- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur Lumière sous la couette, le podcast qui explore les sexualités. Je suis Louise Bonte et à mon micro vous entendrez des récits intimes mettant en lumière des personnes qui ont accepté de vous partager ce qu'on garde généralement secret. À travers leurs histoires, elles assument d'exposer cette partie de leur vie dans l'ombre qui en dit long sur soi, sur nous et notre époque. Parce que la sexualité nous concerne toutes et tous et que partager ce qui nous fait du bien, nos expériences et nos anecdotes les plus cocasses permet de donner une multitude de définitions à ce qui se cache derrière le mot sexe, ouvrez bien grand vos oreilles, on va allumer la Lumière sous la couette.
Comment construit-on sa sexualité lorsqu'on y a été exposé trop tôt, trop jeune, sans pouvoir comprendre ? Face à cette situation, il n'y a pas de voie tracée ni de normalité. Il n'y a pas de comportement type, pas de sexualité renfermée, névrosée ou débridée. Il n'y a pas de jugement. Il ne peut y avoir que de l'écoute.
Vous vous apprêtez à plonger dans l'histoire poignante de Camille, jeune femme forte, pétillante et inspirante, qui veut lever un bout du voile sur cette question qui l'a affectée. Avec les années, et parce qu'elle a pu en parler, elle a surmonté ses traumatismes pour se réapproprier sa vie, son désir, et atteindre ce qu'elle appelle désormais une sexualité épanouie. Véritable témoignage de courage, de résilience et de la puissance de la réinvention de soi, Camille partage avec nous son parcours, ses luttes et la lumière qu'elle a fini par trouver au bout du tunnel. Je vous en souhaite une belle écoute.
Attention, l'épisode que vous vous apprêtez à écouter comporte des témoignages de violences sexuelles et psychologiques. Il est donc à écouter avec vigilance et dans les meilleures conditions pour vous.
- Speaker #1
Bonjour Camille.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Comment tu te sens ?
- Speaker #2
Ça va.
- Speaker #1
Tu te sens à l'aise ? On est dans un studio, là à Bastille. Première fois que tu es dans un studio ?
- Speaker #2
Première fois que je suis dans un studio, un peu impressionnée. Oui, mais on est très bien.
- Speaker #1
Bon Camille, nous on veut savoir qui tu es, alors est-ce que tu peux nous dire comment tu t'appelles, ton âge, où tu vis, ce que tu fais et surtout ce que tu aimes dans la vie ?
- Speaker #2
Donc je m'appelle Camille, j'ai 32 ans, je vis dans les Yvelines, en région parisienne. Ce que je fais, je travaille, j'ai trois enfants et ce que j'aime faire, passer du temps avec mes enfants, mes proches, profiter au maximum du temps libre hors boulot et contraintes quotidiennes.
- Speaker #1
Pourquoi est-ce que tu as voulu participer à ce podcast ?
- Speaker #2
Parce que la sexualité pour moi c'est un gros sujet, c'est quelque chose de très important. J'ai une grosse histoire autour de ça et je me considère aujourd'hui comme une femme sexuellement épanouie. Donc je trouve ça important de tracer mon chemin pour revenir sur comment est-ce que, malgré tout, j'en suis arrivée à là où je suis aujourd'hui.
- Speaker #1
Tu dis malgré tout, de quoi est-ce que tu veux nous parler aujourd'hui exactement ?
- Speaker #2
Aujourd'hui je vais vous parler de ma sexualité, de son évolution, de comment est-ce qu'en partant d'un événement traumatique lié à ma sexualité que j'ai vécue très jeune, comment est-ce qu'elle s'est développée, les différents chemins par lesquels je suis passée pour en arriver aujourd'hui à une sexualité très épanouie.
- Speaker #1
C'est un sujet lourd, tu en parles avec un certain recul aujourd'hui ?
- Speaker #2
Oui, ça fait partie de mon histoire, c'est quelque chose pour lequel j'ai fait le deuil. Néanmoins... ma sexualité de jeune femme a été très impactée par ça. Avec le recul, plus que ce que je voulais bien voir à l'époque. Enfin, à l'époque, je pense que je ne m'en rendais même pas compte d'ailleurs. Et c'est aujourd'hui avec le recul que je me rends compte à quel point mes débuts ont été compliqués. Alors, je n'en ai pas un souvenir... je n'avais pas l'impression à l'époque que c'était compliqué. J'avais l'impression de m'amuser beaucoup. Mais avec le recul, ça m'a impactée sur ma relation avec les autres, avec les hommes et ma sexualité.
