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Entretiens Amazighs - EP1 - Leila Assas cover
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L'Instant Berbère Podcast

Entretiens Amazighs - EP1 - Leila Assas

Entretiens Amazighs - EP1 - Leila Assas

29min |26/07/2024
Play
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Entretiens Amazighs - EP1 - Leila Assas cover
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L'Instant Berbère Podcast

Entretiens Amazighs - EP1 - Leila Assas

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29min |26/07/2024
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Description

Azul, Bonjour ! ⵣ


Nous sommes ravis de vous présenter notre nouveau format de podcast, "Entretiens Amazighes". Ce format plus long vous propose des discussions approfondies avec des personnalités inspirantes qui font vivre et évoluent la culture amazighe.

Pour notre premier épisode, nous avons eu le plaisir d'enregistrer un entretien avec Leila Assas, journaliste, entrepreneuse et médiatrice culturelle, elle a fondée Ziara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. Leila nous parle de quelques notions fondamentales de la culture amazighe, partageant son expertise et ses expériences personnelles.


Leila nous plonge dans les notions fondamentales de la culture amazighe, partageant avec passion son expertise et ses expériences personnelles.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    L'instant berbère, le podcast. On se retrouve, comme promis, pour un épisode un peu particulier. On va prendre le temps d'explorer quelques notions fondamentales de la culture amazigh. Je ne suis pas seule pour vous guider dans ce voyage. Leïla Hassas a accepté de répondre à mes questions. Leïla est journaliste, entrepreneur et médiatrice culturelle. Elle a fondé Diara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. On la retrouve tout de suite. Bonjour Leïla.

  • Speaker #1

    Bonjour Sophie.

  • Speaker #0

    Alors déjà si tu le veux bien, on va prendre les choses à la racine, j'ai envie de dire, à la racine sémantique, en s'attaquant à une question qui revient souvent, la différence entre amazigh et berbère. Tu peux m'expliquer l'origine de ces deux termes ?

  • Speaker #1

    Il est vrai qu'on croit souvent ces deux termes, amazigh et berbère, ça désigne la même ère géographique, la même population, donc ça peut prêter à confusion quand on ne connaît pas très bien l'historique. En fait, les deux termes sont interchangeables. Parfois, on les utilise même dans la même discussion, dans la même phrase, on peut les utiliser. Mais, un peu pour faire simple, le mot amazigh est un terme endogène. C'est-à-dire que c'est nous-mêmes, les amazigh, qui avons décidé de nous désigner comme tels. Il signifie l'homme libre, donc ça porte une forte connotation, presque une envie de s'affranchir des désignations des autres, j'ai envie de dire. Et le terme Amazigh a été adopté officiellement comme le nom de la population, de la culture. On parle de Temazigh avec un T pour la langue, le T c'est au féminin. Et pour aller encore plus loin, le terme Amazigh a été déjà évoqué par Ibn Khaldun pour décrire Amazigh comme étant un ancêtre royal de ces populations-là, en Afrique du Nord mais aussi en Afrique de l'Ouest. Mais on peut aussi parler d'ethnonime. qui est devenu un néologisme sémantique. Ça veut dire qu'il a acquis un statut social particulier déjà dans les années 40, avec les mouvements indépendistes, notamment en Algérie, le mouvement PPAMTLD. Il commence à avoir une littérature, mais aussi la chanson la plus emblématique ou le corpus le plus emblématique, c'est Kéroumé sou Mazir Lève-toi, fils à Mazir de Edir Eyt Amaran. Donc, pour expliquer pourquoi le mot à Mazir est venu, remplacer le mot berbère. Je vais peut-être commencer par la fin, mais aussi le mot berbère, on va le rappeler, que c'est un terme exonyme, donc il est extérieur. Ce sont les autres qui nous ont appelés ainsi, a priori les Grecs puis les Romains, qui appelaient Barbaros toute population ou toute, on va dire, ethnie extérieure ou étrangère à la leur. Donc c'est un terme très généralisé, finalement, le mot. Barbaros qui est devenu Berbère, Barbar aussi repris par les chroniqueurs arabes et arabophones. Pendant longtemps aussi, il a été employé avec une connotation très négative. Donc on peut aussi comprendre cette volonté pour nous les amazighes de petit à petit, on va dire le changer, essayer de le remplacer par le mot amazigh. Après, ce n'est pas évident, parce que le mot amazigh, comme je l'ai rappelé, il est pas comme vocable, mais surtout comme utilisation, en fait, pour nous désigner comme étant un peuple, et relativement récent. Donc il fallait toujours que le mot berbère reste pas très très loin, pour qu'on puisse aussi situer géographiquement et culturellement, en fait, cette partie de l'Afrique.

  • Speaker #0

    Pour revenir sur le terme berbère, tu disais que c'était jusque-là connoté négativement. Est-ce qu'on tend à revenir vers une réappropriation de ce terme, au contraire ?

  • Speaker #1

    Je pense aussi déjà à l'Académie Berbère, l'Encyclopédie Berbère, depuis les années 60 à 70. Ils ont préféré utiliser ce terme au moins à mesure, ils ont leur propre choix. Nous avons un stand berbère qui le réunit aujourd'hui. Donc oui, je pense qu'à un moment donné, on peut se poser cette question, c'est-à-dire… On nous a désignés comme tels, pourquoi ne pas juste l'assumer ? Nous sommes, oui, nous sommes les berbères.

  • Speaker #0

    Mais ça reste une question d'identité, le choix sémantique, le choix d'utiliser les mots ou amazigh ou berbère n'est jamais vide de sens.

  • Speaker #1

    Absolument, mais après c'est tellement rentrer dans les pratiques quotidiennes, dans le langage quotidien, moi personnellement il m'arrive souvent dans la même phrase. D'utiliser le mot amazigh et le mot berbère, c'est dire la complexité aussi de la chose. On ne peut pas trancher comme ça facilement. Après, il est vrai que moi, personnellement, je tends à utiliser le mot amazigh plus qu'au berbère, en me disant que c'est un mot qui peut fédérer, mais aussi porter des valeurs intrinsèques à notre culture. Et souvent, en fait, des détracteurs. Ils vont dire que non, vous n'êtes pas des amazighes, vous êtes des berbères. Nous sommes ce que nous sommes, c'est-à-dire l'essence, elle est là. Après, les termes ou les noms peuvent être interchangeables. On peut même aller vers un troisième vocable, pourquoi pas ? Et moi, je dis souvent, un peu pour taquiner les gens, je dis aussi, rappelant que le Burkina Faso n'a été rebaptisé comme tel que dans les années 80, par F. Thomas Sankara, qui a décidé qu'en fait, pour... C'est une sorte d'hommage à son peuple. Burkina Faso, c'est le pays des hommes intègres, littéralement. Et pourquoi pas ? Dans un esprit anticolonial, décolonial, un terme peut aisément remplacer un autre.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est pour la question étymologique. Mais pour plonger au cœur de l'histoire et de l'identité berbère et amazigh, Disons les deux. J'aimerais bien que tu nous fasses un petit point sur la géographie du territoire berbère.

  • Speaker #1

    Le territoire historique, culturel, géographique, linguistique, mais aussi génétique, Amazigh, de l'ère Amazigh, il s'étend jusqu'à l'est, jusqu'à l'oasis de Siwa, une oasis égyptienne, elle est l'hémitrophe de la Libye. Il descend jusqu'au Mali et au Niger, Burkina Faso également. Mais aussi, on retrouve beaucoup de populations encore berbère ou faune, berbères en Algérie, au Maroc. en Tunisie, un peu en Mauritanie, très peu aussi au Sahara occidental. Il y a aussi des données récentes qui recensent des populations encore berbérophones au Soudan. Mais l'estimation démographique aujourd'hui de cette population berbère est difficile à fixer, si la géographie est beaucoup plus claire. C'est pour ça que j'ai dit un peu plus tôt, j'ai dit qu'on se base en fait sur des données culturelles, géographiques, voire même génétiques, parce qu'aujourd'hui, en fait, on a... tendance à confondre en fait populations berbères et non berbérophones ou berbères et berbérophones. Il n'est pas forcément berbère tout ce qui n'est pas berbérophone, je ne sais pas si je l'ai bien expliqué. En parlant de démographie berbère, on va juste localiser des régions berbérophones encore. Mais les données génétiques, et elles sont tangibles, prouvent que même des populations qui ne sont plus berbérophones, elles le sentent génétiquement, elles sont berbères génétiquement. C'est pour ça, en fait, les études, à mon sens, elles ne sont pas souvent exhaustives, parce que les critères, je trouve qu'elles ne sont pas très bien définies. Donc, si au Mali, au Niger, au Burkina Faso, les berbères sont plus ou moins localisés, ils sont visibles, c'est-à-dire qu'on peut vraiment dire que telle et telle tribu sont berbères, berbérophones. Comparer, par exemple, on va les comparer aux Sanraï, aux Malenke. Donc, il y a une réelle distinction. Mais dans d'autres pays, notamment en Algérie, on va plutôt se pencher sur le nombre de locuteurs. Ce qu'il faut, c'est un peu le mapping, si tu vois ce que je veux dire, Sophie.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. En fait, si je te suis, le problème qu'on a pour estimer la démographie de la population berbère, c'est presque un problème de définition. Il n'y a pas une définition qui fait consensus sur ce qu'il fait le peuple berbère à un moment M, une photographie, on va dire, de 2024.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, c'est exactement cela. En fait, il n'existe pas, on va dire, un baromètre tangible pour pouvoir définir qui est berbère et qui ne l'est pas. Surtout que beaucoup, ils sont libres, ne se revendiquent pas comme tels. C'est important aussi de le souligner.

  • Speaker #0

    La culture à Mazir, c'est aussi un drapeau. Est-ce que tu peux me le décrire, ce drapeau ?

  • Speaker #1

    Oui, le drapeau Amazigh, en fait, c'est un drapeau identitaire, qui n'a pour seul but de fédérer, représenter, pas juste politiquement, mais surtout culturellement, l'ère socioculturelle, sociolinguistique Amazigh. Il a pris naissance dans les années 70, donc en fait à Lône ou bien dans le sillage de l'Académie Berbère, qu'il a présenté pour la première fois. Et son inventeur ne s'est pas douté un instant qu'il allait avoir cette aura, cette représentation. Donc, c'est surtout dans les années 90, plusieurs années après, lors du congrès mondial à Melsire, qu'il a été en quelque sorte officialisé, pourtant un emblème culturel. Je pense qu'il est pour nous ce que le drapeau de l'Union européenne est pour l'Europe. Donc, il va fédérer, il y a une sorte de consensus, et il est en fait formé de trois bandes. Donc, il y a la bande bleue. Il y a la bande verte, il y a la bande jaune, donc le bleu c'est la Méditerranée, le vert c'est les prairies, c'est les plains, c'est la berberie ou le temezra fertile, et le jaune pour l'étendue du Sahara et le Sahel, donc on peut le retrouver aussi. Et il est marqué en fait, on va dire presque en fer rouge, avec le yaz, et c'est le symbole Amazigh, c'est, il me semble, la 30e. 30e lettre de l'alphabet tamazirt qui signifie homme libre.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce drapeau est reconnu par la communauté internationale ou est-ce que pour l'instant ça reste un drapeau symbolique ?

  • Speaker #1

    A mon avis, il n'y a pas une reconnaissance officielle, si je dis pas de bêtises, mais en fait il est présent, il est attesté, l'iconographie est là, elle est visuelle.

  • Speaker #0

    On continue notre voyage à travers l'histoire et la culture berbère, Leïla. Pour ça, j'aimerais bien qu'on revienne sur la mythologie préislamique. Tu as écrit un très bel article. Alors, j'espère que je vais bien prononcer sur Anza. C'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Anza. Anza.

  • Speaker #0

    Le dieu du ciel, des eaux, des rivières, des mers, des ruisseaux, des sources et de la pluie. Rien que ça. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, avec grand plaisir. En fait, la culture amazighère de l'Afrique du Nord, mais aussi de l'Afrique de l'Ouest, elle est très riche, elle est très imagée, elle est très proche de la nature. La période dite pré-islamique, elle nous renseigne sur le rapport qu'avaient nos ancêtres avec la nature. Je pense qu'elle est très proche aussi de ce qui pourrait être pour vous la mythologie grecque. D'ailleurs, il y a des textes et des controverses qui disent parfois que ce sont les Grecs qui se sont inspirés de nos dieux, ou peut-être vice-versa, mais ça... La tradition orale ne peut le confirmer.

  • Speaker #0

    Tu jettes un pavé dans la mare là quand même !

  • Speaker #1

    Ah ben oui ! On reste dans des suppositions. Mais en tout cas, en fait, il y avait tout un pontéant de divinités avant l'arrivée de l'islam. Rappelons qu'avant l'arrivée de l'islam, nous étions judaïsés, christianisés également, mais il y avait aussi une forte population qui restait fortement païenne. Mais même ceux qui ont été judaïsés, christianisés, Et même de nos jours islamisés, on continue d'avoir des survivances de nos rites païens. C'est notre cosmologie. Et Anzar, je pense que c'est une des divinités les plus marquantes. Pourquoi ? Parce que sa représentation, elle reste toujours d'actualité. On a besoin un peu, dans notre subconscient, de Anzar. C'est le dieu de la pluie. Donc il avait une place centrale dans notre mythologie. On a besoin de pluie pour... que la vie continue. Donc c'est un dieu puissant, mais rappelant que la pluie ou l'eau, c'est la vie, mais ça peut être aussi très capricieux, ça peut être aussi dévastateur. Donc il convient de l'aduler, il convient d'aller en ce sens. C'est pour ça qu'on parle de cette légende de Tislit Nanzar, la fiancée de Nanzar. Déjà ça va nous renseigner sur le rapport du sens du sacrifice, parce qu'on sacrifia aussi des femmes. C'est ce que la tradition orale, les anthropologues essaient d'aller en ce sens, c'est-à-dire que la fiancée d'un tsar, elle symbolise une réelle pratique qui a existé. Je pense aussi à la fiancée du Nil, quand j'étais à des jeunes filles au Nil. On peut vraiment se rapprocher de cette dialectique. Et l'histoire raconte en fait que quand la fiancée d'un tsar, Tiziri, qui était une femme qui avait un fils, qui avait un fils, elle était prête à se sacrifier. Puis un jour, en fait, elle est partie se baigner dans la rivière et elle avait réussi à apaiser Ansar. Et cette pluie abondante qui allait être dévastatrice a fini par être bénéfique pour les populations.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est encore d'une certaine manière célébré aujourd'hui ? Et si oui, comment ?

