- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur Lumière sous la couette, le podcast qui explore les sexualités. Je suis Louise Bonte et à mon micro vous entendrez des récits intimes mettant en lumière des personnes qui ont accepté de vous partager ce qu'on garde généralement secret. À travers leurs histoires, elles assument d'exposer cette partie de leur vie dans l'ombre qui en dit l'an sur soi, sur nous et notre époque. Parce que la sexualité nous concerne toutes et tous et que partager ce qui nous fait du bien, nos expériences et nos anecdotes les plus cocasses, permet de donner une multitude de définitions à ce qui se cache derrière le mot sexe. Ouvrez bien grand vos oreilles, on va allumer la lumière sous la couette.
L'épisode que je vous propose aujourd'hui aborde l'éducation à la sexualité. Vous vous souvenez peut-être de ces interventions rares et parfois gênantes au collège, de personnes nous apprenant comment mettre un préservatif en pinçant bien le petit capuchon au bout avant de le dérouler sur un objet ou un fruit de forme phallique, tandis que la jeune assemblée pouffe, embarrassée, et je parle d'expérience. Obligatoires depuis 2001, au moins trois séances annuelles d'éducation à la sexualité devraient être mises en place dans les collèges et les lycées, soit 21 cours, mais dans les faits, durant ces sept ans de scolarité, c'est tout au plus trois cours qui sont délivrés aux élèves. Alors évidemment, c'est dommage, c'est dommage parce que ces espaces devraient être un lieu, un temps, dédié à l'apprentissage, à la discussion, à l'information, pour mieux connaître son corps, pour prendre... conscience de son propre développement sexuel et affectif et acquérir un esprit critique. Alors faisant le constat de ce manquement et après avoir expérimenté les bienfaits de parler de cul à cœur ouvert entre nanas pendant une semaine de vacances en Turquie, Daphné Leblond et Lisa Billuart-Monnet ont semé l'idée d'en faire un film qui une fois réalisé est devenu le documentaire Mon nom est Clitoris. Dans ce film, elles questionnent face caméra des jeunes femmes sur leur éveil sexuel et comment elles ont pu ou non s'informer dans leurs plus jeunes années. A l'occasion de notre rencontre, je leur ai demandé de se prêter à leur propre jeu, celui de parler librement et ouvertement de leur sexualité, de ce qui les a engagés à réaliser ce documentaire, et de ce qui les anime aujourd'hui. Je vous en souhaite une belle écoute.
Des jeunes femmes dialoguent autour du thème de la sexualité féminine, avec une liberté, un courage et un humour communicatif. Elles partagent leurs expériences, leurs histoires, dans la volonté de changer le monde autour d'elles et de faire valoir le droit des femmes à une éducation sexuelle informée, délivrée des contraintes et des tabous. Daphné Leblond et Lisa Billuart-Monnet, bonjour.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Et bienvenue sur Lumière sous la couette. Alors ce que je viens de lire, c'est le synopsis du film documentaire intitulé Mon nom est Clitoris film dont vous êtes les réalisatrices et qui est sorti fin 2019. Clairement, en lisant ce synopsis pour la première fois, avant même de visualiser le docu, il me paraissait évident qu'on partageait les mêmes envies en matière de libération de la parole autour de la sexualité pour un épanouissement et un vécu, en tout cas une vie sexuelle éclairée. Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation et nous aussi on va parler librement. Pour commencer, est-ce que vous pouvez chacune votre tour vous présenter et nous donner vos prénoms, vos âges, où vous vivez ? ce que vous faites et ce que vous aimez dans la vie.
- Speaker #2
Je m'appelle Daphné Leblond, mon pronom c'est Lelle, j'ai 33 ans, j'habite dans le 18e arrondissement à Paris. Qu'est-ce que j'aime dans la vie ? J'aime la danse, j'aime bien les gens drôles, je suis très exigeante.
- Speaker #1
Et puis c'est tout. Moi je m'appelle Lisa, j'ai 29 ans, mon pronom c'est elle, et j'habite aussi à Paris. Et qu'est-ce que j'aime faire dans la vie ? Déjà quand même faire des films, et aussi imaginer euh... des nouvelles vies possibles. Je suis toujours en constante réflexion, on va dire, et ça m'anime.