- Speaker #1
Si tu veux bien, on va continuer un petit peu autour de ça. Est-ce que tu peux nous dire ce qui s'est passé quand tu avais 5 ans ?
- Speaker #2
J'ai du mal à définir le mot, parce qu'abusée pour moi... je ne sais pas comment le dire exactement, mais j'ai été pendant quelques années chez une nounou, autour de mes 5 ans, qui avait un fils, qui était lui adolescent, et qui a, je pense, fait des expériences d'adolescent sur moi, des expériences... je pense qu'il s'est dit tiens j'ai un corps à dispo, d'une petite fille qui dit rien, et il en a profité pour tenter des trucs. C'est un peu comme des cousins qui jouent un peu à se découvrir, qui se montrent nus parce qu'on se raccroche aux images, aux corps qui sont à notre disposition au moment où on se pose énormément de questions. Sauf qu'il l'a fait de façon un peu... Je pense qu'il ne se rendait pas compte du mal qu'il faisait. Mais il en a fait.
- Speaker #1
Et toi, tu te rendais compte de ce qu'il se passait ?
- Speaker #2
Je me rendais compte que ce n'était pas normal parce que je n'en parlais pas.
- Speaker #0
Tu n'as pas osé en parler ?
- Speaker #2
Non, à l'époque, pas du tout. J'ai mis quasiment un an avant d'en parler à ma mère en lui disant qu'il se passe quelque chose et je ne sais pas trop si c'est normal. Mais je ne me souviens pas le moment de l'annonce. Elle m'en a parlé, ma mère, on en a reparlé après, mais je ne me souviens pas comment je lui ai dit. à quel moment je lui ai dit, ce qu'il s'est passé dans ma tête pour que je finisse par... le dire. C'est compliqué parce que j'ai complètement omis ces souvenirs. Je m'en suis souvenue quand j'avais autour de 13 ans. J'ai tout supprimé de ma mémoire et ça m'est revenu. Mais oui, je me rendais compte que c'était pas... En tout cas que c'était interdit. Et on se cachait. Il se cachait pour faire ça. Chez sa mère, donc forcément... Mon esprit de petite-fille, c'était quelque chose qui n'était pas autorisé, en tout cas.
- Speaker #1
Ta mère en a parlé à sa mère, à la nounou ?
- Speaker #2
Oui, oui, oui. Il s'est fait engueuler. Je ne sais pas trop quelles ont été les conséquences, visiblement pas très fortes. C'est aussi pour ça que j'ai aussi beaucoup minimisé ce qu'il a fait, parce qu'il n'y a pas eu vraiment de conséquences. Je sais que ma mère n'en a jamais parlé à mon père. Mon père n'a jamais été au courant, parce qu'elle avait peur qu'il commette un meurtre. Donc c'est resté entre ma mère et moi.
- Speaker #1
Ce que tu as vécu, c'est un vrai trauma. D'ailleurs, il y a un trauma amnésique qui s'en est suivi. Pour pouvoir survivre, ton cerveau a tout coupé. Jeune adolescente, tu t'en es souvenue, il y a eu une réminiscence. Tu sais ce qui a déclenché le souvenir ?
- Speaker #2
Non, je sais où je m'en suis souvenu. J'étais chez ma tante. Mais impossible de savoir ce qui a déclenché ça. Avec le recul, je me dis que c'est peut-être... J'avais aux alentours de 13 ans. C'est un moment en tant que jeune fille, où peut-être on se pose des questions sur la sexualité. On découvre un peu son corps, le désir, seule. Et peut-être que du coup, mon corps s'est souvenu de choses qu'il avait vécues.
- Speaker #1
Tu disais... Au moment de présenter ce dont tu voulais nous parler, ce trauma, qu'il avait eu des conséquences sur la construction de ta vie sexuelle, est-ce que tu sais en quoi ça a eu des conséquences exactement ?
