undefined cover
undefined cover
[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques cover
[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques cover
Les Voix du livre

[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques

[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques

14min |18/11/2024
Play
undefined cover
undefined cover
[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques cover
[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques cover
Les Voix du livre

[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques

[EN HAUT DE LA PILE épisode 12 ] Éclairage et critiques de la rédaction de Livres Hebdo, coups de cœur de notre équipe de critiques

14min |18/11/2024
Play

Description

Dans cet extrait de l'épisode 12 : Bibliothèques 2.0, quand le lien social se réinvente entre les rayons


Dans la rubrique En Haut de la pile, la 3ème partie du podcast, retrouvez l'éclairage et les coups de cœur de la rédaction de Livres Hebdo.


Les journalistes de Livres Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, accueillent un invité, le journaliste Hubert Artus, pour débattre autour de leurs derniers coups de cœur. Au programme: Pionnière d’un monde funéraire, par Juliette Cazes, aux Editions du Trésor; Cucul de Camille Emmanuelle aux éditions du Seuil, au label Verso;  La grande conspiration affective - un thriller théorique, de Romain Noël, aux éditions du Seuil; Synthétique & toxique de Chien Fou et Aucune notification de Pauline Harmange, à  La Fourmi éditions.


Les Voix du livre, une source incontournable d'informations et d'inspiration pour vous, oreilles passionnées par le monde du Livre et professionnels qui le faites rayonner chaque jour.

Animé par Lauren Malka, journaliste indépendante et podcasteuse, ce podcast est une invitation dans l'univers de Livres Hebdo en plusieurs séquences.


Un podcast réalisé en partenariat avec les Éditions Dunod, l’éditeur de la transmission de tous les savoirs. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Voix du livre en haut de la pile

  • Speaker #1

    Bienvenue dans En haut de la pile la dernière rubrique du podcast de Livre Hebdo, les voix du livre. Je suis entourée de deux journalistes de Livre Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, bonjour à tous les deux, et d'un invité spécial. Hubert Arthus, bonjour Hubert. Bonjour. Merci d'être avec nous. Tu es journaliste indépendant dans le domaine de la littérature, du polar et du foot, notamment pour Lire et le Parisien Week-end. Tu es programmateur de Quai du Polar à Lyon, qui a lieu en avril, et tu modères des tables rondes un peu partout en France. La prochaine est à Cognac, je crois. Oui,

  • Speaker #2

    mi-novembre, le festival littérature européenne de Cognac. Et là, c'est l'Irlande le pays invité.

  • Speaker #1

    Ok, rendez-vous à Cognac en novembre. Pauline, on commence avec toi, parce que tu nous parles d'une... tendance qu'on pourrait croire sans avenir mais qui, en fait, vit sa meilleure vie.

  • Speaker #3

    Excellente introduction puisque je vais parler de la mort, tout simplement. Cela fait déjà quelques années que le fait divers s'est bien implanté dans l'édition, avec moult couvertures en librairie mentionnant tueurs en série ou crimes vertigineux. Mais la donne est un petit peu en train de changer et cela fait plaisir. Car dernièrement, ce n'est plus ceux qui donnent les coups de couteau qui ont la cote, mais ceux qui se les prennent, les coups de couteau. Vous l'aurez compris, Aujourd'hui, on va parler cadavres, ou en tout cas de ceux qui dialoguent avec eux. Car Halloween oblige, je ne pouvais pas passer à côté de cet énorme phénomène de librairie, a.k.a. le docteur Boxo, a.k.a. le médecin légiste qui te vend plus de livres que le prix Renaudot, et dont le dernier ouvrage sorti en août, La mort en face, est toujours dans le classement des meilleures ventes. De ceux qui parlent de mort et en font un succès, il n'est pas le seul. En avril dernier, la québécoise qui, je cite, redonne la voix aux victimes Victoria Charleston, avait réuni une belle foule officielle du livre de Paris. Mais aussi sorti l'année dernière, l'embaumeuse de Juliette Cuisinerénal, Paris en poche en octobre. Bref, je me suis plongée dans ces bouquins d'apparence un poil morbide et suis tombée sur un drôle de petit livre intitulé Pionnières du monde funéraire. C'est écrit par Juliette Caz et ça sort le 31 octobre. Pour faire court, Juliette, ancienne agente de chambres funéraires et fausses soyeuses, s'est sentie un petit peu seule dans ce monde de mort dans lequel elle officiait. Alors, spoiler alert, c'est pas à cause des cadavres qu'elle se sent seule, Juliette, mais à cause de l'absence, ou plutôt de cette fameuse invisibilisation de figures féminines et inspirantes dans son milieu professionnel. Alors, elle va se lancer à la chasse aux archives, et va réunir en un peu moins de 150 pages, les destins fous de faux-soyeuses, de directrices de maisons funéraires, et autres aventurières du scalpel. C'est une écriture... assez simple et très douce qui nous immerge littéralement dans ce milieu avec beaucoup de bienveillance. On se retrouve nous aussi en robe et bottines, les pieds dans la boue, à comprendre que se frotter ainsi à la mort n'est pas lugubre, bien au contraire. Lire ce livre finalement pour moi, c'est mettre les pieds sur terre et quitter l'imaginaire froid et glauque véhiculé par toutes ces histoires qui parlent de meurtre. Parce que je crois qu'on a quand même marre de ces docu Netflix là, Jeffrey Dahmer. On en a marre de ces histoires qui font le buzz pour quelques litres de faux sang jetés à l'écran et on n'en peut plus de ces récits qui fantasment la mort sans jamais l'effleurer.

  • Speaker #1

    Merci Pauline. Hubert, tu veux réagir ?

  • Speaker #2

    Alors c'est quelque chose que j'ai découvert il y a quelques mois par deux ou trois livres comme ça. C'est un phénomène à la fois de narration et d'édition qui vient à la fois des true crimes américains. On ne cherche plus à glorifier ou à découvrir le côté obscur de l'être humain par le serial killer, par la personne qui... plante le couteau et provoque le fait d'hiver. Mais ça, c'est aussi l'influence de l'affaire de petit Grégory, dont on reparle ces temps-ci en France. On cherche à voir ce qu'il en a été chez les victimes. C'est une manière de considérer ce côté obscur de l'être humain, mais par la victime aussi, mine de rien. Sean ?

  • Speaker #4

    Oui, oui, la mort, le problème, c'est qu'on l'évite beaucoup dans nos sociétés, puisqu'on est dans une société d'éternelle jeunesse et qu'on ne veut pas mourir. Et ce qui est toujours intéressant, c'est la mort qui n'est pas extraordinaire, justement. On accepte la mort quand on est coupé en rondelles. Quand il y a un accident horrible, voilà. On n'est pas... Elle est représentée dans l'art, c'est-à-dire le 7e art ou la littérature, dans ce sens-là. Mais en fait, la mort naturelle, c'est très difficile d'en parler. Alors maintenant, il y a une série de questionnements sur la fin de vie, évidemment. Mais je pense que la littérature va s'en parler aussi de ça.

  • Speaker #1

    On accepte la mort que quand on est coupé en rondelles. Ce sera la phrase du jour. Pionnière du monde funéraire, la mort a changé leur vie. C'est aux éditions du Trésor. Hubert, notre invité du jour, tu nous parles d'un roman qui illustre une tendance ou plutôt qui y répond, enfin qui la contrefait avec une certaine dose d'ironie.