- Speaker #0
Comment est-ce que vous vous êtes rencontrées, toutes les deux ?
- Speaker #2
On s'est rencontrées à l'Insas, en école de cinéma. On a failli être en coloc la première année, puis finalement non. Et puis on a passé des vacances ensemble, en Turquie,
- Speaker #1
voilà. Oui, c'était une école de cinéma en Belgique, à Bruxelles. Et Daphné était en montage, et moi en image. Et on était amis de promo.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ?
- Speaker #1
On est partis en vacances. en Turquie, je ne sais pas trop pourquoi ni comment, mais bref. Du coup, on était très loin de tout et on a commencé à parler de sexualité pendant une visite du palais de Tokapi. En s'imaginant bien sûr que personne ne parlait français, ce qui est faux. Donc on a une très longue conversation de plusieurs heures, je crois. Et on s'est dit, mais qu'est-ce que ça fait du bien ? On devrait faire ça avec d'autres jeunes femmes, en fait, et en faire un film. Mais finalement... l'idée a quand même germé à ce moment-là et n'a pas disparu parce que souvent on se dit des trucs comme ça et puis ça tombe à l'eau. Il y avait un besoin je pense, pour moi comme pour toi de finalement aller jusqu'au bout
- Speaker #2
Je pense que les discussions sur l'intimité sexuelle et émotionnelle aussi, ça reste le best-seller de toutes les contre-soirées de toute notre vie. À mon avis, on n'aura pas fait le tour. J'espère qu'à 73 ans, on parlera de ça dans les cuisines.
- Speaker #0
Je pense que c'est probablement le cas aussi si on demande à des personnes de 73 ans typiquement. Donc, une promesse de vacances qui ne vous a pas quitté. Et quelques années après, vous l'avez fait. Est-ce que c'était facile, parce que vous interviewez des jeunes femmes face caméra, pour aborder la découverte de leur sexualité, comment elles ont découvert ça, à quel point elles ont pu ou non être informées, si elles ont été éduquées à ça ? Est-ce que ça a été facile de trouver ces jeunes femmes et peut-être de les convaincre de participer à votre projet ?
- Speaker #2
Effectivement, il y avait plusieurs contraintes et le visage découvert c'était vraiment... très important pour nous, le face caméra. Et on tenait beaucoup à ce que le film, dans sa démarche, disons, brise le tabou de manière effective aussi à l'image. On assume pour nous, assumer jusqu'au bout, c'était aussi le face caméra. Voilà, on a trouvé des personnes qui étaient partantes. Il y en a aussi qui ont mis quelques mois à accepter, notamment quand elles ont appris que plusieurs autres femmes s'étaient prêtées au jeu. C'est toujours pareil. Une fois que plusieurs personnes ont dit oui, ça lance un peu un mouvement.
- Speaker #0
Oui, parce que dès le début du film, la gêne est évoquée, pas celle de la honte, mais plutôt celle de dévoiler quelque chose de privé qu'il n'est pas commun d'aborder en public, d'autant plus à visage découvert, face caméra. Au final, ces jeunes femmes que vous avez interviewées, elles se connaissaient déjà ?
- Speaker #1
En fait, on a commencé par demander à nos amis quand même. Les premières interviews, nous aussi, ça nous paraissait super dur, cet exercice de parler à visage découvert de sexualité. Même pour nous, on se dit, est-ce que si on nous demande un truc pareil, on le ferait ? Et donc, on a demandé d'abord à nos amis proches, qui en ont parlé à leurs amis. Donc, il y a des liens qui se sont faits, effectivement. Après, on a quand même lancé aussi des messages sur les réseaux sociaux, etc. Donc, des personnes qu'on ne connaissait pas du tout. Puis, je pense qu'on a quand même réussi à rendre ce film collectif. On a fait une projection test. où elles étaient ensemble et je pense que ça a été assez intelligent de notre part avec le recul dans le sens où de se retrouver ensemble devant le film quasiment fini, elles ne peuvent pas le regretter parce que si tu vois à l'image 3-4 personnes qui vont dans ton sens et qui ont exactement les mêmes histoires d'un coup tu n'es plus toi, une seule personne filmée on est un groupe quoi, et donc du coup le fait de voir ce film en collectif je pense que ça les a vachement rassurées Est-ce que c'est pas finalement l'objectif de votre film ?