  • Speaker #1

    Il y a encore des parties de l'Afrique du Nord qu'il célèbre. Il y a eu un déclin, parce qu'il y a eu des travaux de recherche jusqu'aux années 70, les années 80, où il était encore célébré, très présent, pas uniquement dans les régions berbérophones, mais on va par exemple penser à la Kabylie, où jusqu'au jour, il y a encore qui pratiquent le rite d'Anzar. Certains en fait dans la continuité, d'autres aussi dans une sorte de renaissance. Donc on avait perdu la tradition, mais on a essayé de la ressusciter. Il y a aussi, notamment au Maroc, il est encore pratiqué. Dans le sud-est algérien, aussi à Béchard, jusqu'aux années 80-90, il a été pratiqué. Et dans des régions, ma région maternelle, dans l'Orani, à Sidi Bel Abès, à l'ouest algérien, qui sont une région fortement arabisée, donc on ne pratique pas aucun dialecte amazigh. Mais jusqu'aux années 90-2000, en fait, nous avons des récits, notamment je pense à M. Kadab Nismisha, qui lui, il est marionnitis, il est aussi un homme de théâtre, qui justement s'est beaucoup inspiré de cette tradition d'Anzar. Il se rappelle, lui, très jeune, pratiquant encore cette tradition. Aujourd'hui, encore heureux, on ne balance pas des charmantes jeunes filles dans les rivières.

  • Speaker #0

    Oui, j'aime autant, j'aime autant.

  • Speaker #1

    Oui, oui, moi aussi. Mais Anzar, il est représenté par la louche, par un jade. Donc on va habiller comme une jolie jeune fille, c'est la petite, la fiancée, et on va en fait l'exhiber, cette marionnette. Il y a tout un chant et chaque région aussi a son chant et qui va invoquer Anzar, donc donne-nous de l'eau et de la pluie.

  • Speaker #0

    On va continuer avec la culture berbère, c'est aussi une culture qui est riche en poésie, avec notamment les chants, là encore j'espère que je prononce bien, du Gourara. Est-ce que tu peux expliquer à nos auditeurs ce que c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. En fait, j'ai rencontré ces chants il y a plus d'une dizaine d'années. Enfin, c'était contextuel parce que je suis partie vivre au Gourara pendant plus de dix ans. Moi, pour un peu planter le décor, je quitte une grande ville du Nord, Oran. la ville du rail, pour aller au sud-ouest, dans des régions très enclavées, et quand je le dis, c'est vraiment au sens propre et figuré, parce que nous sommes dans des oasis, dans des régions très isolées. Encore aujourd'hui, il y a des moyens de communication réels et virtuels, mais pour revenir au chant d'Ahenlil, du Gorara, en fait ce sont des corpus, mais pas que, c'est une manifestation musicale, littéraire, chorégraphique, anthropologique aussi. propre vraiment aux populations zenètes du Gorara. Donc on parle vraiment d'une spécificité géolocalisée, bien que les corpus ou bien les thématiques, on les retrouve souvent partagées par l'ensemble, pas juste l'air à Mazir, mais aussi toute l'Afrique. Mais par rapport à la rythmique, l'exécution, les danses, la symbolique de chaque gestuelle, elle est vraiment propre à la région du Gorara, dans la capitale, elle est Sétimimoune. en surnom l'Oasis Rouge, et ces chants, appelés encore de nos jours, leur nom anté-islamique, c'est les Isilouènes, un terme qu'on retrouve aussi dans d'autres régions berbérofondes, notamment au Maroc, mais aussi en Libye, le Isli, singulier, Isilouène au pluriel, ce sont tout simplement les corpus chantés, les courts textes poésiques chantés, et la particularité de ceux de l'île, c'est qu'ils ont été réactualisés. donc utilisée par les missionnaires musulmans dès l'avènement de l'islam pour pouvoir introduire la pratique religieuse. Mais il y a toujours des survivances. C'est ça qui est intéressant, c'est que les textes dits sacrés côtoient les textes profanes. En tout cas, c'est un peu la définition donnée par les anthropologues et les spécialistes. Mais ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on a essayé d'utiliser l'un pour atteindre l'autre. Ce sont des traditions fortement imprégnées des cultures qui ont précédé l'islam, donc le judaïsme, le christianisme et aussi le kharijisme, qui était un courant musulman qui a précédé l'islam sunnite, qui s'est fixé dans la région. Et les textes ahlil du Qur'an ont été popularisés, je dirais même dévoilés à l'humanité, grâce aux travaux de Mouloud Mamri dans les années 70. On dit qu'en fait, qu'il a découvert ça presque par hasard, accidentellement, parce qu'il rentrait de l'extrême sud-est, donc chez les cousins Touareg, où il avait fait un grand travail de recherche. Et c'est en remontant, en fait, qu'il a eu écho des pratiques culturelles des Zénas du Gourara, et qu'il a fait des recherches, des captations de sang, notamment avec Pierre Ogier. Tous les deux, ils étaient chercheurs au CNR. donc un centre de recherche qui existe toujours, qui est à Alger. Et c'est à partir de là qu'on commençait à s'intéresser à l'ahlil du Gourara. Déjà dans les années 80, on commençait à avoir les premiers, on va dire, corpus scientifiques sur l'ahlil. Puis par la suite, il y a eu les travaux de Rachid Bilil, un ami que nous saluons, qui a travaillé sur les élates du Gourara, donc toujours édité au CNRPH.

  • Speaker #0

    Donc on a des captations sonores, on a des captations écrites aussi de ces textes, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, on a des captations écrites, mais puis la tradition orale s'est maintenue. Ça veut dire qu'en fait, il ne s'agit pas juste d'une recherche anthropologique, on va un peu expliquer ces corpus, comment ils étaient exécutés. Dans la pratique quotidienne, je passe bien mes mots, quasi quotidienne, des zénithes du Gourara, l'ahlil est présent. Il accompagne la vie, la mort, la naissance, lorsque les pèlerins reviennent du hajj, lorsqu'il y a une fête cultuelle, parce qu'il y a le... culte des saints au Gholala, pratiquement chaque jour il y a un saint qui y est honoré. Le saint il y a un village, un ksar, une oasis. Donc le ksar c'est le mot fortification. Donc ce sont toutes ces oasis de vie, un peu pour reprendre Pierre Raffé, ces oasis de vie qui entourent le cœur du Gholala qui est Simimoun. Chaque oasis a son saint patron et chaque saint patron a sa fête culturelle. Donc, c'est pour dire l'importance de ces corpus dans la vie quotidienne.

  • Speaker #0

    Est-ce que, alors là je te prends un peu en traître parce que je ne t'ai pas prévenue, mais est-ce que tu aurais un texte à nous lire, pour exemple ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas de texte à lire, mais de mémoire, je pourrais vous réciter, et j'espère que je ne vais pas l'écorcher, un texte qui m'est très cher, parce que c'est un texte poétique, je dirais, mais érotique, c'est Adorir, Adorir Aiellino. Adorera, en fait c'est Adorir, viens on joue Elle est l'héno Lella c'est la dame, madame C'est comme mi lady C'est ma chère aussi Lella c'est un statut social Pour la femme qu'on respecte Ce sont les princesses qu'on nomme Lella C'est la grande soeur Par exemple pour Gorara qu'on va surnommer Lella Lella est un prénom aussi aujourd'hui Et il lui dit Lella est l'héno Madame à moi, Innos est à moi, viens on joue ensemble parce que j'adore jouer avec toi. On laissera cela libre à interprétation, comment ils vont jouer. Mais voilà un corpus type qu'on peut par exemple jouer dans des rencontres, on va dire, spécifiques. Par exemple, il y a le rituel de Tessirt. Tessirt, par exemple, les Kabiles c'est Tessirt, c'est la pierre à moutre. ou aussi appelé en algérien et en fait il ya tout un rituel autour de ça on va moudre du blé des dates séchées et on va préparer cette préparation lors d'une manifestation on va chanter on va danser le premier jour en fait des noces donc c'est un rituel on va dire prénuptial et ça jusqu'au jour c'est pratiqué il ya aussi des corpus on va dire plus religieux, on va invoquer les saints patrons. Il y a aussi des survivances d'autres traditions. Même la Zeri, c'est pour la Vierge Marie. Même la Zeri, la Zera, c'est en fait les vierges, on va dire, et c'est la mère des vierges. Donc c'est très très riche en symboles, c'est très riche en renseignements aussi sur la... sur la culture locale.

  • Speaker #0

    Je sens qu'effectivement, c'est un sujet qui te passionne. Oui, je pense que si je pouvais te lancer sur deux heures là-dessus, tu le ferais sans problème.

  • Speaker #1

    Sans faute. Bon,

  • Speaker #0

    je vais juste te poser une dernière question, parce que tu en as dit un mot tout à l'heure. J'aimerais bien que tu nous parles un peu des Touaregs. La première image qui me vient, bien sûr, c'est évidemment une couleur, c'est l'indigo. Qu'est-ce qu'elle signifie chez les Touaregs ? C'est quoi la symbolique de cette couleur ?

  • Speaker #1

    Avant d'aborder la symbolique de l'indigo chez les Touaregs, moi j'aime bien en fait avoir toujours une vision plus large, plus 360 degrés, tisser des liens comme ça, et essayer toujours d'inscrire une tradition dans son ensemble et aussi dans son environnement. Le sobriquet de l'an bleu qui a été donné aux Touaregs, aussi aux Ghibès qui sont une autre tribu de l'Afrique du Nord, mais c'est important. aussi de rendre à César ce qui appartient à César parce que la teinte de l'indigo, cette teinte de l'origine, elle est pratiquée, elle est partagée, elle est célébrée par de nombreuses communautés africaines. Donc l'indigo est bien plus qu'une simple couleur, c'est un patrimoine culturel, spirituel important. Il symbolise la noblesse, la protection, l'identité. Historiquement, c'est en pays haussin, donc à Kano principalement. et l'actuelle Nigéria, où on va trouver les premiers ou bien les plus anciens centres textiles de l'époque précoloniale répertoriés. Et jusqu'à nos jours, ce sont les Hausa, mais pas que, mais aussi les Sonenke, qui excellent, qui continuent à se distinguer comme des artisans spécialisés dans la teinte de l'indigo. Ça c'est important de le souligner, parce que les Touaregs, traditionnellement, culturellement, n'ont jamais pratiqué la teinture de l'indigo jusqu'à nos jours, mais il y a toujours eu des échanges, à travers les routes du commerce les plus connues, donc des échanges. Et on peut aussi voir en la symbolique de l'endigo quelque chose qui unit plusieurs tribus, plusieurs ethnies, plusieurs peuples de l'Afrique et qui lie un peu le Sahara au Sahel. Et pour les Touaregs, on va revenir aux Touaregs spécifiquement, cette couleur symbolise la fragilité de l'être humain. Donc il est éphémère, mais il est aussi inscrit dans une sorte d'immensité. Et ça reste un marqueur social, identitaire, donc chez les Touaregs.

  • Speaker #0

    Oui, on se reconnaît avec cette couleur indigo et on sait à quelle classe on appartient. On peut le dire comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    au sein même de la communauté Touareg. Ça, c'est important de le souligner. Et en tout cas, il y a l'anthropologue française Hélène Clodo-Aouad, elle l'explique très très bien. Elle a épousé le poète du Niger, de Touareg du Niger, Aouad. Je ne sais pas qui l'a écoutée en premier, la culture Touareg ou le poète, mais en tout cas elle, elle a beaucoup écrit sur cette cosmogonie, sur cette symbolique. Mais moi je trouve plus intéressant aussi qu'on puisse l'inscrire dans une vision plus vaste, vraiment beaucoup plus vaste.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire en fait le lien des Touareg avec les Sonenke, les liens avec les Hausa. mais aussi au Mali, chez les Dogans, où il a une forte connotation aussi symbolique, l'indigo. Donc on est vraiment en fait, il n'est pas spécifique au Touareg, mais il s'inscrit dans une sorte de dynamique culturelle. Et d'ailleurs on dit que même les plus anciens vestiges de teinture à l'indigo, on les retrouve dans l'Égypte antique.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc effectivement ça remonte, j'ai envie de dire. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que, justement, si quelqu'un voulait aller plus loin dans l'exploration de l'indigo et de sa symbolique, est-ce que tu aurais un livre à conseiller ? Je parle d'une anthropologue française, mais ça peut être autre chose.

  • Speaker #1

    Moi, je t'avoue que mes plus principales recherches, elles étaient centrées sur les travaux d'Hélène Clodo-Hawatt.

  • Speaker #0

    D'accord, donc on la renvoie vers elle.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ça fait, je pense, une trentaine d'années qu'elle se consacre à la... à la culture Touareg. Et du coup, je pense qu'elle est une des mieux renseignées, en tout cas celle qui a le plus exposé et aussi le plus communiqué, ou je dirais vulgarisé, les pratiques ancestrales Touareg.

  • Speaker #0

    Bon, très bien. En tout cas, Laila, j'ai envie de te dire merci beaucoup parce qu'on vient de passer... Je t'ai demandé de résumer beaucoup, beaucoup de choses en très, très peu de temps, mais tu l'as fait avec passion. Et c'était un réel plaisir. Merci, Leïla.

  • Speaker #1

    Merci à toi, Sophie. Merci beaucoup de m'avoir donné l'opportunité de pouvoir parler de choses qui me passionnent.

