- Speaker #0
Les grands entretiens du musée Sacem avec Stéphane Lerouge. Bonjour à tous. Au printemps 1994, un premier long métrage, programmé à la quinzaine des réalisateurs, enflamme la croisette et obtient la caméra d'or. Son titre ? Petits arrangements avec les morts. C'est aussi la double révélation d'une cinéaste, Pascal Ferrand, et d'une compositrice de 34 ans, dont c'est aussi le baptême de long métrage. 25 ans plus tard, notre musicienne a mis en musique tous les films de Pascal Ferrand, mais aussi tous les projets de fiction de Dominique Cabrera, son autre cinéaste fétiche. Surtout, elle s'est imposée comme l'une des compositrices les plus innovantes et intransigeantes du cinéma français, avec une filmographie d'une belle ligne auteuriste. complétée par un pas de côté vers la comédie populaire avec le triptyque Le cœur des hommes. Avec elle, nous allons évoquer sa formation, ses influences, son itinéraire insolite, son rapport à l'image et plus largement, les coulisses de la création avec les metteurs en scène de sa vie. Bonjour Béatrice Thiriet.
Bonjour Stéphane.
Alors parmi les territoires de la musique que vous investissez, il y a l'opéra, il y a la musique de concert. et la musique pour l'image, évidemment, on est là aujourd'hui pour parler de cela. Quels avantages spécifiques trouvez-vous à vous exprimer pour et à travers le cinéma et à travers l'univers des cinéastes ? C'est une grande fierté d'écrire de la musique de film aujourd'hui. Le cinéma, l'univers des cinéastes, c'est le monde contemporain, voilà. Et c'est un art majeur, populaire, contemporain. Par rapport à ma formation de musicienne classique, de compositrice classique, Si je me retourne vers mes études, ce n'est pas quelque chose qu'on m'a conseillé, c'est quelque chose que j'ai découvert aussi, c'est une volonté, parce que j'aimais le cinéma. Et parce que, voilà, il se trouve que quand on travaille sur la forme, la sonate, la symphonie, ce que vous appelez les œuvres, ce qu'on appelle les œuvres, on va vous dire que ça c'est la musique majeure. Et on va vous dire que la musique mineure, c'est la musique de ballet, ça a été l'opéra aussi, Ça a été la musique de ballet et l'opéra au XIXe. On disait déjà que c'était de la musique mineure. Mais c'était évident pour vous, parce que ça, il y a quand même cet aiguillage entre devenir musicienne interprète ou musicienne compositrice. Et pour vous, l'écriture, c'était une évidence ? J'ai commencé à écrire à 6 ans. J'avais la chance d'avoir une professeure qui avait su développer ma créativité, parce que moi, j'ai été biberonnée, si je peux dire, avec une méthode qui était la méthode Marteneau. qui est une méthode qui est Donc, Maurice Marteneau, c'est aussi l'inventeur des ondes Marteneau. Et il avait imaginé une méthode ludopédagogique, on appellerait ça comme ça aujourd'hui, qui travaillait beaucoup sur la créativité et le rythme des enfants, la découverte. Donc, à 6 ans, on nous apprenait à lire une partition symphonique qui avait été simplifiée pour nous. On développait énormément notre talent d'improvisateur. Je me souviens que c'était une dame qui chantait pour nous dire au revoir et qu'il fallait lui répondre. Donc, elle nous posait une question musicale dans la sémantique musicale. Il fallait trouver une cadence, par exemple. Donc, on était comme ça. Et du coup, vers 6-7 ans, je n'avais pas de cadeau pour la fête des mères et j'ai écrit un petit morceau à ma maman.
- Speaker #1
Donc, ce morceau d'enfant pour l'anniversaire de votre mère, Béatrice, vous vous en souvenez ?
- Speaker #0
Non, je ne m'en souviens pas. C'était un truc en do majeur, c'était un truc tout simple, ça devait être un truc genre comme ça, quoi. Un petit machin genre comme ça ? C'est émouvant de revoir Béatrice Thirier aujourd'hui, au XXIe siècle, qui rejoue un thème qu'elle a écrit à l'âge de 6 ans. Justement, il y a toute cette constellation de compositeurs que vous citez. de Bach, Ravel, Stravinsky qui forgent votre culture. Et puis à côté de ça, vous avez aussi un goût d'une adolescente et d'une jeune femme de votre époque avec Bowie, avec les Clash, par exemple, et qui apporte encore, qui complète avec une autre culture. Il y a l'aventure de ce groupe de rock, Cory de Novis. Et puis à un moment donné, vous avez 30 ans, il y a cet aiguillage qui arrive avec le cinéma. Qu'est-ce qui vous amène à commencer, à composer, à écrire pour l'image ? Casanova de Fellini, par exemple. Parce que, voilà, c'est la même chose qu'avec les œuvres. Je suis au cinéma, j'écoute la musique de Nino Rota, je vois cette histoire avec la poupée et ce thème merveilleux, etc. Et je me dis, ça, c'est la musique d'aujourd'hui, ça, c'est la musique que j'aimerais écrire. Voilà. C'est un truc immédiat. Je trouve que cette musique-là, elle est utile maintenant dans le périmètre culturel mondial et que c'est vraiment intéressant et que le seul vecteur, le seul médium artistique Merci. qui permettent de créer cette musique-là, c'est le cinéma.
