- Speaker #0
Quel titre vous choisissez ? Faut-il laisser crever la lecture ou faut-il sauver la lecture ?
- Speaker #1
Bah crever bien sûr !
- Speaker #2
J'adore !
- Speaker #0
Ok, je me doutais un peu.
- Speaker #2
T'as vu Régis comme il nous instrumentalise pour teaser les poditeurs ? Nipédu ! Nipédu ! Nipédu !
- Speaker #0
Nipédu !
- Speaker #2
Le podcast !
- Speaker #0
Le podcast !
- Speaker #2
École !
- Speaker #0
École !
- Speaker #2
Éducation ! Éducation ! Numérique !
- Speaker #0
Numérique !
- Speaker #2
Nipédu ! Nipédu !
- Speaker #1
Nipédu !
- Speaker #0
Le masque et la plume. Dans cette émission, il sera question de lecture. Non, non, les gars, je vous rassure, on recommence. Bienvenue dans Nipédu, Nipédu le podcast qui décode l'école et ses transformations. Troisième épisode de cette saison 12, où il sera question de l'étrisme, de littérature, de à quoi ça sert encore la lecture, est-ce qu'elle est en train de crever de sa belle mort, est-ce qu'elle est en si piteux état qu'il faudrait se poser la question de la sauver ? C'est tout ce qu'on va mettre sur la table avec... Avec qui d'ailleurs ? Sur ma gauche, attention, il est au podcast, ce que la lecture est à l'alphabet. Une voix qui donne vie aux idées. C'est Fabien Aubard, qui par ailleurs, est directeur de la production chez École UMA. Salut Fabien.
- Speaker #1
Salut Régis, en entendant ce portrait, je t'ai persuadé que c'était Jean-Phi.
- Speaker #0
Eh ben, joli. Puisque tu parles de lui, je lui fais aussi un petit sort, mais très gentil, vous l'avez vu, il est à la réflexion. Ce que le langage est au mot. Un tisseur qui articule les pensées, mais qui est aussi professeur associé à la haute école de pédagogie du canton de Vaud. Salut Jean-Philippe Maître.
- Speaker #2
Salut Régis, salut Fabien, je suis flatté, je suis flatté.
- Speaker #0
Je les ai écrits, mais je les comprends même pas. J'en ai fait une pour moi,
- Speaker #2
qui dit,
- Speaker #0
il est à l'animation ce que la virgule est à la phrase. Une ponctuation qui rend le message. Plus accessible, et je suis par ailleurs directeur d'atelier Canopée de Nancy. Salut Régis Forgione ! Si vous ne les avez pas compris, il faudra les réécouter parce que moi j'ai eu du mal, il y a une espèce de mise en abyme un petit peu étrange. En tout cas, on file tout de suite du côté du fun fact de la rédac. Le fun fact de la rédac ! Fabien, c'est fun, c'est fact, c'est quoi ?
- Speaker #1
Écoute, dans le cadre de la préparation de cette émission, ou en tout cas pendant la période de la préparation de cette émission, je n'ai pas choisi entre les grands auteurs et les influenceurs, référence à ma future chronique. J'ai fait les deux puisque j'ai eu la chance d'échanger et avec Daniel Pénac et avec Supermaîtresse 3.0. J'adore mettre en regard ces deux noms. Juste pour parler de Sarah, Supermaîtresse 3.0 sur Instagram, je vous invite à les découvrir. Son projet, Flaubert en chaussettes, que vous trouverez dans les notes de l'émission, quant à Daniel Pénac, allait suivre ses droits imprescriptibles du lecteur.
- Speaker #0
En chaussettes. Et toi, Jean-Phil, fun fact ?
- Speaker #2
Fun fact, c'est que quand on a lancé la préparation de cette émission, il y a eu un hasard du calendrier, qu'il y avait deux ans de travail qui aboutissait à deux publications sur la lecture des étudiants. Voilà, donc avec deux publications, avec deux de mes collègues de l'Université de Lausanne, Camille et Vanessa, que je salue au passage. Et voilà, et c'était assez rigolo que cette émission émerge à ce moment-là.
- Speaker #0
Ah oui, carrément. Et bien moi, fun fact de calendrier, hasard de calendrier, figurez-vous qu'en parallèle de cet épisode de Nipédu sur la lecture, un autre est sorti, un autre podcast côté professionnel auquel je participe, qui est Parlons Pratiques d'Extra-Classe, qui parle de lecture, mais côté décodage et apprentissage de la lecture vers son apprentissage. Donc... Fun fact, télescopage de calendrier. On file du côté du sommaire de l'émission. Fabien, alors de quoi est-ce qu'on va parler ?
- Speaker #1
Nos poditeurs le connaissent par cœur ce sommaire. Il y aura une parole aux poditeurs et puis après on ira directement sur la FAQ du poditeur. On répond à une question qui t'arrode et qui empêche de dormir. Et c'est toi qui t'y colles Régis. Ouais, ce mois-ci plutôt.
- Speaker #0
C'est ça. Et avec la question de Fabrice, on va se demander si la lecture est en train de crever. Est-ce qu'il faut la sauver et comment on peut faire ?
- Speaker #1
Je ne sais pas si toi tu réponds à cette question, notamment dans ta chronique, Jean-Phi.
- Speaker #2
Eh bien écoute, on va y contribuer, ou en tout cas, moi je vais essayer de voir comment, entre parler de la lecture et de l'école tout entière, il n'y a qu'un tout petit pas. Alors est-ce que Delay a à dire que l'école est en train de crever ? Je ne sais pas, mais on verra ça.
- Speaker #1
Et puis quant à moi, je me demanderais avec vous les garçons si ça vaut vraiment le coup de s'enquiquiner à enseigner les classiques de la littérature à l'école, puisque nous le savons très bien, nos mômes ne les lisent pas. Et après cette dernière chronique, ce sera la recours du mauvais lecteur, du mauvais élève, je ne sais pas trop ce qui se cache derrière ça, ou plutôt si. Puis on terminera tranquillou l'émission.
- Speaker #0
Allez, on file tout de suite vers la parole au poditeur. La parole au poditeur.
- Speaker #2
Alors pour cette parole au poditeur, on voulait dire un grand merci à Marco de l'association AudioLab qui travaille notamment avec Podcast FM, un mois du podcast autour de Lausanne où ils diffusent sur les ondes FM. Donc 90.4 à Lausanne, tout un ensemble de podcasts qu'ils ont sélectionné et aimé. et il s'avère que Nipédu fait partie de la liste donc on a été vraiment honoré de cette mise en avant on a pu échanger directement avec Marco ce qui était vraiment cool et puis pour aussi soutenir Podcast FM et tous les autres podcasts qui sont mis en avant par cette initiative on vous invite à vous connecter si vous n'êtes pas loin de Lausanne sur 90.4 pour aller découvrir plein de petites pépites et donc encore un très grand merci à Marco pour ce petit coup de pouce Wally Walou
- Speaker #0
Allez, on file dans le cœur de l'émission, c'est parti pour un dossier en trois parties sur la lecture. Et on commence par la FAQ des poditeurs, où on va se demander... La
- Speaker #2
FAQ du poditeur.
- Speaker #0
S'est-il laissé crever la lecture ? Qui dit FAQ des poditeurs dit répondeur de Nipédu, qui dit répondeur de Nipédu dit Jean-Philippe Maître.
- Speaker #2
Ah oui, c'est vrai ! Alors, chères poditrices, chers poditeurs, vous avez une question. École, éducation numérique, formation, recherche, elle vous taraude, elle vous empêche de dormir. Ah, qu'est-ce qu'on aime ce gimmick ! Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Vous allez sur votre moteur de recherche favori, vous tapez Répondeur Nipédu et en deux clics, vous pouvez, et en 1 minute 30, nous laisser votre question. Et nous, eh bien, écoutez, on s'en saisit, on la travaille, on va trouver des ressources, on réfléchit et on en fait une émission. Et nous avons besoin de vous. Alors surtout, n'hésitez pas et un très grand merci d'avance.
- Speaker #0
Et pour cet épisode, on écoute la question de Fabrice.