- Speaker #0
de réussir à faire en sorte que l'on se sente plus à l'aise à aborder ces questions-là en public ?
- Speaker #1
En fait, il y avait quand même une phrase qui est revenue plusieurs fois où certaines femmes disaient j'ai l'impression d'être un ovni Vraiment la sensation d'être très très seule à vivre des choses sans réussir à en parler. Et donc l'objectif du film, c'était ça en fait. On n'est pas des ovnis, on vit toutes à peu près les mêmes choses.
- Speaker #0
On évoquait l'idée que ce n'est pas facile d'aborder ces questions et je vais vous demander de vous prêter à votre propre jeu. Je vais vous poser finalement la première question que vous posez vous-même dans votre film, à savoir, comment est-ce que tout a commencé et si vous deviez parler des tout débuts de vos sexualités respectives, quels sont les souvenirs qui vous reviennent ?
- Speaker #2
Une des choses qui m'avaient plu dans le film, c'était de reconnaître tous les moments où je me disais, ah mais moi aussi c'était ça, pour moi je devais avoir... entre 6 et 8 ans. C'est vraiment petite. Et donc, moi, c'était le cinéma. C'est un peu toutes les scènes où les personnages s'embrassent, les choses comme ça, où je me disais, effectivement, moi aussi, j'avais cette sensation de pulsation. Et je me disais, tiens, OK, il y a une espèce de... Je ne sais pas si c'est le cœur qui bat, mais en tout cas, une pulsation... C'est un peu difficile à... On ne ressent pas vraiment ça comme interne, mais en tout cas, c'est... vaguement localisée dans une zone sexuelle. On va dire, pour un enfant, c'est pas non plus si clair, mais la chose qui était claire pour moi, c'est je me souviens avoir posé la question à ma mère, et je me souviens pas vraiment de la réponse. C'est sûr qu'elle m'a pas dit c'est des petits orgasmes ou c'est des sensations sexuelles ou des choses comme ça. Et la chose qui est assez intéressante, c'est que je sais que c'était désagréable pour moi. Je me souviens d'un truc d'inconfort que... Ça ne me plaisait pas trop. Je pense qu'il y a quelque chose de... c'était incontrôlé. C'est un peu quelque chose qui m'arrivait, mais je n'aimais pas ce côté-là. Ça me tombe dessus.
- Speaker #0
Elisa, même question.
- Speaker #1
Alors moi aussi, mes premiers souvenirs, c'était assez jeune, vers 6 ans, quelque chose comme ça. Donc très jeune en fait quand je me rencontre. Et donc c'est des souvenirs de masturbation classiques, mais d'avoir déjà l'intuition que c'était quelque chose qui m'appartenait et que je n'avais pas le droit de dire. Donc c'est vraiment un tabou hyper intériorisé et que personne ne m'a jamais dit n'en parle pas ou ne fait pas ça, mais je le savais. Moi pour le coup c'était très agréable, j'avais l'impression d'avoir fait une découverte et je me souviens que quelques années plus tard j'avais été chercher la définition de masturbation. et je n'avais rien compris à la définition. Je m'étais dit, ce n'est pas ça, c'est autre chose. C'est un truc, je suis la seule à détenir un secret extraordinaire.
- Speaker #0
Extraordinaire.
- Speaker #1
Exactement. Donc du coup, c'est bien après, je me suis dit, en fait, Lisa, j'ai dû... Puis en plus, il y a tellement de façons de se masturber que peut-être que ça ne s'est pas... Dans ma tête, le lien ne s'est pas fait directement.
- Speaker #0
C'est interpellant, je trouve. la façon que tu as de le présenter, Lisa, parce que tu donnes l'impression que les mots ne correspondaient pas du tout à la réalité, que la réalité était bien plus intense, bien plus vaste qu'une simple définition sur du papier. Dire, mais en fait, moi, je ne m'y retrouve pas du tout. Et donc, qu'est-ce que c'est la masturbation ? Pourquoi mon nom est clitoris ? Parce que, si le clitoris n'est pas déjà occulté dans les livres ou les schémas explicatifs, c'est ce que je vais vous montrer dans votre film, on précise seulement qu'il fait la taille d'un petit pois, ce fameux petit bouton caché sous un chapeau, alors qu'à l'intérieur, il fait la taille d'un pénis, à peu près 11 centimètres. Pourquoi avoir décidé de donner ce nom à votre film, Mon nom est Clitoris ?
