- Speaker #0
Je suis Marie-Oziel Lafontaine, activatrice du génie au féminin. Chaque jour, j'accompagne les femmes à révéler leurs trésors cachés pour vivre la vie qu'elles méritent. Dans ce podcast, j'invite des femmes qui ont osé s'affranchir des dictates pour trouver leur juste place. Bienvenue dans le podcast « Ose là, les voix qui osent » . Bonne écoute ! Bonjour Gilles-Octavia !
- Speaker #1
Bonjour Marie,
- Speaker #0
comment vas-tu ?
- Speaker #1
Ça va très bien, et toi ?
- Speaker #0
Très bien, je suis très contente de te recevoir aujourd'hui dans le podcast Les Voix qui Osent. Nous nous connaissons depuis un petit moment déjà, puisque nous nous sommes rencontrées à l'âge de 12 ans. 11, d'accord. En 6e, où nous avions immortalisé une chorégraphie extraordinaire sur Tania Saint-Val. Et je tenais à le préciser quand même, c'était important. Donc nous nous connaissons depuis longtemps et je suis très heureuse de t'avoir aujourd'hui. Parce que je trouve que tu es une femme exceptionnelle et je reçois des femmes exceptionnelles. Et donc tu as la quarantaine, tu es martiniquaise.
- Speaker #1
Merci de ne pas préciser exactement combien.
- Speaker #0
Tu es revenue au pays il y a une dizaine d'années. Tout à fait. Après 14 ans passés à Toulouse, une ville que tu as beaucoup aimée et dans laquelle tu as vécu beaucoup de choses. Tu es aussi passionnée de puzzles. Tu adores les animaux puisque chez toi c'est un petit peu un refuge. Un refuge. Tu es très généreuse donc. vis-à-vis des animaux, mais pas seulement. Tu es aujourd'hui directrice de la seconde chance du Sud de la Martinique. Donc tu oeuvres justement à aider ces jeunes qui ont décroché à un moment donné de la vie sociale, de la vie professionnelle, à se réinsérer. Donc c'est un métier, je sais, qui te tient à cœur.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Mais tu n'as pas fait que ça, parce qu'avant ça, tu as été diplômée en psychologie. Au départ, tu te destinais à être psychologue comme ta maman. et finalement le chemin t'a fait bifurquer avec pas mal de métiers finalement parce que tu as été gérante de restaurant, physionomiste, mannequin à la tête d'une agence de communication donc tout ça pendant ta vie toulousaine et puis tu es revenue au pays parce que ton papa était malade mais deux parents étaient malades donc tu es revenue au pays pour les soutenir, pour les aider dans cette épreuve et puis tu es restée Merci. Parce qu'au final, tu as trouvé ta place à nouveau au pays en tant que directrice de l'école de la seconde chance de Fort-de-France.
- Speaker #1
Je préfère préciser qu'on dise deuxième chance, parce que même s'il y a encore des débats là-dessus dans la langue française, quand on dit seconde, on dit que normalement en français, c'est qu'il n'y a pas de troisième. Bon, la deuxième chance, parce qu'il peut y avoir une troisième, une quatrième, une cinquième chance, mais l'idée, c'est de saisir celle-là quand même.
- Speaker #0
C'est ça, parce qu'on a toujours d'autres chances dans la vie, effectivement. C'est ça. Donc merci beaucoup Gilles. Et pour commencer, on va faire un petit exercice qui est le rituel du podcast Les Voix qui Osent, qui est donc la sélection d'une des cartes que tu as devant toi. Pour ça, tu vas passer ta main gauche au-dessus des cartes en fermant les yeux, prenant une grande inspiration. Tu fermes les yeux et puis tu laisses parcourir ta main au-dessus des cartes et tu t'arrêtes quand tu le sens. Soit tu vas ressentir un picotement, ta main qui se réchauffe, une intuition, tu t'arrêtes quand tu veux. Ok, tu peux ouvrir les yeux et du coup sélectionner ta carte et me dire ce que tu vois sur l'illustration déjà.
- Speaker #1
Alors je vois une femme qui m'évoque un peu une sirène. Je ne sais pas, elle a l'air en tout cas un peu de sortir d'un environnement un peu féerique. Avec ses longs cheveux roses, des cœurs, elle a l'air de distribuer des cœurs, comme si elle distribuait de l'amour. Puis des fleurs, c'est très joli.
