- Speaker #0
Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vit, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute ! Le jour où sa meilleure amie perd son bébé à 5 mois de grossesse, un stress profond se réactive chez Adeline. et avec lui, la maladie de Menière. Crise de vertige violent, perte d'équilibre, hyperacousie, nausée, ce trouble vestibulaire active un trouble anxieux dont elle sera ensuite diagnostiquée. Depuis ses 16 ans, Adeline vit avec des acouphènes et une perte auditive. Mais plus jeune, elle ne se considère pas handicapée. C'est en décrochant un poste fixe que la réalité s'impose. Dans son héritage familial et en tant que « bonne Suisse » , s'arrêter de travailler n'est envisageable qu'à l'article de la mort. Dans ses questionnements autour du travail, mais aussi d'une éventuelle parentalité, elle prend conscience que le modèle validiste et sexiste attend de chaque corps qu'il fonctionne à 100%, sans variabilité. et particulièrement ceux des femmes. Dans ce cadre-là, elle comprend que la société n'est pas faite pour tout le monde et qu'elle en fait partie de ce « pas tout le monde » . Cette prise de conscience s'affine avec ses recherches. Docteur en histoire de l'art, elle explore les méthodes alternatives qu'elle a beaucoup testées, sous le prisme scientifique, et questionne les biais qui poussent tant de malades à s'y raccrocher. faute d'une prise en charge adaptée et de considération. Aujourd'hui rétablie du trouble anxieux généralisé et des phobies sociales, grâce à la thérapie en EMDR et en TCC, elle gère mieux les crises de Menière et nous partage son parcours avec beaucoup, beaucoup de lucidité. Hello Adeline !
- Speaker #1
Hello !
- Speaker #0
Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?
- Speaker #1
Ça va, j'ai pris congé donc j'ai pu dormir ce matin, mais les variations atmosphériques de septembre ont un peu raison de mon oreille intérieure en ce moment. Donc c'est un peu variable je te dirais, mais ça va. Et toi Tamara, comment tu vas ? Écoute,
- Speaker #0
moi je suis plutôt étonnée en bien parce qu'on vit les deux en Suisse et on voit, enfin moi en tout cas je vois de quelles variations tu parles actuellement par rapport à la météo. C'est vraiment hyper intense et puis on a même de la bise, des rafales de vent, enfin voilà. Et bizarrement, ça fait deux jours où je vais plutôt pas mal et je suis là, ben c'est pas normal, moi normalement les variations de pression comme ça en général... Je suis au bout du rouleau, donc je suis contente et je profite de cet élan et ça me fait d'autant plus plaisir de pouvoir faire cette interview avec toi.
- Speaker #1
Trop bien, je me réjouis aussi.
- Speaker #0
Alors toi Adeline, tu vis avec une maladie vestibulaire. Tu es donc touchée dans le maintien de ton équilibre, la perception de la position du corps dans l'espace, si je ne me trompe pas. Tu éprouves des symptômes comme des vertiges, un déséquilibre, des étourdissements, des nausées, des problèmes de coordination. Et la maladie de Menière, dont tu es à l'attente, c'est un type de trouble vestibulaire qui est caractérisé par des épisodes de vertiges très sévères, des crises qui peuvent durer des fois des heures jusqu'à 12 heures, des acouphènes, une perte auditive et une sensation de pression dans l'oreille. C'est des symptômes qui, moi, me touchent particulièrement parce que je vis avec une maladie qui a des points très communs avec Menière et qui s'appelle le syndrome du mal de débarquement, qui est considéré comme une maladie rare aujourd'hui. et qui me donne la sensation de tanguer en permanence, en plus d'une liste longue comme mon bras d'autres symptômes. Alors Adeline, est-ce que tu peux nous expliquer comment tu as découvert que tu étais atteinte de menière ?
- Speaker #1
Alors en fait, c'est arrivé à la fois progressivement et à la fois comme un camion dans une vitrine, j'ai envie de te dire. Parce qu'en réalité, j'ai un acouphène depuis 2007, donc depuis que j'ai 16-17 ans. Et ça a commencé comme ça, en fait, j'avais déjà une perte auditive à l'oreille droite, parce que c'est l'oreille droite qui est atteinte. Manière, dans de rares cas, peut atteindre les deux oreilles. Dans mon cas, fort heureusement, c'est une seule. Et du coup, j'ai vécu avec cette petite perte auditive et cette acouphène pendant une dizaine d'années. Et en 2016, une nuit, ou plutôt un matin, très tôt... Je dormais chez mon copain et j'ai été réveillée par une crise de vertige monumentale. Donc j'ai pas compris ce qui se passait, évidemment. Et j'ai dû me précipiter aux toilettes pour vomir. Donc je me suis dit, ok, qu'est-ce que je fais ? Est-ce que je suis en train de crever ? Enfin, voilà, t'as aucune idée en fait de ce qui se passe. Et finalement, j'ai réussi à rester relativement calme. C'était aussi ma première crise d'angoisse, donc assez sympa. Donc ça s'est calmé au bout de peut-être une heure, je suis retournée me coucher et après c'est passé. Après évidemment énorme fatigue, mais du coup j'étais déjà allée voir un ORL, donc je suis retournée voir cet ORL qui était absolument horrible, qui n'a pas trouvé ce qui se passait. Et je suis allée chercher un deuxième avis, j'ai un deuxième ORL qui est absolument génial, chez lequel je suis encore aujourd'hui. Et lui, en fait, a procédé à toute une série de tests parce que la maladie de Menière, la particularité, c'est que c'est un diagnostic par élimination. Donc, il n'y a pas des symptômes spécifiques où on va dire « ok, là, c'est sûr que c'est Menière » parce qu'il y a d'autres pathologies qui peuvent provoquer les mêmes symptômes. Donc, il y a par exemple la migraine vestibulaire, les vertiges. positionnel paroxystique bénin je crois que c'est le nom entier donc là c'est plutôt lié en fait au mouvement de la tête donc on peut partir dans un vertige dès que la tête bouge donc l'ORL va faire certains tests notamment nous manipuler pour voir si le vertige se déclenche en fait en manipulant la tête ce qui n'était pas le cas il y a eu un test assez horrible où ils t'injectent de l'eau dans les oreilles d'abord de l'eau chaude de l'eau froide je pense que tu l'as eu aussi c'est horrible Et du coup, ça provoque un vertige, donc t'es hyper mal, c'est vraiment l'enfer. Et puis en fait, ce qui caractérise vraiment cette maladie, c'est la perte auditive. Donc dans mon cas, là je m'en suis à une perte d'entre moins 50 et 60% à une oreille. Et c'est un peu ça en fait qui a mis le doigt sur cette maladie. Et puis le fait aussi qu'il y a ces, comme tu le disais, ces crises de vertige qui peuvent durer plusieurs heures. Et voilà, du coup, le recoupement de ces symptômes a permis de mettre un mot sur le diagnostic relativement rapidement. Je couche du bois, comparé à d'autres personnes qui ont navigué dans nos troubles pendant très longtemps.
