- Speaker #0
Bienvenue dans Mosaïque Salsa, le podcast qui t'emmène au cœur de la salsa et de toutes ses facettes. Dans ce nouvel épisode, je reçois Marina, danseuse, chorégraphe et professeure passionnée. Nous discutons ensemble de la place des femmes dans le milieu de la salsa, qu'elles soient enseignantes, chorégraphes, organisatrices d'événements ou encore DJ. Quels sont les freins qu'elles rencontrent parfois ? Mais aussi les évolutions positives.Et enfin, quelles sont les clés pour faire bouger les lignes ? C'est à la maison, à Bordeaux, que nous nous sommes retrouvés avec Marina. Alors toi aussi, installe-toi confortablement pour profiter de cette discussion.
- Speaker #1
Bonjour Marina.
- Speaker #2
Et bonjour Manon. On se retrouve.
- Speaker #1
Merci de revenir discuter sur le podcast. Est-ce que tu peux te représenter ?
- Speaker #2
Avec plaisir. Je suis Marina, professeure et danseuse de salsa à Toulouse depuis maintenant quelques années. J'ai été également organisatrice. pour l'événement de Pink Tolosa et entre autres l'association Pink Bugalu. Et depuis, je travaille entièrement à mon compte, en indépendante, sur tous les cours et sur tous les événements. Voilà pour la petite présentation.
- Speaker #1
Aujourd'hui, on va parler ensemble de la place des femmes dans ce milieu, dans cette communauté de salsa. Pourquoi tu avais envie de parler de ça ?
- Speaker #2
Je pense que c'est un sujet qui est important de...un peu révéler, ou en tout cas, on n'en discute pas suffisamment aujourd'hui entre nous. On est nombreuses à prendre un peu plus notre envol, indépendamment de nos partenaires, ou des écoles, ou des troupes, etc. Et je trouve que c'est encore tout récent, justement, de pouvoir partager entre nous les expériences, les ressentis, les tips, comment ça se passe. Et souvent, quand on en parle, en fait, on se rend compte qu'on vit quand même un peu toutes la même chose. Et même parfois, en fonction des pays aussi, on vit quand même toutes la même chose. Donc, on finit par trouver beaucoup de similitudes. Je pense que c'est un chemin qu'il faut prendre, en tout cas de lever un peu la parole dessus, de poser les choses et aussi pour expliquer un peu ce que c'est d'être une femme aujourd'hui qui travaille seule dans la communauté.
- Speaker #1
C'est ça. Et puis là, tu as dit "on" plusieurs fois, tu parles des femmes comme toi pour qui c'est leur travail.
- Speaker #2
Oui, totalement.
- Speaker #1
Et donc qui font soit des cours, qui ont une école, qui proposent peut-être des ateliers et qui aussi vont avoir des contrats dans les festivals, qui sont en lien avec les organisateurs.
- Speaker #2
C'est bien ça et même je rajouterais une autre catégorie les femmes organisatrices donc ça aussi gros volet.
- Speaker #1
T'as aussi les femmes DJ ?
- Speaker #2
Oui c'est clair c'est vrai que j'en connais moins on en a pas beaucoup en France non plus y'en a beaucoup moins quand même de façon générale représentées dans les DJ mais je pense que ça va être un peu la même bataille.
- Speaker #1
Est-ce que le fait qu'il y en ait moins c'est pas aussi le signe qu'il y a une place à prendre?
- Speaker #2
Moi, je pense qu'il y a vraiment des choses à creuser parce qu'à une époque, je ne dirais pas qu'il y en avait beaucoup moins, mais il y en avait quelques-unes qui s'étaient lancées, et c'est vrai qu'aujourd'hui, on ne les retrouve pas. Parce qu'on parle du principe que quand tu te lances, il te faut quelques années, etc. Et c'est des femmes qui, en cours de route en tout cas, sont sorties du milieu. Et je pense que rien que ça, ça peut questionner un peu sur comment ça se passe.
- Speaker #1
Tu as le sentiment qu'à une certaine à l'époque il y a des femmes qui ont pris une certaine place, mais qui ont tenu moins longtemps ?
- Speaker #2
Je parlerais pas forcément de longévité, mais je dirais plutôt de pouvoir, en tout cas, y avoir accès. Vraiment y avoir accès. Je pense qu'on démarre pas avec les mêmes privilèges à la base, et de façon générale, alors, au-delà des DJ, mais je pense que c'est un peu le cas pour des danseuses ou des orgas, et peut-être un tout petit peu moins pour les profs maintenant, parce que c'est un peu plus répandu, Mais... il y a quand même des choses à approuver, là où peut-être d'autres personnes n'auraient pas ou moins approuvé. Donc, il y a, je trouve, une petite injustice là-dessus et où j'accorde énormément de mérite à celles qui, justement, ont passé un peu ce cap-là et se disent, en gros, rien à faire de ce qui se passe, j'ai rien à prouver, j'y vais, laissez-moi tranquille, je fais mon chemin, quoi.
- Speaker #1
Quand tu dis il y a des choses à approuver, c'est quelle difficulté que tu rencontres ou dont tu as entendu parler ? Comment ça se concrétise en fait ?
- Speaker #2
Un des points les plus bloquants que j'ai pu rencontrer, c'est que souvent, la capacité professionnelle de la femme est remise en question. C'est-à-dire qu'en fait, quand on cherche à se professionnaliser, moi, une des remarques que j'ai eues au tout début, on m'a dit « Ah ouais, ça va marcher pour toi, tu fais un peu la latina et t'es sexy. » Donc en fait, on n'a pas vu mon boulot, ou la technique ou la pédale que j'avais derrière, on a vu mon physique, un peu mon... mon origine et le fait que effectivement mon corps aurait pu être sexualisé donc ça allait pouvoir fonctionner et là je me suis dit ah Ça va être un petit peu plus compliqué que ce qu'on pensait. Et malheureusement, ça arrive...
