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L’interview #39 • Anna, danser sous la pluie cover
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Les invisibles

L’interview #39 • Anna, danser sous la pluie

L’interview #39 • Anna, danser sous la pluie

39min |12/02/2025|

383

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L’interview #39 • Anna, danser sous la pluie

L’interview #39 • Anna, danser sous la pluie

39min |12/02/2025|

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Description

Anna n’a que 19 ans lorsqu’elle vit sa première crise de Ménière ; des vertiges rotatoires si intenses qu’ils donnent la sensation d’être propulsé•e à toute allure dans une machine à laver 😵‍💫

Une expérience anxiogène qui, malheureusement, ne sera pas un événement isolé.

En dehors des crises certains symptômes persistent, comme la fatigue chronique ou les acouphènes💥👂🏼et forment un véritable handicap invisible.


Mais Anna doit aussi affronter un autre combat : celui d’être prise au sérieux par le corps médical. 🩺 Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d’étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.


Dans cet épisode, Anna nous amène sur son chemin 🛤️ entre l’angoisse de la prochaine crise, l’obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie.


Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s’est formée à la réalisation de documentaires et a créé Danser sous la pluie 👯‍♀️☔️, un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Ménière et rappelle l’importance cruciale de la considération et du soutien.


Un récit inspirant et puissant à écouter sans attendre par ici ou à visionner en vidéo directement sur la chaîne Youtube Les invisibles podcast 🎧


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible au pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Anna n'a que 19 ans lorsqu'elle vit sa première crise de Menière. Des vertiges rotatoires si intenses qu'ils donnent la sensation d'être propulsés à toute allure dans une machine à laver. Une expérience anxiogène qui malheureusement ne sera pas un événement isolé.

  • Speaker #2

    En dehors des crises,

  • Speaker #1

    certains symptômes persistent. comme la fatigue chronique ou les acouphènes qui forment un véritable handicap invisible. Mais Anna doit aussi affronter un autre combat, celui d'être prise au sérieux par le corps médical. Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d'étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.

  • Speaker #2

    Dans cet épisode,

  • Speaker #1

    Anna nous amène sur son chemin entre l'angoisse de la prochaine crise, l'obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie. Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s'est formée à la réalisation de documentaires et a créé « Danser sous la pluie » Un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Menière et rappelle l'importance cruciale de la considération et du soutien. Un récit inspirant et puissant à écouter ici ou à visionner sur la chaîne YouTube Les Invisibles Podcast.

  • Speaker #2

    Hello Anna !

  • Speaker #3

    Salut !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, très contente de te rencontrer et d'être à Genève. Et toi, comment tu te sens ?

  • Speaker #2

    J'ai eu un petit coup de chaud avant d'entrer en matière de cette interview. J'avais oublié mon micro. Je pense que ça représente assez bien les troubles cognitifs et le brouillard cérébral. C'est de vouloir être au taquet, mais toujours un peu oublier certaines choses au moment venu. Toi, Anna, tu vis avec la maladie de Menière. c'est un trouble de l'oreille interne, c'est un trouble vestibulaire en fait, qui provoque notamment des vertiges par crise. Ces crises, elles sont caractérisées par une sensation d'être jetée à toute allure dans une sorte de machine à laver, j'ai l'impression que c'est ça, une machine à laver le linge, et tu es prise évidemment à ce moment-là de vomissements, un cœur qui s'emballe, c'est un peu des symptômes qui sont hyper hyper violents. qui te demandent à ce moment-là aussi de devoir très vite te poser à terre pour ne pas tomber, pour ne pas être accidenté. Et du coup, qui sont, j'imagine aussi, assez anxiogènes. Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ta première expérience avec cette maladie ? Et comment tu l'as vécu surtout au niveau émotionnel et physique ?

  • Speaker #3

    Oui, en fait moi les premiers symptômes de la maladie ça n'a pas été directement une crise, ça a été d'abord des instabilités. Donc au tout début de la maladie j'avais uniquement des instabilités que je mettais sous le coup de la fatigue plutôt parce que j'étais en train de faire mes études, j'étais très investie dans mes études donc j'étais assez fatiguée et donc je me disais c'est juste de la fatigue. jusqu'au jour où j'ai fait ma première vraie crise. J'étais chez moi, dans mon appartement à Lyon. J'étais toute seule, je me souviens. Et j'étais à mon bureau, en train de travailler. Et d'un coup, tout s'est mis à tourner très vite. Et ça m'a fait très peur, parce que je ne savais pas ce que c'était. Et avec du recul, je sais maintenant que j'ai fait une crise de menière. mais une crise d'angoisse en même temps. Parce qu'en fait, quand on n'a jamais vraiment eu de vertige ou quoi que ce soit, quand d'un coup, toute la pièce se met à tourner, moi, j'ai cru que j'allais mourir, tout simplement, parce que je ne savais pas ce que c'était. Je ne savais pas quand est-ce que ça s'arrêtait aussi. Donc, cet inconnu-là, ça fait très peur. Et oui, j'étais terrifiée. Clairement, j'étais terrifiée pendant plusieurs heures.

  • Speaker #2

    C'est clair que ce que tu racontes, c'est vraiment d'une violence inouïe. Qu'est-ce qui s'est passé par la suite ? La crise s'est quand même arrêtée à un moment donné. Est-ce que quelqu'un est venu à l'aide ? Comment ça s'est passé pour toi ?

  • Speaker #3

    En fait, je me souviens qu'au début, quand ces vertiges sont arrivés, je suis allée me mettre dans mon lit, tout simplement pour être plus à l'aise. Et en fait, la crise se passe. Et je me souviens juste que petit à petit, le vertige s'est atténué. Donc, il est devenu de moins en moins intense jusqu'à ce qu'au final, je m'endorme. En fait, juste après, je me suis endormie. J'ai fait une nuit complète directe parce que je pense que mon corps était épuisé. Donc, en fait, je n'ai même pas prévenu qui que ce soit parce que je me suis endormie directement après la crise.

  • Speaker #2

    C'est vrai que c'est assez anecdotique dans le sens que c'est particulier. J'imagine si je vivais une crise pareille. Alors moi aussi, j'ai un trouble vestibulaire, mais ça ne se manifeste pas de la même manière. Oui. Je pense qu'après, j'aurais clairement appelé les urgences ou mon mari ou quelqu'un pour dire qu'il s'est passé vraiment quelque chose d'hyper violent là. Toi, tu as réussi à t'endormir dans cette situation ?

  • Speaker #3

    En fait, je n'ai même pas contrôlé. Je pense que ça s'est fait tout seul. En plus, de base, je suis quelqu'un qui ne dort pas facilement, donc ça m'a surpris aussi. Mais je pense que le corps était tellement fatigué que direct, je me suis endormie. C'est plus le lendemain matin où ça m'a fait tout drôle. Parce que je me souviens qu'à mon réveil, je me suis dit, est-ce que c'était un cauchemar ce que j'ai fait ou est-ce que ça s'est vraiment passé ? Et après, avec du recul, j'ai su que si, c'était vraiment ça. Mais le réveil était très, très particulier quand même.

  • Speaker #2

    En dehors du fait que tu demandais si ça avait vraiment existé ou pas, est-ce qu'il y avait un résidu de symptômes qui était resté suite à cette crise ?

  • Speaker #3

    J'étais très fatiguée et j'avais la tête... En fait, j'avais comme... Je sentais ma tête... Comme si c'était gonflé à l'intérieur. J'avais une sorte de pression, en fait, sur le crâne. Un peu plus comme si on m'appuyait sur le crâne. Donc, j'avais ça qui était resté. Et puis, je sentais quand même que j'étais très fatiguée, assez faible de manière générale.

  • Speaker #2

    Et là, du coup, tu as pris en charge un peu cette situation ? Tu as contacté un médecin ou quelqu'un ?

  • Speaker #3

    Là, j'en ai parlé à mes parents, déjà. Parce que ça m'avait fait peur. Donc, je leur ai expliqué que ça faisait quelques semaines que j'avais des vertiges. Et qu'hier soir, il y avait eu un gros truc, etc. Et c'est eux qui m'ont un peu plus poussée à consulter, aller voir déjà mon généraliste pour après aller voir un ORL. Donc, c'est ce qui s'est passé. Au début, j'ai vu mon généraliste qui ne savait pas trop ce que ça pouvait être, donc qui m'a redirigée vers un premier ORL. J'en ai fait pas mal des ORL parce que ça a été un peu compliqué d'en trouver un, on va dire, à l'écoute de mes symptômes. Mais voilà.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu penses que même dans le milieu médical, il y a des a priori, telles qu'elle présente bien, donc elle n'est pas malade ? Je te pose cette question parce que je me souviens qu'un médecin à jour t'a supposé que tu étais en forme parce que tu étais arrivée maquillée à ton rendez-vous médical.

  • Speaker #3

    Oui, je pense qu'il y a des a priori. Heureusement, pas chez tous les médecins, mais chez certains, oui. En effet, j'ai eu ce truc où... Je venais voir un médecin quelques jours après une crise parce que j'avais besoin tout simplement d'avoir un arrêt. Parce que j'étais pas... En fait, après une crise, il me faut au moins 4, 5, voire 6 jours d'arrêt pour pouvoir récupérer un petit peu. Et donc, je venais tout simplement pour un arrêt. C'était un médecin qui ne me connaissait pas. Donc, je lui expliquais ma maladie, mes symptômes, mes traitements. Enfin, là, ça faisait un petit moment déjà. Donc, tout était écarré. Et en fait, ce médecin a présumé que comme... comme je m'étais un petit peu maquillée, en fait, c'est que ça allait plutôt bien. Alors qu'en fait, la seule activité de ma journée, ça avait été de mettre du mascara pour moi me sentir un petit peu mieux. Donc, j'ai eu ça. Et après, c'est plus au niveau du diagnostic, où en fait, comme j'avais 19 ans à l'époque, il y a beaucoup de médecins qui ont présumé qu'il n'y avait rien, que c'était juste du stress à cause des études. Ou un peu de fatigue, ou une mauvaise hygiène de vie parce que je suis étudiante, donc forcément j'ai une mauvaise hygiène de vie, etc. Ce qui était faux en plus, mais c'était plus par rapport à mon âge aussi que ça a joué.

  • Speaker #2

    Donc beaucoup d'a priori.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais à ce moment-là, en tout cas quand t'as rencontré ce médecin qui supposait que t'allais bien parce que t'étais maquillée, t'avais déjà un diagnostic de posé ?

  • Speaker #3

    Oui, j'avais déjà un diagnostic, ça faisait même plusieurs mois, presque un an même, je pense que j'avais le diagnostic. Et je venais dans un but précis. Moi je me disais, j'ai fait une crise, j'ai besoin d'un arrêt. Je cherchais pas à être diagnostiquée ou à ce qu'on me détecte quelque chose, parce que je savais déjà ce que j'avais.

  • Speaker #2

    Et à ce moment-là, tu pouvais pas aller chez le médecin qui t'avait diagnostiqué par hasard ?

  • Speaker #3

    Non, parce que c'était un ORL. Et en fait, les rendez-vous chez les ORL, c'est plusieurs mois, en tout cas en France. Et j'avais pas de médecin traitant à l'époque. Donc du coup, je devais aller chez le généraliste qui veut bien m'accueillir. Donc on choisit pas forcément chez qui on va, quoi.

  • Speaker #2

    Je vois. En dehors des crises, quels symptômes tu rencontres au quotidien maintenant ? Parce qu'on imagine bien ces crises comme des cellules, des moments donnés qui durent 5-6 heures, quelque chose comme ça. Et après, dans le quotidien,

  • Speaker #3

    qu'est-ce qui reste ? Entre ces crises, il va y avoir énormément de fatigue chronique parce que même si on n'a pas de crise pendant un certain moment, juste le fait d'être debout, de marcher, de se repérer quelque part, de prendre des transports, de conduire, etc. Tout ça, ça demande au corps d'arriver à s'équilibrer, chose qu'il fait normalement, naturellement, mais qui demande un effort ayant un problème à l'oreille interne. Donc ça, en fait, ça crée beaucoup de fatigue chez moi, tout simplement. Ça crée beaucoup de fatigue chronique, une moins bonne récupération aussi, des acophènes, ça, ça part pas. peuvent augmenter si par exemple je suis stressée, si je suis fatiguée si je suis malade aussi etc. Mais ils sont toujours là et voilà ces instabilités, ces tangages dont je parlais c'est un peu comme si on marchait sur du coton ou sur un bateau qui tangue un peu ces instabilités elles sont là au quotidien plus ou moins fortes selon les jours mais principalement en tout cas ça serait des acouphènes des tangages et de la fatigue au quotidien. Et des fois, un petit peu justement, t'en parlais tout au début, du brouillard mental, cette difficulté à se concentrer ou à se souvenir de certaines choses, etc. Ça arrive aussi.

  • Speaker #2

    Les acouphènes, c'est plutôt au coucher que ça se manifeste ou c'est tout au long de la journée ?

  • Speaker #3

    Alors en fait, un acouphène, en tout cas chez moi, c'est là tout le long de la journée de manière plus ou moins régulière, de la même intensité. Sauf qu'on les entend plus au coucher, forcément parce qu'il n'y a plus de bruit ambiant. Si tu veux, au quotidien, par exemple, là, ou même de manière générale en journée, ça ne me gêne pas beaucoup parce que déjà j'habite en ville, donc il y a du bruit. Et parce qu'on est en mouvement, on n'est jamais dans le silence total. Sauf que le soir, en général, tout se calme, forcément. Et c'est là où les acouphènes, on a l'impression qu'ils sont plus forts, mais ils ne le sont pas forcément plus, c'est juste que comme il n'y a plus de bruit ambiant, on les entend beaucoup plus et on y fait plus attention aussi.

  • Speaker #2

    C'est ça, c'est aussi cette question où des fois, quand on est concentré sur autre chose que sur le symptôme, on le ressent moins. Alors qu'au moment du coucher, il y a tout l'espace aussi pour avoir l'attention là-dessus, quelque part.

  • Speaker #3

    Il y a l'attention. Et le bruit ambiant qui diminue. Du coup, ça fait que les deux ensemble, ça peut en effet gêner pour dormir, par exemple, à ce niveau-là.

  • Speaker #2

    Et qu'est-ce que tu as trouvé aujourd'hui comme moyen de réduire la fatigue chronique, les acouphènes, le brouillard mental, toutes ces choses-là ? Est-ce que tu as eu des leviers qui te permettent que ce soit un peu plus faible ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas de solution magique, on va dire. Pour la fatigue chronique, c'est tout simplement, j'ai un peu appris à... à comprendre mon corps et à savoir que si je fais ça comme activité, le lendemain, il faut que j'ai un temps où je peux me reposer un peu plus. C'est plus en fait une gestion de mon énergie. C'est pas très beau dit comme ça, mais je me connais en fait. Je connais ma capacité d'énergie et je le sens aussi quand je suis en train d'aller un peu trop loin ou pas. Donc j'essaye en fait au maximum, même si on n'a pas le contrôle sur tout, mais de me prévoir des petits temps de sieste si je peux. ou d'organiser le mieux possible pour que j'ai des temps de repos quand même. Après, pour les acouphènes, moi j'ai fait un travail de thérapie cognitive et comportementale avec une psychothérapeute, parce que moi j'étais obsédée par mes acouphènes presque le soir, justement. Comme c'était très calme autour de moi et qu'il n'y avait plus de bruit, j'étais obsédée par ça. Dès que je les entendais, je concentrais totalement mon attention dessus. Et du coup, je n'arrivais plus à dormir avant des heures et des heures. Donc, j'ai fait un travail justement en thérapie pour défocaliser et juste me dire, il est là, il fait sa vie, mais je fais la mienne et je ne me focalise pas dessus. Donc ça, moi, ça m'a beaucoup, beaucoup aidée. Et après, pour les instabilités, par exemple, pour le coup, je n'ai pas trouvé de choses particulières. De manière générale, pour tous les symptômes. C'est vraiment plus essayer de gérer au maximum mon énergie du mieux que je peux, même si par exemple avec le travail, on ne choisit pas forcément. Mais en tout cas, quand j'ai le choix d'essayer de m'organiser pour avoir du repos entre plusieurs activités, etc.

  • Speaker #2

    Je pense que la question de la gestion d'énergie, elle est assez intéressante pour toutes les personnes qui vivent avec des maladies chroniques, parce que très souvent, il y a justement tout d'un coup une possibilité de faire une activité ou d'aller travailler un moment ou des choses comme ça. Puis ensuite, il y a souvent des crashs. Oui. le lendemain ou quelques heures plus tard. Et c'est vraiment comment savoir sur la journée, organiser son temps pour à chaque fois avoir un temps de repos entre les activités. Et le repos, en plus de ça, il diffère chez les personnes. Chez certaines personnes, ça va être regarder une série. Par exemple, pour moi, ce n'est pas du tout le cas. Je suis quelqu'un de tellement empathique que quand je regarde une série, je vais me mettre à la place de tout le monde, je vais commencer à stresser et du coup, je ne me repose pas. Pour une autre personne, ça va être par exemple lire ou ça va être faire une sieste. On est chacun très différent, mais c'est vrai que la question d'aménager des temps de repos, elle est intéressante quand il y a de la fatigue chronique. Après, tu parlais du fait de défocaliser par rapport aux symptômes d'acouphène. Comment on défocalise d'un symptôme qui est là en permanence ?

  • Speaker #3

    Après, ça, ça dépend aussi de chaque personne, parce qu'en fait, ce type de thérapie, c'est adapté aussi selon chaque personne. Moi, je sais que j'ai fait beaucoup d'exercices de respiration, de relaxation et de visualisation. En fait, tout simplement... comme moi c'était au coucher, que ça me gênait vraiment, j'essayais en fait tout simplement d'imaginer des histoires qui n'ont aucun rapport avec ma maladie, des choses assez positives, qui me font du bien, etc. Je lisais beaucoup aussi le soir, pour que du coup mon attention soit plus vers le livre. Mais moi ça a été beaucoup aussi de relaxation, de respiration pour aussi détendre le corps. Parce qu'en fait le fait de... d'être focalisée sur les acophènes, ça m'énervait en fait. Donc ça me tendait avant de dormir, donc ce n'était pas du tout idéal. Donc moi, ça passe aussi par se calmer aussi et se détendre.

  • Speaker #2

    Tu évoques les visualisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un de tes scénarios de visualisation avant de t'endormir ?

  • Speaker #3

    Alors ça fait longtemps que je n'en ai pas fait parce que maintenant c'est assez... En fait, ça je l'ai fait beaucoup au début quand ça me gênait. Mais par exemple, c'était... M'imaginer dans un endroit qui me fait du bien. Donc moi, par exemple, un endroit où je me sens bien, c'est dans la forêt. Donc j'essaye d'imaginer les bruits de la forêt, l'odeur, etc. Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je vois ? Au début, c'est très compliqué. Au début, quand on m'avait proposé cet exercice, j'étais là genre « Ouais, c'est un peu perché, je ne sais pas » . Et en fait, au début, c'est un peu compliqué. Mais petit à petit, ça se fait plus naturellement, entre guillemets. Je m'imaginais un peu dans un endroit où je suis bien, où je suis détendue. Ça, c'est propre à chacun. Souvent, je m'imaginais en forêt, en train de me balader, tout simplement.

  • Speaker #2

    Au début de l'interview, tu parlais de la crise d'angoisse que tu as fait en même temps que la crise de Menière. Est-ce que tu vois un lien entre monde psychique et monde physique ?

  • Speaker #3

    Pour la maladie de Menière, déjà, on ne sait pas vraiment ce qui déclenche cette maladie. Par contre, ce qu'on sait et ce qui est prouvé, c'est que tout ce qui est stress, angoisse, ça peut déclencher des crises. Il y a un lien totalement...

  • Speaker #0

    enfin factuelles par rapport à ça, où ça peut aggraver des symptômes. Et le problème qui arrive souvent avec la maladie de Menière, notamment au début, c'est que les crises sont assez traumatisantes. Et quand on termine une crise, on angoisse de la prochaine. Parce qu'en fait, elles sont imprévisibles aussi. Il y a ce truc où une crise peut arriver à n'importe quel moment. Donc quand on est dans la rue, quand on est en train de conduire, etc. Donc ça, c'est des moments plutôt angoissants. Et le problème, c'est que cette... anxiété qui est déclenchée par les crises, elle génère aussi des crises. Donc ça fait un peu un cercle vicieux à ce niveau-là. Et donc là, en tout cas, oui, il y a un lien vraiment entre les deux. Après, de manière générale, je n'ai pas les compétences pour le dire, mais en tout cas, pour le déclenchement des crises, il y a un lien entre le mental et les crises, oui.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'aujourd'hui, tu sens quand il y a une crise qui approche ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai un petit signe annonciateur, on va dire, c'est qu'en fait, Elle approche très vite. C'est-à-dire que quand j'ai ce signe-là, c'est qu'elle arrive dans les secondes. Donc, c'est assez tard, on va dire. C'est qu'en fait, mon acouphène augmente. Je sens qu'il est beaucoup plus fort. Et donc, à ce moment-là, je sais qu'il faut que j'essaye de me mettre dans un cadre assez sécurisant pour moi. Parce que, voilà.