- Speaker #2
Je n'ai pas d'analyse psychologique sur ce qui s'est passé, parce qu'encore une fois, à l'époque, je pense que je n'avais aucune conscience de l'impact que ça pouvait avoir, mais avec le recul, j'ai eu une sexualité... j'ai eu beaucoup, beaucoup de rapports sexuels entre 15 et 21 ans. J'ai un peu enchaîné les histoires et en fait je pense qu'à ce moment-là, je ne pouvais pas plaire à quelqu'un, en tout cas à un garçon, parce que c'est les garçons qui m'attirent, je ne pouvais pas plaire à un garçon sans passer par là. Un garçon me plaisait, il fallait que je couche avec. Parce que c'était le seul moyen pour moi que j'avais de plaire. Il n'y avait pas d'autre notion de séduction. La séduction pour moi c'était le sexe. Forcément ça ne marche pas du tout comme ça. Encore moins adolescente. Je me suis parfois mis dans des situations un peu, pas dangereuses, mais c'était pas sain.
- Speaker #1
Aujourd'hui, je vois une femme hyper solaire en face de moi. Tu dégages une grande force, une soif de vivre même. Si on en revient au tout début, c'était quand tes premières interactions sexuelles ? Est-ce que tu peux nous en parler ?
- Speaker #2
Moi, j'ai découvert mon désir assez jeune. Les premières fois où je me suis touchée pour découvrir ce que c'était, je pense que j'avais moins de 10 ans. Et après, ma première fois... Je me souviens d'être arrivée dans l'adolescence à 14 ans, où j'avais envie de faire ma première fois. J'avais envie que cette case soit cochée. Ce qui est complètement bête parce que c'est beaucoup plus que ça, c'est pas une case à cocher, c'est... On le fait parce qu'on a envie de le faire avec la personne, moi j'avais envie de le faire pour le faire. J'ai quand même réussi à avoir une belle première fois avec un garçon avec qui ça n'a vraiment pas duré après, en tout cas qui a fait les choses à peu près correctement.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous parler de cette première fois ?
- Speaker #2
Alors, j'ai eu deux premières fois. On était, donc mes parents n'étaient pas là, donc j'avais la maison pour le week-end, il y avait quelques copains à la maison. Et moi j'avais un sommier au sol et on avait déjà discuté, voilà. Lui, il n'était plus vierge, moi je l'étais. J'avais envie que ça soit avec lui, il le savait. Et il avait installé tout autour de mon lit des bougies au sol. J'avais mes règles ce soir-là, donc il n'y a pas eu pénétration. Néanmoins, c'était pour moi une première fois, parce que c'était un corps nu contre un corps nu. Il y a eu la découverte de ce que c'est d'avoir un homme contre soi. Et j'en garde un très bon souvenir, quelque chose de très tendre, très intense. Pourtant, on était très jeune, mais je m'en souviens, je me souviens de la couleur des draps...
- Speaker #1
Et alors, ils étaient de quelle couleur ?
- Speaker #2
Ils étaient rouges. C'est marrant. En tout cas, dans mon souvenir. Peut-être que ce n'est pas vrai. En tout cas, c'est comme ça que je le vois. Et oui, j'en garde un très bon souvenir. Et puis finalement, on a eu la première, vraie première fois, beaucoup moins romantique, dans une soirée où on est allé squatter une chambre à l'étage pour clôturer cet épisode-là. Mais en tout cas, j'en garde un souvenir, de quelque chose d'assez tendre.
- Speaker #1
Est-ce qu'on peut... émettre l'hypothèse qu'étant donné qu'il n'y avait pas de pénétration, c'était peut-être plus doux ?
- Speaker #2
Certainement, très certainement. Je garde en tout cas un bien meilleur souvenir de la fausse première fois que de la vraie première fois.
- Speaker #1
Tu disais que tu as eu beaucoup de relations, tu as eu beaucoup d'amants. Est-ce que tu as tenu le compte ?
- Speaker #2
Je suis au moins à 80.
- Speaker #1
Est-ce que tu avais une certaine boulimie de la relation ?