- Speaker #1
Ça arrive encore souvent.
- Speaker #2
Ça arrive encore, ouais. Ouais, beaucoup, beaucoup. Et des fois, alors c'est vraiment pas mal intentionné, mais ça peut même arriver autour de nous, dans nos proches, c'est des discours, en fait, qui sont encore vachement ancrés, où les gens se disent « Ah oui, mais pour toi, ça marche bien parce que tu bouges bien des fesses. » Eh bien, j'espère que ma carrière n'est pas basée que là-dessus.
- Speaker #1
Et là, tu repenses à toutes les heures où tu travaillais.
- Speaker #2
Où tu voyais avec ton mambo et ton miroir et que tu pleures parce que tu travailles tes appuis t'en peux plus, là t'es un peu dégoûtée en vrai t'es quand même très très dégoûtée mais tu passes outre et tu te dis ce que je fais va payer un jour,
- Speaker #1
forcément et deux choses, tu as dit que c'était pas malveillant ou mal intentionné et on est d'accord, l'idée c'est pas de discuter de la place des femmes dans la salsa et de jeter la pierre c'est plutôt de réfléchir sur comment ça peut bouger, qu'est-ce qui bouge déjà Merci. totalement c'est même dans l'idée de faire un constat de ce qu'il en est pour voir du coup encore comment plus accompagner dans ce process, je pense que c'est vraiment ça je partirais du principe que ça sert à rien de dire qui a tort, qui a raison ou est-ce qu'on en est, ça va pas faire avancer la machine par contre ce qui fera avancer la machine c'est de réfléchir à qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour aujourd'hui et là les réflexions que tu as eues,les remarques que tu parlais Merci. C'était dans quel contexte de travail ?
- Speaker #2
Alors, il y en a un en particulier qui me revient, parce qu'en fait, on parlait justement des cours part, donc particulier. Et c'est vrai qu'à une période, j'avais vraiment beaucoup, beaucoup de demandes. Et donc, en fait, je les refilais à mes collègues. Je ne pouvais pas tout prendre. Et donc, j'ai un collègue à qui je leur donnais beaucoup de cours. Et ils ne comprenaient pas, parce qu'on était sur les mêmes plateformes, plus ou moins dans le même lieu, sur les mêmes créneaux, quasiment les mêmes disponibilités. Donc, c'est vrai qu'à part finalement notre... propre personne, il n'y avait pas de critères différents. Et malheureusement, cette personne-là, je le pense dans la comparaison et peut-être dans l'inconfort de la situation, a sorti cette remarque-là. Comme quoi, un des points différenciants était que j'étais une femme et que forcément, du coup, j'allais avoir un côté un peu plus latina, un peu plus sexy et que c'est plus vendeur. Donc ça, c'est le côté un peu moins glamour. Et je dirais même un autre exemple, c'est souvent quand je guide, généralement. Donc en soirée, je guide pas mal. Et dans mes cours aussi, je suis amenée à guider les élèves, que ce soit d'ailleurs hommes ou femmes, parce que j'aime beaucoup leur faire ressentir les sensations. Donc des fois, je suis amenée à guider des hommes qui sont leaders pour leur dire en fait là, ce que tu es en train de faire, c'est ça. Et ce que je voudrais que tu fasses ressentir à ta partenaire, c'est ça. Ça, ça marche assez bien, mais au début, c'était compliqué. C'était très, très compliqué parce que se faire leader par une femme... Dans l'inconscient, ça peut poser problème au début pour certains. Donc il a fallu une petite étape de déconstruction qui pour moi est en cours, elle n'est pas acquise. Elle est en cours. Et même je dirais qu'en France, globalement, on a un petit retard, si je peux dire ça comme ça, justement sur cette capacité à jongler entre les rôles et de dissocier un rôle dans une danse à un sexe, un genre à proprement parler. Ce n'est pas parce que tu es un homme que tu es prédestiné à guider. Si tu as envie de faire follow toute ta vie, fais follow et c'est très bien. Tu auras travaillé une autre compétence. Mais voilà.
- Speaker #1
Donc déjà,en fait, sur les cours, tu es confrontée à ce genre de problématiques. Le premier levier, c'est la pédagogie et l'éducation des gens qui arrivent dans le milieu.
- Speaker #2
Oui, totalement. C'est de leur montrer... Tu déconstruis même progressivement, parce que ça ne se fait pas du jour au lendemain.
- Speaker #1
Tu évites de le faire le premier cours.
- Speaker #2
Généralement, tu le fais au bout d'un mois. Donc non, tu sens, il y a des gens avec qui ça peut passer très bien, très vite. Maintenant, certaines personnes qui te demandent, des femmes qui vont demander à ce que tu leur guides ou des hommes qui vont demander à ce que tu guides et inversement. Mais voilà, il y a encore un peu de résistance. En tout cas, ce n'est pas anodin. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand tu guides, ça ne passe pas inaperçu.
- Speaker #1
Oui, ça pose question. En tout cas,ça attire.
- Speaker #2
Oui.Ça attire. Donc c'est ça qui, pour moi, révèle une problématique. C'est-à-dire que ce n'est pas quelque chose de très fluide. On se dit, ah, elle guide. et même si en fait on n'a pas un problème, on remarque quand même qu'elle guide.
- Speaker #1
Et dans ce sens, en fait, avec ce que tu dis, est-ce que tu as déjà eu des situations où tu as dû te justifier parce que toi, tu ne donnes pas tout le temps tes cours toute seule, ça a changé en fonction des années, etc. Mais tu fais aussi des cours de couple toute seule. Est-ce que parfois, ça peut être difficile de décrocher des contrats sur certains événements toute seule pour faire autre chose que du lady styling, par exemple ?
