Speaker #0Bonjour à tous, je suis Guillaume Akré, coach, et je suis ravi de vous accueillir pour ce nouvel épisode de Next Step Coaching. Place aujourd'hui à un livre qui a fait grand bruit lors de sa sortie, à savoir Bullshit Job. Mais déjà, qu'est-ce qu'un Bullshit Job, autrement dit Job à la con en français ? La définition donnée par l'anthropologue David Greber est la suivante. Un Job à la con est une forme d'emploi. rémunéré qui est si totalement inutile, superflu ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence. Ce sera la question centrale du livre. En effet, qu'est-ce qu'un job à la con ? C'est surtout un travail auquel on accorde peu de valeur, que ce soit à titre personnel ou de la vie générale. Mais dans l'absolu, personne ne peut déterminer la valeur d'un travail, il n'existe pas de formule mathématique ou de théorème pour définir qu'un travail est un travail. est plus important qu'un autre. Alors, pourquoi cette expression ? Que traduit-elle ? Quelles catégories professionnelles sont concernées ? Que révèle ce type d'emploi dans notre société ? Et enfin, pourquoi est-ce que ce type d'emploi perdure ? Tout est parti d'un article de Greber dans le magazine Strike en 2013. Le journal lui ayant demandé s'il n'avait pas dans ses tiroirs un concept en rupture avec l'époque. Son intuition reposait sur le fait que beaucoup de salariés ont des métiers superflus et qu'en plus certains en avaient conscience. D'un autre côté, peu de personnes auraient abordé le sujet car le monde du travail est peuplé de tabous. Il a donc publié son article Le phénomène des jobs à la con dans lequel il questionnait la notion même du travail dans la société et du fait que la majorité des métiers ayant été automatisés Beaucoup de personnes se retrouvaient à effectuer au quotidien des tâches dénuées de sens et d'intérêt. Son postulat était le suivant. Les employés dans les secteurs de l'industrie et de l'agriculture ont chuté drastiquement depuis les années 70. A l'inverse, les professions intellectuelles, juridiques et administratives ont gonflé dans des proportions considérables dans le même laps de temps. Par conséquent, quels sont ces métiers et sont-ils réellement nécessaires au bon ? fonctionnement de la société. Bien sûr, la notion d'un travail nécessaire était questionnée dans l'article, car dans l'absolu, tout le monde peut considérer que le travail du voisin ne l'est pas. Mais en remettant en perspective ces nouveaux emplois, David Greber a tapé dans le mille. Il eut énormément de retours, notamment de la part des salariés qui estimaient que son analyse était juste et qu'elle était surtout fidèle à leur réalité. Son article a été traduit dans une quinzaine de langues. Il a même eu droit à une campagne d'affichage dans le métro londonien avec quelques punchlines extraites de son papier. Alors, pour écrire son livre, l'auteur est allé plus loin dans sa réflexion et ses recherches sur l'histoire du travail. De plus, il a créé une adresse mail spécifique afin de recueillir les retours d'expérience des salariés sur leur utilité au travail. Comme il l'écrit très justement, ce livre est une œuvre collaborative. Ses témoignages bonifient ses analyses. qualitatives car ils permettent d'appuyer les propos de l'anthropologue. Un des intérêts du livre réside dans la classification des jobs à la con. David Greber en a identifié cinq que voici. En un, les larbins. Ce sont les personnes dont le métier est de permettre à quelqu'un d'autre de paraître ou de se sentir important. Bien souvent, il s'agit de son supérieur hiérarchique. En faisant le lien avec l'époque médiévale, David Greber explique qu'un larbin fait aussi partie d'une cour et qu'une cour est faite pour magnifier le roi. Par conséquent, plus vous avez de larbins, donc d'employés sous vos ordres, plus vous rayonnez en quelque sorte. Cela renforce même le poids du supérieur vis-à-vis de son entourage. En deux, le porte-flingue. Au sens métaphorique, ce sont les salariés dont le travail à composantes agressives n'existe que parce qu'il a été créé par d'autres. L'auteur s'appuie sur des exemples concrets tels que les lobbyistes, les télévendeurs ou les avocats d'affaires. Cerise sur le gâteau, ces métiers ont selon lui un impact négatif sur la société dans son ensemble. D'ailleurs, s'ils disparaissaient, personne ne s'en porterait plus mal. En 3, les rafistoleurs. Il s'agit des jobs qui rafistolent des problèmes qui ne devraient pas exister. L'écrivain s'appuie notamment sur l'industrie du logiciel pour étayer son propos. Schématiquement, ce sont des travailleurs dont le rôle consiste à gérer les conséquences de stratégies ou décisions vouées à l'échec, mais qui ont tout de même vu le jour. Comme revenir en arrière coûterait trop cher, ces employés sont rémunérés pour gérer quotidiennement les désagréments de ces décisions. Métaphoriquement, c'est comme si on réparait sans cesse un tuyau qui fuit, plutôt que de le remplacer complètement. En 4, les Ausha de cases. Cette expression concerne les salariés dont le rôle permet à une entreprise de prétendre faire quelque chose qu'elle ne fait pas en réalité. A titre d'illustration, David Greber cite les commissions d'enquête, les services chargés d'établir des rapports orientés ou encore les services d'inscription administratifs. Bref, tous les services qui s'attachent uniquement à vérifier que