- Speaker #0
Bienvenue sur Remarquable, un podcast proposé par Thomas Gauthier, professeur à EM Lyon Business School et titulaire de la chaire Carbon 4, stratégie en anthropocène. L'anthropocène, c'est cette nouvelle époque géologique dans laquelle l'humanité est confrontée, pour la première fois de son histoire, aux limites planétaires. Pour mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle époque, Thomas va à la rencontre de celles et ceux qui explorent inlassablement les futurs et qui se remémorent l'histoire pour bâtir un monde habitable dès aujourd'hui. Guillaume Desmures est écrivain, journaliste, éditeur et conférencier. Il vit et travaille en Antagne parce qu'il aime la pente. Il a créé le laboratoire d'idées Lama Project pour contribuer à la transition des stations de ski où il découvre avec stupéfaction toutes les formes de résistance au changement. Depuis plusieurs années, il intervient également dans le dispositif pédagogique des Futurs Durables à E.M. Lyon Business School. Dans l'entretien à suivre, Guillaume raconte pourquoi, selon lui, le regard poétique est la meilleure façon de questionner le monde.
- Speaker #1
Bonjour Guillaume.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Alors ça y est, tu es face à l'oracle, tu vas pouvoir lui poser trois questions. par quelles questions est-ce que tu souhaites commencer ?
- Speaker #2
D'abord l'oracle, ça me terrifie un peu d'abord parce que l'oracle c'est les dieux qui parlent aux hommes et que souvent on préfère il vaut mieux ne pas écouter ce que nous racontent les dieux et l'influence qu'ils essayent d'avoir sur les hommes je suis en train de lire en ce moment l'Iliade et l'Odyssée à ma fille le soir avec Un tout petit peu de censure, parce que parfois c'est un peu violent quand même. Et en fait, toute cette histoire, on a les dieux qui tirent les ficelles derrière et qui interviennent à travers les oracles, mais pas seulement, en tenant aussi la main d'Achille, en retenant la main d'Achille, qui va frapper Agamemnon avec son épée, puis se ravise, et en dirigeant la flèche. qui va tuer Achille un peu plus tard. Donc en fait, les dieux, il y a des factions. Une partie des dieux sont pour Troie, l'autre partie pour les Grecs. Et en fait, en permanence, ils interviennent dans les décisions humaines. Et l'oracle, c'est les dieux qui parlent à travers la bouche d'une pitié ou de Calchas dans le cas de Liliane. donc Je pense qu'on est assez grands, les êtres humains, pour décider nous-mêmes de ce qu'on doit faire et des décisions qu'on doit prendre. Et puis la deuxième raison pour laquelle l'oracle me terrifie, c'est que je n'ai pas envie de savoir ce qui va se passer. Je refuse. J'ai toujours, quand une voyante me propose de me tirer les cartes, je ne dis surtout pas je ne veux pas savoir, je ne veux rien savoir. Il en va de ma liberté d'être humain, d'individu, de... de conserver un futur ouvert, un futur qui n'est pas écrit pour moi, un futur dans lequel j'ai au moins l'impression de pouvoir me projeter, de pouvoir le saisir et de pouvoir agir en fonction des projections que je m'en fais, des endroits où je veux aller, des choses que je veux faire. Donc c'est indispensable pour conserver la liberté humaine de ne pas savoir et de ne pas chercher à savoir ce que va être l'avenir. ce qui ne nous empêche pas de... de le modeler, d'agir pour transformer l'avenir, mais cette idée qu'un oracle ou que quelqu'un est capable de me dire ce qui va se passer, je ne veux pas savoir. Et même si ce n'est pas vrai, je ne veux surtout pas savoir. Donc, ça m'embête beaucoup. Si je vois l'oracle, la première question que je lui demanderais, c'est plutôt qu'est-ce qu'on mange demain ? Ce serait la question la plus intéressante que j'aurais à lui poser. Cela dit... Je me pose à moi-même des questions en permanence sur l'avenir et je m'interroge sur la façon dont on peut chacun intervenir et modifier. Donc par exemple, la première question que je me pose dans notre univers des stations de ski et cet univers de montagne dans lequel j'évolue, dans lequel j'ai grandi, surtout dans cette période turbulente, alors dans ces phases un peu chaotiques où les règles du jeu de notre monde, de notre société... commence à être mise en cause et on sait qu'elles vont changer, c'est justement dans ces moments-là où on a besoin d'être assuré, on a besoin d'aller voir l'oracle pour lui demander ce qui va se passer. Faisons-nous confiance à nous, êtres humains, à nous, acteurs, à nous, individus agissant dans la société, dans le monde. Faisons-nous confiance sur notre capacité à modifier ce monde et à modifier cet avenir. et dans le monde de la montagne aujourd'hui comme dans le reste de la société, dans le reste du monde se posent des questions profil des enjeux, se confirment des menaces existentielles qui pèsent sur nous, sur notre business, sur nos vies, sur nos modes de vie. Et la première question, si je devais poser une question à l'oracle, mais on va dire que c'est un pur exercice intellectuel, parce que Thomas, si tu me présentes un oracle, un vrai oracle, je refuserais de lui poser cette question, donc ça reste entre nous. C'est comment est-ce qu'on va vivre en montagne demain ? On sait que c'est en train de changer, on sait que ça va changer. À quelle échéance, on ne sait pas vraiment, mais est-ce que ça va être 5, 10, 15, 20, 30 ans ? On sait que c'est en train de changer et que notre mode de vie est condamné, c'est-à-dire qu'il va se terminer. Donc j'aimerais savoir comment est-ce qu'on va vivre demain ? Quelles vont être toutes les façons d'habiter la montagne ? La façon qu'on a aujourd'hui d'habiter la montagne, elle est très récente. En fait, elle date des années 60. La façon dont on a d'organiser une activité extrêmement rentable qui fait vivre des centaines de milliers de personnes, qui est le ski alpin et le tourisme en général, c'est très récent. Ça date des années 60. Avant, on habitait la montagne différemment. Et avant ça, dans l'Antiquité et même au Néolithique, on habitait la montagne de façon totalement différente. Donc chaque époque invente sa façon d'habiter ces territoires très particuliers, ces territoires de lisière que sont les montagnes, ces territoires rudes mais à la fois extrêmement riches, territoire de lisière entre la nature sauvage et la civilisation ou l'acte d'habiter, de construire des êtres humains, d'aménager. donc de façon assez positive je le répète toujours parce que pour Pour beaucoup, ces moments de changement sont très anxiogènes. De façon positive, quelle va être la prochaine façon que nous aurons, nous, êtres humains, d'habiter la montagne ?
