, ça a été très dur. Et heureusement, il y a mon fils qui a eu cette prise de recul qui lui m'a aidé en me disant mais maman, quand à un moment plusieurs personnes m'ont dit que c'était le bon choix, je me suis dit ah, donc ils n'avaient pas confiance en moi en fait. Je l'ai un peu mal pris. Je me suis dit ils n'avaient pas confiance en moi, je n'aurais pas été une bonne mère. Parce que je me jugeais déjà en me disant, je ne suis pas capable de prendre soin de mon bébé parce que j'avorte, je suis une mauvaise mère. Grosse, grosse, grosse culpabilité. Et mon fils m'a dit, mais c'est l'inverse maman, tu aurais tellement pris soin de lui, mais toi, qui aurait pris soin de toi ? Comment tu aurais fait ? Et avoir cet écho de mes deux enfants, ça m'a permis d'accepter la peine de ma fille. Mais effectivement, elle a le droit d'en souffrir, d'éprouver de la peine. Mais mon fils me rappelle qu'en fait... Pour le bien-être de toute la famille, ils avaient besoin d'une maman forte. Et je pense que ça aurait été compliqué de l'être avec un troisième enfant.

  • Speaker #0

    Ça me touche beaucoup le fait que tu leur en auras... J'ai rien rêvé. Ça me touche le fait que tu en aies parlé avec tes enfants. Parce que moi, je suis vraiment partisane du fait de nommer les choses avec les petits qui sont justement dans des ressentis tellement forts que ne pas leur dire les choses, c'est être dans le secret. Je suis assez persuadée que le secret n'est pas bon. pour son développement. Mais en même temps, il y a quelque chose qui me fait vraiment quelque chose, si je me mets deux secondes à réfléchir dans l'empathie de ta fille, à imaginer en effet qu'une petite fille de 5 ans et demi, tout d'un coup, avec sa compréhension de petite, imagine que ce bébé qui est logé dans ton ventre va finir par ne jamais exister.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. Mais tu vois, là, j'ai... Les choses qui me viennent, comme tu dis, c'est que je ne voulais pas qu'il y ait de secret. Je voulais aussi qu'ils m'ont vu. Quand tu avortes, tu te vides de ton sang. Au niveau de la tension, elle baisse énormément. C'est une fatigue physique intense. Émotionnellement, c'est très très dur. Donc du coup, pas de secret, j'avais envie de le dire. Et puis, il y avait deux choses aussi qui m'ont fait leur dire. La première, c'est que j'avais envie de valider son ressenti. Elle a senti que j'étais enceinte et en fait, elle a eu raison. Et on a été tellement, enfin moi en tout cas, j'ai été tellement élevée, tu sais, où il ne faut pas montrer ses émotions. Une famille d'Italiens, tu gardes tout pour toi, t'es fort, etc. Que là, j'avais envie de lui valider ce que moi, on n'a pas validé en moi quand j'étais petite fille. C'était un moyen de réparer en fait et de lui dire que ce qu'elle a ressenti était vrai, était légitime. Mais j'ai fait un choix. qu'elle n'aurait pas fait, mais mon choix était celui-là. Mais elle a ressenti des choses et c'est formidable qu'elle ait cette intuition. Et puis la deuxième chose aussi, c'est qu'on est des modèles pour nos enfants. Et je voulais leur montrer aussi que si un jour, que ce soit mon fils ou ma fille, étaient confrontés à ce choix, en fait on peut, souvent quand on parle d'avortement, on parle d'avortement. On peut parler par exemple des personnes qui ont été violées, qui ont subi des actes de violence, ou que le compagnon est parti, ou des choses vraiment difficiles, comme pour justifier ce choix. Et là où j'ai ressenti, je pense, de la honte et de la culpabilité, c'est qu'avec mon mari, ça fait 12 ans qu'on est mariés, on a un couple stable, on a nos deux enfants, un métier stable, on a une maison. En fait, il y aurait tout ce qu'il aurait pu faire. qu'on le garde ce bébé. Et pourtant, on a pris cette décision de ne pas le garder, et c'est notre choix. Il est aussi légitime que le fait de le garder ou de ne pas le garder, et peu importe les raisons, en fait. C'est le couple qui décide. Et ça, tu vois, j'avais envie qu'ils en aient conscience si jamais ça leur arrive pour d'autres choses, que c'est... C'est pas parce que c'est douloureux que c'est le mauvais choix et qui... Enfin voilà, si ça leur arrive, qu'ils puissent m'en parler, qu'ils puissent parler de tout. Pour moi, c'est le primordial.

  • Speaker #0

    Tu évoquais hors antenne, et on le ressent aussi des fois, là dans ton discours, un peu cette ambivalence, ces émotions contradictoires que tu as pu ressentir, dans le sens que oui, c'était un choix qui était assumé, et en même temps, ça n'a pas du tout empêché toute la souffrance que ça génère d'avoir perdu ce bébé. En tout cas, toi, tu l'appelles comme un bébé, et non pas un foetus, donc je reprends tes mots. Comment tu arrives à concilier ces émotions qui sont un peu contradictoires et ambivalentes dans un quotidien ?

  • Speaker #1

    Alors je me dis qu'il y a mon côté rationnel qui dit qu'effectivement c'était un fœtus, un amas de cellules et qu'effectivement le stérilet c'est un moyen de contraception qui n'a pas fonctionné et j'ai fait ce choix-là. D'un autre côté, il y a la sphère émotionnelle qui est vraiment dans mes entrailles les plus profondes de mer. Tu vois, la femme, la mer sacrée dans son ventre, où là, ça a été une très, très grande souffrance pendant de nombreux mois, parce qu'il me manquait une partie de moi. Pour moi, je l'ai vécu comme ça. Il me manquait une partie de moi-même. Et donc, régulièrement, c'était juste de pouvoir m'apporter de la douceur quand je ressentais ça viscéralement. De dire... évidemment que tu souffres, évidemment que dans ta tête, toi qui a déjà porté la vie trois fois, qui a allaité tes enfants longtemps, qui est très proche d'eux, évidemment que ça te fait souffrir, évidemment que ça te rend triste, et tu as le droit. Et puis après, quand il y a des moments où ça allait mieux, le côté rationnel me disait, Ah ben regarde, telle activité avec tes enfants, tu vois, avec un bébé, en fait, là, ça n'aurait pas été possible, ça aurait été compliqué. Donc voilà, je... En fait, cette ambigüence, je l'ai toujours en tête, mais juste me dire qu'il y a des moments, ça va plus d'un côté, d'autres moments, ça penche de l'autre. Et quand ça penche du côté souffrance, essayer, et c'est ce que ça m'a appris à m'apporter de la douceur et à me dire que c'est légitime d'avoir encore cette souffrance. Et j'ai le droit de ressentir ça.

  • Speaker #0

    Et comment on s'apporte de la douceur concrètement ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les autocalins. On peut se serrer soi-même dans les bras, j'ai appris ça il n'y a pas longtemps. C'est aussi sur le discours intérieur, la façon de se parler. J'avais un discours assez négatif et très jugeant, j'étais ma première juge. Et là, m'accorder le fait d'avoir le droit de ressentir ces émotions-là, déjà pour moi c'est une grande douceur. Et il y a une amie d'ailleurs, Julie, qui m'a offert un bracelet. Elle m'a dit, allez celui-là, je te le mets au poignet, c'est pour te rappeler chaque jour de te parler gentiment. Donc tu vois, un signe concret à revoir dans la journée régulièrement pour se rappeler ça.

  • Speaker #0

    Merci Julie.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, alors là c'est vrai que tu nommes cette amie-là, quand vous avez vécu cette expérience d'avortement, est-ce que vous aviez eu un soutien émotionnel à ce moment-là, que ce soit de la part des amis, de la famille ou de professionnels ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en fait, moi, il y a vraiment trois grandes choses qui m'ont aidée à traverser cette épreuve. La première, parce qu'en fait, je n'arrivais pas au départ à en parler. Comme je t'ai dit, c'était une grande honte. Pour moi, j'étais une mauvaise mère. Si j'abandonne mon bébé, il n'y a pas pire mère que ça. Donc, c'était difficile. Donc, la première chose, ma thérapie, ça a été l'écriture. Vraiment un exutoire, un moyen de libérer mes émotions. de mettre des mots sur ma douleur. Et en fait, c'est le fait d'écrire qui m'a fait prendre la décision. Et on en revient à ce que je disais tout à l'heure, que ton compagnon, ton mari, il peut te soutenir, t'accompagner. Mais en réalité, c'est ton corps, c'est bien toi qui prends la décision. Donc ça, c'est les mots que j'ai posés qui m'ont fait prendre conscience de la décision que j'avais au fond de moi. Parce que réellement, j'étais totalement perdue. Et j'aimerais te citer, il y a une citation que j'aime beaucoup de John Piper à ce sujet. étaler de l'encre sur une page, ça ouvre les yeux. On ne peut pas comprendre comment ça éclaire, mais on sait seulement qu'il y a des yeux dans les crayons et dans les stylos. Tu vois, c'est exactement ça, c'est l'écriture qui m'a permis de prendre la décision. Et une fois que la décision a été prise, à chaque fois qu'il y avait un tourment, des remises en question, l'écriture a continué à m'accompagner dans ce choix et à me soulager en fait. Donc ça a été déjà la première chose avant les personnes. Donc ensuite, effectivement, la deuxième chose qui m'a aidée, c'est le soutien bienveillant de mon entourage. Ma kiné, une kiné ostéo, Caroline, qui m'a dit, c'est elle qui a eu cette phrase, ce n'est pas parce que c'est douloureux que ce n'est pas le bon choix. Ça peut être le bon choix et quand même extrêmement douloureux. Et ça, ça a été... C'est suite à ça que j'ai fait un flot de pensées et où j'ai pris la décision de l'avortement. C'est de me dire que la décision est très dure, c'est extrêmement douloureux, mais c'est mon choix. Et le fait de savoir que ce n'était pas une remise en question du choix m'a fait prendre la décision et m'a fait un bien fou. Mon fils, comme je t'ai dit aussi, il échange avec lui, qui m'a dit évidemment que j'aurais pris soin du bébé, que je l'aurais allaité, porté, mais que moi-même je me serais épuisée. Et puis aussi, j'ai assisté à un cercle de femmes. Et il y avait la merveilleuse Joëlle qui a eu pour moi cette phrase qui m'a touchée en plein cœur. Elle m'a dit Ce n'est pas ton bébé que tu as abandonné, c'est toi-même que tu aurais abandonné en le gardant. Parce qu'elle connaissait mes antécédents. Et donc en fait, tu vois, c'est toutes ces phrases qui m'ont aidée à avancer et à accepter ma décision. Parce que j'ai une... Au niveau de ma mémoire, les mots c'est quelque chose d'important, l'écriture et le fait d'avoir eu ces phrases par des personnes en qui j'ai confiance et bienveillante, ça m'a guidée. Et la dernière chose qui m'a aidée...

  • Speaker #0

    Pour le contexte, ma sœur est tombée enceinte en même temps que moi, sans le savoir, parce qu'elle s'est à l'inverse. Elle avait des difficultés pour avoir un bébé. Ça a été extrêmement douloureux. Quand je voyais les échographies au début, dans ma tête, c'était ça aurait dû être le mien J'ai réussi à penser ensuite ça aurait pu être le mien En tout cas, toute sa grossesse, pour moi, psychologiquement, a été difficile. Au moment de la naissance aussi, ça a été très compliqué. Et puis ensuite, j'ai été voir, on habite à 300 kilomètres l'une de l'autre, quand j'ai été voir ma nièce, en fait, j'étais en mode, là, je vais pour ma sœur. Donc j'ai préparé à manger pour trois jours, je lui ai préparé plein de choses pour qu'elle ait rien à faire pour prendre soin d'elle. Je l'ai allaitée pour son allaitement parce que sa fille avait des difficultés à prendre le sein. Et on a vécu un moment de... Souvent on parle de sororité entre femmes qui ne se connaissent pas, mais là c'est carrément ma sœur, c'est vraiment le... terme très très proche toutes les deux avec son bébé là vraiment j'étais pour ma soeur et je me rappelle avoir écrit quelque chose comme le soir la veille j'avais le coeur en miettes et le soir après avoir vu ma soeur je me sens libérée et sereine et je l'ai revu quelques temps après et là c'est là où j'ai vraiment découvert ma nièce c'est à dire que la première fois je venais en fait je venais pour aider ma soeur Alors que là, réellement, j'ai fait la connaissance de ma nièce en toute sérénité et vraiment avec grand plaisir. Et pareil, dans les fameuses phrases des personnes qui aident, il y avait une amie qui m'a dit, c'était écrit qu'il devait y avoir un bébé dans votre famille en 2024. Et bien voilà, ce n'était pas le mien, c'était celui de ma sœur.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ta sœur, tu as pu lui confier le fait qu'il y avait ce processus qui était douloureux quelque part parce que vous êtes tombée enceinte au même moment ? Et que du coup, elle qui poursuivait sa grossesse et toi qui l'avais terminée, est-ce que tu as pu en parler avec elle ?

  • Speaker #0

    Alors c'est uniquement au moment de l'annonce. Elle me l'a annoncé sans mes enfants, sans mon mari, on n'était que toutes les deux. Parce qu'elle savait que pour moi ça serait très difficile. Et j'ai pleuré en la prenant. J'ai pleuré à la fois de joie et de... parce que j'allais être tata en fait. Et aussi un peu de tristesse en voyant l'échographie, en me disant que ça aurait pu être le mien de bébé. Et ça a été très bienveillant de sa part. Elle m'a dit qu'effectivement, elle ne savait pas trop comment me le dire et qu'elle n'osait pas devant les enfants parce qu'elle avait peur de la façon dont j'allais réagir. Et qu'ensuite, elle voulait qu'on en parle ensemble aux enfants, comment en parler à ma maman. Elle était vraiment... toute pour moi, toute bienveillance pour dire comment toi tu gères cette annonce, comment tu veux qu'on fasse. Et puis ensuite, par contre, on n'en a plus reparlé.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça a été extrêmement bienveillant. On voit beaucoup de situations, au final par exemple, de couples qui n'arrivent pas à avoir des bébés, et puis on leur annonce autour d'eux sans cesse des grossesses. Et en fait, c'est compliqué parce qu'il y a tellement... Une charge émotionnelle, on va dire hyper positive, autour de la grossesse et de la parentalité, qui est énormément à déconstruire selon moi. Je ne dis pas que ce ne sont pas des événements heureux, bien au contraire, mais que de mettre que du positivisme là-derrière, ce n'est peut-être pas non plus toujours très réaliste. Et en fait, je trouve ces situations parfois compliquées. quand justement on vit soit une période d'infertilité, soit une fausse couche, soit un avortement, de devoir presque automatiquement se positionner comme étant très heureux de recevoir ce genre d'annonce de grossesse. Parce que dans notre chair, ça peut résonner autrement.

  • Speaker #0

    Oui, exactement. Alors pour ma sœur, j'ai eu l'ambivalence. Parce que je pensais qu'elle ne voulait pas d'enfant. On en était arrivé à l'idée là. Et donc le fait qu'elle m'annonce cette grossesse, vraiment, ça a été une joie immense. Parce qu'en gros, j'avais fait le deuil de ne jamais être tata un jour. Parce que mon mari est fils unique et moi, je n'ai que ma sœur. Donc du coup, réellement, j'ai vraiment une joie surprise immense. Et puis ensuite, il y a eu cette ambivalence par rapport à l'avortement. En revanche, quand une amie nous a annoncé sa grossesse un samedi, une semaine après l'avortement, là effectivement, j'ai pas réussi à... J'avais un masque, mais je n'ai pas réussi à réellement me réjouir parce que c'était très dur pour moi. Et puis ce qui était dur, je pense que le plus dur, ce n'était pas d'apprendre les grossesses des autres personnes autour de moi, c'était de ne pas pouvoir en parler parce que je n'osais pas. Je m'étais dit, elle m'annonce sa grossesse, je me vois mal lui dire, moi il y a une semaine j'ai avorté. Pareil pour une autre amie qui avait une petite fille et je ne me voyais pas lui dire ça. J'avais mis un masque, mais sachant qu'à ces deux amis, j'ai finalement réussi par leur dire, là il y a peu de temps, le chemin est long, mais j'ai réussi à leur dire. En fait, elles étaient attristées pour moi de ne pas pouvoir m'accompagner à ce moment-là, en me disant que l'amitié, elles auraient pu être là. Mais c'est vrai que c'était tellement douloureux pour moi, que je sentais que pour moi, c'était déplacé de leur en parler, alors qu'elles, elles portaient la vie en fait.

  • Speaker #1

    Oui. Quelque part c'est assez joli parce que je trouve que tu t'offres une réparation. C'est à dire que tu t'es quand même réjouie pour elle sur le moment même s'il y avait du masque à ce moment là mais tu leur as permis d'exprimer cette joie parce qu'il y a cette joie aussi qui est un bonheur à vivre quelque part pour elle et en même temps tu t'es offert la réparation de pouvoir en reparler avec elle et de pouvoir t'offrir cet espace que tu n'as pas eu au moment où elles annonçaient leur grossesse.

  • Speaker #0

    Exact. Je ne l'avais pas vu comme ça, une réparation. Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Tu m'avais évoqué le manque d'un rituel autour de ce deuil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si tu pouvais aujourd'hui créer un rituel qui t'aiderait, tu penses qu'il ressemblerait à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est... Je me demande si ça ne serait pas encore une fois en passant par l'écriture, en lui rédigeant une lettre, et peut-être en la brûlant dans le jardin, ou quelque chose entre l'écriture et la nature, quelque chose comme ça. Mais qu'effectivement, je n'ai toujours pas fait, parce que...

  • Speaker #1

    Tu sens que ce rituel, c'est quelque chose auquel tu vas accorder un temps à un moment donné ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense qu'il y avait deux étapes que j'attendais. La première, c'était de revoir mon gynéco, parce que ce n'était pas lui qui s'était occupé de l'avortement. Je l'ai vu il y a quelques semaines. Le fait de lui en parler, tout ça déjà, c'était important pour moi. Et le fait d'avoir cet enregistrement de podcast à tes côtés, pile un an, après ce qui s'est passé dans ma tête c'était une façon d'ouvrir un nouveau chapitre qui est non plus dans la souffrance mais vraiment dans la résilience et peut-être qu'en finissant notre échange toutes les deux effectivement faudrait que je le fasse maintenant pour vraiment clôturer ce chapitre et m'en libérer réellement oui donc je pense à écrire une lettre

  • Speaker #1

    En début d'interview tu disais que hum tu t'arrivais pas à te projeter à nouveau dans la parentalité avec l'allaitement long, le cododo, le portage quasi permanent. Est-ce que tu appellerais ça aujourd'hui ce qu'on appelle le maternage proximal ?

  • Speaker #0

    Exactement oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? Parce qu'il n'y a pas forcément beaucoup de gens qui connaissent ce terme là ou ce concept.

  • Speaker #0

    Alors Le maternage proximal, je dirais qu'en gros, il y a d'un côté la société de consommation qui nous vend plein d'objets gadgets en nous faisant croire que c'est le mieux pour un enfant, parce que le but c'est de faire de l'argent. Et le maternage proximal, c'est de réaliser que le meilleur à apporter à un enfant, surtout un tout petit, c'est juste sa présence, ses bras, être contre sa maman, contre son papa en pot à pot, en portage. pouvoir le nourrir. Alors pour l'allaitement, j'ai eu cette chance d'être extrêmement déterminée et très très bien entourée, parce que c'est vraiment difficile. Et je comprends aujourd'hui en France que beaucoup de femmes n'y arrivent pas, avec tous les discours qu'on a. Donc je ne leur jette vraiment pas la pierre, je sais que c'est un parcours du combattant, ça peut être vraiment difficile. Donc ça, c'est prendre... En fait, c'est vraiment se faire avec son bébé, c'est-à-dire le découvrir comme vraiment une personne un petit peu apparente, cher, voire... En fait, un bébé n'est pas un autre. J'ai deux enfants. Ce n'est pas parce que je les ai allaités tous les deux qu'ils ont la même personnalité. Ce n'est pas parce que j'ai fait ça, la motricité libre, que tous les deux ont telle façon de voir les choses. C'est accueillir l'enfant comme une fleur et puis essayer que tout autour, le terreau soit le meilleur possible pour lui.

  • Speaker #1

    Le capitalisme, il n'est pas hyper en phase avec le martyre. le maternage proximal, on est bien d'accord.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vu une étude sortie par la Lecce League, comme quoi l'allaitement, ça équivalait à 1800 heures de travail par année. Et je crois qu'en France, 100%, c'est 1650 heures. Sachant que dans l'allaitement, il n'y a pas les vacances et les soirées de libre, enfin voilà.

  • Speaker #0

    Et les nuits aussi.

  • Speaker #1

    Et je trouve vraiment, tout ça me questionne beaucoup aussi parce que c'est une période que je vis actuellement. Ce fait où tout d'un coup on parle de maternage proximal, tout d'un coup on invente un concept que je trouve tout à fait honorable. Simplement parce qu'on est dans un monde qui est tellement à l'inverse de ça. C'est-à-dire qu'au bout de trois nuits, on te demande si ton bébé fait ses nuits. parce que plus vite il fera ses nuits, plus vite tu pourras aller retourner travailler. Donc c'est bien, tu retourneras dans cette société-là. On est tout le temps à favoriser l'autonomie du bébé, à ce qu'il ne soit pas porté, à ce qu'il ne soit pas rassuré. Et du coup, j'ai l'impression que tout ça fait qu'on doit revenir à un concept qui s'appelle justement ce maternage proximal, alors que quelque part, simplement... Être contre son bébé, lui donner à manger, le rassurer la nuit, ça semblerait être quelque chose d'assez banal et évident, non ?