- Speaker #1
Ça, on se le dit, mais ensuite, comment est-ce qu'on concrétise ce rêve de jeune femme ? On se dit, la musique de film, c'est une possibilité. Et vous savez, c'est assez drôle parce que je m'appelle Béatrice Thirier, et il y avait l'ombre de Maurice Thirier, qui est un très grand compositeur de musique de film des années 40-50, et que moi, je vais voir par exemple Fanfan la tulipe, et que je vois son nom au... au générique, et que dans ma famille, on me dit que c'est quelqu'un de la famille possiblement, mais c'est pas immédiat, c'est pas mon oncle, c'est pas mon grand-père. Et c'est une question qui se pose à chaque fois au conservatoire, on me dit, est-ce que vous êtes de la famille de Maurice Thirier ? Et moi, j'avoue que je trouve que Maurice Thirier, bon, voilà, les Enfants du Paradis, les Visiteurs du Soir, il a un talent incroyable, mais je vais vous dire, à ce moment-là, c'est pas la musique que je préfère. Parce que moi, je suis dans une grande découverte de petites filles, de jeunes... de petite fille, de jeune fille musicienne. Et je suis beaucoup plus avant-garde que ça. Donc, cette musique-là, me plaît pas trop, en fait. Donc, je me dis, la musique de film, finalement, c'est de la musique qui est peut-être un peu trop classique. Voilà. Alors 1994, je le disais en introduction, c'est la naissance de votre binôme avec Pascal Ferrand sur Petits Arrangements avec les Morts. Quel regard rétrospectif vous avez sur le début de cette aventure folle qui va révéler votre écriture à un large public, qui se fait en plus par un canal complètement inattendu.
- Speaker #0
Ça, c'est le miracle, vous savez, c'est le miracle. Je dis souvent à mes enfants, par exemple, il faut rêver et puis il faut faire, parce que vous verrez que la réalité dépasse de loin vos rêves les plus fous. Je voulais faire de la musique de film, de cinéma. J'en faisais un peu à la télé, mais je voulais faire du cinéma. Voilà, le cinéma, ça me plaisait, parce que je trouvais qu'on pouvait faire des œuvres beaucoup plus abouties, évidemment, et puis j'avais des références avec des très grands cinéastes, etc. Et puis, j'ai commencé à essayer, parce que je suis une active et une combattante, on va dire, de prendre des rendez-vous dans le cinéma, etc. Et puis, on m'a dit, vous avez assez peu de chances de faire du cinéma parce que vous faites de la télévision, vous êtes plutôt déjà repérée en télévision. Et puis, ce mot, vous êtes une femme, donc ce n'est pas un milieu de femmes. Et je ne suis absolument pas convaincue par cet argument. Et mon téléphone sonne et sur mon répondeur, la voix d'une jeune femme comme moi. d'ailleurs Pascal Ferrand et moi, on est jumelles, on a 15 jours d'écart, qui me dit, je vais réaliser mon premier film, je cherche un musicien ou une musicienne, c'est là où j'ai appris qu'au cinéma, on ne parle pas de compositeur et de compositrice, on parle beaucoup de musicien et de musicienne, mais c'est assez joli, et pourquoi pas. Et là, la petite voix intérieure, vous savez, les trois petites notes de Schubert, qu'on a tous en nous, me dit, c'est moi. Et donc, Pascal Ferrand m'envoie son scénario, Je lis... Une œuvre littéraire magnifique, franchement. Et donc, arrivé au deux tiers, je l'appelle, je lui dis, moi, je suis absolument d'accord.
- Speaker #1
Sans même avoir fini la lecture complète.
- Speaker #0
J'avais l'impression qu'il ne fallait pas qu'on perde une seconde. Et je n'avais pas tort, parce qu'elle était déjà au montage, en fait. Et donc, on se rencontre. Et elle me dit, parce que Pascal est une personne qui est toujours limpide dans tout ce qu'elle dit. Donc, elle me dit, écoutez, moi, j'ai entendu ce que vous m'avez dit. on a eu un échange que j'aime beaucoup, parce qu'elle m'a dit « Je vais vous demander de faire de la musique dans mon film, d'écrire de la musique, de composer de la musique pour mon film, mais je vous préviens tout de suite, je voudrais des interventions très courtes. » Au départ, elle pensait peut-être, elle imaginait même de ne pas mettre de musique du tout. Ça lui faisait assez peur. Peur, je ne suis pas sûre. Mais en tout cas, elle avait déjà imaginé que la place de la musique devait être très circoncite et qu'elle ne voulait pas. Elle me disait « Moi, ce que j'aime dans le cinéma, c'est quand la musique Merci. entre dans le film et quand elle part. Elle me disait donc ce point un peu irréel. Et elle n'imaginait que des Donc elle me dit, voilà, j'imagine des séquences de musique qui durent entre 6 secondes, 20 secondes, 30 secondes, mais pas beaucoup plus. Donc si ça vous convient, peut-être est-ce que vous imaginez pouvoir vous exprimer dans ce laps de temps-là. Et donc moi, j'ai pensé à la cellule de la cinquième de Beethoven et donc je lui ai chanté. Et ça, ça fait huit secondes à ce tempo-là. C'est une cellule très forte, donc j'ai voulu lui expliquer. Le travail était fait, elle avait compris et j'avais dit que je pouvais.