  • Speaker #1

    Donc, ça précède vraiment à quelques secondes. Ce n'est pas quelques jours avant. On n'a pas le temps de s'y préparer plus que ça. Au moins, tu te mets dans un endroit en sécurité.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Je me demandais si tu avais déjà ressenti une stigmatisation ou un manque de compréhension de ton entourage en raison de la nature invisible de la maladie de Menière.

  • Speaker #0

    Disons que moi déjà, j'ai été diagnostiquée à 19 ans. Et je pense que déjà à cet âge-là, ce n'est pas forcément simple de comprendre ce que c'est une maladie chronique, qui plus est une maladie méconnue et qui plus est une maladie qui ne se voit pas. Donc je sais qu'à cette époque-là, à l'école où j'étais, il y avait... peut-être des personnes qui ont eu du mal plus à prendre au sérieux ce qui se passe. Le problème aussi, c'est que quand on dit j'ai des vertiges, en tout cas, moi, quand je le disais, les personnes imaginaient quand elles n'ont pas trop bien mangé le matin et que du coup, elles ont un petit coup d'hypoglycémie ou quelque chose comme ça. Sauf qu'en fait, ce n'est pas du tout le même type de vertige. Ce n'est pas un malaise, en fait. C'est vraiment un vertige où ça tourne. Donc, en fait, j'avais du mal à faire comprendre mes symptômes. surtout. Après, mes proches très très proches, comme mes parents ou mes amis vraiment très proches, ils ont toujours essayé de comprendre et du coup ils ont compris, tout simplement. Certaines personnes ont pu voir aussi des crises ou des symptômes, donc là je pense que ça aide aussi quand on voit la crise, mais c'est plus un entourage moins proche qui n'est pas forcément confronté directement, qui avait du mal à comprendre les symptômes et le fait aussi que ça reste. Parce que plusieurs fois, on pouvait me dire « mais t'es toujours malade » . Et moi, je disais « mais oui, je serai toujours malade » . C'est le principe, justement, de la maladie chronique. C'est qu'il y a des périodes où je suis bien, des périodes où je suis moins bien. Mais de manière générale, j'aurai toujours cette maladie avec moi. Et ça, c'était très compliqué. Et c'est des fois toujours compliqué à faire comprendre, même à des adultes, etc., qu'on peut être bien lundi et on peut être très mal mardi. C'est aussi la soudaineté de la maladie. Je pense comme dans beaucoup de maladies chroniques, quand il y a des crises, ça arrive d'un coup, on ne choisit pas et c'est comme ça en fait.

  • Speaker #1

    Et même au sein d'une même journée, les symptômes peuvent complètement changer. Et ça, c'est très déroutant, même pour soi-même. On peut se lever et être plutôt bien et puis ça se dégrade au fil de la journée alors qu'on s'était dit bon, ça allait plutôt pas mal. Donc, je vais honorer telle ou telle chose, telle activité, tel rendez-vous. Et pour finir, ce n'est plus possible de le faire parce qu'en fait, on décline au fil de la journée ou se réveiller hyper mal et aller mieux après. Il n'y a pas de constance et c'est ça vraiment le côté chronique qui est hyper difficile à se représenter pour les personnes qui ne le vivent pas en réalité. Il y a souvent cette croyance, et je pense aussi avec la maladie de Menière, c'est qu'on est malade que quand il y a la crise. Un peu comme si on était malade que quand on a la grippe. Ok, on est malade, puis on n'a plus la grippe, donc on n'est plus malade. Donc ça pourrait être un peu ce sous-entendu. Tu es malade quand tu es en crise, mais quand tu n'es pas en crise, tu n'es plus malade. Mais en fait, il y a des symptômes qui persistent dans le temps, en réalité, qui sont justement ces acouphènes, ce brouillard, cette fatigue, toutes ces choses-là.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que du coup, cette maladie, elle a impacté ton parcours professionnel ? Parce que c'est quand même arrivé à l'âge de 19 ans. Je pense que c'est un peu une période où il faut se situer sur où est-ce qu'on a envie d'aller. Et qu'est-ce qui s'est passé pour toi à ce moment-là au niveau pro ?

  • Speaker #0

    Moi, quand la maladie est arrivée, du coup, j'étais en fin de première année d'études, si je ne dis pas de bêtises, ou début de deuxième année. Mais en tout cas, j'étais au début de mes études. Ça a été compliqué parce que du coup, il fallait aussi justifier mes absences. Parce que forcément, j'avais des absences un peu au dernier moment. Et là où j'étais, en fait, il y avait des absences, un quota d'absences, si tu veux. Donc que j'ai dépassé. Et en fait, c'était compliqué aussi juste de faire comprendre que je ne choisis pas ces absences et que normalement, si on dépasse ce quota, je devais être exclue. Parce qu'on estime qu'au-delà de tant d'heures loupées, on ne peut plus suivre le cours et donc on ne peut pas réussir l'année. Sauf que j'ai réussi à avoir des... j'avais des bonnes notes quand même. Donc j'ai pu quand même continuer. Mais c'est vrai que même à faire comprendre... à la vie scolaire, etc., aux professeurs. J'ai des professeurs qui ont été géniaux, qui ont très bien compris, qui même m'aidaient parce que soit ils me donnaient les cours quand je n'étais pas là, ou soit ils me faisaient refaire des examens quand j'en avais loupé, etc. Donc géniaux. Et d'autres moins, mais bon après ça c'est comme tous les humains on va dire. Mais ça a impacté surtout mes études à ce moment-là. J'ai réussi tant bien que mal à valider mes années. Mais c'est vrai que les deux premières années où la maladie a été le plus intense, c'était compliqué d'assurer à la fois gérer la maladie, gérer les cours, gérer les examens, etc.

  • Speaker #1

    Et du coup, est-ce que le quota d'absence, ce ne serait pas une première discrimination de la maladie ?

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que d'un côté, on ne m'en a pas tenu compte, puisque finalement, même en ayant dépassé le quota, j'ai pu continuer. à faire mes études, à passer les examens, etc. Je n'ai pas été exclue, etc. Parce que justement, je pense, comme c'était des raisons de santé, ça a pu passer et parce que j'avais des bonnes notes derrière. Mais c'est vrai que dans d'autres cas, peut-être que ça peut être plus discriminant.

  • Speaker #1

    On peut imaginer qu'une personne qui, du coup, avait eu le même nombre d'absences, mais pas des bonnes notes, là,

  • Speaker #0

    ça aurait été plus difficile pour cette personne-là.

  • Speaker #1

    Toi, tu t'es formée en autodidacte à la réalisation d'un documentaire qui s'appelle « Danser sous la pluie » qui vient de voir le jour. En tout cas, il est projeté actuellement dans certains endroits, mais il n'est pas encore en ligne. C'est ça. Alors déjà, j'aimerais savoir qu'est-ce que « Danser sous la pluie » signifie pour toi et surtout, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, « Danser sous la pluie » , c'est la fin d'une citation de Sénèque qui est « La vie, ce n'est pas d'attendre que l'orage passe » . mais d'apprendre à danser sous la pluie. Et en fait, cette phrase, je l'ai lue dans un livre qui s'appelle Les Vertiges, il me semble, de Christelle. Je n'ai plus son nom, enfin son nom de famille, mais c'est une personne qui a la maladie de Menière qui a écrit tout un livre où elle explique en fait ce que ça a fait sur sa vie personnelle, professionnelle, etc. Et à la fin, justement, elle nomme cette citation. Et en fait, elle m'a directement parlé parce que je trouve que c'est hyper représentatif. et signifiant dans les maladies chroniques, puisque moi, je l'ai entendu comme « je ne peux pas attendre de guérir pour vivre, parce que tout simplement, il y a de grandes chances que je ne guérisse jamais » . Et je trouvais que c'était un message très lumineux, très solaire, qui me parlait beaucoup, et que c'est ce que je voulais aussi passer à travers mon documentaire, que même si on a une maladie qui est difficile, qu'on n'arrive pas forcément à gérer aussi tout le temps, qu'en fait, il faut quand même vivre avec. et essayer de vivre au mieux aussi, malgré cette maladie. Donc, du coup, je trouvais que le message passait très bien à travers ça.

  • Speaker #1

    Alors, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, si tu veux, quand j'ai été diagnostiquée, comme beaucoup de personnes, je pense, mon premier réflexe, ça a été de taper maladie de Menière sur Google, tout simplement, parce qu'on m'a dit que j'avais cette maladie, mais... C'est tout. Après, j'étais un peu démunie comme ça, toute seule dans la jungle, on va dire, de la maladie. Et je n'avais aucune idée de comment ça allait impacter ma vie. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Qu'est-ce que je peux faire ? Comment les gens vivent avec ça, en fait ? Et j'avais besoin de représentations, de témoignages de personnes qui ont cette maladie, même si je savais que, selon les personnes, ça pouvait varier, évidemment. Et je ne trouvais rien. En fait, je ne trouvais rien du tout. Tout ce que je trouvais sur la maladie, c'était des sites médicaux qui me décrivaient les symptômes, etc. Ce qui est très bien, ça permet d'apprendre plus sur la maladie. Mais moi, je les vivais, ces symptômes. Donc, ce n'est pas ce que je cherchais. Je cherchais plus l'humain, le ressenti humain derrière la maladie. Et sur le coup, je me souviens, c'est quand même il y a sept ans, je m'étais dit, quand ça ira mieux, je ferai un truc. Je ne savais pas trop quoi, mais je m'étais dit, je ferai un truc. Et là, en fait, j'ai la chance. Depuis presque trois ans, je n'ai pas fait de crise, donc je me sens mieux globalement, même s'il y a toujours des symptômes, mais ça va beaucoup mieux. Et en fait, il y a deux ans et demi, je me suis dit, je vais faire un documentaire sur... La maladie de Menière, mais pas que, c'est surtout sur l'impact psychologique, l'impact relationnel aussi de la maladie chronique en général. Ça part de Menière, mais en fait, ça représente pas mal de maladies. Et je pense qu'on a besoin aussi de voir ça pour les gens qui vivent ça, et aussi pour les proches, pour qu'ils comprennent ce que ça fait de vivre avec une maladie chronique.

  • Speaker #1

    Un des thèmes qui est vraiment abordé, une idée forte en tout cas de ton documentaire, c'est la question de l'identité. D'ailleurs, il y a une phrase que tu dis, que je cite, c'est « Et puis un jour quelque chose, on entend là la maladie, vient perturber ton puzzle. » Qu'est-ce que tu entends par là ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une phrase qui intervient après une voix off, où j'explique que l'identité, en général, elle est façonnée par plusieurs choses. Ça peut être son vécu, ses expériences, sa personnalité, ses goûts, etc. Et ce tout-là forme notre identité. Et que, justement, je trouve qu'on peut s'identifier par son métier, s'identifier par ses passions, etc. Et puis, quand il y a quelque chose qui vient mettre un peu le bazar là-dedans, dans ce que j'appelle le puzzle, justement, ça peut être très, très compliqué psychologiquement. Et en fait, moi, c'est quelque chose que j'ai vécu. Parce que quand la maladie est arrivée, mes études, ça a été très compliqué. Alors que moi, j'étais vraiment à fond dans mes études, donc un peu trop peut-être. Mais du coup, je m'identifiais beaucoup par ça, par le sport. Je faisais beaucoup de sport, je ne pouvais plus du tout en faire. J'étais assez pétillante, assez énergique. Là, j'étais raplapla. Donc en fait, ça a été très, très déstabilisant parce que toutes ces petites pièces de puzzle, toutes ces petites pièces de puzzle par lesquelles je m'identifiais, eh bien en fait, elles n'étaient plus là. Et donc c'est ça que je représente par puzzle, c'est un peu toutes ces parties de notre identité qui nous constituent. Quand elles n'arrivent plus à être, c'est assez déstabilisant.

  • Speaker #1

    Il y a une autre phrase qui m'a énormément touchée, celle-là vraiment très très fort, où tu dis « Ce qui me compose profondément a toujours été là, même quand je n'étais plus qu'à moitié. » Cette phrase, elle me touche parce qu'il y a déjà la sensation de se sentir à moitié quand on est malade. Donc, ça montre aussi à quel point on vit dans un monde qui est tellement validiste, qui considère qu'on est entier tant qu'on est en bonne santé et à moitié quand on est malade. Donc, il y a cette première chose qui est assez bouleversante, je trouve. Et la deuxième, c'est en effet le fait que le soi profond intérieur, lui, il n'est pas touché au final. Et du coup, j'aimerais savoir, est-ce que cette partie-là chez toi... elle a été aussi impactée par la maladie ou au contraire t'as toujours trouvé cette toit intérieure quelque part, qu'importe si t'étais à moitié comme tu le disais ou non ?

  • Speaker #0

    En fait une des choses qui a été très très difficile pour moi psychologiquement c'est que j'ai eu l'impression de me perdre, c'est à dire que comme je pouvais plus faire ce que j'aimais, les études c'était compliqué je me reconnaissais pas même dans mes traits de caractère je... J'étais quelqu'un d'assez rigolote, on va dire. Là, j'étais agacée, j'étais en colère, j'étais à vif. En fait, j'étais tout le temps à vif, donc j'étais pénible. Même pour mon entourage, je pense que ce n'était pas facile. Mais je ne me reconnaissais pas dans le caractère ni dans le physique, parce que même si c'est une maladie invisible, les crises, la fatigue, ça marque aussi. Donc, j'avais perdu beaucoup de poids. Et donc, tout ça fait que j'avais l'impression que je me perdais. Et ça, ça a été très dur parce que je me disais, donc là, en fait, je suis plus celle que j'étais avant. Et ce que je deviens, cette personne froide, pas bien, j'aime pas. Donc, j'avais l'impression de plus rien contrôler, de plus être du tout qui j'étais. Et ça, ça a duré un bon moment quand même. Et en fait, c'est que maintenant que ça fait trois ans que je fais plus de crise, que je vais beaucoup mieux, qu'en fait, j'ai retrouvé mes... exactement ce que j'étais avant, c'est-à-dire que j'ai toujours mon côté pitiante, je suis toujours très curieuse, j'aime beaucoup l'humain, etc. Les gens ne m'agacent plus. Tout c'est très, très négatif. En fait, ils étaient là uniquement parce que mon corps était dépassé par les symptômes, par la maladie, mais ça ne m'identifiait pas. Moi, ce que je suis vraiment, ça n'a pas bougé. Je pense que par contre, il y a une évolution, forcément. par la maladie, mais qui peut être très positive. Mais ce qui me compose profondément, je sais pas ce que je dis, c'est que c'était là, c'est juste que c'était pas accessible à ce moment-là. Il y avait trop de symptômes, il y avait trop de choses qui se passaient. Je pouvais plus y accéder, mais en fait, une fois que ça va mieux, c'est toujours là. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Avec beaucoup de sagesse, tu as remplacé la question « pourquoi ça m'arrive ? » par « qu'est-ce que cela m'apprend ? » Alors du coup, qu'est-ce que cette expérience avec la maladie de Menière t'apprend ?

  • Speaker #0

    Moi, ça m'a appris plein plein de choses. Déjà, je pense que quand on a une maladie chronique assez tôt, ça nous fait grandir assez vite. Parce qu'on est confronté à plein de choses auxquelles on n'est pas forcément confronté à cet âge-là habituellement. Donc, je pense que j'ai mûri très vite. Et ça m'a rendu plus empathique qu'avant. Je l'étais déjà pas mal, je pense, avant. Mais maintenant, disons que je pense que j'ai beaucoup moins de jugement sur les gens. C'est-à-dire que, en fait, je me dis quand je rencontre quelqu'un que je ne connais pas, je me dis que je ne sais pas ce qu'il traverse, que je ne sais pas ce qu'il vit. Donc, du coup, je suis beaucoup plus indulgente, on va dire, quand je rencontre des gens, quand je parle avec eux. Si, par exemple, je ne sais pas, ils ne me parlent pas très bien ou ils sont assez froids ou que sais-je. Je me dis, oui, mais je ne sais pas ce qu'il vit, en fait. Ça se trouve, là, ça fait une heure qu'il attend le bus, qu'il a un problème à la jambe, il est mal. Et du coup, ça m'a appris un peu ce côté-là de tu ne sais pas ce que les gens traversent, donc prends-le en compte quand tu t'adresses à eux. Et de manière générale, beaucoup plus d'empathie, de maturité. Et mine de rien, même si la maladie ralentit à certains moments, moi, ça a été mon moteur, quelque part, parce que... Ce documentaire, si je n'étais pas malade, je pense que je n'aurais jamais fait un documentaire. Ça vient de là aussi. Il y a plein de choses positives qui peuvent en ressortir.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qu'on peut souhaiter à ce documentaire ?

  • Speaker #0

    Qu'il soit vu, apprécié aussi. Le but, de toute façon, c'est de le diffuser au maximum pour que les gens qui se sentent concernés déjà peuvent se sentir représentés aussi. Je pense que les retours que j'ai eus, c'est des gens qui se sentent moins seuls parce qu'ils me disent que c'est tout à fait ce que je vis. Et ça me fait du bien. Et aussi que les gens qui ne vivent pas ça puissent le voir pour tout simplement qu'ils puissent comprendre ce que c'est d'avoir une maladie chronique au-delà juste des symptômes, des médicaments, mais comment ça impacte une vie sur tous ces aspects.

  • Speaker #1

    Moi, j'arrive gentiment sur les deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, Anna, tu as envie de rajouter quelque chose avant ?

  • Speaker #0

    Non, ça va.

  • Speaker #1

    Alors, quel message tu aimerais transmettre aux personnes qui vivent avec une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Le message que j'aimerais faire passer, c'est que souvent, quand on a une maladie invisible, on va penser à soigner son corps du mieux qu'on peut, que ce soit par des traitements, des thérapies, etc. Mais je pense qu'on oublie beaucoup de prendre soin aussi de son mental, tout simplement. Parce qu'en fait, déjà, on ne le recommande pas forcément. On nous donne des médicaments, mais on ne nous donne pas une ordonnance chez un psy, par exemple. Et je pense, en fait, que quand on tombe malade, L'esprit, le mental, il est autant impacté que le corps, si ce n'est parfois plus à certains moments. Et que pour moi, c'est aussi important de prendre soin de sa santé mentale que de sa santé physique, parce que l'un ne marche pas sans l'autre. Et si on est atteint sur les deux, on peut arriver à des périodes vraiment très, très, très compliquées. Donc pour moi, ce serait vraiment de prendre soin de son corps, mais aussi de sa tête.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage des personnes qui ont des maladies invisibles ?

  • Speaker #0

    D'essayer de comprendre. même si je sais que c'est compliqué parce que des fois, on a du mal à l'expliquer, même déjà. Mais surtout, en fait, de considérer ce qu'on dit. Moi, quelque chose qui m'a beaucoup aidée, c'est que mes parents, dès le début, dès le premier symptôme que j'ai eu, ils n'ont jamais remis en question ce que je disais. Jamais. Donc, c'est-à-dire que même si je leur disais, là, tout tombe dans ma tête et qu'ils ne voyaient rien, ils ont toujours pris en considération ce que je disais. Ils n'ont pas diminué aussi ce que je vivais en disant, oui, tu as juste un petit vertige. un peu fatigué. Non. Donc, ça serait vraiment de considérer. Parce que même s'ils ne peuvent pas forcément comprendre ce que je vis, ils le considèrent et déjà ça, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir la maladie de Menière t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Quel super pouvoir ? C'est une bonne question. Je dirais que ça m'a rendue plus volontaire dans ce que je veux faire, plus déterminée. Comme je disais tout à l'heure, ça a été un moteur pour réaliser des projets. Et maintenant que j'ai réussi à faire mon documentaire, ça me donne envie de faire plein d'autres choses encore. Justement parce qu'il y a ce côté où là, je vais bien, donc je vais en profiter. Donc, ce serait plus le côté profite maintenant que ça va, parce qu'on ne sait pas ce qu'il y aura après. Donc oui, de vivre pleinement en fait.