- Speaker #0
Tu arriverais à décrire ce qui se passe concrètement pour une personne qui ne connaît pas ces crises ? Parce qu'il y a un côté assez impalpable quand on ne connaît pas. Comment tu qualifierais ce moment ?
- Speaker #1
Alors je dirais que le problème aussi, c'est le terme vertige est assez vague, parce que ça peut décrire autant la peur du vide que le petit étourdissement qu'on a quand on se relève trop vite. Si les gens veulent tester, ce qui marche assez bien, c'est de tourner sur soi-même pendant une trentaine de secondes, voire un peu plus. Et en fait, il y a la pièce qui tourne vraiment pendant quelques secondes. C'est vraiment ça, sauf que c'est sur plusieurs heures en fait. Moi j'assimile pas mal ça au fait de boire une bouteille de vodka mais tu as le résultat en une seconde. Tu as vraiment l'impression que tu te prends tous les murs. C'est assez impressionnant quand on voit ça. Je sais que quand j'en parle aux gens, ils ne réalisent pas tellement ce que ça implique. Et quand ils sont avec moi, quand ça arrive, c'est assez impressionnant. Donc on voit que personne ne se... Oui.
- Speaker #0
Je suis sujette souvent à des nausées et puis les vertiges et tout ça, mais c'est vrai que là, juste l'image que tu as donnée de tourner sur soi-même, moi ça m'a donné envie de courir vomir aux toilettes, vraiment quelque chose qui est monté comme ça. Donc en fait, à ce moment-là, tu es obligée de te poser. C'est impossible de te tenir debout.
- Speaker #1
Oui, en fait, moi je me couche, je ne supporte pas la lumière. Donc je ferme tout ou alors je mets un petit truc sur ma tête et on attend que ça passe. C'est vraiment le seul truc qui marche, sachant aussi que c'est une maladie qui ne se soigne pas vraiment. Donc voilà, on attend.
- Speaker #0
Aujourd'hui, tu as des crises qui sont encore fréquentes ?
- Speaker #1
Alors non, là je n'ai pas eu de grosses crises depuis je dirais un an. Ça m'est arrivé chez mon ostéopathe d'ailleurs qui est beaucoup trop chou. Je suis arrivée chez elle et ça a commencé, j'ai dû vomir dans son évier, c'était vraiment n'importe quoi. Ça ne m'est pas arrivé depuis là. J'ai des petites crises, ce que j'appelle les petites crises, c'est quelques secondes où ça tourne. Mais j'en parlerai sans doute après. J'ai fait une psychothérapie, thérapie brève, qui m'a aidée à gérer ces crises et ça a considérablement amélioré la gestion des crises. Le problème, encore une fois... avec Menière, c'est que l'évolution est complètement imprévisible. Donc on ne sait pas ce qui marche. Parce que ce qui marche, si tu prends un médicament ou si tu fais une thérapie, ça peut tout simplement coïncider avec un moment de rémission de la maladie. Donc tu n'es pas sûr que c'est ça qui a marché. En l'occurrence, là, j'ai quand même l'impression que les crises dureraient plus longtemps si je n'avais pas fait ces psychothérapies qui me permettent de gérer l'angoisse et l'anxiété qui est liée à ces crises.
- Speaker #0
C'est vrai que ça, on reviendra dessus après. Je voulais déjà te demander, quand tu as consulté cette ORL, celui qui te suit encore maintenant, est-ce que lui t'a proposé des traitements ?
- Speaker #1
Oui, alors on a essayé plusieurs choses. En fait, en période de crise, je sais qu'il y a plusieurs écoles. En l'occurrence, lui me prescrit des corticostéroïdes, un médicament à prendre oralement, mais l'inconvénient, c'est que c'est de la cortisone. Et apparemment, chez les femmes, ça peut provoquer de l'ostéoporose à terme. Et accessoirement, ça augmente vraiment le taux de cortisol, évidemment. Et du coup, j'étais vénère pendant une semaine. C'est assez terrible. Il y a aussi des injections. On peut aussi injecter ces corticocéroïdes directement dans l'oreille. Ça, je n'ai jamais testé. Sinon, il m'a prescrit aussi de la bêta-histine, qui est un médicament pour un peu haut. Si j'ai bien compris, pour augmenter la pression dans l'oreille, pour que le liquide circule, parce qu'en réalité, le problème, c'est un excès d'endolymphes dans le labyrinthe de l'oreille. Donc c'est un liquide qui soit est paré absorbé assez rapidement, soit il y en a trop. Et du coup, ça fout le bordel dans l'oreille interne. Et ce médicament lisse un petit peu, c'est pas miraculeux, je te dirais. Moi, ça marchouille, on dira. Ça baisse un petit peu, mais ce n'est pas non plus miraculeux. Et j'ai aussi testé le drain trans-tympanique. Donc en fait, on te met un petit, ils appellent ça le diabolo. Enfin, ça a vraiment la forme d'un diabolo. Et tu le mets sur le tympan. Apparemment, on ne sait pas pourquoi ça marche, mais dans certains cas, ça marche. Que ce soit sur la perte auditive, sur la couffaine ou les crises. Et je suis d'accord.
- Speaker #0
Qu'est-ce que ça a donné ?
- Speaker #1
Chez moi, alors, de nouveau, je n'ai pas eu de crise pendant que j'avais ce drain. Mais ça peut tout à fait être un hasard en fait. Donc je te dirais que ça a marché sur les crises, mais je ne peux pas garantir que c'est réellement ça en fait.
- Speaker #0
Donc depuis l'âge de 16 ans, tu vis avec des acouphènes, tu as une perte auditive, il y a la maladie de Menière. Comment tu vis émotionnellement le fait de cumuler ces différentes pathologies, ce corps qui manifeste des symptômes ? au quotidien ? Parce que j'imagine que les acouphènes sont encore présents ?