- Speaker #1
Mais vous aviez une idée déjà, ou elle avait une idée de ce que devait être la musique esthétiquement et même de la nomenclature, de la formation qu'elle a interprétée cette musique. Qu'est-ce qu'elle entendait exactement ? Qu'est-ce qu'elle entendait et qu'est-ce qu'elle attendait ? Alors, on a écouté des disques ensemble. Il y avait un personnage qui écoutait du Bach. Donc, on a parlé de ça. On a fait une petite séance chacune avec des disques. Et c'était assez drôle parce qu'elle a amené, je me souviens, le quatuor de Debussy. Et moi, j'ai amené le quatuor de Ravel. Donc, on n'était pas si loin que ça. Moi, j'ai tout de suite pensé à un quatuor avec un petit peu de percussion, etc. Quelque chose, puisque ce film était tellement... C'est même pas intime, il faut inventer un mot pour ce film-là. C'était tellement intériorisé que j'imaginais ça comme ça. Et puis, elle m'a parlé beaucoup de ce qui était important pour elle, les vagues, le son des vagues, puisque c'est un film qui se passe au port de la mer. Il faut dire aux auditeurs du podcast qu'effectivement, c'est un film qui se passe sur une plage du Finistère Sud à Audiarnes, avec les membres d'une même famille, plus un petit garçon qui s'appelle Jumbo. Il y a un lien entre eux qui est le rapport à l'absence, le rapport à la mort, avec trois chapitres, avec un temps en boucle, avec une espèce de perpétuel recommencement à l'image des marées et aussi plusieurs temporalités qui se télescopent, comme dans les films d'Alain Resnais d'ailleurs. Oui, et le sujet principal du film, c'est le deuil, faire le deuil de quelqu'un quand on est enfant. Alors en plus, moi, il y avait un rapport personnel qui faisait que je pouvais comprendre ce film. C'est que j'avais perdu, ma mère avait perdu un bébé quand j'étais petite. Donc je savais très bien ce que c'était que le deuil, de vivre un deuil profond quand on est enfant. Donc il y avait une relation possible. Et puis la famille qu'elle représentait, c'était une fratrie de quatre, chez moi on était six. Donc je pouvais comprendre quelque chose de ce film. puis avec ma propre sensibilité. Je savais ce que c'était que la culpabilité d'un enfant, parce que c'est ce que révèle l'histoire de Jumbo, qui en fait souffre parce qu'il a vu un de son meilleur copain se noyer et qu'il a pu rien faire parce qu'il ne pouvait rien faire. Mais en tout cas, que ça bouleverse terriblement. Écoutez, c'est pour ça que je dis que la réalité dépasse les rêves les plus fous, parce que je voulais faire du cinéma et là, je me retrouve avec une réalisatrice qui avait un talent formidable, qui coécrit avec Pierre Trividi, qui est aussi un scénariste formidable. On retombe, je retombe au XXe siècle. Après avoir navigué dans les bras de tous ces grands compositeurs du XVIe, où l'écriture du XXe fait un peu peur, je me retrouve dans ma temporalité et c'est très important. Et ça, il y a un relais qui est pris. Et c'est vrai que le film a ces interventions qui sont souvent très courtes, mais qui sont en même temps nécessaires au récit, qui le chapitrent comme des espèces de petits motifs rythmiques, avec donc un quatuor à cordes, vous au piano, et tout cela se transforme en valse au générique de fin, qui est comme l'aboutissement, la convergence de toutes ces petites interventions. Oui, qui était une valse minute. Elles durent vraiment une minute et c'était l'idée, en plus c'était un clin d'œil évidemment à Francis Poulenc, mais ça c'est les petites blagues de compositeurs que je fais. Oui, parce que la valse, ça réunissait tout le monde et ça donnait un peu de joie à la fin du film. Et c'était ça qui était important. C'était de faire que cette prise de conscience collective redonnait la place à la joie. Parce qu'évidemment, quand on est hanté, quand on est mangé par une tristesse, elle prend beaucoup de place. Et le fait de régler un deuil, ça laisse place à la vie, ça laisse place à la joie. Il y a un moment, un des personnages qui dit « Le vrai mystère n'est pas dans la mort, le vrai mystère est dans la vie. » Et de savoir comment la vie repousse toujours. Et elle repousse avec des formes inattendues auxquelles on n'avait pas forcément pensé. Mais finalement, le vivant règle toujours le problème en inventant la vie. C'est bien. Ce qui est très étonnant, c'est que cette double découverte comme ça, Ferrand-Thirier 94, va se prolonger par un téléfilm pour Arte, L'Âge des Possibles, et puis on va tout de suite attendre impatiemment vos retrouvailles, et on ne mesure pas à l'époque que Pascal Ferrand s'inscrit dans le temps de création, mettons, de Tati, de Rapneau, de Terrence Malick, plusieurs premières périodes, c'est qu'il va falloir attendre très longtemps avant de vous retrouver avec... Nouvelle adaptation du Lady Chatterley de D.H. Lawrence, sur lequel elle va vouloir utiliser un des tubes de Sibelius, en ouverture du film, la valse triste. C'est un autre pari là aussi, puisque c'est un film d'époque, qui se passe dans les années 20. Quel va être pour vous le pari, le challenge de ce film ? C'est-à-dire, film d'époque pour vous, mais aussi cohabiter avec Sibelius et trouver quelque chose qui soit à la fois raccord avec Sibelius, mais aussi qui marquent votre peau. propre territoire.