  • Speaker #2

    C'est exactement ça, parce que c'est à l'occasion du roman Cucu de Camille Emmanuel, qu'on connaît, autrice de livres sur l'empire. Power Moms Feminist, notamment aux éditions Grasset, une autrice qu'on avait déjà vu pasticher la New Romance, justement, dans un livre aux éditions Thierry Magnier. Et là, donc, Cucu, c'est un roman dans le label Verso, aux éditions du Seuil, qui tient autant du pastiche, justement, que du pamphlet contre la Dark Romance, qui est un peu une excroissance de la New Romance. Pour faire vite fait, la New Romance, le symbole, c'est Sarah Reavens, 24 ans, algérienne, la saga captive. qui s'est écoulée depuis deux ans à des centaines de milliers d'exemplaires. La dark romance, c'est une déclinaison de la new romance qui reprend les codes de la littérature érotique de soumission, Histoire d'eau de Dominique Horry, À 50 nuances de Grey de E.L. James, tout en faisant du consentement de l'héroïne quelque chose de complètement illusoire. Ce qui est fou, c'est qu'à une époque où on réécrit quand même Dipty Negron, Ils étaient dix, etc., où on cherche à retraduire des romans qui ont posé problème pour des questions, et ça peut être à juste titre parfois, des questions de... de racisme latent. Ici, on a donc une tendance de la littérature, enfin du genre romanesque, qui valorise la masculinité toxique, qui valorise la domination de corps ou de classe, où l'action se situe dans des milieux très bling-bling, où le personnage féminin est soumis, voire violenté, avant de s'éprendre de son bourreau. C'est le enemy to lovers de l'ennemi à l'amoureux. Et c'est précisément de cette figure de enemy to lovers C'est à ça que s'attache Camille Emmanuel dans son roman. Alors, QQ, c'est l'histoire de Marie, qui est une professeure à Paris, contractuelle. Elle n'est pas complètement titulaire donc. Et puis, on lui propose un jour d'écrire une romance. Elle l'écrit en y répondant les codes. Et puis un jour, comme ça marche bien, son éditrice ne lui propose pas, mais l'incite, voire l'oblige à se mettre à la dark romance. Et justement, d'obéir à tous ces codes-là. Sauf que notre professeure, elle est L-féministe. Donc ça la heurte. évidemment et ça fait même plus que la heurtée et ça va jusqu'à l'acte manqué parce qu'un soir elle referme son ordinateur, là c'est le premier chapitre je ne spoile rien, elle a inventé un personnage justement qui correspond à cet archétype et puis le personnage va prendre vie donc elle va avoir son propre Frankenstein si vous voulez devant elle et c'est là que ça devient du coup un roman de Camille Emmanuel mais qui raconte un roman de son héroïne Marie aux prises avec son propre personnage qui est donc lui qui incarne la masculinité toxique aujourd'hui en 2023, en 2024

  • Speaker #1

    Pauline, je sens que tu as des choses à dire sur ce texte.

  • Speaker #3

    Non mais oui, Dark Romance, vaste débat, mais hyper contente de retrouver Camille Emmanuel dans une écriture qui lui convient enfin après avoir été, alors au-delà de la question de la Dark, qui a été contrainte par les lois marketing d'une édition de masse, ça c'est sûr, la retrouver dans une écriture libre, hyper fun, parce que c'est quand même hyper fun ce bouquin. Ça fait hyper plaisir.

  • Speaker #1

    Merci Hubert, merci Pauline. Cucu de Camille Emmanuel, sorti le 18 octobre dans la collection Verso au Seuil. Verso, c'est le nouveau label des littératures de genre. Sean, c'est à toi, tu nous parles d'un premier roman OVNI, on peut dire que c'est un peu ta spécialité. Oui,

  • Speaker #4

    OVNI ou les ZOLNI, littéraires non identifiés. Un premier roman de Romain Noël, La grande conspiration affective Le sous-titre, c'est un thriller théorique. Et ça commence très bien parce qu'il annonce, dès l'inquiète, il dit Je dois avouer qu'à un moment donné, j'en ai eu marre de la théorie. Or, évidemment, tout le livre, il y a plein de concepts, mais ça n'empêche qu'il y a une vraie histoire, on tourne les pages. C'est un jeune chercheur qui fait un mémoire sur la souffrance animale et concomitamment, il souffre, il vit une catastrophe amoureuse, l'homme de sa vie, il se quitte. Et donc, c'est... Et par cette souffrance, il va comprendre qu'on est tous liés. Il veut réhabiliter, en fait, justement, dans cette époque très anesthésiée, où on ne veut ni réfléchir, ni souffrir, finalement. Puisque finalement, la pensée aussi, quelque chose qui peut faire souffrir, parce que parfois, on est presque plus heureux de ne pas penser, n'est-ce pas ? Mais là, il veut réhabiliter, comme il y a ce mot anthropocène, cette ère où l'homme, par son empreinte, a complètement bouleversé le climat. Il veut, il invente le pathocène, c'est l'ère du retour des sentiments, voire du sentimental, de la mystique de l'amour. Donc il invente, il y a la fake theory, la BDSM apocalypse, la transpassion. En fait, il y a des références à Barthes, Deleuze, Soucault, mais vraiment, ça foisonne, on rencontre des personnages très intéressants. Et je voulais vous dire que c'est le premier livre qui est sous la houlette, si je puis dire, de... Christine Marcandier qui reprend la collection du regretté Maurice Hollander à la librairie du XXIe siècle. Et voilà, ça promet effectivement que cette belle collection de Maurice Hollander se continue avec des livres extraordinaires. On sait que la librairie du XXe siècle, c'est les Perrecs, il y a Duvernan. Là, il montre avec la grande conspiration affective, Romain Noël, son énorme talent. C'est tout à fait passionnant et c'est une forme de page-turner.

  • Speaker #1

    Hubert, est-ce que tu veux...

  • Speaker #2

    Alors, je ne l'ai pas encore lu, mais ça m'attire beaucoup parce qu'effectivement, on est entre la théorie et l'expérimental pur et puis quand même l'envie de délire narratif. C'est ça que moi, j'aime bien dans ce que j'ai lu. Pour le moment, j'ai lu le début. Parce que le titre me plaisait, parce que je me sentais à la fois dans le roman noir un peu péréquin à la Jean-Bernard Pouy justement, ou à la Hervé Le Télé quand il en a fait.

  • Speaker #4

    C'est très queer quand même, j'appelle ça une cuiriosité littéraire. C'est intéressant, c'est ce que veut faire Christine Marcandier. L'acte, elle veut, quand elle a repris cette collection, elle veut quand même marquer ce côté un peu queer, et aussi des histoires de climat, d'écologie, et donc en fait imprimer cette collection vers des... problématiques très contemporaines.

  • Speaker #2

    C'était quelque chose que le Seuil n'était pas encore arrivé complètement à faire. Je me rappelle, il y a 3-4 ans, dans le livre des Mapis, justement, qui avaient essayé de se saisir de la question queer dans un roman codifié complètement autrement. Ils n'y étaient pas complètement arrivés. C'était à l'époque des livres augmentés. Là, ils essayent de reprendre ça, mais avec le vrai objet livre et littérature. C'est ça l'éternel problème de fond et de forme. Et là, apparemment, ça y répond.

  • Speaker #1

    Un cabinet de curiosité littéraire et de... Olny, La grande conspiration affective de Romain Noël, merci Sean. On termine avec Mon coup de cœur, deux livres qui ressemblent à des cadeaux, des fictions très courtes, moins de 100 pages et qui font retrouver le plaisir de l'objet papier avec des couvertures texturées, embossées à l'arrière, un papier épais mais pour adultes et sur des thèmes féministes et queer à nouveau. Le militantisme par les livres enrobés de douceur comme des bonbons en sachet. Pour moi, c'est un programme en soi et c'est le programme de la Fourmi Édition, une maison qui vient de naître à Lille, fondée par trois femmes, Nathalie Séjean, Marie Pereira et Chienfou. Chienfou, c'est le pseudo d'une tatoueuse qui signe l'un des premiers romans de cette maison, un roman graphique, synthétique, toxique, l'histoire d'une jeune femme qui tombe amoureuse d'une autre femme et qui se demande s'il faut tout dire à la personne dont on tombe amoureux. Est-ce que certaines parties de nous peuvent rester secrètes ? Est-ce que tout dire à l'autre, c'est une preuve d'amour ? où c'est le syndrome d'un déversoir. Le dessin est d'une délicatesse rare, le texte minimaliste et subtil, on vibre en lisant ce livre. Coup de foudre aussi pour le livre de Pauline Armange, qui sort au même moment, dans la même maison, et qui s'appelle Aucune Notification. C'est l'histoire d'un texto qui ne vient pas dans le couple, on sait le vertige que ça peut engendrer, mais vu du point de vue du mec. Alors là, c'est inattendu et c'est nouveau. Pauline Armange, c'est aussi l'autrice de Moi, les hommes, je les déteste Et là, elle fait fort parce qu'elle offre la plus belle déclaration d'amour aux hommes, de nouvelles représentations qui les invitent à accepter leur fragilité, leurs doutes, leurs vulnérabilités. C'est très beau et c'est très nouveau. Une question quand même, comment tenir économiquement quand on propose un travail aussi minutieux, des livres précieux ? Réponse, on fait comme la fourmi de la fable, on avance doucement avec prudence. L'un des leviers de cette maison, c'est la pré-vente. qui est de plus en plus souvent pratiquée dans l'édition. Elle permet de financer l'impression des premiers livres et d'estimer le nombre de lecteurs et de lectrices pour chaque titre. C'est une façon raisonnée et durable de repenser l'économie du livre en évitant la surproduction et en évitant aussi de crier famine comme la cigale voisine. Je souhaite à cette fourmi d'aller très loin à petits pas parce qu'on a vraiment besoin d'auteurs et d'autrices et de maisons d'édition qui renouvellent les imaginaires. et leur mode de production et de circulation. Et sur ce, je vous souhaite un bel automne marqué par l'abondance littéraire et on se retrouve le mois prochain dans le prochain épisode. Merci.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livre Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, Abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Description

Dans cet extrait de l'épisode 12 : Bibliothèques 2.0, quand le lien social se réinvente entre les rayons


Dans la rubrique En Haut de la pile, la 3ème partie du podcast, retrouvez l'éclairage et les coups de cœur de la rédaction de Livres Hebdo.