  • Speaker #0

    Oui, exact. On en arrive à ça, oui, effectivement. C'est la norme naturelle parce qu'en fait, avant tout, ce que je disais au début, c'est qu'on est des mammifères. On est faits pour porter la vie, qu'on a des mamelles, c'est-à-dire des seins, pour leur donner... notre lait, et puis c'est pas que de nez du lait, c'est une relation d'amour, ça crée une sécurité intérieure énorme pour l'enfant. Et je vais continuer, si tu veux bien, dans mes citations, il y en a une que j'aime beaucoup, par Alice Trépanier, doctorante en psychologie et consultante périnatale, qui a écrit Il est dans la nature de l'enfant d'être dépendant. Il est dans la nature de cette dépendance de passer avec l'âge. En vouloir à cette dépendance parce qu'elle n'est pas encore devenue indépendance, c'est comme en vouloir à l'hiver parce qu'il n'est pas encore devenu printemps. La dépendance se transforme en indépendance à son propre rythme.

  • Speaker #1

    Merci, décidément tu as des citations pour tous les sujets. Est-ce que justement si tu n'avais pas été dans ce type de maternage dit proximal, tu penses que tu aurais pu garder ce bébé ?

  • Speaker #0

    Si c'était... Je me vois tellement pas faire autrement parce que ça fait partie de moi. J'ai l'impression que ça me définit en fait en tant que maman. Mon fils a été très dur parce que l'allaitement, je me suis pris plein de réflexions, etc. Ça a été compliqué. Alors que pour ma fille, je me rappelle que c'était... Vraiment, je sais pas faire autrement.

  • Speaker #1

    j'ai jamais donné de biberon de ma vie en fait donc je sais pas faire donc je ça serait pas moi je rappelle que tu avais aussi des réflexions un peu sur la société et la contraception parce que tu me disais que tu trouvais pas ok au final que la contraception ce soit quelque chose qui soit uniquement gérée par les femmes moi je rajouterais personnellement qu'en plus de ça les donc les femmes sont fertiles une petite période dans le mois alors que les actes Tout le temps ? Hein ? C'est quoi ton regard là autour ?

  • Speaker #0

    Alors déjà par rapport aux rendez-vous gynéco, donc aux urgences par rapport à l'avortement, moi ce qui m'avait un petit peu... Alors la gynéco a été très douce, très bienveillante et vraiment je la remercie vraiment beaucoup. Néanmoins il y a quelque chose qui m'a un peu titillée, c'est que quand mon mari a posé la question de la contraception, Donc elle a parlé de ligature des trompes, elle a parlé de pilules. Mais c'est mon mari qui a parlé de vasectomie. Et là je me dis mais... J'aurais bien aimé qu'elle le dise elle en fait, en tant que médecin. Donc là, ça m'avait un petit peu embêtée. Et après, mon mari a connu des ennuis de santé, donc la vasectomie, ce n'était plus possible pour lui. Et je pense que je serais devenue folle, parce que j'avais réellement peur de revivre ça, une nouvelle grossesse, un avartement. Et donc, j'ai pris la décision d'une ligature des trompes. Et ça répond à ta question, parce qu'en fait, je le vois de deux façons. Au début, je ressentais une colère immense contre le patriarcat, parce que j'ai eu quand même quatre grossesses, c'est moi qui les ai portées, c'est moi qui les ai allaitées, c'est moi qui ai accouché. Et à un moment, c'est au bonhomme à prendre aussi leur part des choses. Et là, vraiment une colère contre le système patriarcal, qui fait que même là, c'est encore les femmes. Une femme, quand même, une ligature des trompes, c'est une anesthésie générale, c'est pas rien. Un homme en 10 minutes c'est fait, c'est une anesthésie locale, on coupe et c'est fini tu vois. Donc ça, une grosse grosse colère. Et puis après, j'ai fini par trouver de l'apaisement en renversant ça, en me disant finalement, il y a quand même des pays où en gros on vend des femmes contre des chameaux, où on met un prix sur les femmes. Et là en fait, oulala, je suis stérile. Donc aux yeux de certains hommes de la société, je ne vaudrais plus rien. Et finalement, peut-être que je peux prendre cette ligature comme un acte militant, en disant j'ai pris la décision de ne plus pouvoir être mère, de ne plus pouvoir porter la vie, et ça ne fait pas pour autant de moi une sous-femme ou autre chose, je reste une femme Donc tu vois, j'ai eu ce travail-là qui m'a permis de l'accepter, alors qu'au départ il y avait une grande colère.

  • Speaker #1

    Et comment cette grossesse, cet avortement et ensuite cette ligature des trompes ? Elles ont affecté ton trouble anxieux généralisé et ta vie en général ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, dès que je voyais une femme enceinte, en fait, je le sentais, c'était dans mon ventre, dans mes entrailles, où c'était très très dur. Il y a eu beaucoup de pleurs, beaucoup de... À aucun moment, en fait, je n'ai regretté mon choix. Parce que réellement, je savais au fond de moi que c'était le bon, mais le fait d'être en contact avec des personnes enceintes, c'était quelque chose de très difficile. Ça, c'est directement par rapport à des femmes enceintes, de côté négatif, c'est-à-dire que les émotions ressortaient de manière démultipliée, de façon très fréquente. Et à l'inverse, parce qu'il y a toujours le... Il y a l'ombre noire, mais il y a l'ombre blanche. Le côté positif, c'est que je suis prof, moi, dans un collège. Et à un moment donné, on a été amené à parler d'avortement avec mes élèves. Et tu vois, là, j'étais chère de pouvoir... Parce qu'il y a eu, comme je disais au début, il y a eu plein d'arguments, tu sais, sur une femme, par exemple, qui se fait violer, ou une femme qui se retrouve seule avec quatre enfants, la cinquième grossesse. Tu vois, en gros, à chaque fois, c'était toujours les cas extrêmes. Et tout le monde disait, bah oui, c'est normal. Et là, j'ai pu, alors évidemment, je leur ai pas dit que c'était mon cas, mais j'ai pu leur apporter des nuances en leur expliquant que même si en fait elle est en couple et tout se passe bien, même si elle a déjà des enfants, même si c'était son choix, et juste en fait on n'a pas questionné son choix et c'est elle qui décide. Et donc tu vois, le fait de l'avoir vécu, ça m'a permis de plus être dans les extrêmes. En parlant de ce qui se passe parfois aux États-Unis, tu sais, des femmes par exemple qui n'ont pas le droit d'avorter, il y en a une, elle s'est retrouvée avec un bébé, on lui a dit que ce bébé allait mourir peu de temps après la naissance. Elle a dû le porter les neuf mois et deux jours après la naissance, il est décédé. Tu vois, ça c'est des cas extrêmes qui choquent. Et en fait, j'avais aussi, vis-à-vis de mes élèves, par respect pour eux et pour toutes ces femmes qui le vivent, leur apporter cette nuance-là, que ça peut être une décision. sans que ça soit ce genre de cas.

  • Speaker #1

    Et en plus de cette transmission que tu as faite auprès de tes élèves, est-ce que tu souhaites à plus grande échelle sensibiliser autour des maladies et des traumatismes qui sont invisibilisés ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que vraiment, moi j'avais l'impression, comme je t'ai dit, l'essentiel est invisible pour les yeux. Le fait que ma fille l'ait vue. Alors que c'est... Enfin, on ne le voyait pas, trois semaines de grossesse, personne ne le voit. Ma fille l'a vu, mais en fait, la souffrance viscérale, la souffrance émotionnelle, elle peut être... c'est pour mon cas il ya d'autres femmes pour qui ça ne l'est pas mais en tout cas elle peut être extrêmement forte et j'aimerais pouvoir lui sensibiliser les personnes à la fois ceux qui ne traversent pas ça pour pouvoir peut-être comprendre la souffrance d'une femme qui avorte en se disant mais ce n'est pas parce que c'est son choix que c'est facile pour elle et que tourner la page est facile et puis aussi dire à ces femmes qui sont face à ce choix que ce n'est pas parce qu'elle Ce n'est pas parce qu'elle ressent une souffrance intense que c'est le mauvais choix en fait. Ça peut être le bon choix tout en étant douloureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que là on parle beaucoup aussi de la douleur que ça peut générer, mais de manière un peu plus globale, j'ai quand même envie qu'on puisse transmettre qu'il est possible de ne pas en souffrir. Et ça c'est une réalité aussi et je pense qu'il ne faut pas culpabiliser si on ne souffre pas d'avoir un fait. Et je sais très bien que ce n'est pas du tout ce que tu es en train de faire, mais je tiens à le dire quand même, parce que moi, je fais partie des personnes qui ont avorté et pour qui ça n'a pas été une souffrance. Et ça ne l'a jamais été, maintenant, je peux le dire, parce que ça fait presque 10 ans. Et même, il n'y a pas eu d'effet rebond par rapport à ça, alors que la fausse couche que j'ai vécue, alors que c'était un bébé qui était vraiment désiré, j'en ai extrêmement souffert. Et encore maintenant, c'est quelque chose qui vient parfois me rattraper. Donc voilà, c'est vrai que là, on parle de... de toute cette douleur que ça a suscité, des émotions que ça a généré chez toi, mais il est possible aussi, je sais pas si toi aussi tu as rencontré des personnes qui n'avaient pas souffert d'avoir d'avoir pris cette décision là.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est ma médecin généraliste qui m'a parlé d'une de ses patientes qui lui avait dit ah non mais là l'avortement tel jour machin et c'est bon lundi je retourne au travail. Elle m'avait dit mais vous êtes sûr vous savez que c'est dur c'est éprouvant, elle dit ah non mais attendez En France, on a cette chance extraordinaire de pouvoir le faire. Donc, non, c'est bon, moi, je passe à autre chose, tac, c'est fini. Effectivement, pour elle, elle passe à autre chose. Et c'est vrai que je me suis aussi rappelé ça dans mes moments de souffrance, qu'en fait, c'est un droit que certaines femmes n'ont pas dans certains pays, qu'en France, on n'a eu que très tardivement, et qu'en fait, c'est une chance extraordinaire. Et oui, j'ai tout à fait conscience que pour des femmes, elles peuvent ne pas en souffrir. Juste, ça fait partie, c'est une étape dans leur vie de femme. et que c'est facile de passer à autre chose. J'en ai tout à fait conscience.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu aurais des outils ou des conseils ou des choses qui pourraient faire partie de la petite boîte à outils d'autres femmes qui vivent ces expériences similaires ? Je dis exprès femmes et non pas couples, parce que là, c'est vraiment ton témoignage en tant que femme qui me touche. Donc voilà, la question, c'est est-ce que tu aurais des choses à partager pour mieux traverser cette période ?

  • Speaker #0

    Alors, comme je l'ai dit, l'écriture. pour celles qui arrivent à poser des mots. Et après, vraiment, je pense que le primordial, c'est l'entourage bienveillant, de réussir à s'entourer des bonnes personnes. Et en fait, c'est important de... Je pense que dans les situations comme ça difficiles, ne plus s'embêter des politesses, de faire des choses parce qu'il faudrait le faire. Mais vraiment... les personnes qu'on ressent au plus profond de soi, on sent qu'il y a quelque chose qui passe, qui est fluide. Et puis savoir que ça peut être très varié, ça peut être des professionnels de santé, tu vois là je t'ai parlé par exemple de ma kiné, et en fait c'est elle qui a eu une des phrases décisives, ça n'a pas été la gynéco, donc ça peut être, peu importe en fait, mais je pense que pouvoir en parler en des gens de confiance, déjà ça permet d'avancer sur ce chemin.

  • Speaker #1

    Et j'ai souvenir que tu faisais aussi un peu de danse et un peu de checking.

  • Speaker #0

    Ah oui, c'est vrai. Oui, parce que j'ai lu un bouquin sur les... Ah, je ne sais plus les références, les femmes qui font des burn-out. Et en fait, ce qu'elle expliquait effectivement, c'est que quand on vit un stress intense, il faut que ça sorte physiquement par le corps. Et il y a une vidéo qui circule sur YouTube, elle est excellente. On voit une... Je ne sais plus si c'est une gazelle ou une antilope, mais en tout cas, bref, c'est...... un animal ruminant de la savane qui a été poursuivi par un prédateur. Et en fait, ce qui se passe, c'est que quand on est face à un danger, il y a trois façons de réagir. Soit on attaque, là en l'occurrence, face à une lionne, la gazelle va éviter, c'est mal parti, donc elle laisse tomber. Soit on fuit. Donc elle a essayé, elle a couru très vite avec ses pattes, mais pareil, ça n'a pas marché. Et la solution extrême, c'est de faire le mort. Et là, elle ne bougeait absolument plus. Le félin qui l'a poursuivi est parti. Alors, est-ce qu'il est parti parce qu'il croyait que ça ne lui allait plus ? Ou est-ce que, je ne sais pas, peut-être qu'il a été prendre ses petits ? J'en sais rien, mais en tout cas, il est parti parce que, réellement, son rythme cardiaque s'est presque arrêté. Physiologiquement, en tout cas, le corps faisait le mort. En fait, ce qui s'est passé après le départ du prédateur, c'est que cet animal, qui était la proie, s'est mis à... à trembler de tous ses mains, mais à trembler extrêmement fort, très très très très fort, très très fort. Et ensuite, il s'est relevé et pof, il s'est remis à faire des sauts comme si de rien n'était. Et en fait, comme si de rien n'était, c'est parce que son corps avait compris que c'est bon. Le stress a été évacué par le corps grâce aux mouvements et que du coup, là, c'était bon. En fait, il pouvait passer à autre chose. Et des fois, on le remarque aussi pour les jeunes enfants. Quand les jeunes enfants, des fois, ils font des crises très très fortes, Et puis tout d'un coup, paf, il se relève et puis, Ah, en fait, maman, des fois les adultes, ils sont un petit peu déstabilisés. Alors, comme si de rien n'était. Souvent, c'est la réplique. En fait, si c'est comme si de rien n'était, ça veut dire qu'il a réussi à évacuer le stress par son corps et que du coup, il n'y aura pas de trauma et qu'il peut passer à autre chose. Donc du coup, effectivement, une autre source pour surmonter n'importe quelle épreuve, n'importe quel état de stress, c'est le mouvement. Donc ça peut être en faisant du sport, ça peut être le shaking, c'est-à-dire se secouer fortement en commençant par les mains, les pieds, tout le corps. Ça peut être de danser, la marche aussi, aller dehors, respirer, marcher. Tout ça, c'est extrêmement puissant. Et en fait, ça permet au corps de réaliser que c'est bon là, le stress, il est retombé. Parce qu'en fait, si on ne le dit que mentalement, si c'est uniquement Ah c'est bon, ne t'inquiète pas, le danger il est passé euh... Ouais non le cerveau il dit non non mais attends là, attends, non non il y a eu autre chose, il y a eu un truc qui s'est passé, et c'est là où on a les ruminations, du coup on dort pas etc. Donc quand on a quelque chose, une grosse source de stress, quand on a un trauma, c'est le corps qui permet de l'évacuer.

  • Speaker #1

    La référence du livre que tu mentionnes c'est Pourquoi les femmes font des burn-out d'Emily et Amelia Nagoski. Et c'est vrai que je trouve hyper intéressant ce que tu dis par rapport au checking. Parce que c'est quelque chose qui au final l'être humain fait relativement peu, souvent dans les réactions du système nerveux face aux dangers, il va y avoir le freezing, donc vraiment le fait de ne plus bouger. Chez l'être humain c'est un peu notre manière de faire le mort aussi quelque part, et en fait de garder tout ça complètement figé à l'intérieur de nous, et on va vraiment complètement se figer, et ça pendant des semaines, des mois, voire des années, et les traumas vont rester complètement à l'intérieur. Et en fait, je trouve super ce que tu proposes dans cette remise en mouvement, qui est de faire comprendre au corps, parce que l'esprit ne comprend rien tant qu'on ne passe pas par le corps, de faire comprendre au corps et donc ensuite à l'esprit que le danger, il est éloigné.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. C'est ce qu'elles expliquent dans leur ouvrage. Et c'est extrêmement puissant, je trouve. Et même, ça peut être très simple. Ça peut juste être aller marcher, en fait. Juste, tu sors, tu vas dix minutes marcher. Si tu es au boulot et il y a une situation de crise, tu as le droit d'aller aux toilettes comme tout le monde. Tu vas aux toilettes et tu fais ton shaking. Je le fais aussi avec mes élèves. Quand ils ont des oraux, des fois, ils ont peur de passer devant tout le monde. Un petit coup de shaking et on y va. C'est bon. Ça rappelle au cerveau. Ne t'inquiète pas, tu es en sécurité. Parce que si tu peux danser, marcher ou faire du shaking, ça veut dire qu'il n'y a pas un prédateur. Il n'y a personne qui va te bouffer derrière. Ça envoie l'image au cerveau que tu n'inquiètes pas. Tu es en sécurité. Ça va aller.

  • Speaker #1

    C'est ça. Moi, Lison, j'arrive sur mes deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, à ce stade, tu as envie de rajouter quelque chose ? Non. Moi, j'aimerais savoir quel message tu aimerais faire passer aux personnes qui vivent cette expérience qui est invisibilisée de l'avortement.

  • Speaker #0

    Je dirais surtout de s'apporter de la douceur, d'apprendre à s'apporter de la douceur. Parce qu'on n'y peut rien, c'est pas de notre faute. Et c'est un choix qui est très difficile. On en parle peu, c'est assez tabou. Comme tu l'as dit, on parle toujours de la grossesse, c'est formidable. Et puis pareil, c'est une image... Tout est formidable, les enfants, c'est que du bonheur. Oui, non, il y a beaucoup de bonheur, mais il y a aussi beaucoup de remise en question, c'est très compliqué. Donc, oui, pouvoir s'apporter de la douceur et être bienveillant envers soi-même. Déjà, la première chose, c'est soi-même, vis-à-vis de soi-même, et réussir à s'entourer de personnes bienveillantes également.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage ?

  • Speaker #0

    Euh... De ne pas hésiter à poser des questions. Parce qu'en fait, je pense que le pire, c'est quand on ne demande pas. Du coup, on a l'impression de traverser cette épreuve seule et que les autres s'en fichent. Alors que très souvent, pour la plupart des gens, c'est juste qu'ils sont gênés, ils sont embêtés, ils ne savent pas comment aborder les choses. Donc, le fameux je plus émotion Je me sens gênée parce que je vois que tu n'es pas très bien. Est-ce que tu souhaites en parler ? ou je me sens un peu embêtée de parler de ce sujet est-ce que tu voudrais te changer les idées en faisant quelque chose ? mais revenir à je plus émotion. Et comme ça, la personne, en fait, elle sait qu'elle peut refuser, mais elle sait qu'en fait, elle est soutenue.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir cette expérience de vie t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'en ai deux. Le premier super pouvoir, c'est celui de prendre soin de moi. Parce que vraiment, ça m'a fait prendre conscience que la personne la plus importante pour moi, c'est moi-même. Parce que je resterai avec moi toute ma vie. Et donc du coup, je dois veiller à ma santé physique, émotionnelle et mentale. Et le deuxième pouvoir, c'est de cultiver la gratitude. Là, j'ai vraiment appris à apprécier pleinement tout ce que j'ai. Mes enfants en bonne santé, mon mari, une vie de famille équilibrée, un travail que j'adore, un projet de co-écriture qui est en train de prendre forme. Ces deux super pouvoirs, c'est ça, c'est prendre soin de moi et cultiver la gratitude.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Lison pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir accueillie sur ton podcast Tamara.