- Speaker #0
Ce qui était bien, c'est que cette valse triste de Sibélius, je l'aime. Donc, ça me plaisait qu'elle ait choisi quelque chose de tellement important pour moi aussi. Et puis, ce qui me plaisait dans cette valse triste de Sibélius, c'est que je suis incapable d'écrire ça. Et aujourd'hui, on n'écrirait pas ça. Donc déjà, c'est le parti pris du passé, du film d'époque, etc. Et c'est le parti pris de la tristesse. de Constance et de son mari, c'est toujours cette histoire que raconte Pascal et qui me touche tellement. C'est qu'elle part toujours d'un sentiment un peu triste ou d'un sentiment un peu de désaveu ou d'abandon chez des personnages pour les aider à mieux retrouver la vie, repactiser avec la vie. Et l'histoire de Constance, c'est exactement la même chose. Et puis, il y a toujours l'idée aussi que je sais qu'avec Pascal, l'image va être magnifique. D'ailleurs avec son chef-op, M. Hirsch, qui a tellement de talent. Et donc, je sais que l'image va être très, très belle et qu'on va éviter toutes les deux de faire un truc qu'on a fini par appeler le grand n'a pas de chocolat, c'est-à-dire de mettre de la très belle musique sur des très belles images.
- Speaker #1
Pardon, parce que, Béatrice, j'ai l'impression que ce qui est le plus important dans votre collaboration avec Pascal Ferrand, c'est qu'on a l'impression que le problème n'est pas d'écrire de la musique, mais de pourquoi en écrire ? Pourquoi la musique doit... démarrer à cet endroit-là, s'arrêter à cet endroit-là, et à quelle intention, à quelle raison d'être va correspondre chaque intervention musicale ?
- Speaker #0
Oui, parce qu'il faut qu'elle ait une raison, il faut qu'elle ait une vie. C'est pour ça que je repars un peu sur cette histoire de la vie. Parce que l'intérêt pour Pascal, c'est que la musique déclenche quelque chose. Elle a dit une fois, on était ensemble, on donnait une interview, elle a dit, ce qui me rendrait vraiment triste, c'est que le spectateur s'assoupissent ou soient confortables, tellement confortables avec la musique, ce qui peut arriver des fois, c'est que du coup, la scène se passe avec la musique et puis on passe à autre chose. Nous, on veut faire vraiment autre chose. On veut que la musique réveille quelque chose, sublime quelque chose et que, au contraire, du coup, le spectateur soit en éveil parce que la musique intervient. Donc, ça veut dire qu'elle est souvent incisive et qu'on la prend comme un élément de plein fouet, qu'on vive avec elle Alors, c'est Et c'est vrai que du coup, ça s'inscrit sur une incise. Et qui dit incise, dit aussi court, dit moment bref. Et puis cette ouverture que vous avez voulu nous faire écouter, pourquoi ? C'est le dernier mouvement du film. C'est quand les amants se sont dit qu'ils s'aimaient et qu'ils se retrouveraient et qu'ils se sont dit oui. Et là, c'est l'ouverture. C'est l'ouverture vers le futur. C'est la chose qu'on qui va se passer entre eux après, qu'on ne sait pas, que tout le film a raconté, que tout le film a tissé. Et c'est aussi un moment où Pascal me dit « Vas-y » .