- Speaker #0
Tu peux la retourner maintenant et lire le message.
- Speaker #1
Le mouvement, confirmation, mouvement, vérité. Ton monde extérieur ne doit pas être là pour te nourrir ou te guider, mais bien pour confirmer ce qui se passe en toi. Le mouvement de l'intérieur vers l'extérieur.
- Speaker #0
Ça te parle ?
- Speaker #1
Totalement.
- Speaker #0
Pourquoi ?
- Speaker #1
Ça me parle parce que... Alors bon, on se connaît depuis longtemps, mais j'aime beaucoup justement ton podcast « Des voix qui osent » parce que c'est s'affranchir des dictats. Des dictats du monde extérieur. Ton monde extérieur ne doit pas être là pour te nourrir ou te guider, mais bien pour confirmer ce qui se passe en toi. Et c'est un peu en fait ma façon de penser. totalement alignée avec cette carte, ne pas se laisser définir par les stéréotypes, parce que la société attend de nous, par son sexe, sa couleur de peau, son... Non, être avant tout soi, et faire en sorte de faire ressurgir à l'extérieur ce qu'on est à l'intérieur de nous. Et c'est vraiment, je pense que, c'est ce que j'essaye de transmettre à travers mon métier, c'est ce que j'ai toujours essayé finalement de transmettre à travers mes différentes passions, mes différentes vies professionnelles et dans l'accompagnement des autres. Voilà, c'est pas la société qui définit qui tu es, ce ne sont pas tes gènes même, c'est ton désir intérieur. qui définit ensuite, qui doit conditionner le reste et pas le contraire.
- Speaker #0
Et tu me disais aussi, et ça rejoint du coup ce que cette carte te dit, que tu n'as jamais voulu toi rentrer dans les cases. C'est ça. Petite fille, tu me disais que tu étais plutôt une enfant bagarreuse, et puis plus tard finalement tu t'es prise de mode, avec une féminité qui est très exprimée, perchée sur des hauts talons, etc. Tu as toujours assumé qui tu voulais être, et justement ne pas rentrer dans les cases. D'ailleurs un prénom qui est assez original parce que t'appelles Jill, et puis ta soeur s'appelle Gaëlle avec un L.
- Speaker #1
Un seul L.
- Speaker #0
Voilà, donc il y a peut-être dès le départ comme une destinée, quelque chose qui t'a poussé à te démarquer, cette envie de ne pas rentrer dans les cases, comment tu l'expliques ?
- Speaker #1
Oui, c'est peut-être, je pense que ça a une influence parce que Gaëlle et moi on brouille les pistes. C'est-à-dire que quand on lit nos prénoms, beaucoup de gens ont l'impression qu'ils vont recevoir quand ils ne nous connaissent pas « Bonjour Monsieur » . ou qui vont recevoir par exemple des garçons. Et quand ils nous voient, il y a déjà une surprise qui, moi, m'amuse beaucoup et qui fait que c'est encore une fois une façon de dire « Oui, tu t'attendais à quelque chose. Ah ben non. »
- Speaker #0
« Tu ne l'auras pas. »
- Speaker #1
« Tu ne l'auras pas. » Et c'est vrai qu'à travers cette enfance où... Voilà, d'abord, ce qu'on appelle garçon manqué, jouer au foot, avoir pas mal de copains garçons, être bagarreuse, il ne fallait pas me chercher des noises, etc. Pour ensuite dire, tiens, non, comme j'étais très grande de taille, on me disait par exemple, tu ne vas pas porter des talons en plus, je vais me gêner. Donc si ça me plaît, si j'ai envie, ce n'est pas pour les gens que je mets des chaussures plates ou des talons. Si j'ai envie de porter des talons, c'est avant tout moi qui décide. Ce n'est pas parce que je fais 1m77 que je n'aurai pas le droit de porter des compensés et des plateformes. Si ça me fait plaisir et si j'ai envie de porter des chaussures plates parce que je me sens mieux, ce n'est pas parce que ça ne va pas nuire à ma féminité ou à ce que j'ai envie d'être. Encore une fois, c'est à soi de se définir.