  • Speaker #2

    Avec joie. Merci beaucoup Tamara et Lison. Je reviens vers toi. Pour te donner quelques nouvelles, six mois après notre entretien, un an et demi après mon avortement, voilà un petit bilan pour te dire que récemment il y a eu les fêtes de Noël et c'est vrai que j'ai eu mon ventre qui s'est retourné en voyant ma nièce parce qu'en fait elle est née au moment où si j'avais gardé ce bébé, si cette grossesse avait été menée à terme. il serait né à la même période, et donc du coup, elle était âgée de l'âge que le bébé aurait pu avoir. Et du coup, cette douleur physique, assortie d'une souffrance émotionnelle, m'a fait prendre conscience de cette ambivalence que je porte en moi, cette ambivalence qui est à la fois cette idée de ça aurait pu j'aurais pu effectivement garder ce bébé, j'aurais pu être maman une troisième fois, mes enfants auraient pu être… grands frères et grandes sœurs. Et puis en même temps, heureusement que j'ai pris cette décision. Je suis toujours alignée avec cette décision parce que j'ai différents projets que j'ai menés depuis qui auraient été impossibles pour moi avec le maternage proximal que j'aurais créé pour ce bébé. Et je pense que ce que je retiens avec cet épisode de Noël, c'est que je pense que j'aurais espéré que ce serait possible Ne jamais plus ressentir ça, c'est-à-dire me dire ça y est, c'est bon, j'ai clôturé le chapitre, je passe à autre chose Et finalement, je me dis que cette ambivalence, elle fait partie de la vie, elle fait partie de moi. Et forcément, peut-être que certains moments de vie me feront penser à ce moment que j'ai vécu, à la fois avec douleur, à la fois avec alignement. Et c'est tout à fait normal, en fait, de ressentir les deux. Et le fait de m'accompagner, de me dire que c'est normal de ressentir les deux, et bien sûr que je ressens encore cette douleur, et bien sûr que je reste alignée avec mon choix, fait que je peux l'accepter de la façon la plus sereine possible. Le fait de pouvoir me dire que je peux compter sur moi-même pour m'accompagner, la prochaine fois où ça arrivera, car forcément, il y aura une autre fois où ça arrivera, mais je serai là. encore et toujours pour m'accompagner, m'aider et me soutenir moi-même dans cette décision qui a été difficile à prendre et pour laquelle je reste alignée encore aujourd'hui. Voilà. Et sinon, au niveau des projets, c'est que j'ai créé le fil rouge des émotions. Donc là, en six mois, j'ai créé le blog, le filrougedesémotions.com. J'ai créé ma première chaîne YouTube et je suis en train de créer un podcast. avec mon mari. Tous les deux, nous allons partager nos expériences respectives. Moi, en tant que maman et professeur de français, latin et grec, et lui, en tant que papa et médecin du sport et médecin généraliste. Et donc du coup, notre objectif, c'est de transmettre des outils pour que les personnes puissent mieux vivre et accueillir leurs émotions à travers des références littéraires, des éclairages scientifiques, des entretiens inspirants. J'aime bien cette métaphore de semer des graines. On espère semer des graines de confiance en soi et d'ouverture d'esprit pour que les personnes qui nous écoutent puissent appréhender le monde et le voir peut-être sous un nouveau jour. Voilà. Sur ces nouvelles, je t'embrasse. Je te remercie encore d'avoir été présente pour moi parce que tu fais partie intégrante à la fois avec ton podcast et à la fois avec le temps que tu as bien voulu me consacrer pour l'enregistrement, pour l'entretien, pour avant l'entretien, après l'entretien. Tout ça, ça m'a permis de guérir. J'ai l'impression, cette image que tu es comme un... un baume sur mon cœur, c'est que mon cœur, c'est moi qui suis en charge de le reconstruire, de prendre soin de lui. Et en fait, je prends soin de lui en prenant soin de moi, en m'entourant des bonnes personnes. Et tu fais partie de mes plus belles rencontres et je te remercie encore infiniment pour ta présence, ta bienveillance, ta douceur, ta sensibilité et pour, tu vois, ce... Ta voix, ouais. Ta voix qui m'aide beaucoup. Je suis assez speed de caractère. Et ta voix contribue à mon apaisement. Voilà. Je t'embrasse fort. À bientôt Tamara.

  • Speaker #1

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Description

« Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. »
Quand sa fille de cinq ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix.

Elle porte un stérilet, pourtant elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin au réveil, le verdict tombe : le test posé sur le lavabo affiche « enceinte ».

Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l’amour, elle prend la décision d’avorter.
« J’ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celles qui avaient déjà donné la vie deux fois. »

Ce choix, elle l’assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable.
Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu’elle refuse de bouleverser.

Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse et dans son esprit, ce fœtus est déjà un bébé. « Dans ma tête, j’abandonnais mon bébé. »
La culpabilité s’installe, la honte aussi.
Ces émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amies. Lison affiche un masque de bonheur, mais à l’intérieur, tout s’effondre.

Aujourd’hui Lison nous livre son témoignage bouleversant ; forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d’une liberté retrouvée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins,

  • Speaker #1

    c'est ce que je crois.

  • Speaker #0

    Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit.

  • Speaker #1

    Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry,

  • Speaker #0

    l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute ! Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Quand sa fille de 5 ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix. Elle porte un stérilet et pourtant, elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin, au réveil, le verdict tombe. Le test posé sur le lavabo affiche enceinte Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l'amour, elle prend la décision d'avorter. J'ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celle qui avait déjà donné la vie deux fois. De choix, elle l'assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable. Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu'elle refuse de bouleverser. Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse. Et dans son esprit, ce foetus est déjà un bébé. Dans ma tête, j'abandonnais mon bébé, me confie-t-elle. La culpabilité s'installe, la honte aussi. Ses émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amis. Lison affiche alors un masque de bonheur, mais à l'intérieur, tout s'effondre. Aujourd'hui, Lison nous livre son témoignage bouleversant, forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d'une liberté retrouvée.

  • Speaker #1

    Mercredi 7 juin 2023 Hier, la phrase je me choisis a résonné en moi toute la journée. Ce matin, en allant au travail, j'ai écouté Uncover. J'ai pleuré. Pleuré ce bébé qui n'adviendra pas. Pleuré ce minuscule petit être que je ressens dans mon corps, dans mes seins, mais surtout dans mon cœur de maman. Au réveil et au coucher, je pense à lui. Il m'arrive de mettre ma main sur mon ventre, même si je sais qu'à ce stade, je ne le ressentirai pas. Aujourd'hui, je pleure ce bébé surprise que j'aurais aimé quelques semaines. Quatre grossesses, deux menées à terme. Et chaque fois, qu'est-ce que je les ai aimés, ces bébés ? Lundi 26 juin 2023. Je sais que c'était la bonne décision, mais physiquement... Ça a été très douloureux et moralement, j'ai encore le cœur en miettes. Même avec les meilleures raisons du monde, je garde cette impression amère qui me broie les entrailles d'avoir abandonné mon bébé qui s'était accroché à moi coûte que coûte. Je ressens une boule immense dans la gorge qui, je pense, diminuerait nettement si je m'autorisais à déverser ma douleur qui ne s'est pas arrêtée le jour de l'expulsion. Mardi 27 juin 2023, j'ai évacué mon bébé sur mes toilettes, entre mes cuisses qui avaient déjà donné la vie deux fois. J'ai observé ce petit amas de cailloux qui avait rougi la cuvette immaculée. J'ai pris une photo pour être sûre que c'était bien ça. Puis j'ai tiré la chasse pour que l'eau l'emporte. L'eau l'a emporté, mais n'a pas emporté ma douleur de mer, ma douleur qui est restée, viscérale, tapie en moi et ressurgissant par intermittence. On pourrait penser que cet acte réalisé dans ce lieu si trivial m'aurait permis de réaliser qu'effectivement, il ne s'agissait que d'un amas de cellules Mais ça n'a pas été le cas. Vous faites votre deuil sur une cuvette des toilettes, vous.

  • Speaker #0

    Merci Lison pour ce partage d'intimité. J'aimerais savoir comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, aujourd'hui, ça fait un an, jour pour jour, à deux jours près. que j'ai vécu cet avortement. Et aujourd'hui, je peux dire qu'il y a un an, je ressentais un désespoir intense. Et aujourd'hui, je me sens en paix, sereine, je me sens bien.

  • Speaker #0

    Je suis contente de l'entendre. Alors, qu'est-ce qui t'a amenée à cet avortement où on sent quelque chose qui est vraiment douloureux dans le témoignage que tu nous en as fait au travers de ton écriture ?

  • Speaker #1

    Ce qui a été extrêmement douloureux, je pense, c'est le fait d'être déjà maman, le fait d'avoir vécu une fausse couche avant la grossesse de mon fils puis de ma fille, et de savoir que cette sensation dans le corps que je sens... En fait, c'est moi qui ai pris la décision de ne pas garder ce bébé parce que j'étais sous-stérilée. C'était vraiment une décision avec mon mari. Nous ne souhaitions plus d'enfants. Mais il y a une différence entre l'idée de ne pas avoir de bébé et l'idée de... En fait, là, il est là. Il s'est quand même immiscé en moi. Et qu'est-ce que je fais de ça ? Et j'ai ressenti dans mon corps les seins qui ont commencé à grossir. J'ai commencé à... C'était un tout début de grossesse, mais c'est la grossesse que j'ai le plus sentie. Et ce qui m'a le plus procuré de souffrance, c'est le fait de dire que la première fois, lors de la fausse couche, ce bébé, c'est lui qui ne s'était pas accroché à moi. Et ça a été très très dur à vivre. Alors que cette fois-ci, c'est moi qui ne voulais pas de lui. Et donc j'ai éprouvé une grande grande grande culpabilité. Parce que dans ma tête, j'abandonnais mon bébé. et une grande honte aussi à en parler. Et d'ailleurs, lorsque je t'ai proposé de participer à ce podcast il y a quelques mois, je m'étais dit, ah non mais surtout il faudra une photo anonyme avec, je sais pas, quelque chose de flouté ou pas moi, parce que je ressentais encore de la honte. Alors qu'aujourd'hui, non, ça fait partie de ma vie. C'est un chapitre de ma vie qui fait partie de moi. Et c'est encore un petit peu douloureux, mais de jour en jour, ça va de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Ton témoignage, il résonne pas mal parce qu'on a quelques points communs dans ce qu'on a pu vivre. Plus jeune, je crois que j'avais 25 ans à l'époque, j'étais aussi tombée enceinte sous stérilet. Comme quoi, c'est quelque chose qui arrive. Et j'ai comme toi, donc à ce moment-là, j'ai avorté. Et j'ai comme toi aussi vécu une fausse couche un mois avant. la grossesse de ma fille qui a été menée à terme et qui a aujourd'hui aujourd'hui même neuf mois donc au final c'est toujours ça fait quelque chose en fait de sentir quand ça résonne le témoignage des autres avec son propre vécu donc toi t'es tombée enceinte sous stérilet comme tu disais comment t'as appris comment t'as découvert que tu étais enceinte parce que Dans le souvenir que moi j'avais à l'époque, j'ai mis deux mois et demi avant d'apprendre que j'étais enceinte parce que je me disais que le stérilet c'est mon moyen de contraception.

  • Speaker #1

    Alors je reprendrai la citation que tout le monde connaît bien de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ce qui va parfaitement avec le titre de ton podcast. En fait c'est ma fille. C'est ma fille. Alors à l'époque, elle avait 5 ans et demi. J'avais juste deux jours de retard de règles. Elle m'a embrassé le ventre. Elle m'a dit Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Et je lui ai dit Mais non, tu sais très bien que ce n'est pas possible. Avec papa, on fait des câlins d'amoureux, mais on ne peut pas avoir de bébé. Elle m'a dit Mais tu ne le sais pas encore, parce qu'il est tout petit, mais il y a un bébé dans ton ventre. Elle m'a dit ça le dimanche. J'avais mis un test de grossesse sur les toilettes pour y penser le lendemain matin, pour être sûre, me tranquilliser. Et le test était positif.

  • Speaker #0

    Et comment tu as intégré cette nouvelle-là de test positif ?

  • Speaker #1

    J'étais totalement perdue, je n'arrivais pas à comprendre. J'ai eu un moment, j'ai ressenti de la colère envers mon corps, en me disant, mais quand je voulais un bébé, tu me l'as enlevé, ce bébé qui n'a pas tenu cette fausse couche, il n'a pas tenu, et puis là je n'en veux pas, tu m'en mets un, alors que moi j'ai mis un stérilet pour ne pas en avoir, donc il y a eu du désespoir, il y a eu de la colère, il y a eu beaucoup de choses mêlées. Et puis finalement, j'ai réussi à le retourner en me disant que c'est une preuve de l'amour que mon mari et moi avons l'un pour l'autre. Et qu'effectivement, on est des animaux, on est des mammifères et qu'on est le stérilé. Tous les moyens de contraception, il n'y en a aucun qui n'est pas fiable à 100%, sauf s'il y a abstention. Et que ça fait partie de la vie, du cycle de la vie. Donc j'ai finalement réussi à m'apaiser en me disant que ça représente la force de l'amour. Et peut-être même encore plus. plus fort que mes deux autres enfants, où là, après une fausse couche, j'avais tellement ce désir de grossesse que j'ai appris à connaître un peu les signes au niveau de mon corps, sur la glaire cervicale, la période d'ovulation. Donc les câlins étaient un peu, pas tout le temps, mais souvent à tel moment propice parce que je voulais à tout près un enfant, alors que là, pour le coup, on ne voulait pas d'enfant. Donc finalement, c'était une vraie grossesse de l'amour. Donc voilà, je suis passée par toutes ces émotions mêlées en très très peu de temps. de temps.

  • Speaker #0

    Toi, du coup, tu l'as vécu comme une grossesse de l'amour et pas un simple fait biologique.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je pense que c'est le fait d'avoir déjà eu des enfants, d'avoir ma fille aussi qui aurait rêvé d'être grande sœur, qui a fait que, effectivement, directement, je l'ai considéré comme un bébé, en fait. Et dans mes notes, effectivement, j'ai relu mes notes, je parlais de lui en disant mon bébé même si intellectuel. Je savais très bien que c'était tellement petit que quand on a été à l'hôpital, on ne le voyait même pas l'embryon. J'ai fait un test de grossesse qui était positif. J'ai dû y retourner plusieurs fois pour voir qu'effectivement, la grossesse était évolutive. Mais c'était tellement récent qu'on ne voyait rien à l'échographie. Mais comme la gynécomatie, de toute façon, vous le savez, vous le savez, ça fait la quatrième grossesse, vous le sentez au fond de vous. Et c'est vrai que c'est... Oui, je ne voulais pas d'enfant, mais là, c'était... Je ne voulais pas l'idée d'un bébé. Là, ce n'était pas une idée. Il était là, implanté.

  • Speaker #0

    Et en fait, quand on t'a enlevé le stérilet, ce qui était attendu, c'était que tu fasses une fausse couche. Mais en réalité, le bébé, il a tenu.

  • Speaker #1

    Oui. En fait, c'était surprenant parce que lors de l'échographie, elle m'a dit Mais ce n'est pas possible que l'embryon soit à cet endroit-là. Parce qu'il est vraiment sur le stérilet. Donc, il n'y avait rien, un stérilet au cuivre. Donc aussi bien par le cuivre que par la position là où il est, il n'aurait jamais dû être là. Et elle me dit, mais là, si vous pensez poursuivre une grossesse, on peut conserver le stérilet et essayer de voir si ça fonctionne. Et je lui ai dit que non, je lui ai demandé de le retirer. Elle dit, mais là, vous risquez la fausse couche dans les deux prochains jours. Sauf qu'en fait, effectivement, il n'y a pas eu de fausse couche et il s'est accroché, il a grossi.

  • Speaker #0

    Et il s'est accroché, il a grossi et il a fallu faire justement ce douloureux choix de l'avortement. Comment ton mari a réagi à cette situation ? Est-ce que vous avez pu être ensemble pour prendre cette décision ?

  • Speaker #1

    Oui, on a pu en parler. À ce moment-là, moi j'avais vu une neuropsychologue qui m'avait diagnostiqué un trouble anxieux généralisé. où en fait là l'essentiel c'était de prendre soin de moi et mon mari qui est médecin m'a dit tu sais dans un cas pareil quand il faut choisir entre une maman et un bébé on choisit toujours la maman Et là, physiquement, émotionnellement, psychiquement, tu as besoin de te reconstruire toi. Donc ça a été son discours de médecin un peu détaché, mais je pense que c'était son moyen de protection, parce qu'il voyait à quel point j'en souffrais. Et puis après, on a eu aussi des dialogues drôles. En deux secondes, je me fais des films. Alors attends, du coup, la chambre, comment on va faire ? On va faire un étage, et puis pour l'école, et puis la nounou. Et puis mon mari qui dit, ouais, et puis on va l'appeler Arnold aussi, comme Arnold Schwarzenegger, parce que je suis fort quand même, tu te rends compte ? T'arrives à être tombée enceinte alors que le stérilet, c'est vraiment qu'on s'aime super fort. Donc il y a eu un mélange du côté médical. Il faut prendre soin de la maman parce qu'en ce moment, tu vis quelque chose, tu es déjà en fragilité. Et puis il y a eu l'humour. qui permettait aussi de dédramatiser, de soulager. Et il a été présent le jour où j'étais à l'hôpital, parce que l'avortement c'est en deux temps. Un premier temps où il y a un cachet à prendre en présence d'un médecin, et il faut signer aussi le formulaire de consentement. Et il y a un deuxième temps, quelques jours après, où là il faut prendre le cachet à la maison, et l'avortement a lieu à la maison, comme je l'ai lu tout à l'heure dans les toilettes. Et il était présent. Alors ça m'a fait énormément de bien parce qu'effectivement c'était à deux. Et ce qui m'a fait, ce qui a été douloureux pour moi, c'est que quand tu signes le texte qui dit qu'effectivement tu acceptes l'apportement, etc. En fait, il n'y a que toi qui le signes. Et comme mon mari m'a dit, c'est normal en fait, c'est ton corps. Et si tu avais décidé de le garder, on l'aurait gardé. Si tu veux... C'est toi qui choisis en fait et c'est important que ça soit toi. Sauf que moi, psychologiquement, si on avait été deux assignés, ça m'aurait permis de dire que c'est vraiment une décision de couple. Alors je sais, voilà, il y avait toujours cette dualité en moi, entre d'un côté mon cœur de maman qui saignait, et puis l'aspect rationnel en disant, oui, je comprends très bien, c'est le corps d'une femme, une femme fait ce qu'elle veut de son corps, c'est elle qui choisit au final. Mais c'est vrai que ça m'aurait aidée. Mais le fait déjà qu'il soit présent, c'était très bien, parce qu'ensuite, c'est lui qui a pu parler de contraception, qui a posé les questions à la gynéco. Bon, du coup, concrètement, comment ça se passe ? Donc, c'est très précieux d'avoir son homme à ses côtés quand ça arrive.

  • Speaker #0

    Et le fait que ta fille, elle est quand même un esprit un peu mystique. Elle a découvert à quelques jours de grossesse que tu étais enceinte. Ça, c'est vraiment la force des enfants. Toutes leurs antennes sont bien connectées. Est-ce qu'à ta fille, tu lui en as parlé, justement, de ce qui s'est passé ? Est-ce que tu lui as dit qu'en effet, elle avait eu raison, il y a bien eu un bébé qui s'était installé dans ton ventre ?

  • Speaker #1

    Alors ça, je lui en ai parlé. Et à mon fils aussi, ils ont trois ans d'écart. Donc, elle avait cinq ans et demi, lui avait huit ans et demi. Je leur en ai parlé le samedi, après avoir pris le deuxième cachet. C'est-à-dire que quand je savais que de toute façon je ne pourrais pas revenir en arrière, parce que je crois que j'avais trop peur de ce qui concerne ma décision en fait. Il fallait vraiment que ça soit très clair pour moi dans ma tête, mais une partie dans mon corps aussi. Et donc effectivement j'ai pris le temps de leur expliquer, de leur dire qu'avec leur papa on s'aimait extrêmement fort, que notre canin d'amoureux a fait un bébé, qu'elle avait effectivement raison, elle l'avait senti. et qu'on avait décidé de ne pas poursuivre cette grossesse parce qu'en ce moment, j'avais besoin de prendre soin de moi, de ma santé. Et ça a été un gros déchirement pour elle. Elle a énormément pleuré parce qu'elle souhaitait tellement être grande sœur. Et ça, ça a été très très dur pour moi à l'entendre me dire ces paroles que je comprenais. En même temps, je me sentais responsable, mais je ne me voyais pas. élever à nouveau un enfant de manière aussi intense que je l'ai fait avec les deux autres, c'est à dire un allaitement long, le portage, le cododo. Et donc ça, pour ma fille, ça a été très dur. Et heureusement, il y a mon fils qui a eu cette prise de recul qui lui m'a aidé en me disant mais maman, quand à un moment plusieurs personnes m'ont dit que c'était le bon choix, je me suis dit ah, donc ils n'avaient pas confiance en moi en fait. Je l'ai un peu mal pris. Je me suis dit ils n'avaient pas confiance en moi, je n'aurais pas été une bonne mère. Parce que je me jugeais déjà en me disant, je ne suis pas capable de prendre soin de mon bébé parce que j'avorte, je suis une mauvaise mère. Grosse, grosse, grosse culpabilité. Et mon fils m'a dit, mais c'est l'inverse maman, tu aurais tellement pris soin de lui, mais toi, qui aurait pris soin de toi ? Comment tu aurais fait ? Et avoir cet écho de mes deux enfants, ça m'a permis d'accepter la peine de ma fille. Mais effectivement, elle a le droit d'en souffrir, d'éprouver de la peine. Mais mon fils me rappelle qu'en fait... Pour le bien-être de toute la famille, ils avaient besoin d'une maman forte. Et je pense que ça aurait été compliqué de l'être avec un troisième enfant.