  • Speaker #0

    Vous pouvez retrouver Leïla sur son site leylahassas.com, mais aussi sur ziarat-culture.com. On referme cette parenthèse à Mazir. Continuez à suivre notre actualité sur la page Instagram de l'instant Berbère et sur vos plateformes préférées.

  • Speaker #1

    À très vite !

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Pour notre premier épisode, nous avons eu le plaisir d'enregistrer un entretien avec Leila Assas, journaliste, entrepreneuse et médiatrice culturelle, elle a fondée Ziara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. Leila nous parle de quelques notions fondamentales de la culture amazighe, partageant son expertise et ses expériences personnelles.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    L'instant berbère, le podcast. On se retrouve, comme promis, pour un épisode un peu particulier. On va prendre le temps d'explorer quelques notions fondamentales de la culture amazigh. Je ne suis pas seule pour vous guider dans ce voyage. Leïla Hassas a accepté de répondre à mes questions. Leïla est journaliste, entrepreneur et médiatrice culturelle. Elle a fondé Diara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. On la retrouve tout de suite. Bonjour Leïla.

  • Speaker #1

    Bonjour Sophie.

  • Speaker #0

    Alors déjà si tu le veux bien, on va prendre les choses à la racine, j'ai envie de dire, à la racine sémantique, en s'attaquant à une question qui revient souvent, la différence entre amazigh et berbère. Tu peux m'expliquer l'origine de ces deux termes ?

  • Speaker #1

    Il est vrai qu'on croit souvent ces deux termes, amazigh et berbère, ça désigne la même ère géographique, la même population, donc ça peut prêter à confusion quand on ne connaît pas très bien l'historique. En fait, les deux termes sont interchangeables. Parfois, on les utilise même dans la même discussion, dans la même phrase, on peut les utiliser. Mais, un peu pour faire simple, le mot amazigh est un terme endogène. C'est-à-dire que c'est nous-mêmes, les amazigh, qui avons décidé de nous désigner comme tels. Il signifie l'homme libre, donc ça porte une forte connotation, presque une envie de s'affranchir des désignations des autres, j'ai envie de dire. Et le terme Amazigh a été adopté officiellement comme le nom de la population, de la culture. On parle de Temazigh avec un T pour la langue, le T c'est au féminin. Et pour aller encore plus loin, le terme Amazigh a été déjà évoqué par Ibn Khaldun pour décrire Amazigh comme étant un ancêtre royal de ces populations-là, en Afrique du Nord mais aussi en Afrique de l'Ouest. Mais on peut aussi parler d'ethnonime. qui est devenu un néologisme sémantique. Ça veut dire qu'il a acquis un statut social particulier déjà dans les années 40, avec les mouvements indépendistes, notamment en Algérie, le mouvement PPAMTLD. Il commence à avoir une littérature, mais aussi la chanson la plus emblématique ou le corpus le plus emblématique, c'est Kéroumé sou Mazir Lève-toi, fils à Mazir de Edir Eyt Amaran. Donc, pour expliquer pourquoi le mot à Mazir est venu, remplacer le mot berbère. Je vais peut-être commencer par la fin, mais aussi le mot berbère, on va le rappeler, que c'est un terme exonyme, donc il est extérieur. Ce sont les autres qui nous ont appelés ainsi, a priori les Grecs puis les Romains, qui appelaient Barbaros toute population ou toute, on va dire, ethnie extérieure ou étrangère à la leur. Donc c'est un terme très généralisé, finalement, le mot. Barbaros qui est devenu Berbère, Barbar aussi repris par les chroniqueurs arabes et arabophones. Pendant longtemps aussi, il a été employé avec une connotation très négative. Donc on peut aussi comprendre cette volonté pour nous les amazighes de petit à petit, on va dire le changer, essayer de le remplacer par le mot amazigh. Après, ce n'est pas évident, parce que le mot amazigh, comme je l'ai rappelé, il est pas comme vocable, mais surtout comme utilisation, en fait, pour nous désigner comme étant un peuple, et relativement récent. Donc il fallait toujours que le mot berbère reste pas très très loin, pour qu'on puisse aussi situer géographiquement et culturellement, en fait, cette partie de l'Afrique.

  • Speaker #0

    Pour revenir sur le terme berbère, tu disais que c'était jusque-là connoté négativement. Est-ce qu'on tend à revenir vers une réappropriation de ce terme, au contraire ?

  • Speaker #1

    Je pense aussi déjà à l'Académie Berbère, l'Encyclopédie Berbère, depuis les années 60 à 70. Ils ont préféré utiliser ce terme au moins à mesure, ils ont leur propre choix. Nous avons un stand berbère qui le réunit aujourd'hui. Donc oui, je pense qu'à un moment donné, on peut se poser cette question, c'est-à-dire… On nous a désignés comme tels, pourquoi ne pas juste l'assumer ? Nous sommes, oui, nous sommes les berbères.

  • Speaker #0

    Mais ça reste une question d'identité, le choix sémantique, le choix d'utiliser les mots ou amazigh ou berbère n'est jamais vide de sens.

  • Speaker #1

    Absolument, mais après c'est tellement rentrer dans les pratiques quotidiennes, dans le langage quotidien, moi personnellement il m'arrive souvent dans la même phrase. D'utiliser le mot amazigh et le mot berbère, c'est dire la complexité aussi de la chose. On ne peut pas trancher comme ça facilement. Après, il est vrai que moi, personnellement, je tends à utiliser le mot amazigh plus qu'au berbère, en me disant que c'est un mot qui peut fédérer, mais aussi porter des valeurs intrinsèques à notre culture. Et souvent, en fait, des détracteurs. Ils vont dire que non, vous n'êtes pas des amazighes, vous êtes des berbères. Nous sommes ce que nous sommes, c'est-à-dire l'essence, elle est là. Après, les termes ou les noms peuvent être interchangeables. On peut même aller vers un troisième vocable, pourquoi pas ? Et moi, je dis souvent, un peu pour taquiner les gens, je dis aussi, rappelant que le Burkina Faso n'a été rebaptisé comme tel que dans les années 80, par F. Thomas Sankara, qui a décidé qu'en fait, pour... C'est une sorte d'hommage à son peuple. Burkina Faso, c'est le pays des hommes intègres, littéralement. Et pourquoi pas ? Dans un esprit anticolonial, décolonial, un terme peut aisément remplacer un autre.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est pour la question étymologique. Mais pour plonger au cœur de l'histoire et de l'identité berbère et amazigh, Disons les deux. J'aimerais bien que tu nous fasses un petit point sur la géographie du territoire berbère.

  • Speaker #1

    Le territoire historique, culturel, géographique, linguistique, mais aussi génétique, Amazigh, de l'ère Amazigh, il s'étend jusqu'à l'est, jusqu'à l'oasis de Siwa, une oasis égyptienne, elle est l'hémitrophe de la Libye. Il descend jusqu'au Mali et au Niger, Burkina Faso également. Mais aussi, on retrouve beaucoup de populations encore berbère ou faune, berbères en Algérie, au Maroc. en Tunisie, un peu en Mauritanie, très peu aussi au Sahara occidental. Il y a aussi des données récentes qui recensent des populations encore berbérophones au Soudan. Mais l'estimation démographique aujourd'hui de cette population berbère est difficile à fixer, si la géographie est beaucoup plus claire. C'est pour ça que j'ai dit un peu plus tôt, j'ai dit qu'on se base en fait sur des données culturelles, géographiques, voire même génétiques, parce qu'aujourd'hui, en fait, on a... tendance à confondre en fait populations berbères et non berbérophones ou berbères et berbérophones. Il n'est pas forcément berbère tout ce qui n'est pas berbérophone, je ne sais pas si je l'ai bien expliqué. En parlant de démographie berbère, on va juste localiser des régions berbérophones encore. Mais les données génétiques, et elles sont tangibles, prouvent que même des populations qui ne sont plus berbérophones, elles le sentent génétiquement, elles sont berbères génétiquement. C'est pour ça, en fait, les études, à mon sens, elles ne sont pas souvent exhaustives, parce que les critères, je trouve qu'elles ne sont pas très bien définies. Donc, si au Mali, au Niger, au Burkina Faso, les berbères sont plus ou moins localisés, ils sont visibles, c'est-à-dire qu'on peut vraiment dire que telle et telle tribu sont berbères, berbérophones. Comparer, par exemple, on va les comparer aux Sanraï, aux Malenke. Donc, il y a une réelle distinction. Mais dans d'autres pays, notamment en Algérie, on va plutôt se pencher sur le nombre de locuteurs. Ce qu'il faut, c'est un peu le mapping, si tu vois ce que je veux dire, Sophie.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. En fait, si je te suis, le problème qu'on a pour estimer la démographie de la population berbère, c'est presque un problème de définition. Il n'y a pas une définition qui fait consensus sur ce qu'il fait le peuple berbère à un moment M, une photographie, on va dire, de 2024.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, c'est exactement cela. En fait, il n'existe pas, on va dire, un baromètre tangible pour pouvoir définir qui est berbère et qui ne l'est pas. Surtout que beaucoup, ils sont libres, ne se revendiquent pas comme tels. C'est important aussi de le souligner.

  • Speaker #0

    La culture à Mazir, c'est aussi un drapeau. Est-ce que tu peux me le décrire, ce drapeau ?

  • Speaker #1

    Oui, le drapeau Amazigh, en fait, c'est un drapeau identitaire, qui n'a pour seul but de fédérer, représenter, pas juste politiquement, mais surtout culturellement, l'ère socioculturelle, sociolinguistique Amazigh. Il a pris naissance dans les années 70, donc en fait à Lône ou bien dans le sillage de l'Académie Berbère, qu'il a présenté pour la première fois. Et son inventeur ne s'est pas douté un instant qu'il allait avoir cette aura, cette représentation. Donc, c'est surtout dans les années 90, plusieurs années après, lors du congrès mondial à Melsire, qu'il a été en quelque sorte officialisé, pourtant un emblème culturel. Je pense qu'il est pour nous ce que le drapeau de l'Union européenne est pour l'Europe. Donc, il va fédérer, il y a une sorte de consensus, et il est en fait formé de trois bandes. Donc, il y a la bande bleue. Il y a la bande verte, il y a la bande jaune, donc le bleu c'est la Méditerranée, le vert c'est les prairies, c'est les plains, c'est la berberie ou le temezra fertile, et le jaune pour l'étendue du Sahara et le Sahel, donc on peut le retrouver aussi. Et il est marqué en fait, on va dire presque en fer rouge, avec le yaz, et c'est le symbole Amazigh, c'est, il me semble, la 30e. 30e lettre de l'alphabet tamazirt qui signifie homme libre.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce drapeau est reconnu par la communauté internationale ou est-ce que pour l'instant ça reste un drapeau symbolique ?

  • Speaker #1

    A mon avis, il n'y a pas une reconnaissance officielle, si je dis pas de bêtises, mais en fait il est présent, il est attesté, l'iconographie est là, elle est visuelle.

  • Speaker #0

    On continue notre voyage à travers l'histoire et la culture berbère, Leïla. Pour ça, j'aimerais bien qu'on revienne sur la mythologie préislamique. Tu as écrit un très bel article. Alors, j'espère que je vais bien prononcer sur Anza. C'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Anza. Anza.

  • Speaker #0

    Le dieu du ciel, des eaux, des rivières, des mers, des ruisseaux, des sources et de la pluie. Rien que ça. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, avec grand plaisir. En fait, la culture amazighère de l'Afrique du Nord, mais aussi de l'Afrique de l'Ouest, elle est très riche, elle est très imagée, elle est très proche de la nature. La période dite pré-islamique, elle nous renseigne sur le rapport qu'avaient nos ancêtres avec la nature. Je pense qu'elle est très proche aussi de ce qui pourrait être pour vous la mythologie grecque. D'ailleurs, il y a des textes et des controverses qui disent parfois que ce sont les Grecs qui se sont inspirés de nos dieux, ou peut-être vice-versa, mais ça... La tradition orale ne peut le confirmer.

  • Speaker #0

    Tu jettes un pavé dans la mare là quand même !

  • Speaker #1

    Ah ben oui ! On reste dans des suppositions. Mais en tout cas, en fait, il y avait tout un pontéant de divinités avant l'arrivée de l'islam. Rappelons qu'avant l'arrivée de l'islam, nous étions judaïsés, christianisés également, mais il y avait aussi une forte population qui restait fortement païenne. Mais même ceux qui ont été judaïsés, christianisés, Et même de nos jours islamisés, on continue d'avoir des survivances de nos rites païens. C'est notre cosmologie. Et Anzar, je pense que c'est une des divinités les plus marquantes. Pourquoi ? Parce que sa représentation, elle reste toujours d'actualité. On a besoin un peu, dans notre subconscient, de Anzar. C'est le dieu de la pluie. Donc il avait une place centrale dans notre mythologie. On a besoin de pluie pour... que la vie continue. Donc c'est un dieu puissant, mais rappelant que la pluie ou l'eau, c'est la vie, mais ça peut être aussi très capricieux, ça peut être aussi dévastateur. Donc il convient de l'aduler, il convient d'aller en ce sens. C'est pour ça qu'on parle de cette légende de Tislit Nanzar, la fiancée de Nanzar. Déjà ça va nous renseigner sur le rapport du sens du sacrifice, parce qu'on sacrifia aussi des femmes. C'est ce que la tradition orale, les anthropologues essaient d'aller en ce sens, c'est-à-dire que la fiancée d'un tsar, elle symbolise une réelle pratique qui a existé. Je pense aussi à la fiancée du Nil, quand j'étais à des jeunes filles au Nil. On peut vraiment se rapprocher de cette dialectique. Et l'histoire raconte en fait que quand la fiancée d'un tsar, Tiziri, qui était une femme qui avait un fils, qui avait un fils, elle était prête à se sacrifier. Puis un jour, en fait, elle est partie se baigner dans la rivière et elle avait réussi à apaiser Ansar. Et cette pluie abondante qui allait être dévastatrice a fini par être bénéfique pour les populations.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est encore d'une certaine manière célébré aujourd'hui ? Et si oui, comment ?