- Speaker #1
Bonjour Nipédu, c'est Fabrice. Alors je ne suis pas prof, mais parent d'élève et je vous écoute depuis presque deux ans. J'ai deux enfants au collège et à l'école et aucun des deux n'aime lire. Je crois que je n'ai jamais vu ma collégienne de fille lire un livre de sa propre envie. pareil pour mon petit gars au CM2, à part quand c'est obligatoire, bien sûr pour les devoirs, jamais il ne sort un livre, ou alors c'est quelques mangas et encore. Et c'est pas faute de leur acheter des bouquins de toutes sortes, mais ils préfèrent passer du temps, devinez où, sur leur portable bien sûr, mais en fait, je ne sais même pas si je dois être inquiet, moi j'ai commencé à lire tard dans la vie et je ne m'en suis pas trop mal sorti. J'ai donc deux trois questions pour votre répondeur, est-ce que c'est vrai que les élèves ne lisent plus et à quel point c'est grave ? Est-ce que la lecture est plus facile ? est en danger ? Et enfin, peut-être que vous aurez des idées pour que mes enfants lisent plus ?
- Speaker #0
Déjà, on dit merci à Fabrice. Ça fait plaisir d'avoir une question de parents. Je crois, les gars, que c'est une première. Alors nous, on aime à dire que Nipédu est écouté par des profs, des parents, la communauté éducative. La preuve, ça fait plaisir. Comme d'habitude, on a fait notre miel de cette question. On l'a tordu un petit peu dans tous les sens. Et je vais commencer par questionner, on va dire, les questions sous la question. Si on écoute bien Fabrice, il nous parle de... de lire un livre. Alors derrière ça, on entend bien le côté roman, le côté littérature, le livre au sens entre guillemets noble du terme. Il nous parle de manga, donc on pense plus littérature populaire, BD. Il dit aussi bouquins de toutes sortes. Là, on verra ce qu'on peut en dire dans cet épisode, au-delà des, disons, des lectures narratives et des romans. Mais avant d'aller plus loin, j'aimerais vraiment tout de suite savoir de votre côté, puisqu'il dit que lui, il a lu tard et il s'en est pas trop mal sorti dans la vie. Il nous dit pas ce qu'il fait, on aurait bien aimé savoir. mais vous, vous étiez quel type de quel type de lecteur, alors vous ou peut-être vos enfants selon leur âge,
- Speaker #1
en commençant peut-être par Fabien et bah écoute à l'inverse de Fabrice je suis devenu un piètre lecteur mais j'étais un j'étais un petit lecteur étant enfant, pressé de devenir grand, donc moi je viens d'un monde où il y avait très très peu de littérature de jeunesse, mais par contre la chance que j'ai eu c'est d'avoir il y a eu une triple conjoncture Bonne conjonction, je pense, c'est que j'avais une libraire de quartier qui est vraiment quelqu'un qui a énormément compté dans ma formation intellectuelle et littéraire. Donc Lydia, qui est vraiment quelqu'un que j'aime d'amour passionnément, qui était incroyable. J'avais mon père qui me filait un budget illimité pour aller voir Lydia et pour la roser. Et puis, il y avait une collection qui était géniale quand on était môme, donc il y a une quarantaine d'années. C'est Gallimard qui avait la collection Folio Junior. Et je pense que j'avais le côté cumulatif et je voulais lire tous les Folio Junior. Donc voilà, la conjonction des trois a fait que j'étais un bon lecteur. Encore une fois, contrairement à ce que je suis devenu, je me considère aujourd'hui comme un très très très très mauvais lecteur.
- Speaker #0
Ce qui est un peu faux quand même. Et toi, Jean-Phi ?
- Speaker #2
Alors, moi, je pense que j'ai eu la trajectoire plutôt inverse. Alors, sans dire qu'aujourd'hui, je suis un excellent lecteur, mais en tout cas, une chose est sûre, c'est que je lis plus aujourd'hui que quand j'étais enfant. Je pense que j'étais vraiment un plutôt faible lecteur, enfin faible au sens de je lisais très, très peu enfant. Et je suis rentré à la lecture sur le tard, de part bien évidemment, principalement... mes études et ça j'aurai l'occasion d'y revenir et puis voilà donc non non moi je suis plutôt mais je me reconnais pas mal en fait dans la description des enfants de Fabrice et donc du coup j'ai envie de lui dire vu que je suis un gars génial que rien n'est perdu.
- Speaker #0
J'adore, il nous dira plus dans sa chronique aussi. Pour que vous sachiez d'où on parle aussi voilà moi je suis dans ma famille ça lisait très peu j'ai aucun souvenir de voir ma mère lire un livre à part des magazines mon père pareil à part Et ça, c'est un souvenir qui me reste. Un, deux vieux bouquins de SF qui traînaient dans, vous savez, ces fameux livings des années 80, pour ceux qui voient, avec cette porte à coulisses à droite, là où il y avait deux, trois. Et je ne sais pas pourquoi, je me rappelle d'un depuis toujours, il faudrait que je le retrouve, qui s'appelait J'Arquitue. Je ne sais pas ce que ça valait, je sais que c'était de la SF. Et en y réfléchissant, là, c'était les collections, les vieilles collections. Enfin, vieilles, je ne sais pas, ça existe sans doute encore, du côté du fleuve noir. Mais côté école, j'ai souvenir d'être très bon élève de ce côté-là. J'adorais tout ce qu'on nous donnait à lire, quoi. Fourberie de Scapin, Pergurio, j'ai que des bons souvenirs de ce côté-là. Alors peut-être que c'est le recul qui me fait ça, mais voilà, vous savez un petit peu mieux d'où on parle dans cet épisode. J'en reviens à la question de Fabrice, qui parle aussi des écrans. C'est d'ailleurs intéressant, il les met quelque part en opposition, quand il dit préfère passer du temps sur leur portable Et nous, vous imaginez bien que chez Nipédu, quand on parle de lecture et d'écran, on a tout de suite les gros mots qui nous viennent en tête, comme littératie. qu'on va voir un petit peu plus loin. Alors moi, je suis allé interroger les programmes officiels, des guides d'évaluation nationales, internationales. Je me suis aidé d'un assistant artificiel bien connu pour aller voir un petit peu tout ce qu'il disait autour de cette question de la lecture, dans le sens de cet épisode, de lire des textes. Alors, il y a différents synonymes, on va dire compréhension de l'écrit, compétence langagière, compétence en lecture, l'étrisme même, que moi, j'avais jamais entendu. qui se trouve dans le test de positionnement en CAP, et évidemment ce fameux littératie, qui est issu du terme littératie anglais avec le CY à la fin, et parfois même alphabétisme. Donc vous voyez qu'en termes sémantiques, on a le choix. Nous, on va aller en tout cas en partie du côté de la littératie. Il y a même l'UNICEF qui parle de littératie fonctionnelle, pour lire les capacités de lecture, on va dire d'écriture, pour le fonctionnement efficace. dans la vie en société. Mais en tout cas, je suis allé voir du côté de définitions que je pouvais trouver explicites pour nous. Je suis allé voir du côté de l'étude PEARLS, Progress in International Reading Literacy Study, Programme international de recherche en lecture scolaire. Et eux, ils définissent la littératie comme l'aptitude à comprendre et à utiliser les formes du langage écrit que requiert la société ou qui sont importantes pour l'individu. Donc j'aimerais bien vous interroger là-dessus avec ces deux dimensions Le plaisir de l'individu à lire d'un côté L'utilité sociale et la montée en compétence de l'autre Est-ce que vous y voyez une tension ? Une complémentarité ? Ou autre chose ? Quand on parle toujours bien sûr pour nous de lecture à l'école Peut-être Jean-Phi pour commencer ce coup-ci ?
- Speaker #2
Ouais, alors c'est vrai que quand tu le mets comme ça En fait moi j'ai... tendance à voir deux silos et donc je prends le mot silos à dessein c'est à dire que j'y vois ni tension ni complémentarité pardon j'y vois vraiment des choses enfin deux activités différentes c'est à dire alors c'est très vite dit c'est pas des mots qui viennent de la littérature c'est moi qui les appelle comme ça et voilà mais je pense que d'un côté il y a quelque chose que j'appellerais de la lecture un peu automatique c'est à dire tous ces moments où en fait tu tu penses pas au fait que tu lis, c'est-à-dire que l'étiquette d'un produit, quand tu fais une démarche administrative, ou peut-être même l'élève qui lit la consigne d'un exercice, tu vois, de maths ou de n'importe quoi, et je distinguerais ça de ce que j'appellerais plus une lecture contrôlée, c'est-à-dire toute activité qui va commencer par le fait de te dire, je vais lire quelque chose, je vais lire un roman, je vais lire une BD, ou je vais même lire un article de presse, mais qui n'est pas au service d'autre chose que de lire en fait. Et je pense que d'un côté comme de l'autre, il peut y avoir plaisir et déplaisir. Et comme je te dis, moi je pense que tu... Je vois vraiment ces deux activités comme séparées. Parce que d'un point de vue purement intellectuel, enfin je sais pas comment dire, alors le gros mot je pense que ce serait métaconnition, c'est-à-dire par rapport à ce que tu as conscience de faire, je pense que tu te mets pas du tout dans le même état de conscience si tu te dis... je vais lire ça parce que j'ai envie de comprendre ce qu'il y a dedans ou je lis ça parce que ça sert une autre démarche que je fais par ailleurs. Et je pense que tu ne te mets pas dans le même état d'esprit et moi, j'aurais envie de distinguer un peu ces deux types d'activités. Même si derrière, il y a du déchiffrage de l'écrit dans les deux.