  • Speaker #0

    Ça me touche beaucoup le fait que tu leur en auras... J'ai rien rêvé. Ça me touche le fait que tu en aies parlé avec tes enfants. Parce que moi, je suis vraiment partisane du fait de nommer les choses avec les petits qui sont justement dans des ressentis tellement forts que ne pas leur dire les choses, c'est être dans le secret. Je suis assez persuadée que le secret n'est pas bon. pour son développement. Mais en même temps, il y a quelque chose qui me fait vraiment quelque chose, si je me mets deux secondes à réfléchir dans l'empathie de ta fille, à imaginer en effet qu'une petite fille de 5 ans et demi, tout d'un coup, avec sa compréhension de petite, imagine que ce bébé qui est logé dans ton ventre va finir par ne jamais exister.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. Mais tu vois, là, j'ai... Les choses qui me viennent, comme tu dis, c'est que je ne voulais pas qu'il y ait de secret. Je voulais aussi qu'ils m'ont vu. Quand tu avortes, tu te vides de ton sang. Au niveau de la tension, elle baisse énormément. C'est une fatigue physique intense. Émotionnellement, c'est très très dur. Donc du coup, pas de secret, j'avais envie de le dire. Et puis, il y avait deux choses aussi qui m'ont fait leur dire. La première, c'est que j'avais envie de valider son ressenti. Elle a senti que j'étais enceinte et en fait, elle a eu raison. Et on a été tellement, enfin moi en tout cas, j'ai été tellement élevée, tu sais, où il ne faut pas montrer ses émotions. Une famille d'Italiens, tu gardes tout pour toi, t'es fort, etc. Que là, j'avais envie de lui valider ce que moi, on n'a pas validé en moi quand j'étais petite fille. C'était un moyen de réparer en fait et de lui dire que ce qu'elle a ressenti était vrai, était légitime. Mais j'ai fait un choix. qu'elle n'aurait pas fait, mais mon choix était celui-là. Mais elle a ressenti des choses et c'est formidable qu'elle ait cette intuition. Et puis la deuxième chose aussi, c'est qu'on est des modèles pour nos enfants. Et je voulais leur montrer aussi que si un jour, que ce soit mon fils ou ma fille, étaient confrontés à ce choix, en fait on peut, souvent quand on parle d'avortement, on parle d'avortement. On peut parler par exemple des personnes qui ont été violées, qui ont subi des actes de violence, ou que le compagnon est parti, ou des choses vraiment difficiles, comme pour justifier ce choix. Et là où j'ai ressenti, je pense, de la honte et de la culpabilité, c'est qu'avec mon mari, ça fait 12 ans qu'on est mariés, on a un couple stable, on a nos deux enfants, un métier stable, on a une maison. En fait, il y aurait tout ce qu'il aurait pu faire. qu'on le garde ce bébé. Et pourtant, on a pris cette décision de ne pas le garder, et c'est notre choix. Il est aussi légitime que le fait de le garder ou de ne pas le garder, et peu importe les raisons, en fait. C'est le couple qui décide. Et ça, tu vois, j'avais envie qu'ils en aient conscience si jamais ça leur arrive pour d'autres choses, que c'est... C'est pas parce que c'est douloureux que c'est le mauvais choix et qui... Enfin voilà, si ça leur arrive, qu'ils puissent m'en parler, qu'ils puissent parler de tout. Pour moi, c'est le primordial.

  • Speaker #0

    Tu évoquais hors antenne, et on le ressent aussi des fois, là dans ton discours, un peu cette ambivalence, ces émotions contradictoires que tu as pu ressentir, dans le sens que oui, c'était un choix qui était assumé, et en même temps, ça n'a pas du tout empêché toute la souffrance que ça génère d'avoir perdu ce bébé. En tout cas, toi, tu l'appelles comme un bébé, et non pas un foetus, donc je reprends tes mots. Comment tu arrives à concilier ces émotions qui sont un peu contradictoires et ambivalentes dans un quotidien ?

  • Speaker #1

    Alors je me dis qu'il y a mon côté rationnel qui dit qu'effectivement c'était un fœtus, un amas de cellules et qu'effectivement le stérilet c'est un moyen de contraception qui n'a pas fonctionné et j'ai fait ce choix-là. D'un autre côté, il y a la sphère émotionnelle qui est vraiment dans mes entrailles les plus profondes de mer. Tu vois, la femme, la mer sacrée dans son ventre, où là, ça a été une très, très grande souffrance pendant de nombreux mois, parce qu'il me manquait une partie de moi. Pour moi, je l'ai vécu comme ça. Il me manquait une partie de moi-même. Et donc, régulièrement, c'était juste de pouvoir m'apporter de la douceur quand je ressentais ça viscéralement. De dire... évidemment que tu souffres, évidemment que dans ta tête, toi qui a déjà porté la vie trois fois, qui a allaité tes enfants longtemps, qui est très proche d'eux, évidemment que ça te fait souffrir, évidemment que ça te rend triste, et tu as le droit. Et puis après, quand il y a des moments où ça allait mieux, le côté rationnel me disait, Ah ben regarde, telle activité avec tes enfants, tu vois, avec un bébé, en fait, là, ça n'aurait pas été possible, ça aurait été compliqué. Donc voilà, je... En fait, cette ambigüence, je l'ai toujours en tête, mais juste me dire qu'il y a des moments, ça va plus d'un côté, d'autres moments, ça penche de l'autre. Et quand ça penche du côté souffrance, essayer, et c'est ce que ça m'a appris à m'apporter de la douceur et à me dire que c'est légitime d'avoir encore cette souffrance. Et j'ai le droit de ressentir ça.

  • Speaker #0

    Et comment on s'apporte de la douceur concrètement ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les autocalins. On peut se serrer soi-même dans les bras, j'ai appris ça il n'y a pas longtemps. C'est aussi sur le discours intérieur, la façon de se parler. J'avais un discours assez négatif et très jugeant, j'étais ma première juge. Et là, m'accorder le fait d'avoir le droit de ressentir ces émotions-là, déjà pour moi c'est une grande douceur. Et il y a une amie d'ailleurs, Julie, qui m'a offert un bracelet. Elle m'a dit, allez celui-là, je te le mets au poignet, c'est pour te rappeler chaque jour de te parler gentiment. Donc tu vois, un signe concret à revoir dans la journée régulièrement pour se rappeler ça.

  • Speaker #0

    Merci Julie.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, alors là c'est vrai que tu nommes cette amie-là, quand vous avez vécu cette expérience d'avortement, est-ce que vous aviez eu un soutien émotionnel à ce moment-là, que ce soit de la part des amis, de la famille ou de professionnels ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en fait, moi, il y a vraiment trois grandes choses qui m'ont aidée à traverser cette épreuve. La première, parce qu'en fait, je n'arrivais pas au départ à en parler. Comme je t'ai dit, c'était une grande honte. Pour moi, j'étais une mauvaise mère. Si j'abandonne mon bébé, il n'y a pas pire mère que ça. Donc, c'était difficile. Donc, la première chose, ma thérapie, ça a été l'écriture. Vraiment un exutoire, un moyen de libérer mes émotions. de mettre des mots sur ma douleur. Et en fait, c'est le fait d'écrire qui m'a fait prendre la décision. Et on en revient à ce que je disais tout à l'heure, que ton compagnon, ton mari, il peut te soutenir, t'accompagner. Mais en réalité, c'est ton corps, c'est bien toi qui prends la décision. Donc ça, c'est les mots que j'ai posés qui m'ont fait prendre conscience de la décision que j'avais au fond de moi. Parce que réellement, j'étais totalement perdue. Et j'aimerais te citer, il y a une citation que j'aime beaucoup de John Piper à ce sujet. étaler de l'encre sur une page, ça ouvre les yeux. On ne peut pas comprendre comment ça éclaire, mais on sait seulement qu'il y a des yeux dans les crayons et dans les stylos. Tu vois, c'est exactement ça, c'est l'écriture qui m'a permis de prendre la décision. Et une fois que la décision a été prise, à chaque fois qu'il y avait un tourment, des remises en question, l'écriture a continué à m'accompagner dans ce choix et à me soulager en fait. Donc ça a été déjà la première chose avant les personnes. Donc ensuite, effectivement, la deuxième chose qui m'a aidée, c'est le soutien bienveillant de mon entourage. Ma kiné, une kiné ostéo, Caroline, qui m'a dit, c'est elle qui a eu cette phrase, ce n'est pas parce que c'est douloureux que ce n'est pas le bon choix. Ça peut être le bon choix et quand même extrêmement douloureux. Et ça, ça a été... C'est suite à ça que j'ai fait un flot de pensées et où j'ai pris la décision de l'avortement. C'est de me dire que la décision est très dure, c'est extrêmement douloureux, mais c'est mon choix. Et le fait de savoir que ce n'était pas une remise en question du choix m'a fait prendre la décision et m'a fait un bien fou. Mon fils, comme je t'ai dit aussi, il échange avec lui, qui m'a dit évidemment que j'aurais pris soin du bébé, que je l'aurais allaité, porté, mais que moi-même je me serais épuisée. Et puis aussi, j'ai assisté à un cercle de femmes. Et il y avait la merveilleuse Joëlle qui a eu pour moi cette phrase qui m'a touchée en plein cœur. Elle m'a dit Ce n'est pas ton bébé que tu as abandonné, c'est toi-même que tu aurais abandonné en le gardant. Parce qu'elle connaissait mes antécédents. Et donc en fait, tu vois, c'est toutes ces phrases qui m'ont aidée à avancer et à accepter ma décision. Parce que j'ai une... Au niveau de ma mémoire, les mots c'est quelque chose d'important, l'écriture et le fait d'avoir eu ces phrases par des personnes en qui j'ai confiance et bienveillante, ça m'a guidée. Et la dernière chose qui m'a aidée...

  • Speaker #0

    Pour le contexte, ma sœur est tombée enceinte en même temps que moi, sans le savoir, parce qu'elle s'est à l'inverse. Elle avait des difficultés pour avoir un bébé. Ça a été extrêmement douloureux. Quand je voyais les échographies au début, dans ma tête, c'était ça aurait dû être le mien J'ai réussi à penser ensuite ça aurait pu être le mien En tout cas, toute sa grossesse, pour moi, psychologiquement, a été difficile. Au moment de la naissance aussi, ça a été très compliqué. Et puis ensuite, j'ai été voir, on habite à 300 kilomètres l'une de l'autre, quand j'ai été voir ma nièce, en fait, j'étais en mode, là, je vais pour ma sœur. Donc j'ai préparé à manger pour trois jours, je lui ai préparé plein de choses pour qu'elle ait rien à faire pour prendre soin d'elle. Je l'ai allaitée pour son allaitement parce que sa fille avait des difficultés à prendre le sein. Et on a vécu un moment de... Souvent on parle de sororité entre femmes qui ne se connaissent pas, mais là c'est carrément ma sœur, c'est vraiment le... terme très très proche toutes les deux avec son bébé là vraiment j'étais pour ma soeur et je me rappelle avoir écrit quelque chose comme le soir la veille j'avais le coeur en miettes et le soir après avoir vu ma soeur je me sens libérée et sereine et je l'ai revu quelques temps après et là c'est là où j'ai vraiment découvert ma nièce c'est à dire que la première fois je venais en fait je venais pour aider ma soeur Alors que là, réellement, j'ai fait la connaissance de ma nièce en toute sérénité et vraiment avec grand plaisir. Et pareil, dans les fameuses phrases des personnes qui aident, il y avait une amie qui m'a dit, c'était écrit qu'il devait y avoir un bébé dans votre famille en 2024. Et bien voilà, ce n'était pas le mien, c'était celui de ma sœur.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ta sœur, tu as pu lui confier le fait qu'il y avait ce processus qui était douloureux quelque part parce que vous êtes tombée enceinte au même moment ? Et que du coup, elle qui poursuivait sa grossesse et toi qui l'avais terminée, est-ce que tu as pu en parler avec elle ?

  • Speaker #0

    Alors c'est uniquement au moment de l'annonce. Elle me l'a annoncé sans mes enfants, sans mon mari, on n'était que toutes les deux. Parce qu'elle savait que pour moi ça serait très difficile. Et j'ai pleuré en la prenant. J'ai pleuré à la fois de joie et de... parce que j'allais être tata en fait. Et aussi un peu de tristesse en voyant l'échographie, en me disant que ça aurait pu être le mien de bébé. Et ça a été très bienveillant de sa part. Elle m'a dit qu'effectivement, elle ne savait pas trop comment me le dire et qu'elle n'osait pas devant les enfants parce qu'elle avait peur de la façon dont j'allais réagir. Et qu'ensuite, elle voulait qu'on en parle ensemble aux enfants, comment en parler à ma maman. Elle était vraiment... toute pour moi, toute bienveillance pour dire comment toi tu gères cette annonce, comment tu veux qu'on fasse. Et puis ensuite, par contre, on n'en a plus reparlé.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça a été extrêmement bienveillant. On voit beaucoup de situations, au final par exemple, de couples qui n'arrivent pas à avoir des bébés, et puis on leur annonce autour d'eux sans cesse des grossesses. Et en fait, c'est compliqué parce qu'il y a tellement... Une charge émotionnelle, on va dire hyper positive, autour de la grossesse et de la parentalité, qui est énormément à déconstruire selon moi. Je ne dis pas que ce ne sont pas des événements heureux, bien au contraire, mais que de mettre que du positivisme là-derrière, ce n'est peut-être pas non plus toujours très réaliste. Et en fait, je trouve ces situations parfois compliquées. quand justement on vit soit une période d'infertilité, soit une fausse couche, soit un avortement, de devoir presque automatiquement se positionner comme étant très heureux de recevoir ce genre d'annonce de grossesse. Parce que dans notre chair, ça peut résonner autrement.

  • Speaker #0

    Oui, exactement. Alors pour ma sœur, j'ai eu l'ambivalence. Parce que je pensais qu'elle ne voulait pas d'enfant. On en était arrivé à l'idée là. Et donc le fait qu'elle m'annonce cette grossesse, vraiment, ça a été une joie immense. Parce qu'en gros, j'avais fait le deuil de ne jamais être tata un jour. Parce que mon mari est fils unique et moi, je n'ai que ma sœur. Donc du coup, réellement, j'ai vraiment une joie surprise immense. Et puis ensuite, il y a eu cette ambivalence par rapport à l'avortement. En revanche, quand une amie nous a annoncé sa grossesse un samedi, une semaine après l'avortement, là effectivement, j'ai pas réussi à... J'avais un masque, mais je n'ai pas réussi à réellement me réjouir parce que c'était très dur pour moi. Et puis ce qui était dur, je pense que le plus dur, ce n'était pas d'apprendre les grossesses des autres personnes autour de moi, c'était de ne pas pouvoir en parler parce que je n'osais pas. Je m'étais dit, elle m'annonce sa grossesse, je me vois mal lui dire, moi il y a une semaine j'ai avorté. Pareil pour une autre amie qui avait une petite fille et je ne me voyais pas lui dire ça. J'avais mis un masque, mais sachant qu'à ces deux amis, j'ai finalement réussi par leur dire, là il y a peu de temps, le chemin est long, mais j'ai réussi à leur dire. En fait, elles étaient attristées pour moi de ne pas pouvoir m'accompagner à ce moment-là, en me disant que l'amitié, elles auraient pu être là. Mais c'est vrai que c'était tellement douloureux pour moi, que je sentais que pour moi, c'était déplacé de leur en parler, alors qu'elles, elles portaient la vie en fait.

  • Speaker #1

    Oui. Quelque part c'est assez joli parce que je trouve que tu t'offres une réparation. C'est à dire que tu t'es quand même réjouie pour elle sur le moment même s'il y avait du masque à ce moment là mais tu leur as permis d'exprimer cette joie parce qu'il y a cette joie aussi qui est un bonheur à vivre quelque part pour elle et en même temps tu t'es offert la réparation de pouvoir en reparler avec elle et de pouvoir t'offrir cet espace que tu n'as pas eu au moment où elles annonçaient leur grossesse.

  • Speaker #0

    Exact. Je ne l'avais pas vu comme ça, une réparation. Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Tu m'avais évoqué le manque d'un rituel autour de ce deuil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si tu pouvais aujourd'hui créer un rituel qui t'aiderait, tu penses qu'il ressemblerait à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est... Je me demande si ça ne serait pas encore une fois en passant par l'écriture, en lui rédigeant une lettre, et peut-être en la brûlant dans le jardin, ou quelque chose entre l'écriture et la nature, quelque chose comme ça. Mais qu'effectivement, je n'ai toujours pas fait, parce que...

  • Speaker #1

    Tu sens que ce rituel, c'est quelque chose auquel tu vas accorder un temps à un moment donné ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense qu'il y avait deux étapes que j'attendais. La première, c'était de revoir mon gynéco, parce que ce n'était pas lui qui s'était occupé de l'avortement. Je l'ai vu il y a quelques semaines. Le fait de lui en parler, tout ça déjà, c'était important pour moi. Et le fait d'avoir cet enregistrement de podcast à tes côtés, pile un an, après ce qui s'est passé dans ma tête c'était une façon d'ouvrir un nouveau chapitre qui est non plus dans la souffrance mais vraiment dans la résilience et peut-être qu'en finissant notre échange toutes les deux effectivement faudrait que je le fasse maintenant pour vraiment clôturer ce chapitre et m'en libérer réellement oui donc je pense à écrire une lettre

  • Speaker #1

    En début d'interview tu disais que hum tu t'arrivais pas à te projeter à nouveau dans la parentalité avec l'allaitement long, le cododo, le portage quasi permanent. Est-ce que tu appellerais ça aujourd'hui ce qu'on appelle le maternage proximal ?

  • Speaker #0

    Exactement oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? Parce qu'il n'y a pas forcément beaucoup de gens qui connaissent ce terme là ou ce concept.

  • Speaker #0

    Alors Le maternage proximal, je dirais qu'en gros, il y a d'un côté la société de consommation qui nous vend plein d'objets gadgets en nous faisant croire que c'est le mieux pour un enfant, parce que le but c'est de faire de l'argent. Et le maternage proximal, c'est de réaliser que le meilleur à apporter à un enfant, surtout un tout petit, c'est juste sa présence, ses bras, être contre sa maman, contre son papa en pot à pot, en portage. pouvoir le nourrir. Alors pour l'allaitement, j'ai eu cette chance d'être extrêmement déterminée et très très bien entourée, parce que c'est vraiment difficile. Et je comprends aujourd'hui en France que beaucoup de femmes n'y arrivent pas, avec tous les discours qu'on a. Donc je ne leur jette vraiment pas la pierre, je sais que c'est un parcours du combattant, ça peut être vraiment difficile. Donc ça, c'est prendre... En fait, c'est vraiment se faire avec son bébé, c'est-à-dire le découvrir comme vraiment une personne un petit peu apparente, cher, voire... En fait, un bébé n'est pas un autre. J'ai deux enfants. Ce n'est pas parce que je les ai allaités tous les deux qu'ils ont la même personnalité. Ce n'est pas parce que j'ai fait ça, la motricité libre, que tous les deux ont telle façon de voir les choses. C'est accueillir l'enfant comme une fleur et puis essayer que tout autour, le terreau soit le meilleur possible pour lui.

  • Speaker #1

    Le capitalisme, il n'est pas hyper en phase avec le martyre. le maternage proximal, on est bien d'accord.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vu une étude sortie par la Lecce League, comme quoi l'allaitement, ça équivalait à 1800 heures de travail par année. Et je crois qu'en France, 100%, c'est 1650 heures. Sachant que dans l'allaitement, il n'y a pas les vacances et les soirées de libre, enfin voilà.

  • Speaker #0

    Et les nuits aussi.

  • Speaker #1

    Et je trouve vraiment, tout ça me questionne beaucoup aussi parce que c'est une période que je vis actuellement. Ce fait où tout d'un coup on parle de maternage proximal, tout d'un coup on invente un concept que je trouve tout à fait honorable. Simplement parce qu'on est dans un monde qui est tellement à l'inverse de ça. C'est-à-dire qu'au bout de trois nuits, on te demande si ton bébé fait ses nuits. parce que plus vite il fera ses nuits, plus vite tu pourras aller retourner travailler. Donc c'est bien, tu retourneras dans cette société-là. On est tout le temps à favoriser l'autonomie du bébé, à ce qu'il ne soit pas porté, à ce qu'il ne soit pas rassuré. Et du coup, j'ai l'impression que tout ça fait qu'on doit revenir à un concept qui s'appelle justement ce maternage proximal, alors que quelque part, simplement... Être contre son bébé, lui donner à manger, le rassurer la nuit, ça semblerait être quelque chose d'assez banal et évident, non ?

  • Speaker #0

    Oui, exact. On en arrive à ça, oui, effectivement. C'est la norme naturelle parce qu'en fait, avant tout, ce que je disais au début, c'est qu'on est des mammifères. On est faits pour porter la vie, qu'on a des mamelles, c'est-à-dire des seins, pour leur donner... notre lait, et puis c'est pas que de nez du lait, c'est une relation d'amour, ça crée une sécurité intérieure énorme pour l'enfant. Et je vais continuer, si tu veux bien, dans mes citations, il y en a une que j'aime beaucoup, par Alice Trépanier, doctorante en psychologie et consultante périnatale, qui a écrit Il est dans la nature de l'enfant d'être dépendant. Il est dans la nature de cette dépendance de passer avec l'âge. En vouloir à cette dépendance parce qu'elle n'est pas encore devenue indépendance, c'est comme en vouloir à l'hiver parce qu'il n'est pas encore devenu printemps. La dépendance se transforme en indépendance à son propre rythme.

  • Speaker #1

    Merci, décidément tu as des citations pour tous les sujets. Est-ce que justement si tu n'avais pas été dans ce type de maternage dit proximal, tu penses que tu aurais pu garder ce bébé ?

  • Speaker #0

    Si c'était... Je me vois tellement pas faire autrement parce que ça fait partie de moi. J'ai l'impression que ça me définit en fait en tant que maman. Mon fils a été très dur parce que l'allaitement, je me suis pris plein de réflexions, etc. Ça a été compliqué. Alors que pour ma fille, je me rappelle que c'était... Vraiment, je sais pas faire autrement.