- Speaker #2
C'est quand même un symbole très fort, et c'est pas qu'un symbole, c'est-à-dire que bien sûr, il y a eu des répercussions très concrètes dans la vie de plein de personnes, autour de l'idée que le clitoris a vraiment été effacé. Ça fait très longtemps qu'il y a des planches anatomiques qui ont montré toute sa partie interne, et il a été volontairement invisibilisé. Ça nous paraissait important de lui rendre une place, sans pour autant que ça veuille dire qu'on n'a pas fait d'équation entre être une femme égale à avoir un clitoris, avoir un clitoris égale à être une femme, etc. Évidemment. Pour autant, on n'avait pas envie, nous aussi, de le faire disparaître. Et donc, pourquoi est-ce qu'on a choisi de parler de ça et de mettre la masturbation un peu... Enfin, de lui donner une grande place, tu veux ?
- Speaker #1
De nos expériences personnelles. et aussi des expériences des filles qu'on a interviewées, on s'est quand même rendu compte que le clitoris était vraiment l'organe du plaisir et que moi, une des raisons pour lesquelles j'ai voulu faire ce film, c'est parce que je n'arrivais pas à orgasmer pendant une pénétration. Je me suis dit, est-ce que je suis normale ? Enfin, toujours ces mêmes questions. Et finalement, c'est le cas de plein de femmes en fait. Donc, ces réflexions-là et de voir la place centrale qu'a le clitoris dans la sexualité féminine, c'est ça qui nous a... poussé à lui accorder une place de choix dans notre titre.
- Speaker #0
Donc on est vraiment centré sur la sexualité féminine dans ce film, et pour autant, vous montrez bien que pour les jeunes femmes interviewées, lorsqu'on aborde la sexualité, il est surtout question de la sexualité à travers le prisme masculin. Est-ce que vous, dans votre propre construction, vous êtes très tôt sorti de ce prisme masculin ? Est-ce qu'il a été présent ou est-ce que non ? Ça vous a demandé un peu de... temps, un certain effort de se dire mais en fait ma sexualité elle se définit à travers moi d'abord et pas forcément une interaction sexuelle avec un autre et pas forcément avec un homme non plus.
- Speaker #1
Oui en fait moi mes premières relations sexuelles c'était avec une fille au lycée. J'ai pas l'impression d'avoir non plus échappé au regard désirant masculin. Ce prisme là je pense que ça nous conditionne beaucoup c'est drôle parce que beaucoup plus tard je me suis dit mais je pense que ça a été facile pour moi parce qu'il y avait un un un environnement qui était assez propice à ça. Pour le coup, j'étais dans un lycée avec des options artistiques. Il y avait quand même pas mal de représentations LGBT aussi. Donc, c'était un cadre où c'était possible, ce qui est déjà très rare en fait. En gros, des années plus tard, je me suis dit je pense que ça a été facile pour moi d'avoir des relations avec une fille, etc. Et en fait, j'ai retrouvé mon journal intime de l'époque. Non, ce n'était pas facile. C'est dingue à quel point on oublie en fait, on se raconte une autre histoire. Et voilà, cette espèce de mélange où je me disais, oui, c'est Nami. Toutes ces étapes, en fait, ça s'est étalé quasiment sur un an quand j'ai relu. Et c'est un trajet, un gros trajet, même quand t'as l'impression avec le recul que ça se passe bien. Je pense que j'ai dû déconstruire beaucoup de choses à ce moment-là, sans même trop me rendre compte.
- Speaker #2
En fait, je n'ai pas commencé dans un énorme cliché hétérosexuel pour une autre raison, parce que j'ai des vrais soucis de vaginisme. La pénétration vaginale, ce n'est pas la chose... En termes de plaisir, ce n'est pas le plus simple. Il y a plein de solutions de facilité beaucoup plus rapides et efficaces que ça. Et surtout, le vaginisme implique d'avoir un peu mal, qu'il y ait des douleurs spécifiques. Et comme j'ai une très grande aversion à la douleur, surtout dans la sexualité... Je trouve qu'il y a quelque chose de très antinomique dans un moment qui est très intime et censé être très tendre, etc. Et du coup, ça, ça a fait que pour moi, le schéma, faire ça rapidement avec un peu de masturbation, puis paf, pénétration, puis l'homme fini, et puis c'est terminé.