- Speaker #0
Toi, tu les distingues, Fabien ? Tu les mets en tension ? Tu vois une autre lecture ?
- Speaker #1
Moi, je vais clairement botter en touche parce que je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir un peu plus tard. Par contre, ce que ça m'a évoqué et ce que m'évoque l'intervention de Jean-Phi, c'est qu'on se questionne sur la lecture et Jean-Phi, là, nous ramène sur le lecteur. Et je trouve que, tu vois, d'avoir ce glissement et de repositionner le lecteur au centre de la problématique, ça te fait un changement de focus qui est hyper intéressant. En potassant un petit peu pour le dossier de cette émission, je suis retombé sur des vieilles théories qui ont conditionné l'évolution de la didactique de la lecture, notamment la théorie de la réception, qui au bout d'un moment, c'est assez simple, je pense que nos poditeurs l'auront en tête, c'est le fait qu'à l'après-guerre, on s'est dit qu'on ne va pas considérer que l'important dans la littérature, c'est l'auteur ou le message que son œuvre véhicule, mais c'est d'abord la manière dont le récepteur, donc le lecteur, lectrice, fait vivre ce message-là. Et donc, ça a évolué dans les années 80. On a De Certo, qu'on cite souvent chez Nipédu, qui a parlé aussi de la lecture-braconnage. C'est comment chacun de nous va aller chercher les interstices que laisse l'auteur pour pouvoir être dans une démarche, on va dire, d'épanouissement, pour faire simple, créative, vraiment s'approprier le bouquin. Et je trouve que j'aime bien, et je me dis à quel point les professionnels de l'éducation et en premier lieu... les tenants de la didactique de la littérature pensent la posture du lecteur. Et je trouve que ça, la tension, je ne la mettrais pas entre ces deux conditions, Régis, dont tu parles, lecture-plaisir, utilité sociale, qui est mise en avant par la didactique de la lecture, mais dire à quel point aujourd'hui on met en tension lecture et lecteur à l'école.
- Speaker #2
Juste si je peux rajouter un tout petit truc, du coup, Red, je plussois complètement aux propos de Fabien, et puis surtout, moi, j'y vois du coup une mise en avant d'un lecteur... constructiviste, tu vois, au sens premier du terme. C'est-à-dire qu'en gros, on n'est plus... Enfin, il me semble qu'on n'est pas dans cette posture de dire il faut accéder à un produit culturel dans lequel on doit voir si ça, ça, ça, ça, et c'est ça qu'on doit checker. Mais tu lis quelque chose et tu te l'appropries et tu construis toi ce que tu veux comme compréhension. Et ça, je vais complètement dans le sens de ce que dit Fabien.
- Speaker #0
Dans ce que vous dites, encore, faut-il lire ? Et maintenant qu'on sait un peu mieux de quoi on parle, on va se demander est-ce que c'est vrai, comme le demande Fabrice, que les élèves, les enfants, les ados ne lisent plus. Alors je suis allé voir du côté du... d'une étude du CNL, le Centre National du Livre, l'étude 2024, les jeunes français et la lecture. L'idée de cette étude, pour vous donner un petit peu les tenants, c'est comprendre et identifier les pratiques, les leviers et les freins en matière de lecture chez les jeunes de 7 à 19 ans. Donc on voit de quoi on parle, avec l'objectif de mesurer les perceptions et les pratiques des français en matière de lecture, de comprendre surtout ce qui les incite, ou pas au contraire, à lire des livres. C'est ça que j'ai trouvé intéressant et que j'ai mis en garde. On parle bien de lire des livres. On voit bien ce que ça veut dire et on va y revenir. Donc cette étude, elle dit, oui, clairement, les jeunes lisent moins de livres. Et pour vous donner un chiffre, 84% des jeunes lisent pour l'école leurs études ou leur travail. On retrouve ce que nous dit Fabrice. Moins 2 points par rapport à 2022, voilà. 81% des jeunes de 16 à 19 sont des lecteurs. Ça baisse un petit peu de 2 points par rapport à 2022. Et 16% ne lisent pas. Pas du tout pour les loisirs. Même 19% chez les 16-19 ans. On retrouve encore là les enfants de Fabrice, mais j'ai envie de dire même un peu les miens. Alors la question c'est, pourquoi, comment ? Alors au-delà de ce chiffre un peu global, j'aimerais bien vos réactions sur cette baisse, à l'aune peut-être de ce qui vous surprend le plus, en bien ou en mal, parmi les chiffres qu'il y a dans cette étude. Qu'on vous mettra par ailleurs, comme toujours, dans les notes de l'émission, si vous voulez avoir tous les chiffres. C'est hyper intéressant à regarder de près. Je sais pas, plutôt du côté de Fabien ?
- Speaker #1
Moi, je veux bien y aller... Et je pense que Jean-Phi ira dans mon sens ou pas, mais c'est vraiment une étude à charge. Et je trouve que l'infographie, elle est pire que tout. J'ai relevé dans le wording des choses extrêmement tendancieuses et vraiment à charge contre ce public de jeunes lecteurs. Jean-Phi, je te laisserai apporter peut-être une dimension, une précision ou un scepticisme méthodologique. Mais bon, en tout cas, moi, dans le wording et la restitution, je me suis dit qu'on avait vraiment envie de taper sur les mômes. Et si, Régis, moi, je devais relever un point plus saillant, c'est vraiment l'obsession d'une espèce de lecture canonique, de linéarité, j'ai mis, et une image du lecteur idéal. C'est-à-dire que c'est comme si on partait dans cette étude d'un lecteur idéal et qu'on disait, voilà, on est tous d'accord que lire, c'est ça. Et voilà la réalité de ce qui est donné aujourd'hui. Donc, attends, je n'ai pas l'infographie sous les yeux, mais on pourrait l'évoquer. Tu vois, ah ouais, par exemple, si je devais me concentrer sur... Et ! Et près, et près, et j'aime bien le et tout est dans le et et près d'un sur deux, donc d'un jeune sur deux, fait autre chose pendant ses lectures, tu vois, ça veut dire vraiment en mode non mais vous vous rendez compte, on a un mimuche de ce qu'ils font les jeunes quand ils… Et du coup, j'ai repensé à quelqu'un qu'on cite beaucoup dans cette émission, mais comment ne pas parler de lui aujourd'hui, c'est Yann Oury, puisqu'il, notamment, il va mettre la saison 2 de son podcast Itinéraire d'un lecteur gâté en ligne. Et où il nous explique que lui, il a transformé son iPad en machine à lire, notamment parce que ça te permet d'enrichir ton expérience de lecture. C'est-à-dire que tu peux lire le bouquin, mais à un moment, mettre pause, aller chercher, tu vois, de l'hypertexte, de l'information hypertextuelle, un truc que tu peux faire déjà avec une Kindle, mais tu le fais beaucoup mieux avec un iPad, machin. Et en fait, je me suis dit, ils sont tellement dans une vision rigide du livre, de la lecture, du lecteur, que voilà, moi, j'ai eu l'impression de lire cette étude, et pour de vrai... L'analyse critique, on la doit d'abord à Linguisticae, l'influenceur qui nous parle, le monde des lettres et de la lecture. On vous mettra les liens de la vidéo dans les notes de l'émission. Mais franchement, moi, je me suis dit, j'ai du mal à apporter du crédit, en plus, à cette étude qui vient d'une corporation du livre. Donc, voilà.
- Speaker #0
On sait qui parle, et il parle bien de lire des livres, ce que tu as dit. Je te laisse rebondir pour le coup, Jean-Phi.