  • Speaker #1

    Il y a encore des parties de l'Afrique du Nord qu'il célèbre. Il y a eu un déclin, parce qu'il y a eu des travaux de recherche jusqu'aux années 70, les années 80, où il était encore célébré, très présent, pas uniquement dans les régions berbérophones, mais on va par exemple penser à la Kabylie, où jusqu'au jour, il y a encore qui pratiquent le rite d'Anzar. Certains en fait dans la continuité, d'autres aussi dans une sorte de renaissance. Donc on avait perdu la tradition, mais on a essayé de la ressusciter. Il y a aussi, notamment au Maroc, il est encore pratiqué. Dans le sud-est algérien, aussi à Béchard, jusqu'aux années 80-90, il a été pratiqué. Et dans des régions, ma région maternelle, dans l'Orani, à Sidi Bel Abès, à l'ouest algérien, qui sont une région fortement arabisée, donc on ne pratique pas aucun dialecte amazigh. Mais jusqu'aux années 90-2000, en fait, nous avons des récits, notamment je pense à M. Kadab Nismisha, qui lui, il est marionnitis, il est aussi un homme de théâtre, qui justement s'est beaucoup inspiré de cette tradition d'Anzar. Il se rappelle, lui, très jeune, pratiquant encore cette tradition. Aujourd'hui, encore heureux, on ne balance pas des charmantes jeunes filles dans les rivières.

  • Speaker #0

    Oui, j'aime autant, j'aime autant.

  • Speaker #1

    Oui, oui, moi aussi. Mais Anzar, il est représenté par la louche, par un jade. Donc on va habiller comme une jolie jeune fille, c'est la petite, la fiancée, et on va en fait l'exhiber, cette marionnette. Il y a tout un chant et chaque région aussi a son chant et qui va invoquer Anzar, donc donne-nous de l'eau et de la pluie.

  • Speaker #0

    On va continuer avec la culture berbère, c'est aussi une culture qui est riche en poésie, avec notamment les chants, là encore j'espère que je prononce bien, du Gourara. Est-ce que tu peux expliquer à nos auditeurs ce que c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. En fait, j'ai rencontré ces chants il y a plus d'une dizaine d'années. Enfin, c'était contextuel parce que je suis partie vivre au Gourara pendant plus de dix ans. Moi, pour un peu planter le décor, je quitte une grande ville du Nord, Oran. la ville du rail, pour aller au sud-ouest, dans des régions très enclavées, et quand je le dis, c'est vraiment au sens propre et figuré, parce que nous sommes dans des oasis, dans des régions très isolées. Encore aujourd'hui, il y a des moyens de communication réels et virtuels, mais pour revenir au chant d'Ahenlil, du Gorara, en fait ce sont des corpus, mais pas que, c'est une manifestation musicale, littéraire, chorégraphique, anthropologique aussi. propre vraiment aux populations zenètes du Gorara. Donc on parle vraiment d'une spécificité géolocalisée, bien que les corpus ou bien les thématiques, on les retrouve souvent partagées par l'ensemble, pas juste l'air à Mazir, mais aussi toute l'Afrique. Mais par rapport à la rythmique, l'exécution, les danses, la symbolique de chaque gestuelle, elle est vraiment propre à la région du Gorara, dans la capitale, elle est Sétimimoune. en surnom l'Oasis Rouge, et ces chants, appelés encore de nos jours, leur nom anté-islamique, c'est les Isilouènes, un terme qu'on retrouve aussi dans d'autres régions berbérofondes, notamment au Maroc, mais aussi en Libye, le Isli, singulier, Isilouène au pluriel, ce sont tout simplement les corpus chantés, les courts textes poésiques chantés, et la particularité de ceux de l'île, c'est qu'ils ont été réactualisés. donc utilisée par les missionnaires musulmans dès l'avènement de l'islam pour pouvoir introduire la pratique religieuse. Mais il y a toujours des survivances. C'est ça qui est intéressant, c'est que les textes dits sacrés côtoient les textes profanes. En tout cas, c'est un peu la définition donnée par les anthropologues et les spécialistes. Mais ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on a essayé d'utiliser l'un pour atteindre l'autre. Ce sont des traditions fortement imprégnées des cultures qui ont précédé l'islam, donc le judaïsme, le christianisme et aussi le kharijisme, qui était un courant musulman qui a précédé l'islam sunnite, qui s'est fixé dans la région. Et les textes ahlil du Qur'an ont été popularisés, je dirais même dévoilés à l'humanité, grâce aux travaux de Mouloud Mamri dans les années 70. On dit qu'en fait, qu'il a découvert ça presque par hasard, accidentellement, parce qu'il rentrait de l'extrême sud-est, donc chez les cousins Touareg, où il avait fait un grand travail de recherche. Et c'est en remontant, en fait, qu'il a eu écho des pratiques culturelles des Zénas du Gourara, et qu'il a fait des recherches, des captations de sang, notamment avec Pierre Ogier. Tous les deux, ils étaient chercheurs au CNR. donc un centre de recherche qui existe toujours, qui est à Alger. Et c'est à partir de là qu'on commençait à s'intéresser à l'ahlil du Gourara. Déjà dans les années 80, on commençait à avoir les premiers, on va dire, corpus scientifiques sur l'ahlil. Puis par la suite, il y a eu les travaux de Rachid Bilil, un ami que nous saluons, qui a travaillé sur les élates du Gourara, donc toujours édité au CNRPH.

  • Speaker #0

    Donc on a des captations sonores, on a des captations écrites aussi de ces textes, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, on a des captations écrites, mais puis la tradition orale s'est maintenue. Ça veut dire qu'en fait, il ne s'agit pas juste d'une recherche anthropologique, on va un peu expliquer ces corpus, comment ils étaient exécutés. Dans la pratique quotidienne, je passe bien mes mots, quasi quotidienne, des zénithes du Gourara, l'ahlil est présent. Il accompagne la vie, la mort, la naissance, lorsque les pèlerins reviennent du hajj, lorsqu'il y a une fête cultuelle, parce qu'il y a le... culte des saints au Gholala, pratiquement chaque jour il y a un saint qui y est honoré. Le saint il y a un village, un ksar, une oasis. Donc le ksar c'est le mot fortification. Donc ce sont toutes ces oasis de vie, un peu pour reprendre Pierre Raffé, ces oasis de vie qui entourent le cœur du Gholala qui est Simimoun. Chaque oasis a son saint patron et chaque saint patron a sa fête culturelle. Donc, c'est pour dire l'importance de ces corpus dans la vie quotidienne.

  • Speaker #0

    Est-ce que, alors là je te prends un peu en traître parce que je ne t'ai pas prévenue, mais est-ce que tu aurais un texte à nous lire, pour exemple ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas de texte à lire, mais de mémoire, je pourrais vous réciter, et j'espère que je ne vais pas l'écorcher, un texte qui m'est très cher, parce que c'est un texte poétique, je dirais, mais érotique, c'est Adorir, Adorir Aiellino. Adorera, en fait c'est Adorir, viens on joue Elle est l'héno Lella c'est la dame, madame C'est comme mi lady C'est ma chère aussi Lella c'est un statut social Pour la femme qu'on respecte Ce sont les princesses qu'on nomme Lella C'est la grande soeur Par exemple pour Gorara qu'on va surnommer Lella Lella est un prénom aussi aujourd'hui Et il lui dit Lella est l'héno Madame à moi, Innos est à moi, viens on joue ensemble parce que j'adore jouer avec toi. On laissera cela libre à interprétation, comment ils vont jouer. Mais voilà un corpus type qu'on peut par exemple jouer dans des rencontres, on va dire, spécifiques. Par exemple, il y a le rituel de Tessirt. Tessirt, par exemple, les Kabiles c'est Tessirt, c'est la pierre à moutre. ou aussi appelé en algérien et en fait il ya tout un rituel autour de ça on va moudre du blé des dates séchées et on va préparer cette préparation lors d'une manifestation on va chanter on va danser le premier jour en fait des noces donc c'est un rituel on va dire prénuptial et ça jusqu'au jour c'est pratiqué il ya aussi des corpus on va dire plus religieux, on va invoquer les saints patrons. Il y a aussi des survivances d'autres traditions. Même la Zeri, c'est pour la Vierge Marie. Même la Zeri, la Zera, c'est en fait les vierges, on va dire, et c'est la mère des vierges. Donc c'est très très riche en symboles, c'est très riche en renseignements aussi sur la... sur la culture locale.

  • Speaker #0

    Je sens qu'effectivement, c'est un sujet qui te passionne. Oui, je pense que si je pouvais te lancer sur deux heures là-dessus, tu le ferais sans problème.

  • Speaker #1

    Sans faute. Bon,

  • Speaker #0

    je vais juste te poser une dernière question, parce que tu en as dit un mot tout à l'heure. J'aimerais bien que tu nous parles un peu des Touaregs. La première image qui me vient, bien sûr, c'est évidemment une couleur, c'est l'indigo. Qu'est-ce qu'elle signifie chez les Touaregs ? C'est quoi la symbolique de cette couleur ?

  • Speaker #1

    Avant d'aborder la symbolique de l'indigo chez les Touaregs, moi j'aime bien en fait avoir toujours une vision plus large, plus 360 degrés, tisser des liens comme ça, et essayer toujours d'inscrire une tradition dans son ensemble et aussi dans son environnement. Le sobriquet de l'an bleu qui a été donné aux Touaregs, aussi aux Ghibès qui sont une autre tribu de l'Afrique du Nord, mais c'est important. aussi de rendre à César ce qui appartient à César parce que la teinte de l'indigo, cette teinte de l'origine, elle est pratiquée, elle est partagée, elle est célébrée par de nombreuses communautés africaines. Donc l'indigo est bien plus qu'une simple couleur, c'est un patrimoine culturel, spirituel important. Il symbolise la noblesse, la protection, l'identité. Historiquement, c'est en pays haussin, donc à Kano principalement. et l'actuelle Nigéria, où on va trouver les premiers ou bien les plus anciens centres textiles de l'époque précoloniale répertoriés. Et jusqu'à nos jours, ce sont les Hausa, mais pas que, mais aussi les Sonenke, qui excellent, qui continuent à se distinguer comme des artisans spécialisés dans la teinte de l'indigo. Ça c'est important de le souligner, parce que les Touaregs, traditionnellement, culturellement, n'ont jamais pratiqué la teinture de l'indigo jusqu'à nos jours, mais il y a toujours eu des échanges, à travers les routes du commerce les plus connues, donc des échanges. Et on peut aussi voir en la symbolique de l'endigo quelque chose qui unit plusieurs tribus, plusieurs ethnies, plusieurs peuples de l'Afrique et qui lie un peu le Sahara au Sahel. Et pour les Touaregs, on va revenir aux Touaregs spécifiquement, cette couleur symbolise la fragilité de l'être humain. Donc il est éphémère, mais il est aussi inscrit dans une sorte d'immensité. Et ça reste un marqueur social, identitaire, donc chez les Touaregs.

  • Speaker #0

    Oui, on se reconnaît avec cette couleur indigo et on sait à quelle classe on appartient. On peut le dire comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    au sein même de la communauté Touareg. Ça, c'est important de le souligner. Et en tout cas, il y a l'anthropologue française Hélène Clodo-Aouad, elle l'explique très très bien. Elle a épousé le poète du Niger, de Touareg du Niger, Aouad. Je ne sais pas qui l'a écoutée en premier, la culture Touareg ou le poète, mais en tout cas elle, elle a beaucoup écrit sur cette cosmogonie, sur cette symbolique. Mais moi je trouve plus intéressant aussi qu'on puisse l'inscrire dans une vision plus vaste, vraiment beaucoup plus vaste.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire en fait le lien des Touareg avec les Sonenke, les liens avec les Hausa. mais aussi au Mali, chez les Dogans, où il a une forte connotation aussi symbolique, l'indigo. Donc on est vraiment en fait, il n'est pas spécifique au Touareg, mais il s'inscrit dans une sorte de dynamique culturelle. Et d'ailleurs on dit que même les plus anciens vestiges de teinture à l'indigo, on les retrouve dans l'Égypte antique.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc effectivement ça remonte, j'ai envie de dire. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que, justement, si quelqu'un voulait aller plus loin dans l'exploration de l'indigo et de sa symbolique, est-ce que tu aurais un livre à conseiller ? Je parle d'une anthropologue française, mais ça peut être autre chose.

  • Speaker #1

    Moi, je t'avoue que mes plus principales recherches, elles étaient centrées sur les travaux d'Hélène Clodo-Hawatt.

  • Speaker #0

    D'accord, donc on la renvoie vers elle.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ça fait, je pense, une trentaine d'années qu'elle se consacre à la... à la culture Touareg. Et du coup, je pense qu'elle est une des mieux renseignées, en tout cas celle qui a le plus exposé et aussi le plus communiqué, ou je dirais vulgarisé, les pratiques ancestrales Touareg.

  • Speaker #0

    Bon, très bien. En tout cas, Laila, j'ai envie de te dire merci beaucoup parce qu'on vient de passer... Je t'ai demandé de résumer beaucoup, beaucoup de choses en très, très peu de temps, mais tu l'as fait avec passion. Et c'était un réel plaisir. Merci, Leïla.

  • Speaker #1

    Merci à toi, Sophie. Merci beaucoup de m'avoir donné l'opportunité de pouvoir parler de choses qui me passionnent.

  • Speaker #0

    Vous pouvez retrouver Leïla sur son site leylahassas.com, mais aussi sur ziarat-culture.com. On referme cette parenthèse à Mazir. Continuez à suivre notre actualité sur la page Instagram de l'instant Berbère et sur vos plateformes préférées.

  • Speaker #1

    À très vite !