- Speaker #0
L'entrée plat dessert classique, c'était pas le...
- Speaker #2
Ça n'a jamais trop été... Je pense que dès le début, ça n'a pas vraiment ressemblé à ça. Ça, ça a beaucoup, beaucoup influencé tous mes schémas sexuels. Donc ça force tout simplement à un peu tester tout ce qu'il y a d'autre à faire. C'était pas ma sexualité par défaut, et c'est toujours pas ma sexualité par défaut. Après, il y avait quand même plein de... Enfin, si on est un peu matrixé aussi par cette construction masculine, c'est qu'on se dit qu'on va apprendre de la part d'un homme ou des hommes qui vont nous montrer des trucs, nous expliquer je sais pas quoi, alors que les pauvres, ils y comprennent un peu rien, ce qui est complètement normal.
- Speaker #0
Oui, c'est ça, c'est leur prêter aussi l'idée qu'ils sauraient, de façon, on ne sait comment, peut-être de façon naturelle, de façon innée, ils sauraient là où nous, il faut qu'on apprenne. Et maintenant, on est tous égaux face à cette découverte du désir personnel, et puis dans l'altérité aussi, de faire se rencontrer ces désirs et ces plaisirs avec d'autres.
- Speaker #2
Un des parcours qui, moi, m'a paru plus sécurisant et plus souhaitable que le parcours par défaut aujourd'hui, disons de... en fait une femme doit attendre une relation avec un homme qui va lui apprendre ou lui parler de trucs qu'il a vus dans du porno mainstream, bon ça c'est quand même disons le par défaut de beaucoup, beaucoup, beaucoup de jeunes femmes et de jeunes hommes et c'est quand même vraiment pas idéal. Je trouve que le parcours qui consiste plutôt à faire un apprentissage seul par la masturbation, chercher des choses trouver des choses et après essayer de transmettre à l'autre je trouve que s'éduquer de cette manière là me semble un trajet plus intéressant... et puis moins risquées. Et donc, c'est un peu ce trajet-là qu'on essaye de prôner. Même si, bien sûr, il y a d'autres choses. Moi, j'adorerais que la sexualité soit plus naturelle et plus fluide que ça. Mais ce dont parlait le film aussi beaucoup, c'était justement de dire en fait, la sexualité n'est pas un fait biologique comme apprendre à respirer. Je pense que respirer, écoutez tous, on a réussi à le faire. Mais le sexe, c'est pas ça. Ça ne... Ça ne coule pas de source. Donc, ça n'a rien d'aussi naturel.
- Speaker #0
À un moment donné dans le film sont listées les exigences, les normes auxquelles les femmes devraient se conformer, d'autant plus lorsque nous sommes jeunes, sont évoquées la norme de la minceur au risque d'être mégenrée, norme de pilosité, norme ethnique qui peut être très stéréotypée. Et puis il y a les préjugés aussi, le fait que les femmes sont forcément cérébrales, qu'elles ont besoin de contexte, que ça doit durer longtemps pour atteindre l'orgasme qu'elles sont. multi-orgasmiques, alors que parfois un bon orgasme fait largement l'affaire et évidemment que les femmes ne regardent pas de porno, ce que les témoignages d'ailleurs dans votre film démentent, bien qu'elles ne soient pas forcément en phase avec l'éthique du porno mainstream. Aujourd'hui ce porno mainstream, comme tu disais Daphné c'est un petit peu la porte d'entrée de la sexualité pour toute personne qui se dit, bah tiens comment ça se passe je ne sais pas où m'informer, je ne sais pas à qui je peux en parler, je vais me renseigner en ligne. Quels sont à votre sens les freins ? Un accès à une éducation sexuelle aujourd'hui, c'est quoi les freins ? Pourquoi est-ce qu'on n'en parle pas ? Parce que l'école, est-ce que ça ne devrait pas être l'école de la vie ? Est-ce que ça, ça ne fait pas partie de la vie ? C'est quoi les freins ?