- Speaker #1
En écho à cette question que tu te poses, est-ce que tu peux partager avec les auditrices et les auditeurs des dynamiques à l'œuvre, des émergences, des signes avant-coureurs de façon d'habiter la montagne qui seraient très différentes ? de celles qui sont à l'œuvre aujourd'hui ? Qu'est-ce que ton travail de journaliste, notamment d'auteur, te permet de découvrir du monde qui vient en altitude ?
- Speaker #2
La première chose qui est très concrète, c'est l'immobilier, c'est les bâtiments. Il faut qu'on arrête de construire, première chose, et qu'on transforme les résidences secondaires qui composent 80 à 90% des communes. des territoires de stations de ski. Ce n'est pas toute la montagne, je précise. Les stations de ski ne représentent pas toute la montagne. Mais c'est le cœur économique. Et c'est ce qui fait, en rayonnant localement et de façon régionale, c'est ce qui fait la richesse et l'attraction de ces territoires. Donc je m'intéresse aux stations de ski. Il faut qu'on transforme ces 80... J'ai pas de solution, je suis pas un technicien, mais il faut qu'on arrive à trouver une solution pour transformer ces 80-90% de résidences secondaires, qui sont donc habitées une partie de l'année, même pas la moitié, quelques semaines par an, en résidences principales. L'un des enjeux, l'une des grandes tendances, c'est ça, c'est qu'on commence à découvrir, à ressentir les effets négatifs du modèle économique. Le modèle économique a extrêmement bien fonctionné pendant 50 ans, depuis les années 60, le plan neige, les 30 glorieuses, relance économique, modernisation accélérée de la société. Aujourd'hui ce modèle économique qui a créé tant de richesses et qui a été tellement efficace, incroyablement efficace, pour créer des fleurons mondiaux du tourisme hivernal en France. Aujourd'hui les effets négatifs commencent à être... vraiment important, vraiment lourd pour les habitants. Et l'un de ses effets, ce sont ces résidences secondaires. 80 à 90% d'un territoire composé de résidences secondaires. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, ça veut dire que 80 à 90% des maisons, des appartements, sont occupés quelques semaines par an. Donc ça c'est un premier enjeu, on commence à découvrir à quel point ça, ce chiffre-là, cette réalité-là impacte sur la vie en montagne. Par exemple par l'impossibilité de se loger avec l'augmentation du prix, par la désertification de ces territoires, on va habiter plus loin, donc on se déplace en voiture, donc on pollue, etc. Ces territoires ne sont plus habitables en fait. Quand vous avez 80% ou 90% de résidence secondaire, ce ne sont plus des territoires habitables. Avec des gens qui vont créer une vie, une société à l'année, avec des services à l'année, avec des enfants, des vieux, des gens qui travaillent, des gens qui s'éduquent. Ça, c'est en train de disparaître tout doucement. Donc ça, c'est vraiment la première tendance que je repère et on commence à s'y intéresser au niveau politique très, très timidement. c'est cette question de la construction, qu'il faut stopper, il y a assez de bâtiments dans les montagnes, et puis de ces résidences secondaires qu'il faut d'une façon ou d'une autre transformer en résidence principale si on veut un jour faire revenir des habitants à l'année dans ces territoires. Et ce que je vous dis là, sur les stations de ski, c'est exactement la même problématique dans d'autres régions touristiques comme le Pays Basque, la Bretagne, la Côte Vendée, les centres-villes. comme Lyon ou Barcelone, Venise, c'est exactement les mêmes problématiques.
- Speaker #1
Tu as posé donc une première question à l'oracle, ou peut-être plus justement, tu t'es interrogé à voix haute une première fois. Deuxième interrogation, deuxième manière de réduire la complexité du monde en une seule question, quelle serait cette deuxième question que tu te poses ou que tu souhaiterais poser à l'oracle ?
- Speaker #2
Alors je vais la poser à toi et pas à l'oracle, ou je vais la poser aux auditeurs et je me la pose à moi. Cette question c'est, quel va être le prochain empire dominant sur la planète ? Quand on voit l'histoire, les empires, j'enfonce une porte ouverte, mais les empires naissent, vivent et meurent. Les empires créent à un moment une civilisation, un ensemble de valeurs. de mode de vie, un art, une culture, une façon de voir le monde, une façon d'habiter le monde, et puis s'épuisent et disparaissent. Et aujourd'hui, l'empire américain, qui domine le monde depuis la Deuxième Guerre mondiale, quel va être le prochain empire ? C'est vraiment une question que je me pose à chaque fois en lisant l'actualité, en voyant ce que font les Chinois, les Russes, les Indiens. Je me questionne sur ces rapports de force et sur la façon dont ça va évoluer. Et la question subsidiaire là-dedans, c'est quelle est la capacité de la Chine à devenir un empire mondial ? Et je suis assez perplexe et je ne suis absolument pas convaincu que la Chine, d'un point de vue civilisationnel, culturel, est capable d'être un empire mondial. Dans l'histoire, ils auraient eu d'autres occasions, de multiples occasions, de devenir un empire mondial. Par exemple, à un moment où ils avaient construit, au milieu du XVIe siècle, la plus grande flotte capable d'envahir d'autres pays, ils ont décidé de ne pas euh... de ne pas la mobiliser, je crois même qu'ils l'ont coulé d'ailleurs, ils ne sont pas allés conquérir d'autres pays. Le Japon, à l'inverse, a eu un comportement impérial, mais la Chine a eu aussi un moment, aux alentours de 1200, la Chine avait des capacités de production industrielle qui étaient phénoménales, ils étaient très en avance d'un point de vue technologique. Et une des questions intéressantes à creuser, c'est pourquoi est-ce que la révolution industrielle n'a pas eu lieu en Chine ? Ils avaient tout ce qu'il fallait pour qu'elle éclose. La révolution industrielle éclose en Chine et pas en Europe, en Angleterre, au Royaume-Uni et en France. Donc voilà, je me questionne beaucoup. J'ai évidemment pas de réponse. Je m'empêche de faire des prévisions. De toute façon, à chaque fois que j'essaie de faire des prévisions, quelles qu'elles soient, politiques ou autres, je me trompe. Donc j'ai bien appris la leçon, je m'empêche de faire des prévisions, même dans ce que j'écris ou dans les travaux de dizaines de fictions que je peux mener, je m'empêche de faire des