- Speaker #1
Alors, après trois films partagés Avez-vous le sentiment que Pascale Ferrand pense davantage musique en amont ? Oui, elle pense musique avant et moi, je pense à elle avant. C'est-à-dire que, par exemple, pour Bird People, qui va être notre quatrième collaboration, je lui ai amené une toute petite pièce, une toute petite miniature. Moi, j'appelle ça les miniatures, ce que je fais avec Pascale, parce que quand je les retravaille, je les boucle. Et pour moi, c'est des miniatures. Et j'écris un duo. Une fraise de piano avec un violoncelle. Et je ne sais pas, je me dis, je dois le mettre de côté parce que ça, c'est quelque chose pour Pascal. Ça, c'est entre Lady Chatterley et A Bird People. Et de fait, je lui glisse dans les premières maquettes cette petite miniature. Et elle la place tout de suite sur le film. Voilà. Donc, c'est fait. C'est quelque chose, bien sûr, parce que je crois que Et ça ne nous empêche pas à chaque fois... Je veux dire, ce que je raconte, ce n'est pas quelque chose qui s'inscrit dans la routine. C'est quelque chose qui s'inscrit dans le fait qu'au bout de quatre films, j'ose lui proposer quelque chose et qui dit qu'entre les collaborations, j'ai pensé à elle. Je n'aurais pas osé le premier film parce que je ne suis pas sûre. Mais là, je me dis quand même, il faut essayer parce que probablement, Voilà, je pense que ça s'appelle aussi les relations, les relations humaines. On travaille avec son esprit, on travaille avec son cœur, on travaille avec son âme. Et qu'il y a des liens comme ça qui se font, même quand on ne voit pas les gens, on peut penser à eux. Est-ce que parfois votre regard la bouscule ? Est-ce que vous la chahutez également ? Est-ce que vous l'amenez plus loin qu'elle-même ne l'aurait pensé ? Peut-être. Je ne sais pas, je ne peux pas dire. Je sais que j'ose dire des choses, je suis spontanée. il y a des choses qui Voilà, je pense que c'est à double sens. Je pense que de temps en temps, je dis des choses et quelquefois, elle demande, elle me demande. Mais la grande force de votre collaboration aussi, c'est qu'il y a une telle maturation de ces sujets à elle. C'est que chaque film est tout sauf un copier-coller d'une précédente aventure. Et là, Bird People, c'est une autre rencontre de deux solitudes, comme dans Lady Chatterley. Mais simplement, c'est un Américain en transit à Roissy. et une jeune fille étudiante qui travaille comme femme de ménage dans un hôtel. Est-ce que c'est aussi une opportunité pour encore davantage se renouveler ? Alors là, on est dans un film contemporain. Moi, c'était évident qu'il fallait utiliser de l'électronique, par exemple, ce qu'on n'avait jamais utilisé sur les autres films. Parce que, je ne sais pas, parce que j'écris un morceau en même temps qu'on appelle techno-choc, en même temps pour un orchestre, en même temps pour une sinusoïde techno avec un programme. de musique électro-acoustique. Et je ne sais pas, je me dis, c'est quelque chose. Je mets trois jours à faire ce truc parce que c'est très compliqué de mélanger une écriture symphonique et trois jours pour écrire trois minutes. C'est-à-dire trois jours, 18 heures par jour. Ce n'est pas en studio, enfermé. Je jette plein de choses et puis à la fin, je trouve une chose et je me dis, pareil, est-ce que je lui montre ? Est-ce que je ne lui montre pas ? pas ? Est-ce que je suis complètement dingue ? Et puis je lui montre, et c'est le seul morceau qu'elle retient des premières maquettes, avec le petit duo, en disant, mais ça, ça sent bon. Donc je me dis, ben voilà. Ça, c'est pour vous dire que c'est notre quatrième film, ça fait un truc comme 25 ans qu'on travaille ensemble, et je suis vraiment pas sûre. Et je suis dans la recherche, et j'ose pas... Et à la fin, quand même, j'ose en me disant, mais il faut pas craindre ses intuitions. Voilà, c'est une intuition, c'est pas de la réflexion. Je me dis là, au point où on en est, c'est intéressant de montrer ça comme ça. Voilà encore une évolution du binôme Ferrant-Thirier avec Bird People et l'éruption de l'outil électronique pour la première fois au bout de 20 ans de collaboration. Est-ce que vous pensez être compatible avec toutes les esthétiques cinématographiques ? Et comment ça se passe, mettons, quand vous vous retrouvez devant Marquespozito, qui vous propose l'aventure du cœur des hommes, qui est une comédie de mœurs dérivée des films d'Yves Robert et d'Abel. Badi, Un éléphant, ça trempe énormément et nous irons tous au paradis.
- Speaker #0
C'est très, très éloigné. J'arrive à le faire parce que je suis éclectique, parce que j'aime tous les styles de musique et que ça m'amuse tout à coup parce que je sais que ça va être un groupe de rock dans ma tête. Quand je vois les personnages, je me dis, par définition d'ailleurs, ils ne le font pas dans le film, mais est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec l'idée que c'est des gens qui pourraient avoir un groupe de rock et jouer ensemble parce qu'ils sont vachement sur la nostalgie de leur adolescence. C'est des grands ados. On dirait que c'est des grands ados. Donc, ça m'amuse. Ouais, Robert, Sautet, c'est entre les deux parce que c'est doux, amer et ça me fait rire. Voilà.
- Speaker #1
Et donc, esthétiquement, qu'est-ce que vous proposez à Esposito ?
- Speaker #0
Tout de suite, on parle de hard rock, on parle de scorpion, on parle de groupe comme ça. Et ça aussi, ça me plaît. Je crois que j'ai un petit peu un cœur de rockeuse. Alors, je suis contente de faire quelque chose. quelque chose qui est très très différent, qui est très amusant et qui reste quand même lyrique parce que vous savez la guitare électrique, un beau solo de guitare électrique, c'est extrêmement lyrique. Donc ça reste en connexion avec quelque chose que j'aime dans la musique quand elle se libère, quand ça chante et oui c'est amusant, ça me plaît. C'est difficile aussi à faire. Surtout que dans le film de Marc Esposito, il y a plein, plein, plein de grands titres de musique qui sont achetés dans le film. Donc, ils font qui constitue aussi la BO du film. Et donc, je mets mon petit grain de sel.
