- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans Ma Juste Valeur, le podcast référent sur la négociation de rémunération qui vous apprend à négocier vos salaires, négocier vos tarifs, obtenir une augmentation et globalement la rémunération que vous méritez. Je suis Insa Felassini, experte et coach en négociation de rémunération, mais également juriste, autrice, conférencière, youtubeuse. féministe militante pour l'égalité salariale et créatrice de ce podcast. Tous les premiers lundis du mois, je vous livre des conseils pratiques, concrets et précis pour négocier et obtenir un salaire ou des tarifs à votre juste valeur. Je reçois également une fois par mois des invités de tout horizon avec lesquels j'explore la relation que les femmes entretiennent avec l'argent et dessine des solutions pour vous décomplexer sur le sujet et vous donner des ailes pour oser en gagner plus. Je suis convaincue que la liberté économique des femmes annonce et précède leur liberté politique. Et si vous écoutez ce podcast, c'est tout sauf un hasard. Alors, en avant toutes mesdames, et bienvenue dans Ma Juste Valeur.
- Speaker #1
Depuis ma naissance, j'ai été conditionnée à croire que l'amour, le vrai, est sacrificiel et que s'il ne me fait pas mal, il ne s'agit pas vraiment d'amour. Je sais que je ne suis pas la seule à m'être construite avec ces croyances. Il est temps que nous toutes et tous en admettions le danger.
- Speaker #0
Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir une femme dont j'apprécie énormément le travail et dont les livres ont beaucoup résonné et continuent encore de beaucoup résonner en moi, Madame Chloé Thibault. Chloé Thibault est journaliste, autrice et spécialiste des sujets de culture et société. Elle a notamment été rédactrice en chef de la newsletter féministe pour ados Les petites glos écrite pour les rubriques Sexo et Psycho de Doctissimo, et a prêté sa plume à d'autres médias tels que Viss ou Cosette. Depuis 2022, Chloé est l'autrice de la newsletter La Pause Simone, éditée en collaboration avec Simone Média, qui compte plus de 500 000 abonnés. Chloé Thibault est également une autrice prolifère, puisqu'entre 2021 et 2024, elle a publié pas moins de 6 ouvrages, mais c'est de son dernier essai très remarqué qui s'intitule Désirer la violence que l'on va parler aujourd'hui. Comment la société patriarcale a brainwashed les femmes et les a conditionnées à accepter la violence masculine ? Et comment elles l'ont tellement internalisée qu'aujourd'hui, elles se retrouvent même à la désirer ? C'est tout le sujet de l'épisode de ce jour. Alors tendez l'oreille et ouvrez vos chakras, parce que vous ne verrez plus jamais Sex and the City ou Madame Dodd-Fayeur de la même manière, et vous n'écouterez plus jamais un son de Kanye West sans vous révolter. Bonjour Chloé !
- Speaker #1
Bonjour Insa.
- Speaker #0
Je suis ravie de te recevoir aujourd'hui et je suis absolument ravie de parler de ce sujet avec toi parce que j'ai lu ton ouvrage et j'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup aimé. Chloé, tu as sorti en 2024 ton essai Désirer la violence ce que la pop culture nous apprend à aimer aux éditions Les Insolentes. Ce, tu l'as écrit C-E-U-X. Comment t'est venue l'idée d'écrire un livre sur la violence masculine et sa promotion par notre pop culture ?
- Speaker #1
L'idée m'est venue très naturellement puisque c'est une réflexion très intime pour moi et qui est née au fil des années. Puisque là, j'ai fêté récemment mes 34 ans. Et donc, en gros, ça fait un peu plus de trois ans que je suis célibataire. Et ma dernière histoire a eu lieu avec un homme violent. Et en fait, passé la trentaine, je me suis vraiment rendue compte que la plupart du temps, j'avais fait les mauvais choix. amoureux. J'avais été souvent attirée ou en relation avec des hommes qui n'étaient pas les bons pour moi mais qui n'étaient pas bons pour moi tout court. Et en fait je me suis mise évidemment à interroger mes choix et même mes désirs, mes fantasmes dans le cabinet de mes différentes thérapeutes. Mais il y a eu un moment où mon côté journaliste justement et autrice et donc une personne qui analyse beaucoup C'est dit que, mine de rien, tous ces fantasmes et ces désirs-là avaient été aussi guidés par ma passion pour le cinéma, pour les séries. Et je me suis rendu compte que les modèles que j'avais eus sous les yeux depuis ma tendre enfance, donc les modèles de relations amoureuses hétérosexuelles, n'étaient franchement pas sains. Je ne sais pas, dans 95% des cas, ce que j'ai vu à l'écran. ne m'a pas appris à désirer des choses qui sont bonnes pour moi et des hommes qui sont sains. C'est comme ça vraiment que l'envie d'écrire ce livre est apparue, parce que je me suis dit, il y a un vrai sujet, je ne suis pas la seule à avoir cette impression de, et je mets des guillemets, ne tomber. que sur des connards, que sur des bad boys, que sur des méchants garçons. Donc ça veut bien dire qu'il y a quelque chose à creuser du point de vue de nos schémas et de nos modèles.
- Speaker #0
C'est hyper intéressant parce que tu vois, moi cette réflexion, je l'avais eue mais de manière hyper inconsciente. À un moment donné, tu vois, je m'étais interrogée sur les modèles que je voyais à la télé, les modèles que je voyais dans les séries, dans les films, les modèles de... Tu sais, d'héroïne dans lesquelles tu te projettes, quoi. Tu viens un peu, tu sais, à chaque fois que tu regardes une série, un film, une émission, whatever, mais il y a toujours un phénomène où, à un moment donné, ce qui est intéressant, c'est que tu te mets à la place de l'actrice, quoi. Tu te mets un peu dans ses chaussures et limite, tu vis par procuration ce qu'elle est en train de vivre.
- Speaker #1
Oui, tu t'identifies et quand il y en a plusieurs, on choisit laquelle on est, quelle copine.
- Speaker #0
Exactement, exactement. C'est assez intéressant parce qu'à l'époque où... Desperate Housewives était sortie. À un moment donné, il y a eu une grande campagne de marketing où tu avais des t-shirts où il y avait écrit I'm Brie Je suis plutôt Gabriela Je suis… Tous leurs noms m'échappent. Celle qui s'est restée, c'est celle qui me plaisait un peu le plus, même si elle me plaisait toute, mais Je suis Lynette Je suis Brie Je suis Gabi etc. Ça parle vraiment à quel point on s'identifie à une héroïne et dans laquelle on vit le film, la série ou l'émission de télé par procuration. Tu vois, cette réflexion, je l'avais un peu eue et je pense qu'on l'a toute un tout petit peu à des degrés d'intensité différentes. Mais ce qui est intéressant, c'est que toi, en fait, tu l'as vraiment poussé au bout. Tu as vraiment fait l'exercice jusqu'au bout et qu'en tant que journaliste, tu as vraiment mis ton chapeau de détective privée. Tu allais regarder pourquoi, en réalité, les modèles d'héroïne, c'était toujours des femmes qui se retrouvaient, en tout cas dans les rom-com ou les histoires d'amour, qui se retrouvaient tout le temps plus ou moins dans des relations toxiques. Moi, la question qui me vient à l'esprit, Chloé, c'est, je pense que quand tu as fait ce travail de recherche, il y a un moment donné où la vérité t'a éclaboussé à la figure. Je pense que ça a dû être très dur. Déjà, j'aimerais savoir comment tu l'as vécu. Pourquoi je te pose cette question ? Parce que moi, je fais un travail sur le conditionnement des femmes à l'argent, sur leur relation, etc. La relation que l'on promeut. Tu vois, on a tout un modèle de relation type auquel on devrait se conformer. Et en fait... à chaque fois que je creuse un peu plus le sujet, à chaque fois, je me sens éclaboussée par de la merde. On va employer les termes tels qu'ils sont. Et à chaque fois, je suis de plus en plus révoltée parce que j'ai l'impression qu'on met tout en œuvre pour nous piéger. Est-ce que toi, tu as eu le même sentiment quand tu as fait cet exercice-là ? Comment tu l'as vécu un peu ? J'aimerais bien avoir les biens de Sine.