  • Speaker #1

    De continuer à danser sous la pluie.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Merci Anna pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. Rencontrez mes invités et découvrez tous les engagements de la communauté Les Invisibles sur le compte Instagram Les Invisibles Podcast. Ensemble, continuons à visibiliser l'invisible.

Description

Anna n’a que 19 ans lorsqu’elle vit sa première crise de Ménière ; des vertiges rotatoires si intenses qu’ils donnent la sensation d’être propulsé•e à toute allure dans une machine à laver 😵‍💫

Une expérience anxiogène qui, malheureusement, ne sera pas un événement isolé.

En dehors des crises certains symptômes persistent, comme la fatigue chronique ou les acouphènes💥👂🏼et forment un véritable handicap invisible.


Mais Anna doit aussi affronter un autre combat : celui d’être prise au sérieux par le corps médical. 🩺 Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d’étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.


Dans cet épisode, Anna nous amène sur son chemin 🛤️ entre l’angoisse de la prochaine crise, l’obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie.


Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s’est formée à la réalisation de documentaires et a créé Danser sous la pluie 👯‍♀️☔️, un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Ménière et rappelle l’importance cruciale de la considération et du soutien.


Un récit inspirant et puissant à écouter sans attendre par ici ou à visionner en vidéo directement sur la chaîne Youtube Les invisibles podcast 🎧


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible au pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Anna n'a que 19 ans lorsqu'elle vit sa première crise de Menière. Des vertiges rotatoires si intenses qu'ils donnent la sensation d'être propulsés à toute allure dans une machine à laver. Une expérience anxiogène qui malheureusement ne sera pas un événement isolé.

  • Speaker #2

    En dehors des crises,

  • Speaker #1

    certains symptômes persistent. comme la fatigue chronique ou les acouphènes qui forment un véritable handicap invisible. Mais Anna doit aussi affronter un autre combat, celui d'être prise au sérieux par le corps médical. Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d'étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.

  • Speaker #2

    Dans cet épisode,

  • Speaker #1

    Anna nous amène sur son chemin entre l'angoisse de la prochaine crise, l'obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie. Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s'est formée à la réalisation de documentaires et a créé « Danser sous la pluie » Un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Menière et rappelle l'importance cruciale de la considération et du soutien. Un récit inspirant et puissant à écouter ici ou à visionner sur la chaîne YouTube Les Invisibles Podcast.

  • Speaker #2

    Hello Anna !

  • Speaker #3

    Salut !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, très contente de te rencontrer et d'être à Genève. Et toi, comment tu te sens ?

  • Speaker #2

    J'ai eu un petit coup de chaud avant d'entrer en matière de cette interview. J'avais oublié mon micro. Je pense que ça représente assez bien les troubles cognitifs et le brouillard cérébral. C'est de vouloir être au taquet, mais toujours un peu oublier certaines choses au moment venu. Toi, Anna, tu vis avec la maladie de Menière. c'est un trouble de l'oreille interne, c'est un trouble vestibulaire en fait, qui provoque notamment des vertiges par crise. Ces crises, elles sont caractérisées par une sensation d'être jetée à toute allure dans une sorte de machine à laver, j'ai l'impression que c'est ça, une machine à laver le linge, et tu es prise évidemment à ce moment-là de vomissements, un cœur qui s'emballe, c'est un peu des symptômes qui sont hyper hyper violents. qui te demandent à ce moment-là aussi de devoir très vite te poser à terre pour ne pas tomber, pour ne pas être accidenté. Et du coup, qui sont, j'imagine aussi, assez anxiogènes. Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ta première expérience avec cette maladie ? Et comment tu l'as vécu surtout au niveau émotionnel et physique ?

  • Speaker #3

    Oui, en fait moi les premiers symptômes de la maladie ça n'a pas été directement une crise, ça a été d'abord des instabilités. Donc au tout début de la maladie j'avais uniquement des instabilités que je mettais sous le coup de la fatigue plutôt parce que j'étais en train de faire mes études, j'étais très investie dans mes études donc j'étais assez fatiguée et donc je me disais c'est juste de la fatigue. jusqu'au jour où j'ai fait ma première vraie crise. J'étais chez moi, dans mon appartement à Lyon. J'étais toute seule, je me souviens. Et j'étais à mon bureau, en train de travailler. Et d'un coup, tout s'est mis à tourner très vite. Et ça m'a fait très peur, parce que je ne savais pas ce que c'était. Et avec du recul, je sais maintenant que j'ai fait une crise de menière. mais une crise d'angoisse en même temps. Parce qu'en fait, quand on n'a jamais vraiment eu de vertige ou quoi que ce soit, quand d'un coup, toute la pièce se met à tourner, moi, j'ai cru que j'allais mourir, tout simplement, parce que je ne savais pas ce que c'était. Je ne savais pas quand est-ce que ça s'arrêtait aussi. Donc, cet inconnu-là, ça fait très peur. Et oui, j'étais terrifiée. Clairement, j'étais terrifiée pendant plusieurs heures.

  • Speaker #2

    C'est clair que ce que tu racontes, c'est vraiment d'une violence inouïe. Qu'est-ce qui s'est passé par la suite ? La crise s'est quand même arrêtée à un moment donné. Est-ce que quelqu'un est venu à l'aide ? Comment ça s'est passé pour toi ?

  • Speaker #3

    En fait, je me souviens qu'au début, quand ces vertiges sont arrivés, je suis allée me mettre dans mon lit, tout simplement pour être plus à l'aise. Et en fait, la crise se passe. Et je me souviens juste que petit à petit, le vertige s'est atténué. Donc, il est devenu de moins en moins intense jusqu'à ce qu'au final, je m'endorme. En fait, juste après, je me suis endormie. J'ai fait une nuit complète directe parce que je pense que mon corps était épuisé. Donc, en fait, je n'ai même pas prévenu qui que ce soit parce que je me suis endormie directement après la crise.

  • Speaker #2

    C'est vrai que c'est assez anecdotique dans le sens que c'est particulier. J'imagine si je vivais une crise pareille. Alors moi aussi, j'ai un trouble vestibulaire, mais ça ne se manifeste pas de la même manière. Oui. Je pense qu'après, j'aurais clairement appelé les urgences ou mon mari ou quelqu'un pour dire qu'il s'est passé vraiment quelque chose d'hyper violent là. Toi, tu as réussi à t'endormir dans cette situation ?

  • Speaker #3

    En fait, je n'ai même pas contrôlé. Je pense que ça s'est fait tout seul. En plus, de base, je suis quelqu'un qui ne dort pas facilement, donc ça m'a surpris aussi. Mais je pense que le corps était tellement fatigué que direct, je me suis endormie. C'est plus le lendemain matin où ça m'a fait tout drôle. Parce que je me souviens qu'à mon réveil, je me suis dit, est-ce que c'était un cauchemar ce que j'ai fait ou est-ce que ça s'est vraiment passé ? Et après, avec du recul, j'ai su que si, c'était vraiment ça. Mais le réveil était très, très particulier quand même.

  • Speaker #2

    En dehors du fait que tu demandais si ça avait vraiment existé ou pas, est-ce qu'il y avait un résidu de symptômes qui était resté suite à cette crise ?

  • Speaker #3

    J'étais très fatiguée et j'avais la tête... En fait, j'avais comme... Je sentais ma tête... Comme si c'était gonflé à l'intérieur. J'avais une sorte de pression, en fait, sur le crâne. Un peu plus comme si on m'appuyait sur le crâne. Donc, j'avais ça qui était resté. Et puis, je sentais quand même que j'étais très fatiguée, assez faible de manière générale.

  • Speaker #2

    Et là, du coup, tu as pris en charge un peu cette situation ? Tu as contacté un médecin ou quelqu'un ?

  • Speaker #3

    Là, j'en ai parlé à mes parents, déjà. Parce que ça m'avait fait peur. Donc, je leur ai expliqué que ça faisait quelques semaines que j'avais des vertiges. Et qu'hier soir, il y avait eu un gros truc, etc. Et c'est eux qui m'ont un peu plus poussée à consulter, aller voir déjà mon généraliste pour après aller voir un ORL. Donc, c'est ce qui s'est passé. Au début, j'ai vu mon généraliste qui ne savait pas trop ce que ça pouvait être, donc qui m'a redirigée vers un premier ORL. J'en ai fait pas mal des ORL parce que ça a été un peu compliqué d'en trouver un, on va dire, à l'écoute de mes symptômes. Mais voilà.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu penses que même dans le milieu médical, il y a des a priori, telles qu'elle présente bien, donc elle n'est pas malade ? Je te pose cette question parce que je me souviens qu'un médecin à jour t'a supposé que tu étais en forme parce que tu étais arrivée maquillée à ton rendez-vous médical.

  • Speaker #3

    Oui, je pense qu'il y a des a priori. Heureusement, pas chez tous les médecins, mais chez certains, oui. En effet, j'ai eu ce truc où... Je venais voir un médecin quelques jours après une crise parce que j'avais besoin tout simplement d'avoir un arrêt. Parce que j'étais pas... En fait, après une crise, il me faut au moins 4, 5, voire 6 jours d'arrêt pour pouvoir récupérer un petit peu. Et donc, je venais tout simplement pour un arrêt. C'était un médecin qui ne me connaissait pas. Donc, je lui expliquais ma maladie, mes symptômes, mes traitements. Enfin, là, ça faisait un petit moment déjà. Donc, tout était écarré. Et en fait, ce médecin a présumé que comme... comme je m'étais un petit peu maquillée, en fait, c'est que ça allait plutôt bien. Alors qu'en fait, la seule activité de ma journée, ça avait été de mettre du mascara pour moi me sentir un petit peu mieux. Donc, j'ai eu ça. Et après, c'est plus au niveau du diagnostic, où en fait, comme j'avais 19 ans à l'époque, il y a beaucoup de médecins qui ont présumé qu'il n'y avait rien, que c'était juste du stress à cause des études. Ou un peu de fatigue, ou une mauvaise hygiène de vie parce que je suis étudiante, donc forcément j'ai une mauvaise hygiène de vie, etc. Ce qui était faux en plus, mais c'était plus par rapport à mon âge aussi que ça a joué.

  • Speaker #2

    Donc beaucoup d'a priori.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais à ce moment-là, en tout cas quand t'as rencontré ce médecin qui supposait que t'allais bien parce que t'étais maquillée, t'avais déjà un diagnostic de posé ?

  • Speaker #3

    Oui, j'avais déjà un diagnostic, ça faisait même plusieurs mois, presque un an même, je pense que j'avais le diagnostic. Et je venais dans un but précis. Moi je me disais, j'ai fait une crise, j'ai besoin d'un arrêt. Je cherchais pas à être diagnostiquée ou à ce qu'on me détecte quelque chose, parce que je savais déjà ce que j'avais.

  • Speaker #2

    Et à ce moment-là, tu pouvais pas aller chez le médecin qui t'avait diagnostiqué par hasard ?

  • Speaker #3

    Non, parce que c'était un ORL. Et en fait, les rendez-vous chez les ORL, c'est plusieurs mois, en tout cas en France. Et j'avais pas de médecin traitant à l'époque. Donc du coup, je devais aller chez le généraliste qui veut bien m'accueillir. Donc on choisit pas forcément chez qui on va, quoi.

  • Speaker #2

    Je vois. En dehors des crises, quels symptômes tu rencontres au quotidien maintenant ? Parce qu'on imagine bien ces crises comme des cellules, des moments donnés qui durent 5-6 heures, quelque chose comme ça. Et après, dans le quotidien,

  • Speaker #3

    qu'est-ce qui reste ? Entre ces crises, il va y avoir énormément de fatigue chronique parce que même si on n'a pas de crise pendant un certain moment, juste le fait d'être debout, de marcher, de se repérer quelque part, de prendre des transports, de conduire, etc. Tout ça, ça demande au corps d'arriver à s'équilibrer, chose qu'il fait normalement, naturellement, mais qui demande un effort ayant un problème à l'oreille interne. Donc ça, en fait, ça crée beaucoup de fatigue chez moi, tout simplement. Ça crée beaucoup de fatigue chronique, une moins bonne récupération aussi, des acophènes, ça, ça part pas. peuvent augmenter si par exemple je suis stressée, si je suis fatiguée si je suis malade aussi etc. Mais ils sont toujours là et voilà ces instabilités, ces tangages dont je parlais c'est un peu comme si on marchait sur du coton ou sur un bateau qui tangue un peu ces instabilités elles sont là au quotidien plus ou moins fortes selon les jours mais principalement en tout cas ça serait des acouphènes des tangages et de la fatigue au quotidien. Et des fois, un petit peu justement, t'en parlais tout au début, du brouillard mental, cette difficulté à se concentrer ou à se souvenir de certaines choses, etc. Ça arrive aussi.

  • Speaker #2

    Les acouphènes, c'est plutôt au coucher que ça se manifeste ou c'est tout au long de la journée ?

  • Speaker #3

    Alors en fait, un acouphène, en tout cas chez moi, c'est là tout le long de la journée de manière plus ou moins régulière, de la même intensité. Sauf qu'on les entend plus au coucher, forcément parce qu'il n'y a plus de bruit ambiant. Si tu veux, au quotidien, par exemple, là, ou même de manière générale en journée, ça ne me gêne pas beaucoup parce que déjà j'habite en ville, donc il y a du bruit. Et parce qu'on est en mouvement, on n'est jamais dans le silence total. Sauf que le soir, en général, tout se calme, forcément. Et c'est là où les acouphènes, on a l'impression qu'ils sont plus forts, mais ils ne le sont pas forcément plus, c'est juste que comme il n'y a plus de bruit ambiant, on les entend beaucoup plus et on y fait plus attention aussi.

  • Speaker #2

    C'est ça, c'est aussi cette question où des fois, quand on est concentré sur autre chose que sur le symptôme, on le ressent moins. Alors qu'au moment du coucher, il y a tout l'espace aussi pour avoir l'attention là-dessus, quelque part.

  • Speaker #3

    Il y a l'attention. Et le bruit ambiant qui diminue. Du coup, ça fait que les deux ensemble, ça peut en effet gêner pour dormir, par exemple, à ce niveau-là.

  • Speaker #2

    Et qu'est-ce que tu as trouvé aujourd'hui comme moyen de réduire la fatigue chronique, les acouphènes, le brouillard mental, toutes ces choses-là ? Est-ce que tu as eu des leviers qui te permettent que ce soit un peu plus faible ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas de solution magique, on va dire. Pour la fatigue chronique, c'est tout simplement, j'ai un peu appris à... à comprendre mon corps et à savoir que si je fais ça comme activité, le lendemain, il faut que j'ai un temps où je peux me reposer un peu plus. C'est plus en fait une gestion de mon énergie. C'est pas très beau dit comme ça, mais je me connais en fait. Je connais ma capacité d'énergie et je le sens aussi quand je suis en train d'aller un peu trop loin ou pas. Donc j'essaye en fait au maximum, même si on n'a pas le contrôle sur tout, mais de me prévoir des petits temps de sieste si je peux. ou d'organiser le mieux possible pour que j'ai des temps de repos quand même. Après, pour les acouphènes, moi j'ai fait un travail de thérapie cognitive et comportementale avec une psychothérapeute, parce que moi j'étais obsédée par mes acouphènes presque le soir, justement. Comme c'était très calme autour de moi et qu'il n'y avait plus de bruit, j'étais obsédée par ça. Dès que je les entendais, je concentrais totalement mon attention dessus. Et du coup, je n'arrivais plus à dormir avant des heures et des heures. Donc, j'ai fait un travail justement en thérapie pour défocaliser et juste me dire, il est là, il fait sa vie, mais je fais la mienne et je ne me focalise pas dessus. Donc ça, moi, ça m'a beaucoup, beaucoup aidée. Et après, pour les instabilités, par exemple, pour le coup, je n'ai pas trouvé de choses particulières. De manière générale, pour tous les symptômes. C'est vraiment plus essayer de gérer au maximum mon énergie du mieux que je peux, même si par exemple avec le travail, on ne choisit pas forcément. Mais en tout cas, quand j'ai le choix d'essayer de m'organiser pour avoir du repos entre plusieurs activités, etc.

  • Speaker #2

    Je pense que la question de la gestion d'énergie, elle est assez intéressante pour toutes les personnes qui vivent avec des maladies chroniques, parce que très souvent, il y a justement tout d'un coup une possibilité de faire une activité ou d'aller travailler un moment ou des choses comme ça. Puis ensuite, il y a souvent des crashs. Oui. le lendemain ou quelques heures plus tard. Et c'est vraiment comment savoir sur la journée, organiser son temps pour à chaque fois avoir un temps de repos entre les activités. Et le repos, en plus de ça, il diffère chez les personnes. Chez certaines personnes, ça va être regarder une série. Par exemple, pour moi, ce n'est pas du tout le cas. Je suis quelqu'un de tellement empathique que quand je regarde une série, je vais me mettre à la place de tout le monde, je vais commencer à stresser et du coup, je ne me repose pas. Pour une autre personne, ça va être par exemple lire ou ça va être faire une sieste. On est chacun très différent, mais c'est vrai que la question d'aménager des temps de repos, elle est intéressante quand il y a de la fatigue chronique. Après, tu parlais du fait de défocaliser par rapport aux symptômes d'acouphène. Comment on défocalise d'un symptôme qui est là en permanence ?

  • Speaker #3

    Après, ça, ça dépend aussi de chaque personne, parce qu'en fait, ce type de thérapie, c'est adapté aussi selon chaque personne. Moi, je sais que j'ai fait beaucoup d'exercices de respiration, de relaxation et de visualisation. En fait, tout simplement... comme moi c'était au coucher, que ça me gênait vraiment, j'essayais en fait tout simplement d'imaginer des histoires qui n'ont aucun rapport avec ma maladie, des choses assez positives, qui me font du bien, etc. Je lisais beaucoup aussi le soir, pour que du coup mon attention soit plus vers le livre. Mais moi ça a été beaucoup aussi de relaxation, de respiration pour aussi détendre le corps. Parce qu'en fait le fait de... d'être focalisée sur les acophènes, ça m'énervait en fait. Donc ça me tendait avant de dormir, donc ce n'était pas du tout idéal. Donc moi, ça passe aussi par se calmer aussi et se détendre.

  • Speaker #2

    Tu évoques les visualisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un de tes scénarios de visualisation avant de t'endormir ?

  • Speaker #3

    Alors ça fait longtemps que je n'en ai pas fait parce que maintenant c'est assez... En fait, ça je l'ai fait beaucoup au début quand ça me gênait. Mais par exemple, c'était... M'imaginer dans un endroit qui me fait du bien. Donc moi, par exemple, un endroit où je me sens bien, c'est dans la forêt. Donc j'essaye d'imaginer les bruits de la forêt, l'odeur, etc. Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je vois ? Au début, c'est très compliqué. Au début, quand on m'avait proposé cet exercice, j'étais là genre « Ouais, c'est un peu perché, je ne sais pas » . Et en fait, au début, c'est un peu compliqué. Mais petit à petit, ça se fait plus naturellement, entre guillemets. Je m'imaginais un peu dans un endroit où je suis bien, où je suis détendue. Ça, c'est propre à chacun. Souvent, je m'imaginais en forêt, en train de me balader, tout simplement.

  • Speaker #2

    Au début de l'interview, tu parlais de la crise d'angoisse que tu as fait en même temps que la crise de Menière. Est-ce que tu vois un lien entre monde psychique et monde physique ?

  • Speaker #3

    Pour la maladie de Menière, déjà, on ne sait pas vraiment ce qui déclenche cette maladie. Par contre, ce qu'on sait et ce qui est prouvé, c'est que tout ce qui est stress, angoisse, ça peut déclencher des crises. Il y a un lien totalement...

  • Speaker #0

    enfin factuelles par rapport à ça, où ça peut aggraver des symptômes. Et le problème qui arrive souvent avec la maladie de Menière, notamment au début, c'est que les crises sont assez traumatisantes. Et quand on termine une crise, on angoisse de la prochaine. Parce qu'en fait, elles sont imprévisibles aussi. Il y a ce truc où une crise peut arriver à n'importe quel moment. Donc quand on est dans la rue, quand on est en train de conduire, etc. Donc ça, c'est des moments plutôt angoissants. Et le problème, c'est que cette... anxiété qui est déclenchée par les crises, elle génère aussi des crises. Donc ça fait un peu un cercle vicieux à ce niveau-là. Et donc là, en tout cas, oui, il y a un lien vraiment entre les deux. Après, de manière générale, je n'ai pas les compétences pour le dire, mais en tout cas, pour le déclenchement des crises, il y a un lien entre le mental et les crises, oui.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'aujourd'hui, tu sens quand il y a une crise qui approche ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai un petit signe annonciateur, on va dire, c'est qu'en fait, Elle approche très vite. C'est-à-dire que quand j'ai ce signe-là, c'est qu'elle arrive dans les secondes. Donc, c'est assez tard, on va dire. C'est qu'en fait, mon acouphène augmente. Je sens qu'il est beaucoup plus fort. Et donc, à ce moment-là, je sais qu'il faut que j'essaye de me mettre dans un cadre assez sécurisant pour moi. Parce que, voilà.