- Speaker #1
Oui, alors les acouphènes, c'est vraiment tout le temps, la perte auditive également. Et puis, quand on a une perte auditive, fréquemment, on a aussi de l'hyperacousie, c'est-à-dire qu'il y a certaines tonalités de son qui sont vraiment ultra agressives. Typiquement, c'est le cas des fréquences hautes, donc tout ce qui est pleurs de bébé, certaines machines, c'est horrible. Vraiment, ça me donne envie de me taper la tête contre les murs. Donc il y a ça qui est présent tout le temps. Au niveau de la proprioception aussi, c'est pas incroyable. J'ai tout le temps des bleus parce que je me prends tout le temps des tables. Donc il y a ça qui est présent tout le temps, l'écrit c'est temporaire. Donc comment je le vis ? Je te dirais qu'au début ça posait pas tellement de problèmes. J'ai l'impression qu'étant adolescente, je me suis jamais trop considérée comme handicapée ou quoi que ce soit. Je dirais que c'est à partir du moment où j'ai été employée, où j'ai eu mon poste fixe. Là, je travaille actuellement dans un musée. Et... Je pense que ça, c'est aussi un héritage familial et un héritage suisse, vraiment cette éthique du travail où tu dois être efficace tout le temps, tu dois aller au travail même quand tu es à l'article de la mort. Donc là, ça m'a posé problème parce que je suis perfectionniste et j'ai envie d'être l'employée parfaite. Donc j'ai envie d'être là tout le temps. Et c'est là que ça a commencé à poser problème, en fait, et où j'ai commencé aussi à faire beaucoup plus d'anxiété parce que j'avais peur que ça m'arrive au travail. de me montrer vulnérable envers mes collègues. Et voilà, c'est plutôt à ce moment-là que ça a vraiment posé problème au niveau moral, je dirais.
- Speaker #0
Est-ce qu'on peut dire du coup que le modèle de travail actuel rend handicapé ?
- Speaker #1
Dans tous les cas, c'est un modèle validiste, qui part du principe que chaque corps est opérationnel à 100% du temps. Donc oui, je pense. Parce qu'en réalité, le handicap, on ne le percevrait pas dans une société qui n'est pas... pas validiste et qui prend en compte toutes les variabilités du corps et les handicaps possibles. Donc ouais, je pense.
- Speaker #0
Je te pose la question aussi parce que tu dis à 16 ans, je ne me sentais pas comme handicapée, alors qu'on sait que les acouphènes, ça créait quand même pas mal d'inconfort, surtout dans ce côté permanent qui, au bout d'un moment, rend les nerfs aussi très fragiles. Mais à cette époque-là, tu étais peut-être moins confrontée à ce modèle de travail.
- Speaker #1
Oui, exactement. Je pense que quand tu es adolescent, il y a aussi une part d'inconscience. Maintenant, je me protège systématiquement les oreilles, ce qui n'était pas le cas à ce moment-là. Ce qui me fait péter un câble d'ailleurs, parce que je vais voir beaucoup de concerts et les gens qui ne mettent pas de protection auditive, ils m'attendent un petit peu à m'agacer. Donc, s'il vous plaît les gens, protégez vos oreilles, c'est trop précieux. Maintenant, je me considère comme handicapée, parce que je me suis aussi beaucoup plus informée sur la question. Et que j'ai aussi fait un peu de sociologie, de sciences sociales, tout ça. Je réalise aussi que la société n'est pas faite pour tout le monde, et que je fais partie de ces pas tout le monde, en fait.
- Speaker #0
Et je crois que tu fais partie de ces pas tout le monde pour d'autres raisons, non ?
- Speaker #1
Alors, ça c'est une immense question ! Donc tu veux parler, je pense, des troubles plutôt psychologiques ?
- Speaker #0
Oui, et puis notamment du HPI.
- Speaker #1
Oui. Alors, le HPI, c'est une grande question parce que je suis tombée en plein dedans. En fait, je me suis toujours sentie un peu à part, pas mal d'anxiété. Maintenant, je mets le mot d'anxiété sociale. Et quand est arrivé le diagnostic entre guillemets de HPI, d'ailleurs, je préfère le terme HQI, mais ça, on pourra en discuter. Je me suis vraiment plongée là-dedans, je me suis dit ok c'est pour ça que je suis pas bien, je suis trop intelligente pour être heureuse et tout. En réalité non, j'ai complètement remis en question cette identification. Je me suis aussi beaucoup intéressée à ce que la science dit du HQI et c'est pas du tout ce que disent les livres. Est-ce que je peux le préciser ?
- Speaker #0
Si du coup on parle sous cette forme là ? Oui,
- Speaker #1
alors le HQI c'est le haut quotient intellectuel. J'aime pas tellement... potentiel parce que ça implique qu'on doit faire quelque chose de ce potentiel alors que le haut quotient intellectuel c'est juste une caractéristique. J'ai un QI de plus de 130 et c'est tout. Et du coup j'ai vachement remis en question le fait que ce soit potentiellement une neurodivergence ou quoi que ce soit parce que d'abord je suis allée voir une psy qui m'a donc identifié ce HQI et qui était vraiment axée là-dedans. Donc tous mes problèmes étaient interprétés sous ce prisme, jusqu'à ce que je fasse une dépression liée à Menière, et que j'aille voir une autre psy, qui fait de la thérapie cognitivo-comportementale et de l'EMDR, donc c'est la thérapie par les mouvements oculaires. Et là, en fait, on a identifié une anxiété sociale et un trouble anxieux généralisé. Et une fois que ces deux troubles ont été réglés, en fait le HQI, c'est plus un problème. Tu vois ? Et c'est même plutôt une arme, je dirais, assez utile, parce que toi-même, tu sais que le brouillard mental post-crise est assez violent. Dans mon cas, avoir un cerveau un peu plus efficace que la moyenne, ça m'a aidée notamment à finir un doctorat, ce qui n'est pas peu dire. Donc voilà, pour moi, le HQI, en réalité, maintenant, c'est plus tellement quelque chose que j'envisage comme une divergence.
- Speaker #0
Ok. Et du coup... Tu parlais de cette dépression qui a eu lieu à un moment donné. Moi, je me souviens, quand on avait parlé avant de cet enregistrement, tu as dit que tu avais justement, en 2021, vécu une dépression qui était à la fois liée aux symptômes de Menière, donc vraiment le côté trouble vestibulaire, et à côté de ça, à un traumatisme. Est-ce que c'est quelque chose que tu voudrais nous évoquer, même brièvement ?