- Speaker #1
C'est une décision qui est politique, presque puritaine aussi, de ne pas vouloir que les femmes s'émancipent. Et de ne pas remettre en question, surtout pas, l'ordre patriarcat qui domine dans le monde entier. Donc en soi, c'est une réponse un peu large, mais je pense que c'est l'unique frein. Je veux dire, les besoins, ils sont là. Tout le monde en aurait besoin. Il y a beaucoup de personnes qui sont aussi à l'initiative, que ce soit de cours d'éducation sexuelle ou d'essayer d'en parler, de mettre des choses en place, le planning familial, etc. Donc les gens parlent, mais on n'écoute pas.
- Speaker #2
Oui, moi j'aurais dit, il y a un énorme frein politique. En fait, même les subventions du planning familial sont quand même... réduite, réduite, réduite d'année en année. En fait, ça demande à être financé massivement, l'éducation sexuelle, et ça changerait énormément de choses. Et ça, c'est des décisions, des mesures très concrètes qu'on voit régulièrement, de même que la parole, non seulement on n'écoute pas, mais on décourage aussi quand même beaucoup parce que les prises de parole sur l'inceste, elles sont très découragées. C'est quand même... Alors que là, il y a une ouverture, enfin, maintenant on a les chiffres et on les connaît, c'est à peu près un enfant sur dix qui en parle, qui est concerné, on sait qu'en fait c'est largement sous-évalué, donc c'est plus d'un enfant sur dix, et on choisit d'ignorer la question, c'est quand même d'une violence inouïe. Il y a beaucoup de décisions politiques qui vont évidemment à l'encontre de toute cette émancipation.
- Speaker #1
Oui, puis en soi, c'est assez fou, parce qu'éduquer ce serait une forme de protection, enfin là quand tu parles d'inceste. C'est en informant qu'on va réussir à lutter contre ça et pas à l'inverse. Parce que ça, c'est une grande idée qui revient souvent. C'est, n'en parlons pas, on va leur mettre des idées dans la tête. C'est vraiment, c'est fou, mais c'est quelque chose qui revient encore aujourd'hui. C'est-à-dire, surtout, ne parlons pas de sexualité aux enfants.
- Speaker #0
Oui, je voulais demander, est-ce que finalement, le fait qu'il y ait un accès direct avec les réseaux sociaux, avec Internet, est-ce que ça empouvoie ? Les femmes, est-ce que ça permet de s'informer soi-même sur des sujets qui nous intéressent et qui nous parlent réellement ?
- Speaker #1
Oui, c'est sûr que, par exemple sur Instagram, il y a quand même énormément de chaînes aujourd'hui de jeunes femmes qui parlent directement de sexualité, mais qui sont en fait des vrais relais d'éducation sexuelle. Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, les réseaux sociaux, c'est aussi une vraie alternative pour s'informer sur la sexualité. Mais après, nous on est quand même... convaincu qu'il faudrait des cours d'éducation sexuelle à l'école. Ça, on en parle aussi dans notre film. C'est un problème de santé publique, et donc il faudrait que le gouvernement, en fait, prenne ça beaucoup plus à cœur, et qu'on ne compte pas essentiellement sur soit des assos ou des jeunes femmes qui réussissent à partager ça, même si c'est massivement sur les réseaux sociaux, parce que du coup, c'est hyper inégalitaire.
- Speaker #0
Avec tout ce qu'on a abordé, et c'était vaste et riche, j'aimerais vous demander... ce que vous diriez à la version de vous-même, jeune, aux portes de la découverte de votre sexualité ? Qu'est-ce que vous vous diriez ?
- Speaker #1
Peut-être pas grand-chose. Peut-être juste t'inquiète pas, tu répondras à toutes tes questions. Non mais c'est vrai que je me rends compte aussi que c'est une chance, et je le vis d'ailleurs comme une chance d'avoir commencé mes premières relations sexuelles avec une femme. Ça m'a aidée à découvrir mon plaisir aussi, et que j'ai, sans m'en rendre compte, c'était pas du tout conscient, parce que le désir au nu... contrôle pas, mais que ça m'a permis de réaliser que mon plaisir avait une importance, de le faire exister et d'apprendre à le connaître.