- Speaker #2
Oui et non à la fois. Oui, dans le sens où j'ai eu, il n'y a pas si longtemps que ça, quelqu'un qui m'a dit « Ah, j'aurais bien aimé te faire venir, mais il te faudrait un partenaire. » Donc là, ça pose un peu les choses. Tu te dis, ok. Donc, tu es un peu refroidie. Tu te dis, ça veut dire que mon contrat est conditionné à le fait d'être avec quelqu'un. Donc, tu te sens assez impuissante tout d'un coup puisque c'est quand même quelque chose qui t'échappe, qui ne dépend pas que de toi.
- Speaker #1
Est-ce que là, à ce moment-là, il n'y a pas aussi un problème de connaissance de ton parcours et de ce que tu fais déjà ?
- Speaker #2
Alors, d'après ce que j'avais cru comprendre, c'était vraiment purement marketing.
- Speaker #1
D'accord. C'était un cours de couple qui doit être donné par un couple.
- Speaker #2
Oui. Et ce qui m'amène à mon second point, du coup, dans le même sens, c'est quelque chose qui est justement très mis en avant. Maintenant. Donc qui aide aussi finalement à ouvrir d'autres portes. Et donc, là où je ne peux ne pas avoir de contrat parce qu'il y a quelqu'un qui me veut avec un partenaire, en fait, j'ai des contrats à côté, donc j'en ai bientôt un autre qui arrive, où justement, je vais donner des cours de couple en étant toute seule, sur la connexion, la fluidité, etc. Donc, c'est pour ça que j'ai dit oui et non, ça dépend de ce qu'on recherche, et je pense qu'il y a quelque part, quelqu'un qui veut absolument que tu aies un partenaire et qui ne veut pas ton travail comme tu le présentes, donc qui finalement ne veut pas ce que tu as. que toi tu as apporté mais qui voudrait peut-être autre chose, c'est pas plus mal. C'est-à-dire qu'en fait...
- Speaker #1
Vous n'êtes pas les bonnes personnes pour travailler ensemble.
- Speaker #2
C'est que ça ne correspond pas. Et donc c'est OK. C'est totalement OK. C'est juste que c'est vrai que sur le coup, de se faire rappeler, de se dire que t'es une femme toute seule, donc... Bon, OK. Après, sinon, je peux guider, je peux guider même une femme dans un cours, si tu veux, on peut faire autrement. Mais déjà, le fait que la personne, elle pense ça, ça révèle aussi d'une certaine mentalité.
- Speaker #1
Et est-ce que tu penses que les hommes tout seuls sont confrontés au même genre de remarques ?
- Speaker #2
Alors, je ne sais pas s'ils l'entendent, c'est-à-dire s'il y a des hommes qui viennent leur parler, parce que je trouve qu'on vient plus facilement parler aux femmes pour nous reprocher des choses en soirée. Nota Bene: J'ai peut-être une expérience à partager après. Mais en tout cas, je trouve que de ce que je peux observer en soirée, ils sont un peu jugés. Quand justement, il y a d'autres hommes soit qui dansent entre eux ou qui inversent leur rôle avec une autre femme, tu sens qu'il y a quand même pas mal de regards, en tout cas... Il peut y avoir des regards curieux, des regards observateurs, mais pas que. Tu as des gens à qui ça peut révéler un certain inconfort. Et donc, ça devient un peu titiller. Et donc, le jugement peut très vite arriver derrière, même s'il a la vie dure. Et nota bene de l'expérience. Alors, c'était au tout début, quand j'étais arrivée à Toulouse. Si cette personne m'entend, je ne pense pas, mais sache que je ne t'en veux pas. Mais je suis arrivée à Toulouse, en fait, je guidais déjà, donc sur de la cubaine, avant de guider sur le 2. Et en fait, j'avais une amie qui ne dansait pas. Ça faisait 4 ou 5 danses qu'elle était assise. Elle n'osait pas y aller. Et je me suis dit, je vais la faire danser. Et donc, je me mets sur le bord de la piste. On trouve un petit coin et puis on danse. Et en fait, il y a un homme qui m'a agrippé le bras et qui m'a sorti de la piste. Et là, je suis restée un peu outrée, en fait. Je suis même restée très statique. Sauf que je n'avais pas trop su comment réagir. Et en fait, il m'a dit, non, mais t'as pas à guider, t'es une femme. Et cette histoire-là, c'était... Donc, je suis arrivée en 2013-2014. Et donc, sur le coup, je me suis dit OK, OK, OK. Et donc là, il y avait ma pote en face, toute seule sur la piste, et moi à côté, en train de ne pas savoir quoi faire, en plus.
- Speaker #1
Puis à ce moment-là, en fait, il se passe plein de choses dans la tête. Tu te dis, là, est-ce que c'est le lieu ? Est-ce que c'est le moment ? Est-ce que c'est le contexte pour se lancer dans une discussion de pourquoi j'ai complètement le droit d'occuper cette place-là sur la piste ? Est-ce que aussi, c'est approprié que tu sois seule dans un genre comme dans l'autre ? Dans un rôle comme dans l'autre ? Est-ce que de toute façon, on sort quelqu'un de la piste ? C'est pareil.