  • Speaker #1

    j'ai jamais donné de biberon de ma vie en fait donc je sais pas faire donc je ça serait pas moi je rappelle que tu avais aussi des réflexions un peu sur la société et la contraception parce que tu me disais que tu trouvais pas ok au final que la contraception ce soit quelque chose qui soit uniquement gérée par les femmes moi je rajouterais personnellement qu'en plus de ça les donc les femmes sont fertiles une petite période dans le mois alors que les actes Tout le temps ? Hein ? C'est quoi ton regard là autour ?

  • Speaker #0

    Alors déjà par rapport aux rendez-vous gynéco, donc aux urgences par rapport à l'avortement, moi ce qui m'avait un petit peu... Alors la gynéco a été très douce, très bienveillante et vraiment je la remercie vraiment beaucoup. Néanmoins il y a quelque chose qui m'a un peu titillée, c'est que quand mon mari a posé la question de la contraception, Donc elle a parlé de ligature des trompes, elle a parlé de pilules. Mais c'est mon mari qui a parlé de vasectomie. Et là je me dis mais... J'aurais bien aimé qu'elle le dise elle en fait, en tant que médecin. Donc là, ça m'avait un petit peu embêtée. Et après, mon mari a connu des ennuis de santé, donc la vasectomie, ce n'était plus possible pour lui. Et je pense que je serais devenue folle, parce que j'avais réellement peur de revivre ça, une nouvelle grossesse, un avartement. Et donc, j'ai pris la décision d'une ligature des trompes. Et ça répond à ta question, parce qu'en fait, je le vois de deux façons. Au début, je ressentais une colère immense contre le patriarcat, parce que j'ai eu quand même quatre grossesses, c'est moi qui les ai portées, c'est moi qui les ai allaitées, c'est moi qui ai accouché. Et à un moment, c'est au bonhomme à prendre aussi leur part des choses. Et là, vraiment une colère contre le système patriarcal, qui fait que même là, c'est encore les femmes. Une femme, quand même, une ligature des trompes, c'est une anesthésie générale, c'est pas rien. Un homme en 10 minutes c'est fait, c'est une anesthésie locale, on coupe et c'est fini tu vois. Donc ça, une grosse grosse colère. Et puis après, j'ai fini par trouver de l'apaisement en renversant ça, en me disant finalement, il y a quand même des pays où en gros on vend des femmes contre des chameaux, où on met un prix sur les femmes. Et là en fait, oulala, je suis stérile. Donc aux yeux de certains hommes de la société, je ne vaudrais plus rien. Et finalement, peut-être que je peux prendre cette ligature comme un acte militant, en disant j'ai pris la décision de ne plus pouvoir être mère, de ne plus pouvoir porter la vie, et ça ne fait pas pour autant de moi une sous-femme ou autre chose, je reste une femme Donc tu vois, j'ai eu ce travail-là qui m'a permis de l'accepter, alors qu'au départ il y avait une grande colère.

  • Speaker #1

    Et comment cette grossesse, cet avortement et ensuite cette ligature des trompes ? Elles ont affecté ton trouble anxieux généralisé et ta vie en général ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, dès que je voyais une femme enceinte, en fait, je le sentais, c'était dans mon ventre, dans mes entrailles, où c'était très très dur. Il y a eu beaucoup de pleurs, beaucoup de... À aucun moment, en fait, je n'ai regretté mon choix. Parce que réellement, je savais au fond de moi que c'était le bon, mais le fait d'être en contact avec des personnes enceintes, c'était quelque chose de très difficile. Ça, c'est directement par rapport à des femmes enceintes, de côté négatif, c'est-à-dire que les émotions ressortaient de manière démultipliée, de façon très fréquente. Et à l'inverse, parce qu'il y a toujours le... Il y a l'ombre noire, mais il y a l'ombre blanche. Le côté positif, c'est que je suis prof, moi, dans un collège. Et à un moment donné, on a été amené à parler d'avortement avec mes élèves. Et tu vois, là, j'étais chère de pouvoir... Parce qu'il y a eu, comme je disais au début, il y a eu plein d'arguments, tu sais, sur une femme, par exemple, qui se fait violer, ou une femme qui se retrouve seule avec quatre enfants, la cinquième grossesse. Tu vois, en gros, à chaque fois, c'était toujours les cas extrêmes. Et tout le monde disait, bah oui, c'est normal. Et là, j'ai pu, alors évidemment, je leur ai pas dit que c'était mon cas, mais j'ai pu leur apporter des nuances en leur expliquant que même si en fait elle est en couple et tout se passe bien, même si elle a déjà des enfants, même si c'était son choix, et juste en fait on n'a pas questionné son choix et c'est elle qui décide. Et donc tu vois, le fait de l'avoir vécu, ça m'a permis de plus être dans les extrêmes. En parlant de ce qui se passe parfois aux États-Unis, tu sais, des femmes par exemple qui n'ont pas le droit d'avorter, il y en a une, elle s'est retrouvée avec un bébé, on lui a dit que ce bébé allait mourir peu de temps après la naissance. Elle a dû le porter les neuf mois et deux jours après la naissance, il est décédé. Tu vois, ça c'est des cas extrêmes qui choquent. Et en fait, j'avais aussi, vis-à-vis de mes élèves, par respect pour eux et pour toutes ces femmes qui le vivent, leur apporter cette nuance-là, que ça peut être une décision. sans que ça soit ce genre de cas.

  • Speaker #1

    Et en plus de cette transmission que tu as faite auprès de tes élèves, est-ce que tu souhaites à plus grande échelle sensibiliser autour des maladies et des traumatismes qui sont invisibilisés ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que vraiment, moi j'avais l'impression, comme je t'ai dit, l'essentiel est invisible pour les yeux. Le fait que ma fille l'ait vue. Alors que c'est... Enfin, on ne le voyait pas, trois semaines de grossesse, personne ne le voit. Ma fille l'a vu, mais en fait, la souffrance viscérale, la souffrance émotionnelle, elle peut être... c'est pour mon cas il ya d'autres femmes pour qui ça ne l'est pas mais en tout cas elle peut être extrêmement forte et j'aimerais pouvoir lui sensibiliser les personnes à la fois ceux qui ne traversent pas ça pour pouvoir peut-être comprendre la souffrance d'une femme qui avorte en se disant mais ce n'est pas parce que c'est son choix que c'est facile pour elle et que tourner la page est facile et puis aussi dire à ces femmes qui sont face à ce choix que ce n'est pas parce qu'elle Ce n'est pas parce qu'elle ressent une souffrance intense que c'est le mauvais choix en fait. Ça peut être le bon choix tout en étant douloureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que là on parle beaucoup aussi de la douleur que ça peut générer, mais de manière un peu plus globale, j'ai quand même envie qu'on puisse transmettre qu'il est possible de ne pas en souffrir. Et ça c'est une réalité aussi et je pense qu'il ne faut pas culpabiliser si on ne souffre pas d'avoir un fait. Et je sais très bien que ce n'est pas du tout ce que tu es en train de faire, mais je tiens à le dire quand même, parce que moi, je fais partie des personnes qui ont avorté et pour qui ça n'a pas été une souffrance. Et ça ne l'a jamais été, maintenant, je peux le dire, parce que ça fait presque 10 ans. Et même, il n'y a pas eu d'effet rebond par rapport à ça, alors que la fausse couche que j'ai vécue, alors que c'était un bébé qui était vraiment désiré, j'en ai extrêmement souffert. Et encore maintenant, c'est quelque chose qui vient parfois me rattraper. Donc voilà, c'est vrai que là, on parle de... de toute cette douleur que ça a suscité, des émotions que ça a généré chez toi, mais il est possible aussi, je sais pas si toi aussi tu as rencontré des personnes qui n'avaient pas souffert d'avoir d'avoir pris cette décision là.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est ma médecin généraliste qui m'a parlé d'une de ses patientes qui lui avait dit ah non mais là l'avortement tel jour machin et c'est bon lundi je retourne au travail. Elle m'avait dit mais vous êtes sûr vous savez que c'est dur c'est éprouvant, elle dit ah non mais attendez En France, on a cette chance extraordinaire de pouvoir le faire. Donc, non, c'est bon, moi, je passe à autre chose, tac, c'est fini. Effectivement, pour elle, elle passe à autre chose. Et c'est vrai que je me suis aussi rappelé ça dans mes moments de souffrance, qu'en fait, c'est un droit que certaines femmes n'ont pas dans certains pays, qu'en France, on n'a eu que très tardivement, et qu'en fait, c'est une chance extraordinaire. Et oui, j'ai tout à fait conscience que pour des femmes, elles peuvent ne pas en souffrir. Juste, ça fait partie, c'est une étape dans leur vie de femme. et que c'est facile de passer à autre chose. J'en ai tout à fait conscience.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu aurais des outils ou des conseils ou des choses qui pourraient faire partie de la petite boîte à outils d'autres femmes qui vivent ces expériences similaires ? Je dis exprès femmes et non pas couples, parce que là, c'est vraiment ton témoignage en tant que femme qui me touche. Donc voilà, la question, c'est est-ce que tu aurais des choses à partager pour mieux traverser cette période ?

  • Speaker #0

    Alors, comme je l'ai dit, l'écriture. pour celles qui arrivent à poser des mots. Et après, vraiment, je pense que le primordial, c'est l'entourage bienveillant, de réussir à s'entourer des bonnes personnes. Et en fait, c'est important de... Je pense que dans les situations comme ça difficiles, ne plus s'embêter des politesses, de faire des choses parce qu'il faudrait le faire. Mais vraiment... les personnes qu'on ressent au plus profond de soi, on sent qu'il y a quelque chose qui passe, qui est fluide. Et puis savoir que ça peut être très varié, ça peut être des professionnels de santé, tu vois là je t'ai parlé par exemple de ma kiné, et en fait c'est elle qui a eu une des phrases décisives, ça n'a pas été la gynéco, donc ça peut être, peu importe en fait, mais je pense que pouvoir en parler en des gens de confiance, déjà ça permet d'avancer sur ce chemin.

  • Speaker #1

    Et j'ai souvenir que tu faisais aussi un peu de danse et un peu de checking.

  • Speaker #0

    Ah oui, c'est vrai. Oui, parce que j'ai lu un bouquin sur les... Ah, je ne sais plus les références, les femmes qui font des burn-out. Et en fait, ce qu'elle expliquait effectivement, c'est que quand on vit un stress intense, il faut que ça sorte physiquement par le corps. Et il y a une vidéo qui circule sur YouTube, elle est excellente. On voit une... Je ne sais plus si c'est une gazelle ou une antilope, mais en tout cas, bref, c'est...... un animal ruminant de la savane qui a été poursuivi par un prédateur. Et en fait, ce qui se passe, c'est que quand on est face à un danger, il y a trois façons de réagir. Soit on attaque, là en l'occurrence, face à une lionne, la gazelle va éviter, c'est mal parti, donc elle laisse tomber. Soit on fuit. Donc elle a essayé, elle a couru très vite avec ses pattes, mais pareil, ça n'a pas marché. Et la solution extrême, c'est de faire le mort. Et là, elle ne bougeait absolument plus. Le félin qui l'a poursuivi est parti. Alors, est-ce qu'il est parti parce qu'il croyait que ça ne lui allait plus ? Ou est-ce que, je ne sais pas, peut-être qu'il a été prendre ses petits ? J'en sais rien, mais en tout cas, il est parti parce que, réellement, son rythme cardiaque s'est presque arrêté. Physiologiquement, en tout cas, le corps faisait le mort. En fait, ce qui s'est passé après le départ du prédateur, c'est que cet animal, qui était la proie, s'est mis à... à trembler de tous ses mains, mais à trembler extrêmement fort, très très très très fort, très très fort. Et ensuite, il s'est relevé et pof, il s'est remis à faire des sauts comme si de rien n'était. Et en fait, comme si de rien n'était, c'est parce que son corps avait compris que c'est bon. Le stress a été évacué par le corps grâce aux mouvements et que du coup, là, c'était bon. En fait, il pouvait passer à autre chose. Et des fois, on le remarque aussi pour les jeunes enfants. Quand les jeunes enfants, des fois, ils font des crises très très fortes, Et puis tout d'un coup, paf, il se relève et puis, Ah, en fait, maman, des fois les adultes, ils sont un petit peu déstabilisés. Alors, comme si de rien n'était. Souvent, c'est la réplique. En fait, si c'est comme si de rien n'était, ça veut dire qu'il a réussi à évacuer le stress par son corps et que du coup, il n'y aura pas de trauma et qu'il peut passer à autre chose. Donc du coup, effectivement, une autre source pour surmonter n'importe quelle épreuve, n'importe quel état de stress, c'est le mouvement. Donc ça peut être en faisant du sport, ça peut être le shaking, c'est-à-dire se secouer fortement en commençant par les mains, les pieds, tout le corps. Ça peut être de danser, la marche aussi, aller dehors, respirer, marcher. Tout ça, c'est extrêmement puissant. Et en fait, ça permet au corps de réaliser que c'est bon là, le stress, il est retombé. Parce qu'en fait, si on ne le dit que mentalement, si c'est uniquement Ah c'est bon, ne t'inquiète pas, le danger il est passé euh... Ouais non le cerveau il dit non non mais attends là, attends, non non il y a eu autre chose, il y a eu un truc qui s'est passé, et c'est là où on a les ruminations, du coup on dort pas etc. Donc quand on a quelque chose, une grosse source de stress, quand on a un trauma, c'est le corps qui permet de l'évacuer.

  • Speaker #1

    La référence du livre que tu mentionnes c'est Pourquoi les femmes font des burn-out d'Emily et Amelia Nagoski. Et c'est vrai que je trouve hyper intéressant ce que tu dis par rapport au checking. Parce que c'est quelque chose qui au final l'être humain fait relativement peu, souvent dans les réactions du système nerveux face aux dangers, il va y avoir le freezing, donc vraiment le fait de ne plus bouger. Chez l'être humain c'est un peu notre manière de faire le mort aussi quelque part, et en fait de garder tout ça complètement figé à l'intérieur de nous, et on va vraiment complètement se figer, et ça pendant des semaines, des mois, voire des années, et les traumas vont rester complètement à l'intérieur. Et en fait, je trouve super ce que tu proposes dans cette remise en mouvement, qui est de faire comprendre au corps, parce que l'esprit ne comprend rien tant qu'on ne passe pas par le corps, de faire comprendre au corps et donc ensuite à l'esprit que le danger, il est éloigné.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. C'est ce qu'elles expliquent dans leur ouvrage. Et c'est extrêmement puissant, je trouve. Et même, ça peut être très simple. Ça peut juste être aller marcher, en fait. Juste, tu sors, tu vas dix minutes marcher. Si tu es au boulot et il y a une situation de crise, tu as le droit d'aller aux toilettes comme tout le monde. Tu vas aux toilettes et tu fais ton shaking. Je le fais aussi avec mes élèves. Quand ils ont des oraux, des fois, ils ont peur de passer devant tout le monde. Un petit coup de shaking et on y va. C'est bon. Ça rappelle au cerveau. Ne t'inquiète pas, tu es en sécurité. Parce que si tu peux danser, marcher ou faire du shaking, ça veut dire qu'il n'y a pas un prédateur. Il n'y a personne qui va te bouffer derrière. Ça envoie l'image au cerveau que tu n'inquiètes pas. Tu es en sécurité. Ça va aller.

  • Speaker #1

    C'est ça. Moi, Lison, j'arrive sur mes deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, à ce stade, tu as envie de rajouter quelque chose ? Non. Moi, j'aimerais savoir quel message tu aimerais faire passer aux personnes qui vivent cette expérience qui est invisibilisée de l'avortement.

  • Speaker #0

    Je dirais surtout de s'apporter de la douceur, d'apprendre à s'apporter de la douceur. Parce qu'on n'y peut rien, c'est pas de notre faute. Et c'est un choix qui est très difficile. On en parle peu, c'est assez tabou. Comme tu l'as dit, on parle toujours de la grossesse, c'est formidable. Et puis pareil, c'est une image... Tout est formidable, les enfants, c'est que du bonheur. Oui, non, il y a beaucoup de bonheur, mais il y a aussi beaucoup de remise en question, c'est très compliqué. Donc, oui, pouvoir s'apporter de la douceur et être bienveillant envers soi-même. Déjà, la première chose, c'est soi-même, vis-à-vis de soi-même, et réussir à s'entourer de personnes bienveillantes également.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage ?

  • Speaker #0

    Euh... De ne pas hésiter à poser des questions. Parce qu'en fait, je pense que le pire, c'est quand on ne demande pas. Du coup, on a l'impression de traverser cette épreuve seule et que les autres s'en fichent. Alors que très souvent, pour la plupart des gens, c'est juste qu'ils sont gênés, ils sont embêtés, ils ne savent pas comment aborder les choses. Donc, le fameux je plus émotion Je me sens gênée parce que je vois que tu n'es pas très bien. Est-ce que tu souhaites en parler ? ou je me sens un peu embêtée de parler de ce sujet est-ce que tu voudrais te changer les idées en faisant quelque chose ? mais revenir à je plus émotion. Et comme ça, la personne, en fait, elle sait qu'elle peut refuser, mais elle sait qu'en fait, elle est soutenue.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir cette expérience de vie t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'en ai deux. Le premier super pouvoir, c'est celui de prendre soin de moi. Parce que vraiment, ça m'a fait prendre conscience que la personne la plus importante pour moi, c'est moi-même. Parce que je resterai avec moi toute ma vie. Et donc du coup, je dois veiller à ma santé physique, émotionnelle et mentale. Et le deuxième pouvoir, c'est de cultiver la gratitude. Là, j'ai vraiment appris à apprécier pleinement tout ce que j'ai. Mes enfants en bonne santé, mon mari, une vie de famille équilibrée, un travail que j'adore, un projet de co-écriture qui est en train de prendre forme. Ces deux super pouvoirs, c'est ça, c'est prendre soin de moi et cultiver la gratitude.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Lison pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir accueillie sur ton podcast Tamara.

  • Speaker #2

    Avec joie. Merci beaucoup Tamara et Lison. Je reviens vers toi. Pour te donner quelques nouvelles, six mois après notre entretien, un an et demi après mon avortement, voilà un petit bilan pour te dire que récemment il y a eu les fêtes de Noël et c'est vrai que j'ai eu mon ventre qui s'est retourné en voyant ma nièce parce qu'en fait elle est née au moment où si j'avais gardé ce bébé, si cette grossesse avait été menée à terme. il serait né à la même période, et donc du coup, elle était âgée de l'âge que le bébé aurait pu avoir. Et du coup, cette douleur physique, assortie d'une souffrance émotionnelle, m'a fait prendre conscience de cette ambivalence que je porte en moi, cette ambivalence qui est à la fois cette idée de ça aurait pu j'aurais pu effectivement garder ce bébé, j'aurais pu être maman une troisième fois, mes enfants auraient pu être… grands frères et grandes sœurs. Et puis en même temps, heureusement que j'ai pris cette décision. Je suis toujours alignée avec cette décision parce que j'ai différents projets que j'ai menés depuis qui auraient été impossibles pour moi avec le maternage proximal que j'aurais créé pour ce bébé. Et je pense que ce que je retiens avec cet épisode de Noël, c'est que je pense que j'aurais espéré que ce serait possible Ne jamais plus ressentir ça, c'est-à-dire me dire ça y est, c'est bon, j'ai clôturé le chapitre, je passe à autre chose Et finalement, je me dis que cette ambivalence, elle fait partie de la vie, elle fait partie de moi. Et forcément, peut-être que certains moments de vie me feront penser à ce moment que j'ai vécu, à la fois avec douleur, à la fois avec alignement. Et c'est tout à fait normal, en fait, de ressentir les deux. Et le fait de m'accompagner, de me dire que c'est normal de ressentir les deux, et bien sûr que je ressens encore cette douleur, et bien sûr que je reste alignée avec mon choix, fait que je peux l'accepter de la façon la plus sereine possible. Le fait de pouvoir me dire que je peux compter sur moi-même pour m'accompagner, la prochaine fois où ça arrivera, car forcément, il y aura une autre fois où ça arrivera, mais je serai là. encore et toujours pour m'accompagner, m'aider et me soutenir moi-même dans cette décision qui a été difficile à prendre et pour laquelle je reste alignée encore aujourd'hui. Voilà. Et sinon, au niveau des projets, c'est que j'ai créé le fil rouge des émotions. Donc là, en six mois, j'ai créé le blog, le filrougedesémotions.com. J'ai créé ma première chaîne YouTube et je suis en train de créer un podcast. avec mon mari. Tous les deux, nous allons partager nos expériences respectives. Moi, en tant que maman et professeur de français, latin et grec, et lui, en tant que papa et médecin du sport et médecin généraliste. Et donc du coup, notre objectif, c'est de transmettre des outils pour que les personnes puissent mieux vivre et accueillir leurs émotions à travers des références littéraires, des éclairages scientifiques, des entretiens inspirants. J'aime bien cette métaphore de semer des graines. On espère semer des graines de confiance en soi et d'ouverture d'esprit pour que les personnes qui nous écoutent puissent appréhender le monde et le voir peut-être sous un nouveau jour. Voilà. Sur ces nouvelles, je t'embrasse. Je te remercie encore d'avoir été présente pour moi parce que tu fais partie intégrante à la fois avec ton podcast et à la fois avec le temps que tu as bien voulu me consacrer pour l'enregistrement, pour l'entretien, pour avant l'entretien, après l'entretien. Tout ça, ça m'a permis de guérir. J'ai l'impression, cette image que tu es comme un... un baume sur mon cœur, c'est que mon cœur, c'est moi qui suis en charge de le reconstruire, de prendre soin de lui. Et en fait, je prends soin de lui en prenant soin de moi, en m'entourant des bonnes personnes. Et tu fais partie de mes plus belles rencontres et je te remercie encore infiniment pour ta présence, ta bienveillance, ta douceur, ta sensibilité et pour, tu vois, ce... Ta voix, ouais. Ta voix qui m'aide beaucoup. Je suis assez speed de caractère. Et ta voix contribue à mon apaisement. Voilà. Je t'embrasse fort. À bientôt Tamara.