Les journalistes de Livres Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, accueillent un invité, le journaliste Hubert Artus, pour débattre autour de leurs derniers coups de cœur. Au programme: Pionnière d’un monde funéraire, par Juliette Cazes, aux Editions du Trésor; Cucul de Camille Emmanuelle aux éditions du Seuil, au label Verso;  La grande conspiration affective - un thriller théorique, de Romain Noël, aux éditions du Seuil; Synthétique & toxique de Chien Fou et Aucune notification de Pauline Harmange, à  La Fourmi éditions.


Les Voix du livre, une source incontournable d'informations et d'inspiration pour vous, oreilles passionnées par le monde du Livre et professionnels qui le faites rayonner chaque jour.

Animé par Lauren Malka, journaliste indépendante et podcasteuse, ce podcast est une invitation dans l'univers de Livres Hebdo en plusieurs séquences.


Un podcast réalisé en partenariat avec les Éditions Dunod, l’éditeur de la transmission de tous les savoirs. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Voix du livre en haut de la pile

  • Speaker #1

    Bienvenue dans En haut de la pile la dernière rubrique du podcast de Livre Hebdo, les voix du livre. Je suis entourée de deux journalistes de Livre Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, bonjour à tous les deux, et d'un invité spécial. Hubert Arthus, bonjour Hubert. Bonjour. Merci d'être avec nous. Tu es journaliste indépendant dans le domaine de la littérature, du polar et du foot, notamment pour Lire et le Parisien Week-end. Tu es programmateur de Quai du Polar à Lyon, qui a lieu en avril, et tu modères des tables rondes un peu partout en France. La prochaine est à Cognac, je crois. Oui,

  • Speaker #2

    mi-novembre, le festival littérature européenne de Cognac. Et là, c'est l'Irlande le pays invité.

  • Speaker #1

    Ok, rendez-vous à Cognac en novembre. Pauline, on commence avec toi, parce que tu nous parles d'une... tendance qu'on pourrait croire sans avenir mais qui, en fait, vit sa meilleure vie.

  • Speaker #3

    Excellente introduction puisque je vais parler de la mort, tout simplement. Cela fait déjà quelques années que le fait divers s'est bien implanté dans l'édition, avec moult couvertures en librairie mentionnant tueurs en série ou crimes vertigineux. Mais la donne est un petit peu en train de changer et cela fait plaisir. Car dernièrement, ce n'est plus ceux qui donnent les coups de couteau qui ont la cote, mais ceux qui se les prennent, les coups de couteau. Vous l'aurez compris, Aujourd'hui, on va parler cadavres, ou en tout cas de ceux qui dialoguent avec eux. Car Halloween oblige, je ne pouvais pas passer à côté de cet énorme phénomène de librairie, a.k.a. le docteur Boxo, a.k.a. le médecin légiste qui te vend plus de livres que le prix Renaudot, et dont le dernier ouvrage sorti en août, La mort en face, est toujours dans le classement des meilleures ventes. De ceux qui parlent de mort et en font un succès, il n'est pas le seul. En avril dernier, la québécoise qui, je cite, redonne la voix aux victimes Victoria Charleston, avait réuni une belle foule officielle du livre de Paris. Mais aussi sorti l'année dernière, l'embaumeuse de Juliette Cuisinerénal, Paris en poche en octobre. Bref, je me suis plongée dans ces bouquins d'apparence un poil morbide et suis tombée sur un drôle de petit livre intitulé Pionnières du monde funéraire. C'est écrit par Juliette Caz et ça sort le 31 octobre. Pour faire court, Juliette, ancienne agente de chambres funéraires et fausses soyeuses, s'est sentie un petit peu seule dans ce monde de mort dans lequel elle officiait. Alors, spoiler alert, c'est pas à cause des cadavres qu'elle se sent seule, Juliette, mais à cause de l'absence, ou plutôt de cette fameuse invisibilisation de figures féminines et inspirantes dans son milieu professionnel. Alors, elle va se lancer à la chasse aux archives, et va réunir en un peu moins de 150 pages, les destins fous de faux-soyeuses, de directrices de maisons funéraires, et autres aventurières du scalpel. C'est une écriture... assez simple et très douce qui nous immerge littéralement dans ce milieu avec beaucoup de bienveillance. On se retrouve nous aussi en robe et bottines, les pieds dans la boue, à comprendre que se frotter ainsi à la mort n'est pas lugubre, bien au contraire. Lire ce livre finalement pour moi, c'est mettre les pieds sur terre et quitter l'imaginaire froid et glauque véhiculé par toutes ces histoires qui parlent de meurtre. Parce que je crois qu'on a quand même marre de ces docu Netflix là, Jeffrey Dahmer. On en a marre de ces histoires qui font le buzz pour quelques litres de faux sang jetés à l'écran et on n'en peut plus de ces récits qui fantasment la mort sans jamais l'effleurer.

  • Speaker #1

    Merci Pauline. Hubert, tu veux réagir ?

  • Speaker #2

    Alors c'est quelque chose que j'ai découvert il y a quelques mois par deux ou trois livres comme ça. C'est un phénomène à la fois de narration et d'édition qui vient à la fois des true crimes américains. On ne cherche plus à glorifier ou à découvrir le côté obscur de l'être humain par le serial killer, par la personne qui... plante le couteau et provoque le fait d'hiver. Mais ça, c'est aussi l'influence de l'affaire de petit Grégory, dont on reparle ces temps-ci en France. On cherche à voir ce qu'il en a été chez les victimes. C'est une manière de considérer ce côté obscur de l'être humain, mais par la victime aussi, mine de rien. Sean ?

  • Speaker #4

    Oui, oui, la mort, le problème, c'est qu'on l'évite beaucoup dans nos sociétés, puisqu'on est dans une société d'éternelle jeunesse et qu'on ne veut pas mourir. Et ce qui est toujours intéressant, c'est la mort qui n'est pas extraordinaire, justement. On accepte la mort quand on est coupé en rondelles. Quand il y a un accident horrible, voilà. On n'est pas... Elle est représentée dans l'art, c'est-à-dire le 7e art ou la littérature, dans ce sens-là. Mais en fait, la mort naturelle, c'est très difficile d'en parler. Alors maintenant, il y a une série de questionnements sur la fin de vie, évidemment. Mais je pense que la littérature va s'en parler aussi de ça.

  • Speaker #1

    On accepte la mort que quand on est coupé en rondelles. Ce sera la phrase du jour. Pionnière du monde funéraire, la mort a changé leur vie. C'est aux éditions du Trésor. Hubert, notre invité du jour, tu nous parles d'un roman qui illustre une tendance ou plutôt qui y répond, enfin qui la contrefait avec une certaine dose d'ironie.