- Speaker #2
Ouais, ouais. Alors du coup, la question que tu nous as posée, c'est de nous arrêter sur un chiffre. Et moi, je me suis arrêté sur un chiffre duquel je tire exactement la même analyse que Fabien. Donc le livre, c'est 42% des jeunes ont déjà lu un livre audio. Et l'entête au-dessus, c'est marqué, alors j'insiste sur le et aussi, c'est marqué et les livres audio gagnent du terrain Sous-entendu, donc les jeunes lisent de moins en moins. Bon, déjà, c'est 42% des jeunes ont déjà lu ou écouté un. Livre audio. Donc déjà, on essaye de nous faire d'un coup une pratique qui se démocratise. Bon alors du coup, moi là, déjà, ça m'irrise un peu. Et puis surtout, là où ça m'interroge, c'est après dans la manière dont est utilisée cette étude, parce que Fabien leur citera, mais cette étude, elle a été évoquée au Parlement. Elle a fait l'objet d'une question au gouvernement. Et puis, dans la manière dont ça a été utilisé, c'était vraiment... de dire cette étude montre que les élèves n'accèdent plus au contenu Et là, typiquement, pour moi, il y a une contradiction, c'est-à-dire de dire c'est quoi le plus important ? C'est que les élèves lisent ou c'est qu'ils accèdent au contenu ? Parce qu'au bout du compte, s'ils écoutent, j'en sais rien moi, s'ils écoutent Rabelais en livre audio, lu en plus par un super acteur quelque part, ça se trouve, c'est génial, ils sont contents de leur expérience, ils accèdent au contenu. Et est-ce que le problème, c'est fondamentalement le fait de lire des livres ? Non. Donc, déjà, un, très clairement, l'étude est à charge. Deux, on l'utilise pour lui faire dire des choses où j'ai l'impression qu'il y a une contradiction. Donc, c'est vrai que, moi, j'avoue, je suis un petit peu embêté par cette étude. Il y a des choses... Puis même, après, comme le disait Fabien aussi, statistiquement, rien que dans les chiffres que tu donnes avec les plus ou moins 2% d'évolution sur deux ans, sur un chiffre qui est de 84%, tu peux te dire, enfin bon, de là à dire que c'est une baisse dramatique. Enfin, voilà. Bref, il y a un peu tout ça. Donc, on va le vivre.
- Speaker #0
Encore une fois, on sait bien qu'il parle le Centre National du Livre et l'idée, c'est de vendre des livres. Et la lecture, comme le dit Fabien, canonique, c'est de dire l'image d'Epinal, c'est je suis dans mon fauteuil avec un livre en papier, avec mon marque-page. Et je suis dans un temps suspendu, cette espèce de vision canonique. Je ne sais pas comment le dire autrement. Ce qui est intéressant, par contre, je trouve, c'est qu'ils identifient, alors peut-être dans l'idée d'autres marchés, forcément. sur ces autres types de lecture lecture audio livre audio livre numérique etc et pour rebondir sur le point de fabien que les élèves ferait autre chose ou préfère faire autre chose et on en revient encore à l'idée de fabrice d'être sur les écrans Souvent pour lire aussi, il n'y a pas que des vidéos, il y a beaucoup de lectures de ce type-là, ce qui me permet de rebondir sur un petit point avant de vous redonner la parole, dans cette fameuse étude Peerles, que moi je n'avais pas suivie depuis longtemps, j'ai vu qu'il y a ePeerles aussi, avec un petit e, qui est sur cette fameuse lecture numérique. Donc c'est intéressant aussi d'aller voir de ce côté-là et peut-être de se demander qu'est-ce qu'on fait de ce côté-là à l'école ? C'est-à-dire, moi je n'ai pas souvenir, mais c'est la génération d'avant, mais même pour mes enfants de... apprendre à lire un site web, apprendre à lire un forum, apprendre comment se repérer sur un blog, c'est aussi une forme de lecture à part entière. Pour finir, peut-être les garçons, rebondir sur ça ou pas, mais aussi en termes de réponse un petit peu à la question de Fabrice, est-ce que d'après vous, la situation serait si grave ? qu'il faut sauver cette lecture. Est-ce que c'est une crise ? Est-ce qu'elle est passagère ? Est-ce que c'est une éternelle rengaine générationnelle de Oh, les jeunes, c'est plus ce que c'était Une évolution inéluctable, je ne sais pas. Qu'est-ce que vous en pensez de votre côté ? Jean-Phi.
- Speaker #2
Alors déjà, pour être tout à fait... Je reviens sur ton 84% tout à l'heure. En vrai, si moi, on m'avait posé la question, je pensais que les chiffres seraient bien pires. C'est-à-dire que moi, je me représenterais les choses, mais déjà à mon époque. C'est-à-dire que si je fais l'analyse... de mes potes, alors bien évidemment, c'est un milieu socio-culturel particulier, etc., c'est tout ce que tu veux, mais franchement, on était une large majorité à pas lire les œuvres qu'on nous filait à lire au lycée, tu vois, et vraiment une majorité, donc là, quand je vois qu'il y a 80% des jeunes qui se déclarent lecteurs, je me dis, c'est plutôt une bonne nouvelle, quoi. Bref, donc déjà, il y a ça, donc le constat de la crise, j'ai du mal à le partager, bon, après, il y a des... voilà. Mais surtout, moi, le truc qui me pose... plus problème finalement, c'est pas le fait qu'on lise ou qu'on lise pas, c'est comment on accède, enfin, de quelle manière on accède à l'information, c'est-à-dire comment on la traite, comment on la ressent, comment on la construit, qu'on la lise, qu'on l'écoute, qu'on la regarde, en fait, et là, c'est plus là que pour moi il y a un problème, alors ce débat, ces échanges, on en a déjà parlé dans plusieurs émissions, notamment on avait une émission dans la saison 9 qui s'appelait Restez Soft, où on parlait des soft skills et de l'esprit critique, etc. Pour moi, le vrai problème aujourd'hui avec les réseaux sociaux, il est plutôt là. elle est là la crise, elle est dans le traitement de l'information et qu'on la lise ou qu'on l'écoute ou qu'on la regarde à nouveau, moi je suis pas sûr que ce soit de ça qu'il faille qu'on fasse un vrai problème, je pense qu'il faut vraiment plutôt qu'on, comme tu le disais en fait Régis qu'on trouve des solutions pour aider nos jeunes à traiter l'information, qu'elle découle d'un blog ou de quoi que ce soit, plutôt que de s'attacher à cette image d'épinal que Fabien citait tout à l'heure, ou toi Régis, de quelqu'un qui est assis dans un fauteuil avec un livre en papier, je pense que le problème il est pas là. à mon avis.
- Speaker #0
Fabien, toi tu fais un sort à la lecture ou pas ?
- Speaker #1
Non, pas du tout. Moi je vais pas du tout me ranger parmi les ombres de l'armée des âmes chagrines. Et j'ai plutôt pas mal d'espoir pour la lecture, notamment parce que cette lecture, elle a évolué, ça devient... Enfin c'est hyper fascinant comme activité intellectuelle. Et puis... Et puis je trouve, franchement, je voudrais faire un énorme big up aux profs de français qui, dans ce que je vois notamment et dans ce qu'ils donnent à voir sur les réseaux, mais pas que quand on rencontre des profs de français, qu'on va à des événements, j'ai toujours trouvé que c'était des collègues qui étaient hyper créatifs, qui étaient la plupart du temps inscrits dans leur époque. Et puis, voilà, une petite pensée aussi. pour Dominique Bernard, puisqu'on a célébré le premier anniversaire. Non, on n'a pas du tout célébré, on a commémoré le premier anniversaire de son assassinat cette année. Et voilà, vous avez certainement comme moi entendu pourquoi son assassin s'en est pris à lui, c'est parce qu'il était prof de français. Et voilà, je trouve que c'était mon moment big up pour les profs de français, donc je ne suis absolument pas du tout pessimiste. Ni pour la lecture, ni pour les lecteurs, ni pour la langue en général telle qu'elle est enseignée à l'école aujourd'hui.
- Speaker #0
Bon, derrière ça, que dire d'autre que longue vie à la lecture sous quelque forme que ce soit. Pas forcément le bon vieux livre, quoique on ne sait pas avec des retours en force parfois. Et on a envie surtout de demander à vous qui écoutez Nipédu, est-ce que vous savez que vous pouvez aussi nous lire tous les mois dans les cahiers pédagogiques ? sur le site si vous aimez les versions numériques, mais aussi dans la revue papier. Je la trouve tellement belle cette revue papier, donc n'hésitez pas à vous abonner. Allez, on continue d'explorer la lecture sous toutes ses coutures avec la chronique de Nipédu, où Jean-Phi nous explique que...