- Speaker #1
Bien sûr, déjà, le mot que tu as utilisé et qui résonne très fort en moi, c'est celui de conditionnement. Parce qu'en fait, ça c'est quelque chose évidemment que je ressens depuis des années à travers mes convictions féministes, c'est-à-dire qu'on se met à chausser nos lunettes féministes, donc antisexistes, mais qui sont aussi antiracistes, antidiscrimination en fait tout simplement. Et donc quand le monde nous saute aux yeux pour ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire pas du tout digne d'un conte de fées, ça fait mal. En fait, c'est des espèces de deuil en permanence d'une certaine image du monde qu'on avait. une image du monde, une image des hommes, une vision de ce qu'est le couple. Et le plus tu tires le fil, le plus tu te rends compte que la pelote, elle est interminable. Et donc, comme tu dis, tu te sens éclaboussée en permanence. Et surtout, c'est aussi une perte de repère parce que ça, je le raconte surtout à la fin de mon livre. Et depuis sa sortie, je continue de réfléchir dessus. C'est-à-dire qu'une fois qu'on se rend compte que la quasi-totalité des modèles qu'on a eus sous les yeux, n'était pas saine. On se nourrit de quoi, en fait, maintenant ? Et ce qui était très dur, c'est de me rendre compte, d'où le sous-titre de mon livre, Ce que la pop culture nous apprend à aimer c'était vraiment de me rendre compte qu'on m'a appris, depuis que je suis une petite fille, à érotiser, à romantiser, et donc à désirer, mais des choses qui ne sont pas du tout OK. Pour donner vraiment quelques exemples, à cause des rom-coms notamment, mais même d'autres genres de films. J'ai cru que la jalousie masculine était quelque chose que je devais provoquer, que c'était un bon signe, que la possessivité d'un partenaire et la jalousie, et même des crises de jalousie, étaient le signe que cet homme m'aime vraiment. Ça, on se rend compte que non. En fait, un petit peu, un petit peu de jalousie et voilà, s'embêter là-dessus, évidemment, ça arrive, ça peut être rigolo. Mais la jalousie à l'excès, la jalousie qui peut être de la violence, c'est quelque chose de très grave. Le fait aussi de trouver très cool, même quand j'étais ado, que deux types puissent se taper l'un sur l'autre pour moi, pour avoir mes faveurs. Ça, moi, ça m'est arrivé quand j'étais au collège. Je me souviens très bien que pour moi, c'était une réussite. Je me disais Waouh ! comme dans les films, les mecs se tapent sur la gueule pour toi, c'est vraiment trop bien. Le fait aussi, ça je le raconte, de moi gifler un homme parce que c'est vraiment... l'ultime geste de la meuf hyper badass et puis parfois justement tu te frappes mais juste après tu t'embrasses parce que tu vois c'est vraiment ça la passion quoi, c'est se déchirer et puis après coucher ensemble, en fait ça c'est des petits comportements. qui ne sont pas petits du tout, mais en fait des clichés qu'on retrouve dans un tas de films et vraiment dont on nous dit, vous voyez comme c'est romantique, vous voyez comment c'est désirable, et donc comment si ça vous arrive, il ne faut pas vous en plaindre, il faut être contente, il faut vous réjouir que des hommes se comportent comme ça envers vous. En fait, oui, tout ça, et là, c'est vraiment que quelques exemples, tout ça, ça te saute au visage et après, ça en devient presque intolérable. Aujourd'hui, évidemment, quand je regarde, quand je revois nombre des rom-coms que j'ai adoré il y a encore 5 ou 10 ans, je les vois pour ce qu'elles sont, donc je me dis mais au secours ! Au secours, j'ai plus du tout envie que ça m'arrive dans la vraie vie.
- Speaker #0
Ça résonne beaucoup ce que tu racontes, ce que tu expliques Chloé, parce que moi je finis dans les années 80. Et dans les années 80, c'est fou parce qu'aucune héroïne me ressemblait. Et aucune héroïne ne ressemblait à l'image de la femme que je voulais être quand j'allais être plus grande. Et je me souviens, tu vois, et c'est un truc que, pareil, j'ai tiré le fil et je m'en suis rendue compte après. Tu sais, quand tu vieillis, que tu fais des thérapies et puis que tu réfléchis à ta relation, à plusieurs choses. Moi, pour le coup, là, c'était ma relation à l'argent. Et en fait, tu vois, en grandissant, moi, je disais toujours, je veux être un homme d'affaires. Je veux être un homme d'affaires, je veux être un homme d'affaires. Et je ne lui ai jamais dit, je veux être une femme d'affaires. Parce qu'en fait, à l'époque, j'avais le choix soit à être princesse Sarah, c'est-à-dire, tu sais, cette petite fille qui est vraiment l'exemple rêvé de la madone sacrificielle, c'est-à-dire la nana, tu lui marches dessus, elle se fait rouler dessus à longueur de journée par la vigna qui la victimise. Et tout le monde, d'ailleurs, la victimise, à part un espèce de gavroche qui a un enfant des rues et puis les souris de sa mansarde qui sont sympas avec elle. Donc, tu vois jusqu'où ça va. Non, mais la posture sacrificielle, en fait... Ça fait rire quand on le dit comme ça, mais quand on regarde ce dessin animé avec ce que tu décris dans le livre, moi, en fait, ça ne me fait même plus rire. Je suis révoltée. Je me dis, mais tu te rends compte, tu regardes ça, tu as 6, 12 ans et tu te dis que pour être une fille gentille, pour être la bonne fille, pour être vraiment la fille bien, en réalité, il faut que tu sois Princesse Sarah, il faut que tu te fasses marcher et victimiser par tout le monde sans jamais rien dire, sans jamais te révolter. Et parce que si tu es comme ça... Et bien quelque part, soit Dieu, l'univers, la vie, peu importe comment tu l'appelles, quelqu'un va venir te sauver. Et ce quelqu'un, ça sera peut-être un ongle des Amériques qui est milliardaire. Donc j'ai grandi avec Princesse Sarah et je ne me retrouvais vraiment pas dans Princesse Sarah parce que moi, la vignette, j'avais envie de lui foutre des tartes à longueur d'épisode. Et puis d'un autre côté, tu avais cette espèce de cruelle-là, de femme qui réussit, mais parce qu'elle a réussi, le prix à payer, c'était sa vie de femme. Et donc, une femme qui est une businesswoman, c'est toujours, tu sais... On va le dire, on va employer des termes qui sont ceux que je pense et sans aucun filtre dans cet épisode. La nana qui a de la thune, c'est toujours une connasse. Une connasse, c'est avec les autres femmes, une connasse avec les hommes. Elle roule sur tout le monde, elle marche sur la tête de tout le monde. C'est toujours la vampirella avec les dents longues, etc. Je ne me reconnaissais pas du tout à l'époque dans cette image-là. Et en fait, c'est vachement dur parce que pour une fille, aujourd'hui, on a un peu plus d'héroïnes qui sont en dehors de ces destérobes. de type, mais en grandissant, ça a vachement construit ma relation à l'argent parce que quand je suis devenue adulte, j'ai dû tout déconstruire pour me permettre de gagner de l'argent, pour me permettre et m'autoriser de réussir et pour m'autoriser à défendre mes intérêts et pas toujours sacrifier mes intérêts sur l'autel de l'amitié, sur l'autel de l'amour, sur l'autel d'une relation de confiance avec un employeur, sur l'autel d'une relation de confiance avec un client ou une cliente. Tu vois, là, j'en parle et je suis encore... limite un peu, c'est très émotionnalisé tout ça, mais c'est hyper dur parce qu'au final, après, il faut le déconstruire envers les gens parce que toi tu le fais vachement, tu parles aussi de ces relations d'argent avec les violences économiques, on y viendra plus tard, mais pour tout ce qui est les relations humaines et cette posture sacrificielle dans laquelle on attend que les femmes, c'est la couronne sociale qui est décernée à toutes les femmes, c'est un peu l'image à laquelle on doit correspondre. Du coup, Chloé, moi, ce qui m'intéresserait aussi, parce que c'est ça que je trouve la force de ton bouquin, c'est que tu décortiques le conditionnement et tu nous expliques, série par série, titre de musique par titre de musique, comment tout doucement le patriarcat a fait en sorte de conditionner les femmes à aller chercher cette violence et de la désirer tellement, parce qu'en réalité, quand on correspond à ce qu'on attend de nous et quand on accepte cette violence, C'est vraiment genre la couronne sociale ultime qu'après on partage à la société et qu'on force aussi les autres femmes. C'est un modèle dans lequel on pousse aussi les autres femmes. à correspondre pour qu'elle soit limite un peu misérable comme nous. Bon, ça fait beaucoup de questions dans une question, mais tu m'as compris.