  • Speaker #1

    Donc, ça précède vraiment à quelques secondes. Ce n'est pas quelques jours avant. On n'a pas le temps de s'y préparer plus que ça. Au moins, tu te mets dans un endroit en sécurité.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Je me demandais si tu avais déjà ressenti une stigmatisation ou un manque de compréhension de ton entourage en raison de la nature invisible de la maladie de Menière.

  • Speaker #0

    Disons que moi déjà, j'ai été diagnostiquée à 19 ans. Et je pense que déjà à cet âge-là, ce n'est pas forcément simple de comprendre ce que c'est une maladie chronique, qui plus est une maladie méconnue et qui plus est une maladie qui ne se voit pas. Donc je sais qu'à cette époque-là, à l'école où j'étais, il y avait... peut-être des personnes qui ont eu du mal plus à prendre au sérieux ce qui se passe. Le problème aussi, c'est que quand on dit j'ai des vertiges, en tout cas, moi, quand je le disais, les personnes imaginaient quand elles n'ont pas trop bien mangé le matin et que du coup, elles ont un petit coup d'hypoglycémie ou quelque chose comme ça. Sauf qu'en fait, ce n'est pas du tout le même type de vertige. Ce n'est pas un malaise, en fait. C'est vraiment un vertige où ça tourne. Donc, en fait, j'avais du mal à faire comprendre mes symptômes. surtout. Après, mes proches très très proches, comme mes parents ou mes amis vraiment très proches, ils ont toujours essayé de comprendre et du coup ils ont compris, tout simplement. Certaines personnes ont pu voir aussi des crises ou des symptômes, donc là je pense que ça aide aussi quand on voit la crise, mais c'est plus un entourage moins proche qui n'est pas forcément confronté directement, qui avait du mal à comprendre les symptômes et le fait aussi que ça reste. Parce que plusieurs fois, on pouvait me dire « mais t'es toujours malade » . Et moi, je disais « mais oui, je serai toujours malade » . C'est le principe, justement, de la maladie chronique. C'est qu'il y a des périodes où je suis bien, des périodes où je suis moins bien. Mais de manière générale, j'aurai toujours cette maladie avec moi. Et ça, c'était très compliqué. Et c'est des fois toujours compliqué à faire comprendre, même à des adultes, etc., qu'on peut être bien lundi et on peut être très mal mardi. C'est aussi la soudaineté de la maladie. Je pense comme dans beaucoup de maladies chroniques, quand il y a des crises, ça arrive d'un coup, on ne choisit pas et c'est comme ça en fait.

  • Speaker #1

    Et même au sein d'une même journée, les symptômes peuvent complètement changer. Et ça, c'est très déroutant, même pour soi-même. On peut se lever et être plutôt bien et puis ça se dégrade au fil de la journée alors qu'on s'était dit bon, ça allait plutôt pas mal. Donc, je vais honorer telle ou telle chose, telle activité, tel rendez-vous. Et pour finir, ce n'est plus possible de le faire parce qu'en fait, on décline au fil de la journée ou se réveiller hyper mal et aller mieux après. Il n'y a pas de constance et c'est ça vraiment le côté chronique qui est hyper difficile à se représenter pour les personnes qui ne le vivent pas en réalité. Il y a souvent cette croyance, et je pense aussi avec la maladie de Menière, c'est qu'on est malade que quand il y a la crise. Un peu comme si on était malade que quand on a la grippe. Ok, on est malade, puis on n'a plus la grippe, donc on n'est plus malade. Donc ça pourrait être un peu ce sous-entendu. Tu es malade quand tu es en crise, mais quand tu n'es pas en crise, tu n'es plus malade. Mais en fait, il y a des symptômes qui persistent dans le temps, en réalité, qui sont justement ces acouphènes, ce brouillard, cette fatigue, toutes ces choses-là.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que du coup, cette maladie, elle a impacté ton parcours professionnel ? Parce que c'est quand même arrivé à l'âge de 19 ans. Je pense que c'est un peu une période où il faut se situer sur où est-ce qu'on a envie d'aller. Et qu'est-ce qui s'est passé pour toi à ce moment-là au niveau pro ?

  • Speaker #0

    Moi, quand la maladie est arrivée, du coup, j'étais en fin de première année d'études, si je ne dis pas de bêtises, ou début de deuxième année. Mais en tout cas, j'étais au début de mes études. Ça a été compliqué parce que du coup, il fallait aussi justifier mes absences. Parce que forcément, j'avais des absences un peu au dernier moment. Et là où j'étais, en fait, il y avait des absences, un quota d'absences, si tu veux. Donc que j'ai dépassé. Et en fait, c'était compliqué aussi juste de faire comprendre que je ne choisis pas ces absences et que normalement, si on dépasse ce quota, je devais être exclue. Parce qu'on estime qu'au-delà de tant d'heures loupées, on ne peut plus suivre le cours et donc on ne peut pas réussir l'année. Sauf que j'ai réussi à avoir des... j'avais des bonnes notes quand même. Donc j'ai pu quand même continuer. Mais c'est vrai que même à faire comprendre... à la vie scolaire, etc., aux professeurs. J'ai des professeurs qui ont été géniaux, qui ont très bien compris, qui même m'aidaient parce que soit ils me donnaient les cours quand je n'étais pas là, ou soit ils me faisaient refaire des examens quand j'en avais loupé, etc. Donc géniaux. Et d'autres moins, mais bon après ça c'est comme tous les humains on va dire. Mais ça a impacté surtout mes études à ce moment-là. J'ai réussi tant bien que mal à valider mes années. Mais c'est vrai que les deux premières années où la maladie a été le plus intense, c'était compliqué d'assurer à la fois gérer la maladie, gérer les cours, gérer les examens, etc.

  • Speaker #1

    Et du coup, est-ce que le quota d'absence, ce ne serait pas une première discrimination de la maladie ?

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que d'un côté, on ne m'en a pas tenu compte, puisque finalement, même en ayant dépassé le quota, j'ai pu continuer. à faire mes études, à passer les examens, etc. Je n'ai pas été exclue, etc. Parce que justement, je pense, comme c'était des raisons de santé, ça a pu passer et parce que j'avais des bonnes notes derrière. Mais c'est vrai que dans d'autres cas, peut-être que ça peut être plus discriminant.

  • Speaker #1

    On peut imaginer qu'une personne qui, du coup, avait eu le même nombre d'absences, mais pas des bonnes notes, là,

  • Speaker #0

    ça aurait été plus difficile pour cette personne-là.

  • Speaker #1

    Toi, tu t'es formée en autodidacte à la réalisation d'un documentaire qui s'appelle « Danser sous la pluie » qui vient de voir le jour. En tout cas, il est projeté actuellement dans certains endroits, mais il n'est pas encore en ligne. C'est ça. Alors déjà, j'aimerais savoir qu'est-ce que « Danser sous la pluie » signifie pour toi et surtout, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, « Danser sous la pluie » , c'est la fin d'une citation de Sénèque qui est « La vie, ce n'est pas d'attendre que l'orage passe » . mais d'apprendre à danser sous la pluie. Et en fait, cette phrase, je l'ai lue dans un livre qui s'appelle Les Vertiges, il me semble, de Christelle. Je n'ai plus son nom, enfin son nom de famille, mais c'est une personne qui a la maladie de Menière qui a écrit tout un livre où elle explique en fait ce que ça a fait sur sa vie personnelle, professionnelle, etc. Et à la fin, justement, elle nomme cette citation. Et en fait, elle m'a directement parlé parce que je trouve que c'est hyper représentatif. et signifiant dans les maladies chroniques, puisque moi, je l'ai entendu comme « je ne peux pas attendre de guérir pour vivre, parce que tout simplement, il y a de grandes chances que je ne guérisse jamais » . Et je trouvais que c'était un message très lumineux, très solaire, qui me parlait beaucoup, et que c'est ce que je voulais aussi passer à travers mon documentaire, que même si on a une maladie qui est difficile, qu'on n'arrive pas forcément à gérer aussi tout le temps, qu'en fait, il faut quand même vivre avec. et essayer de vivre au mieux aussi, malgré cette maladie. Donc, du coup, je trouvais que le message passait très bien à travers ça.

  • Speaker #1

    Alors, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, si tu veux, quand j'ai été diagnostiquée, comme beaucoup de personnes, je pense, mon premier réflexe, ça a été de taper maladie de Menière sur Google, tout simplement, parce qu'on m'a dit que j'avais cette maladie, mais... C'est tout. Après, j'étais un peu démunie comme ça, toute seule dans la jungle, on va dire, de la maladie. Et je n'avais aucune idée de comment ça allait impacter ma vie. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Qu'est-ce que je peux faire ? Comment les gens vivent avec ça, en fait ? Et j'avais besoin de représentations, de témoignages de personnes qui ont cette maladie, même si je savais que, selon les personnes, ça pouvait varier, évidemment. Et je ne trouvais rien. En fait, je ne trouvais rien du tout. Tout ce que je trouvais sur la maladie, c'était des sites médicaux qui me décrivaient les symptômes, etc. Ce qui est très bien, ça permet d'apprendre plus sur la maladie. Mais moi, je les vivais, ces symptômes. Donc, ce n'est pas ce que je cherchais. Je cherchais plus l'humain, le ressenti humain derrière la maladie. Et sur le coup, je me souviens, c'est quand même il y a sept ans, je m'étais dit, quand ça ira mieux, je ferai un truc. Je ne savais pas trop quoi, mais je m'étais dit, je ferai un truc. Et là, en fait, j'ai la chance. Depuis presque trois ans, je n'ai pas fait de crise, donc je me sens mieux globalement, même s'il y a toujours des symptômes, mais ça va beaucoup mieux. Et en fait, il y a deux ans et demi, je me suis dit, je vais faire un documentaire sur... La maladie de Menière, mais pas que, c'est surtout sur l'impact psychologique, l'impact relationnel aussi de la maladie chronique en général. Ça part de Menière, mais en fait, ça représente pas mal de maladies. Et je pense qu'on a besoin aussi de voir ça pour les gens qui vivent ça, et aussi pour les proches, pour qu'ils comprennent ce que ça fait de vivre avec une maladie chronique.

  • Speaker #1

    Un des thèmes qui est vraiment abordé, une idée forte en tout cas de ton documentaire, c'est la question de l'identité. D'ailleurs, il y a une phrase que tu dis, que je cite, c'est « Et puis un jour quelque chose, on entend là la maladie, vient perturber ton puzzle. » Qu'est-ce que tu entends par là ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une phrase qui intervient après une voix off, où j'explique que l'identité, en général, elle est façonnée par plusieurs choses. Ça peut être son vécu, ses expériences, sa personnalité, ses goûts, etc. Et ce tout-là forme notre identité. Et que, justement, je trouve qu'on peut s'identifier par son métier, s'identifier par ses passions, etc. Et puis, quand il y a quelque chose qui vient mettre un peu le bazar là-dedans, dans ce que j'appelle le puzzle, justement, ça peut être très, très compliqué psychologiquement. Et en fait, moi, c'est quelque chose que j'ai vécu. Parce que quand la maladie est arrivée, mes études, ça a été très compliqué. Alors que moi, j'étais vraiment à fond dans mes études, donc un peu trop peut-être. Mais du coup, je m'identifiais beaucoup par ça, par le sport. Je faisais beaucoup de sport, je ne pouvais plus du tout en faire. J'étais assez pétillante, assez énergique. Là, j'étais raplapla. Donc en fait, ça a été très, très déstabilisant parce que toutes ces petites pièces de puzzle, toutes ces petites pièces de puzzle par lesquelles je m'identifiais, eh bien en fait, elles n'étaient plus là. Et donc c'est ça que je représente par puzzle, c'est un peu toutes ces parties de notre identité qui nous constituent. Quand elles n'arrivent plus à être, c'est assez déstabilisant.

  • Speaker #1

    Il y a une autre phrase qui m'a énormément touchée, celle-là vraiment très très fort, où tu dis « Ce qui me compose profondément a toujours été là, même quand je n'étais plus qu'à moitié. » Cette phrase, elle me touche parce qu'il y a déjà la sensation de se sentir à moitié quand on est malade. Donc, ça montre aussi à quel point on vit dans un monde qui est tellement validiste, qui considère qu'on est entier tant qu'on est en bonne santé et à moitié quand on est malade. Donc, il y a cette première chose qui est assez bouleversante, je trouve. Et la deuxième, c'est en effet le fait que le soi profond intérieur, lui, il n'est pas touché au final. Et du coup, j'aimerais savoir, est-ce que cette partie-là chez toi... elle a été aussi impactée par la maladie ou au contraire t'as toujours trouvé cette toit intérieure quelque part, qu'importe si t'étais à moitié comme tu le disais ou non ?

  • Speaker #0

    En fait une des choses qui a été très très difficile pour moi psychologiquement c'est que j'ai eu l'impression de me perdre, c'est à dire que comme je pouvais plus faire ce que j'aimais, les études c'était compliqué je me reconnaissais pas même dans mes traits de caractère je... J'étais quelqu'un d'assez rigolote, on va dire. Là, j'étais agacée, j'étais en colère, j'étais à vif. En fait, j'étais tout le temps à vif, donc j'étais pénible. Même pour mon entourage, je pense que ce n'était pas facile. Mais je ne me reconnaissais pas dans le caractère ni dans le physique, parce que même si c'est une maladie invisible, les crises, la fatigue, ça marque aussi. Donc, j'avais perdu beaucoup de poids. Et donc, tout ça fait que j'avais l'impression que je me perdais. Et ça, ça a été très dur parce que je me disais, donc là, en fait, je suis plus celle que j'étais avant. Et ce que je deviens, cette personne froide, pas bien, j'aime pas. Donc, j'avais l'impression de plus rien contrôler, de plus être du tout qui j'étais. Et ça, ça a duré un bon moment quand même. Et en fait, c'est que maintenant que ça fait trois ans que je fais plus de crise, que je vais beaucoup mieux, qu'en fait, j'ai retrouvé mes... exactement ce que j'étais avant, c'est-à-dire que j'ai toujours mon côté pitiante, je suis toujours très curieuse, j'aime beaucoup l'humain, etc. Les gens ne m'agacent plus. Tout c'est très, très négatif. En fait, ils étaient là uniquement parce que mon corps était dépassé par les symptômes, par la maladie, mais ça ne m'identifiait pas. Moi, ce que je suis vraiment, ça n'a pas bougé. Je pense que par contre, il y a une évolution, forcément. par la maladie, mais qui peut être très positive. Mais ce qui me compose profondément, je sais pas ce que je dis, c'est que c'était là, c'est juste que c'était pas accessible à ce moment-là. Il y avait trop de symptômes, il y avait trop de choses qui se passaient. Je pouvais plus y accéder, mais en fait, une fois que ça va mieux, c'est toujours là. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Avec beaucoup de sagesse, tu as remplacé la question « pourquoi ça m'arrive ? » par « qu'est-ce que cela m'apprend ? » Alors du coup, qu'est-ce que cette expérience avec la maladie de Menière t'apprend ?

  • Speaker #0

    Moi, ça m'a appris plein plein de choses. Déjà, je pense que quand on a une maladie chronique assez tôt, ça nous fait grandir assez vite. Parce qu'on est confronté à plein de choses auxquelles on n'est pas forcément confronté à cet âge-là habituellement. Donc, je pense que j'ai mûri très vite. Et ça m'a rendu plus empathique qu'avant. Je l'étais déjà pas mal, je pense, avant. Mais maintenant, disons que je pense que j'ai beaucoup moins de jugement sur les gens. C'est-à-dire que, en fait, je me dis quand je rencontre quelqu'un que je ne connais pas, je me dis que je ne sais pas ce qu'il traverse, que je ne sais pas ce qu'il vit. Donc, du coup, je suis beaucoup plus indulgente, on va dire, quand je rencontre des gens, quand je parle avec eux. Si, par exemple, je ne sais pas, ils ne me parlent pas très bien ou ils sont assez froids ou que sais-je. Je me dis, oui, mais je ne sais pas ce qu'il vit, en fait. Ça se trouve, là, ça fait une heure qu'il attend le bus, qu'il a un problème à la jambe, il est mal. Et du coup, ça m'a appris un peu ce côté-là de tu ne sais pas ce que les gens traversent, donc prends-le en compte quand tu t'adresses à eux. Et de manière générale, beaucoup plus d'empathie, de maturité. Et mine de rien, même si la maladie ralentit à certains moments, moi, ça a été mon moteur, quelque part, parce que... Ce documentaire, si je n'étais pas malade, je pense que je n'aurais jamais fait un documentaire. Ça vient de là aussi. Il y a plein de choses positives qui peuvent en ressortir.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qu'on peut souhaiter à ce documentaire ?

  • Speaker #0

    Qu'il soit vu, apprécié aussi. Le but, de toute façon, c'est de le diffuser au maximum pour que les gens qui se sentent concernés déjà peuvent se sentir représentés aussi. Je pense que les retours que j'ai eus, c'est des gens qui se sentent moins seuls parce qu'ils me disent que c'est tout à fait ce que je vis. Et ça me fait du bien. Et aussi que les gens qui ne vivent pas ça puissent le voir pour tout simplement qu'ils puissent comprendre ce que c'est d'avoir une maladie chronique au-delà juste des symptômes, des médicaments, mais comment ça impacte une vie sur tous ces aspects.

  • Speaker #1

    Moi, j'arrive gentiment sur les deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, Anna, tu as envie de rajouter quelque chose avant ?

  • Speaker #0

    Non, ça va.

  • Speaker #1

    Alors, quel message tu aimerais transmettre aux personnes qui vivent avec une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Le message que j'aimerais faire passer, c'est que souvent, quand on a une maladie invisible, on va penser à soigner son corps du mieux qu'on peut, que ce soit par des traitements, des thérapies, etc. Mais je pense qu'on oublie beaucoup de prendre soin aussi de son mental, tout simplement. Parce qu'en fait, déjà, on ne le recommande pas forcément. On nous donne des médicaments, mais on ne nous donne pas une ordonnance chez un psy, par exemple. Et je pense, en fait, que quand on tombe malade, L'esprit, le mental, il est autant impacté que le corps, si ce n'est parfois plus à certains moments. Et que pour moi, c'est aussi important de prendre soin de sa santé mentale que de sa santé physique, parce que l'un ne marche pas sans l'autre. Et si on est atteint sur les deux, on peut arriver à des périodes vraiment très, très, très compliquées. Donc pour moi, ce serait vraiment de prendre soin de son corps, mais aussi de sa tête.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage des personnes qui ont des maladies invisibles ?

  • Speaker #0

    D'essayer de comprendre. même si je sais que c'est compliqué parce que des fois, on a du mal à l'expliquer, même déjà. Mais surtout, en fait, de considérer ce qu'on dit. Moi, quelque chose qui m'a beaucoup aidée, c'est que mes parents, dès le début, dès le premier symptôme que j'ai eu, ils n'ont jamais remis en question ce que je disais. Jamais. Donc, c'est-à-dire que même si je leur disais, là, tout tombe dans ma tête et qu'ils ne voyaient rien, ils ont toujours pris en considération ce que je disais. Ils n'ont pas diminué aussi ce que je vivais en disant, oui, tu as juste un petit vertige. un peu fatigué. Non. Donc, ça serait vraiment de considérer. Parce que même s'ils ne peuvent pas forcément comprendre ce que je vis, ils le considèrent et déjà ça, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir la maladie de Menière t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Quel super pouvoir ? C'est une bonne question. Je dirais que ça m'a rendue plus volontaire dans ce que je veux faire, plus déterminée. Comme je disais tout à l'heure, ça a été un moteur pour réaliser des projets. Et maintenant que j'ai réussi à faire mon documentaire, ça me donne envie de faire plein d'autres choses encore. Justement parce qu'il y a ce côté où là, je vais bien, donc je vais en profiter. Donc, ce serait plus le côté profite maintenant que ça va, parce qu'on ne sait pas ce qu'il y aura après. Donc oui, de vivre pleinement en fait.

  • Speaker #1

    De continuer à danser sous la pluie.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Merci Anna pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

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Description

Anna n’a que 19 ans lorsqu’elle vit sa première crise de Ménière ; des vertiges rotatoires si intenses qu’ils donnent la sensation d’être propulsé•e à toute allure dans une machine à laver 😵‍💫

Une expérience anxiogène qui, malheureusement, ne sera pas un événement isolé.