prévisions. Mais c'est vraiment en observant, est-ce que les Américains vont être capables de garder leur place dominante ? Je n'en suis pas certain. Est-ce que la Chine est capable de prendre la suite ? Je n'en suis pas certain. Quid de l'Inde ? Par exemple, je ne connais pas ce pays, mais je connais un petit peu mieux le Japon. Est-ce que la Russie, qui a un comportement impérial, clairement, je ne crois pas non plus. Donc voilà, je m'interroge. J'ai lu récemment un livre qui s'appelle « Titré 2034 » et qui a été co-écrit par un écrivain américain et un ancien général de l'armée qui décrit... Une guerre mondiale en 2034, guerre mondiale qui est déclenchée par la Chine attaque Taïwan et les Américains répliquent. Et ce qui était fascinant dans ce bouquin, au-delà du plaisir de l'intrigue et du développement, c'est qu'il n'est fait aucune mention à aucun moment, dans aucune page de l'Europe. Tout ce qui se passe dans cette guerre mondiale, les seuls pays qui sont impliqués, c'est les Etats-Unis, la Chine... Taïwan évidemment, mais de façon très secondaire. L'Inde qui va sortir vainqueur. L'ONU d'ailleurs, à la fin du livre, est déplacée en Inde. L'Inde qui va être capable de mener la paix, de négocier la paix avec les parties prenantes et qui va prendre cette place d'empire dominant. La Russie, l'Iran. Voilà, ce sont les seuls... La Russie un peu comme trouble faite et puis l'Iran à travers un personnage assez intéressant de général. mais... il n'est jamais fait mention de l'Europe. Donc c'est le genre de questions que je me pose toujours en regardant l'actualité, les gesticulations de surface géopolitique, politique, économique, et à travers ces actualités quotidiennes, cet écume à la surface de la mer, d'essayer de comprendre ce qui s'y passe en dessous en fait. Et j'ai... Absolument pas de réponse, mais je continue à me questionner sur la façon dont ces rapports de force évoluent et qui va arriver à sortir vainqueur ou en tout cas empire dominant.
- Speaker #1
Peut-être pour prolonger ta réflexion et ton questionnement, tu as évoqué là des manières dans l'histoire d'organiser la vie en société, d'organiser aussi les ambitions de certains peuples à conquérir d'autres terres, voire à... assujettir d'autres peuples. On se heurte désormais collectivement en tant qu'humanité à ce qu'il est convenu d'appeler les limites planétaires. On a conscience, en tout cas une partie croissante de la population mondiale a conscience que le substrat biophysique dont nous dépendons est borné et ne peut pas être à la hauteur des ambitions de conquête que nous pourrions avoir. D'ailleurs, à la fin des années 60, des économistes tels que Boulding, par exemple, conspuaient une économie de cow-boys, comme il l'appelait, et appelaient de ses voeux une économie d'astronautes, en utilisant la métaphore du vaisseau Terre et en narguant du fait que finalement, nous faisions toutes et tous partie d'un seul et même équipage, et que nous étions toutes et tous à bord d'un seul et même vaisseau. Qu'est-ce que cette réalité biophysique ? qui se rappellent à nous de plus en plus souvent. J'ai en tête ces jours-ci les incendies géants au Canada ou d'autres enjeux et problèmes climatiques. Qu'est-ce que cette réalité biophysique qui se rappelle à nous de plus en plus interroge quant aux formes de société que l'on pourrait voir émerger ? Comment, selon toi, la vie en société pourrait s'organiser dans... ce que certains appellent ce nouveau régime climatique, ou en tout cas dans cet univers que l'on sait désormais, enfin peut-être, fini ?
- Speaker #2
Alors là, n'étant pas l'oracle, Thomas, je vais avoir beaucoup de mal à te répondre, mais évidemment, évidemment. C'est une donnée nouvelle quand même pour notre humanité. Le fait d'avoir à considérer que notre environnement est limité et qu'on ne peut pas faire ce qu'on veut, c'est quand même une donnée nouvelle. récente. Si on regarde la flèche, qui n'est pas une flèche avec un angle constant, évidemment, mais si on regarde la flèche de progression, en tout cas d'évolution plutôt, parce qu'on peut aussi considérer que l'humanité ne suit pas une flèche du progrès. On peut considérer comme Harari dans Sapiens, c'est se questionner, on peut s'autoriser, il faut qu'on s'autorise à se questionner, est-ce que finalement les chasseurs-cueilleurs ... d'avant le néolithique était plus heureux que nous. C'est une vraie question, je trouve. Et Harari l'explore, sans trouver de réponse, sans terminer en disant oui ou non, mais en tout cas en explorant cette question-là, il ouvre des portes intéressantes. Quand on regarde l'humanité, il me semble que c'est la première fois où on a cette conscience-là que notre planète, notre environnement, ce qui nous nourrit, ce qu'on habite, où on se déplace, ce qui fait notre quotidien, est fini et mis en danger par notre existence même. Je ne suis pas certain, à part sur des territoires très petits, qu'on ait eu cette conscience-là. Alors, il y a quelques exemples, évidemment, par exemple ceux qui sont relatés par Jared Diamond en Collapse, les Mayas, l'île de Pâques, le Japon au XVIe siècle, qui à un moment prend conscience de... du danger qu'ils font peser sur leurs forêts, et qu'ils décident, de façon très administrative et technocratique, de marquer chacun des arbres de l'archipel, et de dire celui-là on coupe, celui-là on coupe pas. Et ça a été leur façon d'éviter un effondrement, comme celui des Mayas par exemple, qui selon Jared Diamond, aura été causé par la déforestation, augmentation de la population, il faut plus de terres agricoles, donc on déforeste en déforestant. On rend fragile la fine couche de terre fertile à la surface, qui est rapidement rincée par les pluies, et donc baisse de la production agricole, baisse de la population, guerre, etc. Enfin, à peu près ce qui s'est passé sur l'île de Pâques aussi. Donc, est-ce que c'est la première fois, me semble-t-il, à l'échelle de l'humanité, où on se rend compte que, tiens, la terre est finie, il y a des limites physiques ? Ces limites planétaires, ce terme-là, déjà il y a 15 ans, il n'existait pas, on n'en parlait pas il y a 20 ans, il y a 10 ans, on ne parlait pas de limites planétaires, en tout cas dans un discours médiatique dominant. Donc on avait déjà eu une première alerte en 1945 en se disant, tiens, on est capable avec l'arme nucléaire de détruire la planète, on a cette