- Speaker #2
Encore une autre question. La façon de sortir de la piste. Mais non, je n'avais pas eu le même recul qu'aujourd'hui. Donc, c'est vrai qu'à cette personne, je l'ai envoyée bouler et je lui ai dit je fais ce que je veux. Je suis retournée. C'est peut-être pas non plus la meilleure des façons de communiquer quelque chose. Mais voilà,c'est sorti et du coup, je suis retournée guider.Donc ça déjà, c'est quand même assez marquant. Je pense que je m'en souviendrai à vie. En tout cas, la sensation d'avoir été arrachée du rôle avec la justification que ce pourquoi on me l'arrache, c'est parce que je suis une femme. C'est quand même assez important, je trouve. C'est pas rien. Et je dirais que la deuxième expérience que j'ai eue... j'apprenais pendant un cours en festival. Et donc en fait justement je switcher de rôle à ce moment-là et je faisais le cours en leader. Et on avait commencé avec un pote justement et lui il était en follow. Donc on s'est dit bon bah c'est cool et tout. On a fait toute l'heure de cours. Pour une heure de cours il nous a fallu deux heures de débrief derrière. Et deux heures de débrief pas de la passe. On n'a pas travaillé la technique de la passe mais de ce qu'on avait vécu humainement parlant en tournant avec les gens pendant une heure.
- Speaker #1
Ah oui parce que c'était un cours où vous avez tourné? Ah oui donc en fait A chaque... J'imagine que presque à chaque couple, les gens vous disaient... Non mais t'es pas au bon endroit, c'est pas toi qui tournes, c'est l'autre. Ça a dû être...
- Speaker #2
C'était vraiment un constat qui était un peu affligeant. En sortant de l'heure de cours, on se sentait même un peu vidés. Moi, je me souviens que je savais pas trop où était ma place, je comprenais plus, alors que j'étais sûre de moi quand j'y étais. J'étais vraiment sûre en me disant, j'y vais, je vais apprendre, j'avais envie d'apprendre à ce moment-là, d'autres passes, d'autres trucs. Et non, on est ressortis avec autre choses. D'autres leçons de vie, mais on est vraiment ressortis avec autre chose. Grosse expérience humaine pour le coup. Et tu rencontres des gens qui sont... hyper bienveillant. T'as même des gens qui vont être aussi carrément proactifs dans ce genre de rôle et t'en as qui vont être très réfractaires qui vont rien dire et t'en as carrément qui vont pas vouloir danser avec toi. Tu peux jamais reprocher quoi que ce soit. Chacun a le droit de refuser ou non mais c'est vrai que pareil, un peu comme tout à l'heure tu te rends compte qu'en fait c'est pas fluide. C'est pas encore acté, c'est pas anodin.
- Speaker #1
Moi j'ai le sentiment dans cette liberté dans le choix des femmes, qu'elle est beaucoup plus présente qu'il y a cinq ans.
- Speaker #2
Oui, je suis d'accord avec toi.
- Speaker #1
Il y a une évolution sur ça. Mais on sent bien que le chemin reste à faire.
- Speaker #2
En fait, on cantonne un genre à un rôle. Et c'est ça qui est, je trouve, un peu limitant. De se dire, parce que t'es un homme, ton rôle, c'est ça. Parce que t'es une femme, ton rôle, c'est ça. Non, tu peux tout apprendre, tu peux tout faire. Si t'as envie de switcher, tu peux. Si t'as envie de développer d'autres compétences, tu peux. C'est vraiment se fermer des portes, finalement.
- Speaker #1
Mais je repense à ce que tu disais tout à l'heure plus sur la partie, parce que là, on a parlé du social, mais sur la partie plutôt professionnelle,quand tu donnes des cours,je trouve qu'on a aussi beaucoup ce modèle, pareil, qui évolue un petit peu ces dernières années, mais des couples déjà, et des couples dans lesquels la personne qui guide le cours, c'est le leader en fait, qui occupe peut-être 80%, des fois même plus, de l'espace de parole. c'est le mec. Mais voilà, encore aujourd'hui, je trouve qu'il y a vraiment des couples qui viennent donner des cours de manière différente. On en a un très bel exemple,je trouve, aujourd'hui.Et ça fait quelques années où ça bouge un peu. Mais ça ne fait pas si longtemps et il y a encore beaucoup, beaucoup de... même des fois des teams entières où finalement, ils sont à 6, ils donnent le cours à 6, mais en fait, celui qui parle le plus, c'est un homme.
- Speaker #2
Je pense que c'est juste les restes d'un fonctionnement un peu ancien qui est en train de bouger. Donc moi, j'y crois fortement que ça va changé. Il y a tellement d'actions de part et d'autre ou justement vraiment d'acteurs qui font des choses de leur côté pour que je me dise que oui, ça bouge. Ça bouge quoi qu'il arrive. Après, forcément, il y a encore les deux qui cohabitent ensemble. Donc, on est automatiquement un peu amené à comparer en disant « Ah, avant, c'était un peu comme ci, et puis maintenant, c'est un peu comme ça, mais ça bouge, etc. » Je pense qu'il faut laisser les choses bouger parce qu'elles vont se mettre en place et que si, justement, les personnes qui sont porteuses un peu de toutes ces valeurs-là ou de ces messages-là continuent un peu à répandre la bonne parole, eh bien, il n'y a pas de raison, je trouve, que ça ne fonctionne pas. Parce qu'en fait, les gens le voient et le comprennent. C'est pas parce que tu coupes que avec un couteau que tu peux pas couper avec un ciseau. T'as le droit de changer d'outil. Et tu peux apprendre autre chose. Donc, les gens, vraiment, c'est assez limpide de dire, oui, je peux apprendre une autre compétence. Mais ça demande de switcher son regard. Donc, au même titre, de switcher son regard sur les genres quand on danse.
- Speaker #1
Et là, est-ce qu'aujourd'hui, il y a quelque chose qui, pour toi, est difficile,justement, parce que t'es une fille ? Est-ce que là, en ce moment, il y a un objectif professionnel que tu as du mal à atteindre ?
- Speaker #2
Je dirais pas que c'est la principale raison parce que je suis une femme mais un des chevaux de bataille que j'ai actuellement c'est de ramener des hommes au cours de Shine et où je dispense les cours seule du coup et je remercie tous mes élèves parce que cette année ils sont un peu plus nombreux et on a un tiers, là pour le challenge chorégraphique de l'année, il y a un tiers d'hommes. C'est la première fois que j'ai un cours de Shine avec un tiers d'hommes. Et c'est ce qui me fait me dire, en fait, on avance. On avance et c'est quand même très significatif. Le souci, c'est que des fois, comme le cours est dispensé par une femme, c'est connoté un lady style. D'où le fait que j'ai changé le nom de mon cours.