- Speaker #1
Oui, je pense que c'est important parce que cette maladie est vraiment extrêmement liée au stress. Et en l'occurrence, il y a eu une grosse période de stress. Déjà 2021, c'était encore le Covid, donc ce n'était pas évident pour tout le monde. Et ma meilleure amie a perdu son bébé à cinq mois de grossesse, ce qui a provoqué des crises de manière, dans mon cas. Je n'ai pas tout de suite relié les deux événements, mais vraiment littéralement, je crois que deux jours plus tard, je commençais des crises vraiment affreuses où ça durait 12 heures. J'en avais trois ou quatre par semaine, c'était assez terrible. Avec énormément d'anxiété parce que je tenais à aller au travail, évidemment, en bonne Suisse que je suis, je n'ai pas pris de congé maladie pour me remettre de ça. Et en fait, j'ai juste usé mon cerveau, je crois. L'anxiété, ça a vraiment fait que j'avais vraiment l'impression qu'au début j'avais une armure et que petit à petit elle s'amincissait. Et tout à coup, j'ai réalisé que j'étais en dépression, que je n'avais plus d'appétit, de me réveiller à 3h du matin sans arriver à me rendormir, plus rien envie de faire alors que je suis quelqu'un qui fait quand même pas mal de choses de manière générale. Et je n'avais plus envie de faire les choses qui me faisaient plaisir. Comme j'allais voir cette psy qui était spécialisée dans le HPI-HQI, je me suis tournée d'abord vers elle et j'ai bien vu qu'en fait elle n'avait pas les outils. pour gérer une situation comme ça. Donc, je suis allée voir une autre psy. Du coup, elle faisait le MDR parce que j'avais quand même repéré que c'était les crises de manière qui provoquaient aussi cet état assez désastreux. Et en parallèle, je suis allée voir ma médecin généraliste, qui est absolument géniale aussi, soit dit en passant. Et elle m'a prescrit des antidépresseurs. Je n'ai jamais eu trop de problèmes à prendre de médicaments. même des antidépresseurs. Pour moi, si tu es malade du cerveau, c'est comme être malade du ventre. S'il y a un médicament, autant le prendre. J'ai fait la thérapie en parallèle des médicaments et clairement, ça m'a sauvée. Du coup, j'ai identifié aussi beaucoup de traumatismes passés qui étaient reliés à ce traumatisme récent. Toujours des morts violentes, donc quand même un rapport à la mort assez complexe. Et du coup, on a traité à la fois les traumatismes des crises de manière et à la fois ces traumatismes particuliers liés à des morts violentes avec le MDR. Et dans mon cas, ça a extrêmement bien marché. Je pense aussi que le cerveau a un peu plus performance à aider parce que ça est plus vite peut-être. Et voilà, maintenant, je suis toujours un peu anxieuse, mais je pense qu'on ne peut plus dire que je suis dans un trouble anxieux généralisé. L'anxiété sociale est encore un petit peu là, mais plus aussi présente qu'avant.
- Speaker #0
Tu disais tout à l'heure, tu n'arrivais pas forcément à déterminer dans tout ce que tu as mis en place qu'est ce qui faisait qu'aujourd'hui ça fait une année que tu ne vis pas de grosses crises. Mais toi tu as quand même le sentiment que d'avoir travaillé sur les traumas, l'anxiété sociale, le stress chronique, toutes ces choses là, ça a quand même été impactant sur les crises de Menière.
- Speaker #1
Oui complètement parce que dès que j'avais une crise de Menière avant, je partais en crise de panique en fait. où vraiment tu as cette sensation que quelqu'un est assis sur ta poitrine. Il y a une peinture, je suis historienne de l'art, donc je parle beaucoup en termes d'images, mais il y a une peinture de Johanna Riffus Lee qui s'appelle Le Cauchemar, où il y a une bête assez immonde qui est assise sur le torse d'une femme, et c'est vraiment ça en fait qu'on ressent.
- Speaker #0
Dans l'angoisse.
- Speaker #1
Dans l'angoisse, oui. Non, alors vraiment dans l'angoisse, parce que pour le coup, maintenant quand j'ai des crises de manière, je n'ai plus du tout ça. Je suis vraiment, ok c'est calme. C'est un peu comme la méditation pleine conscience, tu sais, tu as quelque chose qui t'arrive, tu laisses passer, et puis ça part. Donc, c'est accepter ce qui t'arrive, et puis ça part assez vite.
- Speaker #0
Tu parles de méditation pleine conscience, c'est quelque chose que tu as exercé ?
- Speaker #1
Alors pas vraiment, parce que justement je trouve que c'est pas hyper recommandé pour les anxieux en réalité, parce que ça peut, en tout cas en cas de dépression. parce que tu peux facilement ruminer plus que de raison. Mais j'ai commencé le yoga il y a deux ans, et tu sais, il y a toujours une petite méditation avant et puis une petite méditation après. Donc dans ce cadre-là, on peut dire que je pratique, après je ne suis encore pas non plus la plus calme des yogis à ce moment-là. Mais je pense que ça s'assimile en fait à ça, mais je ne le fais pas consciemment en fait.
- Speaker #0
Hors antenne, tu m'expliquais aussi que la TCC et le MDR, ça avait transformé ta perception du monde en plus de la relation aux autres. Quand tu parlais de perception du monde, qu'est-ce que tu signifiais par là ?
- Speaker #1
Alors en fait, on a fait quelque chose qui s'appelle changer de système. J'avais un système de pensée où je m'envisageais moi-même, les autres et le monde d'une certaine manière. En l'occurrence, le monde est hostile, le monde est horrible, les humains sont méchants, de toute façon il y aura toujours des guerres et on ne va pas s'en sortir, et avec le climat on va tous se bagarrer, puis il n'y aura plus de ressources, puis ça va être horrible. Et puis moi-même, je ne vaux pas la peine, je ne suis pas intéressante, ce que j'ai à dire ce n'est pas intéressant, je ne vaux pas la peine, je ne comprenais pas pourquoi on était amis avec moi en fait. Et voilà, je ne sais même... Pourquoi vous êtes amis avec moi ? Pourquoi vous restez ? En plus, je suis malade, donc souvent je dis « ah non, je peux pas » . Je vais être vraiment dans ce truc hyper pessimiste, en fait, de ne pas voir le point d'être vivant. Et maintenant, j'ai complètement changé de système. D'ailleurs, je l'ai sorti parce que je ne me rappelais plus exactement ce qu'on avait noté. Donc là, en fait, il y avait ces trois points. Donc moi, j'ai mis « je suis importante » , « je suis authentique » , « je suis intéressante » , « je suis appréciée » . Les autres sont généreux, sont bienveillants, sont aidants, sont intéressants, et le monde est sain et le monde est riche. Je suis passée de ce côté hyper pessimiste à ça en fait. Alors la guerre Israël-Palestine n'avait pas encore dégénéré à ce point-là, donc maintenant je suis un peu moins optimiste pour l'avenir du monde. Mais reste que j'ai quand même plus cet aspect optimiste. En fait, j'ai toujours pensé que j'étais pessimiste, et en réalité, j'étais juste anxieuse. Et voilà, une fois qu'on voit le monde comme ça, typiquement, je n'aurais jamais pris contact avec toi pour faire cette interview avant, parce que je n'estimais pas que ce que j'avais à dire avait quelconque intérêt.