- Speaker #1
Mais en fait, surtout ce qu'il y a de particulièrement dangereux avec la fiction, toutes ces fictions, c'est que l'acceptation de la violence par les femmes, elle est récompensée. Et en fait, c'est surtout ça qui est difficile. Parce que toi, tu parlais de Princesse Sarah. Moi, je vais donner un autre exemple qui n'est pas dans Désirer la violence, mais dont je parlais à l'occasion de mon livre Toutes pour la musique. Dans la petite sirène, enfin, la petite sirène version Disney, on a quand même, parce que moi, c'était l'un de mes préférés, on a quand même une très jeune femme, qui est mineure, qui renonce à sa voix, qui renonce à sa nature profonde de sirène pour un homme. La symbolique, elle est énorme, de renoncer à sa voix pour un homme. Elle n'est qu'un physique. C'est une violence en soi, tu vois. C'est vraiment, si on se permet une espèce de comparaison avec l'emprise et les violences conjugales, c'est vraiment un renoncement à qui on est. Et donc ça, on le romantise toute petite. Ensuite, quand tu me parles de l'argent, ce qui me vient immédiatement, et que j'ai laissé de côté plutôt dans Désirer la violence, mais ce sont tous les téléfilms de Noël. C'est-à-dire que moi, le nombre d'héroïnes que j'ai vues depuis toute petite, des journalistes. Alors pour le coup, contrairement à toi, je me voyais moins représentée, parce que le cliché de la journaliste, de la chroniqueuse à New York, on le retrouve dans plein de films et beaucoup de téléfilms. Mais sauf que moi, dans ces films-là, la journaliste qui gagne, j'ai d'ailleurs beaucoup trop d'argent pour une journaliste, et qui vit à New York, au final, qu'est-ce qu'on me dit ? Qu'elle a une super carrière et qu'elle a de l'argent. mais qu'elle n'est pas heureuse puisqu'elle n'a pas l'amour d'un homme. Donc, il faut qu'elle retourne dans son patelin d'origine pour se maquer avec le bûcheron veuf du coin, pour qui elle va adorer faire des cookies et se rendre compte qu'elle a besoin de se reconnecter aux choses simples. Là, pareil, le fait de renoncer à ta carrière. Souvent aussi, tu as des avocates. Les meufs, elles se sont tuées à faire des études, tout ça pour renoncer. En fait, tout ça, pareil, ce sont des violences. qu'on a complètement banalisées. Et si on prend des exemples qui sont un peu moins rom-com, mais de films où il y a des violences conjugales, des violences sexuelles, des violences physiques faites aux femmes, en tout cas des hommes violents, dans ces films, très souvent, le fait que les femmes restent, que ça active à fond leur syndrome de l'infirmière, à la fin, les héros, les bad boys, finissent par devenir des gendrydéos. des bons pères de famille à ce sujet. Moi, je parle de la série Gossip Girl avec le personnage de Chuck Bass qui est absolument infecte, donc une espèce de jeune milliardaire, encore une fois, à Manhattan, qui, dès le premier épisode de la série, essaie de violer deux autres héroïnes et qui, pourtant, devient le héros, l'anti-héros préféré de la plupart des filles qui regardent la série. Mais au bout de X saisons, l'héroïne qui a accepté... Et toutes les violences qu'il lui inflige, elle est récompensée puisqu'à la fin, il se marie et ils ont des enfants. Et en fait, tout ça, ce sont vraiment des mythes. Ce sont des fictions. Parce que dans la vraie vie, tout ce que je viens de décrire, et même pire évidemment, ce n'est pas à récompenser. En fait, la seule récompense que les femmes peuvent avoir, ce sont des traumatismes ou bien la mort. Parce que la violence conjugale... Quand on n'est pas à Hollywood, la fin, the end, c'est the end, littéralement. Et ça, moi, je suis comme toi. Là, évidemment, j'ai la tête plus froide parce que ça fait plusieurs mois que je défends mon livre, donc je suis habituée à en parler. Mais moi, ma colère gronde très, très vite sur ces sujets. Parce qu'une fois qu'on a compris que la fiction, que le cinéma, ça peut être un outil puissant de propagande pour... les violences conjugales et d'acceptation des violences masculines, comment ne pas être en colère, en fait ? Comment regarder encore ces films en se disant Oh, trop mignon, j'espère trop que ça m'arrive C'est impossible. Impossible.
- Speaker #0
C'est impossible, c'est vrai. D'ailleurs, pour reboucler sur La petite sirène que je regardais avec mon fils récemment, là, c'est assez intéressant. Mais Ursula, tu sais, la méchante Ursula, donc pour ceux qui ne connaissent pas ou qui ne se souviennent pas trop de La petite sirène c'est l'espèce de pieuvre méchante de... avec laquelle, enfin qui fait un deal avec Ariel pour lui retirer sa voix en contrepartie de jambes humaines, et bien à un moment donné elle lui dit Ah mais tu peux me donner ta voix, de toute façon les hommes n'aiment pas les femmes qui parlent trop. Mais c'est parlant tu vois, c'est ce que tu disais, c'est vraiment le Sois belle et tais-toi Mais c'est encore plus vicieux que ça parce que le sois belle et tais-toi finalement, c'est toujours récompensé. Alors que dans la vraie vie, ce n'est pas récompensé.
- Speaker #1
C'est surtout, tu sais, c'est un mème sur Internet. J'ai oublié comment elle s'appelle, mais la maîtresse dans les Aristochats. On la voit, en gros, elle est au lit avec ses Ausha. Elle vit sa meilleure vie parce qu'elle est célibataire, cette vieille. Elle est vraiment vieille, si je dis vieille, c'est parce qu'elle est censée vraiment être vieille. Ça se trouve, on apprendra qu'elle avait 42 ans. Elle a l'air vraiment vieille à l'image. Et en fait, il y a ce truc là, quand on vieillit, où on se rend compte que finalement, enfin moi, tu sais, je te parle en tant que célibataire sans enfant et tout, mais en fait, de plus en plus, moi, je ressemble aux méchantes. Je ressemble aux méchantes Disney, tu vois. Enfin, aux méchantes ou aux vieilles pas intéressantes avec leur chat. Et en fait, je me dis, mais attends, je préfère largement être elle. Et en fait, même, tu développes de la compassion pour elle. Parce que si on imagine la vie d'Ursula, enfin en fait, Ursula, c'est quand même la sœur du roi Triton. qui a été complètement mis au banc de la société quoi, parce que dans La Petite Sirène on est en plein patriarcat, c'est atroce. Cette sœur, elle a la haine mais parce qu'en vrai, ça se trouve, elle était féministe de base tu vois, elle se venge, elle change les mecs et les couples en algues toutes pourries, mais bref. Si on imaginait un biopic juste sur Ursula, je suis sûre qu'on peut lui faire une backstory où il y a à peu près fort à parier qu'elle aura vécu des traumatismes, elle aura vécu des violences, enfin... Tu vois, en vrai, c'est plausible, quoi. Sauf qu'évidemment, on les représente comme des créatures qui font super peur et comme une espèce de féminité à laquelle les petites filles ne doivent absolument pas aspirer.
- Speaker #0
Et tu vois, c'est assez intéressant. On va rester sur Ursula parce qu'au final, tu vois, Ursula, elle n'a pas de mec dans la petite sirène. Elle est méchante, mais on ne sait pas pourquoi elle est devenue méchante. Mais la réalité, c'est quand tu analyses aussi l'absence de sororité ou la rivalité féminine. Souvent, il y a beaucoup de femmes qui te disent Mais attends, moi, celles qui m'ont le plus fait la misère dans ma vie, c'est des autres femmes. Si on prend un exemple dans le monde de l'entreprise, où tu as une manager qui a un certain âge et qui a vécu, en tout cas, la montée en puissance de sa carrière dans les années 70-80, mais tu m'étonnes que ce soit une peau de vache maintenant, dans les années 2020. La nana, tu ne sais pas par où elle a dû passer pour en arriver là où elle en est. Et comme tu reproduis, c'est vraiment le syndrome de l'enfant battu, tu reproduis des trucs. Et du coup, c'est ça aussi le problème du patriarcat, c'est qu'avec ce type de représentation-là, et l'impossibilité de trouver une voie, un couloir de nage qui est différent, pour y arriver, finalement, tu vends un peu ton âme, ou en tout cas, tu te mets en accord avec ces choses-là, tu t'alignes avec ce qu'on attend de toi, tu finis par faire des choses qui ne sont pas bien pour toi, tu as des relations toxiques, etc., tu baignes dans une toxicité qui fait qu'après coup... le jour où tu as des femmes sous toi, il est hors de question qu'elles fassent différemment que toi tu as fait. Tout ça, ça se nourrit. Moi,
- Speaker #1
je l'ai mis de côté parce que ce n'est pas spécifiquement mon objet d'étude, mais c'est de la même façon. Enfin, je veux dire, c'est aussi ce que la pop culture nous apprend à reproduire. Donc l'absence, en tout cas jusqu'à une date très récente, l'absence totale de sororité dans les films de ce genre. Mais de toute façon, si on reste pour en finir avec La Petite Sirène, dans La Petite Sirène, le but ultime de tout, c'est d'être choisi par un homme. Donc... Enfin, de quitter leur père, le roi Triton, pour un homme. Et les seules figures masculines qu'elles ont en dehors, c'est Polochon et Sébastien. C'est un crabe et un poisson. Voilà, c'est tout, quoi. C'est ça, leur vie à ces meufs. Donc, c'est normal qu'elles soient les unes contre les autres.