- Speaker #2
La chronique de Nipédu. Lecture et école, même combat. Ok les garçons, alors lorsque l'on évoque la lecture à l'école, la première chose qui me vient à l'esprit c'est la manière dont, tout en ayant été je crois un élève assez scolaire et discipliné, cela a vraiment fait partie des activités pour lesquelles j'ai joué de toute l'ingéniosité dont j'étais capable pour l'éviter. Rétrospectivement, je blâme la distance que je ressentais avec les textes qui m'étaient proposés. Ceux-ci, comme à beaucoup d'autres j'imagine, me paraissaient tellement poussiéreux, déconnectés de ce qui m'intéressait. En fait, il n'y a pas à airgoter mes premières lectures. Assidu date de mon entrée à l'université. Indépendamment des livres en tant que tels,
- Speaker #0
Enfin, je me retrouvais à écouter des personnes me parlant de sujets que j'avais choisi, moi et moi seul, et non issus de prescriptions quelconques. En fait, pour le parallèle insolite, il en a été de mon coup de foudre pour la lecture et les études, comme de mon divorce avec la radio ou la télé, avant l'avènement des podcasts et du streaming. Je n'aime pas, et je n'ai jamais aimé, que l'on choisisse pour moi ce que je dois lire ou écouter. Et pourtant, tout aussi rétrospectivement, ce parcours n'est pas sans inspirer une certaine forme de regret. Mais peu importe. Gardons de cet ado le cadre depuis lequel je vous parle et demandons à l'adulte que je suis désormais, enfin je crois, aux parents et même peut-être encore plus aux professionnels de l'éducation ce que je pense de la relation des élèves à la lecture et de tout ce que l'on nous en dit. Déjà, je dirais que le constat de notre classe politique et des rapports qu'elle invoque sentent à mon nez délicat encore plus rance que les livres que je n'ai pas voulu me cogner au lycée. C'est la même rengaine générationnelle que l'on lit ou entend depuis Aristote. Ah quand même les jeunes de nos jours ! Si si, depuis Aristote, vraiment, je vous jure. Or, dans le cas de la lecture, et comme le rappelle si bien le vidéaste Linguisticae que Fabien a déjà cité tout à l'heure, on n'a jamais autant lu qu'aujourd'hui. Alors, bien sûr, on ne lit pas beaucoup de la Boétie, Zola ou le dernier traité d'économie sociale mais on lit un peu plus TikTok et autres Facebook ou des news pas toujours très très bien fact-checkées. Mais un peu de perspective va nous faire beaucoup de bien. Pour ce faire, je me tourne vers les travaux de Bernard Lahir, sociologue de la lecture. Depuis aussi loin que l'on dispose de données statistiques sur la lecture, bon d'accord les années 70 ne sont pas très très loin, mais ce n'en était pas moins bien avant l'avènement du numérique, et bien les conclusions sont les mêmes. On ne peut pas faire de constat sur la lecture sans préciser de quelle lecture on parle et ce dans quel contexte et surtout pour quelle fin. En fait, on sait donc depuis déjà un moment que les pratiques de lecture diffèrent grandement au sein de la population française. et en l'occurrence en quotité, mais aussi en type de lecture et ce, en fonction de codes et de milieux socioculturels. Pour le dire schématiquement, si vous êtes par exemple universitaire, oui, vous allez plus lire que si vous êtes par exemple chef de petite ou moyenne entreprise. Que cela soit dans le cadre de votre profession, mais aussi sur votre temps libre. Et surtout, dans les deux cas, vous ne vous dirigerez pas vers les mêmes lectures. D'un côté, vous vous approprierez des... textes à la recherche de propos théoriques, réflexifs, esthétiques ou que sais-je encore. Alors que de l'autre côté, peut-être lirez-vous des textes à visée bien plus pratique. Pas parce que les uns sont plus intelligents que les autres, loin s'en faut, mais parce que de la même manière que l'on tend à prendre les idées, les habitudes, les gestes, les habits, bref les pratiques de ses semblables ou de sa communauté, eh bien il va en être de même de ses pratiques de lecture. Et si l'on décale ce paradigme aux jeunes comme celui que j'ai été, alors en effet... on peut certainement envisager qu'il est somme toute assez logique qu'il cherche à lire ce qu'il parle d'elle et eux. En fait, c'est ce que tout le monde fait. Et on ne le fait pas plus aujourd'hui qu'hier, et ce, quel que soit l'âge des personnes auxquelles vous vous intéressez. Alors, finissons-en avec ce faux péril jeune qui n'est qu'une arme politique grossière. Le problème n'est pas générationnel, il est socioculturel, et donc, ben oui, scolaire. J'ouvre les guillemets et je laisse la parole à Régis pour citer directement le professeur Lahir.
- Speaker #1
La connaissance par l'ensemble des enseignants de l'existence de goûts et d'investissements spécifiques en matière de lecture dans des milieux sociaux à faible niveau de diplôme peut constituer un pas vers une meilleure articulation de ces goûts et dispositions préalables et des dispositifs pédagogiques.
- Speaker #0
Bien évidemment, on ne peut nier à certains objets culturels de faire partie du sel d'une histoire, d'une culture, bref d'une société. Et Bernard Lahir, par ses propos, ne défend aucunement d'abandonner ses œuvres, mais au contraire d'entendre qu'on ne pourra pas y faire rentrer tous les élèves par la même porte. Ces propos datent de 1993, 30 ans qu'on nous le dit. Et si on ajoute à cela les études PISA, ou encore la sociologie de l'éducation dans son ensemble, alors il nous faut étendre ce constat. Il en est de la lecture, comme du reste de l'école. Les inégalités sociales sont depuis longtemps bien trop importantes pour qu'une école au traitement égalitaire porte ses élèves vers le même accès au savoir. Et cela, pour le coup, ça fait... plus de 50 ans qu'on nous le dit, 50 ans que l'on s'obstine pourtant à nous faire croire qu'avoir des objectifs communs pour nos élèves signifie nécessairement leur faire emprunter le même chemin. Alors si, et je dis bien si, notre souhait était effectivement de modifier les pratiques de lecture de nos jeunes, pour ma part, voici les questions que cela m'inspirerait. A quand les moyens pour des pédagogies différenciées, ambitieuses, sans aucun compromis sur les outils de pensée qu'une école est censée fournir à tous ses citoyens et toutes ses citoyennes, en un mot, à quand le terme d'équité en lieu et place de celui d'égalité sur les frontons de nos écoles.
- Speaker #1
Waouh, Jean-Phil, je crois que les enseignants qui nous écoutent étaient comme nous, suspendus à tes lèvres, donc moi je te suis pour des moyens ambitieux. Et en attendant que ça arrive, on l'espère, on croise les doigts, on file vers le troisième volet d'exploration de la lecture, avec notre FAQ de la rédac, où Fabien nous raconte La S.A.Q.
- Speaker #0
de la Réda.
- Speaker #2
La fable de l'écureuil et du wombat.
- Speaker #1
Moi ça me fait marrer, l'écureuil et le wombat. Bon, je veux bien voir où tu vas nous emmener Fabien, avec ces petits animaux.
- Speaker #2
Pour le savoir Régis, il faudra rester jusqu'à la fin de cette rubrique. Mais en attendant, moi je préfère donner la parole au petit Gabriel.
- Speaker #1
Je le redis ici en tant que Premier ministre,
- Speaker #0
je ne veux pas d'un pays où TikTok remplace les romans,
- Speaker #1
où les influenceurs remplacent les grands auteurs.
- Speaker #2
Alors je crois qu'on a déjà pas mal déblayé la question, les garçons, lors de la FAQ et des poditeurs. Donc ça, c'est une intervention, tu le disais, Jean-Phil, de Gabriel Attal, vous l'aurez reconnu, à l'Assemblée nationale, question au gouvernement, on est quelque part début avril 2024. Et en gros, le sous-texte de cette intervention, c'est qu'aujourd'hui, se substituerait à la fréquentation des romans et des grands auteurs. la fréquentation de TikTok et des influenceurs et que les jeunes y perdraient ? Et moi, ma première question, je me suis dit oui, mais ils y perdraient quoi, en fin de compte ? Alors, le plus simple, je me suis dit, c'est encore de vous poser à vous deux la question. Qu'est-ce que, d'après vous, la fréquentation des romans et des grands auteurs apporte, disons, chez un élève de 15 ans qui prépare son diplôme national du brevet ? Ici, en France, c'est le diplôme de fin de collège. Que n'apporterait pas TikTok ?