  • Speaker #1

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Description

« Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. »
Quand sa fille de cinq ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix.

Elle porte un stérilet, pourtant elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin au réveil, le verdict tombe : le test posé sur le lavabo affiche « enceinte ».

Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l’amour, elle prend la décision d’avorter.
« J’ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celles qui avaient déjà donné la vie deux fois. »

Ce choix, elle l’assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable.
Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu’elle refuse de bouleverser.

Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse et dans son esprit, ce fœtus est déjà un bébé. « Dans ma tête, j’abandonnais mon bébé. »
La culpabilité s’installe, la honte aussi.
Ces émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amies. Lison affiche un masque de bonheur, mais à l’intérieur, tout s’effondre.

Aujourd’hui Lison nous livre son témoignage bouleversant ; forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d’une liberté retrouvée.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins,

  • Speaker #1

    c'est ce que je crois.

  • Speaker #0

    Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible ou pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit.

  • Speaker #1

    Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry,

  • Speaker #0

    l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute ! Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Quand sa fille de 5 ans et demi prononce ces mots, Lison reste sans voix. Elle porte un stérilet et pourtant, elle choisit de croire à l'intuition de son enfant. Le lendemain matin, au réveil, le verdict tombe. Le test posé sur le lavabo affiche enceinte Alors que Lison perçoit ce bébé comme un fruit de l'amour, elle prend la décision d'avorter. J'ai évacué mon bébé dans mes toilettes, entre mes cuisses, celle qui avait déjà donné la vie deux fois. De choix, elle l'assume pleinement. Elle qui vit le maternage proximal comme une évidence, se dévouer une troisième fois est impensable. Leur famille a trouvé un équilibre précieux qu'elle refuse de bouleverser. Mais assumer ne veut pas dire ne pas souffrir. Le corps de Lison porte encore les traces de cette grossesse. Et dans son esprit, ce foetus est déjà un bébé. Dans ma tête, j'abandonnais mon bébé, me confie-t-elle. La culpabilité s'installe, la honte aussi. Ses émotions deviennent plus lourdes à porter lorsque sa sœur tombe enceinte, suivie de plusieurs de ses amis. Lison affiche alors un masque de bonheur, mais à l'intérieur, tout s'effondre. Aujourd'hui, Lison nous livre son témoignage bouleversant, forte du deuil traversé, de trompes ligaturées et d'une liberté retrouvée.

  • Speaker #1

    Mercredi 7 juin 2023 Hier, la phrase je me choisis a résonné en moi toute la journée. Ce matin, en allant au travail, j'ai écouté Uncover. J'ai pleuré. Pleuré ce bébé qui n'adviendra pas. Pleuré ce minuscule petit être que je ressens dans mon corps, dans mes seins, mais surtout dans mon cœur de maman. Au réveil et au coucher, je pense à lui. Il m'arrive de mettre ma main sur mon ventre, même si je sais qu'à ce stade, je ne le ressentirai pas. Aujourd'hui, je pleure ce bébé surprise que j'aurais aimé quelques semaines. Quatre grossesses, deux menées à terme. Et chaque fois, qu'est-ce que je les ai aimés, ces bébés ? Lundi 26 juin 2023. Je sais que c'était la bonne décision, mais physiquement... Ça a été très douloureux et moralement, j'ai encore le cœur en miettes. Même avec les meilleures raisons du monde, je garde cette impression amère qui me broie les entrailles d'avoir abandonné mon bébé qui s'était accroché à moi coûte que coûte. Je ressens une boule immense dans la gorge qui, je pense, diminuerait nettement si je m'autorisais à déverser ma douleur qui ne s'est pas arrêtée le jour de l'expulsion. Mardi 27 juin 2023, j'ai évacué mon bébé sur mes toilettes, entre mes cuisses qui avaient déjà donné la vie deux fois. J'ai observé ce petit amas de cailloux qui avait rougi la cuvette immaculée. J'ai pris une photo pour être sûre que c'était bien ça. Puis j'ai tiré la chasse pour que l'eau l'emporte. L'eau l'a emporté, mais n'a pas emporté ma douleur de mer, ma douleur qui est restée, viscérale, tapie en moi et ressurgissant par intermittence. On pourrait penser que cet acte réalisé dans ce lieu si trivial m'aurait permis de réaliser qu'effectivement, il ne s'agissait que d'un amas de cellules Mais ça n'a pas été le cas. Vous faites votre deuil sur une cuvette des toilettes, vous.

  • Speaker #0

    Merci Lison pour ce partage d'intimité. J'aimerais savoir comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors, aujourd'hui, ça fait un an, jour pour jour, à deux jours près. que j'ai vécu cet avortement. Et aujourd'hui, je peux dire qu'il y a un an, je ressentais un désespoir intense. Et aujourd'hui, je me sens en paix, sereine, je me sens bien.

  • Speaker #0

    Je suis contente de l'entendre. Alors, qu'est-ce qui t'a amenée à cet avortement où on sent quelque chose qui est vraiment douloureux dans le témoignage que tu nous en as fait au travers de ton écriture ?

  • Speaker #1

    Ce qui a été extrêmement douloureux, je pense, c'est le fait d'être déjà maman, le fait d'avoir vécu une fausse couche avant la grossesse de mon fils puis de ma fille, et de savoir que cette sensation dans le corps que je sens... En fait, c'est moi qui ai pris la décision de ne pas garder ce bébé parce que j'étais sous-stérilée. C'était vraiment une décision avec mon mari. Nous ne souhaitions plus d'enfants. Mais il y a une différence entre l'idée de ne pas avoir de bébé et l'idée de... En fait, là, il est là. Il s'est quand même immiscé en moi. Et qu'est-ce que je fais de ça ? Et j'ai ressenti dans mon corps les seins qui ont commencé à grossir. J'ai commencé à... C'était un tout début de grossesse, mais c'est la grossesse que j'ai le plus sentie. Et ce qui m'a le plus procuré de souffrance, c'est le fait de dire que la première fois, lors de la fausse couche, ce bébé, c'est lui qui ne s'était pas accroché à moi. Et ça a été très très dur à vivre. Alors que cette fois-ci, c'est moi qui ne voulais pas de lui. Et donc j'ai éprouvé une grande grande grande culpabilité. Parce que dans ma tête, j'abandonnais mon bébé. et une grande honte aussi à en parler. Et d'ailleurs, lorsque je t'ai proposé de participer à ce podcast il y a quelques mois, je m'étais dit, ah non mais surtout il faudra une photo anonyme avec, je sais pas, quelque chose de flouté ou pas moi, parce que je ressentais encore de la honte. Alors qu'aujourd'hui, non, ça fait partie de ma vie. C'est un chapitre de ma vie qui fait partie de moi. Et c'est encore un petit peu douloureux, mais de jour en jour, ça va de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Ton témoignage, il résonne pas mal parce qu'on a quelques points communs dans ce qu'on a pu vivre. Plus jeune, je crois que j'avais 25 ans à l'époque, j'étais aussi tombée enceinte sous stérilet. Comme quoi, c'est quelque chose qui arrive. Et j'ai comme toi, donc à ce moment-là, j'ai avorté. Et j'ai comme toi aussi vécu une fausse couche un mois avant. la grossesse de ma fille qui a été menée à terme et qui a aujourd'hui aujourd'hui même neuf mois donc au final c'est toujours ça fait quelque chose en fait de sentir quand ça résonne le témoignage des autres avec son propre vécu donc toi t'es tombée enceinte sous stérilet comme tu disais comment t'as appris comment t'as découvert que tu étais enceinte parce que Dans le souvenir que moi j'avais à l'époque, j'ai mis deux mois et demi avant d'apprendre que j'étais enceinte parce que je me disais que le stérilet c'est mon moyen de contraception.

  • Speaker #1

    Alors je reprendrai la citation que tout le monde connaît bien de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ce qui va parfaitement avec le titre de ton podcast. En fait c'est ma fille. C'est ma fille. Alors à l'époque, elle avait 5 ans et demi. J'avais juste deux jours de retard de règles. Elle m'a embrassé le ventre. Elle m'a dit Maman, tu ne le sais pas encore, mais il y a un bébé dans ton ventre. Et je lui ai dit Mais non, tu sais très bien que ce n'est pas possible. Avec papa, on fait des câlins d'amoureux, mais on ne peut pas avoir de bébé. Elle m'a dit Mais tu ne le sais pas encore, parce qu'il est tout petit, mais il y a un bébé dans ton ventre. Elle m'a dit ça le dimanche. J'avais mis un test de grossesse sur les toilettes pour y penser le lendemain matin, pour être sûre, me tranquilliser. Et le test était positif.

  • Speaker #0

    Et comment tu as intégré cette nouvelle-là de test positif ?

  • Speaker #1

    J'étais totalement perdue, je n'arrivais pas à comprendre. J'ai eu un moment, j'ai ressenti de la colère envers mon corps, en me disant, mais quand je voulais un bébé, tu me l'as enlevé, ce bébé qui n'a pas tenu cette fausse couche, il n'a pas tenu, et puis là je n'en veux pas, tu m'en mets un, alors que moi j'ai mis un stérilet pour ne pas en avoir, donc il y a eu du désespoir, il y a eu de la colère, il y a eu beaucoup de choses mêlées. Et puis finalement, j'ai réussi à le retourner en me disant que c'est une preuve de l'amour que mon mari et moi avons l'un pour l'autre. Et qu'effectivement, on est des animaux, on est des mammifères et qu'on est le stérilé. Tous les moyens de contraception, il n'y en a aucun qui n'est pas fiable à 100%, sauf s'il y a abstention. Et que ça fait partie de la vie, du cycle de la vie. Donc j'ai finalement réussi à m'apaiser en me disant que ça représente la force de l'amour. Et peut-être même encore plus. plus fort que mes deux autres enfants, où là, après une fausse couche, j'avais tellement ce désir de grossesse que j'ai appris à connaître un peu les signes au niveau de mon corps, sur la glaire cervicale, la période d'ovulation. Donc les câlins étaient un peu, pas tout le temps, mais souvent à tel moment propice parce que je voulais à tout près un enfant, alors que là, pour le coup, on ne voulait pas d'enfant. Donc finalement, c'était une vraie grossesse de l'amour. Donc voilà, je suis passée par toutes ces émotions mêlées en très très peu de temps. de temps.

  • Speaker #0

    Toi, du coup, tu l'as vécu comme une grossesse de l'amour et pas un simple fait biologique.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je pense que c'est le fait d'avoir déjà eu des enfants, d'avoir ma fille aussi qui aurait rêvé d'être grande sœur, qui a fait que, effectivement, directement, je l'ai considéré comme un bébé, en fait. Et dans mes notes, effectivement, j'ai relu mes notes, je parlais de lui en disant mon bébé même si intellectuel. Je savais très bien que c'était tellement petit que quand on a été à l'hôpital, on ne le voyait même pas l'embryon. J'ai fait un test de grossesse qui était positif. J'ai dû y retourner plusieurs fois pour voir qu'effectivement, la grossesse était évolutive. Mais c'était tellement récent qu'on ne voyait rien à l'échographie. Mais comme la gynécomatie, de toute façon, vous le savez, vous le savez, ça fait la quatrième grossesse, vous le sentez au fond de vous. Et c'est vrai que c'est... Oui, je ne voulais pas d'enfant, mais là, c'était... Je ne voulais pas l'idée d'un bébé. Là, ce n'était pas une idée. Il était là, implanté.

  • Speaker #0

    Et en fait, quand on t'a enlevé le stérilet, ce qui était attendu, c'était que tu fasses une fausse couche. Mais en réalité, le bébé, il a tenu.

  • Speaker #1

    Oui. En fait, c'était surprenant parce que lors de l'échographie, elle m'a dit Mais ce n'est pas possible que l'embryon soit à cet endroit-là. Parce qu'il est vraiment sur le stérilet. Donc, il n'y avait rien, un stérilet au cuivre. Donc aussi bien par le cuivre que par la position là où il est, il n'aurait jamais dû être là. Et elle me dit, mais là, si vous pensez poursuivre une grossesse, on peut conserver le stérilet et essayer de voir si ça fonctionne. Et je lui ai dit que non, je lui ai demandé de le retirer. Elle dit, mais là, vous risquez la fausse couche dans les deux prochains jours. Sauf qu'en fait, effectivement, il n'y a pas eu de fausse couche et il s'est accroché, il a grossi.

  • Speaker #0

    Et il s'est accroché, il a grossi et il a fallu faire justement ce douloureux choix de l'avortement. Comment ton mari a réagi à cette situation ? Est-ce que vous avez pu être ensemble pour prendre cette décision ?

  • Speaker #1

    Oui, on a pu en parler. À ce moment-là, moi j'avais vu une neuropsychologue qui m'avait diagnostiqué un trouble anxieux généralisé. où en fait là l'essentiel c'était de prendre soin de moi et mon mari qui est médecin m'a dit tu sais dans un cas pareil quand il faut choisir entre une maman et un bébé on choisit toujours la maman Et là, physiquement, émotionnellement, psychiquement, tu as besoin de te reconstruire toi. Donc ça a été son discours de médecin un peu détaché, mais je pense que c'était son moyen de protection, parce qu'il voyait à quel point j'en souffrais. Et puis après, on a eu aussi des dialogues drôles. En deux secondes, je me fais des films. Alors attends, du coup, la chambre, comment on va faire ? On va faire un étage, et puis pour l'école, et puis la nounou. Et puis mon mari qui dit, ouais, et puis on va l'appeler Arnold aussi, comme Arnold Schwarzenegger, parce que je suis fort quand même, tu te rends compte ? T'arrives à être tombée enceinte alors que le stérilet, c'est vraiment qu'on s'aime super fort. Donc il y a eu un mélange du côté médical. Il faut prendre soin de la maman parce qu'en ce moment, tu vis quelque chose, tu es déjà en fragilité. Et puis il y a eu l'humour. qui permettait aussi de dédramatiser, de soulager. Et il a été présent le jour où j'étais à l'hôpital, parce que l'avortement c'est en deux temps. Un premier temps où il y a un cachet à prendre en présence d'un médecin, et il faut signer aussi le formulaire de consentement. Et il y a un deuxième temps, quelques jours après, où là il faut prendre le cachet à la maison, et l'avortement a lieu à la maison, comme je l'ai lu tout à l'heure dans les toilettes. Et il était présent. Alors ça m'a fait énormément de bien parce qu'effectivement c'était à deux. Et ce qui m'a fait, ce qui a été douloureux pour moi, c'est que quand tu signes le texte qui dit qu'effectivement tu acceptes l'apportement, etc. En fait, il n'y a que toi qui le signes. Et comme mon mari m'a dit, c'est normal en fait, c'est ton corps. Et si tu avais décidé de le garder, on l'aurait gardé. Si tu veux... C'est toi qui choisis en fait et c'est important que ça soit toi. Sauf que moi, psychologiquement, si on avait été deux assignés, ça m'aurait permis de dire que c'est vraiment une décision de couple. Alors je sais, voilà, il y avait toujours cette dualité en moi, entre d'un côté mon cœur de maman qui saignait, et puis l'aspect rationnel en disant, oui, je comprends très bien, c'est le corps d'une femme, une femme fait ce qu'elle veut de son corps, c'est elle qui choisit au final. Mais c'est vrai que ça m'aurait aidée. Mais le fait déjà qu'il soit présent, c'était très bien, parce qu'ensuite, c'est lui qui a pu parler de contraception, qui a posé les questions à la gynéco. Bon, du coup, concrètement, comment ça se passe ? Donc, c'est très précieux d'avoir son homme à ses côtés quand ça arrive.

  • Speaker #0

    Et le fait que ta fille, elle est quand même un esprit un peu mystique. Elle a découvert à quelques jours de grossesse que tu étais enceinte. Ça, c'est vraiment la force des enfants. Toutes leurs antennes sont bien connectées. Est-ce qu'à ta fille, tu lui en as parlé, justement, de ce qui s'est passé ? Est-ce que tu lui as dit qu'en effet, elle avait eu raison, il y a bien eu un bébé qui s'était installé dans ton ventre ?

  • Speaker #1

    Alors ça, je lui en ai parlé. Et à mon fils aussi, ils ont trois ans d'écart. Donc, elle avait cinq ans et demi, lui avait huit ans et demi. Je leur en ai parlé le samedi, après avoir pris le deuxième cachet. C'est-à-dire que quand je savais que de toute façon je ne pourrais pas revenir en arrière, parce que je crois que j'avais trop peur de ce qui concerne ma décision en fait. Il fallait vraiment que ça soit très clair pour moi dans ma tête, mais une partie dans mon corps aussi. Et donc effectivement j'ai pris le temps de leur expliquer, de leur dire qu'avec leur papa on s'aimait extrêmement fort, que notre canin d'amoureux a fait un bébé, qu'elle avait effectivement raison, elle l'avait senti. et qu'on avait décidé de ne pas poursuivre cette grossesse parce qu'en ce moment, j'avais besoin de prendre soin de moi, de ma santé. Et ça a été un gros déchirement pour elle. Elle a énormément pleuré parce qu'elle souhaitait tellement être grande sœur. Et ça, ça a été très très dur pour moi à l'entendre me dire ces paroles que je comprenais. En même temps, je me sentais responsable, mais je ne me voyais pas. élever à nouveau un enfant de manière aussi intense que je l'ai fait avec les deux autres, c'est à dire un allaitement long, le portage, le cododo. Et donc ça, pour ma fille, ça a été très dur. Et heureusement, il y a mon fils qui a eu cette prise de recul qui lui m'a aidé en me disant mais maman, quand à un moment plusieurs personnes m'ont dit que c'était le bon choix, je me suis dit ah, donc ils n'avaient pas confiance en moi en fait. Je l'ai un peu mal pris. Je me suis dit ils n'avaient pas confiance en moi, je n'aurais pas été une bonne mère. Parce que je me jugeais déjà en me disant, je ne suis pas capable de prendre soin de mon bébé parce que j'avorte, je suis une mauvaise mère. Grosse, grosse, grosse culpabilité. Et mon fils m'a dit, mais c'est l'inverse maman, tu aurais tellement pris soin de lui, mais toi, qui aurait pris soin de toi ? Comment tu aurais fait ? Et avoir cet écho de mes deux enfants, ça m'a permis d'accepter la peine de ma fille. Mais effectivement, elle a le droit d'en souffrir, d'éprouver de la peine. Mais mon fils me rappelle qu'en fait... Pour le bien-être de toute la famille, ils avaient besoin d'une maman forte. Et je pense que ça aurait été compliqué de l'être avec un troisième enfant.

  • Speaker #0

    Ça me touche beaucoup le fait que tu leur en auras... J'ai rien rêvé. Ça me touche le fait que tu en aies parlé avec tes enfants. Parce que moi, je suis vraiment partisane du fait de nommer les choses avec les petits qui sont justement dans des ressentis tellement forts que ne pas leur dire les choses, c'est être dans le secret. Je suis assez persuadée que le secret n'est pas bon. pour son développement. Mais en même temps, il y a quelque chose qui me fait vraiment quelque chose, si je me mets deux secondes à réfléchir dans l'empathie de ta fille, à imaginer en effet qu'une petite fille de 5 ans et demi, tout d'un coup, avec sa compréhension de petite, imagine que ce bébé qui est logé dans ton ventre va finir par ne jamais exister.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai. Mais tu vois, là, j'ai... Les choses qui me viennent, comme tu dis, c'est que je ne voulais pas qu'il y ait de secret. Je voulais aussi qu'ils m'ont vu. Quand tu avortes, tu te vides de ton sang. Au niveau de la tension, elle baisse énormément. C'est une fatigue physique intense. Émotionnellement, c'est très très dur. Donc du coup, pas de secret, j'avais envie de le dire. Et puis, il y avait deux choses aussi qui m'ont fait leur dire. La première, c'est que j'avais envie de valider son ressenti. Elle a senti que j'étais enceinte et en fait, elle a eu raison. Et on a été tellement, enfin moi en tout cas, j'ai été tellement élevée, tu sais, où il ne faut pas montrer ses émotions. Une famille d'Italiens, tu gardes tout pour toi, t'es fort, etc. Que là, j'avais envie de lui valider ce que moi, on n'a pas validé en moi quand j'étais petite fille. C'était un moyen de réparer en fait et de lui dire que ce qu'elle a ressenti était vrai, était légitime. Mais j'ai fait un choix. qu'elle n'aurait pas fait, mais mon choix était celui-là. Mais elle a ressenti des choses et c'est formidable qu'elle ait cette intuition. Et puis la deuxième chose aussi, c'est qu'on est des modèles pour nos enfants. Et je voulais leur montrer aussi que si un jour, que ce soit mon fils ou ma fille, étaient confrontés à ce choix, en fait on peut, souvent quand on parle d'avortement, on parle d'avortement. On peut parler par exemple des personnes qui ont été violées, qui ont subi des actes de violence, ou que le compagnon est parti, ou des choses vraiment difficiles, comme pour justifier ce choix. Et là où j'ai ressenti, je pense, de la honte et de la culpabilité, c'est qu'avec mon mari, ça fait 12 ans qu'on est mariés, on a un couple stable, on a nos deux enfants, un métier stable, on a une maison. En fait, il y aurait tout ce qu'il aurait pu faire. qu'on le garde ce bébé. Et pourtant, on a pris cette décision de ne pas le garder, et c'est notre choix. Il est aussi légitime que le fait de le garder ou de ne pas le garder, et peu importe les raisons, en fait. C'est le couple qui décide. Et ça, tu vois, j'avais envie qu'ils en aient conscience si jamais ça leur arrive pour d'autres choses, que c'est... C'est pas parce que c'est douloureux que c'est le mauvais choix et qui... Enfin voilà, si ça leur arrive, qu'ils puissent m'en parler, qu'ils puissent parler de tout. Pour moi, c'est le primordial.