- Speaker #0
Et c'est une assurance que tu as construite au fil de tes expériences ou c'est quelque chose finalement que tu avais peut-être dès l'enfance de manière innée ou c'est peut-être aussi l'éducation que tu as reçue ? Comment tu expliques cette assurance-là, ce choix finalement assez déterminé d'être qui tu veux être ?
- Speaker #1
Je pense que déjà j'ai eu une enfance où j'ai une sœur. Mais c'est vrai que j'ai grandi avec des garçons, mes cousins, avec qui j'étais la plupart du temps, parce que j'avais une sœur qui ne voulait absolument pas jouer avec moi, qui me snobait totalement quand j'étais gamine. Et donc mon terrain de jeu, c'était plutôt avec mes cinq cousins, et j'étais la seule fille. Donc je pense que c'est aussi pour ça que petite, j'étais un garçon manqué. Et puis je pense qu'il y a eu... Voilà ça où il a fallu que je m'affirme dans cet environnement masculin où mes cousins ne me faisaient pas de cadeaux non plus. Voilà, me traitaient finalement des fois, au départ quand même, dans les bastons, quand on se bagarrait, il n'y avait pas de quartier. Et puis quand je me suis rendue compte que j'aimais aussi les attributs féminins, m'affirmer aussi, il a fallu que je fasse comprendre Alors... à mon entourage que je n'étais pas un garçon et que je me suis donné le droit d'exprimer cette féminité et de ne plus être justement peut-être cette petite fille garçon manqué qu'on attendait. Donc oui, je pense que très tôt, j'ai décidé de m'autoriser à être différente de celle qu'on attendait de moi, de ne pas forcément... me conformer aux attentes de l'autre. Et je me suis peut-être rendue compte très vite que cette surprise que ça générait chez l'autre me faisait très plaisir et me donnait finalement un coup d'avance aussi. Sur, je ne suis pas là où vous m'attendiez et finalement je crée, je déstabilise et on dit souvent me surpris, me battu. Je trouve que justement cette surprise donne un petit peu d'avance.
- Speaker #0
Un petit côté guerrière quelque part.
- Speaker #1
Un petit côté rebelle guerrière, c'est ça.
- Speaker #0
Et tu as brouillé les pistes aussi quand tu as fait tes études, puisque tu as fait des études de psychologie. Et puis finalement, tu t'es orientée vers d'autres métiers, comme la gestion du restaurant. Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu as pu faire tout ça, alors qu'au départ, finalement, tu pars en France, à Toulouse,
- Speaker #1
pour suivre des études de psycho ? C'est un peu, je ne vais pas dire la vie qui a décidé, mais ça a été des opportunités, en fait. Et un chemin de vie, c'est-à-dire que même avant de quitter la psychologie, que je n'ai jamais vraiment quitté en réalité, mais Puisque depuis petite, j'étais passionnée à travers le boulot de ma mère, par les freux de Lacan, c'était des noms qui me parlaient très jeune, des concepts, parce que maman nous partageait beaucoup de choses de son métier, et donc on était déjà familiarisés. C'est-à-dire que ma première année psychologie, j'avais l'impression de rien découvrir. Je baignais dans ce que j'avais toujours connu, dans des concepts que je connaissais par cœur. Mais j'ai toujours travaillé dès que j'ai... à la fin de mon lycée, j'ai commencé à travailler dans l'événementiel en boîte de nuit, ce qui ne plaisait pas du tout à mes parents d'ailleurs. Mais je me suis dit, c'est fun, voilà, ça me permet de me faire un argent de poche. J'ai toujours eu quand même ce désir de m'émanciper. Mes parents te diraient qu'à 5 ans, j'ai demandé de mes clés de l'appartement. Bien sûr. Voilà, très naturellement. Je n'ai pas compris pourquoi on me disait non. Voilà, donc très tôt, j'ai eu besoin de cette indépendance, de m'émanciper, de gagner mon argent, de dépendre de personne. Et donc j'ai trouvé ce boulot, je crois que c'était une des premières fois que je sortais en boîte de nuit. Et le patron me dit, tiens, ça ne te dirait pas de bosser. Je dis, pas ok, j'ai déjà des copines qui bossaient, pourquoi pas. Et voilà, et ça, ça m'a permis d'apprendre la gestion du bar, la restauration. Et pendant mes études, j'ai toujours travaillé. en fait, dans l'événementiel, avec Exotic Productions à