- Speaker #0
Je voulais te demander vraiment, dans une curiosité purement personnelle, par rapport à ce qu'on mentionne là, parce que... Par exemple, moi, ma relation aux autres ou à moi-même, aujourd'hui, va bien. Après des années de psychothérapie, de travail là-autour, d'une méthode sur le système nerveux qui fait des miracles chez moi. Néanmoins, ma relation au monde reste compliquée. Pourtant, j'essaye de m'en protéger un maximum, des informations et tout ça, mais je suis quelqu'un qui est intéressée, qui est curieuse et qui aime se cultiver aussi. Il y a souvent une espèce d'ambivalence entre j'ai besoin de savoir ce qui se passe dans le monde et ne pas fermer les yeux. Et en même temps, plus j'en sais, plus j'en souffre et plus je me dis c'est l'échec, on est ruiné. D'ici quelques années, le monde ne va plus exister. On voit les rapports du Jake et tout ça. Comment tu fais, toi, justement ? Alors tu dis là, voilà, avec la guerre israélo-palestinienne, en fait, tu te dis non, mais en fait, c'est pas si ouf que ça. Qu'est-ce qui te permet de rester quand même... ancrer et de garder quelque chose qui te donne la foi là-dedans ?
- Speaker #1
Alors déjà, je choisis quand je lis les informations. Donc, je n'ai pas d'application sur mon téléphone qui va m'envoyer une notification dès qu'il y a quelque chose d'horrible qui arrive. Donc, je choisis vraiment le moment où je suis prête à recevoir les informations généralement de tout ce qui se passe mal dans le monde, parce que c'est ça que les médias relaient. Et puis, dans la psychothérapie, on a beaucoup travaillé sur les pensées alternatives. Donc, ok, je pense ça, mais qu'est-ce que je pourrais penser d'autre ? Les autres pensent ça de moi. Je projette, je pense que les autres pensent ça de moi, qu'est-ce qu'ils pourraient penser d'autre ? Et en fait, j'applique ça aussi à ce genre de situation. Ok, la guerre israélo-palestinienne, c'est horrible, il y a un génocide qui est en cours, et clairement, on a l'impression qu'on ne fait rien pour. Mais il y a quand même eu des mobilisations incroyables.
- Speaker #0
Pour le peuple palestinien, ça continue. Moi, je vois encore des drapeaux palestiniens partout. Moi, je mets mon petit café pour montrer aussi qu'on est encore là. Donc, j'essaie de me focaliser là-dessus. Vraiment, c'est un truc assez conscient. Ok, ça, c'est horrible, mais qu'est-ce que, relativement à ça, les humains sont capables de mettre en place pour que ça se passe mieux ? Donc, il y a ça. J'ai désinstallé l'implication Instagram, parce que vraiment... Moi, je suis pas mal de comptes féministes, et puis du coup, les féminicides, les viols, tout ça, je ne pouvais plus. Donc là aussi, je choisis quand est-ce que j'y vais, parce que du coup, j'y ai encore accès, mais sur mon ordinateur. Donc c'est vraiment un moment où je choisis. Je me dis, ok, là, je suis capable de recevoir ça. Je sais qu'il y a d'autres personnes qui ont deux comptes. Un compte pour les infos générales qui peuvent être horribles, et un autre pour ce qui est un petit peu plus léger. Je pense que ça peut être aussi une solution. En l'occurrence, moi, je me suis vachement déshabituée à aller là-dessus. Donc, ça ne me manque pas nécessairement. Donc, je sens aussi quand ça monte trop, ok, je ferme et puis je vais faire autre chose. Donc, j'essaie de contrebalancer ça tout en restant consciente parce qu'aussi, j'ai des valeurs qui font que je m'informe là-dessus. Et paradoxalement ou pas, je pense que la maladie, ça m'a permis de voir la bienveillance des gens. Et ça, c'est quelque chose qui est assez puissant parce que... Ce monde validiste fait qu'on a l'impression qu'on doit être indépendant, qu'on doit être autonome, qu'on ne dépend pas des autres, qu'on doit être hyper fort, invulnérable tout le temps. En fait, la maladie, ça te pose dans une stature hyper vulnérable. Mais c'est là où tu es le plus vulnérable, où tu vois qu'en réalité, les gens se soucient de toi et sont là pour t'aider. Le nombre de fois où ça m'est arrivé une crise et en fait, je suis... ébahie de voir à quel point les gens sont gentils quand ils voient quelqu'un de vulnérable. Donc voilà, c'est aussi quelque chose que j'ai ajouté un peu à mon arsenal de positivité. De nouveau, ça ne marche pas tous les jours, ça ne marche pas tout le temps aussi en fonction des cycles menstruels parce que voilà, le syndrome prémenstruel a aussi tendance à voir le monde un peu plus en noir, mais j'essaye de contrebalancer, justement.