- Speaker #2
Ah ouais, boulimie des... J'étais attirée par le début. Au début, oui, il y a l'excitation et c'est super, mais en fait, c'est pas ça. Il faut parler, il faut être à l'écoute de soi, je pense, pour aimer ça vraiment, savoir ce qu'on aime, être capable de le dire. Et moi, j'étais incapable de savoir ce que j'aimais, parce que ce n'était pas ça que j'aimais. C'était pas le sexe en lui-même, c'était la consommation. Parce que j'avais l'impression de plaire, en fait. J'avais besoin d'enchaîner et de consommer les hommes, parce que c'est comme ça que j'avais l'impression d'exister, je pense.
- Speaker #1
Est-ce que c'était peut-être une façon de reprendre le contrôle sur toi, ton corps, tes envies ?
- Speaker #2
Très certainement. De dire je décide de quand je veux et... Oui, très certainement.
- Speaker #1
Et la notion de désir là-dedans, c'était quand même quelque chose que tu désirais ? Ou ça s'était relégué au deuxième plan ?
- Speaker #2
J'en avais l'impression. J'avais vraiment l'impression de désirer très fort. Et en fait, je me rends compte que ce n'était pas ça. Finalement, je tiens les comptes, mais je pense que je ne me souviens pas. Je les ai tellement consommés que je m'en souviens... il y en a plein pour qui je ne me souviens pas.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y avait un... j'allais dire schéma, c'est peut-être pas le bon terme mais une façon d'aborder la relation à l'autre et puis finalement la consommation du sexe qui suivait quelque chose d'un peu schématisé : une rencontre dans une soirée peut-être ou via des réseaux, j'en sais rien parce qu'on a quand même passé 30 ans et à nos 20 ans il n'y avait pas Tinder
Si, il y avait Adopte un mec !
Ah il y avait Adopte un mec, mais oui ! Et donc t'en as beaucoup adopté ?
- Speaker #2
Non, j'en ai adopté qu'un sur Adopte un mec. Moi j'étais plus rencontre soirée. Globalement, toute situation était propice à rencontre et j 'ai toujours couché tout de suite. J'ai toujours fonctionné comme ça.
- Speaker #1
Et est-ce qu'après une relation sexuelle, il y a quelque chose en particulier qui te passait par la tête ? C'était quoi ta première pensée après ? Est-ce qu'il y en avait ?
- Speaker #2
Alors après, je ne sais pas, mais pendant, c'était de plaire. Il fallait que je fasse le maximum pour plaire au mec avec qui je couchais. Pas pour aimer ce qui se passait. Ça a été parfois très bien. Mais dans ces moments-là, mon désir premier, ce n'était pas d'aimer ce qui était en train de se passer, mais de répondre aux besoins du mec avec qui j'étais à ce moment-là, de répondre à ce que lui voulait, d'être ce que lui voulait, plus que moi...
- Speaker #1
D'être ce que lui voulait, donc il y a quelque chose de presque objectifié.
- Speaker #2
Ah oui, oui. Je me plaçais, les différents mecs qui sont passés dans ma vie, déjà je pense qu'il y a une question aussi de sensibilisation, et que les hommes à l'époque étaient peut-être un peu moins sensibilisés à tout ça, mais moi aussi je réponds, c'est moi toute seule qui me mettait dans cette situation-là, qui me rendait moi objet.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a eu des moments où tu t'es sentie mal ?
- Speaker #2
Je me suis rarement sentie mal parce que globalement, les mecs que j'ai voulu, j'ai réussi à les avoir. En revanche, je me suis déjà sentie mal parce que je me suis retrouvée dans une situation où je me suis dit, mais qu'est-ce que je fais là ? Un mec que j'ai rencontré, à peine rencontré, et très vite je me suis retrouvée chez lui, qui était beaucoup plus vieux que moi, qui ne me plaisait pas du tout. Et je me suis retrouvée du coup dans son lit. J'étais limite dégoûtée parce qu'il ne me plaisait pas. Et je me souviens m'être réveillée en me disant, mais qu'est-ce que je fais là ? Il n'y a rien qui m'oblige à être là et d'être partie vite. Je pense qu'il n'a pas dû comprendre. J'ai quand même laissé finir, quand même. Ça ne m'a pas fait forcément causer de déclic. Je n'étais même pas bourrée. Je ne peux même pas mettre ça sur le dos de l'alcool. Quelqu'un qui se réveille le matin, qui se dit mais qu'est-ce que je fais là ? Comment je suis arrivée là ? Je suis à côté de quelqu'un qui ne me plaît pas, que je ne connais pas. Mais même pas, je n'étais même pas bourrée. Mais j'ai eu le sentiment de me dire mais pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ? Cette situation-là m'a marquée en tout cas.