Toulouse, sur les beach parties que beaucoup connaissent, sur des événements comme ça. Et puis, de fil en aiguille, j'ai rencontré quelqu'un à Toulouse avec qui on a monté un premier resto, puis un bar tapas que je gérais, qui gérait le restaurant. Et puis tout ça, je trouvais que... Donc j'étais toujours étudiante et puis ça m'apprenait beaucoup. de gestion du stress, que la restauration, c'est... Voilà, ça apprend beaucoup de choses. Ça développe pas mal de compétences de la vie, la communication avec les gens. Voilà, ça apprend. Et puis donc apprendre à gérer mes premières équipes, à développer la carte du bar, enfin apprendre plein de choses. Et puis voilà, c'est qu'à la fin de mes études, j'ai eu l'opportunité de pouvoir gérer ces établissements. Ça, ça me... Je gagnais très bien ma vie. J'étais fière d'être... de pouvoir gérer ces établissements, etc. D'être vraiment indépendante et de développer tout ça, là où en psycho, c'était plutôt bouché aussi à ce moment-là. Donc, j'ai fait mes armes. Je me suis quand même ennuyée assez vite. Et puis, je m'occupais de la communication. Donc de ces établissements-là, de mes établissements. Et puis j'avais de plus en plus d'entreprises qui me disaient « Tiens, c'est super, on a vu ta com' passer. Tu passes par quelle agence ? » Je disais « Pas aucune, c'est moi qui fais. » Donc du coup, je me suis dit « D'où l'agence de communication que je monte après avec... » Mais là, tout de suite, la féminité est encore très présente puisque la première agence s'appelle « Visuelle » . On est deux filles. visuelle communication qu'on monte et voilà donc ça s'est fait assez naturellement c'était des opportunités professionnelles des challenges que j'avais envie de de relever et me dire oui ok bon je fais un master de psychologie mais j'ai envie de me encore une fois rien ne me définit c'est mon envie du moment qui me guide le challenge que j'ai envie de relever à ce moment là et c'était celui là donc j'ai essayé et puis et puis voilà
- Speaker #0
Mais tu renoues finalement après avec la psychologie ?
- Speaker #1
Tout à fait, alors c'est vrai que comme je dis, quand je monte le resto, le matin rendez-vous avec les fournisseurs, le midi service, l'après-midi la com, le soir re-service. Au bout d'un moment j'avais l'impression de tourner en rond, donc voilà je monte. Je monte l'agence de com, je monte l'agence de com aussi parce que j'ai pas mal de contacts suite à mes années dans le mannequinat, dans l'événementiel, dans ce genre de choses, donc ça me donne quand même un carnet d'adresses assez intéressant sur Toulouse. Et puis je suis débauchée de ma propre boîte de communication par quelqu'un que je connaissais via les restaurants, via tout ça, qui était quelqu'un d'assez connu à Toulouse. Il y avait une grosse agence d'équipementiers de rugby et d'agents de joueurs aussi, qui me propose de devenir la directrice de communication de l'agence. Donc je me dis, autre challenge, pas de problème, j'y vais. Il s'avère qu'on a fait la une des journaux, parce que c'était un des plus grands arnaqueurs. C'est quelqu'un qui a détourné énormément de fonds, donc je me retrouve emmêlée dans une espèce d'histoire digne d'un film complètement dingue. Donc voilà, suite à ça, l'agence ferme, on est tous un peu sonnés par ce qui s'est passé, parce que grosse grosse histoire à Toulouse, à travers cet arnaqueur, voilà. Et là, je décide de refaire un master. En fait, l'anecdote, c'est que j'accompagne mon petit cousin à une réunion d'information, qui lui veut faire ce master. En gros, j'ai vu de la lumière, je suis rentrée. Et en fait, la présentation me plaisait. Donc, je pose ma candidature. En fait, je suis prise. Et j'y vais. Et là, je fais un master d'ingénierie pédagogique et de gestion d'établissement. Et ça me plaît beaucoup. Et là, mes parents tombent malades. Donc, je gère mon master en même temps que des allers-retours en martinique pour gérer ça. Et là, j'ai l'urgence de rentrer. Et dans mon master d'ingénierie pédagogique, je présente quand même un mémoire de psychologie, de recherche en psychologie pour laquelle j'ai une publication universitaire et sur les