- Speaker #1
Ah, d'accord.
- Speaker #2
J'ai changé le nom du cours, je l'ai appelé Shine on Fire, pour que ce soit un peu plus à l'image de... de ce que je véhicule pendant le cours, que ce soit vachement moins fermé et un peu plus, justement, ouvert à tous. Par contre, derrière, il a quand même fallu insister auprès des hommes et aller leur dire « En fait, tu sais, même si c'est moi qui fais le cours, à celui-ci, tu peux venir. » Donc c'est quelque chose sur lequel j'essaie d'être très au clair, parce qu'en fait, je vais faire à côté des cours, effectivement, très portés autour de la femme. Et c'est une chose aussi justement de pouvoir communiquer entre femmes, de partager des choses, travailler avec le corps, tout ça. Et à côté, je veux quand même garder un cours ouvert à tout le monde. Et je veux pas me fermer la porte de me dire je fais que l'un ou que l'autre. J'adore faire les deux. Alors pourquoi je ferais pas les deux ? Et donc du coup, il a fallu un peu travailler sur ce sujet pour que les gens comprennent que oui, je fais du Lady Style, ok. Mais à côté de ça, les autres cours, tu peux venir en fait. Tu peux venir. Et donc ça, ça commence à prendre et ça fait plaisir. Ça fait vachement plaisir. Donc, il faut vraiment essayer de déconstruire les choses.
- Speaker #1
Et là, tu viens de dire déconstruire, parler beaucoup, parfois changer les mots, vraiment utiliser des petites stratégies un peu différentes. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui t'ont aidé là, aujourd'hui, à prendre ta place ces dernières années, que ce soit dans ton espace à toi, professionnel, ou même au prix d'organisateurs ? Est-ce que tu aurais des choses à partager qui pourraient aider d'autres ?
- Speaker #2
Je dirais que le plus important, c'est d'être au clair avec soi-même. Ça va être compliqué de pouvoir apporter justement ce qu'on a à donner aux gens si nous-mêmes on doute. Et donc, t'auras du mal à passer des messages ou des valeurs où toi-même, tu te sens peut-être pas légitime ou tu sais pas si c'est ce que tu veux porter ou pas. Tu te poses encore beaucoup de questions. C'est normal de se poser des questions et il y en a tout le temps sur plein de sujets différents. Par contre, à un moment, il faut aussi être au clair avec ce sur quoi t'es doué. Et donc... pour te dire, ok, moi, je peux vous apporter ça. Je ne peux pas vous apporter tout le panel, mais ce que je peux, c'est là, ces 10%-là, je suis sûre, je peux vous les donner. Et ça va être mon créneau. Et donc, je pense qu'aujourd'hui, il faut s'appuyer un peu plus sur ces forces-là pour se lancer au début et justement gagner cette petite force et cet entrain pour y aller. Et le reste, après, on apprend. On apprend en cours de route, mais il ne faut pas avoir peur. Je trouve que pour nous, les femmes, des fois, on attend beaucoup de dire, mais il faut que je check ça, il faut que j'ai fait ça, ça, ça, ça, ça pour être sûre d'être prête pour aller pouvoir le faire. T'as plein d'hommes qui se lancent sans savoir s'ils sont prêts. Je ne sais pas pourquoi nous, on s'inflige ce genre de choses. Donc il y a forcément pareil, des choses à déconstruire aussi de notre côté. On se dit, bon bah ok, j'y vais. J'y vais, j'ai pas à attendre, je peux y aller même dans peut-être un endroit où personne n'est jamais allé. Ça aussi, ça peut faire peur. Mais il faut ouvrir les chemins. Il faut vraiment ouvrir les chemins, il faut les tracer. Donc je pense que plus on est au clair avec soi-même sur ce qu'on est, sur ce qu'on veut et ce qu'on peut, mieux c'est et plus c'est clair avec les gens. On ne te reprochera jamais de donner ce que tu sais.
- Speaker #1
Et ce que tu as dit que tu allais donner.
- Speaker #2
Oui, ce n'est pas possible.
- Speaker #1
Ou alors c'est un autre problème.
- Speaker #2
Si tu te dis que tu vends des tartes aux fraises et que tu donnes une tarte aux fraises, la personne ne va quand même pas revenir en face et te dire « c'est une tarte aux fraises, ce n'est pas la pomme » . Non, ça ne peut pas marcher comme ça. Donc j'estime que vraiment, pour le coup, que ce soit homme ou femme, on a tous des choses à apporter. Et c'est ce qui fait... C'est vraiment ce qui est magique en danse, c'est qu'en fait, on est plein d'artistes et on a beau faire la même discipline, en fait, c'est différent à chaque artiste parce qu'il y a notre propre personnalité derrière, ce qui constitue en fait notre art. Et donc, je pense que pour les femmes, il faut vraiment l'assumer et ne pas avoir peur justement ou ne pas se cacher parfois derrière un partenaire, pour celles qui écoutent. Et donc, prendre réellement, prendre les devants et s'assumer totalement.
- Speaker #1
En fait, il ne s'agit pas seulement de dire « on nous laisse pas la place » , mais c'est aussi quand il y a de la place,est-ce que vraiment on la prend. C'est deux choses qui coexistent.