- Speaker #1
T'avais quel âge ?
- Speaker #2
A peine 18 ans je pense, entre 17 et 19.
- Speaker #1
Ça va ?
- Speaker #2
Ouais ça va, oui c'est... ça fait partie de mon histoire.
- Speaker #1
Tu parlais de cette parenthèse finalement entre 15 ans et 21 ans où tu as beaucoup consommé et puis tu as rencontré ton premier mari. Est-ce que tu peux nous parler de votre rencontre ? C'était quand ? Comment ?
- Speaker #2
Alors c'était il y a 12 ans, dans une soirée. Je ne connaissais pas grand monde. J'étais en... Dans cette phase de consommation, toujours. Je n'avais pas vraiment changé, mais j'avais trouvé un travail. Je gagnais ma vie. J'avais été vivre avec un garçon avec qui j'avais vécu quelques mois à Paris. Ca s'était mal passé, je suis rentrée chez ma mère. Mais je crois que j'avais envie d'autre chose. J'arrivais dans une phase où j'avais envie de grandir. On n'en a pas trop parlé, mais je n'ai jamais eu vraiment de papa. J'ai un papa qui était là, mais qui ne m'a pas élevé. Mes parents se sont séparés relativement... enfin j'étais jeune, mon père m'avait un week-end sur deux, mais ma mère qui m'a élevée toute seule. Et je pense sincèrement qu'à ce moment-là, je cherchais ça. Un homme qui m'apportait une certaine sécurité que je n'avais jamais connue avec mon père. Et j'ai rencontré un homme qui avait 12 ans de plus que moi. On s'est rencontrés à une soirée, on s'est embrassés à la soirée. On est rentrés chez lui. On a couché ensemble. C'était bien. Et puis après, schéma classique, il a pris mon numéro, il m'a ramené, puis il m'a rappelé. On a commencé à se voir. Moi, j'étais chez ma mère, il allait être propriétaire de son logement. Il avait un travail très stable. Et puis très vite, on s'est installés ensemble. Notre sexualité, à ce moment-là, au moment où je vivais tout ça, je ne me posais pas de questions. C'était bien. Et puis très vite, on a eu un enfant. Et puis après, il y a eu le deuxième enfant. Puis rien n'a vraiment changé. On est restés ensemble 7-8 ans. Et notre sexualité a été la même. classique, basique, sans vagues. On a fait l'amour de la même façon pendant 8 ans, les mêmes positions pendant 8 ans, et on n'a jamais pu en parler. J'ai essayé, moi, d'intégrer dans notre vie des accessoires, des trucs très simples, que j'utilisais, moi, dans mes moments seule, et je l'ai vu me stopper, être fermé, limite, dans le jugement. La masturbation n'a jamais été un sujet sur lequel on a pu, où on pouvait parler, il fallait que je me cache, comme si je faisais quelque chose de mal, parce que je pense que vraiment dans son inconscient une femme ça ne fait pas ça. Je pense que c'est la seule fois où j'ai tenté quelque chose et compte tenu de sa réponse corporelle et ce blocage qu'il m'a mis, j'ai jamais réessayé. Et moi j'étais trop jeune pour mettre un coup de pied dans la porte en disant non mais en fait c'est pas possible. J'ai laissé faire, ce que je n'aurais pas dû faire mais on refait pas l'histoire. Et puis après il y a eu notre deuxième enfant. Et j'ai rencontré quelqu'un quand notre deuxième enfant avait moins d'un an. On a couché ensemble peut-être deux fois. Mais j'ai revécu ce désir, cet espèce de truc qui te prend les tripes, le bide, le cœur, la tête, tout en même temps. Incroyable. Les souvenirs que j'en ai, à quel point c'est fort. Et puis après, je suis retournée un peu dans mes démons. J'ai fait un peu n'importe quoi. Et puis il y a un espèce de truc où il fallait que je me nourrisse. J'avais réouvert une boîte et... finalement ce qui me convenait, ne me convenait plus. Je me faisais un peu chier. Pas que dans ma sexualité, dans ma vie en général. Je