grossesses précoces, sachant que la Martinique fait partie des départements où il y a le plus de grossesses. Donc voilà, je rentre en Martinique peut-être deux jours après ma soutenance et là je me dis je vais me poser parce que j'ai une année assez punchy. Entre les allers-retours, la peur par rapport à la maladie de mes parents et tout ça, je me posais un petit moment pour prendre des vacances. Et puis là, j'ai un ami qui m'appelle, qui me dit « Bon Gilles, j'ai besoin de toi. L'école de la deuxième chance, il faut la faire de Fort-de-France, qui n'est pas encore une école de la deuxième chance, qui est un projet école, parce qu'il faut la faire labelliser. » Il m'appelle, il me dit « Voilà, je sais que tu es ingénieur pédagogique, est-ce que tu peux m'aider ? » Et là, du coup, je rejoins l'équipe. et on obtient le label et on monte l'ingénierie pédagogique de la structure, on obtient le label et me voilà repartie dans une aventure imprévue mais qui me passionne.
- Speaker #0
Oui parce qu'elle est au service des jeunes et pourquoi c'est important aujourd'hui pour toi, pourquoi elle est importante aujourd'hui pour toi cette mission auprès des jeunes de la Martinique ? Parce que finalement depuis que tu es rentrée en Martinique, les différents postes que tu as eu, ont toujours été justement au service de cette jeunesse ?
- Speaker #1
Oui. Justement, je crois que j'avais envie de transmettre à ces jeunes qui sont majoritairement issus de quartiers plutôt défavorisés ou qui ont eu des parcours avec des... même ceux qui ne viennent pas de quartiers défavorisés et qui ont eu des parcours avec des embûches. Et j'avais avant tout envie de leur dire ne laissez pas ces parcours-là définir qui vous avez envie d'être. Ne laissez pas la société déterminer. Quelquefois, ils ont l'impression d'être rebelles, mais ils ne le sont pas parce qu'ils se soumettent justement aux stéréotypes de « c'est quoi un mec de quartier chaud ? » « Je vais porter des grosses chaînes, je vais m'habiller comme ça, je vais marcher comme ça, je vais faire ça, je vais… » Et finalement, ceux qui se croient quelquefois le plus rebelles, ils seront très conditionnés. Et j'avais envie de leur dire que c'était une obligation. J'ai trouvé des jeunes qui jouaient le jeu finalement de ce que la société attendait d'eux indirectement, mais qui n'étaient pas épanouis et réellement heureux. Ce n'était pas véritablement des choix, c'était plus des accidents de vie. Et leur dire que justement, en toute cohérence par rapport à mon parcours, ne laissez pas l'extérieur déterminer qui vous êtes, mais choisissez. Et c'est comme ça que certains jeunes ont... On découvère qu'ils pouvaient incarner autre chose au sein de la société que le jeune de qui on va avoir peur ou qui va faire des bêtises. Non, ils pouvaient être des éléments positifs, avoir une identité positive au sein de cette société sans perdre qui ils étaient, sans se trahir. Mais justement, on explique. Imprimant qu'ils étaient vraiment et tous leurs talents et être reconnus pour ça. Et voir ces changements, parce qu'on a fort heureusement des parcours extraordinaires, des jeunes qu'on a pu accompagner, qui ont su s'affranchir, saisir cette deuxième chance et s'affranchir de ces identités-là. Et ça nourrit tellement. J'ai la chance de faire ce métier. On me dit « Ah, c'est super, tu es au service des jeunes. » Mais ils ne peuvent pas imaginer comme moi, ça me nourrit. Comme chaque réussite, j'en ai les larmes aux yeux et chaque réussite compte et moi me nourris un peu plus. Et comme j'apprends moi auprès de ces jeunes aussi, ils m'apprennent énormément et ils me font grandir encore. Mais c'était avant tout ça le message. Et puis des jeunes filles, on parle des jeunes garçons dans le style un peu bad boy, mais les jeunes filles aussi qui se conforment des fois dans des attitudes hyper sexualisées ou au contraire dans des attitudes... plus masculines, parce qu'elles ont l'impression que pour se faire respecter, dans cette société-là, il va falloir qu'elles jouent un rôle, soit le rôle de la fille ultra-sexualisée, soit de la masculine. Non,
- Speaker #0
elles peuvent simplement...