- Speaker #0
Absolument. Tu as dit un truc qui est hyper intéressant tout à l'heure et j'aimerais rebondir dessus. Chloé, tu as parlé d'armes du patriarcat. Est-ce qu'aujourd'hui, on peut dire de propagande, pardon, du patriarcat ? Est-ce qu'aujourd'hui, on peut vraiment clairement dire aux femmes qui nous écoutent et aux hommes aussi qui nous écoutent, attention à ce que vous regardez, parce qu'en réalité, le cinéma, les séries télévisées, la musique, la pop culture dans sa généralité et sa globalité a été et est encore vraiment l'outil favorable, enfin je recommence, est l'outil de propagande du patriarcat.
- Speaker #1
Bien sûr qu'on peut le dire. Après, en face, on entendra qu'on ne peut plus rien dire. Je m'explique. C'est-à-dire que oui, on peut dire tout ça. Et moi, je le dis. Le souci, c'est qu'on est encore dans une époque qui ne veut pas majoritairement écouter. Donc tout de suite, quand tu développes un discours pareil, on te taxe de wokisme. Ce qui est tout à fait OK pour moi parce qu'être wok n'est pas un gros mot, à mon sens. Mais c'est pour ça que j'explique toujours qu'à travers ce livre, moi, je ne condamne pas et je ne veux absolument pas mettre de honte sur les épaules de celles et ceux qui ont aimé tel ou tel film. Moi, la première, je peux te chanter, je vais t'épargner ça, même si je chante juste. Je peux te chanter toute la bande originale de La Petite Sirène. Et je veux dire, quand j'ai un coup de mou, j'ai envie de regarder des Disney. Voilà, moi, j'invite juste à ce qu'on développe notre esprit critique et surtout auprès des plus jeunes. Parce que je crois et c'est au-delà de la croyance, c'est-à-dire que c'est prouvé. Dans mon livre, je me base aussi sur différentes études qui ont été menées sur les neurosciences. C'est prouvé, en fait, que tout ce qu'on voit... a une influence sur notre acceptation vis-à-vis de certains comportements ou sur la reproduction de certains comportements. Donc en fait, oui, je parle de propagande et je pèse le mot, mais c'est aussi, de façon un peu plus légère, de la publicité, de la publicité pour des fictions, tu vois. Tout comme on a pu avoir des mythes qui aujourd'hui nous apparaissent comme étant complètement zinzin, tu vois, les mythes grecs, les mythes égyptiens, on se dit mais comment est-ce qu'à un moment ils ont pu croire à ci ou à ça ? Moi, c'est ce que je ressens profondément pour ce que j'ai vu dans les années 90, 2000, 2010. Comment est-ce qu'on a pu me faire croire que le danger dans tel ou tel film, c'était les autres femmes, alors qu'on m'a fait croire par ailleurs que le type qui viole l'héroïne, lui, c'était complètement OK et qu'il était romantique ? Moi, j'utilise énormément l'image des graines qu'on plante dans nos cerveaux. Tous les films dont je parle dans mon bouquin, c'est exactement ça que ça a opéré en nous. Donc moi, oui, j'appelle de toute façon. Pour rester sur le mot woke, ça veut dire éveillé. C'est la métaphore du on dormait, on se réveille, on est éveillé, on ouvre les yeux. Moi, j'appelle à ça. C'est pour ça que pour moi, ce n'est pas du tout un gros mot. Mais j'appelle à ça sans pour autant vouloir qu'on interdise ces films, qu'on les détruise, qu'on brûle nos DVD. Voilà, ce n'est pas du tout ma démarche, ça.
- Speaker #0
Oui, oui, ta démarche, absolument, ta démarche, elle est plutôt de... les regarder avec un œil différent et en étant consciente que les messages inconscients qu'ils impriment dans notre cerveau ne sont pas forcément les bons.
- Speaker #1
Tu as dit celles et ceux c'est très important puisque j'imagine que tu as aussi des hommes qui écoutent ton podcast. Ce n'est pas du tout un livre qui s'adresse exclusivement aux femmes, c'est un livre pour nous toutes et tous. Vraiment, c'est pour tout le monde ce livre. Et ce que j'explique, c'est qu'il y a tout un tas de comportements. masculin aussi. On apprend aux garçons et aux hommes à reproduire tel ou tel comportement, mais qui peuvent leur faire du mal à eux aussi. Il y a énormément de garçons qui ne se retrouvent pas dans la virilité, dans les valeurs masculinistes, heureusement. Mais donc, eux aussi, depuis tout petit, ils voient des mecs gentils qui passent pour des victimes, tu vois, des vicosses, victimes dans ce sens-là, comme les losers du collège, comme ceux... dont on met la tête dans les toilettes, enfin, tu vois, tous ces clichés de garçons qui sont martyrisés et harcelés dans les films, pour les ados, en fait, à quel moment est-ce que tu as envie de devenir le personnage gentil si à chaque fois, le gentil, c'est un loser ? C'est ça ? Et ça, c'est aussi une partie, moi, de mon message qui est extrêmement important pour moi. Et de la même façon, dans les films, on sous-représente, enfin, on représente très très peu les violences sexuelles faites aux garçons et aux hommes. qui pourtant existent, qui sont commises dans la majorité des cas par d'autres hommes, mais en tout cas c'est un sujet, c'est quelque chose qui existe et qui est très peu représenté. Et quand les violences sexuelles faites aux hommes sont représentées à l'écran, la plupart du temps on en fait quelque chose de comique ou d'érotique, parce qu'ils sont agressés sexuellement par des femmes qui peuvent être des meufs super canons justement du lycée, qui les attachent au lit et qui les forcent, mais au final c'est pas très grave parce que la fille est canon. Donc même là-dessus en fait, pour les garçons, qui seraient réellement victimes de violences sexuelles et qui auraient besoin de représentations pour se dire Attends, ce que je vis existe et il faut que j'en parle et bien même sur ce créneau-là, on n'est pas à la page.
- Speaker #0
Et tu vois, c'est hyper intéressant ce que tu dis, parce que moi, je reboucle avec une discussion que j'ai eue dans le podcast Ma juste valeur avec Lucille Pétavin, qui a écrit Le coût de la virilité Et elle explique aussi ce mécanisme-là. Elle l'explique pas de la même manière que toi, mais avec l'angle, du coup, que cette éducation masculiniste a ensuite pour la société. Et elle explique très bien qu'à force d'élever nos enfants pour devenir des agresseurs, pour avoir des comportements à risque, etc. Au final, même pour la société entière, ça a un coût. Et ça, c'est hyper intéressant parce qu'au final, tu vois, c'est fou, Chloé, mais j'ai l'impression, depuis que j'ai ce podcast et en interviewant autant de femmes qui font des féministes, qui font un travail, qui est recherché, scientifique, sur l'état du patriarcat, à chaque fois, j'ai l'impression d'avoir une pièce supplémentaire au puzzle. Et voilà. de questionner un peu ce modèle-là sociétal, ce contrat social dans lequel on est, et de pouvoir aussi donner la voix à certaines femmes comme toi pour le faire évoluer dans le bon sens.
- Speaker #1
Oui, de toute façon, évidemment, je connais le travail de Lucille avec le coup de la virilité. En fait, même si nos travaux sont complètement différents, pour moi, ça fait écho. Et comme tu le dis, ce qui est difficile, ce n'est pas que c'est difficile, mais l'enjeu aujourd'hui, quand on est une autrice, qui se positionne sur ces sujets-là, c'est évidemment d'apporter sa pierre à l'édifice et de ne pas refaire ce qui a déjà été fait. Et moi, avec Désirer la violence, j'ai justement tâché de m'attaquer à ce que j'appelle la racine culturelle du mal. Je trouve qu'aujourd'hui, on a de superbes ressources et des essais qui ont marqué ces dernières années, dont celui de Lucille. Mais ça manquait encore de quelque chose qui vraiment vient analyser ce coup. de la virilité, mais d'un point de vue culturel et donc très intime sur la question des représentations.