me faisais chier. J'avais 25 ans, et je voyais ma vie défiler. Et je me disais, mais je ne me vois pas vivre comme ça en fait. Sauf que je me suis mise dans une situation avec un garçon, où je savais que ça allait se savoir. Donc je l'ai dit à mon ex, et à ce moment-là je lui ai dit, voilà, moi c'est plus possible comme ça. Parce que vraiment je me suis rendue compte que... J'allais lui faire du mal parce que je ne savais pas si j'allais être capable d'arrêter. Et à ce moment-là, lui a voulu me pardonner. Il n'avait pas envie que ça s'arrête. Il y avait les enfants, mais il n'a pas forcément réussi. Et là, on est rentrés pendant quelques mois dans quelque chose de très malsain, avec une espèce de pression de dire, en fait, je suis malheureux. J'ai besoin qu'on couche ensemble parce que tu m'as rendu triste. Donc, j'ai besoin que tu couches avec moi et de me retrouver dans... de le faire, par culpabilité, par... pour qu'il me fiche la paix, qu'il arrête de pleurer. Et me retrouver dans les toilettes en larmes, avec l'impression qu'on m'avait violée, en fait, parce que j'avais pas envie. Et je l'ai fait, en me forçant. Et à la fois, je pouvais pas partir, il y avait les enfants.
- Speaker #1
T'étais très consciente de ce que tu ressentais, le fait que tu pleures, cette tristesse.
- Speaker #2
Puis tout de suite, hein. C'est-à-dire qu'on couchait ensemble, dans les cinq minutes, j'étais dans les toilettes en train de pleurer. C'est-à-dire que j'avais pas besoin d'attendre pour me rendre compte que...
- Speaker #1
Et ton mari ?
- Speaker #2
Non.
- Speaker #1
Il venait pas vers toi ?
- Speaker #2
Je suis pas sûre qu'il l'ait vu. Et je pense que si je lui disais ça aujourd'hui, il me traiterait de menteuse. Et que j'invente tout ça pour trouver des excuses, pour trouver des raisons de justifier le fait que je l'ai quitté.
- Speaker #1
Finalement, tu le quittes au bout de huit ans. Comment ça se passe cette rupture ? Parce que c'est quand même dans un environnement de chantage émotionnel très fort.
- Speaker #2
Ça s'était un peu apaisé quand même. Cette phase-là de chantage et de beaucoup de larmes, c'était un an et demi avant la séparation. Il y a eu quand même un an où c'était apaisé, mais je savais que ça ne durerait pas. Je savais que j'allais partir. Je ne savais pas quand. Je me suis répétée en boucle pendant un an, il faut que tu restes, il y a les enfants. Il faut que tu restes, il y a des enfants. Et en fait... c'est lui qui me pose la question. Qui me dit est-ce que tu m'aimes encore ? Et je lui dis non. Je pense qu'il ne m'aurait pas posé la question, je ne l'aurais pas quitté. J'aurais encore attendu. Et quand je lui ai dit non, j'ai l'impression d'avoir respiré pour la première fois en deux ans. Ça y est, c'est dit, c'est bon, je peux m'enfuir. Les enfants étaient en vacances. J'ai pris mes bagages, je suis partie.
- Speaker #1
Il a compris ?
- Speaker #2
Non. Mais pour moi, c'était vital de partir. Donc voilà, après, tout se met en place. Parce que du coup, il était plus vieux que moi, une situation stable, économiquement stable, financière, et donc du coup, tout était à lui. La maison, la voiture, je suis repartie, une main devant, une main derrière, rien. Donc il fallait que je reconstruise tout, acheter une voiture. Un appart. Donc ça a été un gros moment de ma vie. Mais j'étais tellement bien que c'était pour moi assez facile finalement. Et à ce moment-là, je me suis dit, donc on a très vite mis le mode de garde en place, une semaine, une semaine. À ce moment-là, ça va être une semaine maman, et une semaine, je reprends là où j'ai arrêté et je profite de la vie.