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Azul, Bonjour ! ⵣ


Nous sommes ravis de vous présenter notre nouveau format de podcast, "Entretiens Amazighes". Ce format plus long vous propose des discussions approfondies avec des personnalités inspirantes qui font vivre et évoluent la culture amazighe.

Pour notre premier épisode, nous avons eu le plaisir d'enregistrer un entretien avec Leila Assas, journaliste, entrepreneuse et médiatrice culturelle, elle a fondée Ziara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. Leila nous parle de quelques notions fondamentales de la culture amazighe, partageant son expertise et ses expériences personnelles.


Leila nous plonge dans les notions fondamentales de la culture amazighe, partageant avec passion son expertise et ses expériences personnelles.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    L'instant berbère, le podcast. On se retrouve, comme promis, pour un épisode un peu particulier. On va prendre le temps d'explorer quelques notions fondamentales de la culture amazigh. Je ne suis pas seule pour vous guider dans ce voyage. Leïla Hassas a accepté de répondre à mes questions. Leïla est journaliste, entrepreneur et médiatrice culturelle. Elle a fondé Diara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. On la retrouve tout de suite. Bonjour Leïla.

  • Speaker #1

    Bonjour Sophie.

  • Speaker #0

    Alors déjà si tu le veux bien, on va prendre les choses à la racine, j'ai envie de dire, à la racine sémantique, en s'attaquant à une question qui revient souvent, la différence entre amazigh et berbère. Tu peux m'expliquer l'origine de ces deux termes ?

  • Speaker #1

    Il est vrai qu'on croit souvent ces deux termes, amazigh et berbère, ça désigne la même ère géographique, la même population, donc ça peut prêter à confusion quand on ne connaît pas très bien l'historique. En fait, les deux termes sont interchangeables. Parfois, on les utilise même dans la même discussion, dans la même phrase, on peut les utiliser. Mais, un peu pour faire simple, le mot amazigh est un terme endogène. C'est-à-dire que c'est nous-mêmes, les amazigh, qui avons décidé de nous désigner comme tels. Il signifie l'homme libre, donc ça porte une forte connotation, presque une envie de s'affranchir des désignations des autres, j'ai envie de dire. Et le terme Amazigh a été adopté officiellement comme le nom de la population, de la culture. On parle de Temazigh avec un T pour la langue, le T c'est au féminin. Et pour aller encore plus loin, le terme Amazigh a été déjà évoqué par Ibn Khaldun pour décrire Amazigh comme étant un ancêtre royal de ces populations-là, en Afrique du Nord mais aussi en Afrique de l'Ouest. Mais on peut aussi parler d'ethnonime. qui est devenu un néologisme sémantique. Ça veut dire qu'il a acquis un statut social particulier déjà dans les années 40, avec les mouvements indépendistes, notamment en Algérie, le mouvement PPAMTLD. Il commence à avoir une littérature, mais aussi la chanson la plus emblématique ou le corpus le plus emblématique, c'est Kéroumé sou Mazir Lève-toi, fils à Mazir de Edir Eyt Amaran. Donc, pour expliquer pourquoi le mot à Mazir est venu, remplacer le mot berbère. Je vais peut-être commencer par la fin, mais aussi le mot berbère, on va le rappeler, que c'est un terme exonyme, donc il est extérieur. Ce sont les autres qui nous ont appelés ainsi, a priori les Grecs puis les Romains, qui appelaient Barbaros toute population ou toute, on va dire, ethnie extérieure ou étrangère à la leur. Donc c'est un terme très généralisé, finalement, le mot. Barbaros qui est devenu Berbère, Barbar aussi repris par les chroniqueurs arabes et arabophones. Pendant longtemps aussi, il a été employé avec une connotation très négative. Donc on peut aussi comprendre cette volonté pour nous les amazighes de petit à petit, on va dire le changer, essayer de le remplacer par le mot amazigh. Après, ce n'est pas évident, parce que le mot amazigh, comme je l'ai rappelé, il est pas comme vocable, mais surtout comme utilisation, en fait, pour nous désigner comme étant un peuple, et relativement récent. Donc il fallait toujours que le mot berbère reste pas très très loin, pour qu'on puisse aussi situer géographiquement et culturellement, en fait, cette partie de l'Afrique.

  • Speaker #0

    Pour revenir sur le terme berbère, tu disais que c'était jusque-là connoté négativement. Est-ce qu'on tend à revenir vers une réappropriation de ce terme, au contraire ?

  • Speaker #1

    Je pense aussi déjà à l'Académie Berbère, l'Encyclopédie Berbère, depuis les années 60 à 70. Ils ont préféré utiliser ce terme au moins à mesure, ils ont leur propre choix. Nous avons un stand berbère qui le réunit aujourd'hui. Donc oui, je pense qu'à un moment donné, on peut se poser cette question, c'est-à-dire… On nous a désignés comme tels, pourquoi ne pas juste l'assumer ? Nous sommes, oui, nous sommes les berbères.

  • Speaker #0

    Mais ça reste une question d'identité, le choix sémantique, le choix d'utiliser les mots ou amazigh ou berbère n'est jamais vide de sens.

  • Speaker #1

    Absolument, mais après c'est tellement rentrer dans les pratiques quotidiennes, dans le langage quotidien, moi personnellement il m'arrive souvent dans la même phrase. D'utiliser le mot amazigh et le mot berbère, c'est dire la complexité aussi de la chose. On ne peut pas trancher comme ça facilement. Après, il est vrai que moi, personnellement, je tends à utiliser le mot amazigh plus qu'au berbère, en me disant que c'est un mot qui peut fédérer, mais aussi porter des valeurs intrinsèques à notre culture. Et souvent, en fait, des détracteurs. Ils vont dire que non, vous n'êtes pas des amazighes, vous êtes des berbères. Nous sommes ce que nous sommes, c'est-à-dire l'essence, elle est là. Après, les termes ou les noms peuvent être interchangeables. On peut même aller vers un troisième vocable, pourquoi pas ? Et moi, je dis souvent, un peu pour taquiner les gens, je dis aussi, rappelant que le Burkina Faso n'a été rebaptisé comme tel que dans les années 80, par F. Thomas Sankara, qui a décidé qu'en fait, pour... C'est une sorte d'hommage à son peuple. Burkina Faso, c'est le pays des hommes intègres, littéralement. Et pourquoi pas ? Dans un esprit anticolonial, décolonial, un terme peut aisément remplacer un autre.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est pour la question étymologique. Mais pour plonger au cœur de l'histoire et de l'identité berbère et amazigh, Disons les deux. J'aimerais bien que tu nous fasses un petit point sur la géographie du territoire berbère.

  • Speaker #1

    Le territoire historique, culturel, géographique, linguistique, mais aussi génétique, Amazigh, de l'ère Amazigh, il s'étend jusqu'à l'est, jusqu'à l'oasis de Siwa, une oasis égyptienne, elle est l'hémitrophe de la Libye. Il descend jusqu'au Mali et au Niger, Burkina Faso également. Mais aussi, on retrouve beaucoup de populations encore berbère ou faune, berbères en Algérie, au Maroc. en Tunisie, un peu en Mauritanie, très peu aussi au Sahara occidental. Il y a aussi des données récentes qui recensent des populations encore berbérophones au Soudan. Mais l'estimation démographique aujourd'hui de cette population berbère est difficile à fixer, si la géographie est beaucoup plus claire. C'est pour ça que j'ai dit un peu plus tôt, j'ai dit qu'on se base en fait sur des données culturelles, géographiques, voire même génétiques, parce qu'aujourd'hui, en fait, on a... tendance à confondre en fait populations berbères et non berbérophones ou berbères et berbérophones. Il n'est pas forcément berbère tout ce qui n'est pas berbérophone, je ne sais pas si je l'ai bien expliqué. En parlant de démographie berbère, on va juste localiser des régions berbérophones encore. Mais les données génétiques, et elles sont tangibles, prouvent que même des populations qui ne sont plus berbérophones, elles le sentent génétiquement, elles sont berbères génétiquement. C'est pour ça, en fait, les études, à mon sens, elles ne sont pas souvent exhaustives, parce que les critères, je trouve qu'elles ne sont pas très bien définies. Donc, si au Mali, au Niger, au Burkina Faso, les berbères sont plus ou moins localisés, ils sont visibles, c'est-à-dire qu'on peut vraiment dire que telle et telle tribu sont berbères, berbérophones. Comparer, par exemple, on va les comparer aux Sanraï, aux Malenke. Donc, il y a une réelle distinction. Mais dans d'autres pays, notamment en Algérie, on va plutôt se pencher sur le nombre de locuteurs. Ce qu'il faut, c'est un peu le mapping, si tu vois ce que je veux dire, Sophie.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. En fait, si je te suis, le problème qu'on a pour estimer la démographie de la population berbère, c'est presque un problème de définition. Il n'y a pas une définition qui fait consensus sur ce qu'il fait le peuple berbère à un moment M, une photographie, on va dire, de 2024.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, c'est exactement cela. En fait, il n'existe pas, on va dire, un baromètre tangible pour pouvoir définir qui est berbère et qui ne l'est pas. Surtout que beaucoup, ils sont libres, ne se revendiquent pas comme tels. C'est important aussi de le souligner.

  • Speaker #0

    La culture à Mazir, c'est aussi un drapeau. Est-ce que tu peux me le décrire, ce drapeau ?

  • Speaker #1

    Oui, le drapeau Amazigh, en fait, c'est un drapeau identitaire, qui n'a pour seul but de fédérer, représenter, pas juste politiquement, mais surtout culturellement, l'ère socioculturelle, sociolinguistique Amazigh. Il a pris naissance dans les années 70, donc en fait à Lône ou bien dans le sillage de l'Académie Berbère, qu'il a présenté pour la première fois. Et son inventeur ne s'est pas douté un instant qu'il allait avoir cette aura, cette représentation. Donc, c'est surtout dans les années 90, plusieurs années après, lors du congrès mondial à Melsire, qu'il a été en quelque sorte officialisé, pourtant un emblème culturel. Je pense qu'il est pour nous ce que le drapeau de l'Union européenne est pour l'Europe. Donc, il va fédérer, il y a une sorte de consensus, et il est en fait formé de trois bandes. Donc, il y a la bande bleue. Il y a la bande verte, il y a la bande jaune, donc le bleu c'est la Méditerranée, le vert c'est les prairies, c'est les plains, c'est la berberie ou le temezra fertile, et le jaune pour l'étendue du Sahara et le Sahel, donc on peut le retrouver aussi. Et il est marqué en fait, on va dire presque en fer rouge, avec le yaz, et c'est le symbole Amazigh, c'est, il me semble, la 30e. 30e lettre de l'alphabet tamazirt qui signifie homme libre.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce drapeau est reconnu par la communauté internationale ou est-ce que pour l'instant ça reste un drapeau symbolique ?

  • Speaker #1

    A mon avis, il n'y a pas une reconnaissance officielle, si je dis pas de bêtises, mais en fait il est présent, il est attesté, l'iconographie est là, elle est visuelle.

  • Speaker #0

    On continue notre voyage à travers l'histoire et la culture berbère, Leïla. Pour ça, j'aimerais bien qu'on revienne sur la mythologie préislamique. Tu as écrit un très bel article. Alors, j'espère que je vais bien prononcer sur Anza. C'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Anza. Anza.

  • Speaker #0

    Le dieu du ciel, des eaux, des rivières, des mers, des ruisseaux, des sources et de la pluie. Rien que ça. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, avec grand plaisir. En fait, la culture amazighère de l'Afrique du Nord, mais aussi de l'Afrique de l'Ouest, elle est très riche, elle est très imagée, elle est très proche de la nature. La période dite pré-islamique, elle nous renseigne sur le rapport qu'avaient nos ancêtres avec la nature. Je pense qu'elle est très proche aussi de ce qui pourrait être pour vous la mythologie grecque. D'ailleurs, il y a des textes et des controverses qui disent parfois que ce sont les Grecs qui se sont inspirés de nos dieux, ou peut-être vice-versa, mais ça... La tradition orale ne peut le confirmer.

  • Speaker #0

    Tu jettes un pavé dans la mare là quand même !

  • Speaker #1

    Ah ben oui ! On reste dans des suppositions. Mais en tout cas, en fait, il y avait tout un pontéant de divinités avant l'arrivée de l'islam. Rappelons qu'avant l'arrivée de l'islam, nous étions judaïsés, christianisés également, mais il y avait aussi une forte population qui restait fortement païenne. Mais même ceux qui ont été judaïsés, christianisés, Et même de nos jours islamisés, on continue d'avoir des survivances de nos rites païens. C'est notre cosmologie. Et Anzar, je pense que c'est une des divinités les plus marquantes. Pourquoi ? Parce que sa représentation, elle reste toujours d'actualité. On a besoin un peu, dans notre subconscient, de Anzar. C'est le dieu de la pluie. Donc il avait une place centrale dans notre mythologie. On a besoin de pluie pour... que la vie continue. Donc c'est un dieu puissant, mais rappelant que la pluie ou l'eau, c'est la vie, mais ça peut être aussi très capricieux, ça peut être aussi dévastateur. Donc il convient de l'aduler, il convient d'aller en ce sens. C'est pour ça qu'on parle de cette légende de Tislit Nanzar, la fiancée de Nanzar. Déjà ça va nous renseigner sur le rapport du sens du sacrifice, parce qu'on sacrifia aussi des femmes. C'est ce que la tradition orale, les anthropologues essaient d'aller en ce sens, c'est-à-dire que la fiancée d'un tsar, elle symbolise une réelle pratique qui a existé. Je pense aussi à la fiancée du Nil, quand j'étais à des jeunes filles au Nil. On peut vraiment se rapprocher de cette dialectique. Et l'histoire raconte en fait que quand la fiancée d'un tsar, Tiziri, qui était une femme qui avait un fils, qui avait un fils, elle était prête à se sacrifier. Puis un jour, en fait, elle est partie se baigner dans la rivière et elle avait réussi à apaiser Ansar. Et cette pluie abondante qui allait être dévastatrice a fini par être bénéfique pour les populations.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est encore d'une certaine manière célébré aujourd'hui ? Et si oui, comment ?