- Speaker #0
C'est ça que je trouve fantastique dans notre époque aussi, c'est qu'il y a tellement de femmes qui ont pris des angles bien spécifiques pour décortiquer l'impact du patriarcat sur la vie réelle des femmes, pas sur leur vie rêvée. Et l'impact de ce modèle-là, et effectivement, toi, vraiment, ton travail est assez exceptionnel sur le sujet.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Puisqu'on est en train de citer des concerts que... Je pense aussi à Jennifer Thomas que j'ai interviewée dans mon livre et à d'autres personnes qui ont déjà travaillé sur l'aspect plus littéraire et notamment sur les contes de fées. Moi, c'est pour ça que dans le livre, je m'attaque surtout au cinéma et aux séries et que je parle de pop culture. C'était aussi pour ne pas aller sur leur terrain à elles.
- Speaker #0
Oui, et puis de toute façon, ce terrain-là était encore un terrain vierge. Donc, on avait tout intérêt à avoir ton éclairage, c'est certain. Chloé, moi, ton ouvrage, d'un point de vue émotionnel, il m'a beaucoup touchée. Parce qu'en fait, au-delà du fait d'écortiquer un peu cet outil de propagande qui est devenu la pop culture pour le patriarcat, il m'a beaucoup touchée de plusieurs manières. La première, c'est qu'en réalité, je me suis dit, je ne suis pas folle. Et ça, quand tu es une femme, c'est hyper important parce que tout le monde te dit tout le temps que tu es folle. Et la deuxième, c'est que je me suis dit, ouf ! Les choses avancent parce qu'on a des gens et des femmes qui écrivent sur ce sujet-là. Pourquoi je te dis ça ? Parce que, encore une fois, tu vois, moi j'ai grandi, évidemment, comme toute femme sur cette terre, j'ai eu au moins une relation toxique avec un homme. Et je me rappelle de la dernière en date que j'ai eue, et à chaque fois que j'avais des relations toxiques avec des hommes, évidemment, on était dans ces relations qui avaient des ascenseurs émotionnels. où ça allait bien pendant une semaine, puis deux semaines après, c'était horrible, et puis après, ça repartait, etc. Et je m'étais rendue compte que j'étais devenue accro, tu vois, à cet ascenseur émotionnel. Et en lisant ton bouquin, j'ai fait le lien dans ma tête. Et je me suis aperçue, après coup, qu'à chaque fois que j'étais dans une relation toxique qui ressemblait à ça, je me retrouvais à regarder Sex and the City. Et en fait, je m'identifiais à Carrie et j'identifiais ma relation à Carrie et Big. Et à chaque fois, je revenais. où j'acceptais de redonner une chance, une 28 milliardième de chance, parce que je me disais que moi aussi, un jour, j'allais avoir le happy ending de Carrie avec Big. Mais la réalité, c'est qu'en fait, je ne l'ai jamais eu. Et heureusement, parce qu'il n'aurait jamais eu lieu ou il aurait été très grave pour moi. Donc ça, c'est la première chose où je me suis vraiment... J'ai eu des moments où je me suis dit, mais voilà, tu vois, j'ai vraiment reconnecté. Enfin, j'ai pu retrouver des pièces du puzzle. Et la deuxième raison pour laquelle ton livre m'a touchée, c'est parce que je me suis dit, enfin, en étant éduquée comme on l'est, comme on le devient en lisant plein d'ouvrages, notamment le tien. Moi qui ai des enfants, ça va me permettre de leur montrer des films, tu vois, La Petite Sirène, Madame de Tfayer, peu importe ce que je pourrais leur montrer, mais en leur disant, attention, tu sais que ce n'est pas la vraie vie, attention, vraiment en mettant plein de disclaimers ou en décidant si je n'ai plus envie de leur montrer ou de ne pas leur montrer, mais sans aucun état d'âme. Ce qui me donnait de l'espoir, c'était de me dire qu'en étant éduquée sur le sujet, en étant éclairée sur le sujet, ça allait nous permettre aussi, nous, les femmes quelconques, de tous les jours. n'importe laquelle de tes lectrices ou de tes lecteurs, de pouvoir avoir un impact sur les prochaines générations. Parce que tu vois, moi, mon fils, je n'ai pas envie que ce soit un masculiniste au gros bras, mais en même temps, je ne veux pas que ce soit la victime. Et j'ai envie de lui montrer qu'il y a un choix du milieu entre les deux et qu'il y a un juste milieu entre le gros méchant, le bully et la victime.
- Speaker #1
C'est surtout que le but, c'est qu'il n'y ait plus de bourreau, en fait.
- Speaker #0
Mais parlons-en, ça, de la broculte.
- Speaker #1
De bourreau, j'ai dit.
- Speaker #0
Ah, de bourreau, j'ai compris que tu allais dire bourreau. Et j'allais dire broculture, vas-y, parlons-en. Non,
- Speaker #1
non, mais tu sais, c'est en fait ce même qu'on retrouve beaucoup. Ah oui, si les hommes n'existaient pas, qui vous protégerait ? Mais nous protéger de qui ? Tu vois, tu connais ce cercle vicieux. Et en fait, c'est pareil. On n'a pas envie que nos petits garçons soient les harcelés. Mais en fait, le but, c'est qu'il n'y ait plus de harceleurs. Donc, voilà, moi, j'ai tendance à penser dans ce sens. C'est hyper fort ce que tu as dit par rapport à ton identification à Carrie et Big, parce que ça résume tout. C'est-à-dire qu'on a envie que nos vies soient palpitantes, comme une série, comme un film. Et en fait, on nous a tellement appris que la passion, et cette espèce d'aimer à la folie, cette passion folle, dévorante, c'était ce à quoi on devait aspirer, que c'est ça le vrai amour. Mais moi, je ressens exactement comme toi. J'ai regardé plein de films ou de séries où c'est atroce, c'est pas sain du tout, en me disant, bah ouais, mais ça se passe comme ça. Ça vaut le coup, parce que regarde quand même, quand ils sont bien, fou, qu'est-ce qu'ils sont bien. Et puis ça finit bien à la fin, enfin voilà. Et puis surtout, ce que tu disais à la fin, ça nous permet de guider les nouvelles générations. Moi, c'est vraiment tout ce qui me motive, bien plus que de faire changer celle de mes aînés. Ce que j'essaie quand même de faire, de dialoguer avec des personnes bien plus âgées que moi. Mais le but, c'est quand même que les nouvelles générations ne se laissent plus avoir comme ça parce qu'ils voient sur leurs écrans. Mais maintenant qu'on s'est dit ça, actuellement en France, ce qui cartonne, c'est le film de Gilles Lelouch, L'amour ouf, qui malheureusement valorise à fond une relation qui est super toxique et des héros masculins très, très violents. Et ça cartonne auprès des jeunes. Et côté littérature, chez les jeunes filles, c'est la dark romance qui cartonne, qui repose sur beaucoup de kidnapping, de séquestration, de non-consentement. Donc on n'y est pas, le chemin est encore long. Mais au moins, elles et eux ont aussi des nouveaux modèles dans les fictions, et notamment les séries qu'on retrouve sur les plateformes de vidéos à la demande et tout, qui sont purées à des années-lumières de celles avec lesquelles j'ai grandi, et toi aussi, dans les années 80. Donc là-dessus, je pense qu'on peut quand même se dire qu'on va dans le bon sens, parce que même au-delà de la question des violences sexistes, sur l'homophobie, sur la grossophobie, sur le racisme, tout ça, ça va ensemble quand on parle de ces productions culturelles. Bon, au moins, on avance.
- Speaker #0
Et puis aussi, je pense qu'on avance parce qu'elles ont aujourd'hui la possibilité, les jeunes générations, j'entends hommes et femmes, d'avoir une grille de lecture. alternative, tu vois, et une autre grille lecture, qui leur permet peut-être, voilà, de dissocier le fantasme de la réalité, de ce qu'elles aspirent pour elles-mêmes, et de se dire, bah c'est un bouquin Fifty Shades of Grey, bon bah je sais pas si ça y est classé dans la Dark Romance, mais en tout cas d'avoir, de se dire bah, tu sais, c'est un peu l'image qu'on te donne en psychologie, c'est pas parce que t'as le fantasme d'une relation sexuelle art... pas hard, mais un peu violente, que tu veux être violée. Tu vois ce que je veux dire ? Il y a une vraie différence entre les deux. Donc, c'est ça qui... Enfin, je trouve que c'est bien parce que ça nous permet d'avoir des grilles de lecture différentes.