- Speaker #1
Est-ce que cette vulnérabilité, c'est quelque chose que tu exprimes au travail ? Parce que c'est vrai que plusieurs fois, tu as nommé ton métier et le fait que ce n'est pas forcément un endroit où tu te sens totalement safe parce que tu ne vas pas forcément prendre un congé quand tu en as besoin. Tu vas montrer plutôt un masque pour tenir la face, pour être cette bonne Suisse qui travaille avec professionnalisme. Comment tu vois aujourd'hui ce terrain qui est le terrain professionnel ? Alors maintenant,
- Speaker #0
tu as un métier qui est le terrain professionnel. Maintenant, je l'ai dit en fait que j'avais cette maladie. Je parle aussi en fait des périodes où c'est plus compliqué. Donc j'ai complètement ouvert les vannes là-dessus. Alors pas sur la santé mentale. Donc s'il y a des collègues qui écoutent, ben coucou, j'ai fait une dépression. Mais en tout cas sur la santé physique, maintenant j'en parle parce que c'est aussi... J'ai vraiment une équipe merveilleuse. Tous les gens sont hyper gentils. Donc pour ça, j'ai vraiment beaucoup de chance. Je sais que ce n'est pas le cas partout. Là, je me sens libre de le faire. Il y a deux ans, je ne m'en sentais pas libre, mais c'était moi qui me mettais ces barrières-là, parce que l'équipe n'a pas changé. Donc, je me permets aussi de m'ouvrir là-dessus. Et en fait, tu réalises qu'il y a beaucoup plus de malades chroniques que ce qu'on pense, parce que c'est à ce moment-là que les gens te disent « Ah ouais, mais en fait, moi aussi ! » Donc, je me suis aussi ouverte de ce côté-là.
- Speaker #1
En naviguant avec les symptômes, est-ce que tu arrives à avoir un taux horaire assez élevé ou comment tu négocies ça avec toi-même ?
- Speaker #0
Alors au départ, j'étais à 50%. Maintenant, je suis passée à 80%. Donc pour l'instant, ça va, vu que manière est assez chill en ce moment. Ça m'arrive d'avoir des petites crises au travail, mais en général, ça se rétablit assez vite. Je fais des siestes. au travail, des micro-siestes quand j'en ai besoin. Sur ma pause de midi, je vais prendre 15-20 minutes pour m'étendre et ça m'aide aussi à poursuivre la journée. J'ai l'énorme privilège d'avoir un bureau toute seule où je peux le faire aussi. C'est comme ça que je navigue, j'écoute vraiment où j'en suis aujourd'hui. Si je viens de faire une sieste, je le fais. C'est de moins en moins fréquent. Mais j'écoute vraiment cette fatigue et puis s'il y a besoin, je fais 10 siestes.
- Speaker #1
Tu parlais du HQI tout à l'heure aussi sur le fait qu'il t'avait permis de faire un doctorat alors qu'il y avait tous ces symptômes, les crises, la maladie de Menière. Comment tu expliques ça ?
- Speaker #0
Alors, je pense que le doctorat, en l'occurrence, c'est ce qui m'a permis de tenir pendant ma dépression. Il y a des personnes qui ne peuvent rien faire du tout. Moi, ça n'a pas été le cas. J'avais besoin de m'occuper de l'esprit. Parce qu'en l'occurrence, un doctorat, c'est aussi une passion. Enfin, si on n'est pas passionné par son sujet, c'est un peu difficile d'en faire un. Moi, j'avais vraiment un but. Et je crois que... En respectant de nouveau mon rythme, je ne faisais pas 8 heures de travail par jour sur le doctorat, peut-être 5 heures, en faisant des siestes entre deux de nouveau. J'ai réussi à faire ça. Mais je pense que c'est principalement parce que ça me distrayait de ce qui se passait. J'ai aussi averti mes directeurs que j'avais cette maladie, donc pendant un temps, je n'ai vraiment pas fait grand-chose. Après, ça a duré relativement longtemps, un doctorat c'est long, donc on peut aussi faire des périodes où on fait... Un peu moins, puis d'autres, enfin un peu plus. Mais c'est là où je pense que le cerveau est un peu plus efficace à aider, parce que l'écriture, ça a été assez vite.
- Speaker #1
En tant que doctorante, tu as acquis du coup une pensée critique. Et tu me disais la dernière fois, hors antenne, que tu avais une position justement assez critique envers les thérapies alternatives. Tu as affirmé que pour toi, c'était quelque chose qui ne fonctionnait pas. Est-ce que tu serais d'accord de nous en dire un peu ? plus. Alors déjà, peut-être simplement nommer aussi ce qu'est l'esprit critique, cette position critique, et comment elle te fait voir et réfléchir sur ces thérapies-là ?
- Speaker #0
Alors, l'esprit critique, en termes scientifiques, ça s'appelle la méthode scientifique, c'est simplement vérifier que ce qu'on affirme est vrai, et accepter qu'on critique aussi ce qu'on dit, et puis que d'autres personnes vont pouvoir affirmer ou confirmer ce qu'on dit. Donc le but c'est vraiment de puiser à plusieurs sources, recouper les informations, voir qu'est-ce qui est prouvé, qu'est-ce qui ne l'est pas, toujours en essayant de s'approcher de la vérité, parce qu'en l'occurrence moi je travaille dans les sciences humaines, la vérité c'est quand même compliqué, vu qu'on travaille sur des sources humaines, il y a toujours un certain biais. Donc mon rapport aux thérapies alternatives. Moi à la base je suis quelqu'un qui croit à peu près en tout. Donc étant plus jeune, je pensais que je pouvais voir les fantômes, les ressentir, je croyais en homéopathie, en astrologie, j'ai vraiment fait tout ce genre de trucs. Et je ne sais pas trop, je pense que c'est venu assez progressivement, parce que pour Menière, j'ai essayé plusieurs choses, j'ai essayé le haïki, l'acupuncture. Homéopathie, je crois que j'ai assez vite appris que c'était du sucre et à peu près tout. Donc je n'ai pas cherché de ce côté-là et en fait rien ne marchait. Du coup, je me suis dit, ok, c'est quand même bizarre que rien ne marche, alors que c'est quand même des thérapies qui ont la prétention de guérir énormément de choses. En l'occurrence, ça n'a pas fonctionné. J'ai aussi fait de la naturopathie, et le naturopathe que j'ai été voir a fait de la biorésonance. La biorésonance, je suis allée voir par après. Apparemment, c'est un peu n'importe quoi, en réalité. Donc maintenant, je me méfie. Dès qu'on mentionne l'énergie quantique ou la psychogénéalogie, l'épigénétique, etc., je me méfie énormément, je vais contrôler. Donc là, j'ai consommé beaucoup de contenu sur YouTube ou alors en podcast. Je recommande d'ailleurs le podcast « Méta de choc » sur le HPI. C'est en fait ça qui m'a un peu ouvert les yeux sur le HPI. Et il y a aussi énormément de... de choses sur YouTube, la tronche en biais. Là, j'ai regardé dernièrement Clément Fraise, qui a fait une vidéo sur la médiumnité, qui est quelque chose auquel je croyais. Et lui, il est mentaliste, et en fait, il a reproduit une séance de médiumnité, donc il est arrivé après à prédire aux gens, enfin, plutôt à contacter des morts en leur disant « Ok, il a dit ça, il s'appelait de telle manière, etc. » Et puis, on réalise qu'en fait, un mentaliste peut très bien y arriver. et qu'il n'y a pas nécessairement de pouvoir impliqué. Donc ça ébranle quand même pas mal d'identité, parce que j'ai déconstruit tout petit à petit, l'astrologie aussi. Moi j'étais allée voir une astrologue pour savoir qu'est-ce que je devais faire, comme métier dans ma vie, parce que je ne savais pas qu'est-ce que je devais faire. Et après quand tu apprends que l'astrologie, en réalité, ce n'est pas non plus basé sur grand-chose, ça te remet un peu quand même dans tes fondements. Mais... Ce qui était en fait assez paradoxal, c'est que j'avais donc ce doctorat où on doit appliquer une méthode assez stricte, on ne doit pas dire n'importe quoi, on doit vérifier nos sources et tout. Je me suis rendu compte qu'en fait, dans ma vie privée, je n'appliquais pas forcément ça. Et en voyant que ces thérapies ne marchaient pas, j'ai aussi un peu plus creusé, été chercher ces ressources, et je me suis aperçue que je n'étais pas hyper critique envers mes propres croyances. Après j'ai découvert aussi des biais cognitifs, et notamment ce qui m'a fait beaucoup de bien, c'est de savoir qu'il y avait un biais qui s'appelle la croyance en un monde juste. Donc que tout ce qui nous arrive, arrive pour une raison. Parce que forcément quand tu tombes malade, tu te dis mais pourquoi ? pourquoi moi en fait ? Qu'est-ce que j'ai fait dans cette vie ou dans une vie antérieure pour mériter ça ? En réalité, rien. C'est pas ta faute, ça tombe sur toi et puis il n'y a pas de bol. Ça, ça m'a beaucoup apaisée aussi.