- Speaker #1
et ses influenceurs régie ça les vases et je te sens chaud écoute ça pose encore une fois il l'a dit jean-philippe de manière différente dont plusieurs interventions de pourquoi on lit et de pour qui on lit mais si je prends le tac ta question de pourquoi on lit si c'est pour le dnb et pour le bac bon bah on a tous fait un petit peu pareil moi mes enfants m'ont Fils malheureusement très très peu lecteur, il a décroché son bac en allant voir des résumés des livres sur YouTube, en regardant les films ou les séries basées sur certains livres à lire. Et derrière l'idéal du prof de français ou de littérature de lire pour lire et de s'accrocher à la lecture et de trouver des référents pour soi-même et de se reconnaître, effectivement si le but c'est de décrocher un diplôme ou d'avoir des bonnes notes, peut-être que d'un côté efficacité et productivité de l'élève. Toutes ces approches différentes permettent même peut-être d'être plus efficaces. Et puis c'est tout. Voilà où j'en suis pour le moment dans ma réflexion.
- Speaker #2
Jean-Philippe, ton côté ?
- Speaker #0
Oui, alors si je prends ta question telle que tu la formules vraiment au premier degré, qu'est-ce qui perdrait ? Moi, je vois bien ce qu'on peut perdre. Et puis en fait, pour être tout à fait sincère, moi je pense que c'est des choses auxquelles moi-même... Je ne sais plus comment dire cette phrase, mais moi aussi je suis passé à côté de choses. J'ai perdu des choses en ne lisant pas certains livres. Alors je dirais très rapidement deux choses. Déjà, tu perds les aspects artistiques, esthétiques, techniques, parce qu'il y a des auteurs qui ont révolutionné l'écrit, ce qu'on a le droit de dire à l'écrit, comment on le dit à l'écrit. Et puis tu perds aussi, mine de rien, des œuvres, comme je le disais très rapidement dans ma chronique, qui nous apprennent des choses sur l'histoire de notre pays, d'où vient notre pays, qu'est-ce qu'on avait le droit de dire. pas de dire à une époque, etc. Donc, je ne doute pas du fait que de se priver des œuvres, on pourrait se priver de certaines choses. Mais par contre, pour aussi être cohérent avec ce que je disais un peu plus tôt, peut-être qu'on peut y accéder par d'autres biais que le livre papier. Mais voilà. En tout cas, si tu poses la question telle que tu la poses, je dirais qu'on peut perdre un aspect artistique et un aspect de contenu qui fait celle dans la société.
- Speaker #2
En tout cas, c'est intéressant de vous entendre sur ce point parce que je me suis livré moi-même de mon côté à cette expérience. Je me souviens très bien de mon bac français. J'avais à commenter un extrait du jeu du hasard et de l'amour de Marivaux. J'avais pas du tout aimé Marivaux et quand j'en parlais avec ma femme, ma femme elle me dit mais Marivaux c'est génial, t'es vraiment passé à côté de quelque chose. Donc premier point, tu te dis mince. Du coup... J'aime pas Marivaux alors que ma femme, qui est quelqu'un de bien je crois, me dit que Marivaux, c'est un auteur qui est bien. Donc je me suis dit, je me suis livré à un truc, je suis allé chercher plein plein plein de ressources autour du jeu, du hasard et de l'amour de Marivaux. Mais j'ai pas lu le bouquin, les garçons, j'aurais pu le faire. Donc je suis tombé par exemple sur Mounir Fatala, qui est un youtuber et qui explique très très bien les oeuvres, qui rentre dans le détail. J'ai posé aussi des questions à chat de GPT, et puis je suis allé lire l'article Wikipédia. Et toutes ces informations, j'en lis du fait le didacticien de la littérature, dont je me suis largement inspiré pour les questions de cette chronique. Lui, il parle de littérature, de lecture littérature référentielle, c'est ce que vous dites l'un et l'autre. Mais je les ai toutes eues, les informations, les garçons, sans jamais lire le bouquin. Et je vous assure que le Mounir Fatala, il est super sympa à écouter sur son... sa petite capsule de 5 minutes, qu'en maîtrisant suffisamment bien ChatGPT, j'ai pu aller aussi loin que je voulais dans la dimension analytique de la lecture, et que ces références culturelles, ce réseau de références, moi je pense que c'est ok. Donc c'est certainement pas à côté de ça que je suis passé. en allant voir des influenceurs sur YouTube plutôt qu'en lisant Marivo.
- Speaker #1
Moi, je veux bien rebondir avec ton exemple. Les deux choses que tu dis, c'est-à-dire que ta femme ait adoré Marivo, toi, tu penses être passé à côté, et que d'un autre côté, en allant chercher sur Wikipédia ou chez un influenceur, tu as les éléments essentiels, mais tu n'as pas ce lien, quoi. Tu n'as pas ce truc qui te touche et qui te dit... Vous voyez le côté intime dans l'universel, où tu dis... à l'accroche d'une petite phrase ou d'une façon d'écrire, comme le disait Jean-Phil, les aspects artistiques, qui te touchent, qui t'accrochent et qui font que justement tu ancres toutes ces connaissances un peu froides, que tu les rattaches à quelque chose. Et c'est forcément ça qui manque dans cette approche, on va dire juste de... Je trouve pas mon mot, de... de conseils de lecture que tu peux trouver chez un influenceur ou dans un anabac ou ce genre de choses.
- Speaker #2
Jean-Phi ?
- Speaker #0
J'ajouterais que j'ai l'impression que c'est un peu comme si tu disais qu'à te raconter un film, tu pourrais avoir la même expérience que si tu le regardes. C'est-à-dire que je pense que quand tu es dans une relation directe à l'œuvre, qu'elle soit pour le coup à nouveau audiovisuelle ou écrite, Je pense que tu as un investissement émotionnel du fait de ton immersion dans l'œuvre, qui, je pense, peut être différente que quand tu vas à la recherche des informations que tu peux avoir par des billets tiers, je pense.
- Speaker #1
Je rebondis juste en une phrase, parce que, sur ce que j'ai dit, il faut voir aussi que tous ces tiktokers, ces youtubeurs qui animent des clubs de lecture, ils donnent envie de lire parce qu'ils expliquent aussi leur investissement émotionnel et comment les livres les ont bouleversés. C'est ça aussi qui accroche les nouveaux lecteurs.
- Speaker #2
L'émotion par procuration, c'est à la fois jolie et d'une tristesse affligeante. Dans le papier de Dufay dont je vous parlais, moi j'ai adoré ce papier. Alors Régis, toi tu disais que tu le trouvais d'une grande complexité, moi qui ai toujours l'impression d'être le neuneu du trio, j'ai un peu fanfaronné quand tu l'as dit parce que moi je l'ai bien compris et j'ai découvert cet univers de la didactique, de la littérature que je trouve passionnante, qui d'ailleurs semble beaucoup plus développé chez nos amis belges et... québécois que chez nous. Je trouve que c'est très intéressant de savoir qu'en France, on est les parents pauvres de cette discipline-là. Ça m'intéresse de ouf. Et puis, j'aime bien ce papier parce qu'il est pratico-pratique aussi dans le sens où il est parti examiner, M. Dufay, la différence de mise en œuvre des prescriptions de la didactique de la littérature à la fin des années 90 avec, ça va être un peu compliqué, la mise en œuvre de la pédagogie par compétence et de l'évaluation par compétence dans les différents systèmes éducatifs belges. Ok, d'accord. Et en fait,
- Speaker #1
je vous ai dit que c'était compliqué.
- Speaker #2
Ouais, ouais, pardon, pardon. Et là, il fait une comparaison et je trouve que c'est vraiment sympa. Je vous invite à... Enfin, je vous invite à aller voir le papier. C'est impressionnant de voir comment chaque secteur de l'éducation en Belgique a interprété la mise en œuvre par compétence de la didactique de la littérature. Mais... En gros, il ressort un truc, c'est que la littérature, c'est complexe. Donc, l'acquisition ne peut se faire qu'à travers des tâches complexes en littérature qui va permettre à l'élève d'accéder à ce que vous disiez, c'est-à-dire une dimension plutôt épanouissement personnel, une dimension utilité sociale, pour le dire simplement. Et pour synthétiser tout ça, j'en fis pourquoi pas cette dimension émotionnelle. Moi, je me disais, si on prend tout ça et que je revenais vers vous, les pédagogues que vous êtes, je me demande, j'aimerais vous demander Pour vous, aujourd'hui, c'est quoi les do et les dontes de l'enseignement de la littérature, qu'elles se fassent dans la perspective d'une pédagogie complexe et d'une pédagogie par compétence, mais en tout cas qui permettrait de réunir et de réconcilier ces trois dimensions et ces trois vocations de la littérature en milieu scolaire ? Tout à l'heure, j'ai commencé par réger six points de son copain. Bon, alors, Jean-Phi, il faut que tu commences.