En dehors des crises certains symptômes persistent, comme la fatigue chronique ou les acouphènes💥👂🏼et forment un véritable handicap invisible.


Mais Anna doit aussi affronter un autre combat : celui d’être prise au sérieux par le corps médical. 🩺 Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d’étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.


Dans cet épisode, Anna nous amène sur son chemin 🛤️ entre l’angoisse de la prochaine crise, l’obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie.


Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s’est formée à la réalisation de documentaires et a créé Danser sous la pluie 👯‍♀️☔️, un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Ménière et rappelle l’importance cruciale de la considération et du soutien.


Un récit inspirant et puissant à écouter sans attendre par ici ou à visionner en vidéo directement sur la chaîne Youtube Les invisibles podcast 🎧


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible au pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Anna n'a que 19 ans lorsqu'elle vit sa première crise de Menière. Des vertiges rotatoires si intenses qu'ils donnent la sensation d'être propulsés à toute allure dans une machine à laver. Une expérience anxiogène qui malheureusement ne sera pas un événement isolé.

  • Speaker #2

    En dehors des crises,

  • Speaker #1

    certains symptômes persistent. comme la fatigue chronique ou les acouphènes qui forment un véritable handicap invisible. Mais Anna doit aussi affronter un autre combat, celui d'être prise au sérieux par le corps médical. Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d'étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.

  • Speaker #2

    Dans cet épisode,

  • Speaker #1

    Anna nous amène sur son chemin entre l'angoisse de la prochaine crise, l'obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie. Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s'est formée à la réalisation de documentaires et a créé « Danser sous la pluie » Un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Menière et rappelle l'importance cruciale de la considération et du soutien. Un récit inspirant et puissant à écouter ici ou à visionner sur la chaîne YouTube Les Invisibles Podcast.

  • Speaker #2

    Hello Anna !

  • Speaker #3

    Salut !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, très contente de te rencontrer et d'être à Genève. Et toi, comment tu te sens ?

  • Speaker #2

    J'ai eu un petit coup de chaud avant d'entrer en matière de cette interview. J'avais oublié mon micro. Je pense que ça représente assez bien les troubles cognitifs et le brouillard cérébral. C'est de vouloir être au taquet, mais toujours un peu oublier certaines choses au moment venu. Toi, Anna, tu vis avec la maladie de Menière. c'est un trouble de l'oreille interne, c'est un trouble vestibulaire en fait, qui provoque notamment des vertiges par crise. Ces crises, elles sont caractérisées par une sensation d'être jetée à toute allure dans une sorte de machine à laver, j'ai l'impression que c'est ça, une machine à laver le linge, et tu es prise évidemment à ce moment-là de vomissements, un cœur qui s'emballe, c'est un peu des symptômes qui sont hyper hyper violents. qui te demandent à ce moment-là aussi de devoir très vite te poser à terre pour ne pas tomber, pour ne pas être accidenté. Et du coup, qui sont, j'imagine aussi, assez anxiogènes. Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ta première expérience avec cette maladie ? Et comment tu l'as vécu surtout au niveau émotionnel et physique ?

  • Speaker #3

    Oui, en fait moi les premiers symptômes de la maladie ça n'a pas été directement une crise, ça a été d'abord des instabilités. Donc au tout début de la maladie j'avais uniquement des instabilités que je mettais sous le coup de la fatigue plutôt parce que j'étais en train de faire mes études, j'étais très investie dans mes études donc j'étais assez fatiguée et donc je me disais c'est juste de la fatigue. jusqu'au jour où j'ai fait ma première vraie crise. J'étais chez moi, dans mon appartement à Lyon. J'étais toute seule, je me souviens. Et j'étais à mon bureau, en train de travailler. Et d'un coup, tout s'est mis à tourner très vite. Et ça m'a fait très peur, parce que je ne savais pas ce que c'était. Et avec du recul, je sais maintenant que j'ai fait une crise de menière. mais une crise d'angoisse en même temps. Parce qu'en fait, quand on n'a jamais vraiment eu de vertige ou quoi que ce soit, quand d'un coup, toute la pièce se met à tourner, moi, j'ai cru que j'allais mourir, tout simplement, parce que je ne savais pas ce que c'était. Je ne savais pas quand est-ce que ça s'arrêtait aussi. Donc, cet inconnu-là, ça fait très peur. Et oui, j'étais terrifiée. Clairement, j'étais terrifiée pendant plusieurs heures.

  • Speaker #2

    C'est clair que ce que tu racontes, c'est vraiment d'une violence inouïe. Qu'est-ce qui s'est passé par la suite ? La crise s'est quand même arrêtée à un moment donné. Est-ce que quelqu'un est venu à l'aide ? Comment ça s'est passé pour toi ?

  • Speaker #3

    En fait, je me souviens qu'au début, quand ces vertiges sont arrivés, je suis allée me mettre dans mon lit, tout simplement pour être plus à l'aise. Et en fait, la crise se passe. Et je me souviens juste que petit à petit, le vertige s'est atténué. Donc, il est devenu de moins en moins intense jusqu'à ce qu'au final, je m'endorme. En fait, juste après, je me suis endormie. J'ai fait une nuit complète directe parce que je pense que mon corps était épuisé. Donc, en fait, je n'ai même pas prévenu qui que ce soit parce que je me suis endormie directement après la crise.

  • Speaker #2

    C'est vrai que c'est assez anecdotique dans le sens que c'est particulier. J'imagine si je vivais une crise pareille. Alors moi aussi, j'ai un trouble vestibulaire, mais ça ne se manifeste pas de la même manière. Oui. Je pense qu'après, j'aurais clairement appelé les urgences ou mon mari ou quelqu'un pour dire qu'il s'est passé vraiment quelque chose d'hyper violent là. Toi, tu as réussi à t'endormir dans cette situation ?

  • Speaker #3

    En fait, je n'ai même pas contrôlé. Je pense que ça s'est fait tout seul. En plus, de base, je suis quelqu'un qui ne dort pas facilement, donc ça m'a surpris aussi. Mais je pense que le corps était tellement fatigué que direct, je me suis endormie. C'est plus le lendemain matin où ça m'a fait tout drôle. Parce que je me souviens qu'à mon réveil, je me suis dit, est-ce que c'était un cauchemar ce que j'ai fait ou est-ce que ça s'est vraiment passé ? Et après, avec du recul, j'ai su que si, c'était vraiment ça. Mais le réveil était très, très particulier quand même.

  • Speaker #2

    En dehors du fait que tu demandais si ça avait vraiment existé ou pas, est-ce qu'il y avait un résidu de symptômes qui était resté suite à cette crise ?

  • Speaker #3

    J'étais très fatiguée et j'avais la tête... En fait, j'avais comme... Je sentais ma tête... Comme si c'était gonflé à l'intérieur. J'avais une sorte de pression, en fait, sur le crâne. Un peu plus comme si on m'appuyait sur le crâne. Donc, j'avais ça qui était resté. Et puis, je sentais quand même que j'étais très fatiguée, assez faible de manière générale.

  • Speaker #2

    Et là, du coup, tu as pris en charge un peu cette situation ? Tu as contacté un médecin ou quelqu'un ?

  • Speaker #3

    Là, j'en ai parlé à mes parents, déjà. Parce que ça m'avait fait peur. Donc, je leur ai expliqué que ça faisait quelques semaines que j'avais des vertiges. Et qu'hier soir, il y avait eu un gros truc, etc. Et c'est eux qui m'ont un peu plus poussée à consulter, aller voir déjà mon généraliste pour après aller voir un ORL. Donc, c'est ce qui s'est passé. Au début, j'ai vu mon généraliste qui ne savait pas trop ce que ça pouvait être, donc qui m'a redirigée vers un premier ORL. J'en ai fait pas mal des ORL parce que ça a été un peu compliqué d'en trouver un, on va dire, à l'écoute de mes symptômes. Mais voilà.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu penses que même dans le milieu médical, il y a des a priori, telles qu'elle présente bien, donc elle n'est pas malade ? Je te pose cette question parce que je me souviens qu'un médecin à jour t'a supposé que tu étais en forme parce que tu étais arrivée maquillée à ton rendez-vous médical.

  • Speaker #3

    Oui, je pense qu'il y a des a priori. Heureusement, pas chez tous les médecins, mais chez certains, oui. En effet, j'ai eu ce truc où... Je venais voir un médecin quelques jours après une crise parce que j'avais besoin tout simplement d'avoir un arrêt. Parce que j'étais pas... En fait, après une crise, il me faut au moins 4, 5, voire 6 jours d'arrêt pour pouvoir récupérer un petit peu. Et donc, je venais tout simplement pour un arrêt. C'était un médecin qui ne me connaissait pas. Donc, je lui expliquais ma maladie, mes symptômes, mes traitements. Enfin, là, ça faisait un petit moment déjà. Donc, tout était écarré. Et en fait, ce médecin a présumé que comme... comme je m'étais un petit peu maquillée, en fait, c'est que ça allait plutôt bien. Alors qu'en fait, la seule activité de ma journée, ça avait été de mettre du mascara pour moi me sentir un petit peu mieux. Donc, j'ai eu ça. Et après, c'est plus au niveau du diagnostic, où en fait, comme j'avais 19 ans à l'époque, il y a beaucoup de médecins qui ont présumé qu'il n'y avait rien, que c'était juste du stress à cause des études. Ou un peu de fatigue, ou une mauvaise hygiène de vie parce que je suis étudiante, donc forcément j'ai une mauvaise hygiène de vie, etc. Ce qui était faux en plus, mais c'était plus par rapport à mon âge aussi que ça a joué.

  • Speaker #2

    Donc beaucoup d'a priori.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais à ce moment-là, en tout cas quand t'as rencontré ce médecin qui supposait que t'allais bien parce que t'étais maquillée, t'avais déjà un diagnostic de posé ?

  • Speaker #3

    Oui, j'avais déjà un diagnostic, ça faisait même plusieurs mois, presque un an même, je pense que j'avais le diagnostic. Et je venais dans un but précis. Moi je me disais, j'ai fait une crise, j'ai besoin d'un arrêt. Je cherchais pas à être diagnostiquée ou à ce qu'on me détecte quelque chose, parce que je savais déjà ce que j'avais.

  • Speaker #2

    Et à ce moment-là, tu pouvais pas aller chez le médecin qui t'avait diagnostiqué par hasard ?

  • Speaker #3

    Non, parce que c'était un ORL. Et en fait, les rendez-vous chez les ORL, c'est plusieurs mois, en tout cas en France. Et j'avais pas de médecin traitant à l'époque. Donc du coup, je devais aller chez le généraliste qui veut bien m'accueillir. Donc on choisit pas forcément chez qui on va, quoi.

  • Speaker #2

    Je vois. En dehors des crises, quels symptômes tu rencontres au quotidien maintenant ? Parce qu'on imagine bien ces crises comme des cellules, des moments donnés qui durent 5-6 heures, quelque chose comme ça. Et après, dans le quotidien,

  • Speaker #3

    qu'est-ce qui reste ? Entre ces crises, il va y avoir énormément de fatigue chronique parce que même si on n'a pas de crise pendant un certain moment, juste le fait d'être debout, de marcher, de se repérer quelque part, de prendre des transports, de conduire, etc. Tout ça, ça demande au corps d'arriver à s'équilibrer, chose qu'il fait normalement, naturellement, mais qui demande un effort ayant un problème à l'oreille interne. Donc ça, en fait, ça crée beaucoup de fatigue chez moi, tout simplement. Ça crée beaucoup de fatigue chronique, une moins bonne récupération aussi, des acophènes, ça, ça part pas. peuvent augmenter si par exemple je suis stressée, si je suis fatiguée si je suis malade aussi etc. Mais ils sont toujours là et voilà ces instabilités, ces tangages dont je parlais c'est un peu comme si on marchait sur du coton ou sur un bateau qui tangue un peu ces instabilités elles sont là au quotidien plus ou moins fortes selon les jours mais principalement en tout cas ça serait des acouphènes des tangages et de la fatigue au quotidien. Et des fois, un petit peu justement, t'en parlais tout au début, du brouillard mental, cette difficulté à se concentrer ou à se souvenir de certaines choses, etc. Ça arrive aussi.

  • Speaker #2

    Les acouphènes, c'est plutôt au coucher que ça se manifeste ou c'est tout au long de la journée ?

  • Speaker #3

    Alors en fait, un acouphène, en tout cas chez moi, c'est là tout le long de la journée de manière plus ou moins régulière, de la même intensité. Sauf qu'on les entend plus au coucher, forcément parce qu'il n'y a plus de bruit ambiant. Si tu veux, au quotidien, par exemple, là, ou même de manière générale en journée, ça ne me gêne pas beaucoup parce que déjà j'habite en ville, donc il y a du bruit. Et parce qu'on est en mouvement, on n'est jamais dans le silence total. Sauf que le soir, en général, tout se calme, forcément. Et c'est là où les acouphènes, on a l'impression qu'ils sont plus forts, mais ils ne le sont pas forcément plus, c'est juste que comme il n'y a plus de bruit ambiant, on les entend beaucoup plus et on y fait plus attention aussi.

  • Speaker #2

    C'est ça, c'est aussi cette question où des fois, quand on est concentré sur autre chose que sur le symptôme, on le ressent moins. Alors qu'au moment du coucher, il y a tout l'espace aussi pour avoir l'attention là-dessus, quelque part.

  • Speaker #3

    Il y a l'attention. Et le bruit ambiant qui diminue. Du coup, ça fait que les deux ensemble, ça peut en effet gêner pour dormir, par exemple, à ce niveau-là.

  • Speaker #2

    Et qu'est-ce que tu as trouvé aujourd'hui comme moyen de réduire la fatigue chronique, les acouphènes, le brouillard mental, toutes ces choses-là ? Est-ce que tu as eu des leviers qui te permettent que ce soit un peu plus faible ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas de solution magique, on va dire. Pour la fatigue chronique, c'est tout simplement, j'ai un peu appris à... à comprendre mon corps et à savoir que si je fais ça comme activité, le lendemain, il faut que j'ai un temps où je peux me reposer un peu plus. C'est plus en fait une gestion de mon énergie. C'est pas très beau dit comme ça, mais je me connais en fait. Je connais ma capacité d'énergie et je le sens aussi quand je suis en train d'aller un peu trop loin ou pas. Donc j'essaye en fait au maximum, même si on n'a pas le contrôle sur tout, mais de me prévoir des petits temps de sieste si je peux. ou d'organiser le mieux possible pour que j'ai des temps de repos quand même. Après, pour les acouphènes, moi j'ai fait un travail de thérapie cognitive et comportementale avec une psychothérapeute, parce que moi j'étais obsédée par mes acouphènes presque le soir, justement. Comme c'était très calme autour de moi et qu'il n'y avait plus de bruit, j'étais obsédée par ça. Dès que je les entendais, je concentrais totalement mon attention dessus. Et du coup, je n'arrivais plus à dormir avant des heures et des heures. Donc, j'ai fait un travail justement en thérapie pour défocaliser et juste me dire, il est là, il fait sa vie, mais je fais la mienne et je ne me focalise pas dessus. Donc ça, moi, ça m'a beaucoup, beaucoup aidée. Et après, pour les instabilités, par exemple, pour le coup, je n'ai pas trouvé de choses particulières. De manière générale, pour tous les symptômes. C'est vraiment plus essayer de gérer au maximum mon énergie du mieux que je peux, même si par exemple avec le travail, on ne choisit pas forcément. Mais en tout cas, quand j'ai le choix d'essayer de m'organiser pour avoir du repos entre plusieurs activités, etc.

  • Speaker #2

    Je pense que la question de la gestion d'énergie, elle est assez intéressante pour toutes les personnes qui vivent avec des maladies chroniques, parce que très souvent, il y a justement tout d'un coup une possibilité de faire une activité ou d'aller travailler un moment ou des choses comme ça. Puis ensuite, il y a souvent des crashs. Oui. le lendemain ou quelques heures plus tard. Et c'est vraiment comment savoir sur la journée, organiser son temps pour à chaque fois avoir un temps de repos entre les activités. Et le repos, en plus de ça, il diffère chez les personnes. Chez certaines personnes, ça va être regarder une série. Par exemple, pour moi, ce n'est pas du tout le cas. Je suis quelqu'un de tellement empathique que quand je regarde une série, je vais me mettre à la place de tout le monde, je vais commencer à stresser et du coup, je ne me repose pas. Pour une autre personne, ça va être par exemple lire ou ça va être faire une sieste. On est chacun très différent, mais c'est vrai que la question d'aménager des temps de repos, elle est intéressante quand il y a de la fatigue chronique. Après, tu parlais du fait de défocaliser par rapport aux symptômes d'acouphène. Comment on défocalise d'un symptôme qui est là en permanence ?

  • Speaker #3

    Après, ça, ça dépend aussi de chaque personne, parce qu'en fait, ce type de thérapie, c'est adapté aussi selon chaque personne. Moi, je sais que j'ai fait beaucoup d'exercices de respiration, de relaxation et de visualisation. En fait, tout simplement... comme moi c'était au coucher, que ça me gênait vraiment, j'essayais en fait tout simplement d'imaginer des histoires qui n'ont aucun rapport avec ma maladie, des choses assez positives, qui me font du bien, etc. Je lisais beaucoup aussi le soir, pour que du coup mon attention soit plus vers le livre. Mais moi ça a été beaucoup aussi de relaxation, de respiration pour aussi détendre le corps. Parce qu'en fait le fait de... d'être focalisée sur les acophènes, ça m'énervait en fait. Donc ça me tendait avant de dormir, donc ce n'était pas du tout idéal. Donc moi, ça passe aussi par se calmer aussi et se détendre.

  • Speaker #2

    Tu évoques les visualisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un de tes scénarios de visualisation avant de t'endormir ?

  • Speaker #3

    Alors ça fait longtemps que je n'en ai pas fait parce que maintenant c'est assez... En fait, ça je l'ai fait beaucoup au début quand ça me gênait. Mais par exemple, c'était... M'imaginer dans un endroit qui me fait du bien. Donc moi, par exemple, un endroit où je me sens bien, c'est dans la forêt. Donc j'essaye d'imaginer les bruits de la forêt, l'odeur, etc. Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je vois ? Au début, c'est très compliqué. Au début, quand on m'avait proposé cet exercice, j'étais là genre « Ouais, c'est un peu perché, je ne sais pas » . Et en fait, au début, c'est un peu compliqué. Mais petit à petit, ça se fait plus naturellement, entre guillemets. Je m'imaginais un peu dans un endroit où je suis bien, où je suis détendue. Ça, c'est propre à chacun. Souvent, je m'imaginais en forêt, en train de me balader, tout simplement.

  • Speaker #2

    Au début de l'interview, tu parlais de la crise d'angoisse que tu as fait en même temps que la crise de Menière. Est-ce que tu vois un lien entre monde psychique et monde physique ?

  • Speaker #3

    Pour la maladie de Menière, déjà, on ne sait pas vraiment ce qui déclenche cette maladie. Par contre, ce qu'on sait et ce qui est prouvé, c'est que tout ce qui est stress, angoisse, ça peut déclencher des crises. Il y a un lien totalement...

  • Speaker #0

    enfin factuelles par rapport à ça, où ça peut aggraver des symptômes. Et le problème qui arrive souvent avec la maladie de Menière, notamment au début, c'est que les crises sont assez traumatisantes. Et quand on termine une crise, on angoisse de la prochaine. Parce qu'en fait, elles sont imprévisibles aussi. Il y a ce truc où une crise peut arriver à n'importe quel moment. Donc quand on est dans la rue, quand on est en train de conduire, etc. Donc ça, c'est des moments plutôt angoissants. Et le problème, c'est que cette... anxiété qui est déclenchée par les crises, elle génère aussi des crises. Donc ça fait un peu un cercle vicieux à ce niveau-là. Et donc là, en tout cas, oui, il y a un lien vraiment entre les deux. Après, de manière générale, je n'ai pas les compétences pour le dire, mais en tout cas, pour le déclenchement des crises, il y a un lien entre le mental et les crises, oui.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'aujourd'hui, tu sens quand il y a une crise qui approche ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai un petit signe annonciateur, on va dire, c'est qu'en fait, Elle approche très vite. C'est-à-dire que quand j'ai ce signe-là, c'est qu'elle arrive dans les secondes. Donc, c'est assez tard, on va dire. C'est qu'en fait, mon acouphène augmente. Je sens qu'il est beaucoup plus fort. Et donc, à ce moment-là, je sais qu'il faut que j'essaye de me mettre dans un cadre assez sécurisant pour moi. Parce que, voilà.