  • Speaker #2

    C'est exactement ça, parce que c'est à l'occasion du roman Cucu de Camille Emmanuel, qu'on connaît, autrice de livres sur l'empire. Power Moms Feminist, notamment aux éditions Grasset, une autrice qu'on avait déjà vu pasticher la New Romance, justement, dans un livre aux éditions Thierry Magnier. Et là, donc, Cucu, c'est un roman dans le label Verso, aux éditions du Seuil, qui tient autant du pastiche, justement, que du pamphlet contre la Dark Romance, qui est un peu une excroissance de la New Romance. Pour faire vite fait, la New Romance, le symbole, c'est Sarah Reavens, 24 ans, algérienne, la saga captive. qui s'est écoulée depuis deux ans à des centaines de milliers d'exemplaires. La dark romance, c'est une déclinaison de la new romance qui reprend les codes de la littérature érotique de soumission, Histoire d'eau de Dominique Horry, À 50 nuances de Grey de E.L. James, tout en faisant du consentement de l'héroïne quelque chose de complètement illusoire. Ce qui est fou, c'est qu'à une époque où on réécrit quand même Dipty Negron, Ils étaient dix, etc., où on cherche à retraduire des romans qui ont posé problème pour des questions, et ça peut être à juste titre parfois, des questions de... de racisme latent. Ici, on a donc une tendance de la littérature, enfin du genre romanesque, qui valorise la masculinité toxique, qui valorise la domination de corps ou de classe, où l'action se situe dans des milieux très bling-bling, où le personnage féminin est soumis, voire violenté, avant de s'éprendre de son bourreau. C'est le enemy to lovers de l'ennemi à l'amoureux. Et c'est précisément de cette figure de enemy to lovers C'est à ça que s'attache Camille Emmanuel dans son roman. Alors, QQ, c'est l'histoire de Marie, qui est une professeure à Paris, contractuelle. Elle n'est pas complètement titulaire donc. Et puis, on lui propose un jour d'écrire une romance. Elle l'écrit en y répondant les codes. Et puis un jour, comme ça marche bien, son éditrice ne lui propose pas, mais l'incite, voire l'oblige à se mettre à la dark romance. Et justement, d'obéir à tous ces codes-là. Sauf que notre professeure, elle est L-féministe. Donc ça la heurte. évidemment et ça fait même plus que la heurtée et ça va jusqu'à l'acte manqué parce qu'un soir elle referme son ordinateur, là c'est le premier chapitre je ne spoile rien, elle a inventé un personnage justement qui correspond à cet archétype et puis le personnage va prendre vie donc elle va avoir son propre Frankenstein si vous voulez devant elle et c'est là que ça devient du coup un roman de Camille Emmanuel mais qui raconte un roman de son héroïne Marie aux prises avec son propre personnage qui est donc lui qui incarne la masculinité toxique aujourd'hui en 2023, en 2024

  • Speaker #1

    Pauline, je sens que tu as des choses à dire sur ce texte.

  • Speaker #3

    Non mais oui, Dark Romance, vaste débat, mais hyper contente de retrouver Camille Emmanuel dans une écriture qui lui convient enfin après avoir été, alors au-delà de la question de la Dark, qui a été contrainte par les lois marketing d'une édition de masse, ça c'est sûr, la retrouver dans une écriture libre, hyper fun, parce que c'est quand même hyper fun ce bouquin. Ça fait hyper plaisir.

  • Speaker #1

    Merci Hubert, merci Pauline. Cucu de Camille Emmanuel, sorti le 18 octobre dans la collection Verso au Seuil. Verso, c'est le nouveau label des littératures de genre. Sean, c'est à toi, tu nous parles d'un premier roman OVNI, on peut dire que c'est un peu ta spécialité. Oui,

  • Speaker #4

    OVNI ou les ZOLNI, littéraires non identifiés. Un premier roman de Romain Noël, La grande conspiration affective Le sous-titre, c'est un thriller théorique. Et ça commence très bien parce qu'il annonce, dès l'inquiète, il dit Je dois avouer qu'à un moment donné, j'en ai eu marre de la théorie. Or, évidemment, tout le livre, il y a plein de concepts, mais ça n'empêche qu'il y a une vraie histoire, on tourne les pages. C'est un jeune chercheur qui fait un mémoire sur la souffrance animale et concomitamment, il souffre, il vit une catastrophe amoureuse, l'homme de sa vie, il se quitte. Et donc, c'est... Et par cette souffrance, il va comprendre qu'on est tous liés. Il veut réhabiliter, en fait, justement, dans cette époque très anesthésiée, où on ne veut ni réfléchir, ni souffrir, finalement. Puisque finalement, la pensée aussi, quelque chose qui peut faire souffrir, parce que parfois, on est presque plus heureux de ne pas penser, n'est-ce pas ? Mais là, il veut réhabiliter, comme il y a ce mot anthropocène, cette ère où l'homme, par son empreinte, a complètement bouleversé le climat. Il veut, il invente le pathocène, c'est l'ère du retour des sentiments, voire du sentimental, de la mystique de l'amour. Donc il invente, il y a la fake theory, la BDSM apocalypse, la transpassion. En fait, il y a des références à Barthes, Deleuze, Soucault, mais vraiment, ça foisonne, on rencontre des personnages très intéressants. Et je voulais vous dire que c'est le premier livre qui est sous la houlette, si je puis dire, de... Christine Marcandier qui reprend la collection du regretté Maurice Hollander à la librairie du XXIe siècle. Et voilà, ça promet effectivement que cette belle collection de Maurice Hollander se continue avec des livres extraordinaires. On sait que la librairie du XXe siècle, c'est les Perrecs, il y a Duvernan. Là, il montre avec la grande conspiration affective, Romain Noël, son énorme talent. C'est tout à fait passionnant et c'est une forme de page-turner.

  • Speaker #1

    Hubert, est-ce que tu veux...

  • Speaker #2

    Alors, je ne l'ai pas encore lu, mais ça m'attire beaucoup parce qu'effectivement, on est entre la théorie et l'expérimental pur et puis quand même l'envie de délire narratif. C'est ça que moi, j'aime bien dans ce que j'ai lu. Pour le moment, j'ai lu le début. Parce que le titre me plaisait, parce que je me sentais à la fois dans le roman noir un peu péréquin à la Jean-Bernard Pouy justement, ou à la Hervé Le Télé quand il en a fait.

  • Speaker #4

    C'est très queer quand même, j'appelle ça une cuiriosité littéraire. C'est intéressant, c'est ce que veut faire Christine Marcandier. L'acte, elle veut, quand elle a repris cette collection, elle veut quand même marquer ce côté un peu queer, et aussi des histoires de climat, d'écologie, et donc en fait imprimer cette collection vers des... problématiques très contemporaines.

  • Speaker #2

    C'était quelque chose que le Seuil n'était pas encore arrivé complètement à faire. Je me rappelle, il y a 3-4 ans, dans le livre des Mapis, justement, qui avaient essayé de se saisir de la question queer dans un roman codifié complètement autrement. Ils n'y étaient pas complètement arrivés. C'était à l'époque des livres augmentés. Là, ils essayent de reprendre ça, mais avec le vrai objet livre et littérature. C'est ça l'éternel problème de fond et de forme. Et là, apparemment, ça y répond.

  • Speaker #1

    Un cabinet de curiosité littéraire et de... Olny, La grande conspiration affective de Romain Noël, merci Sean. On termine avec Mon coup de cœur, deux livres qui ressemblent à des cadeaux, des fictions très courtes, moins de 100 pages et qui font retrouver le plaisir de l'objet papier avec des couvertures texturées, embossées à l'arrière, un papier épais mais pour adultes et sur des thèmes féministes et queer à nouveau. Le militantisme par les livres enrobés de douceur comme des bonbons en sachet. Pour moi, c'est un programme en soi et c'est le programme de la Fourmi Édition, une maison qui vient de naître à Lille, fondée par trois femmes, Nathalie Séjean, Marie Pereira et Chienfou. Chienfou, c'est le pseudo d'une tatoueuse qui signe l'un des premiers romans de cette maison, un roman graphique, synthétique, toxique, l'histoire d'une jeune femme qui tombe amoureuse d'une autre femme et qui se demande s'il faut tout dire à la personne dont on tombe amoureux. Est-ce que certaines parties de nous peuvent rester secrètes ? Est-ce que tout dire à l'autre, c'est une preuve d'amour ? où c'est le syndrome d'un déversoir. Le dessin est d'une délicatesse rare, le texte minimaliste et subtil, on vibre en lisant ce livre. Coup de foudre aussi pour le livre de Pauline Armange, qui sort au même moment, dans la même maison, et qui s'appelle Aucune Notification. C'est l'histoire d'un texto qui ne vient pas dans le couple, on sait le vertige que ça peut engendrer, mais vu du point de vue du mec. Alors là, c'est inattendu et c'est nouveau. Pauline Armange, c'est aussi l'autrice de Moi, les hommes, je les déteste Et là, elle fait fort parce qu'elle offre la plus belle déclaration d'amour aux hommes, de nouvelles représentations qui les invitent à accepter leur fragilité, leurs doutes, leurs vulnérabilités. C'est très beau et c'est très nouveau. Une question quand même, comment tenir économiquement quand on propose un travail aussi minutieux, des livres précieux ? Réponse, on fait comme la fourmi de la fable, on avance doucement avec prudence. L'un des leviers de cette maison, c'est la pré-vente. qui est de plus en plus souvent pratiquée dans l'édition. Elle permet de financer l'impression des premiers livres et d'estimer le nombre de lecteurs et de lectrices pour chaque titre. C'est une façon raisonnée et durable de repenser l'économie du livre en évitant la surproduction et en évitant aussi de crier famine comme la cigale voisine. Je souhaite à cette fourmi d'aller très loin à petits pas parce qu'on a vraiment besoin d'auteurs et d'autrices et de maisons d'édition qui renouvellent les imaginaires. et leur mode de production et de circulation. Et sur ce, je vous souhaite un bel automne marqué par l'abondance littéraire et on se retrouve le mois prochain dans le prochain épisode. Merci.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livre Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, Abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Share

Embed

You may also like

Description

Dans cet extrait de l'épisode 12 : Bibliothèques 2.0, quand le lien social se réinvente entre les rayons


Dans la rubrique En Haut de la pile, la 3ème partie du podcast, retrouvez l'éclairage et les coups de cœur de la rédaction de Livres Hebdo.