- Speaker #1
Je ne prends pas l'exemple le plus neutre qui soit. Parce que, pour le coup, ces fantasmes-là... Alors, moi, j'ai jamais... J'ai jamais eu quelconque fantasme autour de la violence sexuelle et du viol. Mais tu vois, des attitudes viriles, quoi. sauvage, ferme, enfin bon bref, on va pas rentrer dans des détails trop précis, mais quand j'ai fait tout ce travail autour de Désirer la violence, et là c'est le cas depuis un an parce que je m'interroge et j'ai fait une pause dans les relations amoureuses, moi j'en suis vraiment venue à me rendre compte que même ces fantasmes-là, ils m'appartiennent pas vraiment. Enfin honnêtement, après on tombe un peu dans des délires à la Jean-Jacques Rousseau et les philosophes, tu vois, sur la nature, la culture et tout. Mais si je n'avais pas vu tous ces films, et j'inclus évidemment la pornographie, mais si on reste sur les films, si je n'avais pas vu tous ces films où des filles se font tirer les cheveux, étrangler, etc., est-ce que j'aurais eu envie de ça ? Non, je ne pense pas. C'est-à-dire que même mes fantasmes, je les ai calqués sur ce que je pense que les hommes attendent. que je passe. Pour moi, même la sexualité, enfin, nos sexualités, je ne suis pas la seule. Il y a justement des essais qui sont sortis sur le sujet, mais même ça, ça ne nous appartient pas vraiment. Et la pop culture nous a appris à aimer des comportements physiques. Et même, tu vois, une plus petite chose, mais par exemple, être vraiment prise, collée contre le mur, tu vois, pour un premier baiser, tu vois cette image. Je pense que immédiatement dans ta tête, tu vois ce dont je veux parler, tu vois, et qu'on te déchire tes vêtements et c'est hyper passionné. On n'oublie jamais, par exemple, avec Ryan Gosling, il y a cette scène, il la prend, là, il bleut des cordes et tout. Forcément, tu te mets à avoir ce fantasme-là.
- Speaker #0
C'est très juste ce que tu dis. C'est très, très, très, très juste, Chloé. Et du coup, effectivement, ça en vient en s'interroger aussi sur ces... Sur ces désirs originels, tu vois, et de se dire, mais en fait, est-ce que c'est moi qui les veux vraiment ou est-ce que je les ai empruntés parce qu'à un moment donné, mon cerveau les a imprimés comme quelque chose que je devais aller rechercher ? Tu vois, je fais le parallèle avec les relations toxiques, par exemple, les psychologues te le disent, ils ont vraiment décortiqué le sujet, mais plus, quand tu as une relation qui est toxique, les hauts sont tellement hauts, les bas sont tellement bas, qu'en fait, en réalité, ta perception, c'est que les hauts sont très très hauts. et les bas sont très bas, mais la réalité est que les bas sont plus bas que ce que tu perçois, et les hauts sont moins hauts que ce que tu perçois. Et en fait, une fois que tu as eu ça, ton cerveau, si tu restes trop longtemps dans des relations toxiques, dans une relation toxique par exemple, ton cerveau a tellement été imprégné, et a tellement normalisé la chose, que sans te rendre compte, tu vas rechercher encore une autre relation toxique. Et on le voit par exemple, enfin je vais te donner cet exemple-là, je pense qu'on l'a entendu partout. Tu sais, pour les femmes qui sont victimes de violences domestiques, de violences conjugales, notamment les femmes battues, très souvent, on les voit reproduire ce genre de schéma avec plusieurs partenaires. Et il y a plein de personnes qui les jugent en disant Non, mais en même temps, elle va toujours chercher le même style de mec. À aucun moment, on s'interroge de se dire à quel point elle a été traumatisée pour internaliser ce schéma-là, et l'internaliser tellement profondément en elle qu'elle en a fait sa normalité. et que du coup son système nerveux ne peut pas aller chercher autre chose parce qu'il ne connaît pas autre chose. Et c'est en ça que c'est hyper important aussi de s'interroger un peu, d'auditer un petit peu si on peut le faire, nos désirs, nos pensées, etc. parce que ça nous permet aussi de se dire, est-ce que ça, ça m'appartient vraiment ? Ou est-ce que ça, je le reproduis parce que je l'ai vu à la maison, parce que ça a été ma première expérience amoureuse, parce que X, parce que Y, je l'ai vu à la télé, je l'ai entendu dans une chanson. et que du coup, je le recherche parce que je ne connais pas autre chose, et finalement, je ne suis habituée qu'à ça. Tu vois ce que je veux dire ?
- Speaker #1
Oui, je vois très bien ce que tu veux dire, puisque de toute façon, j'en parle dans l'introduction de mon livre, mais moi, j'ai vécu des violences conjugales, donc c'est quelque chose que je connais. Là, quand tu décris, je comprends que tu dises relations toxiques, mais là, dans ce que tu décris, ce n'est pas toxique, c'est violent. C'est des relations violentes, tu vois. Il y a plein de fois où on utilise le mot toxique, mais il faut dire les termes. C'est de la violence. Ce que tu as décrit, bon, là, je vais être honnête avec toi, je n'ai pas hyper envie d'entrer sur ce sujet. Mais ce que tu décris, moi, c'est quelque chose qu'on m'a expliqué aussi en utilisant le terme de dressage. Et c'est quelque chose qui avait été très violent, qui m'avait franchement fait un électrochoc. Mais c'est parce que je ne comprenais pas... Je ne comprenais pas l'espèce de manque que je pouvais ressentir après avoir quitté mon ex violent. Parce que je culpabilisais, je me disais mais attends, comment une personne pareille peut te manquer ? Ce n'est pas normal. C'est pour ça que je te parle de dressage. C'est-à-dire que les cycles des violences conjugales, ça fonctionne vraiment comme quand on dresse des animaux et quand on dresse un chien. C'est-à-dire que c'est punition et récompense. Et en fait, ton système de... Tu sais très bien que si tu serres un peu les dents et que tu fais le dos rond pendant les cycles de violence, de toute façon tu vas être récompensé. Et donc là, la récompense en l'occurrence pour notre sujet, c'est les phases de l'une de miel et d'amour fou et d'amour comme au cinéma. Ça, quand on prend conscience, c'est terrifiant, en fait. C'est vraiment terrifiant. Et ça rejoint, c'est pour ça que je parlais des neurosciences, c'est quelque chose de chimique. C'est un cocktail d'hormones. C'est des montagnes russes, en fait, de sensations. C'est vraiment difficile de s'en défaire. C'est une addiction, c'est de la drogue, ça mérite d'être très, très entouré. Et c'est ça aussi qui a motivé mon livre. C'est-à-dire que là, sans rentrer forcément dans les violences conjugales, simplement le fait d'aller vers ce qu'on appelle des bad boys pour être mignonne là dans mon livre, d'aller vers des bad boys, vers des mecs pas cool et reproduire ça indéfiniment, ça nous mène droit dans le mur. Et moi, c'est de cet endroit-là que j'écris. Alors, ça reste un essai, c'est pas un témoignage, mais c'est de cet endroit-là que j'écris. C'est-à-dire que ma passion pour les bad boys, quand t'es au collège et au lycée, être avec le punk de ton établissement, bon ça va, c'est mignon, tu vois, avec le skater, le gothique, c'est mignon. Puis tu grandis, puis c'est de moins en moins mignon. Et au final, quand tu passes 30 ans, le bad boy du lycée, c'est le mec violent contre qui tu déposes plainte. Et en fait, c'est aussi ça que je veux raconter. C'est-à-dire que le mythe du gars sexy avec son blouson noir, si tu le reproduis et que tu le testes dans la vraie vie, tu finis au commissariat, tu finis pas à l'hôtel pour te marier.