Je suis invitée à un dîner de copains. Et il y a un copain qui est là. Même schéma, soirée, bisous, on dort ensemble, on couche ensemble le premier soir. Finalement, la première fois, il ne s'est pas passé grand-chose. Moi qui pensais que ce ne serait qu'un coup d'un soir parce qu'il était en couple à ce moment-là, je pensais vraiment que ça ne durerait pas plus. Je me suis retournée en disant Bonne nuit... et là il m'a dit : non, mais on peut parler si tu veux. Et finalement, on a parlé toute la nuit. Et le lendemain, on est allé au cinéma, à se bécoter au cinéma, comme le ferait un couple. Et puis, on a réussi à coucher ensemble. Et ça a été... incroyable. C'était bien, alors pas aussi bien qu'aujourd'hui, clairement...
- Speaker #1
Oui, parce que... ce copain que tu as rencontré est aujourd'hui ton deuxième mari.
- Speaker #2
Mon deuxième mari et le père de mon troisième enfant. Donc, je ne l'ai pas vu arriver. Ça va faire cinq ans et c'est incroyable.
- Speaker #1
Alors, on ne te voit pas, moi je te vois. Alors, je vais dire ce que je vois. Je vois une femme aux yeux pétillants, la banane jusqu'aux oreilles. Quelqu'un qui a l'air très épanoui, un peu gêné, je ne sais pas s'il y a des images qui te passent par la tête ou des souvenirs, mais en tout cas : redécouverte de la relation, épanouissement sexuel, libérateur cette relation ? Libératrice, libérateur ? Je ne sais plus, libératrice. Bon, et ça dès le début de votre relation du coup ?
- Speaker #2
Oui, j'avais un très fort désir, partagé, et surtout on en a très vite parlé, parlé beaucoup de ça. à le faire beaucoup, beaucoup. Avec un homme qui n'est pas seulement tourné sur lui, sur son désir et sur sa sexualité, mais aussi la mienne. Donc à ce stade, j'ai réussi à prendre le temps de me demander ce dont j'avais envie, ce que j'aimais vraiment, de lui dire et d'essayer. Je me suis redécouverte, moi. Et ce que j'avais envie, moi. Et ce que j'aimais, moi. Je ne me force plus. Ça, c'est quelque chose que je me suis imposée et que j'ai très vite verbalisé. Si je n'ai pas envie, je n'ai pas envie. Et jamais plus, je ne me forcerai. C'est clair, dans ma tête, dans la sienne. Et du coup, déjà, rien que ça, ça permet d'avoir quelque chose de très sain. Parce que j'ai un rapport sexuel avec mon mari que quand j'en ai envie. Parfois, je n'ai pas envie, on fait autre chose. Ça arrive souvent que lui, il ait très en vie. Moi, non. Il peut se masturber à côté de moi. Il y a des choses qu'on met en place. Mais sans moi dépasser mes limites. Comme ça a été posé très vite, ils les a toujours respecté. Et pour ça, j'ai beaucoup de reconnaissance.
- Speaker #1
C'est des fondations très solides dans votre relation. Clairement, pour moi, c'est la communication autour de ça qui est vraiment le ciment de votre couple.
- Speaker #2
Je ne comprends pas les couples qui n'en parlent pas. J'en ai autour de moi. C'est un sujet qu'ils n'abordent pas. Il y a des couples où ça va, d'autres où ça ne va pas. Mais même quand ça va, je comprends pas comment ça peut aller sans en parler. Parce que moi, je n'en ai jamais parlé avant, mais ça n'a jamais été finalement. Et pour moi, c'est impossible de construire une sexualité épanouie, en tout cas dans une relation établie, sans en discuter.
- Speaker #1
Ah non, c'est mission impossible, je suis d'accord.
- Speaker #2
Je ne comprends même pas comment... Et puis la sexualité, ça évolue. Moi, j'aime le sexe un peu. J'aime être dominée dans ma sexualité, globalement. Et il m'apporte ça, avec beaucoup de tendresse et beaucoup de respect. Et à la fois, j'arrive à me retrouver dans une sexualité où il y a un peu de contrôle de lui sur moi. C'est parce qu'on en parle qu'il connaît mes limites. Qu'il sait où je ne veux pas aller, ce que je ne veux pas. On arrive à passer d'un sexe tendre et amoureux, à quelque chose d'un peu plus sauvage, je pourrais dire.
- Speaker #1
Donc vous expérimentez différentes choses.
- Speaker #2
Ouais.