possibilité-là, ce pouvoir-là, l'être humain, c'est une volonté de puissance, on a atteint une... puissance phénoménale puisqu'on est capable en tant qu'être humain de détruire la planète. Aujourd'hui, on se on se rend compte tous, citoyens vivants, êtres vivants, humains avec un grand H, que nous avons la capacité, que nous sommes même en train de détruire la planète. Nous sommes en train d'atteindre les limites planétaires, nous sommes en train de détruire ce qui nous permet de vivre. Ça, il faut le rappeler dans les discussions quand on vous... parle oui vous nous arrêtez avec votre écologie oui nous allons trouver ça c'est la phrase que je préfère même venant d'étudiants ce qu'il faut c'est trouver une troisième voie qui réconcilie l'économie et l'écologie non l'écologie c'est l'environnement sans environnement on meurt c'est aussi simple que ça donc on est dans un monde un peu particulier où on a découvert qu'on était en en train de tuer la planète, on est en train de... de détruire les conditions même qui nous permettent de vivre, qu'est-ce que ça va provoquer ? Qu'est-ce que ça va provoquer comme crise de conscience, comme révolution ? Ça, c'est peut-être une troisième question que j'aimerais poser à l'oracle, si j'avais le courage d'affronter sa réponse. Quel type de révolution ? Quel type de transformation profonde nous allons connaître face à ce constat du fait que nous sommes en train d'atteindre, nous avons dépassé les limites physiques ?
- Speaker #1
Et pour rebondir peut-être à cette troisième et dernière question à toi-même ou à l'oracle, est-ce que tu peux bien partager avec les auditeurs des rencontres que tu aurais pu faire particulièrement dans les territoires de montagne avec des individus ? quel que soit leur engagement dans ces territoires de montagne, chez qui aurait opéré une sorte de conversion du regard ? Est-ce que tu peux nous raconter des anecdotes, des trajectoires individuelles que tu aurais pu peut-être suivre d'ailleurs dans la durée de personne ? qui, d'une certaine manière, auraient vécu une transformation profonde de leur vision du monde, auraient intégré cette nature, je dirais, fragile et limitée des conditions dans lesquelles nous vivons, pour derrière, pourquoi pas, prendre des décisions différentes, arbitrer autrement et s'engager autrement dans le territoire.
- Speaker #2
En t'écoutant poser la question, je me dis... En fait, ils sont beaucoup plus nombreux que mon impression première. En y réfléchissant, des noms apparaissent, des visages apparaissent, et je me dis mais on est très nombreux à avoir pris conscience de ça et à modifier de façon plus ou moins radicale nos façons de faire. Dans les montagnes, c'est très récent. J'ai en tête par exemple le directeur général de la Compagnie des Alpes, qui est l'acteur. principal des stations de ski en France. Et c'est le premier ou le second, selon comment on calcule, acteur des remontées mécaniques dans le monde. C'est un acteur qui est éminemment politique, puisqu'il est, son actionnaire principal à 40% est la caisse des dépôts, donc indirectement l'État. Donc il y a cette dimension-là aussi dans cette société. Et le directeur général de la Compagnie des Alpes explique Le modèle économique basé sur le ski alpin en volume va se terminer. Il faut inventer le modèle économique suivant. On ne le connaît pas encore, on est sur un trapèze, on doit lâcher ce trapèze. Et devant nous, on a un mur de brouillard et il y a un trapèze derrière qu'il faut qu'on fabrique littéralement pour pouvoir l'attraper et continuer. Donc, juste cette phrase-là qu'il a prononcée au micro de mon podcast, juste cette phrase-là est un exemple de... de conversion est un exemple de redirection qui pour moi est majeur, puisqu'un acteur de cette taille-là et de ce poids-là reconnaît enfin et exprime de façon publique que le modèle économique va se terminer. Ça, c'est un exemple extrêmement récent et majeur, me semble-t-il. Après, dans les vies quotidiennes, je suis étonné par le chemin qui a été parcouru en deux ans, on va dire en deux à trois ans, par les habitants des territoires de montagne. Aujourd'hui les habitants des territoires de montagne Et notamment de stations de ski Vivent du ski Et commencent à découvrir tous les effets négatifs de ce modèle économique, et commence à le dire. Et ils agissent. Ils agissent en montant des associations, en militant, en manifestant parfois aussi. Alors certains sont même arrivés jusqu'à saboter des canons à neige, ce qui aussi pour moi est un signal faible quand on arrive à une action physique de type sabotage, qui n'est pas dangereuse, si on sabote ou on tag des canons à neige, on vient couper les câbles. Là, on passe dans autre chose. Ensuite, je vois beaucoup de changements dans les entreprises. Les entreprises aujourd'hui sont des acteurs de ce changement qui sont les plus importants avec les territoires. On met de côté les élus, mairies, départements, comcoms, régions qui sont à côté de la plaque. Clairement, aujourd'hui, ils ne sont pas du tout en phase. avec ce mouvement de fond, ce mouvement tectonique qui est lent mais inévitable, qui est en train de se passer dans la société. Et on voit cette déconnexion lente aussi au niveau de la société entre les habitants, ce qu'ils expriment, et la façon dont les hommes politiques, hommes politiques élus, qui sont, je le rappelle, les acteurs d'une mécanique démocratique où nous Nous choisissons de mettre ces gens-là à ces postes-là pour diriger en notre nom et en comptant sur leurs compétences. Je rappelle que gouverner, c'est prévoir. Donc, on compte aussi parmi les compétences qu'on attend d'eux, une capacité à prévoir et à donc organiser la vie en société pour faire face aux enjeux auxquels nous nous confrontons déjà. On voit cette différence de... d'implication au niveau national entre ce que raconte la population, une partie de la population, et comment réagit le monde politique. Le monde politique réagit, je dois le dire, moi qui adore la politique et qui la suis depuis des années. réagit avec de plus en plus de distance, de plus en plus de mépris et de plus en plus d'incompréhension. Ce qui est exactement ce que je ressens dans le monde des stations de ski. Le monde des stations de ski qui est un petit microcosme avec les mêmes enjeux, les mêmes tensions, mais des acteurs différents. Ce qu'expriment les habitants, ce qu'expriment...