  • Speaker #1

    Il y a encore des parties de l'Afrique du Nord qu'il célèbre. Il y a eu un déclin, parce qu'il y a eu des travaux de recherche jusqu'aux années 70, les années 80, où il était encore célébré, très présent, pas uniquement dans les régions berbérophones, mais on va par exemple penser à la Kabylie, où jusqu'au jour, il y a encore qui pratiquent le rite d'Anzar. Certains en fait dans la continuité, d'autres aussi dans une sorte de renaissance. Donc on avait perdu la tradition, mais on a essayé de la ressusciter. Il y a aussi, notamment au Maroc, il est encore pratiqué. Dans le sud-est algérien, aussi à Béchard, jusqu'aux années 80-90, il a été pratiqué. Et dans des régions, ma région maternelle, dans l'Orani, à Sidi Bel Abès, à l'ouest algérien, qui sont une région fortement arabisée, donc on ne pratique pas aucun dialecte amazigh. Mais jusqu'aux années 90-2000, en fait, nous avons des récits, notamment je pense à M. Kadab Nismisha, qui lui, il est marionnitis, il est aussi un homme de théâtre, qui justement s'est beaucoup inspiré de cette tradition d'Anzar. Il se rappelle, lui, très jeune, pratiquant encore cette tradition. Aujourd'hui, encore heureux, on ne balance pas des charmantes jeunes filles dans les rivières.

  • Speaker #0

    Oui, j'aime autant, j'aime autant.

  • Speaker #1

    Oui, oui, moi aussi. Mais Anzar, il est représenté par la louche, par un jade. Donc on va habiller comme une jolie jeune fille, c'est la petite, la fiancée, et on va en fait l'exhiber, cette marionnette. Il y a tout un chant et chaque région aussi a son chant et qui va invoquer Anzar, donc donne-nous de l'eau et de la pluie.

  • Speaker #0

    On va continuer avec la culture berbère, c'est aussi une culture qui est riche en poésie, avec notamment les chants, là encore j'espère que je prononce bien, du Gourara. Est-ce que tu peux expliquer à nos auditeurs ce que c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. En fait, j'ai rencontré ces chants il y a plus d'une dizaine d'années. Enfin, c'était contextuel parce que je suis partie vivre au Gourara pendant plus de dix ans. Moi, pour un peu planter le décor, je quitte une grande ville du Nord, Oran. la ville du rail, pour aller au sud-ouest, dans des régions très enclavées, et quand je le dis, c'est vraiment au sens propre et figuré, parce que nous sommes dans des oasis, dans des régions très isolées. Encore aujourd'hui, il y a des moyens de communication réels et virtuels, mais pour revenir au chant d'Ahenlil, du Gorara, en fait ce sont des corpus, mais pas que, c'est une manifestation musicale, littéraire, chorégraphique, anthropologique aussi. propre vraiment aux populations zenètes du Gorara. Donc on parle vraiment d'une spécificité géolocalisée, bien que les corpus ou bien les thématiques, on les retrouve souvent partagées par l'ensemble, pas juste l'air à Mazir, mais aussi toute l'Afrique. Mais par rapport à la rythmique, l'exécution, les danses, la symbolique de chaque gestuelle, elle est vraiment propre à la région du Gorara, dans la capitale, elle est Sétimimoune. en surnom l'Oasis Rouge, et ces chants, appelés encore de nos jours, leur nom anté-islamique, c'est les Isilouènes, un terme qu'on retrouve aussi dans d'autres régions berbérofondes, notamment au Maroc, mais aussi en Libye, le Isli, singulier, Isilouène au pluriel, ce sont tout simplement les corpus chantés, les courts textes poésiques chantés, et la particularité de ceux de l'île, c'est qu'ils ont été réactualisés. donc utilisée par les missionnaires musulmans dès l'avènement de l'islam pour pouvoir introduire la pratique religieuse. Mais il y a toujours des survivances. C'est ça qui est intéressant, c'est que les textes dits sacrés côtoient les textes profanes. En tout cas, c'est un peu la définition donnée par les anthropologues et les spécialistes. Mais ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on a essayé d'utiliser l'un pour atteindre l'autre. Ce sont des traditions fortement imprégnées des cultures qui ont précédé l'islam, donc le judaïsme, le christianisme et aussi le kharijisme, qui était un courant musulman qui a précédé l'islam sunnite, qui s'est fixé dans la région. Et les textes ahlil du Qur'an ont été popularisés, je dirais même dévoilés à l'humanité, grâce aux travaux de Mouloud Mamri dans les années 70. On dit qu'en fait, qu'il a découvert ça presque par hasard, accidentellement, parce qu'il rentrait de l'extrême sud-est, donc chez les cousins Touareg, où il avait fait un grand travail de recherche. Et c'est en remontant, en fait, qu'il a eu écho des pratiques culturelles des Zénas du Gourara, et qu'il a fait des recherches, des captations de sang, notamment avec Pierre Ogier. Tous les deux, ils étaient chercheurs au CNR. donc un centre de recherche qui existe toujours, qui est à Alger. Et c'est à partir de là qu'on commençait à s'intéresser à l'ahlil du Gourara. Déjà dans les années 80, on commençait à avoir les premiers, on va dire, corpus scientifiques sur l'ahlil. Puis par la suite, il y a eu les travaux de Rachid Bilil, un ami que nous saluons, qui a travaillé sur les élates du Gourara, donc toujours édité au CNRPH.

  • Speaker #0

    Donc on a des captations sonores, on a des captations écrites aussi de ces textes, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, on a des captations écrites, mais puis la tradition orale s'est maintenue. Ça veut dire qu'en fait, il ne s'agit pas juste d'une recherche anthropologique, on va un peu expliquer ces corpus, comment ils étaient exécutés. Dans la pratique quotidienne, je passe bien mes mots, quasi quotidienne, des zénithes du Gourara, l'ahlil est présent. Il accompagne la vie, la mort, la naissance, lorsque les pèlerins reviennent du hajj, lorsqu'il y a une fête cultuelle, parce qu'il y a le... culte des saints au Gholala, pratiquement chaque jour il y a un saint qui y est honoré. Le saint il y a un village, un ksar, une oasis. Donc le ksar c'est le mot fortification. Donc ce sont toutes ces oasis de vie, un peu pour reprendre Pierre Raffé, ces oasis de vie qui entourent le cœur du Gholala qui est Simimoun. Chaque oasis a son saint patron et chaque saint patron a sa fête culturelle. Donc, c'est pour dire l'importance de ces corpus dans la vie quotidienne.

  • Speaker #0

    Est-ce que, alors là je te prends un peu en traître parce que je ne t'ai pas prévenue, mais est-ce que tu aurais un texte à nous lire, pour exemple ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas de texte à lire, mais de mémoire, je pourrais vous réciter, et j'espère que je ne vais pas l'écorcher, un texte qui m'est très cher, parce que c'est un texte poétique, je dirais, mais érotique, c'est Adorir, Adorir Aiellino. Adorera, en fait c'est Adorir, viens on joue Elle est l'héno Lella c'est la dame, madame C'est comme mi lady C'est ma chère aussi Lella c'est un statut social Pour la femme qu'on respecte Ce sont les princesses qu'on nomme Lella C'est la grande soeur Par exemple pour Gorara qu'on va surnommer Lella Lella est un prénom aussi aujourd'hui Et il lui dit Lella est l'héno Madame à moi, Innos est à moi, viens on joue ensemble parce que j'adore jouer avec toi. On laissera cela libre à interprétation, comment ils vont jouer. Mais voilà un corpus type qu'on peut par exemple jouer dans des rencontres, on va dire, spécifiques. Par exemple, il y a le rituel de Tessirt. Tessirt, par exemple, les Kabiles c'est Tessirt, c'est la pierre à moutre. ou aussi appelé en algérien et en fait il ya tout un rituel autour de ça on va moudre du blé des dates séchées et on va préparer cette préparation lors d'une manifestation on va chanter on va danser le premier jour en fait des noces donc c'est un rituel on va dire prénuptial et ça jusqu'au jour c'est pratiqué il ya aussi des corpus on va dire plus religieux, on va invoquer les saints patrons. Il y a aussi des survivances d'autres traditions. Même la Zeri, c'est pour la Vierge Marie. Même la Zeri, la Zera, c'est en fait les vierges, on va dire, et c'est la mère des vierges. Donc c'est très très riche en symboles, c'est très riche en renseignements aussi sur la... sur la culture locale.

  • Speaker #0

    Je sens qu'effectivement, c'est un sujet qui te passionne. Oui, je pense que si je pouvais te lancer sur deux heures là-dessus, tu le ferais sans problème.

  • Speaker #1

    Sans faute. Bon,

  • Speaker #0

    je vais juste te poser une dernière question, parce que tu en as dit un mot tout à l'heure. J'aimerais bien que tu nous parles un peu des Touaregs. La première image qui me vient, bien sûr, c'est évidemment une couleur, c'est l'indigo. Qu'est-ce qu'elle signifie chez les Touaregs ? C'est quoi la symbolique de cette couleur ?

  • Speaker #1

    Avant d'aborder la symbolique de l'indigo chez les Touaregs, moi j'aime bien en fait avoir toujours une vision plus large, plus 360 degrés, tisser des liens comme ça, et essayer toujours d'inscrire une tradition dans son ensemble et aussi dans son environnement. Le sobriquet de l'an bleu qui a été donné aux Touaregs, aussi aux Ghibès qui sont une autre tribu de l'Afrique du Nord, mais c'est important. aussi de rendre à César ce qui appartient à César parce que la teinte de l'indigo, cette teinte de l'origine, elle est pratiquée, elle est partagée, elle est célébrée par de nombreuses communautés africaines. Donc l'indigo est bien plus qu'une simple couleur, c'est un patrimoine culturel, spirituel important. Il symbolise la noblesse, la protection, l'identité. Historiquement, c'est en pays haussin, donc à Kano principalement. et l'actuelle Nigéria, où on va trouver les premiers ou bien les plus anciens centres textiles de l'époque précoloniale répertoriés. Et jusqu'à nos jours, ce sont les Hausa, mais pas que, mais aussi les Sonenke, qui excellent, qui continuent à se distinguer comme des artisans spécialisés dans la teinte de l'indigo. Ça c'est important de le souligner, parce que les Touaregs, traditionnellement, culturellement, n'ont jamais pratiqué la teinture de l'indigo jusqu'à nos jours, mais il y a toujours eu des échanges, à travers les routes du commerce les plus connues, donc des échanges. Et on peut aussi voir en la symbolique de l'endigo quelque chose qui unit plusieurs tribus, plusieurs ethnies, plusieurs peuples de l'Afrique et qui lie un peu le Sahara au Sahel. Et pour les Touaregs, on va revenir aux Touaregs spécifiquement, cette couleur symbolise la fragilité de l'être humain. Donc il est éphémère, mais il est aussi inscrit dans une sorte d'immensité. Et ça reste un marqueur social, identitaire, donc chez les Touaregs.

  • Speaker #0

    Oui, on se reconnaît avec cette couleur indigo et on sait à quelle classe on appartient. On peut le dire comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    au sein même de la communauté Touareg. Ça, c'est important de le souligner. Et en tout cas, il y a l'anthropologue française Hélène Clodo-Aouad, elle l'explique très très bien. Elle a épousé le poète du Niger, de Touareg du Niger, Aouad. Je ne sais pas qui l'a écoutée en premier, la culture Touareg ou le poète, mais en tout cas elle, elle a beaucoup écrit sur cette cosmogonie, sur cette symbolique. Mais moi je trouve plus intéressant aussi qu'on puisse l'inscrire dans une vision plus vaste, vraiment beaucoup plus vaste.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire en fait le lien des Touareg avec les Sonenke, les liens avec les Hausa. mais aussi au Mali, chez les Dogans, où il a une forte connotation aussi symbolique, l'indigo. Donc on est vraiment en fait, il n'est pas spécifique au Touareg, mais il s'inscrit dans une sorte de dynamique culturelle. Et d'ailleurs on dit que même les plus anciens vestiges de teinture à l'indigo, on les retrouve dans l'Égypte antique.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc effectivement ça remonte, j'ai envie de dire. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que, justement, si quelqu'un voulait aller plus loin dans l'exploration de l'indigo et de sa symbolique, est-ce que tu aurais un livre à conseiller ? Je parle d'une anthropologue française, mais ça peut être autre chose.

  • Speaker #1

    Moi, je t'avoue que mes plus principales recherches, elles étaient centrées sur les travaux d'Hélène Clodo-Hawatt.

  • Speaker #0

    D'accord, donc on la renvoie vers elle.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ça fait, je pense, une trentaine d'années qu'elle se consacre à la... à la culture Touareg. Et du coup, je pense qu'elle est une des mieux renseignées, en tout cas celle qui a le plus exposé et aussi le plus communiqué, ou je dirais vulgarisé, les pratiques ancestrales Touareg.

  • Speaker #0

    Bon, très bien. En tout cas, Laila, j'ai envie de te dire merci beaucoup parce qu'on vient de passer... Je t'ai demandé de résumer beaucoup, beaucoup de choses en très, très peu de temps, mais tu l'as fait avec passion. Et c'était un réel plaisir. Merci, Leïla.

  • Speaker #1

    Merci à toi, Sophie. Merci beaucoup de m'avoir donné l'opportunité de pouvoir parler de choses qui me passionnent.

  • Speaker #0

    Vous pouvez retrouver Leïla sur son site leylahassas.com, mais aussi sur ziarat-culture.com. On referme cette parenthèse à Mazir. Continuez à suivre notre actualité sur la page Instagram de l'instant Berbère et sur vos plateformes préférées.

  • Speaker #1

    À très vite !