- Speaker #2
Alors moi, c'est l'inverse. Peut-être qu'il y aurait une surcharge d'informations, je crois. Déjà, je me donnerais plein de choses à lire, plein de choses à voir. Une des clés, c'est d'avoir accès à plein de représentations différentes pour pouvoir choisir là-dedans ce qui est parlant ou pas. Ce que j'encouragerais, c'est de réfléchir à ce qui, personnellement, nous fait plaisir. Donc d'essayer déjà de déterminer ça, ou en tout cas de trouver des pistes, trouver des choses pour pouvoir l'amener dans la sexualité. Et l'autre chose quand même que je dirais, je pense que c'est bien d'identifier, disons, la sexualité par défaut, de dire Ok, donc le modèle, c'est ça. Donc maintenant, sache que tous les pas de côté sont possibles. Non seulement c'est parfaitement légitime et c'est intéressant et c'est chouette de faire des pas de côté. Mais en plus, c'est vraiment possible de sortir de ce modèle-là et c'est possible d'en parler avec des hommes cis, hétéros, pas particulièrement féministes. Moi, l'exemple tout bête que j'ai, c'est qu'effectivement, j'ai toujours eu une sexualité où la pénétration n'a pas une place folle, voire n'a pas de place du tout. Et j'ai fait ça avec beaucoup d'hommes hétéros très différents. Et je n'ai jamais rencontré d'obstacle majeur. Ce n'est pas forcément si difficile à mettre en place une sexualité un petit peu différente. Il ne faut pas avoir trop peur, je pense. Moi, je sais qu'on m'a dit plein de fois, et tu as trouvé des hommes qui étaient d'accord avec ça ? Ben oui, j'en ai trouvé, j'en ai trouvé plein. Et vraiment, encore une fois, qu'ils sont assez différents entre eux.
- Speaker #0
Il y a vraiment ce rapport de le coït est omniprésent. Quoi qu'il arrive, la sexualité, c'est ça. Alors qu'on est bien d'accord que c'est un champ de découvertes et des possibles. infinie qui dépend vraiment de soi et de l'autre, des autres et que ça se compose c'est une musique qui se compose à chaque fois c'est pas un refrain qu'on chante non-stop, toujours le même en boucle parce qu'à la fin on en a marre et cette chanson on peut plus du tout l'écouter donc plutôt des conseils de t'es sur la bonne voie, écoute-toi
- Speaker #2
En tout cas, déjà, n'hésite pas à chercher des choses et à poser plein de questions, parce que ça, quand même, nous, on nous a plutôt dit l'inverse. Et je trouve que c'est un bon conseil de prendre vraiment tout son temps. Sauf si vraiment, ça nous emmerde terriblement et qu'on s'ennuie horriblement. Mais on en a parlé là dernièrement avec pas mal d'amis, l'émergence un peu du slow sex, qui moi m'a toujours fait rigoler, parce que le slow sex, c'est ma sexualité, mais pour moi, c'est juste du sexe, quoi. Mais du coup, maintenant, on en fait un peu un concept. Et... comme si c'était marginal. C'est original, en fait. C'est une expérimentation d'aller lentement. Alors que pour moi, c'est vraiment... Je ne sais pas faire autre chose, en fait. Mais après, je ne dénigre pas le sexe au sens où mettre des mots sur les choses, c'est un mot-clé. Donc, en fait, quand on s'y intéresse, c'est un mot-clé qui est utile.
- Speaker #0
Peut-être qu'on touche du doigt là quelque chose de clé et qui est, à mon sens, au cœur de votre projet et de notre échange aujourd'hui. c'est qu'en fait, il faut nommer les choses pour qu'elles existent. Et avant, on ne parlait pas de slow sex, parce que c'était peut-être un concept qui était du coup original, marginal, comme tu dis. Mais maintenant qu'on le nomme, peut-être que lui aussi va s'inscrire dans une certaine, je n'aime pas le terme, mais une certaine normalité, dans quelque chose d'accessible pour tous. Merci pour cet échange. J'aimerais le terminer sur un souvenir. Quel est le souvenir qui serait pour vous une anecdote cocasse de se dire, mais ça vraiment, je vais le raconter.