- Speaker #2
Énormément. Je suis entièrement d'accord avec toi, ce truc de prendre la place et en même temps qu'on nous la donne, je pense que c'est un peu le serpent qui se mord la queue. C'est-à-dire qu'en fait, si on attend qu'on nous la donne, ça ne va peut-être jamais arriver. Et en même temps, si on ne travaille pas pour la prendre, ça peut aussi ne jamais arriver. Et il y a une autre chose qui rejoint un peu justement le point d'avant qui est qu'en fait, il y a forcément une place pour toi. J'ai entendu au début justement quand je me suis lancée en me disant « Ah mais t'as pas peur, il y a déjà d'autres femmes qui se sont lancées. » Si, j'ai peut-être eu peur. Je dis pas que j'ai pas eu peur. Par contre, est-ce que je me suis dit « Il faut que je prenne leur place pour me faire la mienne. » Non. Et ça rejoint ce truc d'être au clair avec toi-même et de savoir ce que tu peux apporter. C'est-à-dire qu'en fait, t'as ta place à toi quoi qu'il arrive. Et même dans une danse de couple. C'est important, je trouve, de construire encore plus maintenant, même dans les danses de couple, cette partie où chacun a sa place.
- Speaker #1
Ça, ça doit se discuter aussi.
- Speaker #2
Énormément.
- Speaker #1
Ça se prépare,ça se conscientise, ça se verbalise.
- Speaker #2
Et ça se prépare en ayant des discussions sur les valeurs, pas en ayant des discussions sur qu'est-ce qu'on va dire dans le cours. Je pense qu'il faut vraiment avoir des discussions beaucoup plus profondes sur la vie, sur certains sujets, sur vraiment certains partis pris, sur tout ça pour voir comment justement chacun pense, qu'on puisse se nourrir et se dire, ok, donc là, moi, je me positionne plutôt comme ça. Ok, toi, plutôt comme ça. Est-ce que ça peut matcher ? Oui ou non ? Si c'est non, c'est ok. Et ça sera même plutôt bien que ce soit non dès le début pour ne pas être surpris du non d'après. Si c'est oui, eh bien, go. Go à fond. Mais il y avait ce truc il y a quelques années quand j'ai commencé, où les femmes, on avait ce rôle d'assistante énormément. Aujourd'hui, quand je regarde, je trouve qu'on en est vachement loin. Ce qui est très cool. mais je me souviens, c'était toujours quand j'apprenais, c'était le prof et son assistante. Et puis, on avait les passes signées par le prof et l'assistante, la partenaire, qui arrivait juste sur des petits tout-bonus, généralement que pour les filles.
- Speaker #1
Là,on peut rajouter ce bras. C'était même pour des choses de styling qui sont plus additionnelles, qui ne sont même pas l'essence.
- Speaker #2
De la connexion et du guidage, totalement.
- Speaker #1
Oui, je suis d'accord aussi. Je trouve que ça change. Mais encore une fois, je trouve que l'espace de parole se répartit de plus en plus équitablement. Et c'est très chouette.
- Speaker #2
Oui, totalement. C'est une très, très bonne chose.
- Speaker #1
Et à ton avis, de manière collective, comment on peut agir ou comment on peut réfléchir, justement, pour que chacun trouve sa bonne place ?
- Speaker #2
Je dirais de parler. De parler. Et c'est assez cool, parce que ton podcast, je trouve, répond aussi à ça, en levant plein de sujets. C'est qu'en fait, quand on se rend compte qu'on prend le temps de parler entre nous, de 1. on découvre qu'on a des similitudes, on découvre qu'il y a aussi des différences, peut-être même des choses qu'on n'avait pas du tout soupçonnées qui existaient. Et on se dit, ah oui, en fait, il y a ça dans ma communauté. Donc, est-ce que je prends un parti ou pas ? Comment je me positionne ? Mais en tout cas, ça existe. Et donc, forcément, ça va faire évoluer les choses.
- Speaker #1
Mais c'est ce qui est pas facile, je trouve, dans notre communauté, cette histoire de parler. Parce que finalement, moi, j'ai eu l'occasion de discuter beaucoup, après les soirées, sur les afters, quand je suis chez des gens ou que j'héberge des amis, etc. Là, j'ai beaucoup plus l'occasion avec le podcast. Mais finalement, c'est récent. Mais on a peu d'occasions en soirées, avec la musique. Et puis, généralement, on a envie de danser. Et puis, on peut discuter. Mais je trouve que peut-être les marathons, finalement,C'est un bon espace pour ça. Mais du coup, je trouve que sur les moments où on se rencontre en cours, c'est pareil c'est pas l'idéal. Enfin généralement on essaye surtout de comprendre de danser de voir avec ses deux pieds et puis de survivre à ce qu'on est en train d'apprendre. Et je trouve que c'est après c'est aussi une particularité de notre milieu c'est qu'on est là pour danser pour écouter la musique pour profiter pour être dans la joie etc.
- Speaker #2
Je trouve que c'est un peu une sorte de petite opposition c'est à dire qu'en fait quand on vient danser les gens viennent pour du loisir se changer les idées donc il y a peut-être des choses qu'ils n'ont pas envie d'aborder.
- Speaker #1
Une réflexion profonde sur la place des femmes dans la salsa. Les espaces sont pas faciles à trouver.
- Speaker #2
Au-delà, je trouve même des longues discussions un peu plus profondes qui peuvent nous prendre trois heures après une soirée à quatre heures avec du brownie et du café. Je pense que juste déjà de demander aux gens "est-ce que tu te sens de switcher en soirée" pour que ça reste même beaucoup plus léger ?
- Speaker #1
Que ça en devienne quelque chose d'assez commun.