- Speaker #1
Il y a vraiment cette envie de partir à l'aventure ensemble et de voir où ça vous mène. Qu'est-ce que toi t'aimerais encore essayer ?
- Speaker #2
On aimerait aller dans des clubs échangistes. On en parle depuis qu'on est ensemble. On n'en a jamais vraiment ressenti le besoin pour l'instant. On se dit qu'on attend peut-être un petit creux dans notre sexualité. On en a beaucoup parlé, on sait déjà les limites qu'on s'est posées pour la première fois où on ira. Mais ouais, c'est quelque chose qu'on aimerait bien faire pour voir, par curiosité. Moi j'ai un fantasme, mais qu'on n'est pas prêts à faire pour l'instant, c'est moi et deux hommes. Il n'est pas contre l'idée, mais pas prêt du tout pour l'instant, donc pourquoi pas, un jour.
- Speaker #1
Avec le recul et ton expérience, si tu penses à la Camille qui découvre sa sexualité vers 15 ans, qu'est-ce que t'aimerais lui dire aujourd'hui ?
- Speaker #2
Écoute-toi, écoute-toi. Pose-toi les bonnes questions. Et en fait, n'accepte pas tout. Sois consciente de la valeur que tu as. Et du coup, estime-toi plus. C'est ça le problème. C'est tellement peu d'estime que le premier qui voulait bien, était le bienvenu. Je lui dirais non, non. Tu vaux beaucoup plus que ça. Donc mets des barrières très hautes. Sois exigeante.
- Speaker #1
Quand on regarde ton histoire, t'as très tôt été confrontée à une forme de sexualité, abusive, très clairement. Quelque chose qui t'a marqué dans ta chair. Et puis, tu as voulu reprendre le contrôle dans une certaine découverte peut-être frénétique de tes propres limites. Et puis, très jeune, la rencontre avec un homme qui t'offre ce qui te manque, sécurité, stabilité. Mais ce n'est pas ça, ce dont tu as besoin, ce dont tu as envie. Et donc, tu le découvres en fin de compte à quoi ? 26 ans ?
- Speaker #2
27.
- Speaker #1
Quel chemin de vie.
- Speaker #2
Comme quoi, on n'est jamais désespéré.
- Speaker #1
Pour finir cet échange, est-ce que tu peux nous partager une anecdote cocasse, c'est un petit peu la signature de fin ?
- Speaker #2
À la fois j'en ai fait plein, et à la fois je veux parler de ce qui représente très bien ma sexualité aujourd'hui. On était à une fête, à un mariage, il n'y a pas très longtemps. On dormait dans des dortoirs avec plein de gens. Je savais que mon mari avait très envie qu'on trouve un moment d'intimité. Et du coup, durant la soirée, Je l'ai juste attrapé par la main, on a traversé la piste de danse, on est partis, derrière un arbre, dans le jardin. Et c'était dehors, tous les deux. C'était une petite parenthèse, dans ce weekend frénétique. Et c'est dingue à quel point ça peut être encore aussi présent, le désir qu'on a l'un pour l'autre après cinq ans et un enfant.
- Speaker #1
Merci pour ta confiance. Merci de nous avoir emmenés dans ton univers, Camille. Merci beaucoup. Je pense que tes mots vont faire écho auprès de beaucoup de gens.
- Speaker #2
J'espère.
- Speaker #0
C'est la fin de cet épisode, j'espère qu'il vous a plu. Merci de votre écoute et merci encore à Camille pour sa confiance. Vous en voulez encore ? Alors abonnez-vous à ce podcast sur votre plateforme d'écoute pour rester à l'affût de toutes les nouvelles sorties d'épisodes et recevoir les notifications dès la mise en ligne d'un nouveau témoignage. Likez, avec 5 étoiles évidemment, et diffusez ce podcast autour de vous pour faire grandir la communauté LSLC. C'est possible aussi via Insta, sur la page @lumière_sous_la couette, ponctué d'underscores. Et si vous aussi vous avez une histoire à partager, vous pouvez me contacter via MP ou à l'adresse mail hello@lumièresouslacouette.com. On se retrouve un mardi sur deux pour la sortie d'un nouvel épisode. D'ici là, prenez soin de vous, kiffez, merci, bisous.