- Speaker #1
C'est rigolo pour moi, mais pas forcément pour l'autre personne. Il se trouve qu'une fois, j'étais avec mon copain de l'époque et on était un peu ivres. On a tenté de faire l'amour et on était dans le noir. Et en fait, je n'ai pas compris, mais j'ai senti quelque chose de chaud. Je pense que lui non plus n'a rien compris. On a allumé la lumière et là, c'était un film d'horreur. C'est-à-dire qu'il y avait du sang partout. C'était le frein qui s'était pété. donc je ne savais même pas ce que c'était voilà me retrouver sous la douche en panique totale à hurler à la mort et à appeler sa mère c'était quand même mais en fait tout s'est bien passé plus de peur que de mal mais très impressionnant c'était un film un peu horrifique je me suis dit que ça ferait une belle scène de cinéma je vis avec trois personnes lesbiennes et et
- Speaker #2
Et c'est un sujet quand même rapidement, dès le début, de... Est-ce que vous êtes à l'aise avec le fait d'entendre d'autres personnes faire l'amour ? Comment est-ce qu'on fait ? Etc. Bon, on s'est rapidement mises d'accord sur le fait que c'était sympa d'entendre personne. Et que du coup, on essayait de l'imiter autant que faire se peut. Et après... Mais j'ai ce petit malaise qui est une espèce de reste très vieux, qui n'est pas complètement parti. j'aimais pas qu'on en parle très très ouvertement et tout, alors peut-être que maintenant je suis cette personne pour d'autres, parce que j'en parle trop facilement je sais pas, j'espère pas et un jour, une de mes colocs me dit, hier j'ai entendu les préliminaires d'une telle donc l'autre colocataire, et alors moi tout de suite, mon cerveau va à un endroit de malaise je me dis, ah là là c'est affreux et tout, et elle me dit oui, je l'ai entendu se couper les ongles dans la salle de bain voilà Et maintenant qu'elle dit ça, j'entends moi-même le bruit du coupe-ongles et je me dis, ah mais j'avais jamais relié ça parce que j'ai eu des relations sexuelles avec des filles, mais peut-être un peu moins qu'une lesbienne active depuis 20 ans. Et du coup, c'est une petite private joke de lesbienne que j'ai trouvée très mignonne.
- Speaker #0
Tu sais que c'est le moment où si ça te gêne, hop, tu mets un casque.
- Speaker #2
En tout cas, quand j'entendrai le coupe-ongles, je me dirais, une soirée en perspective.
- Speaker #0
Je comprends. Merci beaucoup, merci à toutes les deux, merci Lisa, merci Daphné d'avoir accepté mon invitation, d'avoir pu permettre cet échange très riche. Et j'aimerais finir sur trois données qui sont retransmises à l'écran et donc je recommande vivement évidemment tout le monde de regarder Mon nom est clitoris, votre film qui est d'utilité publique, je pense qu'il n'y a vraiment pas d'autre terme. Les voici, une ado sur quatre ignore qu'elle a un clitoris, une femme sur trois... a du mal à orgasmer, 60% des femmes versus 90% des hommes déclarent se masturber et la question est toi. Je vous laisse là-dessus. Merci beaucoup encore, Lisa. Merci, Daphné. C'est la fin de cet épisode. J'espère qu'il vous a plu. Merci de votre écoute et merci encore à Lisa et Daphné pour leur travail et leur partage engagé. Vous en voulez encore ? Alors abonnez-vous à ce podcast sur votre plateforme d'écoute pour rester à l'affût de toutes les nouvelles sorties d'épisodes et recevoir les notifications dès la mise en ligne d'un nouveau témoignage. Likez, avec 5 étoiles évidemment. et diffusez ce podcast autour de vous pour faire grandir la communauté LSLC. C'est possible aussi via Insta, sur la page at Lumières sous la couette. Et si vous aussi, vous avez une histoire à partager, vous pouvez me contacter via DM ou à l'adresse mail hello-lumières-sous-la-couette.com On se retrouve un mardi sur deux pour la sortie d'un nouvel épisode. D'ici là, prenez soin de vous, kiffez, merci, bisous.
- Speaker #1
Sous-titrage Société Radio-Can