- Speaker #0
Ouais, OK. En fait, moi, je pense que je vais dire quelque chose qui s'applique, quelle que soit la discipline que tu enseignes. Et puis surtout, je crois que je vais dire quelque chose qui est vraiment en pleine cohérence avec ce que j'ai compris des propos de Bernard Lahir que j'ai cité dans ma chronique. C'est que, un, je pense que dans les doux, il faut bien, en tant qu'enseignant, il faut très bien connaître les œuvres qu'on enseigne, c'est-à-dire à la fois dans le fond et puis bien aussi ce qu'on en dit. Et surtout, il faut bien connaître ses élèves, en fait. Et je pense que... Il y a un travail, à mon avis, mais je vais peut-être dire d'ailleurs des poncifs pour les enseignants de français et les enseignantes de français, je m'en excuse, mais j'imagine qu'il y a une partie de leur travail qui consiste à essayer de trouver un moyen de faire résonner les œuvres qu'on leur donne avec leurs élèves. Notamment, on sait que l'adolescence, là, c'est pas moi qui le dis, c'est toutes les recherches en neurosciences et en psychologie cognitive, c'est la période des transgressions. Donc j'imagine que de réussir à montrer que même dans des oeuvres qui, comme je le disais pour moi à mon époque, sentaient la poussière et le vieux et le classique, en fait de la transgression il y en a toujours eu, et surtout dans les oeuvres littéraires je pense. Donc faire résonner les oeuvres et leur contenu avec ce que vivent, ce que sont les élèves qu'on a en face de nous, et donc on ne les fera pas résonner, on ne les fera pas vivre de la même manière en fonction de... des coins où on va enseigner, pour moi c'est une certitude. Et pour moi, le gros doux de l'enseignement de la littérature, je le vois là. Je le vois là.
- Speaker #2
Ok, le doux, D-O, bien sûr. Régis, de ton côté ?
- Speaker #1
Chose à faire derrière doux, effectivement. Mais je rebondis sur ce qu'a dit Jean-Phil, c'est effectivement connaître les lecteurs, et du coup, laisser un choix, et encore une fois, alors il y a des poncifs derrière ce que je vais dire aussi, mais voilà, donner la liberté de choix dans le parcours de lecture, donner le choix dans les œuvres à lire, ce qui n'est pas facile, puisqu'on demande de faire culture commune, d'une génération, d'une société. Voilà, moi j'aurais adoré... Je vous le disais tout à l'heure, je faisais feu de tout bois. J'étais pas joyeux quand on m'a dit qu'il fallait lire Le Père Goriot. Mais j'ai trouvé des trucs extraordinaires. En parallèle, moi je lisais plutôt du Kafka et je me disais, pourquoi on lit pas ça à l'école ? Ça parlerait tellement. Tu parlais de transgression, de ces éléments qu'on a en tête et qu'on croit vivre dans notre corps à ces époques-là. Donc il y a forcément des... Des ponts à faire pour mieux connaître ses lecteurs, mais encore une fois, c'est pas facile. Et on en parlait tout à l'heure avec cette étude du CNL, c'est varier les supports. Et tu l'as dit, Fabien, c'est ce que font pas mal de profs aussi, mais voilà, qui dit lecture, dit pas forcément encore une fois, ce livre, on écoute des extraits, c'est le prof qui nous en lit parce qu'il est passionné, il fait passer sa passion derrière ça, il y a des extraits numériques, etc. Et un autre point derrière les douze, c'est laisser plus de place aux lectures plaisir. Mais encore une fois, ça règle pas le problème de ceux qui n'aiment pas lire. ce côté-là. Et peut-être derrière les dons, j'en mets un et je te laisse rebondir Fabien pour nous amener plus loin, c'est pas trop tôt d'activités de surinterprétation. Moi j'ai souvenir de mon fils qui me disait derrière les interprétations d'œuvres littéraires, à un moment il me dit lui qui avait beaucoup d'aplomb, il dit avec un peu de mauvaise foi et d'aplomb, je peux dire tout et n'importe quoi sur une œuvre et ça rentre. Donc c'est vrai que parfois, ces activités un peu complexes de lecture, elles pourraient être contre-productives sur certains publics.
- Speaker #2
Je pense que l'un et l'autre, vous m'avez vraiment dressé un pont pour aller vers la dernière question, ou en tout cas le dernier point sur lequel je voulais attirer votre attention. C'est vrai que c'était bizarre ce titre de la fable de l'écureuil et du wombat, mais c'est maintenant qu'on va l'expliquer. Pourquoi l'écureuil et le wombat ? Parce qu'on en parle dans le troisième épisode d'un podcast que j'ai écouté la semaine dernière, d'une série de podcasts qui s'appelle Taylor Swift, Le Monde, Ma Fille. Et moi, voilà, c'est le road trip d'un papa et de sa fille de 13 ans sur les pas de Taylor Swift. Et une des étapes, c'est l'université prestigieuse de Harvard dans laquelle, devinez quoi, dans la section, dans le département littérature moderne, il y a un cours de Taylor Swift. Et du coup...
- Speaker #1
Sur Taylor Swift.
- Speaker #2
Merci. Il y a un cours sur Taylor Swift qui est donné par une professeure des universités, puis par un chargé de TD. Et c'est le chargé de TD qui... qui dresse l'analogie avec les écureuils et les wombats. En gros, il dit qu'on sensibilise les enfants en bas âge sur l'existence du règne animal parce qu'il y a beaucoup d'écureuils aux Etats-Unis. Donc voilà, c'est sympa d'observer les animaux, on observe les écureuils dans un premier temps. Et pour lui, les écureuils sont pareils à ces phénomènes de la culture populaire qu'on voit partout. Et nous, on pourrait parler des influenceurs. Et le wombat, il n'y en a qu'en Australie, il n'y en a pas aux Etats-Unis. Donc pour le voir, il faut aller dans un zoo. Et du coup, lui, il fait cette analogie en disant il faut d'abord éduquer à ce qui est le plus proche de la réalité des enfants, donc des élèves, les écureuils. Et une fois que les patterns sont créés, que les paradigmes, l'envie d'aller voir plus loin est là, on va au zoo et on va voir un wombat. Donc en gros, c'est un prêche pour l'utilisation des références et de la culture populaire pour amener... justement à la culture savante. Et je voulais savoir, vous les garçons, ce que vous pensez de cette démarche-là, notamment dans le cadre de l'accès aux grands classiques. Et là, c'est Jean-Philippe qui pointe Régis du doigt pour vous donner les offres de l'émission.
- Speaker #1
Ouais, ma première réaction, c'est ça ne peut pas faire de mal, quelle que soit l'approche finalement, qu'elle soit détournée, retournée, tordue. Donc, si ça peut amener à la lecture à plus ou moins long terme, dans tous les sens du terme encore une fois, enfin, Why not ? Derrière ça, il y a aussi la question, tu parles avec la fable de l'écureuil du Wombat, qui décide quelle est cette littérature noble, moins noble, populaire, moins populaire. Et puis ça varie forcément dans les époques. Puis j'en reviens à ce que je disais tout à l'heure, c'est surtout ce lien intime qu'on retrouve. Parfois, on lit un livre, on a envie de se dire que... Il n'est qu'à soi et on n'a pas envie de le partager. Et puis, il y a des grandes œuvres très populaires. Les Swifties, comme on les appelle, les fans de Taylor Swift, partagent une espèce de culture mondialisée commune. Mais pourquoi ce serait plus mal ?
- Speaker #2
Et je vous renvoie, avant de donner la parole à Jean-Phi, à notre émission sur la culture pop à l'école, dans laquelle on développe carrément tout ça. Jean-Phi, de ton côté, culture pop, pas culture pop pour l'accès aux classiques ?