- Speaker #0
Ouais, ouais, ouais. Et ça en est terrifiant, mais c'est important de le dire. C'est important de le dire parce que c'est important aussi d'ouvrir les chakras et d'apporter de la visibilité sur la réalité à toutes ces femmes qui nous écoutent, mais aussi ces hommes, parce qu'il y a plein d'hommes aussi qui ont le sentiment d'être des losers, des suiveurs, ou qui ont simplement le sentiment que s'ils ne font pas preuve de masculinité ou de virilité excessive, ils n'arriveront jamais à trouver une fille, ils ne seront jamais dans une relation heureuse. Parce que de toute façon, les filles n'aiment pas les gentils. Alors que c'est pas vrai. Oui, mais le souci,
- Speaker #1
le gros problème, c'est que là, vu tout ce qu'on vient de se dire, puis je vois bien tout le vocabulaire que tu utilises, et je me permets de généraliser parce que les faits, les chiffres, les études sont de mon côté là-dessus. Nous, femmes, nous prenons en main. Nous allons consulter, nous prenons soin de notre santé mentale, nous allons chez le psy, beaucoup, beaucoup plus que les hommes. Et le problème, c'est que moi, je veux bien, évidemment, que je tends la main aux hommes dans mon travail, évidemment que je leur dis, je comprends ces schémas dans lesquels on vous a enfermés. Sauf que tout ce qu'on vient de se décrire, c'est aussi la porte ouverte au mouvement Incel, et donc les célibataires involontaires qui sont une espèce de branche des mascus, qui justement ont une haine des femmes, une misogynie exacerbée, et qui aussi appellent à la violence. Les masculinistes ont un potentiel violent, il y a des attentats masculinistes, au contraire du féminisme. Donc en fait, ça aussi, on est dans quelque chose qui est genré, c'est-à-dire que nous, tout ça, on l'identifie, on se prend en main, on essaye de ne pas reproduire.
- Speaker #0
Eux,
- Speaker #1
tout ce qu'on vient de se dire, et des modèles de vous voyez, le gentil c'est un loser, il faut être comme ci, il faut être comme ça et plein d'exemples de la fiction, eux, ça alimente des discours masculinistes, donc de la haine. Moi, je travaille à plus d'amour.
- Speaker #0
Oui, c'est vrai.
- Speaker #1
Je généralise. On aura toujours des hommes qui nous diront Non, mais moi, je sais, je vais… Ok, très bien, tant mieux. Mais les faits nous le prouvent. C'est-à-dire que les discours masculinistes cartonnent auprès des jeunes pendant que les femmes se prennent de plus en plus en main, sont de plus en plus féministes. Donc voilà, en fait, il faut aussi voir le but de tout ça, de tout ce travail, c'est quoi ? Se détester encore plus ou bien décider de s'unir et de créer plus d'amour ? Bon bah moi c'est la deuxième option parce que comme toi je veux qu'on ouvre nos chakras. Et en fait c'est tentant d'utiliser tout ça pour se radicaliser. Parce que moi, tout le travail que j'ai fait avec Désirer la violence, mais attends, si je cédais à ma colère, à mes pulsions, mais tu crois quoi ? Évidemment, ça me rendrait misandre. En fait t'as envie de hurler, t'as envie de dire Quoi ? Mais c'est quoi ce monde abominable dirigé par les hommes ? En fait, c'est ça, t'as du dégoût, t'as de la colère. C'est pas la voie que je choisis, moi, pour mener ma vie. Donc, résultat, depuis la sortie de ce livre, moi, je suis sur pause, justement pour pas devenir la pire des misandres et détester les hommes, en fait. Mais là encore, c'est un travail de me dire, non, non, non, j'ai pas envie de renoncer aux hommes, j'ai pas envie de renoncer à l'hétérosexualité, je ne veux pas me laisser dégoûter par mon sujet, donc je prends du temps.
- Speaker #0
C'est hyper intéressant parce que ça va être ma prochaine question, de te demander comment finalement tu deals avec tout ça. Parce que tu vois, moi qui travaille que sur le sujet d'argent, et qui me focalise pareil, plutôt que détester les hommes, c'est dur des fois de ne pas les détester et de ne pas devenir misandre, mais je travaille à essayer d'apporter plus d'amour, plus de valeur, plus d'argent aux femmes. Mais c'est un vrai travail. C'est vraiment un vrai travail. Comment toi, tu... C'est un vrai travail aussi parce que finalement, même si tout est lié, c'est pas quelque chose... En tout cas, j'arrive à prendre un peu de distance. Et je pense... Pourquoi je te dis ça ? Parce que je pense que je ne pourrais pas reprendre autant si c'était dans ma vie perso, tu vois. Si c'était dans mes relations amoureuses, etc. Comment t'arrives justement... Bon, là, t'as décidé de faire une pause, etc. Et sans rentrer un peu... trop dans ton intimité ou être intrusif, c'est vraiment pas du tout l'objectif. Mais comment on arrive à prendre de la distance et du recul pour que finalement ça ne pourrisse pas notre vie et notre vision du monde ? C'est dur quand même de pas avoir une vision du monde qui est négative quand on voit le monde tel qu'il est.
- Speaker #1
Ça va être très cheesy, regarde, mais bon, vu que on est en vidéo aussi et qu'on enregistre. Tu vois, j'ai ça sous les yeux à mon bureau. She needed a hero, so that's what she became. Tu sais, tu connais.
- Speaker #0
Alors ouais.
- Speaker #1
En fait, c'est sous mes yeux parce que pour filer la métaphore de mon bouquin, tu vois, moi je fais souvent cet exercice pour m'apaiser de ma vie, c'est une série. Tu vois, j'essaye de... Je me mets des bandes originales, stylées et tout. Et donc voilà, si ma vie est une série, c'est trop cool parce que ça veut dire que je suis l'héroïne principale. Et donc, je me crée mon personnage sur mesure. Et en fait, mon personnage, justement, l'objectif ultime de sa vie, ce n'est pas de trouver l'amour du bûcheron de la banlieue parisienne, c'est de se sentir épanouie, elle, dans sa carrière, avec ses amis, d'être au calme avec sa famille, de pouvoir voyager quand elle en a envie et si possible, se rendre prête et disponible pour une histoire, pour une belle histoire d'amour qui soit saine. Et en fait, c'est comme ça que je tiens. C'est-à-dire que moi, là, je suis en train de... Je réécris mon histoire. Et je me rends juste compte que, franchement, pendant 20 ans, pendant 20 ans de ma vie, je croyais que le but de mon histoire, la quête de mon héroïne, c'est trouver un homme. Voilà. Et en fait, si tu déplaces ça, si tu te rends compte que ça, c'est l'un de ces... l'une de ces... Même pas objectif, l'une de ces envies, eh bien déjà, ça va beaucoup mieux. Et donc là moi depuis un an, depuis que je fais tout ce travail, je me sens heureuse comme je me suis jamais sentie heureuse auparavant, tout simplement parce que je me sens alignée et avec les différents domaines de ma vie équilibrée. Voilà, ce qu'il y a c'est que dans la fiction en fait c'est une pyramide, et le sommet de la pyramide c'est l'amour hétérosexuel. Pour le reste, même si c'est trop stylé, ils s'en foutent les scénaristes parce que t'as pas ça, tu vois. Mais en fait, si tu coupes et que c'est un gâteau, d'ailleurs, c'est pas mal, c'est un gâteau, donc du coup, tout est au même truc, et t'as la petite cerise, voilà. Donc là, on va dire que c'est plus devenu ça, moi, mon scénario. Donc ça va mieux. Mais bon, attends, évidemment, il y a des moments, des choses se passent, et je me dis, quand même, il est où ? Il est où, le gars chouette ? Moi, je recommande souvent cet exercice. Imagine que ta vie, c'est une série et rends-toi compte des moments cools, en fait. Juste quand tu es, je ne sais pas, au resto avec des amis et que tu as des fous rires et que chacune, je ne sais pas, raconte des choses plus ou moins joyeuses. En fait, ces moments de vie, ils sont précieux.
- Speaker #0
Oui, vivre dans l'instant présent, je suis d'accord avec toi. Chloé, tu penses bien que je ne pouvais pas te recevoir à mon micro sans parler d'argent. Parce que, d'ailleurs, dans Désirer la violence, tu interviews Héloïse Bolle, qui est ma co-autrice et mon amie, accessoirement, que j'embrasse et évidemment que je salue. Et en fait, avec elle, tu décortiques le mécanisme des violences économiques. Et pour moi, évidemment, ça, c'est un véritable sujet parce qu'au-delà des violences économiques, pour moi, la première violence économique que les femmes subissent, c'est les sollicitations de travail gratuit. Et ça me révolte. J'ai envie de tout brûler à chaque fois que j'entends parler ou que j'entends qu'une femme en est victime. D'ailleurs, on en avait discuté l'année dernière. Tu as eu un sujet là-dessus. J'aimerais vraiment que tu nous expliques un peu ce mécanisme-là que tu as décortiqué avec Héloïse. Mais au-delà de nous expliquer, parce que l'idée, ce n'est pas d'expliquer structurellement un mécanisme, c'est vraiment de discuter avec toi du fait que nous, les femmes, je vais te donner un exemple encore une fois quand j'étais plus jeune. La nana qui trouvait un mec et qui était heureuse, c'était forcément le modèle que j'avais sous les yeux, en tout cas que la pop culture me renvoyait, c'était forcément la femme qui était institutrice, qui était artiste. qui était, bref, infirmière dans les métiers du care, et l'homme qui était banquier d'affaires, qui était avocat, qui était homme d'affaires, qui était entrepreneur. Et c'était vraiment ce modèle-là. C'était ce genre de femmes qui trouvaient ensuite l'amour, etc. Tu n'as jamais ces modèles-là de femmes fortes qui s'assument comme elles sont et complètement, qui gagnent leur argent, qui sont puissantes financièrement et qui rencontrent un homme avec qui elles sont heureuses. Et le fait est que la conséquence, c'est que les femmes ont... peur de cette puissance financière parce qu'elle pense que le prix à payer, du coup, c'est forcément le malheur personnel. Et ça, on arrive à vraiment nous éloigner un peu de ces sujets d'argent. Qu'est-ce que t'en penses, toi, Chloé, de tout ça ?