- Speaker #1
Alors Béatrice, vous êtes l'une des compositrices les plus actives du cinéma français et européen, mais est-ce que c'est un hasard pour vous si votre parcours, si votre trajectoire est liée finalement à deux cinéastes qui sont aussi deux femmes, donc Pascal Ferrand et Dominique Cabrera ?
- Speaker #0
Ben oui, c'est normal, on va dire que ça aussi c'est générationnel. Je serais née 20 ans avant, j'aurais guère rencontré qu'Agnès Varda, on va dire. Donc, c'est ça qui m'a donné ma chance, parce que Pascal Ferrand, c'est une femme, et elle ne se pose pas la question de savoir si une autre femme est capable ou non d'écrire la musique de son film. Donc, elle dit oui. Elle a entendu ma musique à France Inter, commentée par Frédéric Lodeon, donc elle voit tout de suite que... Je suis déjà inscrite dans le milieu de la musique et reconnue par des gens qui sont importants. Mais c'est vrai que je pense que 20 ans avant, j'aurais bien eu des problèmes à rencontrer des cinéastes. Je vois guère que Germaine Taillefer, qui a écrit de la musique de film, ou Elsa Barène. Il y a eu très peu de collaborations de femmes avant les années 60 au cinéma, bien sûr.
- Speaker #1
Alors, Dominique Cabrera entre dans votre vie après avoir entendu la musique d'un film de Jacques Deschamps qu'il avait Il avait absolument fracassé, séduit, hypnotisé. Méfie-toi de l'eau qui dort. C'est une cinéaste qui vient du documentaire. Elle vous sollicite pour un film qui s'appelle L'autre côté de la mer. Comment ça se passe ? Est-ce que c'est plus difficile de convertir à la musique, c'est-à-dire quelque chose qui va amener de la fiction, quelqu'un qui, précisément, vient de films qui ont un traitement réaliste par définition ?
- Speaker #0
Oui, alors Dominique Cabrera, elle... Elle vient du documentaire, mais elle veut vraiment faire de la fiction. Son premier film, L'autre côté de la mer, c'est vraiment un scénario, c'est vraiment écrit. C'est son rapport peut-être au cinéma qui diffère parce qu'elle fait aussi des documentaires. C'est peut-être son image, la manière de travailler sur l'image et tout ça. En tout cas, son rapport à la musique est très fictionnel. C'est-à-dire que j'écris beaucoup de musique pour Dominique Cabrera. C'est pratiquement, on va dire...
- Speaker #1
C'est concret. Oui, ou l'inverse, sans parler d'excès, c'est vraiment l'inverse. Et elle utilise la musique, elle a besoin de musique, elle a envie de musique, elle aime les chansons aussi. Et elle a un rapport avec une musique peut-être plus accessible, plus populaire, plus simple. C'est peut-être que le langage, mais encore que, vous savez, la musique, c'est tout sauf un art intellectuel. Alors, la musique, c'est très compliqué parce que pour l'écrire, il faut un effort intellectuel, c'est sûr. Mais le rendu est vraiment de la perception. Une musique rentre en vous, elle vous charme, elle vous berce, elle peut vous répugner aussi. Donc, c'est vraiment un rapport physique. Il y a de ça aussi dans la musique de film. On n'explique pas une musique. On la compose, on la joue et puis voilà, on l'a. Donc là, avec Dominique, je suis inspirée. Voilà, la musique de film, c'est de la musique de commande. La commande, c'est toujours le règne des compositeurs. Si Mozart vivait aujourd'hui, il écrirait de la musique de film, parce qu'il faudrait qu'il vive. Mais en même temps, un de vos grands aînés, Antoine Duhamel, disait, par rapport à cette idée de commande, il disait, les histoires des autres ne m'intéressent pas forcément. Et lui, par exemple, devant certains sujets, certains cinéastes, il disait, non mais ça ne déclenche rien en moi, je ne pourrais pas faire ce film. Est-ce que ça vous est arrivé ?
- Speaker #0
Bien sûr que ça m'est arrivé. Ça m'est arrivé de ne pas pouvoir et de le dire très vite. Je suis très curieuse. Donc, a priori, je ne dis pas non parce que je suis très curieuse. Mais ça m'est arrivé et ce n'est pas très facile de dire au bout d'une séance de travail non, non, non, ce n'est pas possible, ce n'est pas moi. Pour revenir sur Dominique Cabrera, puisqu'on en parlait, il y a ce film fondateur, L'autre côté de la mer, dans lequel votre musique a vraiment une mission très précise, c'est faire entendre un pays qu'on ne verra jamais à l'image. Puisque le film est noué sur ce rapport entre... Un pied noir, qui est Claude Brasseur, et un jeune médecin d'origine algérienne. Un beurre. Un beurre, mais qui n'a jamais, par la force des choses, connu l'Algérie. Puisqu'il est né, il a grandi en France. Et votre musique est construite sur un combo, avec notamment vous au piano, le trompettiste Jafar Ben Seti, et puis à l'aude impériale, Enrico Macias. Alors le lait de la tendresse humaine, votre troisième cabrera, évoque la fugue d'une mère de famille dans une petite ville de montagne. Et cette fois-ci, le sujet n'est pas lié à un folklore comme l'autre côté de la mer. Comment avez-vous mis au point l'identité de la partition ? J'ai tout de suite eu envie de travailler avec un orchestre et des chœurs. C'était assez ambitieux. Et ça, ça venait de l'image. parce que Il y a beaucoup d'extérieur, il y a des montagnes, il y a des lacs. Il y a toujours l'idée, depuis le début d'ailleurs, que cette femme est isolée dans un visuel assez immense. Donc, il y avait ce rapport entre cette petite femme qui pourrait être très heureuse avec son mari, ses trois enfants, etc. et qui, tout à coup, se retrouve complètement seule, complètement recroquevillée sur elle, comme un petit point dans le paysage. Donc, l'idée d'avoir un spectre musical large, ça a ajouté ça. Et puis, c'est un film choral. C'est un film où il y a énormément d'acteurs et d'actrices dans ce film. D'ailleurs, elle avait réussi le tour de force d'avoir à peu près, dans le casting, tous les acteurs et actrices à la mode à ce moment-là. Ils se retrouvent dans un film d'auteur assez difficile.