- Speaker #1
Autant de voir... Il y en a plein d'autres à incarner. Et c'est elles qui choisissent. Voilà. Et ne pas se laisser déterminer par les autres. Choisir qui on a envie d'être. De vie, on n'en a qu'une, j'ai tendance à leur dire. Et puis, j'ai toujours refusé de travailler. Enfin, je n'ai pas aimé. J'ai très vite arrêté de travailler en psycho avec des enfants. Parce que, justement, je veux commencer à travailler à un âge où on peut s'autodéterminer. Une capacité de choisir. Voilà, une capacité de choisir et de se prendre en charge. Je dis souvent à mes jeunes, vous n'êtes pas des victimes. Je refuse que vous définissiez en tant que victime. Vous pouvez choisir aujourd'hui de... Tout ce que vous avez vécu en faire des forces, en faire des apprentissages de la vie et continuer sur une voie, la voie qui vous est propre. Ce qu'on ne peut pas faire avec des enfants qui malheureusement dépendent des fois de leur bourreau ou qui ne peuvent pas s'autodéterminer.
- Speaker #0
Et justement, tu parles d'embûches, tu parles de ne pas laisser les obstacles ou les parcours accidentés nous définir. Toi-même, comment, parce que je sais que tu as eu aussi... On a voulu te mettre des bâtons dans les roues, ça n'a pas toujours été facile, notamment en tant que femme, à des postes de direction, des postes d'encadrement. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus et surtout, comment tu as fait, dans quelles ressources tu as puisé pour faire face à ces fameux bâtons dans les roues, aux embûches ou aux pots de bananes qu'on a mis sous tes pieds ?
- Speaker #1
Alors, c'est vrai que j'ai travaillé... Alors, j'ai eu la chance d'avoir des parents... très valorisant et qui m'ont permis d'avoir... j'ai toujours eu assez confiance en moi. D'être assez confiante et de ne pas avoir peur de m'affirmer. Et quand effectivement j'entendais, ben voilà tu fais des études supérieures, tu es bonne dans ce que tu fais, tu as de très bonnes notes, donc pourquoi le mannequinat ? qui est plutôt quelque chose de superficiel, où on attend plutôt des filles esservelées, en gros c'est soit tu es reconnue avec les critères de beauté attendus par la société, et à ce moment-là t'as rien dans la tête, et puis voilà. J'ai toujours eu suffisamment de confiance, qui vient je pense justement de l'éducation que j'ai reçue, pour dire non, et comme je disais tout à l'heure, ça déstabilisait en gros l'adversaire. c'est à dire le fait que je ne rentre pas pas forcément dans les cases attendues. Oui, j'arrive en réunion de direction du haut de mes talons de 15 cm. Voilà. Et alors, avec des codes quelquefois vestimentaires que j'ai pris du monde de la mode, forcément, ça peut déstabiliser et où l'autre peut s'attendre à ce qu'on ne tienne pas nos dossiers. on ne soit pas bon dans notre travail parce qu'on a préféré passer peut-être du temps à faire du shopping. Non, c'est justement être carré dans mon travail.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
être toujours derrière, à jamais présenter un dossier bâclé, à connaître mon sujet et à le maîtriser. Tout en, voilà, c'est-à-dire, ce n'est pas l'un ou l'autre. Ça peut être l'un et l'autre. Et ça, je pense que ça peut aussi... Et puis face aux stratégies d'intimidation, face à ça, montrer que ça ne touche pas.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Voilà, donc je pense que ça déstabilise et ça me permet qu'elle... Quelquefois, de gagner du temps, peut-être, pendant que l'up de seconde ou l'autre est déstabilisé, de moins, d'être plus aussi, comment dire, d'être plus confiante aussi. Donc voilà, je ne sais pas si c'est une stratégie qui peut servir à d'autres, puisque je pense que j'ai eu la chance quand même d'avoir des parents très soutenants et très encourageants. et qui m'ont permis aussi d'aller explorer plein de choses sans avoir peur et de pouvoir m'affirmer en toute confiance mais je pense que c'est surtout ça en fait et puis voilà faut bosser faut être derrière ses dossiers, pas venir...