Description

Azul, Bonjour ! ⵣ


Nous sommes ravis de vous présenter notre nouveau format de podcast, "Entretiens Amazighes". Ce format plus long vous propose des discussions approfondies avec des personnalités inspirantes qui font vivre et évoluent la culture amazighe.

Pour notre premier épisode, nous avons eu le plaisir d'enregistrer un entretien avec Leila Assas, journaliste, entrepreneuse et médiatrice culturelle, elle a fondée Ziara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. Leila nous parle de quelques notions fondamentales de la culture amazighe, partageant son expertise et ses expériences personnelles.


Leila nous plonge dans les notions fondamentales de la culture amazighe, partageant avec passion son expertise et ses expériences personnelles.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    L'instant berbère, le podcast. On se retrouve, comme promis, pour un épisode un peu particulier. On va prendre le temps d'explorer quelques notions fondamentales de la culture amazigh. Je ne suis pas seule pour vous guider dans ce voyage. Leïla Hassas a accepté de répondre à mes questions. Leïla est journaliste, entrepreneur et médiatrice culturelle. Elle a fondé Diara Culture, une agence créative pour la promotion des cultures des oasis d'Afrique. On la retrouve tout de suite. Bonjour Leïla.

  • Speaker #1

    Bonjour Sophie.

  • Speaker #0

    Alors déjà si tu le veux bien, on va prendre les choses à la racine, j'ai envie de dire, à la racine sémantique, en s'attaquant à une question qui revient souvent, la différence entre amazigh et berbère. Tu peux m'expliquer l'origine de ces deux termes ?

  • Speaker #1

    Il est vrai qu'on croit souvent ces deux termes, amazigh et berbère, ça désigne la même ère géographique, la même population, donc ça peut prêter à confusion quand on ne connaît pas très bien l'historique. En fait, les deux termes sont interchangeables. Parfois, on les utilise même dans la même discussion, dans la même phrase, on peut les utiliser. Mais, un peu pour faire simple, le mot amazigh est un terme endogène. C'est-à-dire que c'est nous-mêmes, les amazigh, qui avons décidé de nous désigner comme tels. Il signifie l'homme libre, donc ça porte une forte connotation, presque une envie de s'affranchir des désignations des autres, j'ai envie de dire. Et le terme Amazigh a été adopté officiellement comme le nom de la population, de la culture. On parle de Temazigh avec un T pour la langue, le T c'est au féminin. Et pour aller encore plus loin, le terme Amazigh a été déjà évoqué par Ibn Khaldun pour décrire Amazigh comme étant un ancêtre royal de ces populations-là, en Afrique du Nord mais aussi en Afrique de l'Ouest. Mais on peut aussi parler d'ethnonime. qui est devenu un néologisme sémantique. Ça veut dire qu'il a acquis un statut social particulier déjà dans les années 40, avec les mouvements indépendistes, notamment en Algérie, le mouvement PPAMTLD. Il commence à avoir une littérature, mais aussi la chanson la plus emblématique ou le corpus le plus emblématique, c'est Kéroumé sou Mazir Lève-toi, fils à Mazir de Edir Eyt Amaran. Donc, pour expliquer pourquoi le mot à Mazir est venu, remplacer le mot berbère. Je vais peut-être commencer par la fin, mais aussi le mot berbère, on va le rappeler, que c'est un terme exonyme, donc il est extérieur. Ce sont les autres qui nous ont appelés ainsi, a priori les Grecs puis les Romains, qui appelaient Barbaros toute population ou toute, on va dire, ethnie extérieure ou étrangère à la leur. Donc c'est un terme très généralisé, finalement, le mot. Barbaros qui est devenu Berbère, Barbar aussi repris par les chroniqueurs arabes et arabophones. Pendant longtemps aussi, il a été employé avec une connotation très négative. Donc on peut aussi comprendre cette volonté pour nous les amazighes de petit à petit, on va dire le changer, essayer de le remplacer par le mot amazigh. Après, ce n'est pas évident, parce que le mot amazigh, comme je l'ai rappelé, il est pas comme vocable, mais surtout comme utilisation, en fait, pour nous désigner comme étant un peuple, et relativement récent. Donc il fallait toujours que le mot berbère reste pas très très loin, pour qu'on puisse aussi situer géographiquement et culturellement, en fait, cette partie de l'Afrique.

  • Speaker #0

    Pour revenir sur le terme berbère, tu disais que c'était jusque-là connoté négativement. Est-ce qu'on tend à revenir vers une réappropriation de ce terme, au contraire ?

  • Speaker #1

    Je pense aussi déjà à l'Académie Berbère, l'Encyclopédie Berbère, depuis les années 60 à 70. Ils ont préféré utiliser ce terme au moins à mesure, ils ont leur propre choix. Nous avons un stand berbère qui le réunit aujourd'hui. Donc oui, je pense qu'à un moment donné, on peut se poser cette question, c'est-à-dire… On nous a désignés comme tels, pourquoi ne pas juste l'assumer ? Nous sommes, oui, nous sommes les berbères.

  • Speaker #0

    Mais ça reste une question d'identité, le choix sémantique, le choix d'utiliser les mots ou amazigh ou berbère n'est jamais vide de sens.

  • Speaker #1

    Absolument, mais après c'est tellement rentrer dans les pratiques quotidiennes, dans le langage quotidien, moi personnellement il m'arrive souvent dans la même phrase. D'utiliser le mot amazigh et le mot berbère, c'est dire la complexité aussi de la chose. On ne peut pas trancher comme ça facilement. Après, il est vrai que moi, personnellement, je tends à utiliser le mot amazigh plus qu'au berbère, en me disant que c'est un mot qui peut fédérer, mais aussi porter des valeurs intrinsèques à notre culture. Et souvent, en fait, des détracteurs. Ils vont dire que non, vous n'êtes pas des amazighes, vous êtes des berbères. Nous sommes ce que nous sommes, c'est-à-dire l'essence, elle est là. Après, les termes ou les noms peuvent être interchangeables. On peut même aller vers un troisième vocable, pourquoi pas ? Et moi, je dis souvent, un peu pour taquiner les gens, je dis aussi, rappelant que le Burkina Faso n'a été rebaptisé comme tel que dans les années 80, par F. Thomas Sankara, qui a décidé qu'en fait, pour... C'est une sorte d'hommage à son peuple. Burkina Faso, c'est le pays des hommes intègres, littéralement. Et pourquoi pas ? Dans un esprit anticolonial, décolonial, un terme peut aisément remplacer un autre.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est pour la question étymologique. Mais pour plonger au cœur de l'histoire et de l'identité berbère et amazigh, Disons les deux. J'aimerais bien que tu nous fasses un petit point sur la géographie du territoire berbère.

  • Speaker #1

    Le territoire historique, culturel, géographique, linguistique, mais aussi génétique, Amazigh, de l'ère Amazigh, il s'étend jusqu'à l'est, jusqu'à l'oasis de Siwa, une oasis égyptienne, elle est l'hémitrophe de la Libye. Il descend jusqu'au Mali et au Niger, Burkina Faso également. Mais aussi, on retrouve beaucoup de populations encore berbère ou faune, berbères en Algérie, au Maroc. en Tunisie, un peu en Mauritanie, très peu aussi au Sahara occidental. Il y a aussi des données récentes qui recensent des populations encore berbérophones au Soudan. Mais l'estimation démographique aujourd'hui de cette population berbère est difficile à fixer, si la géographie est beaucoup plus claire. C'est pour ça que j'ai dit un peu plus tôt, j'ai dit qu'on se base en fait sur des données culturelles, géographiques, voire même génétiques, parce qu'aujourd'hui, en fait, on a... tendance à confondre en fait populations berbères et non berbérophones ou berbères et berbérophones. Il n'est pas forcément berbère tout ce qui n'est pas berbérophone, je ne sais pas si je l'ai bien expliqué. En parlant de démographie berbère, on va juste localiser des régions berbérophones encore. Mais les données génétiques, et elles sont tangibles, prouvent que même des populations qui ne sont plus berbérophones, elles le sentent génétiquement, elles sont berbères génétiquement. C'est pour ça, en fait, les études, à mon sens, elles ne sont pas souvent exhaustives, parce que les critères, je trouve qu'elles ne sont pas très bien définies. Donc, si au Mali, au Niger, au Burkina Faso, les berbères sont plus ou moins localisés, ils sont visibles, c'est-à-dire qu'on peut vraiment dire que telle et telle tribu sont berbères, berbérophones. Comparer, par exemple, on va les comparer aux Sanraï, aux Malenke. Donc, il y a une réelle distinction. Mais dans d'autres pays, notamment en Algérie, on va plutôt se pencher sur le nombre de locuteurs. Ce qu'il faut, c'est un peu le mapping, si tu vois ce que je veux dire, Sophie.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. En fait, si je te suis, le problème qu'on a pour estimer la démographie de la population berbère, c'est presque un problème de définition. Il n'y a pas une définition qui fait consensus sur ce qu'il fait le peuple berbère à un moment M, une photographie, on va dire, de 2024.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, c'est exactement cela. En fait, il n'existe pas, on va dire, un baromètre tangible pour pouvoir définir qui est berbère et qui ne l'est pas. Surtout que beaucoup, ils sont libres, ne se revendiquent pas comme tels. C'est important aussi de le souligner.

  • Speaker #0

    La culture à Mazir, c'est aussi un drapeau. Est-ce que tu peux me le décrire, ce drapeau ?

  • Speaker #1

    Oui, le drapeau Amazigh, en fait, c'est un drapeau identitaire, qui n'a pour seul but de fédérer, représenter, pas juste politiquement, mais surtout culturellement, l'ère socioculturelle, sociolinguistique Amazigh. Il a pris naissance dans les années 70, donc en fait à Lône ou bien dans le sillage de l'Académie Berbère, qu'il a présenté pour la première fois. Et son inventeur ne s'est pas douté un instant qu'il allait avoir cette aura, cette représentation. Donc, c'est surtout dans les années 90, plusieurs années après, lors du congrès mondial à Melsire, qu'il a été en quelque sorte officialisé, pourtant un emblème culturel. Je pense qu'il est pour nous ce que le drapeau de l'Union européenne est pour l'Europe. Donc, il va fédérer, il y a une sorte de consensus, et il est en fait formé de trois bandes. Donc, il y a la bande bleue. Il y a la bande verte, il y a la bande jaune, donc le bleu c'est la Méditerranée, le vert c'est les prairies, c'est les plains, c'est la berberie ou le temezra fertile, et le jaune pour l'étendue du Sahara et le Sahel, donc on peut le retrouver aussi. Et il est marqué en fait, on va dire presque en fer rouge, avec le yaz, et c'est le symbole Amazigh, c'est, il me semble, la 30e. 30e lettre de l'alphabet tamazirt qui signifie homme libre.

  • Speaker #0

    Est-ce que ce drapeau est reconnu par la communauté internationale ou est-ce que pour l'instant ça reste un drapeau symbolique ?

  • Speaker #1

    A mon avis, il n'y a pas une reconnaissance officielle, si je dis pas de bêtises, mais en fait il est présent, il est attesté, l'iconographie est là, elle est visuelle.

  • Speaker #0

    On continue notre voyage à travers l'histoire et la culture berbère, Leïla. Pour ça, j'aimerais bien qu'on revienne sur la mythologie préislamique. Tu as écrit un très bel article. Alors, j'espère que je vais bien prononcer sur Anza. C'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Anza. Anza.

  • Speaker #0

    Le dieu du ciel, des eaux, des rivières, des mers, des ruisseaux, des sources et de la pluie. Rien que ça. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, avec grand plaisir. En fait, la culture amazighère de l'Afrique du Nord, mais aussi de l'Afrique de l'Ouest, elle est très riche, elle est très imagée, elle est très proche de la nature. La période dite pré-islamique, elle nous renseigne sur le rapport qu'avaient nos ancêtres avec la nature. Je pense qu'elle est très proche aussi de ce qui pourrait être pour vous la mythologie grecque. D'ailleurs, il y a des textes et des controverses qui disent parfois que ce sont les Grecs qui se sont inspirés de nos dieux, ou peut-être vice-versa, mais ça... La tradition orale ne peut le confirmer.

  • Speaker #0

    Tu jettes un pavé dans la mare là quand même !

  • Speaker #1

    Ah ben oui ! On reste dans des suppositions. Mais en tout cas, en fait, il y avait tout un pontéant de divinités avant l'arrivée de l'islam. Rappelons qu'avant l'arrivée de l'islam, nous étions judaïsés, christianisés également, mais il y avait aussi une forte population qui restait fortement païenne. Mais même ceux qui ont été judaïsés, christianisés, Et même de nos jours islamisés, on continue d'avoir des survivances de nos rites païens. C'est notre cosmologie. Et Anzar, je pense que c'est une des divinités les plus marquantes. Pourquoi ? Parce que sa représentation, elle reste toujours d'actualité. On a besoin un peu, dans notre subconscient, de Anzar. C'est le dieu de la pluie. Donc il avait une place centrale dans notre mythologie. On a besoin de pluie pour... que la vie continue. Donc c'est un dieu puissant, mais rappelant que la pluie ou l'eau, c'est la vie, mais ça peut être aussi très capricieux, ça peut être aussi dévastateur. Donc il convient de l'aduler, il convient d'aller en ce sens. C'est pour ça qu'on parle de cette légende de Tislit Nanzar, la fiancée de Nanzar. Déjà ça va nous renseigner sur le rapport du sens du sacrifice, parce qu'on sacrifia aussi des femmes. C'est ce que la tradition orale, les anthropologues essaient d'aller en ce sens, c'est-à-dire que la fiancée d'un tsar, elle symbolise une réelle pratique qui a existé. Je pense aussi à la fiancée du Nil, quand j'étais à des jeunes filles au Nil. On peut vraiment se rapprocher de cette dialectique. Et l'histoire raconte en fait que quand la fiancée d'un tsar, Tiziri, qui était une femme qui avait un fils, qui avait un fils, elle était prête à se sacrifier. Puis un jour, en fait, elle est partie se baigner dans la rivière et elle avait réussi à apaiser Ansar. Et cette pluie abondante qui allait être dévastatrice a fini par être bénéfique pour les populations.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est encore d'une certaine manière célébré aujourd'hui ? Et si oui, comment ?