  • Speaker #1

    Donc, ça précède vraiment à quelques secondes. Ce n'est pas quelques jours avant. On n'a pas le temps de s'y préparer plus que ça. Au moins, tu te mets dans un endroit en sécurité.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Je me demandais si tu avais déjà ressenti une stigmatisation ou un manque de compréhension de ton entourage en raison de la nature invisible de la maladie de Menière.

  • Speaker #0

    Disons que moi déjà, j'ai été diagnostiquée à 19 ans. Et je pense que déjà à cet âge-là, ce n'est pas forcément simple de comprendre ce que c'est une maladie chronique, qui plus est une maladie méconnue et qui plus est une maladie qui ne se voit pas. Donc je sais qu'à cette époque-là, à l'école où j'étais, il y avait... peut-être des personnes qui ont eu du mal plus à prendre au sérieux ce qui se passe. Le problème aussi, c'est que quand on dit j'ai des vertiges, en tout cas, moi, quand je le disais, les personnes imaginaient quand elles n'ont pas trop bien mangé le matin et que du coup, elles ont un petit coup d'hypoglycémie ou quelque chose comme ça. Sauf qu'en fait, ce n'est pas du tout le même type de vertige. Ce n'est pas un malaise, en fait. C'est vraiment un vertige où ça tourne. Donc, en fait, j'avais du mal à faire comprendre mes symptômes. surtout. Après, mes proches très très proches, comme mes parents ou mes amis vraiment très proches, ils ont toujours essayé de comprendre et du coup ils ont compris, tout simplement. Certaines personnes ont pu voir aussi des crises ou des symptômes, donc là je pense que ça aide aussi quand on voit la crise, mais c'est plus un entourage moins proche qui n'est pas forcément confronté directement, qui avait du mal à comprendre les symptômes et le fait aussi que ça reste. Parce que plusieurs fois, on pouvait me dire « mais t'es toujours malade » . Et moi, je disais « mais oui, je serai toujours malade » . C'est le principe, justement, de la maladie chronique. C'est qu'il y a des périodes où je suis bien, des périodes où je suis moins bien. Mais de manière générale, j'aurai toujours cette maladie avec moi. Et ça, c'était très compliqué. Et c'est des fois toujours compliqué à faire comprendre, même à des adultes, etc., qu'on peut être bien lundi et on peut être très mal mardi. C'est aussi la soudaineté de la maladie. Je pense comme dans beaucoup de maladies chroniques, quand il y a des crises, ça arrive d'un coup, on ne choisit pas et c'est comme ça en fait.

  • Speaker #1

    Et même au sein d'une même journée, les symptômes peuvent complètement changer. Et ça, c'est très déroutant, même pour soi-même. On peut se lever et être plutôt bien et puis ça se dégrade au fil de la journée alors qu'on s'était dit bon, ça allait plutôt pas mal. Donc, je vais honorer telle ou telle chose, telle activité, tel rendez-vous. Et pour finir, ce n'est plus possible de le faire parce qu'en fait, on décline au fil de la journée ou se réveiller hyper mal et aller mieux après. Il n'y a pas de constance et c'est ça vraiment le côté chronique qui est hyper difficile à se représenter pour les personnes qui ne le vivent pas en réalité. Il y a souvent cette croyance, et je pense aussi avec la maladie de Menière, c'est qu'on est malade que quand il y a la crise. Un peu comme si on était malade que quand on a la grippe. Ok, on est malade, puis on n'a plus la grippe, donc on n'est plus malade. Donc ça pourrait être un peu ce sous-entendu. Tu es malade quand tu es en crise, mais quand tu n'es pas en crise, tu n'es plus malade. Mais en fait, il y a des symptômes qui persistent dans le temps, en réalité, qui sont justement ces acouphènes, ce brouillard, cette fatigue, toutes ces choses-là.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que du coup, cette maladie, elle a impacté ton parcours professionnel ? Parce que c'est quand même arrivé à l'âge de 19 ans. Je pense que c'est un peu une période où il faut se situer sur où est-ce qu'on a envie d'aller. Et qu'est-ce qui s'est passé pour toi à ce moment-là au niveau pro ?

  • Speaker #0

    Moi, quand la maladie est arrivée, du coup, j'étais en fin de première année d'études, si je ne dis pas de bêtises, ou début de deuxième année. Mais en tout cas, j'étais au début de mes études. Ça a été compliqué parce que du coup, il fallait aussi justifier mes absences. Parce que forcément, j'avais des absences un peu au dernier moment. Et là où j'étais, en fait, il y avait des absences, un quota d'absences, si tu veux. Donc que j'ai dépassé. Et en fait, c'était compliqué aussi juste de faire comprendre que je ne choisis pas ces absences et que normalement, si on dépasse ce quota, je devais être exclue. Parce qu'on estime qu'au-delà de tant d'heures loupées, on ne peut plus suivre le cours et donc on ne peut pas réussir l'année. Sauf que j'ai réussi à avoir des... j'avais des bonnes notes quand même. Donc j'ai pu quand même continuer. Mais c'est vrai que même à faire comprendre... à la vie scolaire, etc., aux professeurs. J'ai des professeurs qui ont été géniaux, qui ont très bien compris, qui même m'aidaient parce que soit ils me donnaient les cours quand je n'étais pas là, ou soit ils me faisaient refaire des examens quand j'en avais loupé, etc. Donc géniaux. Et d'autres moins, mais bon après ça c'est comme tous les humains on va dire. Mais ça a impacté surtout mes études à ce moment-là. J'ai réussi tant bien que mal à valider mes années. Mais c'est vrai que les deux premières années où la maladie a été le plus intense, c'était compliqué d'assurer à la fois gérer la maladie, gérer les cours, gérer les examens, etc.

  • Speaker #1

    Et du coup, est-ce que le quota d'absence, ce ne serait pas une première discrimination de la maladie ?

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que d'un côté, on ne m'en a pas tenu compte, puisque finalement, même en ayant dépassé le quota, j'ai pu continuer. à faire mes études, à passer les examens, etc. Je n'ai pas été exclue, etc. Parce que justement, je pense, comme c'était des raisons de santé, ça a pu passer et parce que j'avais des bonnes notes derrière. Mais c'est vrai que dans d'autres cas, peut-être que ça peut être plus discriminant.

  • Speaker #1

    On peut imaginer qu'une personne qui, du coup, avait eu le même nombre d'absences, mais pas des bonnes notes, là,

  • Speaker #0

    ça aurait été plus difficile pour cette personne-là.

  • Speaker #1

    Toi, tu t'es formée en autodidacte à la réalisation d'un documentaire qui s'appelle « Danser sous la pluie » qui vient de voir le jour. En tout cas, il est projeté actuellement dans certains endroits, mais il n'est pas encore en ligne. C'est ça. Alors déjà, j'aimerais savoir qu'est-ce que « Danser sous la pluie » signifie pour toi et surtout, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, « Danser sous la pluie » , c'est la fin d'une citation de Sénèque qui est « La vie, ce n'est pas d'attendre que l'orage passe » . mais d'apprendre à danser sous la pluie. Et en fait, cette phrase, je l'ai lue dans un livre qui s'appelle Les Vertiges, il me semble, de Christelle. Je n'ai plus son nom, enfin son nom de famille, mais c'est une personne qui a la maladie de Menière qui a écrit tout un livre où elle explique en fait ce que ça a fait sur sa vie personnelle, professionnelle, etc. Et à la fin, justement, elle nomme cette citation. Et en fait, elle m'a directement parlé parce que je trouve que c'est hyper représentatif. et signifiant dans les maladies chroniques, puisque moi, je l'ai entendu comme « je ne peux pas attendre de guérir pour vivre, parce que tout simplement, il y a de grandes chances que je ne guérisse jamais » . Et je trouvais que c'était un message très lumineux, très solaire, qui me parlait beaucoup, et que c'est ce que je voulais aussi passer à travers mon documentaire, que même si on a une maladie qui est difficile, qu'on n'arrive pas forcément à gérer aussi tout le temps, qu'en fait, il faut quand même vivre avec. et essayer de vivre au mieux aussi, malgré cette maladie. Donc, du coup, je trouvais que le message passait très bien à travers ça.

  • Speaker #1

    Alors, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, si tu veux, quand j'ai été diagnostiquée, comme beaucoup de personnes, je pense, mon premier réflexe, ça a été de taper maladie de Menière sur Google, tout simplement, parce qu'on m'a dit que j'avais cette maladie, mais... C'est tout. Après, j'étais un peu démunie comme ça, toute seule dans la jungle, on va dire, de la maladie. Et je n'avais aucune idée de comment ça allait impacter ma vie. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Qu'est-ce que je peux faire ? Comment les gens vivent avec ça, en fait ? Et j'avais besoin de représentations, de témoignages de personnes qui ont cette maladie, même si je savais que, selon les personnes, ça pouvait varier, évidemment. Et je ne trouvais rien. En fait, je ne trouvais rien du tout. Tout ce que je trouvais sur la maladie, c'était des sites médicaux qui me décrivaient les symptômes, etc. Ce qui est très bien, ça permet d'apprendre plus sur la maladie. Mais moi, je les vivais, ces symptômes. Donc, ce n'est pas ce que je cherchais. Je cherchais plus l'humain, le ressenti humain derrière la maladie. Et sur le coup, je me souviens, c'est quand même il y a sept ans, je m'étais dit, quand ça ira mieux, je ferai un truc. Je ne savais pas trop quoi, mais je m'étais dit, je ferai un truc. Et là, en fait, j'ai la chance. Depuis presque trois ans, je n'ai pas fait de crise, donc je me sens mieux globalement, même s'il y a toujours des symptômes, mais ça va beaucoup mieux. Et en fait, il y a deux ans et demi, je me suis dit, je vais faire un documentaire sur... La maladie de Menière, mais pas que, c'est surtout sur l'impact psychologique, l'impact relationnel aussi de la maladie chronique en général. Ça part de Menière, mais en fait, ça représente pas mal de maladies. Et je pense qu'on a besoin aussi de voir ça pour les gens qui vivent ça, et aussi pour les proches, pour qu'ils comprennent ce que ça fait de vivre avec une maladie chronique.

  • Speaker #1

    Un des thèmes qui est vraiment abordé, une idée forte en tout cas de ton documentaire, c'est la question de l'identité. D'ailleurs, il y a une phrase que tu dis, que je cite, c'est « Et puis un jour quelque chose, on entend là la maladie, vient perturber ton puzzle. » Qu'est-ce que tu entends par là ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une phrase qui intervient après une voix off, où j'explique que l'identité, en général, elle est façonnée par plusieurs choses. Ça peut être son vécu, ses expériences, sa personnalité, ses goûts, etc. Et ce tout-là forme notre identité. Et que, justement, je trouve qu'on peut s'identifier par son métier, s'identifier par ses passions, etc. Et puis, quand il y a quelque chose qui vient mettre un peu le bazar là-dedans, dans ce que j'appelle le puzzle, justement, ça peut être très, très compliqué psychologiquement. Et en fait, moi, c'est quelque chose que j'ai vécu. Parce que quand la maladie est arrivée, mes études, ça a été très compliqué. Alors que moi, j'étais vraiment à fond dans mes études, donc un peu trop peut-être. Mais du coup, je m'identifiais beaucoup par ça, par le sport. Je faisais beaucoup de sport, je ne pouvais plus du tout en faire. J'étais assez pétillante, assez énergique. Là, j'étais raplapla. Donc en fait, ça a été très, très déstabilisant parce que toutes ces petites pièces de puzzle, toutes ces petites pièces de puzzle par lesquelles je m'identifiais, eh bien en fait, elles n'étaient plus là. Et donc c'est ça que je représente par puzzle, c'est un peu toutes ces parties de notre identité qui nous constituent. Quand elles n'arrivent plus à être, c'est assez déstabilisant.

  • Speaker #1

    Il y a une autre phrase qui m'a énormément touchée, celle-là vraiment très très fort, où tu dis « Ce qui me compose profondément a toujours été là, même quand je n'étais plus qu'à moitié. » Cette phrase, elle me touche parce qu'il y a déjà la sensation de se sentir à moitié quand on est malade. Donc, ça montre aussi à quel point on vit dans un monde qui est tellement validiste, qui considère qu'on est entier tant qu'on est en bonne santé et à moitié quand on est malade. Donc, il y a cette première chose qui est assez bouleversante, je trouve. Et la deuxième, c'est en effet le fait que le soi profond intérieur, lui, il n'est pas touché au final. Et du coup, j'aimerais savoir, est-ce que cette partie-là chez toi... elle a été aussi impactée par la maladie ou au contraire t'as toujours trouvé cette toit intérieure quelque part, qu'importe si t'étais à moitié comme tu le disais ou non ?

  • Speaker #0

    En fait une des choses qui a été très très difficile pour moi psychologiquement c'est que j'ai eu l'impression de me perdre, c'est à dire que comme je pouvais plus faire ce que j'aimais, les études c'était compliqué je me reconnaissais pas même dans mes traits de caractère je... J'étais quelqu'un d'assez rigolote, on va dire. Là, j'étais agacée, j'étais en colère, j'étais à vif. En fait, j'étais tout le temps à vif, donc j'étais pénible. Même pour mon entourage, je pense que ce n'était pas facile. Mais je ne me reconnaissais pas dans le caractère ni dans le physique, parce que même si c'est une maladie invisible, les crises, la fatigue, ça marque aussi. Donc, j'avais perdu beaucoup de poids. Et donc, tout ça fait que j'avais l'impression que je me perdais. Et ça, ça a été très dur parce que je me disais, donc là, en fait, je suis plus celle que j'étais avant. Et ce que je deviens, cette personne froide, pas bien, j'aime pas. Donc, j'avais l'impression de plus rien contrôler, de plus être du tout qui j'étais. Et ça, ça a duré un bon moment quand même. Et en fait, c'est que maintenant que ça fait trois ans que je fais plus de crise, que je vais beaucoup mieux, qu'en fait, j'ai retrouvé mes... exactement ce que j'étais avant, c'est-à-dire que j'ai toujours mon côté pitiante, je suis toujours très curieuse, j'aime beaucoup l'humain, etc. Les gens ne m'agacent plus. Tout c'est très, très négatif. En fait, ils étaient là uniquement parce que mon corps était dépassé par les symptômes, par la maladie, mais ça ne m'identifiait pas. Moi, ce que je suis vraiment, ça n'a pas bougé. Je pense que par contre, il y a une évolution, forcément. par la maladie, mais qui peut être très positive. Mais ce qui me compose profondément, je sais pas ce que je dis, c'est que c'était là, c'est juste que c'était pas accessible à ce moment-là. Il y avait trop de symptômes, il y avait trop de choses qui se passaient. Je pouvais plus y accéder, mais en fait, une fois que ça va mieux, c'est toujours là. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Avec beaucoup de sagesse, tu as remplacé la question « pourquoi ça m'arrive ? » par « qu'est-ce que cela m'apprend ? » Alors du coup, qu'est-ce que cette expérience avec la maladie de Menière t'apprend ?

  • Speaker #0

    Moi, ça m'a appris plein plein de choses. Déjà, je pense que quand on a une maladie chronique assez tôt, ça nous fait grandir assez vite. Parce qu'on est confronté à plein de choses auxquelles on n'est pas forcément confronté à cet âge-là habituellement. Donc, je pense que j'ai mûri très vite. Et ça m'a rendu plus empathique qu'avant. Je l'étais déjà pas mal, je pense, avant. Mais maintenant, disons que je pense que j'ai beaucoup moins de jugement sur les gens. C'est-à-dire que, en fait, je me dis quand je rencontre quelqu'un que je ne connais pas, je me dis que je ne sais pas ce qu'il traverse, que je ne sais pas ce qu'il vit. Donc, du coup, je suis beaucoup plus indulgente, on va dire, quand je rencontre des gens, quand je parle avec eux. Si, par exemple, je ne sais pas, ils ne me parlent pas très bien ou ils sont assez froids ou que sais-je. Je me dis, oui, mais je ne sais pas ce qu'il vit, en fait. Ça se trouve, là, ça fait une heure qu'il attend le bus, qu'il a un problème à la jambe, il est mal. Et du coup, ça m'a appris un peu ce côté-là de tu ne sais pas ce que les gens traversent, donc prends-le en compte quand tu t'adresses à eux. Et de manière générale, beaucoup plus d'empathie, de maturité. Et mine de rien, même si la maladie ralentit à certains moments, moi, ça a été mon moteur, quelque part, parce que... Ce documentaire, si je n'étais pas malade, je pense que je n'aurais jamais fait un documentaire. Ça vient de là aussi. Il y a plein de choses positives qui peuvent en ressortir.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qu'on peut souhaiter à ce documentaire ?

  • Speaker #0

    Qu'il soit vu, apprécié aussi. Le but, de toute façon, c'est de le diffuser au maximum pour que les gens qui se sentent concernés déjà peuvent se sentir représentés aussi. Je pense que les retours que j'ai eus, c'est des gens qui se sentent moins seuls parce qu'ils me disent que c'est tout à fait ce que je vis. Et ça me fait du bien. Et aussi que les gens qui ne vivent pas ça puissent le voir pour tout simplement qu'ils puissent comprendre ce que c'est d'avoir une maladie chronique au-delà juste des symptômes, des médicaments, mais comment ça impacte une vie sur tous ces aspects.

  • Speaker #1

    Moi, j'arrive gentiment sur les deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, Anna, tu as envie de rajouter quelque chose avant ?

  • Speaker #0

    Non, ça va.

  • Speaker #1

    Alors, quel message tu aimerais transmettre aux personnes qui vivent avec une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Le message que j'aimerais faire passer, c'est que souvent, quand on a une maladie invisible, on va penser à soigner son corps du mieux qu'on peut, que ce soit par des traitements, des thérapies, etc. Mais je pense qu'on oublie beaucoup de prendre soin aussi de son mental, tout simplement. Parce qu'en fait, déjà, on ne le recommande pas forcément. On nous donne des médicaments, mais on ne nous donne pas une ordonnance chez un psy, par exemple. Et je pense, en fait, que quand on tombe malade, L'esprit, le mental, il est autant impacté que le corps, si ce n'est parfois plus à certains moments. Et que pour moi, c'est aussi important de prendre soin de sa santé mentale que de sa santé physique, parce que l'un ne marche pas sans l'autre. Et si on est atteint sur les deux, on peut arriver à des périodes vraiment très, très, très compliquées. Donc pour moi, ce serait vraiment de prendre soin de son corps, mais aussi de sa tête.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage des personnes qui ont des maladies invisibles ?

  • Speaker #0

    D'essayer de comprendre. même si je sais que c'est compliqué parce que des fois, on a du mal à l'expliquer, même déjà. Mais surtout, en fait, de considérer ce qu'on dit. Moi, quelque chose qui m'a beaucoup aidée, c'est que mes parents, dès le début, dès le premier symptôme que j'ai eu, ils n'ont jamais remis en question ce que je disais. Jamais. Donc, c'est-à-dire que même si je leur disais, là, tout tombe dans ma tête et qu'ils ne voyaient rien, ils ont toujours pris en considération ce que je disais. Ils n'ont pas diminué aussi ce que je vivais en disant, oui, tu as juste un petit vertige. un peu fatigué. Non. Donc, ça serait vraiment de considérer. Parce que même s'ils ne peuvent pas forcément comprendre ce que je vis, ils le considèrent et déjà ça, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir la maladie de Menière t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Quel super pouvoir ? C'est une bonne question. Je dirais que ça m'a rendue plus volontaire dans ce que je veux faire, plus déterminée. Comme je disais tout à l'heure, ça a été un moteur pour réaliser des projets. Et maintenant que j'ai réussi à faire mon documentaire, ça me donne envie de faire plein d'autres choses encore. Justement parce qu'il y a ce côté où là, je vais bien, donc je vais en profiter. Donc, ce serait plus le côté profite maintenant que ça va, parce qu'on ne sait pas ce qu'il y aura après. Donc oui, de vivre pleinement en fait.

  • Speaker #1

    De continuer à danser sous la pluie.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Merci Anna pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

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Description

Anna n’a que 19 ans lorsqu’elle vit sa première crise de Ménière ; des vertiges rotatoires si intenses qu’ils donnent la sensation d’être propulsé•e à toute allure dans une machine à laver 😵‍💫

Une expérience anxiogène qui, malheureusement, ne sera pas un événement isolé.

En dehors des crises certains symptômes persistent, comme la fatigue chronique ou les acouphènes💥👂🏼et forment un véritable handicap invisible.


Mais Anna doit aussi affronter un autre combat : celui d’être prise au sérieux par le corps médical. 🩺 Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d’étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.


