- Speaker #0
Bienvenue dans les podcasts d'AUNEGe en collaboration avec IAE FRANCE. Aujourd'hui, Sonia et Eddy vont vous parler du tableau de bord prospectif ou balanced scorecard.
- Speaker #1
Comment une entreprise peut-elle être sûre que ce qu'elle fait au jour le jour sert vraiment sa stratégie à long terme ? Et puis comment mesurer ce qui compte vraiment ? Je pense aux compétences, à la satisfaction client, au-delà des chiffres financiers.
- Speaker #2
C'est une question fondamentale en effet. Surtout en contrôle de gestion. Et aujourd'hui, justement, on se penche sur un outil qui essaie d'apporter des réponses : le tableau de bord prospectif, ou Balanced Scorecard, le BSC, de Kaplan et Norton.
- Speaker #1
D'accord. L'idée, c'est d'en extraire la substance avec un regard science de gestion. On va s'appuyer sur leurs articles, bien sûr, des études de cas, Rockwater, FMC, mais aussi des analyses critiques pour une vision équilibrée. Hanne Norreklit, par exemple.
- Speaker #2
Tout à fait. Une vision nuancée est essentielle.
- Speaker #1
Alors allons-y, le BSC c'est quoi au juste, fondamentalement ?
- Speaker #2
Eh bien, le BSC ça élargit la vue au-delà de la finance seule, qui est souvent rétrospective. On regarde dans le rétroviseur, il ajoute trois autres dimensions clés.
- Speaker #1
Lesquelles ?
- Speaker #2
La perspective client, les processus internes et ce qu'ils appellent l'apprentissage organisationnel, ou parfois croissance et développement. L'idée c'est de traduire la vision, la stratégie... en objectifs et en indicateurs mesurables sur ces quatre axes. Des axes qui sont censés être liés d'ailleurs.
- Speaker #1
Donc c'est bien plus qu'une simple liste d'indicateurs alors ? C'est un système !
- Speaker #2
Exactement. Et c'est là toute la force du concept, selon Kaplan et Norton. Le BSC se veut un système de management stratégique. Il fait le lien entre le long terme et les actions court terme. Il aide à aligner l'organisation, il facilite la communication de la stratégie et il permet un apprentissage en continu. Et il met aussi l'accent sur la gestion des actifs qu'on dit immatériels. Le capital humain, l'information, la culture et leur alignement. C'est ce qu'ils appellent la strategic readiness. En gros, est-ce qu'on est prêt avec nos ressources humaines, techno, organisationnelles, pour exécuter la stratégie ?
- Speaker #1
Et pourquoi ce besoin d'aller chercher plus loin que le financier ? Ce n'était pas suffisant ?
- Speaker #2
Les indicateurs financiers montrent le résultat passé, mais pas toujours comment on va créer de la valeur demain. Et ils ont du mal à guider les actions sur le terrain, concrètement. Il y a cette anecdote assez connue du manager chez Rockwater qui demandait : « Ok, la mission c'est bien joli, mais moi sur ma plateforme pétrolière, je fais quoi ? »
- Speaker #1
Ah oui, ça illustre bien. Le BSC essaye de rendre la stratégie actionnable.
- Speaker #2
C'est ça. Et il peut aussi aider à mettre de l'ordre. Quand il y a plein d'initiatives d'amélioration qui coexistent, qualité totale, réingénierie, etc., ça peut créer de la confusion. FMC Corporation a vécu ça. Le BSC peut devenir un cadre unificateur.
- Speaker #1
D'accord. Et comment ça se met en place, alors, concrètement ? Ça a l'air assez lourd, non ?
- Speaker #2
Ça demande un investissement, c'est sûr. Typiquement, ça commence par des ateliers, avec la direction pour bien clarifier la stratégie, les objectifs sur les quatre perspectives. Ensuite, on définit les indicateurs, financiers, mais aussi non financiers.
- Speaker #1
Vous avez un exemple ?