- Speaker #0
De plus en plus d'entreprises, c'est ce besoin de changement, ce besoin de s'adapter, ce besoin de changer les règles du jeu, ce besoin de se projeter dans des stratégies de long terme qui n'existent pas aujourd'hui. On n'a pas de stratégie de long terme. Donc ce besoin-là qui est exprimé est reçu par les maires, les comcoms, le département et la région avec la même dose de mépris, la même dose de déni. Et le même, on va dire, on balaye d'une main, ce n'est pas des objections, il n'y a pas d'opposition, c'est juste une partie de la population qui sont des acteurs importants qui disent, regardez la réalité physique, regardez les études scientifiques, regardez ce qui se passe, ce qui est documenté. Et en plus de ça, ce qui a été dit il y a 20 ans se révèle juste, c'est-à-dire que ce qui a été annoncé il y a 10... 15-20 ans par des scientifiques se révèlent vrais. Donc là, il nous semble qu'autant en 95 vous aviez le droit, avec le bénéfice du doute, d'être climato-sceptique, aujourd'hui ça n'est plus possible. Donc, au vu de cette réalité factuelle, est-ce qu'on peut modifier les règles du jeu ? Est-ce qu'on peut modifier... la façon dont on aménage le territoire, est-ce qu'on peut modifier le modèle économique, c'est-à-dire la façon dont on crée de la valeur et dont on la partage. Est-ce qu'on peut questionner le tourisme ? Le tourisme de masse, qui a été créé dans les années 60, qui a explosé depuis les années 2000. Le tourisme de masse, le long courrier, est-ce qu'on peut le questionner ? Puisqu'aujourd'hui, on voit les effets pervers, négatifs qu'il fait peser sur le territoire. Voilà où on en est aujourd'hui, dans cet état de tension entre des élus politiques qui sont plutôt les pieds sur le frein, pour préserver évidemment un statut, pour préserver un pouvoir, pour que sais-je, et une partie de la population, les habitants. et les entreprises qui sont des forces de changement et qui disent projetons-nous dans l'avenir, projetons-nous dans le futur, regardez ce qui est en train de se passer, il faut qu'on modifie les règles du jeu de notre fonctionnement.
- Speaker #1
À travers les trois questions que tu as posées, il t'est arrivé d'utiliser déjà quelques repères de l'histoire. Tu as évoqué le début de la transformation des territoires de montagne, l'émergence des stations de ski dans les années 60. La transition est toute trouvée vers la deuxième partie de cet entretien où je vais te demander s'il te plaît de regarder maintenant dans le rétroviseur et commencer peut-être par revenir sur un événement ou un processus qui a selon toi marqué l'histoire et qui peut nous aider à nous orienter dans le présent et peut-être même à nous projeter dans l'avenir. Par quel repère historique souhaites-tu commencer ?
- Speaker #0
Alors c'est un repère historique qui n'est pas précisément daté, qui est l'émergence de la conscience. Je trouve ça absolument fascinant de se dire qu'à un moment, dans un système régi par des lois biologiques, des interactions entre cellules, entre matières, entre atomes, qu'à un moment, dans ce système formel aux règles fixées par la nature et par la physique, puisse émerger la conscience. et ça c'est C'est fascinant puisque la conscience, c'est la capacité de cet organisme à s'observer lui-même et à se questionner lui-même. Ce qui fait profondément ce que nous sommes, nous, en tant qu'êtres humains. L'émergence de la conscience dans une matière biologique, notre cerveau, c'est de la matière régie par des lois physiques. Comment est-ce que la conscience a cette capacité à s'interroger, à sortir de soi-même ? à sortir du système pour s'observer, pour s'envisager, pour se questionner et progresser et apprendre. C'est un moment dans l'histoire que je trouve fascinant, on ne sait pas à quel moment exactement ça s'est passé, on ne sait pas forcément exactement comment ça s'est passé. Douglas Hofstadter, dans son bouquin de 79, fait l'hypothèse que Tout système formel à un moment a une faille et qui est quelque part la naissance de la conscience c'est une sorte de Révélation de la faille ou d'explosion de ce système et évidemment ça nous amène aujourd'hui à un autre type de conscience que nous, êtres humains, sommes en train de faire naître, c'est l'intelligence artificielle. Je ne sais pas précisément où on en est, je pense que personne ne sait exactement où on en est, en tout cas dans le grand public, en termes d'intelligence artificielle. Ce qui est sûr, c'est qu'on est en train de créer, comme il y a des millions d'années, l'émergence dans un système formel, c'est-à-dire... des puces électroniques qui sont soudées sur une carte mère, dans un ordinateur, dans des ordinateurs. On est en train de créer dans ce système formel, ou on a déjà créé dans ce système formel, la capacité à créer une conscience qui va faire exploser ce système, qui va être capable d'en sortir et qui va être capable de l'observer, de le questionner, de le faire progresser. J'ai du mal à mesurer dans quelle mesure on y est, on n'y est pas. Est-ce que ça s'est déjà passé, on ne le sait pas, ou ça va bientôt se passer, ou c'est quelque chose qui ne se passera pas avant des dizaines d'années. Je n'en sais rien, mais en tout cas, cette possibilité-là ouvre des perspectives fascinantes. Pas forcément terrifiantes, mais fascinantes.