Les journalistes de Livres Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, accueillent un invité, le journaliste Hubert Artus, pour débattre autour de leurs derniers coups de cœur. Au programme: Pionnière d’un monde funéraire, par Juliette Cazes, aux Editions du Trésor; Cucul de Camille Emmanuelle aux éditions du Seuil, au label Verso;  La grande conspiration affective - un thriller théorique, de Romain Noël, aux éditions du Seuil; Synthétique & toxique de Chien Fou et Aucune notification de Pauline Harmange, à  La Fourmi éditions.


Les Voix du livre, une source incontournable d'informations et d'inspiration pour vous, oreilles passionnées par le monde du Livre et professionnels qui le faites rayonner chaque jour.

Animé par Lauren Malka, journaliste indépendante et podcasteuse, ce podcast est une invitation dans l'univers de Livres Hebdo en plusieurs séquences.


Un podcast réalisé en partenariat avec les Éditions Dunod, l’éditeur de la transmission de tous les savoirs. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Voix du livre en haut de la pile

  • Speaker #1

    Bienvenue dans En haut de la pile la dernière rubrique du podcast de Livre Hebdo, les voix du livre. Je suis entourée de deux journalistes de Livre Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, bonjour à tous les deux, et d'un invité spécial. Hubert Arthus, bonjour Hubert. Bonjour. Merci d'être avec nous. Tu es journaliste indépendant dans le domaine de la littérature, du polar et du foot, notamment pour Lire et le Parisien Week-end. Tu es programmateur de Quai du Polar à Lyon, qui a lieu en avril, et tu modères des tables rondes un peu partout en France. La prochaine est à Cognac, je crois. Oui,

  • Speaker #2

    mi-novembre, le festival littérature européenne de Cognac. Et là, c'est l'Irlande le pays invité.

  • Speaker #1

    Ok, rendez-vous à Cognac en novembre. Pauline, on commence avec toi, parce que tu nous parles d'une... tendance qu'on pourrait croire sans avenir mais qui, en fait, vit sa meilleure vie.

  • Speaker #3

    Excellente introduction puisque je vais parler de la mort, tout simplement. Cela fait déjà quelques années que le fait divers s'est bien implanté dans l'édition, avec moult couvertures en librairie mentionnant tueurs en série ou crimes vertigineux. Mais la donne est un petit peu en train de changer et cela fait plaisir. Car dernièrement, ce n'est plus ceux qui donnent les coups de couteau qui ont la cote, mais ceux qui se les prennent, les coups de couteau. Vous l'aurez compris, Aujourd'hui, on va parler cadavres, ou en tout cas de ceux qui dialoguent avec eux. Car Halloween oblige, je ne pouvais pas passer à côté de cet énorme phénomène de librairie, a.k.a. le docteur Boxo, a.k.a. le médecin légiste qui te vend plus de livres que le prix Renaudot, et dont le dernier ouvrage sorti en août, La mort en face, est toujours dans le classement des meilleures ventes. De ceux qui parlent de mort et en font un succès, il n'est pas le seul. En avril dernier, la québécoise qui, je cite, redonne la voix aux victimes Victoria Charleston, avait réuni une belle foule officielle du livre de Paris. Mais aussi sorti l'année dernière, l'embaumeuse de Juliette Cuisinerénal, Paris en poche en octobre. Bref, je me suis plongée dans ces bouquins d'apparence un poil morbide et suis tombée sur un drôle de petit livre intitulé Pionnières du monde funéraire. C'est écrit par Juliette Caz et ça sort le 31 octobre. Pour faire court, Juliette, ancienne agente de chambres funéraires et fausses soyeuses, s'est sentie un petit peu seule dans ce monde de mort dans lequel elle officiait. Alors, spoiler alert, c'est pas à cause des cadavres qu'elle se sent seule, Juliette, mais à cause de l'absence, ou plutôt de cette fameuse invisibilisation de figures féminines et inspirantes dans son milieu professionnel. Alors, elle va se lancer à la chasse aux archives, et va réunir en un peu moins de 150 pages, les destins fous de faux-soyeuses, de directrices de maisons funéraires, et autres aventurières du scalpel. C'est une écriture... assez simple et très douce qui nous immerge littéralement dans ce milieu avec beaucoup de bienveillance. On se retrouve nous aussi en robe et bottines, les pieds dans la boue, à comprendre que se frotter ainsi à la mort n'est pas lugubre, bien au contraire. Lire ce livre finalement pour moi, c'est mettre les pieds sur terre et quitter l'imaginaire froid et glauque véhiculé par toutes ces histoires qui parlent de meurtre. Parce que je crois qu'on a quand même marre de ces docu Netflix là, Jeffrey Dahmer. On en a marre de ces histoires qui font le buzz pour quelques litres de faux sang jetés à l'écran et on n'en peut plus de ces récits qui fantasment la mort sans jamais l'effleurer.

  • Speaker #1

    Merci Pauline. Hubert, tu veux réagir ?

  • Speaker #2

    Alors c'est quelque chose que j'ai découvert il y a quelques mois par deux ou trois livres comme ça. C'est un phénomène à la fois de narration et d'édition qui vient à la fois des true crimes américains. On ne cherche plus à glorifier ou à découvrir le côté obscur de l'être humain par le serial killer, par la personne qui... plante le couteau et provoque le fait d'hiver. Mais ça, c'est aussi l'influence de l'affaire de petit Grégory, dont on reparle ces temps-ci en France. On cherche à voir ce qu'il en a été chez les victimes. C'est une manière de considérer ce côté obscur de l'être humain, mais par la victime aussi, mine de rien. Sean ?

  • Speaker #4

    Oui, oui, la mort, le problème, c'est qu'on l'évite beaucoup dans nos sociétés, puisqu'on est dans une société d'éternelle jeunesse et qu'on ne veut pas mourir. Et ce qui est toujours intéressant, c'est la mort qui n'est pas extraordinaire, justement. On accepte la mort quand on est coupé en rondelles. Quand il y a un accident horrible, voilà. On n'est pas... Elle est représentée dans l'art, c'est-à-dire le 7e art ou la littérature, dans ce sens-là. Mais en fait, la mort naturelle, c'est très difficile d'en parler. Alors maintenant, il y a une série de questionnements sur la fin de vie, évidemment. Mais je pense que la littérature va s'en parler aussi de ça.

  • Speaker #1

    On accepte la mort que quand on est coupé en rondelles. Ce sera la phrase du jour. Pionnière du monde funéraire, la mort a changé leur vie. C'est aux éditions du Trésor. Hubert, notre invité du jour, tu nous parles d'un roman qui illustre une tendance ou plutôt qui y répond, enfin qui la contrefait avec une certaine dose d'ironie.

  • Speaker #2

    C'est exactement ça, parce que c'est à l'occasion du roman Cucu de Camille Emmanuel, qu'on connaît, autrice de livres sur l'empire. Power Moms Feminist, notamment aux éditions Grasset, une autrice qu'on avait déjà vu pasticher la New Romance, justement, dans un livre aux éditions Thierry Magnier. Et là, donc, Cucu, c'est un roman dans le label Verso, aux éditions du Seuil, qui tient autant du pastiche, justement, que du pamphlet contre la Dark Romance, qui est un peu une excroissance de la New Romance. Pour faire vite fait, la New Romance, le symbole, c'est Sarah Reavens, 24 ans, algérienne, la saga captive. qui s'est écoulée depuis deux ans à des centaines de milliers d'exemplaires. La dark romance, c'est une déclinaison de la new romance qui reprend les codes de la littérature érotique de soumission, Histoire d'eau de Dominique Horry, À 50 nuances de Grey de E.L. James, tout en faisant du consentement de l'héroïne quelque chose de complètement illusoire. Ce qui est fou, c'est qu'à une époque où on réécrit quand même Dipty Negron, Ils étaient dix, etc., où on cherche à retraduire des romans qui ont posé problème pour des questions, et ça peut être à juste titre parfois, des questions de... de racisme latent. Ici, on a donc une tendance de la littérature, enfin du genre romanesque, qui valorise la masculinité toxique, qui valorise la domination de corps ou de classe, où l'action se situe dans des milieux très bling-bling, où le personnage féminin est soumis, voire violenté, avant de s'éprendre de son bourreau. C'est le enemy to lovers de l'ennemi à l'amoureux. Et c'est précisément de cette figure de enemy to lovers C'est à ça que s'attache Camille Emmanuel dans son roman. Alors, QQ, c'est l'histoire de Marie, qui est une professeure à Paris, contractuelle. Elle n'est pas complètement titulaire donc. Et puis, on lui propose un jour d'écrire une romance. Elle l'écrit en y répondant les codes. Et puis un jour, comme ça marche bien, son éditrice ne lui propose pas, mais l'incite, voire l'oblige à se mettre à la dark romance. Et justement, d'obéir à tous ces codes-là. Sauf que notre professeure, elle est L-féministe. Donc ça la heurte. évidemment et ça fait même plus que la heurtée et ça va jusqu'à l'acte manqué parce qu'un soir elle referme son ordinateur, là c'est le premier chapitre je ne spoile rien, elle a inventé un personnage justement qui correspond à cet archétype et puis le personnage va prendre vie donc elle va avoir son propre Frankenstein si vous voulez devant elle et c'est là que ça devient du coup un roman de Camille Emmanuel mais qui raconte un roman de son héroïne Marie aux prises avec son propre personnage qui est donc lui qui incarne la masculinité toxique aujourd'hui en 2023, en 2024