  • Speaker #0

    Tu évoquais hors antenne, et on le ressent aussi des fois, là dans ton discours, un peu cette ambivalence, ces émotions contradictoires que tu as pu ressentir, dans le sens que oui, c'était un choix qui était assumé, et en même temps, ça n'a pas du tout empêché toute la souffrance que ça génère d'avoir perdu ce bébé. En tout cas, toi, tu l'appelles comme un bébé, et non pas un foetus, donc je reprends tes mots. Comment tu arrives à concilier ces émotions qui sont un peu contradictoires et ambivalentes dans un quotidien ?

  • Speaker #1

    Alors je me dis qu'il y a mon côté rationnel qui dit qu'effectivement c'était un fœtus, un amas de cellules et qu'effectivement le stérilet c'est un moyen de contraception qui n'a pas fonctionné et j'ai fait ce choix-là. D'un autre côté, il y a la sphère émotionnelle qui est vraiment dans mes entrailles les plus profondes de mer. Tu vois, la femme, la mer sacrée dans son ventre, où là, ça a été une très, très grande souffrance pendant de nombreux mois, parce qu'il me manquait une partie de moi. Pour moi, je l'ai vécu comme ça. Il me manquait une partie de moi-même. Et donc, régulièrement, c'était juste de pouvoir m'apporter de la douceur quand je ressentais ça viscéralement. De dire... évidemment que tu souffres, évidemment que dans ta tête, toi qui a déjà porté la vie trois fois, qui a allaité tes enfants longtemps, qui est très proche d'eux, évidemment que ça te fait souffrir, évidemment que ça te rend triste, et tu as le droit. Et puis après, quand il y a des moments où ça allait mieux, le côté rationnel me disait, Ah ben regarde, telle activité avec tes enfants, tu vois, avec un bébé, en fait, là, ça n'aurait pas été possible, ça aurait été compliqué. Donc voilà, je... En fait, cette ambigüence, je l'ai toujours en tête, mais juste me dire qu'il y a des moments, ça va plus d'un côté, d'autres moments, ça penche de l'autre. Et quand ça penche du côté souffrance, essayer, et c'est ce que ça m'a appris à m'apporter de la douceur et à me dire que c'est légitime d'avoir encore cette souffrance. Et j'ai le droit de ressentir ça.

  • Speaker #0

    Et comment on s'apporte de la douceur concrètement ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les autocalins. On peut se serrer soi-même dans les bras, j'ai appris ça il n'y a pas longtemps. C'est aussi sur le discours intérieur, la façon de se parler. J'avais un discours assez négatif et très jugeant, j'étais ma première juge. Et là, m'accorder le fait d'avoir le droit de ressentir ces émotions-là, déjà pour moi c'est une grande douceur. Et il y a une amie d'ailleurs, Julie, qui m'a offert un bracelet. Elle m'a dit, allez celui-là, je te le mets au poignet, c'est pour te rappeler chaque jour de te parler gentiment. Donc tu vois, un signe concret à revoir dans la journée régulièrement pour se rappeler ça.

  • Speaker #0

    Merci Julie.

  • Speaker #1

    Exact.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, alors là c'est vrai que tu nommes cette amie-là, quand vous avez vécu cette expérience d'avortement, est-ce que vous aviez eu un soutien émotionnel à ce moment-là, que ce soit de la part des amis, de la famille ou de professionnels ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors, en fait, moi, il y a vraiment trois grandes choses qui m'ont aidée à traverser cette épreuve. La première, parce qu'en fait, je n'arrivais pas au départ à en parler. Comme je t'ai dit, c'était une grande honte. Pour moi, j'étais une mauvaise mère. Si j'abandonne mon bébé, il n'y a pas pire mère que ça. Donc, c'était difficile. Donc, la première chose, ma thérapie, ça a été l'écriture. Vraiment un exutoire, un moyen de libérer mes émotions. de mettre des mots sur ma douleur. Et en fait, c'est le fait d'écrire qui m'a fait prendre la décision. Et on en revient à ce que je disais tout à l'heure, que ton compagnon, ton mari, il peut te soutenir, t'accompagner. Mais en réalité, c'est ton corps, c'est bien toi qui prends la décision. Donc ça, c'est les mots que j'ai posés qui m'ont fait prendre conscience de la décision que j'avais au fond de moi. Parce que réellement, j'étais totalement perdue. Et j'aimerais te citer, il y a une citation que j'aime beaucoup de John Piper à ce sujet. étaler de l'encre sur une page, ça ouvre les yeux. On ne peut pas comprendre comment ça éclaire, mais on sait seulement qu'il y a des yeux dans les crayons et dans les stylos. Tu vois, c'est exactement ça, c'est l'écriture qui m'a permis de prendre la décision. Et une fois que la décision a été prise, à chaque fois qu'il y avait un tourment, des remises en question, l'écriture a continué à m'accompagner dans ce choix et à me soulager en fait. Donc ça a été déjà la première chose avant les personnes. Donc ensuite, effectivement, la deuxième chose qui m'a aidée, c'est le soutien bienveillant de mon entourage. Ma kiné, une kiné ostéo, Caroline, qui m'a dit, c'est elle qui a eu cette phrase, ce n'est pas parce que c'est douloureux que ce n'est pas le bon choix. Ça peut être le bon choix et quand même extrêmement douloureux. Et ça, ça a été... C'est suite à ça que j'ai fait un flot de pensées et où j'ai pris la décision de l'avortement. C'est de me dire que la décision est très dure, c'est extrêmement douloureux, mais c'est mon choix. Et le fait de savoir que ce n'était pas une remise en question du choix m'a fait prendre la décision et m'a fait un bien fou. Mon fils, comme je t'ai dit aussi, il échange avec lui, qui m'a dit évidemment que j'aurais pris soin du bébé, que je l'aurais allaité, porté, mais que moi-même je me serais épuisée. Et puis aussi, j'ai assisté à un cercle de femmes. Et il y avait la merveilleuse Joëlle qui a eu pour moi cette phrase qui m'a touchée en plein cœur. Elle m'a dit Ce n'est pas ton bébé que tu as abandonné, c'est toi-même que tu aurais abandonné en le gardant. Parce qu'elle connaissait mes antécédents. Et donc en fait, tu vois, c'est toutes ces phrases qui m'ont aidée à avancer et à accepter ma décision. Parce que j'ai une... Au niveau de ma mémoire, les mots c'est quelque chose d'important, l'écriture et le fait d'avoir eu ces phrases par des personnes en qui j'ai confiance et bienveillante, ça m'a guidée. Et la dernière chose qui m'a aidée...

  • Speaker #0

    Pour le contexte, ma sœur est tombée enceinte en même temps que moi, sans le savoir, parce qu'elle s'est à l'inverse. Elle avait des difficultés pour avoir un bébé. Ça a été extrêmement douloureux. Quand je voyais les échographies au début, dans ma tête, c'était ça aurait dû être le mien J'ai réussi à penser ensuite ça aurait pu être le mien En tout cas, toute sa grossesse, pour moi, psychologiquement, a été difficile. Au moment de la naissance aussi, ça a été très compliqué. Et puis ensuite, j'ai été voir, on habite à 300 kilomètres l'une de l'autre, quand j'ai été voir ma nièce, en fait, j'étais en mode, là, je vais pour ma sœur. Donc j'ai préparé à manger pour trois jours, je lui ai préparé plein de choses pour qu'elle ait rien à faire pour prendre soin d'elle. Je l'ai allaitée pour son allaitement parce que sa fille avait des difficultés à prendre le sein. Et on a vécu un moment de... Souvent on parle de sororité entre femmes qui ne se connaissent pas, mais là c'est carrément ma sœur, c'est vraiment le... terme très très proche toutes les deux avec son bébé là vraiment j'étais pour ma soeur et je me rappelle avoir écrit quelque chose comme le soir la veille j'avais le coeur en miettes et le soir après avoir vu ma soeur je me sens libérée et sereine et je l'ai revu quelques temps après et là c'est là où j'ai vraiment découvert ma nièce c'est à dire que la première fois je venais en fait je venais pour aider ma soeur Alors que là, réellement, j'ai fait la connaissance de ma nièce en toute sérénité et vraiment avec grand plaisir. Et pareil, dans les fameuses phrases des personnes qui aident, il y avait une amie qui m'a dit, c'était écrit qu'il devait y avoir un bébé dans votre famille en 2024. Et bien voilà, ce n'était pas le mien, c'était celui de ma sœur.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ta sœur, tu as pu lui confier le fait qu'il y avait ce processus qui était douloureux quelque part parce que vous êtes tombée enceinte au même moment ? Et que du coup, elle qui poursuivait sa grossesse et toi qui l'avais terminée, est-ce que tu as pu en parler avec elle ?

  • Speaker #0

    Alors c'est uniquement au moment de l'annonce. Elle me l'a annoncé sans mes enfants, sans mon mari, on n'était que toutes les deux. Parce qu'elle savait que pour moi ça serait très difficile. Et j'ai pleuré en la prenant. J'ai pleuré à la fois de joie et de... parce que j'allais être tata en fait. Et aussi un peu de tristesse en voyant l'échographie, en me disant que ça aurait pu être le mien de bébé. Et ça a été très bienveillant de sa part. Elle m'a dit qu'effectivement, elle ne savait pas trop comment me le dire et qu'elle n'osait pas devant les enfants parce qu'elle avait peur de la façon dont j'allais réagir. Et qu'ensuite, elle voulait qu'on en parle ensemble aux enfants, comment en parler à ma maman. Elle était vraiment... toute pour moi, toute bienveillance pour dire comment toi tu gères cette annonce, comment tu veux qu'on fasse. Et puis ensuite, par contre, on n'en a plus reparlé.

  • Speaker #1

    C'est vrai que ça a été extrêmement bienveillant. On voit beaucoup de situations, au final par exemple, de couples qui n'arrivent pas à avoir des bébés, et puis on leur annonce autour d'eux sans cesse des grossesses. Et en fait, c'est compliqué parce qu'il y a tellement... Une charge émotionnelle, on va dire hyper positive, autour de la grossesse et de la parentalité, qui est énormément à déconstruire selon moi. Je ne dis pas que ce ne sont pas des événements heureux, bien au contraire, mais que de mettre que du positivisme là-derrière, ce n'est peut-être pas non plus toujours très réaliste. Et en fait, je trouve ces situations parfois compliquées. quand justement on vit soit une période d'infertilité, soit une fausse couche, soit un avortement, de devoir presque automatiquement se positionner comme étant très heureux de recevoir ce genre d'annonce de grossesse. Parce que dans notre chair, ça peut résonner autrement.

  • Speaker #0

    Oui, exactement. Alors pour ma sœur, j'ai eu l'ambivalence. Parce que je pensais qu'elle ne voulait pas d'enfant. On en était arrivé à l'idée là. Et donc le fait qu'elle m'annonce cette grossesse, vraiment, ça a été une joie immense. Parce qu'en gros, j'avais fait le deuil de ne jamais être tata un jour. Parce que mon mari est fils unique et moi, je n'ai que ma sœur. Donc du coup, réellement, j'ai vraiment une joie surprise immense. Et puis ensuite, il y a eu cette ambivalence par rapport à l'avortement. En revanche, quand une amie nous a annoncé sa grossesse un samedi, une semaine après l'avortement, là effectivement, j'ai pas réussi à... J'avais un masque, mais je n'ai pas réussi à réellement me réjouir parce que c'était très dur pour moi. Et puis ce qui était dur, je pense que le plus dur, ce n'était pas d'apprendre les grossesses des autres personnes autour de moi, c'était de ne pas pouvoir en parler parce que je n'osais pas. Je m'étais dit, elle m'annonce sa grossesse, je me vois mal lui dire, moi il y a une semaine j'ai avorté. Pareil pour une autre amie qui avait une petite fille et je ne me voyais pas lui dire ça. J'avais mis un masque, mais sachant qu'à ces deux amis, j'ai finalement réussi par leur dire, là il y a peu de temps, le chemin est long, mais j'ai réussi à leur dire. En fait, elles étaient attristées pour moi de ne pas pouvoir m'accompagner à ce moment-là, en me disant que l'amitié, elles auraient pu être là. Mais c'est vrai que c'était tellement douloureux pour moi, que je sentais que pour moi, c'était déplacé de leur en parler, alors qu'elles, elles portaient la vie en fait.

  • Speaker #1

    Oui. Quelque part c'est assez joli parce que je trouve que tu t'offres une réparation. C'est à dire que tu t'es quand même réjouie pour elle sur le moment même s'il y avait du masque à ce moment là mais tu leur as permis d'exprimer cette joie parce qu'il y a cette joie aussi qui est un bonheur à vivre quelque part pour elle et en même temps tu t'es offert la réparation de pouvoir en reparler avec elle et de pouvoir t'offrir cet espace que tu n'as pas eu au moment où elles annonçaient leur grossesse.

  • Speaker #0

    Exact. Je ne l'avais pas vu comme ça, une réparation. Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Tu m'avais évoqué le manque d'un rituel autour de ce deuil.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si tu pouvais aujourd'hui créer un rituel qui t'aiderait, tu penses qu'il ressemblerait à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est... Je me demande si ça ne serait pas encore une fois en passant par l'écriture, en lui rédigeant une lettre, et peut-être en la brûlant dans le jardin, ou quelque chose entre l'écriture et la nature, quelque chose comme ça. Mais qu'effectivement, je n'ai toujours pas fait, parce que...

  • Speaker #1

    Tu sens que ce rituel, c'est quelque chose auquel tu vas accorder un temps à un moment donné ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense qu'il y avait deux étapes que j'attendais. La première, c'était de revoir mon gynéco, parce que ce n'était pas lui qui s'était occupé de l'avortement. Je l'ai vu il y a quelques semaines. Le fait de lui en parler, tout ça déjà, c'était important pour moi. Et le fait d'avoir cet enregistrement de podcast à tes côtés, pile un an, après ce qui s'est passé dans ma tête c'était une façon d'ouvrir un nouveau chapitre qui est non plus dans la souffrance mais vraiment dans la résilience et peut-être qu'en finissant notre échange toutes les deux effectivement faudrait que je le fasse maintenant pour vraiment clôturer ce chapitre et m'en libérer réellement oui donc je pense à écrire une lettre

  • Speaker #1

    En début d'interview tu disais que hum tu t'arrivais pas à te projeter à nouveau dans la parentalité avec l'allaitement long, le cododo, le portage quasi permanent. Est-ce que tu appellerais ça aujourd'hui ce qu'on appelle le maternage proximal ?

  • Speaker #0

    Exactement oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu serais d'accord d'en parler ? Parce qu'il n'y a pas forcément beaucoup de gens qui connaissent ce terme là ou ce concept.

  • Speaker #0

    Alors Le maternage proximal, je dirais qu'en gros, il y a d'un côté la société de consommation qui nous vend plein d'objets gadgets en nous faisant croire que c'est le mieux pour un enfant, parce que le but c'est de faire de l'argent. Et le maternage proximal, c'est de réaliser que le meilleur à apporter à un enfant, surtout un tout petit, c'est juste sa présence, ses bras, être contre sa maman, contre son papa en pot à pot, en portage. pouvoir le nourrir. Alors pour l'allaitement, j'ai eu cette chance d'être extrêmement déterminée et très très bien entourée, parce que c'est vraiment difficile. Et je comprends aujourd'hui en France que beaucoup de femmes n'y arrivent pas, avec tous les discours qu'on a. Donc je ne leur jette vraiment pas la pierre, je sais que c'est un parcours du combattant, ça peut être vraiment difficile. Donc ça, c'est prendre... En fait, c'est vraiment se faire avec son bébé, c'est-à-dire le découvrir comme vraiment une personne un petit peu apparente, cher, voire... En fait, un bébé n'est pas un autre. J'ai deux enfants. Ce n'est pas parce que je les ai allaités tous les deux qu'ils ont la même personnalité. Ce n'est pas parce que j'ai fait ça, la motricité libre, que tous les deux ont telle façon de voir les choses. C'est accueillir l'enfant comme une fleur et puis essayer que tout autour, le terreau soit le meilleur possible pour lui.

  • Speaker #1

    Le capitalisme, il n'est pas hyper en phase avec le martyre. le maternage proximal, on est bien d'accord.

  • Speaker #0

    Ah oui.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vu une étude sortie par la Lecce League, comme quoi l'allaitement, ça équivalait à 1800 heures de travail par année. Et je crois qu'en France, 100%, c'est 1650 heures. Sachant que dans l'allaitement, il n'y a pas les vacances et les soirées de libre, enfin voilà.

  • Speaker #0

    Et les nuits aussi.

  • Speaker #1

    Et je trouve vraiment, tout ça me questionne beaucoup aussi parce que c'est une période que je vis actuellement. Ce fait où tout d'un coup on parle de maternage proximal, tout d'un coup on invente un concept que je trouve tout à fait honorable. Simplement parce qu'on est dans un monde qui est tellement à l'inverse de ça. C'est-à-dire qu'au bout de trois nuits, on te demande si ton bébé fait ses nuits. parce que plus vite il fera ses nuits, plus vite tu pourras aller retourner travailler. Donc c'est bien, tu retourneras dans cette société-là. On est tout le temps à favoriser l'autonomie du bébé, à ce qu'il ne soit pas porté, à ce qu'il ne soit pas rassuré. Et du coup, j'ai l'impression que tout ça fait qu'on doit revenir à un concept qui s'appelle justement ce maternage proximal, alors que quelque part, simplement... Être contre son bébé, lui donner à manger, le rassurer la nuit, ça semblerait être quelque chose d'assez banal et évident, non ?

  • Speaker #0

    Oui, exact. On en arrive à ça, oui, effectivement. C'est la norme naturelle parce qu'en fait, avant tout, ce que je disais au début, c'est qu'on est des mammifères. On est faits pour porter la vie, qu'on a des mamelles, c'est-à-dire des seins, pour leur donner... notre lait, et puis c'est pas que de nez du lait, c'est une relation d'amour, ça crée une sécurité intérieure énorme pour l'enfant. Et je vais continuer, si tu veux bien, dans mes citations, il y en a une que j'aime beaucoup, par Alice Trépanier, doctorante en psychologie et consultante périnatale, qui a écrit Il est dans la nature de l'enfant d'être dépendant. Il est dans la nature de cette dépendance de passer avec l'âge. En vouloir à cette dépendance parce qu'elle n'est pas encore devenue indépendance, c'est comme en vouloir à l'hiver parce qu'il n'est pas encore devenu printemps. La dépendance se transforme en indépendance à son propre rythme.

  • Speaker #1

    Merci, décidément tu as des citations pour tous les sujets. Est-ce que justement si tu n'avais pas été dans ce type de maternage dit proximal, tu penses que tu aurais pu garder ce bébé ?

  • Speaker #0

    Si c'était... Je me vois tellement pas faire autrement parce que ça fait partie de moi. J'ai l'impression que ça me définit en fait en tant que maman. Mon fils a été très dur parce que l'allaitement, je me suis pris plein de réflexions, etc. Ça a été compliqué. Alors que pour ma fille, je me rappelle que c'était... Vraiment, je sais pas faire autrement.

  • Speaker #1

    j'ai jamais donné de biberon de ma vie en fait donc je sais pas faire donc je ça serait pas moi je rappelle que tu avais aussi des réflexions un peu sur la société et la contraception parce que tu me disais que tu trouvais pas ok au final que la contraception ce soit quelque chose qui soit uniquement gérée par les femmes moi je rajouterais personnellement qu'en plus de ça les donc les femmes sont fertiles une petite période dans le mois alors que les actes Tout le temps ? Hein ? C'est quoi ton regard là autour ?