- Speaker #1
Avec ce premier repère historique, cette émergence de la conscience et ce lien que tu fais avec... les actualités qui entourent l'intelligence artificielle et on a évidemment en tête la mise en service de chat GPT qui fait à beaucoup de personnes, beaucoup d'institutions se poser beaucoup de questions. Une question me vient en écho à tes propos qui est, on s'est parlé lors de la première partie de l'entretien Limite Planétaire, enjeux écologiques. Comment imaginerais-tu mobiliser... dans un sens particulièrement utile pour la poursuite de la vie humaine sur Terre, ces nouvelles formes d'intelligence. Faut-il nécessairement opposer croissance exponentielle du potentiel de l'intelligence artificielle, croissance exponentielle des technologies qui sont sorties des laboratoires de recherche, qui sont sorties des entreprises innovantes, réinsertion des systèmes humains dans le système Terre. Est-ce qu'on peut imaginer une voie d'avenir dans laquelle les technologies très avancées de type intelligence artificielle joueraient un rôle pour reconnecter les systèmes humains au système Terre ? Est-ce que finalement, les intelligences artificielles et d'autres technologies pourraient être, je dirais, la base matérielle de ce que des penseurs... comme Teilhard de Chardin ont imaginé avec la noosphère, cette idée qu'une conscience planétaire émerge ou pourrait émerger. Comment mobiliser les technologies au service de la réconciliation entre systèmes humains et systèmes terres serait peut-être la formule que je voudrais te soumettre.
- Speaker #0
Ma première réaction, c'est de me méfier des solutions technologiques. pour reconnecter l'être humain au système Terre, si tant est qu'il en soit totalement déconnecté, ce que je ne pense pas. Tu cites Teilhard de Chardin, qui est un penseur catholique qu'on a un peu oublié d'ailleurs, assez surprenant, que je relierai aussi à l'inconscient collectif de Jung, qui ouvre aussi des perspectives intéressantes de connexion, ou en tout cas de ... d'inconscient partagé entre les êtres humains et à l'hypothèse Gaïa de James Lovelock qui considère la planète comme un être vivant global. Toutes ces idées-là nous font bien sentir ou la réaction d'ailleurs de James Lovelock qui était un des astronautes d'Apollo 10 ou je crois que c'était 10 ou 9 qui le premier a fait, ils ont fait le tour de la Lune. Ils sont revenus, ils ne se sont pas posés sur la Lune, mais ils sont revenus à la Terre. Et donc le premier a observé un lever de Terre sur la Lune et a considéré cette toute petite planète comme étant, ramené la première photo, la première photo qui, dans l'imaginaire des êtres humains, c'était la première fois où on voyait la Terre en tant que planète isolée dans cet espace froid, hostile et terrifiant. donc tout ça aussi nous fait nous fait avancer sur cette conscience d'une responsabilité globale, une responsabilité humaine. Et c'est peut-être plus là-dessus, je ne crois pas dans la capacité de la technologie qui est une invention humaine, sauf si l'intelligence artificielle nous dépasse totalement et prend le contrôle. Mais je ne crois pas dans la technologie qui est une invention humaine, je ne suis pas sûr que c'est par là qu'on arrivera à se reconnecter. ou en tout cas à... Pas tellement se reconnecter, puisque je ne crois pas qu'on soit totalement déconnecté, mais à recréer des liens très forts et très puissants. En fait, la question qu'on doit se poser, c'est qu'est-ce qui nous rend heureux ? La question qu'on doit se poser, c'est comment est-ce qu'on veut vivre ? Comment est-ce que nous, en tant qu'être humain, on doit vivre pour être heureux ? C'est une question assez simple, mais c'est quand même la question. essentielles à tous les modes d'organisation de groupes humains et d'organisation de vie et de mode de vie. Qu'est-ce qui nous rend heureux ? De quoi avons-nous besoin en tant qu'être humain pour être heureux ? Et cette question-là, elle va déterminer un ensemble de valeurs qu'on va partager, pour lesquelles on va se battre. pour lesquelles on va travailler, on va faire des efforts. Et ces valeurs, elles changent au fil des années, au fil des siècles, au fil des millénaires. Elles changent, mais c'est la question fondamentale. Qu'est-ce qui nous rend heureux ? Comment est-ce qu'on veut vivre ? Comment est-ce qu'on doit vivre pour être heureux ? Quelles sont les valeurs qui expriment un bien-être humain ? C'est comme ça, fondamentalement, le cœur de la vie humaine, qui est extrêmement courte. Donc, c'est la révolution des valeurs qu'appelle de ses voeux Aurélien Barraud, exprimant l'idée que le travail qu'on doit faire aujourd'hui n'est pas un travail technique ou technologique, c'est un travail de valeur. C'est qu'est-ce qu'une vie réussie, qu'est-ce qu'une vie professionnelle, une vie personnelle, qu'est-ce qu'une vie sentimentale, qu'est-ce qu'une... Qu'est-ce qu'une vie réussie ? Et je pourrais appliquer exactement la même question à qu'est-ce qu'une vie en montagne réussie ? Ou qu'est-ce qu'un séjour à la montagne réussie ? Et quand on commence à se poser ces questions dans l'ordre des valeurs, là on peut profondément transformer notre façon de vivre. Et la technologie sera un outil au service de ça.
- Speaker #1
Tu as ouvert la brèche montagnarde. Vers la fin de ton intervention, est-ce que tu veux bien peut-être poursuivre un tout petit peu la question que tu poses à toutes et tous ? Qu'est-ce que bien vivre ? Qu'est-ce qu'un séjour de montagne réussi ? Où en sont aujourd'hui les réflexions, les forums, les lieux de débat autour des critères qui peuvent être utilisés pour juger de la qualité d'un séjour en montagne ? Qu'est-ce qui se dit aujourd'hui en montagne ? S'agissant de la qualité d'une expérience dans ces territoires.