Dans cet épisode, Anna nous amène sur son chemin 🛤️ entre l’angoisse de la prochaine crise, l’obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie.


Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s’est formée à la réalisation de documentaires et a créé Danser sous la pluie 👯‍♀️☔️, un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Ménière et rappelle l’importance cruciale de la considération et du soutien.


Un récit inspirant et puissant à écouter sans attendre par ici ou à visionner en vidéo directement sur la chaîne Youtube Les invisibles podcast 🎧


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible au pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Anna n'a que 19 ans lorsqu'elle vit sa première crise de Menière. Des vertiges rotatoires si intenses qu'ils donnent la sensation d'être propulsés à toute allure dans une machine à laver. Une expérience anxiogène qui malheureusement ne sera pas un événement isolé.

  • Speaker #2

    En dehors des crises,

  • Speaker #1

    certains symptômes persistent. comme la fatigue chronique ou les acouphènes qui forment un véritable handicap invisible. Mais Anna doit aussi affronter un autre combat, celui d'être prise au sérieux par le corps médical. Trop souvent, son stress et son hygiène de vie d'étudiante sont pointés du doigt comme des causes de son état de santé.

  • Speaker #2

    Dans cet épisode,

  • Speaker #1

    Anna nous amène sur son chemin entre l'angoisse de la prochaine crise, l'obsession face aux acouphènes et sa quête pour retrouver le calme et apprendre à gérer son énergie. Si la maladie chronique la ralentit, elle est aussi devenue un moteur. Déterminée, Anna s'est formée à la réalisation de documentaires et a créé « Danser sous la pluie » Un film qui donne la parole à des personnes atteintes de la maladie de Menière et rappelle l'importance cruciale de la considération et du soutien. Un récit inspirant et puissant à écouter ici ou à visionner sur la chaîne YouTube Les Invisibles Podcast.

  • Speaker #2

    Hello Anna !

  • Speaker #3

    Salut !

  • Speaker #2

    Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

  • Speaker #3

    Ça va bien, très contente de te rencontrer et d'être à Genève. Et toi, comment tu te sens ?

  • Speaker #2

    J'ai eu un petit coup de chaud avant d'entrer en matière de cette interview. J'avais oublié mon micro. Je pense que ça représente assez bien les troubles cognitifs et le brouillard cérébral. C'est de vouloir être au taquet, mais toujours un peu oublier certaines choses au moment venu. Toi, Anna, tu vis avec la maladie de Menière. c'est un trouble de l'oreille interne, c'est un trouble vestibulaire en fait, qui provoque notamment des vertiges par crise. Ces crises, elles sont caractérisées par une sensation d'être jetée à toute allure dans une sorte de machine à laver, j'ai l'impression que c'est ça, une machine à laver le linge, et tu es prise évidemment à ce moment-là de vomissements, un cœur qui s'emballe, c'est un peu des symptômes qui sont hyper hyper violents. qui te demandent à ce moment-là aussi de devoir très vite te poser à terre pour ne pas tomber, pour ne pas être accidenté. Et du coup, qui sont, j'imagine aussi, assez anxiogènes. Est-ce que tu serais d'accord de nous parler de ta première expérience avec cette maladie ? Et comment tu l'as vécu surtout au niveau émotionnel et physique ?

  • Speaker #3

    Oui, en fait moi les premiers symptômes de la maladie ça n'a pas été directement une crise, ça a été d'abord des instabilités. Donc au tout début de la maladie j'avais uniquement des instabilités que je mettais sous le coup de la fatigue plutôt parce que j'étais en train de faire mes études, j'étais très investie dans mes études donc j'étais assez fatiguée et donc je me disais c'est juste de la fatigue. jusqu'au jour où j'ai fait ma première vraie crise. J'étais chez moi, dans mon appartement à Lyon. J'étais toute seule, je me souviens. Et j'étais à mon bureau, en train de travailler. Et d'un coup, tout s'est mis à tourner très vite. Et ça m'a fait très peur, parce que je ne savais pas ce que c'était. Et avec du recul, je sais maintenant que j'ai fait une crise de menière. mais une crise d'angoisse en même temps. Parce qu'en fait, quand on n'a jamais vraiment eu de vertige ou quoi que ce soit, quand d'un coup, toute la pièce se met à tourner, moi, j'ai cru que j'allais mourir, tout simplement, parce que je ne savais pas ce que c'était. Je ne savais pas quand est-ce que ça s'arrêtait aussi. Donc, cet inconnu-là, ça fait très peur. Et oui, j'étais terrifiée. Clairement, j'étais terrifiée pendant plusieurs heures.

  • Speaker #2

    C'est clair que ce que tu racontes, c'est vraiment d'une violence inouïe. Qu'est-ce qui s'est passé par la suite ? La crise s'est quand même arrêtée à un moment donné. Est-ce que quelqu'un est venu à l'aide ? Comment ça s'est passé pour toi ?

  • Speaker #3

    En fait, je me souviens qu'au début, quand ces vertiges sont arrivés, je suis allée me mettre dans mon lit, tout simplement pour être plus à l'aise. Et en fait, la crise se passe. Et je me souviens juste que petit à petit, le vertige s'est atténué. Donc, il est devenu de moins en moins intense jusqu'à ce qu'au final, je m'endorme. En fait, juste après, je me suis endormie. J'ai fait une nuit complète directe parce que je pense que mon corps était épuisé. Donc, en fait, je n'ai même pas prévenu qui que ce soit parce que je me suis endormie directement après la crise.

  • Speaker #2

    C'est vrai que c'est assez anecdotique dans le sens que c'est particulier. J'imagine si je vivais une crise pareille. Alors moi aussi, j'ai un trouble vestibulaire, mais ça ne se manifeste pas de la même manière. Oui. Je pense qu'après, j'aurais clairement appelé les urgences ou mon mari ou quelqu'un pour dire qu'il s'est passé vraiment quelque chose d'hyper violent là. Toi, tu as réussi à t'endormir dans cette situation ?

  • Speaker #3

    En fait, je n'ai même pas contrôlé. Je pense que ça s'est fait tout seul. En plus, de base, je suis quelqu'un qui ne dort pas facilement, donc ça m'a surpris aussi. Mais je pense que le corps était tellement fatigué que direct, je me suis endormie. C'est plus le lendemain matin où ça m'a fait tout drôle. Parce que je me souviens qu'à mon réveil, je me suis dit, est-ce que c'était un cauchemar ce que j'ai fait ou est-ce que ça s'est vraiment passé ? Et après, avec du recul, j'ai su que si, c'était vraiment ça. Mais le réveil était très, très particulier quand même.

  • Speaker #2

    En dehors du fait que tu demandais si ça avait vraiment existé ou pas, est-ce qu'il y avait un résidu de symptômes qui était resté suite à cette crise ?

  • Speaker #3

    J'étais très fatiguée et j'avais la tête... En fait, j'avais comme... Je sentais ma tête... Comme si c'était gonflé à l'intérieur. J'avais une sorte de pression, en fait, sur le crâne. Un peu plus comme si on m'appuyait sur le crâne. Donc, j'avais ça qui était resté. Et puis, je sentais quand même que j'étais très fatiguée, assez faible de manière générale.

  • Speaker #2

    Et là, du coup, tu as pris en charge un peu cette situation ? Tu as contacté un médecin ou quelqu'un ?

  • Speaker #3

    Là, j'en ai parlé à mes parents, déjà. Parce que ça m'avait fait peur. Donc, je leur ai expliqué que ça faisait quelques semaines que j'avais des vertiges. Et qu'hier soir, il y avait eu un gros truc, etc. Et c'est eux qui m'ont un peu plus poussée à consulter, aller voir déjà mon généraliste pour après aller voir un ORL. Donc, c'est ce qui s'est passé. Au début, j'ai vu mon généraliste qui ne savait pas trop ce que ça pouvait être, donc qui m'a redirigée vers un premier ORL. J'en ai fait pas mal des ORL parce que ça a été un peu compliqué d'en trouver un, on va dire, à l'écoute de mes symptômes. Mais voilà.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu penses que même dans le milieu médical, il y a des a priori, telles qu'elle présente bien, donc elle n'est pas malade ? Je te pose cette question parce que je me souviens qu'un médecin à jour t'a supposé que tu étais en forme parce que tu étais arrivée maquillée à ton rendez-vous médical.

  • Speaker #3

    Oui, je pense qu'il y a des a priori. Heureusement, pas chez tous les médecins, mais chez certains, oui. En effet, j'ai eu ce truc où... Je venais voir un médecin quelques jours après une crise parce que j'avais besoin tout simplement d'avoir un arrêt. Parce que j'étais pas... En fait, après une crise, il me faut au moins 4, 5, voire 6 jours d'arrêt pour pouvoir récupérer un petit peu. Et donc, je venais tout simplement pour un arrêt. C'était un médecin qui ne me connaissait pas. Donc, je lui expliquais ma maladie, mes symptômes, mes traitements. Enfin, là, ça faisait un petit moment déjà. Donc, tout était écarré. Et en fait, ce médecin a présumé que comme... comme je m'étais un petit peu maquillée, en fait, c'est que ça allait plutôt bien. Alors qu'en fait, la seule activité de ma journée, ça avait été de mettre du mascara pour moi me sentir un petit peu mieux. Donc, j'ai eu ça. Et après, c'est plus au niveau du diagnostic, où en fait, comme j'avais 19 ans à l'époque, il y a beaucoup de médecins qui ont présumé qu'il n'y avait rien, que c'était juste du stress à cause des études. Ou un peu de fatigue, ou une mauvaise hygiène de vie parce que je suis étudiante, donc forcément j'ai une mauvaise hygiène de vie, etc. Ce qui était faux en plus, mais c'était plus par rapport à mon âge aussi que ça a joué.

  • Speaker #2

    Donc beaucoup d'a priori.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais à ce moment-là, en tout cas quand t'as rencontré ce médecin qui supposait que t'allais bien parce que t'étais maquillée, t'avais déjà un diagnostic de posé ?

  • Speaker #3

    Oui, j'avais déjà un diagnostic, ça faisait même plusieurs mois, presque un an même, je pense que j'avais le diagnostic. Et je venais dans un but précis. Moi je me disais, j'ai fait une crise, j'ai besoin d'un arrêt. Je cherchais pas à être diagnostiquée ou à ce qu'on me détecte quelque chose, parce que je savais déjà ce que j'avais.

  • Speaker #2

    Et à ce moment-là, tu pouvais pas aller chez le médecin qui t'avait diagnostiqué par hasard ?

  • Speaker #3

    Non, parce que c'était un ORL. Et en fait, les rendez-vous chez les ORL, c'est plusieurs mois, en tout cas en France. Et j'avais pas de médecin traitant à l'époque. Donc du coup, je devais aller chez le généraliste qui veut bien m'accueillir. Donc on choisit pas forcément chez qui on va, quoi.

  • Speaker #2

    Je vois. En dehors des crises, quels symptômes tu rencontres au quotidien maintenant ? Parce qu'on imagine bien ces crises comme des cellules, des moments donnés qui durent 5-6 heures, quelque chose comme ça. Et après, dans le quotidien,

  • Speaker #3

    qu'est-ce qui reste ? Entre ces crises, il va y avoir énormément de fatigue chronique parce que même si on n'a pas de crise pendant un certain moment, juste le fait d'être debout, de marcher, de se repérer quelque part, de prendre des transports, de conduire, etc. Tout ça, ça demande au corps d'arriver à s'équilibrer, chose qu'il fait normalement, naturellement, mais qui demande un effort ayant un problème à l'oreille interne. Donc ça, en fait, ça crée beaucoup de fatigue chez moi, tout simplement. Ça crée beaucoup de fatigue chronique, une moins bonne récupération aussi, des acophènes, ça, ça part pas. peuvent augmenter si par exemple je suis stressée, si je suis fatiguée si je suis malade aussi etc. Mais ils sont toujours là et voilà ces instabilités, ces tangages dont je parlais c'est un peu comme si on marchait sur du coton ou sur un bateau qui tangue un peu ces instabilités elles sont là au quotidien plus ou moins fortes selon les jours mais principalement en tout cas ça serait des acouphènes des tangages et de la fatigue au quotidien. Et des fois, un petit peu justement, t'en parlais tout au début, du brouillard mental, cette difficulté à se concentrer ou à se souvenir de certaines choses, etc. Ça arrive aussi.

  • Speaker #2

    Les acouphènes, c'est plutôt au coucher que ça se manifeste ou c'est tout au long de la journée ?

  • Speaker #3

    Alors en fait, un acouphène, en tout cas chez moi, c'est là tout le long de la journée de manière plus ou moins régulière, de la même intensité. Sauf qu'on les entend plus au coucher, forcément parce qu'il n'y a plus de bruit ambiant. Si tu veux, au quotidien, par exemple, là, ou même de manière générale en journée, ça ne me gêne pas beaucoup parce que déjà j'habite en ville, donc il y a du bruit. Et parce qu'on est en mouvement, on n'est jamais dans le silence total. Sauf que le soir, en général, tout se calme, forcément. Et c'est là où les acouphènes, on a l'impression qu'ils sont plus forts, mais ils ne le sont pas forcément plus, c'est juste que comme il n'y a plus de bruit ambiant, on les entend beaucoup plus et on y fait plus attention aussi.

  • Speaker #2

    C'est ça, c'est aussi cette question où des fois, quand on est concentré sur autre chose que sur le symptôme, on le ressent moins. Alors qu'au moment du coucher, il y a tout l'espace aussi pour avoir l'attention là-dessus, quelque part.

  • Speaker #3

    Il y a l'attention. Et le bruit ambiant qui diminue. Du coup, ça fait que les deux ensemble, ça peut en effet gêner pour dormir, par exemple, à ce niveau-là.

  • Speaker #2

    Et qu'est-ce que tu as trouvé aujourd'hui comme moyen de réduire la fatigue chronique, les acouphènes, le brouillard mental, toutes ces choses-là ? Est-ce que tu as eu des leviers qui te permettent que ce soit un peu plus faible ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas de solution magique, on va dire. Pour la fatigue chronique, c'est tout simplement, j'ai un peu appris à... à comprendre mon corps et à savoir que si je fais ça comme activité, le lendemain, il faut que j'ai un temps où je peux me reposer un peu plus. C'est plus en fait une gestion de mon énergie. C'est pas très beau dit comme ça, mais je me connais en fait. Je connais ma capacité d'énergie et je le sens aussi quand je suis en train d'aller un peu trop loin ou pas. Donc j'essaye en fait au maximum, même si on n'a pas le contrôle sur tout, mais de me prévoir des petits temps de sieste si je peux. ou d'organiser le mieux possible pour que j'ai des temps de repos quand même. Après, pour les acouphènes, moi j'ai fait un travail de thérapie cognitive et comportementale avec une psychothérapeute, parce que moi j'étais obsédée par mes acouphènes presque le soir, justement. Comme c'était très calme autour de moi et qu'il n'y avait plus de bruit, j'étais obsédée par ça. Dès que je les entendais, je concentrais totalement mon attention dessus. Et du coup, je n'arrivais plus à dormir avant des heures et des heures. Donc, j'ai fait un travail justement en thérapie pour défocaliser et juste me dire, il est là, il fait sa vie, mais je fais la mienne et je ne me focalise pas dessus. Donc ça, moi, ça m'a beaucoup, beaucoup aidée. Et après, pour les instabilités, par exemple, pour le coup, je n'ai pas trouvé de choses particulières. De manière générale, pour tous les symptômes. C'est vraiment plus essayer de gérer au maximum mon énergie du mieux que je peux, même si par exemple avec le travail, on ne choisit pas forcément. Mais en tout cas, quand j'ai le choix d'essayer de m'organiser pour avoir du repos entre plusieurs activités, etc.

  • Speaker #2

    Je pense que la question de la gestion d'énergie, elle est assez intéressante pour toutes les personnes qui vivent avec des maladies chroniques, parce que très souvent, il y a justement tout d'un coup une possibilité de faire une activité ou d'aller travailler un moment ou des choses comme ça. Puis ensuite, il y a souvent des crashs. Oui. le lendemain ou quelques heures plus tard. Et c'est vraiment comment savoir sur la journée, organiser son temps pour à chaque fois avoir un temps de repos entre les activités. Et le repos, en plus de ça, il diffère chez les personnes. Chez certaines personnes, ça va être regarder une série. Par exemple, pour moi, ce n'est pas du tout le cas. Je suis quelqu'un de tellement empathique que quand je regarde une série, je vais me mettre à la place de tout le monde, je vais commencer à stresser et du coup, je ne me repose pas. Pour une autre personne, ça va être par exemple lire ou ça va être faire une sieste. On est chacun très différent, mais c'est vrai que la question d'aménager des temps de repos, elle est intéressante quand il y a de la fatigue chronique. Après, tu parlais du fait de défocaliser par rapport aux symptômes d'acouphène. Comment on défocalise d'un symptôme qui est là en permanence ?

  • Speaker #3

    Après, ça, ça dépend aussi de chaque personne, parce qu'en fait, ce type de thérapie, c'est adapté aussi selon chaque personne. Moi, je sais que j'ai fait beaucoup d'exercices de respiration, de relaxation et de visualisation. En fait, tout simplement... comme moi c'était au coucher, que ça me gênait vraiment, j'essayais en fait tout simplement d'imaginer des histoires qui n'ont aucun rapport avec ma maladie, des choses assez positives, qui me font du bien, etc. Je lisais beaucoup aussi le soir, pour que du coup mon attention soit plus vers le livre. Mais moi ça a été beaucoup aussi de relaxation, de respiration pour aussi détendre le corps. Parce qu'en fait le fait de... d'être focalisée sur les acophènes, ça m'énervait en fait. Donc ça me tendait avant de dormir, donc ce n'était pas du tout idéal. Donc moi, ça passe aussi par se calmer aussi et se détendre.

  • Speaker #2

    Tu évoques les visualisations. Est-ce que tu serais d'accord de nous partager un de tes scénarios de visualisation avant de t'endormir ?

  • Speaker #3

    Alors ça fait longtemps que je n'en ai pas fait parce que maintenant c'est assez... En fait, ça je l'ai fait beaucoup au début quand ça me gênait. Mais par exemple, c'était... M'imaginer dans un endroit qui me fait du bien. Donc moi, par exemple, un endroit où je me sens bien, c'est dans la forêt. Donc j'essaye d'imaginer les bruits de la forêt, l'odeur, etc. Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je vois ? Au début, c'est très compliqué. Au début, quand on m'avait proposé cet exercice, j'étais là genre « Ouais, c'est un peu perché, je ne sais pas » . Et en fait, au début, c'est un peu compliqué. Mais petit à petit, ça se fait plus naturellement, entre guillemets. Je m'imaginais un peu dans un endroit où je suis bien, où je suis détendue. Ça, c'est propre à chacun. Souvent, je m'imaginais en forêt, en train de me balader, tout simplement.

  • Speaker #2

    Au début de l'interview, tu parlais de la crise d'angoisse que tu as fait en même temps que la crise de Menière. Est-ce que tu vois un lien entre monde psychique et monde physique ?

  • Speaker #3

    Pour la maladie de Menière, déjà, on ne sait pas vraiment ce qui déclenche cette maladie. Par contre, ce qu'on sait et ce qui est prouvé, c'est que tout ce qui est stress, angoisse, ça peut déclencher des crises. Il y a un lien totalement...

  • Speaker #0

    enfin factuelles par rapport à ça, où ça peut aggraver des symptômes. Et le problème qui arrive souvent avec la maladie de Menière, notamment au début, c'est que les crises sont assez traumatisantes. Et quand on termine une crise, on angoisse de la prochaine. Parce qu'en fait, elles sont imprévisibles aussi. Il y a ce truc où une crise peut arriver à n'importe quel moment. Donc quand on est dans la rue, quand on est en train de conduire, etc. Donc ça, c'est des moments plutôt angoissants. Et le problème, c'est que cette... anxiété qui est déclenchée par les crises, elle génère aussi des crises. Donc ça fait un peu un cercle vicieux à ce niveau-là. Et donc là, en tout cas, oui, il y a un lien vraiment entre les deux. Après, de manière générale, je n'ai pas les compétences pour le dire, mais en tout cas, pour le déclenchement des crises, il y a un lien entre le mental et les crises, oui.

  • Speaker #1

    Et est-ce qu'aujourd'hui, tu sens quand il y a une crise qui approche ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai un petit signe annonciateur, on va dire, c'est qu'en fait, Elle approche très vite. C'est-à-dire que quand j'ai ce signe-là, c'est qu'elle arrive dans les secondes. Donc, c'est assez tard, on va dire. C'est qu'en fait, mon acouphène augmente. Je sens qu'il est beaucoup plus fort. Et donc, à ce moment-là, je sais qu'il faut que j'essaye de me mettre dans un cadre assez sécurisant pour moi. Parce que, voilà.

