- Speaker #0
Bienvenue dans les podcasts d'AUNEGe en collaboration avec IAE FRANCE pour le troisième volet de la série Grands Auteurs. Sonia et Eddy vont vous parler de Daniel Spulber et la théorie de l'intermédiation de la firme.
- Speaker #1
Bienvenue. Aujourd'hui, on se penche sur des travaux vraiment importants. Ceux de Daniel Spulber sur la théorie de l'intermédiation de la firme.
- Speaker #2
Oui, bonjour. C'est une perspective assez fascinante qui cherche à faire le pont entre l'économie et le management.
- Speaker #1
Exactement. On va s'appuyer sur ces articles clés, ceux des années 90 et début 2000, mais aussi sur des choses plus récentes, sur la concurrence, les plateformes.
- Speaker #2
Tout à fait.
- Speaker #1
Notre but, c'est de bien saisir l'essence de cette théorie et de voir pourquoi elle nous parle encore autant aujourd'hui pour comprendre ce que font les entreprises.
- Speaker #2
C'est ça. L'idée centrale chez Spulber, c'est de dire « Attention, la firme, ce n'est pas juste une boîte qui produit des trucs. » C'est d'abord et avant tout un intermédiaire.
- Speaker #1
Un intermédiaire ?
- Speaker #2
C'est-à-dire un acteur qui crée et qui gère les marchés, qui met en relation les fournisseurs et les clients, qui structure leurs échanges.
- Speaker #1
D'accord, alors creusons un peu ça. Spulber, il s'inspire de cause, de cette idée que utiliser le marché, ça coûte quelque chose.
- Speaker #2
Oui, les fameux coûts de transaction, ces points de départ.
- Speaker #1
Voilà, chercher l'information, négocier, établir des contrats, tout ça, ça a un coût. Et l'entreprise, elle serait là pour réduire ses coûts en internalisant.
- Speaker #2
Exactement. Elle internalise une partie de ses frictions. Et ses coûts, ils sont vraiment multiples. Il y a les coûts de recherche, trouver le bon partenaire. Il y a les asymétries d'informations. On pense au problème des "Lemons" d'Akerlof, où l'incertitude sur la qualité peut carrément bloquer un marché.
- Speaker #1
Ah oui, classique.
- Speaker #2
Sans parler de l'aléa moral, de l'opportunisme après signature. Bon, face à ça, l'intermédiaire apporte des solutions.
- Speaker #1
Lesquelles par exemple ?
- Speaker #2
Il agrège l'offre et la demande déjà. Ça simplifie la recherche. Il peut fournir des garanties, surveiller les transactions ou juste faciliter la rencontre. C'est ça qu'il appelle la microstructure des marchés.
- Speaker #1
La microstructure ?
- Speaker #2
Oui, en gros, toute la mécanique fine qui permet aux échanges de se faire de manière fluide.
- Speaker #1
Ok, je vois. Et donc concrètement, quelles sont les fonctions clés de cet intermédiaire selon Spulber ?
- Speaker #2
Il en identifie plusieurs dans ses travaux de 1996, notamment. D'abord...f ixer les prix. C'est l'intermédiaire qui ajuste pour équilibrer offre et demande.
- Speaker #1
C'est là qu'on trouve le "bid-ask spread" ?
- Speaker #2
Exactement, chaque marché qui le rémunère. Ensuite, il fournit de la liquidité. Par exemple, en ayant des stocks, il assure qu'on puisse acheter ou vendre rapidement.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #2
Il y a aussi la coordination, mettre en relation, faire du courtage. Et enfin, et c'est crucial, une fonction de sûreté, de certification ou de surveillance. Garantir la qualité. veiller à la bonne exécution des contrats.
- Speaker #1
Ce qui est intéressant, c'est que ça dépasse la simple mise en relation.
- Speaker #2
Ah oui, largement. L'entreprise ne fait pas que faciliter le marché, elle le crée activement par ses fonctions. C'est un point fort de cette théorie.
- Speaker #1
Et du coup, comment un intermédiaire peut-il construire un avantage concurrentiel là-dessus ? Si son rôle, c'est de créer le marché.
- Speaker #2
C'est là que ça devient stratégique. L'avantage durable, d'après Spulber, il vient de plusieurs choses. D'abord, les économies d'échelle.
- Speaker #1
Dans le traitement des transactions, j'imagine ?
- Speaker #2
Oui, plus il gère de flux, plus il devient efficace, moins ça lui coûte par transaction. Ensuite, il y a la diversification des risques parce qu'il interagit avec plein d'acteurs différents.
- Speaker #1
Et la réputation, sans doute ?
- Speaker #2
Surtout, la réputation, la confiance. C'est un actif énorme, ça attire les acheteurs et les vendeurs. C'est beaucoup plus dur à construire dans des échanges bilatéraux isolés. Et d'ailleurs, quand il y a plusieurs intermédiaires, la concurrence se joue là-dessus, sur la qualité de ses services, sur les marges. Alexandrov, Deltas et Spulber ont travaillé là-dessus aussi.
- Speaker #1
Et là, on voit bien le lien avec la stratégie. C'est passionnant. Parce que ça connecte l'analyse du marché, un peu à la Porter, avec la vision basée sur les ressources internes, la RBV.
- Speaker #2
Tout à fait. Spulber montre bien comment le choix des marchés où une entreprise va intermédier et comment elle s'organise pour le faire, ça dépend directement de ses capacités spécifiques à réduire ces fameux coûts de transaction mieux que les autres.
- Speaker #1
C'est une vision très intégrée finalement.
- Speaker #2
Très intégrée. Et ce qui est frappant, c'est de voir comme ces idées, parfois anciennes, s'appliquent bien aux plateformes numériques aujourd'hui.
- Speaker #1
Ah oui ? Malgré les spécificités du numérique ?
- Speaker #2
Bien sûr, les plateformes ont leurs particularités, les effets de réseaux bilatéraux, etc. Adieu et Spulber l'ont montré plus récemment. Mais les fonctions de base...
- Speaker #1
Hum...restent les mêmes.
- Speaker #2
Fondamentalement, oui. Réduire les coûts de recherche, faciliter les rencontres, fixer des prix, commissions, abonnements. Gérer la confiance, la réputation à grande échelle. C'est toujours de l'intermédiation. Les concepts de Spulber offrent une grille d'analyse vraiment puissante.
- Speaker #1
Donc si on devait retenir une idée clé... C'est peut-être que l'essence de beaucoup d'entreprises, au-delà de la production elle-même, c'est cette capacité à structurer les échanges, à rendre les marchés possibles et efficaces.
- Speaker #2
Exactement. Ce sont des architectes de marché en quelque sorte. Et ça nous amène à une question importante pour nous, chercheurs, aujourd'hui.
- Speaker #1
Laquelle ?
- Speaker #2
Dans ce monde de plus en plus dominé par les plateformes, par ces intermédiaires numériques géants, comment est-ce que cette compréhension fine des coûts de transaction, du rôle créateur de marché de l'intermédiaire à la Spulber, comment est-ce que ça peut nous aider à analyser les dynamiques actuelles ?
- Speaker #1
Les dynamiques de pouvoir, d'innovation.
- Speaker #2
Oui, et même les questions de régulation de ces acteurs qui sont devenus si centraux. Comprendre leurs fonctions d'intermédiation, c'est peut-être la clé.
- Speaker #1
Une piste de réflexion très stimulante pour finir. Merci beaucoup.
- Speaker #2
Merci à vous. A la prochaine. Aa revoir. Au revoir.