les procédures ont bien été respectées, même si leur utilité est faite. Enfin, en 5, les petits chefs. Cette caste se divise en deux catégories. La première se contente d'assigner des tâches aux autres. Celle-ci est assez proche des larbins que nous avons évoquées précédemment, mais au lieu d'être en bout de chaîne, ce sont leurs supérieurs. La seconde génère des jobs à la con pour les autres. A créer des tâches inutiles juste pour le plaisir de voir les subordonnés s'exécuter. Le besoin d'affirmer son pouvoir est extrêmement présent, on parle même de bullshittisation du job des autres. En bonus de cette classification, l'écrivain évoque habilement la dimension politique d'un métier dans les professions intellectuelles ou administratives. En effet, jouer son rôle dans une entreprise, faire illusion, est souvent plus important que la compétence. Cette forme de théâtralisation du travail, qui récompense la forme aux dépens du fond, complexifie un peu plus les processus de décision au sein des entreprises. La seconde partie du livre s'intéresse à l'origine de ces jobs, comment ces métiers ont été créés, pourquoi autant de personnes acceptent d'occuper ces postes, et surtout, pourquoi... aucun dirigeant ne tire la sonnette d'alarme puisqu'économiquement parlant, ces métiers représentent un gouffre. Une partie des réponses à ces questions se situe déjà dans la classification de ces bullshit jobs que j'évoquais précédemment. Mais en s'intéressant à l'historique de la valeur travail, l'auteur va plus loin dans son analyse, expliquant que cette dernière est chevillée à notre ADN, nos croyances ou nos spiritualités et que ne pas travailler est inenvisageable intellectuellement parlant, dans nos sociétés. De fait, aussi incroyable que cela puisse paraître, le marché économique préfère créer de faux postes plutôt que d'accepter qu'une partie de la population puisse se retrouver sans occupation. Voici donc une des raisons pour lesquelles une partie des métiers actuels de col blanc se retrouvent vidés de leur sens, voire de leur intérêt. Enfin, l'ajout de la bureaucratie pour se couvrir, limiter les risques ou renforcer les contrôles produit finalement l'effet inverse de ce que devrait être un processus de décision en entreprise. D'ailleurs, sa démonstration est sans appel. Lorsqu'on ajoute un millefeuille administratif à l'incompétence, nous sommes dans l'océan de la bullshitisation. En s'appuyant sur l'exemple de la production cinématographique des dernières décennies aux Etats-Unis, David Greber explique de façon synthétique pourquoi les longs-métrages sont autant formatés. Parce qu'en multipliant les couches administratives, le marketing, la vision ou l'analyse du script, et en leur donnant droit au chapitre dans le processus de développement, la production limite l'autonomie du réalisateur. In fine, celui-ci doit faire des concessions sur les plans, les idées, le scénario, voire les dialogues, pour délivrer un film qui devient terriblement éloigné du concept d'origine. Et quand bien même celui-ci bénéficie d'un marketing agressif, Le long métrage en question est dénué d'intérêt. D'ailleurs, et cela n'engage que moi, quand le budget marketing est plus important que l'œuvre ou le produit, c'est déjà qu'il y a un hic. La dernière partie du livre est une richesse considérable parce que David Greber, en expliquant le concept de jalousie morale, explique pourquoi le climat social et politique s'est autant aggravé sur la dernière décennie, générant au passage critique, haine et ressentiment envers les autres. Sa reconstitution des inimités entre les différents camps qui composent la population active est remarquable. Et voici sa théorie. Les chômeurs envie les personnes qui travaillent et considèrent qu'ils devraient s'estimer heureux d'avoir un job. Ceux qui travaillent sont encouragés à mépriser les pauvres et les sans-emploi puisqu'on les dépeint comme des profiteurs. Ceux qui ont un véritable emploi envient ceux qui ont un job à la con car celui-ci leur permet de disposer d'un temps précieux. Ceux qui ont un job à la con envient les rares salariés qui ont un métier valorisant, à savoir un métier considéré comme noble. utile ou glamour. Et tous ces groupes vouent une haine tenace à l'égard de la classe politique, qui ne prend pas en compte leurs difficultés. Enfin, dans les dernières pages du livre, son rappel entre la valeur d'une chose et les valeurs, morale, éthique, religieuse, etc., rappelle que notre épanouissement n'est pas forcément lié à l'argent. Voici une des raisons pour laquelle la valeur et les valeurs ne font pas toujours bon ménage. Et c'est au final la question sous-jacente de l'ouvrage. Peut-on tout accepter dans son travail, à savoir une perte de sens, de motivation, une incapacité à se réaliser, voire de l'ennui, à partir du moment où nous sommes payés, même grassement ? Nous voici arrivés au terme de l'émission. Alors évidemment, il y avait bien d'autres idées dans cet ouvrage de David Greber, Bullshit Job, mais j'ai essayé de faire un résumé condensé. N'oubliez pas d'attribuer une note 5 étoiles et de vous abonner au podcast si cet épisode vous a plu. D'ici là, je vous retrouve sur les réseaux sociaux, essentiellement LinkedIn, Instagram. Je vous remercie pour votre écoute et je vous donne rendez-vous très vite pour une nouvelle session de Next Step Coaching. A bientôt !