- Speaker #1
Un acteur qui revient, Patrick Bruel. Patrick Bruel en vedette. Et tous les noms du cinéma. Dominique Blanc, fantastique, en voisine, accueillante. Voilà, je ressens qu'il faut ça, qu'il ne faut surtout pas une musique intimiste, qu'il faut au contraire porter. Et puis, il y a l'histoire aussi que c'est des ouvriers qui travaillent tous dans la même usine et tout ça. Donc, je ne sais pas pourquoi. Il y a un truc assez allégorique pour ce groupe de gens qui sont hyper solidaires. Il va y avoir une recherche de beaucoup de gens aussi qui vont aider le père à la retrouver. Beaucoup d'amitié, beaucoup de solidarité. Tout ça, j'ai envie de l'exprimer. C'est marrant parce que Dominique Cabrera dit, mais je ne sais pas pourquoi sur ce film j'entendais la musique de Bernard Herrmann pour le fantôme de Madame Muir. Et on a l'impression qu'à cette idée-là, cette suggestion, cette piste possible qu'elle vous évoquait, vous avez répondu en rajoutant la référence presque à Daphnis et Chloé, au cœur de Daphnis et Chloé. Oui, puis c'est vrai que quand elle dit ça, si elle dit Bernard Herrmann, évidemment, je pense orchestre immédiatement. En plus, Bernard Herrmann, c'est quand même un des compositeurs de sa génération qui a écrit une musique moderne au cinéma, qui n'a pas voulu se cantonner. Il a eu des trouvailles. Il a réfléchi à son langage. Et c'est comme ça aussi que je conçois les musiques que je compose. À chaque fois, je me dis aussi que je dois réfléchir au langage et pas m'endormir. dans des à la manière d'eux ou dans Donc, j'ai envie d'innover. Et j'ai eu de la chance que les cinéastes, les femmes, oui, mais les hommes aussi. Vous parlez de Jacques Deschamps. La partition de Méphitois de L'Oquidor était très, très, très intéressante et très, très... Il y avait beaucoup de recherches, beaucoup de mélanges, de textures, etc. C'est pour ça, d'ailleurs, que ça avait plu avec Dominique. Et dans l'autre côté de la mer, on a mis un tout petit peu de la musique de Méphitois de L'Oquidor, d'ailleurs. C'était un clin d'œil à Jacques qui avait organisé notre rencontre, parce que c'est vraiment lui qui m'a présenté à Dominique. Alors on va écouter tout de suite justement l'ouverture du « L'aide à la tendresse humaine » , qui est la partition peut-être la plus large à ce jour, composée par Béatrice Thiriet. Oui, avec les chœurs de l'Opéra de Marseille et l'ensemble de Télémaque, dirigé par Raoul Lay. Quand on entend cette musique, et surtout quand on la voit, quand on la perçoit sur les images de Dominique Cabrera, ça devient comme une évidence a posteriori. Mais a priori, ça ne l'est pas du tout. Vous, quand vous êtes dans la solitude de votre pièce de travail, seule face à vos portées blanches, est-ce que vous avez des doutes ? Est-ce que parfois vous vous dites, est-ce que c'est vraiment la direction esthétique juste par rapport au film ? J'ai pas de doute. j'ai le doute de ne pas finir à temps, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps pour composer au cinéma. Donc, je me dépêche. J'ai des doutes. Si, je vous en ai parlé. Quelquefois, je fonce dans un truc. C'est l'histoire de la commande. Mais je n'ai pas de doute. Quand je travaille, il faut que j'aille vite. Et puis, je suis inspirée. Et puis, j'écoute. Vous savez, c'est un autre compositeur qui avait écrit beaucoup de musiques de films avant d'écrire des opéras qui s'appelait... Jean Prodromides qui m'avait dit cette chose que j'ai jamais oubliée. Il m'avait dit, j'ai beaucoup appris en écoutant les cinéastes. Donc, il m'avait dit, écoutez, écoutez les cinéastes. Et c'est vrai que cette idée-là D'écouter, de sentir, de ressentir, d'aller chercher. Est-ce qu'en même temps aussi, votre confrère Bruno Coulais, à ce point de vue, il dit qu'il faut écouter les cinéastes, mais surtout parfois leur désobéir et parfois la meilleure façon de leur être fidèle ?