- Speaker #2
Oui. Même en cours. Ça, c'est quelque chose où pareil, j'y crois très profondément parce qu'en fait, à force d'avoir justement parfois guidé les élèves, des fois, au moment où j'essaie de leur expliquer des choses, je commence avec des explications verbales. Je leur parle, je leur dis où est-ce qu'ils doivent être, c'est tout. Et en fait, maintenant, ils ont pris le réflexe de me dire tu peux me le faire ? Quand je suis témoin de ça, je me dis en fait, j'ai gagné. Je ne sais pas s'ils vont comprendre que je veux dire de la passe. Ceci étant dit, dans le fond de la chose, je sens que j'ai eu une petite victoire. Donc rien que ça, c'est des petites paroles. Ça ne va pas être un message franc et direct, du genre, tu penses quoi de la place de la femme ? Mais il y a des petites graines qu'on peut poser de part et d'autre qui ne sont pas si anodines et qui ont leur impact.
- Speaker #1
Ca peut changer même de manière générale le groupe.
- Speaker #2
Oui, totalement. Et après, sur une piste aussi, globalement, on se parle plus entre genres, pareil. On se parle plus entre femmes. Et les hommes vont être un peu plus entre eux. Donc pareil, il y a peut-être un moment où on peut se dire « Viens, on va se mélanger un peu » .
- Speaker #1
Mais en fait, si on danse plus dans les deux rôles, si je vais guider, en fait, je ne suis pas obligée de guider un homme. Je peux guider aussi une femme. Et du coup, ça crée aussi d'autres connexions.
- Speaker #2
Oui, d'avoir une autre posture finalement un peu. Un peu sortir de l'ancien schéma et de se positionner un peu différemment. Je pense que vraiment, la communauté, de toute façon, est en évolution. Quoi qu'il arrive, ça bouge. Ça bouge toujours, même si des fois, on ne le voit pas ou on le voit moins. Mais essayer de sortir de ce qu'on a l'habitude, ça aide. Ça aide énormément à créer de nouveaux chemins. Là, c'est l'histoire de l'inconfort. Rares sont les fois où tu regrettes.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai.
- Speaker #2
C'est très rare. Je trouve que c'est très, très rare où tu regrettes d'être sortie de ta zone de confort. Parce qu'au pire, tu es contente de ne pas avoir de regrets.
- Speaker #1
Oui, oui. Et puis, il y a sortir de sa zone de confort. Et sortir de sa zone de confort aussi, c'est des choses qui se font. Petit à petit, t'es pas obligé de...
- Speaker #2
Demain, je ne vais pas aller sur un chantier de BTP et espérer me construire ma maison. Je vais peut-être essayer de monter un meuble. Étape par étape, quoi.
- Speaker #1
Et j'ai des fois aussi de discuter avec des hommes qui ne savent pas trop comment soutenir justement cette place. On essaye de prendre un peu différemment. Tu as des idées. Je ne sais pas si je peux dire des conseils, mais des suggestions?
- Speaker #2
C'est marrant parce qu'on en parlait avec des amis il y a... trois, quatre jours, sur des sujets beaucoup plus généraux. On se disait qu'il y avait, par exemple, qu'on parlait de racisme. Pour illustrer ce que je dis, on disait que nos potes, des fois, ils vont effectivement vachement soutenir les causes antiracistes. Et on ne comprenait pas pourquoi ils ne prenaient pas le même parti pris pour d'autres minorités. Il y avait certaines minorités qui étaient un peu plus mises en avant que d'autres, etc. Et donc, en fait, l'un des premiers, je pense, l'un des premiers leviers, c'est de... De dire à ses amis de ne pas rester dans l'ignorance de ce qui existe. Rien que de le faire vivre, de dire oui, en fait, ça, ça existe, c'est déjà aider, en fait, dans ce chemin-là. De dire, ah non, mais les femmes, n'importe quoi. On va dire, mais vous rencontrez pas de difficulté, ça se passe très bien.
- Speaker #1
Valoriser les ressentis.
- Speaker #2
Oui. Donc, de laisser vraiment de l'espace à ça pour justement ouvrir la porte et faire en sorte que ça existe. Je pense que si vraiment, on sait pas du tout quoi faire, en tout cas, juste d'autoriser que ce soit là, c'est une chose. Donc, ça peut être d'écouter quelqu'un ou de se renseigner, d'écouter le podcast, par exemple. Donc, c'est des petites actions comme ça, juste pour un premier pas. S'ils veulent soutenir, je leur demande pas de signer une pétition. On n'en est pas là, mais rien que ça, ça aide.
- Speaker #1
Tout à l'heure, dans ta présentation, on t'a dit que tu étais professeure, tu performes aussi, et tu étais aussi organisatrice. Et est-ce que sur cette partie-là, c'est pareil, tu as des choses à partager, des expériences, ou des remarques en particulier ? On n'a pas trop parlé.
- Speaker #2
Oui, j'estime que même en tant qu'orga, par rapport à professeur, il y a encore un peu plus de retard. Parce qu'aujourd'hui, on a quand même beaucoup plus de professeurs femmes en solo, qui même guident ou apprennent à guider, etc. Les orgas femmes, à mon sens aujourd'hui, ne sont pas suffisamment mises en avant. Et donc souvent, et je sais que je l'ai moi-même fait, mais on se met dans le rôle du second, par défaut un peu. Par défaut, peu importe finalement la charge de travail, peu importe ce qu'il en est. Donc je pense qu'il faut aussi maintenant accepter de justement, on parlait de prendre notre place, donc essayer de prendre cette place-là, de sortir de ce fameux « je suis l'assistante » et de se mettre un peu plus en avant. Et donc quand on a des responsabilités, notamment en tant qu'orgas, l'un des plus gros freins que j'ai rencontrés, ça a été en fait dans les négociations pro.
- Speaker #1
Tu veux dire avec les partenaires,par exemple,on parlait d'orgas de festival, les partenaires du festival en fait ?