  • Speaker #1

    Pauline, je sens que tu as des choses à dire sur ce texte.

  • Speaker #3

    Non mais oui, Dark Romance, vaste débat, mais hyper contente de retrouver Camille Emmanuel dans une écriture qui lui convient enfin après avoir été, alors au-delà de la question de la Dark, qui a été contrainte par les lois marketing d'une édition de masse, ça c'est sûr, la retrouver dans une écriture libre, hyper fun, parce que c'est quand même hyper fun ce bouquin. Ça fait hyper plaisir.

  • Speaker #1

    Merci Hubert, merci Pauline. Cucu de Camille Emmanuel, sorti le 18 octobre dans la collection Verso au Seuil. Verso, c'est le nouveau label des littératures de genre. Sean, c'est à toi, tu nous parles d'un premier roman OVNI, on peut dire que c'est un peu ta spécialité. Oui,

  • Speaker #4

    OVNI ou les ZOLNI, littéraires non identifiés. Un premier roman de Romain Noël, La grande conspiration affective Le sous-titre, c'est un thriller théorique. Et ça commence très bien parce qu'il annonce, dès l'inquiète, il dit Je dois avouer qu'à un moment donné, j'en ai eu marre de la théorie. Or, évidemment, tout le livre, il y a plein de concepts, mais ça n'empêche qu'il y a une vraie histoire, on tourne les pages. C'est un jeune chercheur qui fait un mémoire sur la souffrance animale et concomitamment, il souffre, il vit une catastrophe amoureuse, l'homme de sa vie, il se quitte. Et donc, c'est... Et par cette souffrance, il va comprendre qu'on est tous liés. Il veut réhabiliter, en fait, justement, dans cette époque très anesthésiée, où on ne veut ni réfléchir, ni souffrir, finalement. Puisque finalement, la pensée aussi, quelque chose qui peut faire souffrir, parce que parfois, on est presque plus heureux de ne pas penser, n'est-ce pas ? Mais là, il veut réhabiliter, comme il y a ce mot anthropocène, cette ère où l'homme, par son empreinte, a complètement bouleversé le climat. Il veut, il invente le pathocène, c'est l'ère du retour des sentiments, voire du sentimental, de la mystique de l'amour. Donc il invente, il y a la fake theory, la BDSM apocalypse, la transpassion. En fait, il y a des références à Barthes, Deleuze, Soucault, mais vraiment, ça foisonne, on rencontre des personnages très intéressants. Et je voulais vous dire que c'est le premier livre qui est sous la houlette, si je puis dire, de... Christine Marcandier qui reprend la collection du regretté Maurice Hollander à la librairie du XXIe siècle. Et voilà, ça promet effectivement que cette belle collection de Maurice Hollander se continue avec des livres extraordinaires. On sait que la librairie du XXe siècle, c'est les Perrecs, il y a Duvernan. Là, il montre avec la grande conspiration affective, Romain Noël, son énorme talent. C'est tout à fait passionnant et c'est une forme de page-turner.

  • Speaker #1

    Hubert, est-ce que tu veux...

  • Speaker #2

    Alors, je ne l'ai pas encore lu, mais ça m'attire beaucoup parce qu'effectivement, on est entre la théorie et l'expérimental pur et puis quand même l'envie de délire narratif. C'est ça que moi, j'aime bien dans ce que j'ai lu. Pour le moment, j'ai lu le début. Parce que le titre me plaisait, parce que je me sentais à la fois dans le roman noir un peu péréquin à la Jean-Bernard Pouy justement, ou à la Hervé Le Télé quand il en a fait.

  • Speaker #4

    C'est très queer quand même, j'appelle ça une cuiriosité littéraire. C'est intéressant, c'est ce que veut faire Christine Marcandier. L'acte, elle veut, quand elle a repris cette collection, elle veut quand même marquer ce côté un peu queer, et aussi des histoires de climat, d'écologie, et donc en fait imprimer cette collection vers des... problématiques très contemporaines.

  • Speaker #2

    C'était quelque chose que le Seuil n'était pas encore arrivé complètement à faire. Je me rappelle, il y a 3-4 ans, dans le livre des Mapis, justement, qui avaient essayé de se saisir de la question queer dans un roman codifié complètement autrement. Ils n'y étaient pas complètement arrivés. C'était à l'époque des livres augmentés. Là, ils essayent de reprendre ça, mais avec le vrai objet livre et littérature. C'est ça l'éternel problème de fond et de forme. Et là, apparemment, ça y répond.

  • Speaker #1

    Un cabinet de curiosité littéraire et de... Olny, La grande conspiration affective de Romain Noël, merci Sean. On termine avec Mon coup de cœur, deux livres qui ressemblent à des cadeaux, des fictions très courtes, moins de 100 pages et qui font retrouver le plaisir de l'objet papier avec des couvertures texturées, embossées à l'arrière, un papier épais mais pour adultes et sur des thèmes féministes et queer à nouveau. Le militantisme par les livres enrobés de douceur comme des bonbons en sachet. Pour moi, c'est un programme en soi et c'est le programme de la Fourmi Édition, une maison qui vient de naître à Lille, fondée par trois femmes, Nathalie Séjean, Marie Pereira et Chienfou. Chienfou, c'est le pseudo d'une tatoueuse qui signe l'un des premiers romans de cette maison, un roman graphique, synthétique, toxique, l'histoire d'une jeune femme qui tombe amoureuse d'une autre femme et qui se demande s'il faut tout dire à la personne dont on tombe amoureux. Est-ce que certaines parties de nous peuvent rester secrètes ? Est-ce que tout dire à l'autre, c'est une preuve d'amour ? où c'est le syndrome d'un déversoir. Le dessin est d'une délicatesse rare, le texte minimaliste et subtil, on vibre en lisant ce livre. Coup de foudre aussi pour le livre de Pauline Armange, qui sort au même moment, dans la même maison, et qui s'appelle Aucune Notification. C'est l'histoire d'un texto qui ne vient pas dans le couple, on sait le vertige que ça peut engendrer, mais vu du point de vue du mec. Alors là, c'est inattendu et c'est nouveau. Pauline Armange, c'est aussi l'autrice de Moi, les hommes, je les déteste Et là, elle fait fort parce qu'elle offre la plus belle déclaration d'amour aux hommes, de nouvelles représentations qui les invitent à accepter leur fragilité, leurs doutes, leurs vulnérabilités. C'est très beau et c'est très nouveau. Une question quand même, comment tenir économiquement quand on propose un travail aussi minutieux, des livres précieux ? Réponse, on fait comme la fourmi de la fable, on avance doucement avec prudence. L'un des leviers de cette maison, c'est la pré-vente. qui est de plus en plus souvent pratiquée dans l'édition. Elle permet de financer l'impression des premiers livres et d'estimer le nombre de lecteurs et de lectrices pour chaque titre. C'est une façon raisonnée et durable de repenser l'économie du livre en évitant la surproduction et en évitant aussi de crier famine comme la cigale voisine. Je souhaite à cette fourmi d'aller très loin à petits pas parce qu'on a vraiment besoin d'auteurs et d'autrices et de maisons d'édition qui renouvellent les imaginaires. et leur mode de production et de circulation. Et sur ce, je vous souhaite un bel automne marqué par l'abondance littéraire et on se retrouve le mois prochain dans le prochain épisode. Merci.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livre Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, Abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Description

Dans cet extrait de l'épisode 12 : Bibliothèques 2.0, quand le lien social se réinvente entre les rayons


Dans la rubrique En Haut de la pile, la 3ème partie du podcast, retrouvez l'éclairage et les coups de cœur de la rédaction de Livres Hebdo.