- Speaker #0
Alors aujourd'hui, clairement, on ne questionne pas ce genre de valeur. Aujourd'hui, le système, le modèle économique, les infrastructures sont organisées autour d'une idée qu'en gros, un séjour à la montagne, c'est les bronzés font du ski. On n'a pas changé d'imaginaire, il a été gravé dans le marbre à ce moment-là. On vient une semaine en vacances au ski, en voiture, avec les skis sur le toit, et puis on a un appartement, multipropriété ou pas, et on vient skier, donc il faut de la neige et du soleil. Aujourd'hui, ça, c'est pas du tout questionné en profondeur. C'est toujours le mode de fonctionnement, c'est toujours la valeur essentielle d'un séjour à la montagne réussi. Cela dit, certains commencent à... à remettre en cause ça. Et j'ai un exemple, c'est les guides. Une compagnie de guides dans les Bouges, et puis la compagnie des guides à Chamonix. Les guides sont littéralement au front du changement climatique. Donc, s'il y a une corporation, peut-être avec je rajouterais avec les agriculteurs qui sont au contact du vivant, des viticulteurs qui sont au contact du vivant, Les guides sont au contact du vivant, de la nature, et sont aux avant-postes pour être témoins et vivre au quotidien les changements climatiques. Ils ne peuvent pas le nier. On peut encore, nous, en ville, isoler que nous sommes par notre technologie, du chauffage, de la voiture, de la climatisation, un toit, etc. On est encore capable d'absorber ces perturbations d'ordre climatique avec de la dépense d'énergie. On est encore capable de l'absorber. Mais un viticulteur qui a un aléa climatique chaque année, que ce soit de la grêle, de la sécheresse, trop de pluie... une bestiole, etc. Ou un guide qui ne peut plus faire tel itinéraire parce que le glacier a tellement fondu qu'il n'est plus possible de passer par cet endroit-là, qui ne peut plus faire cette voie d'escalade puisque le retrait du glacier lui impose de grimper 15 mètres en plus, ce qui change la cotation de la voie. Tout ça, c'est le quotidien des guides. Il ne peut plus faire... tel couloir à tel moment de l'année comme avant, puisqu'il n'est plus en condition. Donc, les guides ont commencé à modifier et là, on touche aux valeurs. Par exemple, pour la compagnie des guides de Chamonix, le Mont-Blanc, on ne fait plus le Mont-Blanc en trois jours à la compagnie des guides. L'offre n'existe plus dans leur catalogue. C'est cinq jours. On ne peut plus faire le Mont-Blanc en express. Là, cette compagnie des guides, ce regroupement de guides dans les Bouges, ne propose plus tel sommet ou telle activité. Ils proposent un jour, deux jours ou trois jours en montagne. Et selon les conditions, on s'adaptera. Là, on touche aux valeurs, c'est-à-dire à qu'est-ce qu'un séjour à la montagne réussit. Les exemples que je vous donne sont encore minoritaires, mais on est en train tout doucement... de faire évoluer ces valeurs.
- Speaker #1
Je te propose, Guillaume, de repartir vers le passé. Tu as une deuxième opportunité, si tu le veux bien, de nous ramener un événement ou de nous ramener un processus historique.
- Speaker #0
Peut-être sans grande surprise, mais un processus historique déterminant, c'est la sédentarisation, le néolithique, la révolution agricole. euh... il y a... 10-11 000 ans, selon les endroits, mais dans le croissant fertile, 9 000 ans avant Jésus-Christ, donc il y a 11 000 ans, ce qui est extrêmement court dans l'histoire humaine. Là, l'être humain qui se sédentarise, qui cultive, qui fait de l'élevage, qui construit donc des villes, qui découvre la propriété. qui découvre les premières lois, puisque pour vivre dans des groupes humains aussi grands et de plus en plus complexes, aux interactions de plus en plus complexes, il faut des lois. Les premières lois, le code d'Amourabi, qui invente l'armée, puisqu'il faut se protéger, il faut protéger nos stocks de céréales, qui invente l'administration. c'est-à-dire une catégorie de population qui n'est pas productive mais qui sert à faire fonctionner ces groupes humains. Donc il s'est passé au moment de la sédentarisation une transformation profonde de la façon dont les êtres humains vivent. Et si je précise que c'était il y a 11 000 ans, c'est qu'en 11 000 ans le corps humain et les capacités, le fonctionnement cognitif de l'être humain n'a pas profondément changé. Donc ce qui est assez fascinant, et je reviens à la question que pose Harari, l'historien dans Sapiens, et je reviens à cette question fondamentale, qu'est-ce qu'il nous faut pour être heureux ? Comment doit-on vivre pour être heureux ? Qu'est-ce qui nous rend heureux ? Qu'est-ce qu'une vie heureuse ? Puisque nous n'avons fondamentalement, physiquement, biologiquement, pas tant changé que ça, est-ce qu'une vie sédentaire est une vie qui correspond à notre enveloppe ? biologique et à la façon dont notre cerveau fonctionne, est-ce qu'en tant que chasseur-cueilleur, nous n'étions pas plus heureux ? J'ai pas de réponse et je ne veux pas trouver de réponse, mais je trouve que se poser la question ouvre des champs de réflexion intéressants et extrêmement fertiles pour aujourd'hui. De la même façon, je reviens un tout petit peu en arrière en 1946, quand Laurent Chapy, architecte urbaniste et chargé d'inventer une station de ski. Pour Courchevel, le département de la Savoie décide en 1945 de construire une station de ski internationale. Laurent Ausha, architecte urbaniste, skieur, poète et artiste, est chargé d'inventer ce que doit être une station de ski, c'est-à-dire un ensemble bâti, construit en altitude, un endroit où il n'y a rien, et dédié... Pensez pour la pratique exclusive du ski alpin, donc d'un tourisme d'hiver. Laurent Chapier a dû se poser des questions nouvelles. Qu'est-ce qu'un client ? Qu'est-ce qu'un skieur ? Un vacancier ? Comment est-ce qu'on le loge ? Comment est-ce qu'il passe sa semaine ? De quelle façon on intègre dans ce développement-là les habitants locaux ? et... Toutes ces questions-là, il y a eu des réponses qui ont été apportées dans toutes les stations qu'on a construites, mais ces questions-là, elles sont toujours d'actualité. Aujourd'hui, dans la phase de turbulence, de transformation, de mue, qui ne se fait jamais dans le calme et la tranquillité, on doit se reposer ces questions-là. Je pense qu'il est... indispensable de se reposer aujourd'hui les mêmes questions que se posait Laurent Ausha en 46 et de la même façon il est indispensable de se reposer les mêmes questions que se pose Harari qu'est-ce qui nous rend heureux, est-ce que nous sommes plus heureux aujourd'hui ou en tant que chasseur-cueilleur
- Speaker #1
Troisième et dernière opportunité pour toi de visiter l'histoire tu nous as parlé d'émergence de la conscience pour commencer tu es revenu 11 700 ans en arrière avec la révolution néolithique, avec la sédentarisation. Tu as d'ailleurs, au cours de ce retour historique, rappelé que finalement, les transformations récentes de la vie en société ne sont pas grand-chose à l'échelle des dizaines ou centaines de milliers d'années d'évolution, ce qui me fait citer dans notre échange cette phrase du père fondateur de la sociobiologie, Edward Wilson, qui... est décédé à la fin de l'année 2021, le vrai problème de l'humanité pour lui est le suivant, nous avons des émotions du paléolithique, des institutions médiévales et des technologies divines. Peut-être que les choses sont allées un petit peu trop vite pour notre cerveau d'homo sapiens. Troisième repère historique, Guillaume, la parole est à toi.