  • Speaker #1

    Il y a encore des parties de l'Afrique du Nord qu'il célèbre. Il y a eu un déclin, parce qu'il y a eu des travaux de recherche jusqu'aux années 70, les années 80, où il était encore célébré, très présent, pas uniquement dans les régions berbérophones, mais on va par exemple penser à la Kabylie, où jusqu'au jour, il y a encore qui pratiquent le rite d'Anzar. Certains en fait dans la continuité, d'autres aussi dans une sorte de renaissance. Donc on avait perdu la tradition, mais on a essayé de la ressusciter. Il y a aussi, notamment au Maroc, il est encore pratiqué. Dans le sud-est algérien, aussi à Béchard, jusqu'aux années 80-90, il a été pratiqué. Et dans des régions, ma région maternelle, dans l'Orani, à Sidi Bel Abès, à l'ouest algérien, qui sont une région fortement arabisée, donc on ne pratique pas aucun dialecte amazigh. Mais jusqu'aux années 90-2000, en fait, nous avons des récits, notamment je pense à M. Kadab Nismisha, qui lui, il est marionnitis, il est aussi un homme de théâtre, qui justement s'est beaucoup inspiré de cette tradition d'Anzar. Il se rappelle, lui, très jeune, pratiquant encore cette tradition. Aujourd'hui, encore heureux, on ne balance pas des charmantes jeunes filles dans les rivières.

  • Speaker #0

    Oui, j'aime autant, j'aime autant.

  • Speaker #1

    Oui, oui, moi aussi. Mais Anzar, il est représenté par la louche, par un jade. Donc on va habiller comme une jolie jeune fille, c'est la petite, la fiancée, et on va en fait l'exhiber, cette marionnette. Il y a tout un chant et chaque région aussi a son chant et qui va invoquer Anzar, donc donne-nous de l'eau et de la pluie.

  • Speaker #0

    On va continuer avec la culture berbère, c'est aussi une culture qui est riche en poésie, avec notamment les chants, là encore j'espère que je prononce bien, du Gourara. Est-ce que tu peux expliquer à nos auditeurs ce que c'est ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. En fait, j'ai rencontré ces chants il y a plus d'une dizaine d'années. Enfin, c'était contextuel parce que je suis partie vivre au Gourara pendant plus de dix ans. Moi, pour un peu planter le décor, je quitte une grande ville du Nord, Oran. la ville du rail, pour aller au sud-ouest, dans des régions très enclavées, et quand je le dis, c'est vraiment au sens propre et figuré, parce que nous sommes dans des oasis, dans des régions très isolées. Encore aujourd'hui, il y a des moyens de communication réels et virtuels, mais pour revenir au chant d'Ahenlil, du Gorara, en fait ce sont des corpus, mais pas que, c'est une manifestation musicale, littéraire, chorégraphique, anthropologique aussi. propre vraiment aux populations zenètes du Gorara. Donc on parle vraiment d'une spécificité géolocalisée, bien que les corpus ou bien les thématiques, on les retrouve souvent partagées par l'ensemble, pas juste l'air à Mazir, mais aussi toute l'Afrique. Mais par rapport à la rythmique, l'exécution, les danses, la symbolique de chaque gestuelle, elle est vraiment propre à la région du Gorara, dans la capitale, elle est Sétimimoune. en surnom l'Oasis Rouge, et ces chants, appelés encore de nos jours, leur nom anté-islamique, c'est les Isilouènes, un terme qu'on retrouve aussi dans d'autres régions berbérofondes, notamment au Maroc, mais aussi en Libye, le Isli, singulier, Isilouène au pluriel, ce sont tout simplement les corpus chantés, les courts textes poésiques chantés, et la particularité de ceux de l'île, c'est qu'ils ont été réactualisés. donc utilisée par les missionnaires musulmans dès l'avènement de l'islam pour pouvoir introduire la pratique religieuse. Mais il y a toujours des survivances. C'est ça qui est intéressant, c'est que les textes dits sacrés côtoient les textes profanes. En tout cas, c'est un peu la définition donnée par les anthropologues et les spécialistes. Mais ce qui est intéressant aussi, c'est qu'on a essayé d'utiliser l'un pour atteindre l'autre. Ce sont des traditions fortement imprégnées des cultures qui ont précédé l'islam, donc le judaïsme, le christianisme et aussi le kharijisme, qui était un courant musulman qui a précédé l'islam sunnite, qui s'est fixé dans la région. Et les textes ahlil du Qur'an ont été popularisés, je dirais même dévoilés à l'humanité, grâce aux travaux de Mouloud Mamri dans les années 70. On dit qu'en fait, qu'il a découvert ça presque par hasard, accidentellement, parce qu'il rentrait de l'extrême sud-est, donc chez les cousins Touareg, où il avait fait un grand travail de recherche. Et c'est en remontant, en fait, qu'il a eu écho des pratiques culturelles des Zénas du Gourara, et qu'il a fait des recherches, des captations de sang, notamment avec Pierre Ogier. Tous les deux, ils étaient chercheurs au CNR. donc un centre de recherche qui existe toujours, qui est à Alger. Et c'est à partir de là qu'on commençait à s'intéresser à l'ahlil du Gourara. Déjà dans les années 80, on commençait à avoir les premiers, on va dire, corpus scientifiques sur l'ahlil. Puis par la suite, il y a eu les travaux de Rachid Bilil, un ami que nous saluons, qui a travaillé sur les élates du Gourara, donc toujours édité au CNRPH.

  • Speaker #0

    Donc on a des captations sonores, on a des captations écrites aussi de ces textes, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, on a des captations écrites, mais puis la tradition orale s'est maintenue. Ça veut dire qu'en fait, il ne s'agit pas juste d'une recherche anthropologique, on va un peu expliquer ces corpus, comment ils étaient exécutés. Dans la pratique quotidienne, je passe bien mes mots, quasi quotidienne, des zénithes du Gourara, l'ahlil est présent. Il accompagne la vie, la mort, la naissance, lorsque les pèlerins reviennent du hajj, lorsqu'il y a une fête cultuelle, parce qu'il y a le... culte des saints au Gholala, pratiquement chaque jour il y a un saint qui y est honoré. Le saint il y a un village, un ksar, une oasis. Donc le ksar c'est le mot fortification. Donc ce sont toutes ces oasis de vie, un peu pour reprendre Pierre Raffé, ces oasis de vie qui entourent le cœur du Gholala qui est Simimoun. Chaque oasis a son saint patron et chaque saint patron a sa fête culturelle. Donc, c'est pour dire l'importance de ces corpus dans la vie quotidienne.

  • Speaker #0

    Est-ce que, alors là je te prends un peu en traître parce que je ne t'ai pas prévenue, mais est-ce que tu aurais un texte à nous lire, pour exemple ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas de texte à lire, mais de mémoire, je pourrais vous réciter, et j'espère que je ne vais pas l'écorcher, un texte qui m'est très cher, parce que c'est un texte poétique, je dirais, mais érotique, c'est Adorir, Adorir Aiellino. Adorera, en fait c'est Adorir, viens on joue Elle est l'héno Lella c'est la dame, madame C'est comme mi lady C'est ma chère aussi Lella c'est un statut social Pour la femme qu'on respecte Ce sont les princesses qu'on nomme Lella C'est la grande soeur Par exemple pour Gorara qu'on va surnommer Lella Lella est un prénom aussi aujourd'hui Et il lui dit Lella est l'héno Madame à moi, Innos est à moi, viens on joue ensemble parce que j'adore jouer avec toi. On laissera cela libre à interprétation, comment ils vont jouer. Mais voilà un corpus type qu'on peut par exemple jouer dans des rencontres, on va dire, spécifiques. Par exemple, il y a le rituel de Tessirt. Tessirt, par exemple, les Kabiles c'est Tessirt, c'est la pierre à moutre. ou aussi appelé en algérien et en fait il ya tout un rituel autour de ça on va moudre du blé des dates séchées et on va préparer cette préparation lors d'une manifestation on va chanter on va danser le premier jour en fait des noces donc c'est un rituel on va dire prénuptial et ça jusqu'au jour c'est pratiqué il ya aussi des corpus on va dire plus religieux, on va invoquer les saints patrons. Il y a aussi des survivances d'autres traditions. Même la Zeri, c'est pour la Vierge Marie. Même la Zeri, la Zera, c'est en fait les vierges, on va dire, et c'est la mère des vierges. Donc c'est très très riche en symboles, c'est très riche en renseignements aussi sur la... sur la culture locale.

  • Speaker #0

    Je sens qu'effectivement, c'est un sujet qui te passionne. Oui, je pense que si je pouvais te lancer sur deux heures là-dessus, tu le ferais sans problème.

  • Speaker #1

    Sans faute. Bon,

  • Speaker #0

    je vais juste te poser une dernière question, parce que tu en as dit un mot tout à l'heure. J'aimerais bien que tu nous parles un peu des Touaregs. La première image qui me vient, bien sûr, c'est évidemment une couleur, c'est l'indigo. Qu'est-ce qu'elle signifie chez les Touaregs ? C'est quoi la symbolique de cette couleur ?

  • Speaker #1

    Avant d'aborder la symbolique de l'indigo chez les Touaregs, moi j'aime bien en fait avoir toujours une vision plus large, plus 360 degrés, tisser des liens comme ça, et essayer toujours d'inscrire une tradition dans son ensemble et aussi dans son environnement. Le sobriquet de l'an bleu qui a été donné aux Touaregs, aussi aux Ghibès qui sont une autre tribu de l'Afrique du Nord, mais c'est important. aussi de rendre à César ce qui appartient à César parce que la teinte de l'indigo, cette teinte de l'origine, elle est pratiquée, elle est partagée, elle est célébrée par de nombreuses communautés africaines. Donc l'indigo est bien plus qu'une simple couleur, c'est un patrimoine culturel, spirituel important. Il symbolise la noblesse, la protection, l'identité. Historiquement, c'est en pays haussin, donc à Kano principalement. et l'actuelle Nigéria, où on va trouver les premiers ou bien les plus anciens centres textiles de l'époque précoloniale répertoriés. Et jusqu'à nos jours, ce sont les Hausa, mais pas que, mais aussi les Sonenke, qui excellent, qui continuent à se distinguer comme des artisans spécialisés dans la teinte de l'indigo. Ça c'est important de le souligner, parce que les Touaregs, traditionnellement, culturellement, n'ont jamais pratiqué la teinture de l'indigo jusqu'à nos jours, mais il y a toujours eu des échanges, à travers les routes du commerce les plus connues, donc des échanges. Et on peut aussi voir en la symbolique de l'endigo quelque chose qui unit plusieurs tribus, plusieurs ethnies, plusieurs peuples de l'Afrique et qui lie un peu le Sahara au Sahel. Et pour les Touaregs, on va revenir aux Touaregs spécifiquement, cette couleur symbolise la fragilité de l'être humain. Donc il est éphémère, mais il est aussi inscrit dans une sorte d'immensité. Et ça reste un marqueur social, identitaire, donc chez les Touaregs.

  • Speaker #0

    Oui, on se reconnaît avec cette couleur indigo et on sait à quelle classe on appartient. On peut le dire comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    au sein même de la communauté Touareg. Ça, c'est important de le souligner. Et en tout cas, il y a l'anthropologue française Hélène Clodo-Aouad, elle l'explique très très bien. Elle a épousé le poète du Niger, de Touareg du Niger, Aouad. Je ne sais pas qui l'a écoutée en premier, la culture Touareg ou le poète, mais en tout cas elle, elle a beaucoup écrit sur cette cosmogonie, sur cette symbolique. Mais moi je trouve plus intéressant aussi qu'on puisse l'inscrire dans une vision plus vaste, vraiment beaucoup plus vaste.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire en fait le lien des Touareg avec les Sonenke, les liens avec les Hausa. mais aussi au Mali, chez les Dogans, où il a une forte connotation aussi symbolique, l'indigo. Donc on est vraiment en fait, il n'est pas spécifique au Touareg, mais il s'inscrit dans une sorte de dynamique culturelle. Et d'ailleurs on dit que même les plus anciens vestiges de teinture à l'indigo, on les retrouve dans l'Égypte antique.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc effectivement ça remonte, j'ai envie de dire. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que, justement, si quelqu'un voulait aller plus loin dans l'exploration de l'indigo et de sa symbolique, est-ce que tu aurais un livre à conseiller ? Je parle d'une anthropologue française, mais ça peut être autre chose.

  • Speaker #1

    Moi, je t'avoue que mes plus principales recherches, elles étaient centrées sur les travaux d'Hélène Clodo-Hawatt.

  • Speaker #0

    D'accord, donc on la renvoie vers elle.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ça fait, je pense, une trentaine d'années qu'elle se consacre à la... à la culture Touareg. Et du coup, je pense qu'elle est une des mieux renseignées, en tout cas celle qui a le plus exposé et aussi le plus communiqué, ou je dirais vulgarisé, les pratiques ancestrales Touareg.

  • Speaker #0

    Bon, très bien. En tout cas, Laila, j'ai envie de te dire merci beaucoup parce qu'on vient de passer... Je t'ai demandé de résumer beaucoup, beaucoup de choses en très, très peu de temps, mais tu l'as fait avec passion. Et c'était un réel plaisir. Merci, Leïla.

  • Speaker #1

    Merci à toi, Sophie. Merci beaucoup de m'avoir donné l'opportunité de pouvoir parler de choses qui me passionnent.

  • Speaker #0

    Vous pouvez retrouver Leïla sur son site leylahassas.com, mais aussi sur ziarat-culture.com. On referme cette parenthèse à Mazir. Continuez à suivre notre actualité sur la page Instagram de l'instant Berbère et sur vos plateformes préférées.

  • Speaker #1

    À très vite !

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