- Speaker #0
On a parlé de dictates justement faites aux femmes et il y a un autre dictate, celui de la maternité Toi, tu t'en es affranchie aussi.
- Speaker #1
Totalement.
- Speaker #0
Parce que tu n'as pas d'enfant et que c'est un choix. Et on a pu, dans ton entourage, peut-être s'interroger ou te poser certaines questions, etc. C'est un choix que font certaines femmes et qui n'est pas toujours accepté, facile à vivre. Comment toi, justement, tu as traversé cette période de choix où finalement, on te posait incessamment peut-être la question de c'est pour quand ?
- Speaker #1
Oui. Alors, je crois que c'est comme le reste. C'est vrai que quand on est une femme et qu'on décide en gros de ne pas avoir d'enfant, les gens, alors c'est pas forcément c'est pour quand, parce que les gens s'attendent peut-être à ce qu'il y ait un problème derrière, ou à ce qu'on soit malheureux, ou donc ils y vont alors, t'as pas d'enfant, ah ouais c'est super, c'est, ouais non c'est, et à montrer aussi aux femmes que c'est pas une obligation, on peut vouloir des enfants et c'est très bien, et puis on peut ne pas en vouloir, alors c'est vrai qu'on est vu comme une égoïste, comme quelqu'un... qui pensent qu'à soi, qui pensent qu'ils veulent. Et puis en ayant cette attitude finalement très décontractée, très assumée par rapport à ce choix-là, c'est là que j'ai eu aussi des témoignages de femmes qui m'ont dit « Bon, si c'était à refaire, je ne le referais peut-être pas, je ne l'ai peut-être pas fait pour les bonnes raisons. Je pourrais parler de mes difficultés de façon beaucoup plus décomplexée parce que ce n'est pas une née, ce n'est pas la mission d'une femme sur Terre. » que de faire des enfants. Ça doit être avant tout un choix et un choix éclairé. Voilà. Et ça me fait plaisir, en fait, de voir que ça permet à d'autres femmes d'aborder le sujet de la maternité, peut-être sans... avec en tout cas moins de culpabilité ou de gêne. Voilà. Et de façon...
- Speaker #0
Libre.
- Speaker #1
Libre. Et que ce soit dans un sens ou de l'autre. Voilà. Et... Je pense que le fait de m'affranchir depuis très longtemps des jugements de l'autre, ça m'a permis d'affronter ça comme le reste, de l'assumer sans que...
- Speaker #0
Oui, que ce soit véritablement un problème pour toi, c'est plus un problème pour les autres.
- Speaker #1
Voilà, je laisse les autres avec leurs interrogations et leurs problèmes, ça reste leur problème, en tout cas c'est pas le mien, c'est sûr.
- Speaker #0
Pour terminer, Gilles, je voudrais que tu partages avec nous... Le morceau qui te reboost, qui te permet de remonter la pente quand ce n'est pas facile. Ou un morceau qui te donne la niaque, même si je sais que tu l'as déjà. Mais on a toujours des moments où on est moins bien. Quel serait ce morceau ?
- Speaker #1
En ce moment, parce que ça bouge la musique. En ce moment, c'est My Power de Beyoncé. C'est vrai que... Voilà. Qui parle en fait d'empowerment de femmes, de femmes noires particulièrement. Parce que c'est une identité aussi à laquelle je tiens. Cette identité de femme noire, noire et multiple, noire issue de plein de métissages, et avec tout ce que ça comporte aussi d'inconfort dans cette société, qu'on ne se définisse pas que d'une façon, mais avec plein de métissages et plein de choses. Et voilà, donc MyPower.
- Speaker #0
Génial, merci beaucoup Gilles.
- Speaker #1
Merci à toi Marie.
- Speaker #0
Ose là, les voix qui osent.
- Speaker #1
Crac' Tichou par Agence Proposite