Les journalistes de Livres Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, accueillent un invité, le journaliste Hubert Artus, pour débattre autour de leurs derniers coups de cœur. Au programme: Pionnière d’un monde funéraire, par Juliette Cazes, aux Editions du Trésor; Cucul de Camille Emmanuelle aux éditions du Seuil, au label Verso;  La grande conspiration affective - un thriller théorique, de Romain Noël, aux éditions du Seuil; Synthétique & toxique de Chien Fou et Aucune notification de Pauline Harmange, à  La Fourmi éditions.


Les Voix du livre, une source incontournable d'informations et d'inspiration pour vous, oreilles passionnées par le monde du Livre et professionnels qui le faites rayonner chaque jour.

Animé par Lauren Malka, journaliste indépendante et podcasteuse, ce podcast est une invitation dans l'univers de Livres Hebdo en plusieurs séquences.


Un podcast réalisé en partenariat avec les Éditions Dunod, l’éditeur de la transmission de tous les savoirs. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Voix du livre en haut de la pile

  • Speaker #1

    Bienvenue dans En haut de la pile la dernière rubrique du podcast de Livre Hebdo, les voix du livre. Je suis entourée de deux journalistes de Livre Hebdo, Pauline Gabinari et Sean Rose, bonjour à tous les deux, et d'un invité spécial. Hubert Arthus, bonjour Hubert. Bonjour. Merci d'être avec nous. Tu es journaliste indépendant dans le domaine de la littérature, du polar et du foot, notamment pour Lire et le Parisien Week-end. Tu es programmateur de Quai du Polar à Lyon, qui a lieu en avril, et tu modères des tables rondes un peu partout en France. La prochaine est à Cognac, je crois. Oui,

  • Speaker #2

    mi-novembre, le festival littérature européenne de Cognac. Et là, c'est l'Irlande le pays invité.

  • Speaker #1

    Ok, rendez-vous à Cognac en novembre. Pauline, on commence avec toi, parce que tu nous parles d'une... tendance qu'on pourrait croire sans avenir mais qui, en fait, vit sa meilleure vie.

  • Speaker #3

    Excellente introduction puisque je vais parler de la mort, tout simplement. Cela fait déjà quelques années que le fait divers s'est bien implanté dans l'édition, avec moult couvertures en librairie mentionnant tueurs en série ou crimes vertigineux. Mais la donne est un petit peu en train de changer et cela fait plaisir. Car dernièrement, ce n'est plus ceux qui donnent les coups de couteau qui ont la cote, mais ceux qui se les prennent, les coups de couteau. Vous l'aurez compris, Aujourd'hui, on va parler cadavres, ou en tout cas de ceux qui dialoguent avec eux. Car Halloween oblige, je ne pouvais pas passer à côté de cet énorme phénomène de librairie, a.k.a. le docteur Boxo, a.k.a. le médecin légiste qui te vend plus de livres que le prix Renaudot, et dont le dernier ouvrage sorti en août, La mort en face, est toujours dans le classement des meilleures ventes. De ceux qui parlent de mort et en font un succès, il n'est pas le seul. En avril dernier, la québécoise qui, je cite, redonne la voix aux victimes Victoria Charleston, avait réuni une belle foule officielle du livre de Paris. Mais aussi sorti l'année dernière, l'embaumeuse de Juliette Cuisinerénal, Paris en poche en octobre. Bref, je me suis plongée dans ces bouquins d'apparence un poil morbide et suis tombée sur un drôle de petit livre intitulé Pionnières du monde funéraire. C'est écrit par Juliette Caz et ça sort le 31 octobre. Pour faire court, Juliette, ancienne agente de chambres funéraires et fausses soyeuses, s'est sentie un petit peu seule dans ce monde de mort dans lequel elle officiait. Alors, spoiler alert, c'est pas à cause des cadavres qu'elle se sent seule, Juliette, mais à cause de l'absence, ou plutôt de cette fameuse invisibilisation de figures féminines et inspirantes dans son milieu professionnel. Alors, elle va se lancer à la chasse aux archives, et va réunir en un peu moins de 150 pages, les destins fous de faux-soyeuses, de directrices de maisons funéraires, et autres aventurières du scalpel. C'est une écriture... assez simple et très douce qui nous immerge littéralement dans ce milieu avec beaucoup de bienveillance. On se retrouve nous aussi en robe et bottines, les pieds dans la boue, à comprendre que se frotter ainsi à la mort n'est pas lugubre, bien au contraire. Lire ce livre finalement pour moi, c'est mettre les pieds sur terre et quitter l'imaginaire froid et glauque véhiculé par toutes ces histoires qui parlent de meurtre. Parce que je crois qu'on a quand même marre de ces docu Netflix là, Jeffrey Dahmer. On en a marre de ces histoires qui font le buzz pour quelques litres de faux sang jetés à l'écran et on n'en peut plus de ces récits qui fantasment la mort sans jamais l'effleurer.

  • Speaker #1

    Merci Pauline. Hubert, tu veux réagir ?

  • Speaker #2

    Alors c'est quelque chose que j'ai découvert il y a quelques mois par deux ou trois livres comme ça. C'est un phénomène à la fois de narration et d'édition qui vient à la fois des true crimes américains. On ne cherche plus à glorifier ou à découvrir le côté obscur de l'être humain par le serial killer, par la personne qui... plante le couteau et provoque le fait d'hiver. Mais ça, c'est aussi l'influence de l'affaire de petit Grégory, dont on reparle ces temps-ci en France. On cherche à voir ce qu'il en a été chez les victimes. C'est une manière de considérer ce côté obscur de l'être humain, mais par la victime aussi, mine de rien. Sean ?

  • Speaker #4

    Oui, oui, la mort, le problème, c'est qu'on l'évite beaucoup dans nos sociétés, puisqu'on est dans une société d'éternelle jeunesse et qu'on ne veut pas mourir. Et ce qui est toujours intéressant, c'est la mort qui n'est pas extraordinaire, justement. On accepte la mort quand on est coupé en rondelles. Quand il y a un accident horrible, voilà. On n'est pas... Elle est représentée dans l'art, c'est-à-dire le 7e art ou la littérature, dans ce sens-là. Mais en fait, la mort naturelle, c'est très difficile d'en parler. Alors maintenant, il y a une série de questionnements sur la fin de vie, évidemment. Mais je pense que la littérature va s'en parler aussi de ça.

  • Speaker #1

    On accepte la mort que quand on est coupé en rondelles. Ce sera la phrase du jour. Pionnière du monde funéraire, la mort a changé leur vie. C'est aux éditions du Trésor. Hubert, notre invité du jour, tu nous parles d'un roman qui illustre une tendance ou plutôt qui y répond, enfin qui la contrefait avec une certaine dose d'ironie.

  • Speaker #2

    C'est exactement ça, parce que c'est à l'occasion du roman Cucu de Camille Emmanuel, qu'on connaît, autrice de livres sur l'empire. Power Moms Feminist, notamment aux éditions Grasset, une autrice qu'on avait déjà vu pasticher la New Romance, justement, dans un livre aux éditions Thierry Magnier. Et là, donc, Cucu, c'est un roman dans le label Verso, aux éditions du Seuil, qui tient autant du pastiche, justement, que du pamphlet contre la Dark Romance, qui est un peu une excroissance de la New Romance. Pour faire vite fait, la New Romance, le symbole, c'est Sarah Reavens, 24 ans, algérienne, la saga captive. qui s'est écoulée depuis deux ans à des centaines de milliers d'exemplaires. La dark romance, c'est une déclinaison de la new romance qui reprend les codes de la littérature érotique de soumission, Histoire d'eau de Dominique Horry, À 50 nuances de Grey de E.L. James, tout en faisant du consentement de l'héroïne quelque chose de complètement illusoire. Ce qui est fou, c'est qu'à une époque où on réécrit quand même Dipty Negron, Ils étaient dix, etc., où on cherche à retraduire des romans qui ont posé problème pour des questions, et ça peut être à juste titre parfois, des questions de... de racisme latent. Ici, on a donc une tendance de la littérature, enfin du genre romanesque, qui valorise la masculinité toxique, qui valorise la domination de corps ou de classe, où l'action se situe dans des milieux très bling-bling, où le personnage féminin est soumis, voire violenté, avant de s'éprendre de son bourreau. C'est le enemy to lovers de l'ennemi à l'amoureux. Et c'est précisément de cette figure de enemy to lovers C'est à ça que s'attache Camille Emmanuel dans son roman. Alors, QQ, c'est l'histoire de Marie, qui est une professeure à Paris, contractuelle. Elle n'est pas complètement titulaire donc. Et puis, on lui propose un jour d'écrire une romance. Elle l'écrit en y répondant les codes. Et puis un jour, comme ça marche bien, son éditrice ne lui propose pas, mais l'incite, voire l'oblige à se mettre à la dark romance. Et justement, d'obéir à tous ces codes-là. Sauf que notre professeure, elle est L-féministe. Donc ça la heurte. évidemment et ça fait même plus que la heurtée et ça va jusqu'à l'acte manqué parce qu'un soir elle referme son ordinateur, là c'est le premier chapitre je ne spoile rien, elle a inventé un personnage justement qui correspond à cet archétype et puis le personnage va prendre vie donc elle va avoir son propre Frankenstein si vous voulez devant elle et c'est là que ça devient du coup un roman de Camille Emmanuel mais qui raconte un roman de son héroïne Marie aux prises avec son propre personnage qui est donc lui qui incarne la masculinité toxique aujourd'hui en 2023, en 2024