  • Speaker #0

    Alors déjà par rapport aux rendez-vous gynéco, donc aux urgences par rapport à l'avortement, moi ce qui m'avait un petit peu... Alors la gynéco a été très douce, très bienveillante et vraiment je la remercie vraiment beaucoup. Néanmoins il y a quelque chose qui m'a un peu titillée, c'est que quand mon mari a posé la question de la contraception, Donc elle a parlé de ligature des trompes, elle a parlé de pilules. Mais c'est mon mari qui a parlé de vasectomie. Et là je me dis mais... J'aurais bien aimé qu'elle le dise elle en fait, en tant que médecin. Donc là, ça m'avait un petit peu embêtée. Et après, mon mari a connu des ennuis de santé, donc la vasectomie, ce n'était plus possible pour lui. Et je pense que je serais devenue folle, parce que j'avais réellement peur de revivre ça, une nouvelle grossesse, un avartement. Et donc, j'ai pris la décision d'une ligature des trompes. Et ça répond à ta question, parce qu'en fait, je le vois de deux façons. Au début, je ressentais une colère immense contre le patriarcat, parce que j'ai eu quand même quatre grossesses, c'est moi qui les ai portées, c'est moi qui les ai allaitées, c'est moi qui ai accouché. Et à un moment, c'est au bonhomme à prendre aussi leur part des choses. Et là, vraiment une colère contre le système patriarcal, qui fait que même là, c'est encore les femmes. Une femme, quand même, une ligature des trompes, c'est une anesthésie générale, c'est pas rien. Un homme en 10 minutes c'est fait, c'est une anesthésie locale, on coupe et c'est fini tu vois. Donc ça, une grosse grosse colère. Et puis après, j'ai fini par trouver de l'apaisement en renversant ça, en me disant finalement, il y a quand même des pays où en gros on vend des femmes contre des chameaux, où on met un prix sur les femmes. Et là en fait, oulala, je suis stérile. Donc aux yeux de certains hommes de la société, je ne vaudrais plus rien. Et finalement, peut-être que je peux prendre cette ligature comme un acte militant, en disant j'ai pris la décision de ne plus pouvoir être mère, de ne plus pouvoir porter la vie, et ça ne fait pas pour autant de moi une sous-femme ou autre chose, je reste une femme Donc tu vois, j'ai eu ce travail-là qui m'a permis de l'accepter, alors qu'au départ il y avait une grande colère.

  • Speaker #1

    Et comment cette grossesse, cet avortement et ensuite cette ligature des trompes ? Elles ont affecté ton trouble anxieux généralisé et ta vie en général ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, dès que je voyais une femme enceinte, en fait, je le sentais, c'était dans mon ventre, dans mes entrailles, où c'était très très dur. Il y a eu beaucoup de pleurs, beaucoup de... À aucun moment, en fait, je n'ai regretté mon choix. Parce que réellement, je savais au fond de moi que c'était le bon, mais le fait d'être en contact avec des personnes enceintes, c'était quelque chose de très difficile. Ça, c'est directement par rapport à des femmes enceintes, de côté négatif, c'est-à-dire que les émotions ressortaient de manière démultipliée, de façon très fréquente. Et à l'inverse, parce qu'il y a toujours le... Il y a l'ombre noire, mais il y a l'ombre blanche. Le côté positif, c'est que je suis prof, moi, dans un collège. Et à un moment donné, on a été amené à parler d'avortement avec mes élèves. Et tu vois, là, j'étais chère de pouvoir... Parce qu'il y a eu, comme je disais au début, il y a eu plein d'arguments, tu sais, sur une femme, par exemple, qui se fait violer, ou une femme qui se retrouve seule avec quatre enfants, la cinquième grossesse. Tu vois, en gros, à chaque fois, c'était toujours les cas extrêmes. Et tout le monde disait, bah oui, c'est normal. Et là, j'ai pu, alors évidemment, je leur ai pas dit que c'était mon cas, mais j'ai pu leur apporter des nuances en leur expliquant que même si en fait elle est en couple et tout se passe bien, même si elle a déjà des enfants, même si c'était son choix, et juste en fait on n'a pas questionné son choix et c'est elle qui décide. Et donc tu vois, le fait de l'avoir vécu, ça m'a permis de plus être dans les extrêmes. En parlant de ce qui se passe parfois aux États-Unis, tu sais, des femmes par exemple qui n'ont pas le droit d'avorter, il y en a une, elle s'est retrouvée avec un bébé, on lui a dit que ce bébé allait mourir peu de temps après la naissance. Elle a dû le porter les neuf mois et deux jours après la naissance, il est décédé. Tu vois, ça c'est des cas extrêmes qui choquent. Et en fait, j'avais aussi, vis-à-vis de mes élèves, par respect pour eux et pour toutes ces femmes qui le vivent, leur apporter cette nuance-là, que ça peut être une décision. sans que ça soit ce genre de cas.

  • Speaker #1

    Et en plus de cette transmission que tu as faite auprès de tes élèves, est-ce que tu souhaites à plus grande échelle sensibiliser autour des maladies et des traumatismes qui sont invisibilisés ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que vraiment, moi j'avais l'impression, comme je t'ai dit, l'essentiel est invisible pour les yeux. Le fait que ma fille l'ait vue. Alors que c'est... Enfin, on ne le voyait pas, trois semaines de grossesse, personne ne le voit. Ma fille l'a vu, mais en fait, la souffrance viscérale, la souffrance émotionnelle, elle peut être... c'est pour mon cas il ya d'autres femmes pour qui ça ne l'est pas mais en tout cas elle peut être extrêmement forte et j'aimerais pouvoir lui sensibiliser les personnes à la fois ceux qui ne traversent pas ça pour pouvoir peut-être comprendre la souffrance d'une femme qui avorte en se disant mais ce n'est pas parce que c'est son choix que c'est facile pour elle et que tourner la page est facile et puis aussi dire à ces femmes qui sont face à ce choix que ce n'est pas parce qu'elle Ce n'est pas parce qu'elle ressent une souffrance intense que c'est le mauvais choix en fait. Ça peut être le bon choix tout en étant douloureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que là on parle beaucoup aussi de la douleur que ça peut générer, mais de manière un peu plus globale, j'ai quand même envie qu'on puisse transmettre qu'il est possible de ne pas en souffrir. Et ça c'est une réalité aussi et je pense qu'il ne faut pas culpabiliser si on ne souffre pas d'avoir un fait. Et je sais très bien que ce n'est pas du tout ce que tu es en train de faire, mais je tiens à le dire quand même, parce que moi, je fais partie des personnes qui ont avorté et pour qui ça n'a pas été une souffrance. Et ça ne l'a jamais été, maintenant, je peux le dire, parce que ça fait presque 10 ans. Et même, il n'y a pas eu d'effet rebond par rapport à ça, alors que la fausse couche que j'ai vécue, alors que c'était un bébé qui était vraiment désiré, j'en ai extrêmement souffert. Et encore maintenant, c'est quelque chose qui vient parfois me rattraper. Donc voilà, c'est vrai que là, on parle de... de toute cette douleur que ça a suscité, des émotions que ça a généré chez toi, mais il est possible aussi, je sais pas si toi aussi tu as rencontré des personnes qui n'avaient pas souffert d'avoir d'avoir pris cette décision là.

  • Speaker #0

    Alors ça c'est ma médecin généraliste qui m'a parlé d'une de ses patientes qui lui avait dit ah non mais là l'avortement tel jour machin et c'est bon lundi je retourne au travail. Elle m'avait dit mais vous êtes sûr vous savez que c'est dur c'est éprouvant, elle dit ah non mais attendez En France, on a cette chance extraordinaire de pouvoir le faire. Donc, non, c'est bon, moi, je passe à autre chose, tac, c'est fini. Effectivement, pour elle, elle passe à autre chose. Et c'est vrai que je me suis aussi rappelé ça dans mes moments de souffrance, qu'en fait, c'est un droit que certaines femmes n'ont pas dans certains pays, qu'en France, on n'a eu que très tardivement, et qu'en fait, c'est une chance extraordinaire. Et oui, j'ai tout à fait conscience que pour des femmes, elles peuvent ne pas en souffrir. Juste, ça fait partie, c'est une étape dans leur vie de femme. et que c'est facile de passer à autre chose. J'en ai tout à fait conscience.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu aurais des outils ou des conseils ou des choses qui pourraient faire partie de la petite boîte à outils d'autres femmes qui vivent ces expériences similaires ? Je dis exprès femmes et non pas couples, parce que là, c'est vraiment ton témoignage en tant que femme qui me touche. Donc voilà, la question, c'est est-ce que tu aurais des choses à partager pour mieux traverser cette période ?

  • Speaker #0

    Alors, comme je l'ai dit, l'écriture. pour celles qui arrivent à poser des mots. Et après, vraiment, je pense que le primordial, c'est l'entourage bienveillant, de réussir à s'entourer des bonnes personnes. Et en fait, c'est important de... Je pense que dans les situations comme ça difficiles, ne plus s'embêter des politesses, de faire des choses parce qu'il faudrait le faire. Mais vraiment... les personnes qu'on ressent au plus profond de soi, on sent qu'il y a quelque chose qui passe, qui est fluide. Et puis savoir que ça peut être très varié, ça peut être des professionnels de santé, tu vois là je t'ai parlé par exemple de ma kiné, et en fait c'est elle qui a eu une des phrases décisives, ça n'a pas été la gynéco, donc ça peut être, peu importe en fait, mais je pense que pouvoir en parler en des gens de confiance, déjà ça permet d'avancer sur ce chemin.

  • Speaker #1

    Et j'ai souvenir que tu faisais aussi un peu de danse et un peu de checking.

  • Speaker #0

    Ah oui, c'est vrai. Oui, parce que j'ai lu un bouquin sur les... Ah, je ne sais plus les références, les femmes qui font des burn-out. Et en fait, ce qu'elle expliquait effectivement, c'est que quand on vit un stress intense, il faut que ça sorte physiquement par le corps. Et il y a une vidéo qui circule sur YouTube, elle est excellente. On voit une... Je ne sais plus si c'est une gazelle ou une antilope, mais en tout cas, bref, c'est...... un animal ruminant de la savane qui a été poursuivi par un prédateur. Et en fait, ce qui se passe, c'est que quand on est face à un danger, il y a trois façons de réagir. Soit on attaque, là en l'occurrence, face à une lionne, la gazelle va éviter, c'est mal parti, donc elle laisse tomber. Soit on fuit. Donc elle a essayé, elle a couru très vite avec ses pattes, mais pareil, ça n'a pas marché. Et la solution extrême, c'est de faire le mort. Et là, elle ne bougeait absolument plus. Le félin qui l'a poursuivi est parti. Alors, est-ce qu'il est parti parce qu'il croyait que ça ne lui allait plus ? Ou est-ce que, je ne sais pas, peut-être qu'il a été prendre ses petits ? J'en sais rien, mais en tout cas, il est parti parce que, réellement, son rythme cardiaque s'est presque arrêté. Physiologiquement, en tout cas, le corps faisait le mort. En fait, ce qui s'est passé après le départ du prédateur, c'est que cet animal, qui était la proie, s'est mis à... à trembler de tous ses mains, mais à trembler extrêmement fort, très très très très fort, très très fort. Et ensuite, il s'est relevé et pof, il s'est remis à faire des sauts comme si de rien n'était. Et en fait, comme si de rien n'était, c'est parce que son corps avait compris que c'est bon. Le stress a été évacué par le corps grâce aux mouvements et que du coup, là, c'était bon. En fait, il pouvait passer à autre chose. Et des fois, on le remarque aussi pour les jeunes enfants. Quand les jeunes enfants, des fois, ils font des crises très très fortes, Et puis tout d'un coup, paf, il se relève et puis, Ah, en fait, maman, des fois les adultes, ils sont un petit peu déstabilisés. Alors, comme si de rien n'était. Souvent, c'est la réplique. En fait, si c'est comme si de rien n'était, ça veut dire qu'il a réussi à évacuer le stress par son corps et que du coup, il n'y aura pas de trauma et qu'il peut passer à autre chose. Donc du coup, effectivement, une autre source pour surmonter n'importe quelle épreuve, n'importe quel état de stress, c'est le mouvement. Donc ça peut être en faisant du sport, ça peut être le shaking, c'est-à-dire se secouer fortement en commençant par les mains, les pieds, tout le corps. Ça peut être de danser, la marche aussi, aller dehors, respirer, marcher. Tout ça, c'est extrêmement puissant. Et en fait, ça permet au corps de réaliser que c'est bon là, le stress, il est retombé. Parce qu'en fait, si on ne le dit que mentalement, si c'est uniquement Ah c'est bon, ne t'inquiète pas, le danger il est passé euh... Ouais non le cerveau il dit non non mais attends là, attends, non non il y a eu autre chose, il y a eu un truc qui s'est passé, et c'est là où on a les ruminations, du coup on dort pas etc. Donc quand on a quelque chose, une grosse source de stress, quand on a un trauma, c'est le corps qui permet de l'évacuer.

  • Speaker #1

    La référence du livre que tu mentionnes c'est Pourquoi les femmes font des burn-out d'Emily et Amelia Nagoski. Et c'est vrai que je trouve hyper intéressant ce que tu dis par rapport au checking. Parce que c'est quelque chose qui au final l'être humain fait relativement peu, souvent dans les réactions du système nerveux face aux dangers, il va y avoir le freezing, donc vraiment le fait de ne plus bouger. Chez l'être humain c'est un peu notre manière de faire le mort aussi quelque part, et en fait de garder tout ça complètement figé à l'intérieur de nous, et on va vraiment complètement se figer, et ça pendant des semaines, des mois, voire des années, et les traumas vont rester complètement à l'intérieur. Et en fait, je trouve super ce que tu proposes dans cette remise en mouvement, qui est de faire comprendre au corps, parce que l'esprit ne comprend rien tant qu'on ne passe pas par le corps, de faire comprendre au corps et donc ensuite à l'esprit que le danger, il est éloigné.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement. C'est ce qu'elles expliquent dans leur ouvrage. Et c'est extrêmement puissant, je trouve. Et même, ça peut être très simple. Ça peut juste être aller marcher, en fait. Juste, tu sors, tu vas dix minutes marcher. Si tu es au boulot et il y a une situation de crise, tu as le droit d'aller aux toilettes comme tout le monde. Tu vas aux toilettes et tu fais ton shaking. Je le fais aussi avec mes élèves. Quand ils ont des oraux, des fois, ils ont peur de passer devant tout le monde. Un petit coup de shaking et on y va. C'est bon. Ça rappelle au cerveau. Ne t'inquiète pas, tu es en sécurité. Parce que si tu peux danser, marcher ou faire du shaking, ça veut dire qu'il n'y a pas un prédateur. Il n'y a personne qui va te bouffer derrière. Ça envoie l'image au cerveau que tu n'inquiètes pas. Tu es en sécurité. Ça va aller.

  • Speaker #1

    C'est ça. Moi, Lison, j'arrive sur mes deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, à ce stade, tu as envie de rajouter quelque chose ? Non. Moi, j'aimerais savoir quel message tu aimerais faire passer aux personnes qui vivent cette expérience qui est invisibilisée de l'avortement.

  • Speaker #0

    Je dirais surtout de s'apporter de la douceur, d'apprendre à s'apporter de la douceur. Parce qu'on n'y peut rien, c'est pas de notre faute. Et c'est un choix qui est très difficile. On en parle peu, c'est assez tabou. Comme tu l'as dit, on parle toujours de la grossesse, c'est formidable. Et puis pareil, c'est une image... Tout est formidable, les enfants, c'est que du bonheur. Oui, non, il y a beaucoup de bonheur, mais il y a aussi beaucoup de remise en question, c'est très compliqué. Donc, oui, pouvoir s'apporter de la douceur et être bienveillant envers soi-même. Déjà, la première chose, c'est soi-même, vis-à-vis de soi-même, et réussir à s'entourer de personnes bienveillantes également.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage ?

  • Speaker #0

    Euh... De ne pas hésiter à poser des questions. Parce qu'en fait, je pense que le pire, c'est quand on ne demande pas. Du coup, on a l'impression de traverser cette épreuve seule et que les autres s'en fichent. Alors que très souvent, pour la plupart des gens, c'est juste qu'ils sont gênés, ils sont embêtés, ils ne savent pas comment aborder les choses. Donc, le fameux je plus émotion Je me sens gênée parce que je vois que tu n'es pas très bien. Est-ce que tu souhaites en parler ? ou je me sens un peu embêtée de parler de ce sujet est-ce que tu voudrais te changer les idées en faisant quelque chose ? mais revenir à je plus émotion. Et comme ça, la personne, en fait, elle sait qu'elle peut refuser, mais elle sait qu'en fait, elle est soutenue.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir cette expérience de vie t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'en ai deux. Le premier super pouvoir, c'est celui de prendre soin de moi. Parce que vraiment, ça m'a fait prendre conscience que la personne la plus importante pour moi, c'est moi-même. Parce que je resterai avec moi toute ma vie. Et donc du coup, je dois veiller à ma santé physique, émotionnelle et mentale. Et le deuxième pouvoir, c'est de cultiver la gratitude. Là, j'ai vraiment appris à apprécier pleinement tout ce que j'ai. Mes enfants en bonne santé, mon mari, une vie de famille équilibrée, un travail que j'adore, un projet de co-écriture qui est en train de prendre forme. Ces deux super pouvoirs, c'est ça, c'est prendre soin de moi et cultiver la gratitude.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Lison pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir accueillie sur ton podcast Tamara.

  • Speaker #2

    Avec joie. Merci beaucoup Tamara et Lison. Je reviens vers toi. Pour te donner quelques nouvelles, six mois après notre entretien, un an et demi après mon avortement, voilà un petit bilan pour te dire que récemment il y a eu les fêtes de Noël et c'est vrai que j'ai eu mon ventre qui s'est retourné en voyant ma nièce parce qu'en fait elle est née au moment où si j'avais gardé ce bébé, si cette grossesse avait été menée à terme. il serait né à la même période, et donc du coup, elle était âgée de l'âge que le bébé aurait pu avoir. Et du coup, cette douleur physique, assortie d'une souffrance émotionnelle, m'a fait prendre conscience de cette ambivalence que je porte en moi, cette ambivalence qui est à la fois cette idée de ça aurait pu j'aurais pu effectivement garder ce bébé, j'aurais pu être maman une troisième fois, mes enfants auraient pu être… grands frères et grandes sœurs. Et puis en même temps, heureusement que j'ai pris cette décision. Je suis toujours alignée avec cette décision parce que j'ai différents projets que j'ai menés depuis qui auraient été impossibles pour moi avec le maternage proximal que j'aurais créé pour ce bébé. Et je pense que ce que je retiens avec cet épisode de Noël, c'est que je pense que j'aurais espéré que ce serait possible Ne jamais plus ressentir ça, c'est-à-dire me dire ça y est, c'est bon, j'ai clôturé le chapitre, je passe à autre chose Et finalement, je me dis que cette ambivalence, elle fait partie de la vie, elle fait partie de moi. Et forcément, peut-être que certains moments de vie me feront penser à ce moment que j'ai vécu, à la fois avec douleur, à la fois avec alignement. Et c'est tout à fait normal, en fait, de ressentir les deux. Et le fait de m'accompagner, de me dire que c'est normal de ressentir les deux, et bien sûr que je ressens encore cette douleur, et bien sûr que je reste alignée avec mon choix, fait que je peux l'accepter de la façon la plus sereine possible. Le fait de pouvoir me dire que je peux compter sur moi-même pour m'accompagner, la prochaine fois où ça arrivera, car forcément, il y aura une autre fois où ça arrivera, mais je serai là. encore et toujours pour m'accompagner, m'aider et me soutenir moi-même dans cette décision qui a été difficile à prendre et pour laquelle je reste alignée encore aujourd'hui. Voilà. Et sinon, au niveau des projets, c'est que j'ai créé le fil rouge des émotions. Donc là, en six mois, j'ai créé le blog, le filrougedesémotions.com. J'ai créé ma première chaîne YouTube et je suis en train de créer un podcast. avec mon mari. Tous les deux, nous allons partager nos expériences respectives. Moi, en tant que maman et professeur de français, latin et grec, et lui, en tant que papa et médecin du sport et médecin généraliste. Et donc du coup, notre objectif, c'est de transmettre des outils pour que les personnes puissent mieux vivre et accueillir leurs émotions à travers des références littéraires, des éclairages scientifiques, des entretiens inspirants. J'aime bien cette métaphore de semer des graines. On espère semer des graines de confiance en soi et d'ouverture d'esprit pour que les personnes qui nous écoutent puissent appréhender le monde et le voir peut-être sous un nouveau jour. Voilà. Sur ces nouvelles, je t'embrasse. Je te remercie encore d'avoir été présente pour moi parce que tu fais partie intégrante à la fois avec ton podcast et à la fois avec le temps que tu as bien voulu me consacrer pour l'enregistrement, pour l'entretien, pour avant l'entretien, après l'entretien. Tout ça, ça m'a permis de guérir. J'ai l'impression, cette image que tu es comme un... un baume sur mon cœur, c'est que mon cœur, c'est moi qui suis en charge de le reconstruire, de prendre soin de lui. Et en fait, je prends soin de lui en prenant soin de moi, en m'entourant des bonnes personnes. Et tu fais partie de mes plus belles rencontres et je te remercie encore infiniment pour ta présence, ta bienveillance, ta douceur, ta sensibilité et pour, tu vois, ce... Ta voix, ouais. Ta voix qui m'aide beaucoup. Je suis assez speed de caractère. Et ta voix contribue à mon apaisement. Voilà. Je t'embrasse fort. À bientôt Tamara.

  • Speaker #1

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