- Speaker #0
Ouais, en fait, à la fois, je rejoins les propos de Régis sur le fait de... qui peut se prévaloir de la légitimité de dire ce qui est de la culture de l'homme ou pas de la culture noble. Par contre, en fait, je crois que ce que je questionne, c'est plus l'aspect du détour. J'ai une petite anecdote par rapport à ça. Fabien, pendant des mois, voire des années, nous a cité Nicolas Mathieu que je n'ai jamais lu. Et puis, enfin, que je n'avais jamais lu. Et puis, un jour, j'ai un collègue qui me dit, ah ouais, non, mais moi, Nicolas Mathieu, j'ai adoré. Pour moi, c'est le Zola du 21e siècle. Et puis, en fait, vu que je n'ai pas lu Zola, parce qu'à l'école j'ai tout fait pour ne pas lire Zola, je me suis senti un peu bête en fait. Je me suis dit, bon, il me manque quelque chose, et du coup je ne vois pas ce qu'il veut dire. Je ne comprends pas ce qu'il veut dire. J'ai lu Nicolas Mathieu, parce que ça faisait deux personnes en qui j'ai une grande confiance, et donc j'ai apprécié ce livre. Et donc on peut dire que je suis rentré, je pourrais rentrer dans Zola par cette référence à la culture populaire. Mais en fait, ce que j'ai envie de dire, c'est que, pour autant... Si là maintenant j'allais lire Zola, peut-être que je ne l'aurais jamais tant aimé que si j'y étais allé directement et que si j'avais trouvé ce que j'y aime sans faire de détour et sans qu'on me dise ça renvoie à ça. Pour le coup, dans ma carrière de lecteur, il y a des lectures un peu austères dans lesquelles je suis rentré directement et plutôt pour le coup dans le cadre de mon travail. Et le fait d'y avoir trouvé une satisfaction sans avoir fait de détour par la petite porte... En fait, je crois que ça a contribué à faire quand même que ma satisfaction soit encore plus grande que si j'étais rentré dans ces auteurs par des moyens détournés. Donc, à la fois, moi, je suis comme Régis, je n'ai absolument pas envie de jeter l'opprobre sur la culture populaire, mais en même temps, si je suis tout à fait sincère avec mon expérience, je crois qu'il y a certains livres que je n'ai jamais autant aimés parce que je les ai pris de front et que j'y suis allé de plein but.
- Speaker #2
Alors, il y aurait eu... tant d'autres choses à dire sur cet enseignement des classiques à l'école. Moi, je vous conseille véritablement, si vous aimez prendre les textes complexes de front, comme Jean-Phi, d'aller lire cet article de Jean-Louis Dufay, qu'on vous mettra bien sûr dans les notes de l'émission. Et puis, on s'achemine doucement vers la recode de la rédac, Régis.
- Speaker #1
Mais d'abord, on vous demande à vous, les poditeurs, est-ce que vous pensez que Marcel Proust irait à la recherche du temps perdu sur TikTok ? Ou que Taylor Swift est un personnage duracien ? Bah, dites-le-nous sur le répondeur de Nipédu. Et on file vers la reco de la rédac. La reco de la rédac. Et pour cette reco de la rédac, on s'est posé la question, tiens, la reco du non-lecteur, du lecteur parallèle, du lecteur qui n'aime pas forcément ça, en tout cas une approche un peu différente. Fabien, de ton côté, elle est extrêmement différente.
- Speaker #2
Oui, je disais tout à l'heure que j'étais un piètre lecteur, mais on va complètement improviser quelque chose. C'est Régis qui va vous raconter ma reco parce qu'il adore cet exemple. Juste pour te lancer, Régis, je ne lis plus depuis un an.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Je vais le faire vite. C'est une histoire de Kindle au départ qui m'a offert pour mon anniversaire. J'ai lu un très gros livre dessus et puis ça ne m'intéressait pas trop. Elle a traîné un an. Puis Fabien dit Tu ne l'utilises pas, mais moi, je vais l'utiliser. Et quand il m'a dit comment il l'utilisait, il va vous le dire, j'ai trouvé que c'était presque un acte. artistique. Comment tu l'utilises Fabien ?
- Speaker #2
Bah en fait je télécharge que les premiers chapitres de plein de bouquins gratuitement et tous les soirs je lis un premier chapitre d'un bouquin différent ça peut être du roman, de la poésie de l'essai, n'importe quoi mais toujours juste l'incipit comme dirait Jean-Phi et puis de temps en temps je me dis celui-là j'ai vraiment envie de lire le deuxième chapitre et alors j'achète le bouquin en numérique ou en papier.
- Speaker #1
Toi Jean-Phi une reco littérature ?
- Speaker #0
Ouais, en fait, j'en ai prévu trop. Alors, il faut que je choisisse. Alors, si c'est la reco du mauvais élève, je pense que je vais me diriger vers la première que j'ai mis là. En gros, et puis d'ailleurs, ça va relier avec ce que je disais un peu plus tôt. C'est marrant parce qu'il y a un livre que je n'ai pas lu dans mon parcours d'élève. Et il y en a plein. Je pense des livres qu'on m'a demandé de lire et que je n'ai pas lu. Mais il y en a un qui est resté dans le fait d'avoir l'impression d'avoir raté quelque chose. Et c'est Germinal de Zola. Alors, allez savoir pourquoi. je sais pas, peut-être parce que de ce que j'en ai entendu parler ensuite, peut-être par rapport à mes sensibilités idéologiques que je sais que ce roman partage et néanmoins je reste de ce point de vue là un mauvais lecteur parce que pour le coup, alors est-ce que c'est encore une résistance de l'ado que j'ai été ou ce genre de choses mais si vous me donnez le choix dans mes moments de pause, bon alors on est tous pris par beaucoup de choses mais quand j'ai des moments de pause ça peut m'arriver quand même de prendre un roman mais j'aurais franchement jamais spontanément l'envie de prendre Germinal de Zola. Et pour autant, je crois que c'est une œuvre que je valorise, ne serait-ce que par ça. Et c'est vrai que c'est mon côté mauvais lecteur. Je sais qu'il y a des sommités culturelles que je n'ai pas lues, dont celle-ci qui, je ne sais pas pourquoi, pour moi, rayonne plus que les autres. Et que pour autant, je n'ai toujours pas lu à passer 40 ans.
- Speaker #2
Jean-Fion va synchroniser. et on va se dire, là, on se le lit tous les deux, ce que je ne l'ai pas lu non plus, puis comme ça, on en discutera après. Ça pourrait te motiver, ça, à le lire.
- Speaker #0
Ah ouais, on pourrait tenter ça.
- Speaker #1
Si vous voulez faire l'expérience avec eux, faites-la. Sinon, moi je vous propose un choc culturel, Maus d'Archpiegelman. Moi, lecteur de BD, le choc que ça a été de me dire, ah ouais, là enfin une BD, c'est sorti dans les années 90, en tout cas la version que moi j'ai lue, qui atteint des sommets de littérature avec toutes les guillemets que vous voulez. Donc rapidement, ça raconte l'histoire du père d'Archpiegelman, Vladek, survivant juif polonais de l'Holocauste. Les personnages, et c'est ça le... La grande œuvre, quelque part, sont représentées par des animaux. Les juifs sont représentés par des souris, d'où le titre Maus souris en allemand pour Fabien qui apprend l'allemand. Les allemands sont des chats, les polonais sont des cochons. Il y a un côté brutalité, distanciation, etc. Bref, une œuvre vraiment ultra, ultra forte en BD. Je crois d'ailleurs que ça date d'un peu de cette époque-là où on a commencé à dire roman graphique Il a eu le prix Pulitzer en 92. Donc voilà, on vous propose Lisez Germinal et ou Maus d'Archpiegelman. Vous avez de la belle littérature dans tous les sens du terme. On arrive au bout de cette émission, les garçons. Il y a la petite musique sous nos voix qui commence tout doucement. On se retrouve le mois prochain et tous les trois, en tout cas Nipédu, va vous aider à compléter vos bulletins. Mais ce n'est pas tout de suite. En attendant,
- Speaker #0
gardez la pêche et crachez le royaume.
- Speaker #2
Jean-Phi, tu peux me souhaiter mon anniversaire avant qu'on commence cette émission ? Bah ouais, Jean-Phi, t'es vraiment un gros naze.
- Speaker #0
Bah ouais.
- Speaker #1
Allez, vas-y, Jean-Phi.
- Speaker #2
Joyeux anniversaire, Fabien.
- Speaker #1
Le mec, il orchestre même son anniversaire, sa chanson.
- Speaker #2
C'est clair. Merci, Jean-Phi. Merci. Alors que toi, c'est le 19 janvier, par exemple.
- Speaker #0
Ouais, mais je sais que tu le sais, en plus. C'est pour ça que j'ai honte. Super, tu me fais commencer l'émission dans le costume de la honte.
- Speaker #2
les meilleures conditions pour commencer une émission on est parti