  • Speaker #1

    Donc, ça précède vraiment à quelques secondes. Ce n'est pas quelques jours avant. On n'a pas le temps de s'y préparer plus que ça. Au moins, tu te mets dans un endroit en sécurité.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Je me demandais si tu avais déjà ressenti une stigmatisation ou un manque de compréhension de ton entourage en raison de la nature invisible de la maladie de Menière.

  • Speaker #0

    Disons que moi déjà, j'ai été diagnostiquée à 19 ans. Et je pense que déjà à cet âge-là, ce n'est pas forcément simple de comprendre ce que c'est une maladie chronique, qui plus est une maladie méconnue et qui plus est une maladie qui ne se voit pas. Donc je sais qu'à cette époque-là, à l'école où j'étais, il y avait... peut-être des personnes qui ont eu du mal plus à prendre au sérieux ce qui se passe. Le problème aussi, c'est que quand on dit j'ai des vertiges, en tout cas, moi, quand je le disais, les personnes imaginaient quand elles n'ont pas trop bien mangé le matin et que du coup, elles ont un petit coup d'hypoglycémie ou quelque chose comme ça. Sauf qu'en fait, ce n'est pas du tout le même type de vertige. Ce n'est pas un malaise, en fait. C'est vraiment un vertige où ça tourne. Donc, en fait, j'avais du mal à faire comprendre mes symptômes. surtout. Après, mes proches très très proches, comme mes parents ou mes amis vraiment très proches, ils ont toujours essayé de comprendre et du coup ils ont compris, tout simplement. Certaines personnes ont pu voir aussi des crises ou des symptômes, donc là je pense que ça aide aussi quand on voit la crise, mais c'est plus un entourage moins proche qui n'est pas forcément confronté directement, qui avait du mal à comprendre les symptômes et le fait aussi que ça reste. Parce que plusieurs fois, on pouvait me dire « mais t'es toujours malade » . Et moi, je disais « mais oui, je serai toujours malade » . C'est le principe, justement, de la maladie chronique. C'est qu'il y a des périodes où je suis bien, des périodes où je suis moins bien. Mais de manière générale, j'aurai toujours cette maladie avec moi. Et ça, c'était très compliqué. Et c'est des fois toujours compliqué à faire comprendre, même à des adultes, etc., qu'on peut être bien lundi et on peut être très mal mardi. C'est aussi la soudaineté de la maladie. Je pense comme dans beaucoup de maladies chroniques, quand il y a des crises, ça arrive d'un coup, on ne choisit pas et c'est comme ça en fait.

  • Speaker #1

    Et même au sein d'une même journée, les symptômes peuvent complètement changer. Et ça, c'est très déroutant, même pour soi-même. On peut se lever et être plutôt bien et puis ça se dégrade au fil de la journée alors qu'on s'était dit bon, ça allait plutôt pas mal. Donc, je vais honorer telle ou telle chose, telle activité, tel rendez-vous. Et pour finir, ce n'est plus possible de le faire parce qu'en fait, on décline au fil de la journée ou se réveiller hyper mal et aller mieux après. Il n'y a pas de constance et c'est ça vraiment le côté chronique qui est hyper difficile à se représenter pour les personnes qui ne le vivent pas en réalité. Il y a souvent cette croyance, et je pense aussi avec la maladie de Menière, c'est qu'on est malade que quand il y a la crise. Un peu comme si on était malade que quand on a la grippe. Ok, on est malade, puis on n'a plus la grippe, donc on n'est plus malade. Donc ça pourrait être un peu ce sous-entendu. Tu es malade quand tu es en crise, mais quand tu n'es pas en crise, tu n'es plus malade. Mais en fait, il y a des symptômes qui persistent dans le temps, en réalité, qui sont justement ces acouphènes, ce brouillard, cette fatigue, toutes ces choses-là.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Est-ce que du coup, cette maladie, elle a impacté ton parcours professionnel ? Parce que c'est quand même arrivé à l'âge de 19 ans. Je pense que c'est un peu une période où il faut se situer sur où est-ce qu'on a envie d'aller. Et qu'est-ce qui s'est passé pour toi à ce moment-là au niveau pro ?

  • Speaker #0

    Moi, quand la maladie est arrivée, du coup, j'étais en fin de première année d'études, si je ne dis pas de bêtises, ou début de deuxième année. Mais en tout cas, j'étais au début de mes études. Ça a été compliqué parce que du coup, il fallait aussi justifier mes absences. Parce que forcément, j'avais des absences un peu au dernier moment. Et là où j'étais, en fait, il y avait des absences, un quota d'absences, si tu veux. Donc que j'ai dépassé. Et en fait, c'était compliqué aussi juste de faire comprendre que je ne choisis pas ces absences et que normalement, si on dépasse ce quota, je devais être exclue. Parce qu'on estime qu'au-delà de tant d'heures loupées, on ne peut plus suivre le cours et donc on ne peut pas réussir l'année. Sauf que j'ai réussi à avoir des... j'avais des bonnes notes quand même. Donc j'ai pu quand même continuer. Mais c'est vrai que même à faire comprendre... à la vie scolaire, etc., aux professeurs. J'ai des professeurs qui ont été géniaux, qui ont très bien compris, qui même m'aidaient parce que soit ils me donnaient les cours quand je n'étais pas là, ou soit ils me faisaient refaire des examens quand j'en avais loupé, etc. Donc géniaux. Et d'autres moins, mais bon après ça c'est comme tous les humains on va dire. Mais ça a impacté surtout mes études à ce moment-là. J'ai réussi tant bien que mal à valider mes années. Mais c'est vrai que les deux premières années où la maladie a été le plus intense, c'était compliqué d'assurer à la fois gérer la maladie, gérer les cours, gérer les examens, etc.

  • Speaker #1

    Et du coup, est-ce que le quota d'absence, ce ne serait pas une première discrimination de la maladie ?

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que d'un côté, on ne m'en a pas tenu compte, puisque finalement, même en ayant dépassé le quota, j'ai pu continuer. à faire mes études, à passer les examens, etc. Je n'ai pas été exclue, etc. Parce que justement, je pense, comme c'était des raisons de santé, ça a pu passer et parce que j'avais des bonnes notes derrière. Mais c'est vrai que dans d'autres cas, peut-être que ça peut être plus discriminant.

  • Speaker #1

    On peut imaginer qu'une personne qui, du coup, avait eu le même nombre d'absences, mais pas des bonnes notes, là,

  • Speaker #0

    ça aurait été plus difficile pour cette personne-là.

  • Speaker #1

    Toi, tu t'es formée en autodidacte à la réalisation d'un documentaire qui s'appelle « Danser sous la pluie » qui vient de voir le jour. En tout cas, il est projeté actuellement dans certains endroits, mais il n'est pas encore en ligne. C'est ça. Alors déjà, j'aimerais savoir qu'est-ce que « Danser sous la pluie » signifie pour toi et surtout, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, « Danser sous la pluie » , c'est la fin d'une citation de Sénèque qui est « La vie, ce n'est pas d'attendre que l'orage passe » . mais d'apprendre à danser sous la pluie. Et en fait, cette phrase, je l'ai lue dans un livre qui s'appelle Les Vertiges, il me semble, de Christelle. Je n'ai plus son nom, enfin son nom de famille, mais c'est une personne qui a la maladie de Menière qui a écrit tout un livre où elle explique en fait ce que ça a fait sur sa vie personnelle, professionnelle, etc. Et à la fin, justement, elle nomme cette citation. Et en fait, elle m'a directement parlé parce que je trouve que c'est hyper représentatif. et signifiant dans les maladies chroniques, puisque moi, je l'ai entendu comme « je ne peux pas attendre de guérir pour vivre, parce que tout simplement, il y a de grandes chances que je ne guérisse jamais » . Et je trouvais que c'était un message très lumineux, très solaire, qui me parlait beaucoup, et que c'est ce que je voulais aussi passer à travers mon documentaire, que même si on a une maladie qui est difficile, qu'on n'arrive pas forcément à gérer aussi tout le temps, qu'en fait, il faut quand même vivre avec. et essayer de vivre au mieux aussi, malgré cette maladie. Donc, du coup, je trouvais que le message passait très bien à travers ça.

  • Speaker #1

    Alors, qu'est-ce qui t'a donné l'élan de réaliser ce documentaire ?

  • Speaker #0

    En fait, si tu veux, quand j'ai été diagnostiquée, comme beaucoup de personnes, je pense, mon premier réflexe, ça a été de taper maladie de Menière sur Google, tout simplement, parce qu'on m'a dit que j'avais cette maladie, mais... C'est tout. Après, j'étais un peu démunie comme ça, toute seule dans la jungle, on va dire, de la maladie. Et je n'avais aucune idée de comment ça allait impacter ma vie. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Qu'est-ce que je peux faire ? Comment les gens vivent avec ça, en fait ? Et j'avais besoin de représentations, de témoignages de personnes qui ont cette maladie, même si je savais que, selon les personnes, ça pouvait varier, évidemment. Et je ne trouvais rien. En fait, je ne trouvais rien du tout. Tout ce que je trouvais sur la maladie, c'était des sites médicaux qui me décrivaient les symptômes, etc. Ce qui est très bien, ça permet d'apprendre plus sur la maladie. Mais moi, je les vivais, ces symptômes. Donc, ce n'est pas ce que je cherchais. Je cherchais plus l'humain, le ressenti humain derrière la maladie. Et sur le coup, je me souviens, c'est quand même il y a sept ans, je m'étais dit, quand ça ira mieux, je ferai un truc. Je ne savais pas trop quoi, mais je m'étais dit, je ferai un truc. Et là, en fait, j'ai la chance. Depuis presque trois ans, je n'ai pas fait de crise, donc je me sens mieux globalement, même s'il y a toujours des symptômes, mais ça va beaucoup mieux. Et en fait, il y a deux ans et demi, je me suis dit, je vais faire un documentaire sur... La maladie de Menière, mais pas que, c'est surtout sur l'impact psychologique, l'impact relationnel aussi de la maladie chronique en général. Ça part de Menière, mais en fait, ça représente pas mal de maladies. Et je pense qu'on a besoin aussi de voir ça pour les gens qui vivent ça, et aussi pour les proches, pour qu'ils comprennent ce que ça fait de vivre avec une maladie chronique.

  • Speaker #1

    Un des thèmes qui est vraiment abordé, une idée forte en tout cas de ton documentaire, c'est la question de l'identité. D'ailleurs, il y a une phrase que tu dis, que je cite, c'est « Et puis un jour quelque chose, on entend là la maladie, vient perturber ton puzzle. » Qu'est-ce que tu entends par là ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une phrase qui intervient après une voix off, où j'explique que l'identité, en général, elle est façonnée par plusieurs choses. Ça peut être son vécu, ses expériences, sa personnalité, ses goûts, etc. Et ce tout-là forme notre identité. Et que, justement, je trouve qu'on peut s'identifier par son métier, s'identifier par ses passions, etc. Et puis, quand il y a quelque chose qui vient mettre un peu le bazar là-dedans, dans ce que j'appelle le puzzle, justement, ça peut être très, très compliqué psychologiquement. Et en fait, moi, c'est quelque chose que j'ai vécu. Parce que quand la maladie est arrivée, mes études, ça a été très compliqué. Alors que moi, j'étais vraiment à fond dans mes études, donc un peu trop peut-être. Mais du coup, je m'identifiais beaucoup par ça, par le sport. Je faisais beaucoup de sport, je ne pouvais plus du tout en faire. J'étais assez pétillante, assez énergique. Là, j'étais raplapla. Donc en fait, ça a été très, très déstabilisant parce que toutes ces petites pièces de puzzle, toutes ces petites pièces de puzzle par lesquelles je m'identifiais, eh bien en fait, elles n'étaient plus là. Et donc c'est ça que je représente par puzzle, c'est un peu toutes ces parties de notre identité qui nous constituent. Quand elles n'arrivent plus à être, c'est assez déstabilisant.

  • Speaker #1

    Il y a une autre phrase qui m'a énormément touchée, celle-là vraiment très très fort, où tu dis « Ce qui me compose profondément a toujours été là, même quand je n'étais plus qu'à moitié. » Cette phrase, elle me touche parce qu'il y a déjà la sensation de se sentir à moitié quand on est malade. Donc, ça montre aussi à quel point on vit dans un monde qui est tellement validiste, qui considère qu'on est entier tant qu'on est en bonne santé et à moitié quand on est malade. Donc, il y a cette première chose qui est assez bouleversante, je trouve. Et la deuxième, c'est en effet le fait que le soi profond intérieur, lui, il n'est pas touché au final. Et du coup, j'aimerais savoir, est-ce que cette partie-là chez toi... elle a été aussi impactée par la maladie ou au contraire t'as toujours trouvé cette toit intérieure quelque part, qu'importe si t'étais à moitié comme tu le disais ou non ?

  • Speaker #0

    En fait une des choses qui a été très très difficile pour moi psychologiquement c'est que j'ai eu l'impression de me perdre, c'est à dire que comme je pouvais plus faire ce que j'aimais, les études c'était compliqué je me reconnaissais pas même dans mes traits de caractère je... J'étais quelqu'un d'assez rigolote, on va dire. Là, j'étais agacée, j'étais en colère, j'étais à vif. En fait, j'étais tout le temps à vif, donc j'étais pénible. Même pour mon entourage, je pense que ce n'était pas facile. Mais je ne me reconnaissais pas dans le caractère ni dans le physique, parce que même si c'est une maladie invisible, les crises, la fatigue, ça marque aussi. Donc, j'avais perdu beaucoup de poids. Et donc, tout ça fait que j'avais l'impression que je me perdais. Et ça, ça a été très dur parce que je me disais, donc là, en fait, je suis plus celle que j'étais avant. Et ce que je deviens, cette personne froide, pas bien, j'aime pas. Donc, j'avais l'impression de plus rien contrôler, de plus être du tout qui j'étais. Et ça, ça a duré un bon moment quand même. Et en fait, c'est que maintenant que ça fait trois ans que je fais plus de crise, que je vais beaucoup mieux, qu'en fait, j'ai retrouvé mes... exactement ce que j'étais avant, c'est-à-dire que j'ai toujours mon côté pitiante, je suis toujours très curieuse, j'aime beaucoup l'humain, etc. Les gens ne m'agacent plus. Tout c'est très, très négatif. En fait, ils étaient là uniquement parce que mon corps était dépassé par les symptômes, par la maladie, mais ça ne m'identifiait pas. Moi, ce que je suis vraiment, ça n'a pas bougé. Je pense que par contre, il y a une évolution, forcément. par la maladie, mais qui peut être très positive. Mais ce qui me compose profondément, je sais pas ce que je dis, c'est que c'était là, c'est juste que c'était pas accessible à ce moment-là. Il y avait trop de symptômes, il y avait trop de choses qui se passaient. Je pouvais plus y accéder, mais en fait, une fois que ça va mieux, c'est toujours là. Donc, voilà.

  • Speaker #1

    Avec beaucoup de sagesse, tu as remplacé la question « pourquoi ça m'arrive ? » par « qu'est-ce que cela m'apprend ? » Alors du coup, qu'est-ce que cette expérience avec la maladie de Menière t'apprend ?

  • Speaker #0

    Moi, ça m'a appris plein plein de choses. Déjà, je pense que quand on a une maladie chronique assez tôt, ça nous fait grandir assez vite. Parce qu'on est confronté à plein de choses auxquelles on n'est pas forcément confronté à cet âge-là habituellement. Donc, je pense que j'ai mûri très vite. Et ça m'a rendu plus empathique qu'avant. Je l'étais déjà pas mal, je pense, avant. Mais maintenant, disons que je pense que j'ai beaucoup moins de jugement sur les gens. C'est-à-dire que, en fait, je me dis quand je rencontre quelqu'un que je ne connais pas, je me dis que je ne sais pas ce qu'il traverse, que je ne sais pas ce qu'il vit. Donc, du coup, je suis beaucoup plus indulgente, on va dire, quand je rencontre des gens, quand je parle avec eux. Si, par exemple, je ne sais pas, ils ne me parlent pas très bien ou ils sont assez froids ou que sais-je. Je me dis, oui, mais je ne sais pas ce qu'il vit, en fait. Ça se trouve, là, ça fait une heure qu'il attend le bus, qu'il a un problème à la jambe, il est mal. Et du coup, ça m'a appris un peu ce côté-là de tu ne sais pas ce que les gens traversent, donc prends-le en compte quand tu t'adresses à eux. Et de manière générale, beaucoup plus d'empathie, de maturité. Et mine de rien, même si la maladie ralentit à certains moments, moi, ça a été mon moteur, quelque part, parce que... Ce documentaire, si je n'étais pas malade, je pense que je n'aurais jamais fait un documentaire. Ça vient de là aussi. Il y a plein de choses positives qui peuvent en ressortir.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qu'on peut souhaiter à ce documentaire ?

  • Speaker #0

    Qu'il soit vu, apprécié aussi. Le but, de toute façon, c'est de le diffuser au maximum pour que les gens qui se sentent concernés déjà peuvent se sentir représentés aussi. Je pense que les retours que j'ai eus, c'est des gens qui se sentent moins seuls parce qu'ils me disent que c'est tout à fait ce que je vis. Et ça me fait du bien. Et aussi que les gens qui ne vivent pas ça puissent le voir pour tout simplement qu'ils puissent comprendre ce que c'est d'avoir une maladie chronique au-delà juste des symptômes, des médicaments, mais comment ça impacte une vie sur tous ces aspects.

  • Speaker #1

    Moi, j'arrive gentiment sur les deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, Anna, tu as envie de rajouter quelque chose avant ?

  • Speaker #0

    Non, ça va.

  • Speaker #1

    Alors, quel message tu aimerais transmettre aux personnes qui vivent avec une maladie invisible ?

  • Speaker #0

    Le message que j'aimerais faire passer, c'est que souvent, quand on a une maladie invisible, on va penser à soigner son corps du mieux qu'on peut, que ce soit par des traitements, des thérapies, etc. Mais je pense qu'on oublie beaucoup de prendre soin aussi de son mental, tout simplement. Parce qu'en fait, déjà, on ne le recommande pas forcément. On nous donne des médicaments, mais on ne nous donne pas une ordonnance chez un psy, par exemple. Et je pense, en fait, que quand on tombe malade, L'esprit, le mental, il est autant impacté que le corps, si ce n'est parfois plus à certains moments. Et que pour moi, c'est aussi important de prendre soin de sa santé mentale que de sa santé physique, parce que l'un ne marche pas sans l'autre. Et si on est atteint sur les deux, on peut arriver à des périodes vraiment très, très, très compliquées. Donc pour moi, ce serait vraiment de prendre soin de son corps, mais aussi de sa tête.

  • Speaker #1

    Et quel message tu passerais à l'entourage des personnes qui ont des maladies invisibles ?

  • Speaker #0

    D'essayer de comprendre. même si je sais que c'est compliqué parce que des fois, on a du mal à l'expliquer, même déjà. Mais surtout, en fait, de considérer ce qu'on dit. Moi, quelque chose qui m'a beaucoup aidée, c'est que mes parents, dès le début, dès le premier symptôme que j'ai eu, ils n'ont jamais remis en question ce que je disais. Jamais. Donc, c'est-à-dire que même si je leur disais, là, tout tombe dans ma tête et qu'ils ne voyaient rien, ils ont toujours pris en considération ce que je disais. Ils n'ont pas diminué aussi ce que je vivais en disant, oui, tu as juste un petit vertige. un peu fatigué. Non. Donc, ça serait vraiment de considérer. Parce que même s'ils ne peuvent pas forcément comprendre ce que je vis, ils le considèrent et déjà ça, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Et quel super pouvoir la maladie de Menière t'a amenée ?

  • Speaker #0

    Quel super pouvoir ? C'est une bonne question. Je dirais que ça m'a rendue plus volontaire dans ce que je veux faire, plus déterminée. Comme je disais tout à l'heure, ça a été un moteur pour réaliser des projets. Et maintenant que j'ai réussi à faire mon documentaire, ça me donne envie de faire plein d'autres choses encore. Justement parce qu'il y a ce côté où là, je vais bien, donc je vais en profiter. Donc, ce serait plus le côté profite maintenant que ça va, parce qu'on ne sait pas ce qu'il y aura après. Donc oui, de vivre pleinement en fait.

  • Speaker #1

    De continuer à danser sous la pluie.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Merci Anna pour ton témoignage.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

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