- Speaker #2
Oui. tous les partenaires, que ce soit artistes, les proprios de salle, les partenaires kinés, les partenaires bars, tout ce que tu peux avoir autour. En fait, quand on est deux, à l'époque avec Rémi et moi, automatiquement, les gens vont vers l'homme. Et c'est un réflexe qui est un peu navrant à constater au moment où tu le vis. Et tu te dis pourquoi ? Et donc là, après, tu vas te présenter à la personne et tu lui dis, écoutez, ça, c'est moi qui vais le gérer. Donc, vous allez le voir avec moi. Mais pareil, tu vois, ça veut dire que ce n'est pas fluide. Donc ça, je trouve qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. Et après, donc là, c'était vraiment un cas extrême qui m'était arrivé à une époque. C'était un artiste qui avait refusé justement de voir toutes les négociations avec moi parce que j'étais une femme et que ce n'était pas moi qui devais gérer la chose. Donc là, quand on est à ce genre de constat, tu te dis, bon, on n'était pas... Clairement pas sur les mêmes valeurs. Donc ça a été un gros carton rouge. Mais du coup, on a encore malheureusement ce genre de pratiques qui, pour le coup, sont mondiales. Parce que ce n'était pas uniquement à l'échelle nationale. En fonction des cultures, on n'est pas avancé pareil. Certaines cultures ont un peu plus de place pour la femme, d'autres moins. Sans les citer, pareil, il y avait un couple d'artistes en festival. On était en plein cours et justement, ils se présentaient. Il s'est présenté lui. Et donc, il disait, oui, donc moi, j'ai fait ci, j'ai fait ça, etc. Et il en avait, mais complètement oublié sa partenaire à côté. Et en fait, il se retourne à la fin de la présentation et il lui demande, est-ce que tu as quelque chose à rajouter ? Et du coup elle lui a dit bah t'aurais pas fait tout ça sans moi et on était quand même en plein cours donc j'ai trouvé ça hyper fort et franchement hyper inspirant je me suis dit elle a pas dit grand chose mais elle a dit ce qu'il fallait mais du coup il a été hué un peu gentiment parce que c'était pris de façon très rigolote.
Mais sûrement que les fois d'après il a fait différemment.
Je suppose en tout cas j'ai espoir que oui mais vu comme ça s'est passé je suppose que oui Mais voilà, il y a des choses comme ça dans l'orga où je trouve que ce n'est pas évident. Et puis pareil, ce rapport à la femme qu'on a dans les négociations, je trouve ça pareil un peu désolant de se dire, il faut que nous, on paraisse plus ferme ou qu'on soit plus ferme pour que justement, on puisse avoir ce qu'on veut. Je voudrais pouvoir me présenter à quelqu'un et juste lui parler normalement sans avoir une espèce de filtre ou de carapace en ayant... la casquette de Wonder Woman hyper forte pour être sûre qu'on m'écoute. Ce n'est pas nécessaire, je pense. Le message est le même. Il peut être entendu pareil. Et donc, c'est pareil.
- Speaker #1
En tant qu'orga, l'idée, c'est de clarifier qui est l'interlocuteur, quelle est la tâche,et d'être au clair aussi avec soi-même, encore une fois, de se poser si je suis la co-organisatrice. Je suis là et...
- Speaker #2
Et ne pas se cacher. Ne pas se cacher. J'espère vraiment qu'il y a de plus en plus de femmes qui prennent un peu... la place sous les projecteurs. Il y a vraiment beaucoup de choses à dire. Des fois, il y a des femmes qui ont peur de parler. Et je le comprends à juste titre, parce qu'on est forcément, pour le moment, un peu cataloguées. Si on parle, même de façon générale, on se dit, ah oui, tu vas parler de la femme. De suite, on va se dire que tu es féministe. On pourrait parler de l'homme. Ce n'est pas grave, c'est un sujet comme un autre. En fait, parler de la femme devient forcément un parti pris limite un peu extrême. Alors qu'au contraire, il faut désacraliser un peu tout ça. et en parler normalement comme on parlerait d'un autre sujet. C'est ça, je trouve, qui manque beaucoup. Ça apporte beaucoup trop de lourdeur à tout ce qu'il y a autour de ça.
- Speaker #1
J'ai une dernière question pour toi, Marina.
- Speaker #2
Vas-y.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a quelque chose que tu as appris par la salsa qui te sert dans ta vie de tous les jours ?
- Speaker #2
Ouh là ! Je dirais que la salsa m'a appris à m'affirmer. Alors après, c'est lié au parcours professionnel que j'ai pris. Mais c'est la plus grande plus-value que j'ai aujourd'hui, c'est que la danse a un effet un peu thérapeutique. Elle t'amène vachement à travailler sur toi, je trouve. Et donc du coup, la salsa m'a vachement appris à justement m'affirmer. Et par m'affirmer, pour rejoindre un peu ce qu'on disait, il y avait apprendre de tes forces et apprendre de tes faiblesses. Pour voir justement où est-ce que tu te situes, comment tu te positionnes. Et ça, c'est... The plus-value, si je m'arrêtais demain, je saurais quand même que je partirais gagnante, quoi qu'il arrive.
On espère que c'est pas prévu.
C'est pas prévu et en plus, j'ai encore un peu d'énergie, donc du coup, c'est pas bon signe. Les élèves, ils vont entendre ça, ils vont se dire qu'est-ce qu'elle va nous ramener encore. Donc non, c'est pas prévu.
- Speaker #1
Merci Marina.
- Speaker #2
Merci à toi Manon pour l'invitation.
- Speaker #0
Merci d'avoir écouté cet épisode. Moi c'est Manon. et on se retrouve dans 15 jours avec un nouvel invité. Nous discuterons ensemble du concept de la créativité dans la danse. Si l'épisode t'a plu, n'hésite pas à le partager autour de toi, à laisser une note ou un commentaire sur ta plateforme d'écoute. Ça aide vraiment le podcast à se faire connaître. Et si tu veux découvrir les bonus de l'épisode, rendez-vous sur Instagram. À bientôt !