- Speaker #2
Oui, Rockwater, justement. Ils ont traduit leur stratégie, qui reposait sur des services supérieurs, la satisfaction client, l'amélioration continue, etc., en mesures concrètes. Par exemple, le retour sur capital employé, bien sûr, mais aussi le taux de satisfaction de leurs clients stratégiques, un indice de performance projet ou même le pourcentage du chiffre d'affaires venant de nouveaux services.
- Speaker #1
Ça rend les choses plus tangibles, effectivement. Mais est-ce que c'est juste une affaire d'experts qui définissent des indicateurs dans leurs coins ? Quel est le rôle du management là-dedans ?
- Speaker #2
Non, surtout pas. C'est absolument crucial. L'implication active des managers est absolument déterminante. Chez FMC, par exemple, les directeurs de division ont développé leur propre BSC. Mais attention, guidés par la direction générale avec des principes clairs.
- Speaker #1
Comme quoi par exemple ?
- Speaker #2
D'accord. Donc privilégier les mesures de résultats, les outputs, plutôt que de juste mesurer l'activité, les processus. Et s'assurer que les mesures soient objectives, quantifiables si possible. Le but c'est vraiment de piloter l'atteinte des objectifs stratégiques, pas juste de cocher des cases d'activité.
- Speaker #1
D'accord. Donc un outil puissant. Mais j'imagine qu'il y a des limites, des critiques ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr. Et c'est important d'en parler, surtout dans une perspective de recherche en gestion. Hanne Norreklit, que vous citiez, a pas mal questionné l'hypothèse de base, ces fameux liens de causalité directs entre les perspectives.
- Speaker #1
C'est-à-dire ?
- Speaker #2
Est-ce que, par exemple, améliorer la satisfaction client mène automatiquement et toujours à de meilleurs résultats financiers ? C'est pas si simple. La réalité est souvent plus complexe. Norreklit suggère que les relations relèvent peut-être plus de l'interdépendance ou d'une recherche de cohérence globale, plutôt qu'une chaîne causale simple et linéaire. La question des délais aussi. Le temps entre une action et son effet, c'est assez peu explicite dans le modèle initial.
- Speaker #1
Je vois. Mais alors si ces liens de cause à effet sont incertains, ou en tout cas pas automatiques, est-ce que ça ne fragilise pas le BSC comme outil de pilotage ? Comment on pilote avec la cohérence si on ne peut pas prouver la causalité directe ?
- Speaker #2
Excellente question. C'est un vrai débat. Ça veut dire qu'il ne faut sans doute pas voir le BSC comme une sorte de recette miracle où il suffit d'agir sur un levier pour obtenir mécaniquement un résultat ailleurs. L'analyse financière classique, le calcul économique, ça reste indispensable pour évaluer si les actions sont rentables.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #2
Mais, même avec ces critiques, la valeur du BSC, elle est peut-être moins dans la validation de causalité stricte que dans sa capacité à, comment dire, à structurer le dialogue stratégique, à forcer l'organisation à réfléchir aux liens, même s'ils sont complexes, entre les différentes facettes de sa performance.
- Speaker #1
Bon, alors, si on essaye de synthétiser, pour des spécialistes en management et contrôle de gestion, qu'est-ce qu'on retient ? Le BSC, c'est un cadre structurant pour traduire la stratégie en actions et surtout pour élargir la mesure au-delà de la seule finance.
- Speaker #2
Oui, c'est ça. Il s'est vraiment imposé comme un système de pilotage stratégique majeur. Il favorise l'alignement, la communication, l'apprentissage. Sa grande contribution, je pense, même en tenant compte des débats sur la causalité, c'est de fournir une architecture pour déployer et suivre la stratégie de façon multidimensionnelle. C'est un outil pour penser et pour agir la stratégie de manière plus intégrée. Et ça nous laisse peut-être avec une question pour aller plus loin. Jjustement, cette idée de rechercher la cohérence entre les dimensions de la performance, plutôt que de postuler une causalité linéaire simple. Comment est-ce que ça pourrait enrichir concrètement nos pratiques de pilotage stratégique et le contrôle de gestion ? Tant pour la recherche que pour l'application en entreprise. C'est une piste de réflexion intéressante je trouve. Sur ce, on vous laisse avec ces questions stimulantes. A la prochaine. Au revoir. Au revoir.