- Speaker #0
Je suis d'accord avec Bruno, bien sûr, je suis d'accord avec Bruno Coulais. J'allais le dire, il faut écouter, mais écouter, ça ne veut pas dire obéir. Écouter, ça veut dire, c'est un moment où être à l'écoute, c'est ressentir aussi, c'est pas simplement comprendre ce que la personne dit, c'est aussi comprendre comment il le dit, etc. Il m'est arrivé, quand j'ai fait ce film magnifique, un documentaire sur le procès d'Eichmann, d'écouter Eyal Sivan qui ne voulait absolument pas d'accordéon. Et finalement, le jour de la première, avant-première du film, Là où j'avais écrit un grand passage d'accordéon, il est venu me voir en me disant que l'accordéon, c'est ce qu'il avait préféré dans ma musique. Donc, il y a des moments où il faut se dire que quand on vous dit tel mot, ce n'est pas forcément tel mot qu'on veut dire. Et ça, c'est autre chose et c'est un débat. C'est une histoire qu'on ne va pas raconter aujourd'hui. Mais c'est toute l'histoire de ce dialogue entre le cinéaste et le compositeur ou la compositrice. C'est de trouver un langage commun. et voilà.
- Speaker #1
Alors c'est vrai que comme avec Ferrand chez Cabrera Les sujets eux-mêmes sont tellement différents. Et mettons, entre le lait de la tendresse humaine et Cornish Kennedy, il y a un grand canyon. Par exemple, Cornish Kennedy est à la fois une étude de mœurs, un récit d'initiation et aussi un thriller. Et on a envie de vous demander, mais à quel palier la musique doit se situer ?
- Speaker #0
À tous. D'ailleurs, c'était très drôle parce qu'on a fait plusieurs versions de montage de musique avec Sophie Brunet, la monteuse du film, et puis Cabrera. On avait fait des choses version thriller, où on montait plus les compositions un peu plus sombres que j'amenais. On avait fait une version un peu plus sur les chants, sur la chanson. Et puis à la fin, on s'est rendu compte qu'il fallait absolument tout mélanger, comme le film mélange tout. Ça n'a pas été que facile de faire Corniche Kennedy, mais le résultat est un résultat que j'aime beaucoup. Et puis, ça m'a permis de travailler avec les jeunes des quartiers qui sont aussi devenus les acteurs du film, qui sont sortis aussi justement des quartiers pour devenir des acteurs, des auteurs, comme Kamel Kadri qui est un des acteurs principaux, avec qui j'ai travaillé sur deux raps et un slam. donc voilà que j'aime beaucoup parce que c'était une vraie rencontre artistique, avec un jeune qui a envie de s'exprimer et qui le fait avec beaucoup de talent.
- Speaker #1
C'est étonnant d'ailleurs d'avoir finalement, dans la musique du film, d'avoir la voix chantée du personnage, de l'un des personnages qui est à l'écran, et puis d'avoir votre culture, l'écriture pour orchestre, qui se greffe comme ça au rythme du rap.
- Speaker #0
Oui, parce que le rap, comme le slam, c'est de la poésie. donc on peut qu'est-ce qu'on peut mettre en dessous ? De toute façon, les rappeurs, à la base, ils se sont servis de la musique comme support pour leur texte. Donc, j'ai pris la même idée. Kamel, il avait envie de faire des sons, il faisait des musiques. Du coup, on l'a aidé aussi à faire des musiques sur le film. Parce que c'était aussi un peu cette dynamique du film. Les gars et les filles qui plongent dans le film, ils ne plongent vraiment, ils ne sont pas doublés. Et ils le font dans la vie. Donc, voilà, c'est cette histoire de Dominique Cabrera aussi qui, avec sa... son expérience qui vient du documentaire les a rencontrés, a été les trouver, les a castés alors qu'ils faisaient ça et que c'est interdit il faut quand même le savoir, donc c'est tout ce rapport de ce film qui a été vraiment magnifique, en plus après moi les acteurs on s'est suivis dans les festivals, c'était quand même très drôle quand ils ont appris à faire du ski aux arcs pour la première fois enfin c'était des moments vraiment géniaux de la vie et ça me fera dire que le cinéma aujourd'hui c'est un des derniers ascenseur social qui fonctionne. Il faut quand même se le dire. L'école, c'est rappé. Donc voilà un endroit où on va trouver des artistes qui s'appellent les cinéastes qui vont aller en chercher d'autres. Vous dites que je suis une compositrice qui travaille et qui suis connue et reconnue en France, en Europe et un peu aux Etats-Unis, puisque certains des films que je fais sont diffusés aux Etats-Unis. C'est grâce au fait qu'un jour, une cinéaste qui s'appelle Pascale Ferrand est venue me chercher et m'a offert cette chance. de devenir une personne publique, puisque le cinéma, par définition, c'est dans la lumière. On va se quitter avec « Sirène » , slam symphonique de Cornish Kennedy, interprété par Kamel Kadri et Eol Dante. Merci à vous, Béatrice. Merci Stéphane.