  • Speaker #1

    Pauline, je sens que tu as des choses à dire sur ce texte.

  • Speaker #3

    Non mais oui, Dark Romance, vaste débat, mais hyper contente de retrouver Camille Emmanuel dans une écriture qui lui convient enfin après avoir été, alors au-delà de la question de la Dark, qui a été contrainte par les lois marketing d'une édition de masse, ça c'est sûr, la retrouver dans une écriture libre, hyper fun, parce que c'est quand même hyper fun ce bouquin. Ça fait hyper plaisir.

  • Speaker #1

    Merci Hubert, merci Pauline. Cucu de Camille Emmanuel, sorti le 18 octobre dans la collection Verso au Seuil. Verso, c'est le nouveau label des littératures de genre. Sean, c'est à toi, tu nous parles d'un premier roman OVNI, on peut dire que c'est un peu ta spécialité. Oui,

  • Speaker #4

    OVNI ou les ZOLNI, littéraires non identifiés. Un premier roman de Romain Noël, La grande conspiration affective Le sous-titre, c'est un thriller théorique. Et ça commence très bien parce qu'il annonce, dès l'inquiète, il dit Je dois avouer qu'à un moment donné, j'en ai eu marre de la théorie. Or, évidemment, tout le livre, il y a plein de concepts, mais ça n'empêche qu'il y a une vraie histoire, on tourne les pages. C'est un jeune chercheur qui fait un mémoire sur la souffrance animale et concomitamment, il souffre, il vit une catastrophe amoureuse, l'homme de sa vie, il se quitte. Et donc, c'est... Et par cette souffrance, il va comprendre qu'on est tous liés. Il veut réhabiliter, en fait, justement, dans cette époque très anesthésiée, où on ne veut ni réfléchir, ni souffrir, finalement. Puisque finalement, la pensée aussi, quelque chose qui peut faire souffrir, parce que parfois, on est presque plus heureux de ne pas penser, n'est-ce pas ? Mais là, il veut réhabiliter, comme il y a ce mot anthropocène, cette ère où l'homme, par son empreinte, a complètement bouleversé le climat. Il veut, il invente le pathocène, c'est l'ère du retour des sentiments, voire du sentimental, de la mystique de l'amour. Donc il invente, il y a la fake theory, la BDSM apocalypse, la transpassion. En fait, il y a des références à Barthes, Deleuze, Soucault, mais vraiment, ça foisonne, on rencontre des personnages très intéressants. Et je voulais vous dire que c'est le premier livre qui est sous la houlette, si je puis dire, de... Christine Marcandier qui reprend la collection du regretté Maurice Hollander à la librairie du XXIe siècle. Et voilà, ça promet effectivement que cette belle collection de Maurice Hollander se continue avec des livres extraordinaires. On sait que la librairie du XXe siècle, c'est les Perrecs, il y a Duvernan. Là, il montre avec la grande conspiration affective, Romain Noël, son énorme talent. C'est tout à fait passionnant et c'est une forme de page-turner.

  • Speaker #1

    Hubert, est-ce que tu veux...

  • Speaker #2

    Alors, je ne l'ai pas encore lu, mais ça m'attire beaucoup parce qu'effectivement, on est entre la théorie et l'expérimental pur et puis quand même l'envie de délire narratif. C'est ça que moi, j'aime bien dans ce que j'ai lu. Pour le moment, j'ai lu le début. Parce que le titre me plaisait, parce que je me sentais à la fois dans le roman noir un peu péréquin à la Jean-Bernard Pouy justement, ou à la Hervé Le Télé quand il en a fait.

  • Speaker #4

    C'est très queer quand même, j'appelle ça une cuiriosité littéraire. C'est intéressant, c'est ce que veut faire Christine Marcandier. L'acte, elle veut, quand elle a repris cette collection, elle veut quand même marquer ce côté un peu queer, et aussi des histoires de climat, d'écologie, et donc en fait imprimer cette collection vers des... problématiques très contemporaines.

  • Speaker #2

    C'était quelque chose que le Seuil n'était pas encore arrivé complètement à faire. Je me rappelle, il y a 3-4 ans, dans le livre des Mapis, justement, qui avaient essayé de se saisir de la question queer dans un roman codifié complètement autrement. Ils n'y étaient pas complètement arrivés. C'était à l'époque des livres augmentés. Là, ils essayent de reprendre ça, mais avec le vrai objet livre et littérature. C'est ça l'éternel problème de fond et de forme. Et là, apparemment, ça y répond.

  • Speaker #1

    Un cabinet de curiosité littéraire et de... Olny, La grande conspiration affective de Romain Noël, merci Sean. On termine avec Mon coup de cœur, deux livres qui ressemblent à des cadeaux, des fictions très courtes, moins de 100 pages et qui font retrouver le plaisir de l'objet papier avec des couvertures texturées, embossées à l'arrière, un papier épais mais pour adultes et sur des thèmes féministes et queer à nouveau. Le militantisme par les livres enrobés de douceur comme des bonbons en sachet. Pour moi, c'est un programme en soi et c'est le programme de la Fourmi Édition, une maison qui vient de naître à Lille, fondée par trois femmes, Nathalie Séjean, Marie Pereira et Chienfou. Chienfou, c'est le pseudo d'une tatoueuse qui signe l'un des premiers romans de cette maison, un roman graphique, synthétique, toxique, l'histoire d'une jeune femme qui tombe amoureuse d'une autre femme et qui se demande s'il faut tout dire à la personne dont on tombe amoureux. Est-ce que certaines parties de nous peuvent rester secrètes ? Est-ce que tout dire à l'autre, c'est une preuve d'amour ? où c'est le syndrome d'un déversoir. Le dessin est d'une délicatesse rare, le texte minimaliste et subtil, on vibre en lisant ce livre. Coup de foudre aussi pour le livre de Pauline Armange, qui sort au même moment, dans la même maison, et qui s'appelle Aucune Notification. C'est l'histoire d'un texto qui ne vient pas dans le couple, on sait le vertige que ça peut engendrer, mais vu du point de vue du mec. Alors là, c'est inattendu et c'est nouveau. Pauline Armange, c'est aussi l'autrice de Moi, les hommes, je les déteste Et là, elle fait fort parce qu'elle offre la plus belle déclaration d'amour aux hommes, de nouvelles représentations qui les invitent à accepter leur fragilité, leurs doutes, leurs vulnérabilités. C'est très beau et c'est très nouveau. Une question quand même, comment tenir économiquement quand on propose un travail aussi minutieux, des livres précieux ? Réponse, on fait comme la fourmi de la fable, on avance doucement avec prudence. L'un des leviers de cette maison, c'est la pré-vente. qui est de plus en plus souvent pratiquée dans l'édition. Elle permet de financer l'impression des premiers livres et d'estimer le nombre de lecteurs et de lectrices pour chaque titre. C'est une façon raisonnée et durable de repenser l'économie du livre en évitant la surproduction et en évitant aussi de crier famine comme la cigale voisine. Je souhaite à cette fourmi d'aller très loin à petits pas parce qu'on a vraiment besoin d'auteurs et d'autrices et de maisons d'édition qui renouvellent les imaginaires. et leur mode de production et de circulation. Et sur ce, je vous souhaite un bel automne marqué par l'abondance littéraire et on se retrouve le mois prochain dans le prochain épisode. Merci.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livre Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, Abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Share

Embed

You may also like