- Speaker #1
Dire que dans le livre, ce que je vois avec Héloïse Boll, c'est surtout justement la représentation dont je parlais tout à l'heure dans les films de Noël, c'est des héroïnes qui, en gros, perdent leur taf. ou amoindrissent leur carrière par amour et qu'on nous présente comme quelque chose de tout à fait ok. Enfin, ok et désirable. Dans Bridget Jones, elle touche avec son patron, Daniel Cleaver, qui est joué par le beau Hugh Grant à l'époque. Il se comporte comme un con. Et donc, parce que la situation est insupportable, c'est elle qui démissionne. C'est elle qui démissionne et s'est présentée, parce qu'elle est évidemment trop cool, la scène où elle démissionne et il y a Aretha Franklin qui se lance et tout. Mais en vrai, merde quoi ! Mais bon, ça je pense que c'est assez réaliste, c'est pas le patron qui perd son taf, c'est l'employé, voilà. Mais donc bref, ce genre de représentation où en plus on essaie de nous faire croire que c'est badass et féministe, alors qu'au lieu de nous dire, bah regardez, il s'est comporté vraiment comme un gros con, donc il est pas désirable, et pourtant on va se le traîner pendant plusieurs...
- Speaker #0
C'est très intéressant ce que tu dis, parce que si tu le mets dans le contexte du monde de l'entreprise, notamment du harcèlement sexuel ou moral, en général, vraiment, c'est la femme qui démissionne et le mec, on lui paye un coaching. Ou l'agresseur, le bourreau ou la bourreau, on lui paye un coaching. Donc c'est assez impressionnant à quel point c'est ancré, mais vraiment, et matérialisé dans notre façon de vivre, où la victime, c'est elle qui est déplacée, qui est retirée, qui doit partir. Et au lieu de virer la problématique, on la maintient et on lui paye un coaching. Alors que des fois, il n'y a rien à coacher. C'est tellement ancré qu'il faut juste le mec... Enfin, en général, c'est quand même des mecs, pour les agressions sexuelles du moins, il faut juste les virer. Il faut qu'ils comprennent que ce n'est pas OK. Sinon, ils vont toujours continuer comme ça.
- Speaker #1
De toute façon, c'est la double peine. Mais c'est pour ça, pour le coup, ça c'est assez... Dans Bridget Jones, au final, c'est assez réaliste, entre guillemets. Mais en tout cas, dans le livre, c'est plutôt ça le focus. Et après, le reste, ma réponse va être plus personnelle, puisque moi, en tant que journaliste pigiste, c'est sûr que le travail bénévole, j'ai donné. Là, justement, cette année aussi, d'affirmation de moi dans mon travail, ça passe par l'argent. C'est-à-dire que là, à l'échelle de mon année, j'ai quasiment systématiquement refusé des missions qui n'étaient pas payées. Si je l'ai fait une ou deux fois, c'était parce que c'était lié à de l'associatif, justement, sur la question des violences, et que donc ça me tenait à cœur d'être là pour les gens et de faire quelque chose sans elles payer, c'était OK pour moi. Ça aussi, c'est une question de représentation, c'est-à-dire que j'ai grandi avec aucun film où l'homme et la femme gagnaient pareil, où la femme gagnait plus, où c'était OK. Enfin, en fait, c'est ce que tu as pointé du doigt, le seul scénario que j'ai vu. C'est un scénario à la Chuck Bass, à la Big dans Sex and the City, c'est-à-dire des mecs hyper riches qui rincent l'héroïne. Mais l'héroïne, elle ne fait quand même pas pitié, ni dans le cas de Carrie, ni dans le cas de Blair Waldorf. Mais en tout cas, elle est moins puissante que le héros masculin, c'est sûr.
- Speaker #0
Et elle est féministe, donc elle veut quand même faire 50-50. C'est la plus grosse quenelle du siècle, ce 50-50, on est d'accord.
- Speaker #1
Oui, après, je ne vais pas... Je ne vais pas en dire plus sur ton sujet, tu maîtrises tout ça mieux que moi, mais en tout cas, on reste éternellement sur la question des représentations, c'est-à-dire que la pop culture ne m'a pas appris à désirer l'argent. Puisque, comme tu le disais dès le début, toutes les femmes qui ont de l'argent dans les films sont représentées comme des femmes vénales, des femmes menaçantes, des personnages dont on doit se méfier. Et si on reste, j'aime beaucoup parler de l'univers Disney, mais je veux dire Cruella dans Les 101 Dalmatiens. Elle se fait de la thune et tout, mais en étant horrible, en torturant des chiots. Quoi de pire, tu vois ? Donc personne n'a envie d'être Cruella.
- Speaker #0
C'est clair. Et puis d'ailleurs, on en parlait avec Héloïse dans le bouquin. On n'a pas envie d'être Cruella, mais on n'a pas envie d'être Princesse Sarah non plus. Merci beaucoup Chloé, c'était passionnant de discuter avec toi, passionnant aussi de réaliser à quel point même quand on est déconstruite, on ne l'est pas totalement. Parce que tu m'as repris plusieurs fois sur les éléments de langage et je te remercie. C'est très important de reprendre les gens et de leur montrer que même des fois en utilisant certains mots, ils amoindrissent un sujet. Donc je te remercie pour ça. Je te remercie aussi pour ta sororité et toute l'énergie que tu as mis pour nous livrer ce bouquin. Tu as dû chercher très loin en toi et je sais que ça a été un vrai travail dans tous les sens du terme. Donc, je te remercie pour ça et je vous invite toutes à aller acheter Désirer la violence. Il est disponible partout. Mais avant ça, tu peux peut-être nous partager ton actualité et nous dire où est-ce qu'on peut te retrouver.
- Speaker #1
D'abord, je te retourne les remerciements. Merci beaucoup pour l'invitation à participer à ton podcast. Et même si les gens t'écoutent déjà, ce qui signifie qu'ils te connaissent déjà. Moi, je tenais à te redire que vraiment, Héloïse et toi, l'an dernier, parce qu'on avait commencé l'année ensemble, vous avez compté pour moi parce que votre livre, ça m'a vraiment secouée. Et c'était le début, moi, de mon travail d'affirmation sur les questions d'argent, très sincèrement. Donc, merci beaucoup à toi et à elle aussi pour ce que vous nous apportez à nous, aux femmes. Mon actualité, écoute, c'est tous les jeudis, rendez-vous dans la newsletter La Pause Simone. Et puis, toujours autour de mon livre Désir et la violence. que je continue à défendre en librairie, dans les médias. Donc, n'hésitez pas à vous le procurer. Et s'il n'est pas dans votre librairie, n'hésitez pas à le commander.
- Speaker #2
Voilà.
- Speaker #0
Super cadeau pour Noël. On est d'accord. Une dernière chose, Chloé, est-ce que tu nous prépares un nouvel ouvrage ?
- Speaker #1
Mon prochain livre sort le 6 mars 2025.
- Speaker #0
Ah, mais c'est bientôt !
- Speaker #1
Oui, mais pour l'instant, je ne t'en dis pas plus. Et là, j'ai plusieurs idées dans mes tiroirs. Donc... Affaire à suivre, mais en tout cas, j'ai un livre qui sort le 6 mars.
- Speaker #0
Fantastique, c'est génial. Tu reviendras nous en parler alors.
- Speaker #1
Avec grand plaisir.
- Speaker #0
Merci beaucoup Chloé et à bientôt.
- Speaker #1
À bientôt.
- Speaker #2
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