- Speaker #1
C'est intéressant parce que tu as fait presque le chemin un peu inverse. C'est que de base, tu croyais à certaines choses, puis tu as déconstruit. On a plus souvent l'habitude que ce soit le contraire. Je trouve intéressant. Après, c'est des choses qui donnent envie de débattre très clairement. Parce que moi, de base, je suis assez critique aussi, mais j'ai eu des expériences, et notamment avec la biorésonance, qui ont été juste complètement dingues, en fait. Moi, je trouve cette biorésonance, je ne trouve pas du tout intéressant comme traitement, mais j'ai trouvé extrêmement intéressant comme outil de diagnostic, parce que les fois où j'ai fait des séances, ça a pu... vraiment répertorié toutes les maladies que j'avais eues depuis extrêmement longtemps avec les dates et exactement ce qui est arrivé comme virus et bactéries et des choses qui se révélaient être vraies, la chlamydia en 2019, le Covid en 2020, un peu toutes ces choses là, le problème vestibulaire, en fait tout ça a été notifié et j'étais là mais c'est pas possible il y a quelque chose, pour moi c'était une sorte de médiumnité au travers d'un appareil. Et puis, après, j'ai aussi testé les constellations familiales, et ces choses-là ont eu un impact hyper important sur ma vie. Moi, c'est le contraire. De base, je suis très sceptique, et j'ai testé un peu des choses, et des fois, j'ai quand même été bluffée, et d'autres choses, comme l'astrologie, ou comme ça, où je reste pas du tout... C'est pas possible pour moi, mais je comprends aussi qu'aujourd'hui, on ait besoin de se raccrocher à ces choses-là. On a très peu de repères, très peu de... De source, en fait, pour sentir qu'on peut aller mieux, pour pouvoir continuer à se battre, à vivre. On a besoin de se trouver des raisons aussi, de se dire, mais en fait, si je suis malade, il y a une raison, parce que sinon, c'est juste tellement injuste que non, je ne veux pas l'entendre. Et en fait, des fois, c'est un peu ambivalent tout ça. On est aussi de moins en moins à être croyant. Donc, à quoi on se raccroche pour pouvoir avancer quand c'est le marasme total ?
- Speaker #0
Oui. Non, je suis 100% d'accord avec toi. En l'occurrence, je pense que ça a été plus facile pour moi parce que rien n'a marché. La biorésonance est tombée complètement à côté. Mais voilà, j'ai aussi des gens que je connais, d'ailleurs ma maman, le même naturopathe, a trouvé une pathologie qui est là, que personne n'avait identifié, aucun médecin. Et ça, je ne l'explique pas. Mais là, on est vraiment du ressort de la croyance. Je ne suis pas du tout contre les croyances, parce que je pense que, comme tu le dis, on en a besoin. Simplement... quand ça pousse à un retard de diagnostic ou à une absence de traitement, là, ça me pose problème. Et dans mon cas, je n'ai plus envie de dépenser de l'argent là-dedans parce que vraiment, j'ai dépensé tellement d'argent dans un diagnostic de HPI, dans des séances de psych qui n'ont pas servi à grand-chose, dans du Reiki, dans de la bioresonance et tout. C'est un coût quand même, surtout en Suisse, c'est quand même relativement... Enfin, tout est relativement cher. A ce moment-là, je n'avais pas un salaire comme j'ai maintenant. Mais je comprends absolument que ça nous fasse du bien. Si l'acupuncture vous fait du bien, continuez. Je n'ai aucun problème avec ça. Simplement, je n'ai plus envie de ça. C'est purement personnel. Mais je pense que c'est très bien d'avoir des croyances. J'ai fait des études de sciences des religions, je sais à quel point. À quel point c'est vital, surtout dans des périodes aussi instables que maintenant. Moi, à la limite, je regrette presque de ne plus avoir de croyance, tu vois.
- Speaker #1
On se le dit souvent, ça aussi avec mon mari, mais si, on pouvait être croyant, quoi. Est-ce que tu as le sentiment que la médecine conventionnelle, elle nous laisse un peu trop nous débrouiller seules ?
- Speaker #0
Absolument. Et c'est là justement que ça me met, je crois que je t'en avais déjà parlé, ça me met tellement en colère. Parce qu'on a des pathologies invisibles, on a des pathologies rares, et en fait, on ne sait pas quoi faire. Donc forcément, tu vas te tourner vers des thérapies alternatives qui ne vont pas forcément marcher, parce que la médecine conventionnelle, donc la médecine basée sur les preuves, n'a pas le temps de faire, ou n'a pas l'argent, ou ce n'est pas intéressant pour eux de faire des recherches là-dessus. Donc on navigue vraiment en eau trouble, et on doit trouver un radeau autant bien que mal. Peut-être que ce radeau est conventionnel ou non. Mais je pense que c'est aussi lié au fait que les médecins n'ont plus assez de temps, qu'ils ont tellement de bureaucratie à faire. Je pense que le fait qu'on se tourne vers des thérapies alternatives, ce n'est pas un hasard.
- Speaker #1
Je passe du coca-l'âne totalement, mais maintenant que je suis maman, il y a des questions en plus qui se rajoutent dans mon cerveau concernant la parentalité. Tu m'as dit la dernière fois quand on s'est rencontré que tu aimerais avoir des enfants si tu pouvais être le père. Alors moi, je rêve.
- Speaker #0
J'ai oublié que je t'avais dit ça.
- Speaker #1
Je rêve que tu m'en dises plus sur ton repos de soirée.
- Speaker #0
Est-ce que ça s'entend que je suis féministe ou pas ? Oui, je pense que ça s'entend. Oui, en fait... Ah, mon Dieu, comment je vais m'en sortir ? En fait, j'adore les enfants. Vraiment, ils m'apportent tellement de joie. J'ai un neveu et une nièce que j'adore, mes amis ont des enfants que j'adore. Je les trouve vraiment incroyables. Simplement, je vois l'engagement que c'est et je vois l'engagement que c'est de la part des mères. Parce que, que ce soit en termes de charges émotionnelles, de charges mentales, de charges familiales, donc de penser aux rendez-vous, s'occuper des repas, etc. Il y a évidemment des hommes géniaux, heureusement. Mais je crois que... 80% des tâches ménagères sont encore occupées par les femmes et justement j'aime trop les enfants mais j'ai pas envie d'être mère quoi je pense que je suis gentiment en train de changer d'avis parce qu'aussi on en discute avec mon copain et puis de nouveau il fait partie de ces mecs qui sont quand même un peu conscients du problème mais ouais du coup j'aimerais trop être père parce qu'en fait tu peux faire les trucs cool tu peux jouer avec ton enfant Tu peux jouer avec ton enfant et puis si tu changes sa couche, mais tout le monde trouve ça génial en fait. Donc, je pense que c'est pour ça que j'avais dit ça, mais ça ne vient pas de moi, ça vient de quelqu'un d'autre, mais je ne me rappelle plus qui. Parce que, aussi, là, je vis une forme de liberté que je n'ai jamais connue avant. Vu que j'ai plus ces troubles anxieux. Et puis, j'ai l'impression qu'un enfant, ça en rajouterait encore. Et je pense que c'est inévitable. Et... Oui, je crois que dans le fond, un père, on en attend moins. Et du coup, tout ce qu'il fait, c'est génial. Là où, quand t'es mère, on s'attend un peu à ce que tu gères tout, et puis que tu sois une super maman, et puis en plus une super employée. En fait, je trouve que c'est ce que je te disais, on s'attend à ce que les parents travaillent comme s'ils n'avaient pas d'enfants, et qu'ils s'occupent de leurs enfants comme s'ils n'avaient pas de travail. Donc je crois qu'il y a aussi ça qui joue dans le fait que moi, je m'épanouis énormément dans ma carrière, et à ce que je suis prête. peut-être en faire moins de ce côté-là. L'avenir nous le dira.
- Speaker #1
Moi, j'arrive gentiment sur les deux dernières questions de fin. Est-ce que toi, tu aurais envie de rajouter quelque chose avant ?
- Speaker #0
Oui. Si les personnes sont intéressées par les MDR, allez voir des psychiatres et des psychologues, parce que j'ai vu une vidéo où... apparemment il y a des thérapeutes qui ne sont pas diplômés qui pratiquent ça, qui pratiquent le MDR+, peu importe, des choses ajoutées à ça. Faites vraiment attention, ça peut faire sortir des traumatismes assez violents et si la personne en face n'est pas capable de gérer ça, ça peut vous mettre vraiment dans une situation très difficile. Donc voilà, faites attention à vous et ça ne marche pas sur tout le monde. Dans mon cas, ça a été miraculeux mais ça ne marche pas sur tout le monde. faites attention à qui vous confiez votre santé mais bon ça je pense que les personnes sont mieux placées que moi pour en juger et ouais je pense que c'est à peu près tout et quel message t'aimerais transmettre aux
- Speaker #1
personnes qui vivent avec des situations similaires à la tienne ?
- Speaker #0
c'est pas votre faute et puis je sais que vous avez l'impression que vous êtes un poids pour les autres par moment, mais en réalité on a aussi une vision de la vie qui est différente et on a quelque chose à apporter. Dans la société, on a l'impression qu'on doit contribuer de manière matérialiste, en travaillant, en produisant des choses. Ce n'est pas nécessairement vrai. Je pense qu'on a une vision du monde qui est différente, qu'on peut apporter aux personnes valides parce que toutes les personnes valides sont plus proches du handicap que ce qu'on pense. Ça arrive très vite. Et ouais... Courage, c'est vraiment pas facile. Prenez soin de vous et puis acceptez aussi le fait que même si vous pensez ne servir à rien, en réalité vous servez à quelque chose et vous n'êtes pas là par hasard.
- Speaker #1
Quel super pouvoir la maladie de Menière, mais je pourrais rajouter aussi le HQI, le trouble anxieux généralisé, qu'est-ce que tout cela comme bagage ? t'a amené comme super pouvoir ?
- Speaker #0
J'ai beaucoup réfléchi à cette question. Et j'en suis arrivée à la conclusion que, je ne sais pas si tu connais les Gardiens de la Galaxie, il y a un super-héros qui s'appelle Groot. Je ne connais pas, mais je suis sûre qu'on m'a dit que c'était dans les références. Et en fait, c'est un arbre, et à un moment donné, il se fait tuer, mais il reste une branche, et puis on peut planter la branche, et puis il y a Groot qui repart. Et je pense que c'est vraiment ça le super pouvoir des malades invisibles, c'est cette résilience. Parce qu'on rebondit à chaque fois et je trouve ça assez incroyable. Encore une fois, c'est quelque chose qu'on peut apporter à la société. On a l'impression qu'on est vulnérable et en réalité, on se relève à chaque fois et je trouve ça tellement incroyable.
- Speaker #1
T'es une groute transformée en fait.
- Speaker #0
C'est ça, exactement. Génial,
- Speaker #1
merci beaucoup Adeline pour ton témoignage.
- Speaker #0
Je t'en prie. Merci à toi.
- Speaker #1
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