- Speaker #0
Mais justement, la dernière évolution, la dernière étape où... ou tournant ou bifurcation historique, c'est de l'ordre de ces technologies divines. D'ailleurs, Harari, le bouquin suivant après Homo sapiens, c'est Homo Deus. Ces technologies divines qui nous donnent une puissance, qui flattent notre désir de puissance, c'est le XXe siècle. Le XXe siècle qui est un siècle absolument fascinant, en 70 ans, 72 ans exactement. On est passé, j'ai du mal à l'envisager, mais on est passé en 72 ans, de la fin du 19e à 1969, du premier avion qui vole en France, le premier avion qui vole, c'est-à-dire qui fait un vol suffisamment long et qui est pilotable, à marcher sur la Lune. Il a fallu 72 ans entre ces deux événements. Et ça, c'est le XXe siècle. Le XXe siècle, il a... Il a répondu aux promesses de la modernité, il a répondu aux promesses des lumières, de la révolution de l'individu, des droits de l'homme, du rationalisme qui a commencé à émerger, la Grèce ancienne, 400-600 avant Jésus-Christ, qu'on redécouvre... lors de la Renaissance, on redécouvre par l'intermédiaire des traductions arabes la pensée de la Grèce et elle va venir irriguer la naissance de la modernité. Et cette modernité-là, elle va porter ses fruits, ils vont éclore, les fruits de la modernité vont éclore au XXe siècle. On peut en parler pendant des heures. L'exemple de l'avion et de marcher sur la Lune, il a fallu 72 ans pour passer de l'un à l'autre. La physique quantique, on découvre qu'il y a une autre échelle, une autre physique qui n'est pas tout à fait compatible avec celle qu'on connaît depuis Newton. Et on découvre un monde aux règles complètement nouvelles, où une particule peut être là et peut ne pas être là en même temps. on découvre des nouvelles formes d'art aussi, d'expression artistique. Les années 20 et 30, c'est les prémices de ce qu'on va connaître dans les années 60, la modernisation accélérée. Ça donne le tournis de penser à ce que l'homme a inventé, ce que l'homme a finalisé au XXe siècle. La transformation en profondeur de notre société dans les années 60 pendant les 30 glorieuses, les routes, les voitures, la voiture individuelle, c'est quand même absolument fascinant dans l'histoire humaine d'avoir un véhicule autonome qui nous permet de nous déplacer à 100 km heure ou un peu plus. C'est de la même façon, poursuivons un tout petit peu, un téléphone portable. Et j'aime toujours le rappeler aux élèves... Ils ont des grands yeux, mais de leur dire, vous avez dans la poche un téléphone portable qui est un objet qui vous donne une puissance individuelle totalement inédite dans l'histoire humaine. Vous avez la capacité, par exemple avec Google Maps, de voyager sur la Terre entière et de voir la forme des villes et la forme des continents. Il y a 500 ans, posséder une carte, c'était un pouvoir. Tout le monde ne possédait pas de carte. On a dû cartographier les territoires. C'était un savoir qui était jalousement préservé. Aujourd'hui, vous l'avez dans la poche avec Google Maps. Vous avez la capacité à dialoguer en instantané, en vidéo, avec une image, avec des gens à l'autre bout de la planète. Vous avez la capacité à accéder à la connaissance universelle, littéralement. Toutes les informations que vous cherchez sont dans votre téléphone portable. Et en plus, il fait lampe, il peut vous éclairer quand vous descendez à la cave. vous permettre de mesurer un meuble, etc. Vous avez dans la poche un objet d'ordre divin, littéralement, qui vous offre une puissance sur le monde qui est inégalée dans l'histoire humaine. Donc le XXe siècle, c'est quand même un moment d'accélération, ça c'est sûr, les futuristes l'ont très bien senti dès 1910. La modernité, c'est la vitesse. La modernité, c'est l'accélération. Et c'est vrai que ça va un peu vite. C'est vrai que ça va un peu vite, pour reprendre la citation de tout à l'heure que tu nous rappelais, Thomas, merci. C'est vrai que ça va très vite. Là, on en arrive à des puissances fabriquées par l'homme qui vont nous dépasser.
- Speaker #1
On en arrive donc au temps présent et aussi au troisième et dernier temps de cet entretien. On a exploré avec toi les futurs, on s'est remémoré les passés. On va maintenant se parler un tout petit peu du présent. Est-ce que tu peux nous raconter avec tes mots quelles formes ont pris et prennent aujourd'hui tes interventions dans le monde ? Dit autrement, comment est-ce qu'en pratique tu traduis en actes tes pensées, mais aussi ton propre rapport à l'histoire et ton propre questionnement sur l'avenir ? Est-ce que tu veux bien nous permettre une petite immersion ? Dans ta pratique,
- Speaker #0
mon outil, mon mode d'action, c'est l'histoire. Je raconte des histoires. Alors, je raconte des histoires en écrivant des livres, des livres qui parlent du passé, par exemple, l'histoire du ski, l'histoire des stations de sport d'hiver. J'écris des livres qui parlent du présent, avec un essai journalistique, par exemple, sur la transition des stations, avec des romans. Les romans qui sont, pour reprendre le mot que j'aime bien de Kundera, c'est mobiliser et faire jouer dans une histoire des égaux expérimentaux. Les personnages sont des égaux expérimentaux à qui je délègue, par exemple, le soin de se moquer de certaines choses dans la société, dans nos stations de ski. des échos expérimentaux à qui je délègue, que j'envoie expérimenter des émotions, des événements. Donc, à travers la fiction, évidemment, je parle de la réalité. J'écris beaucoup. J'ai un roman qui sort dans quelques semaines. Je publie plusieurs livres par an. Et c'est aussi de la poésie. Ce sont aussi des articles dans des magazines. La poésie est une façon de plus en plus efficace, me semble-t-il. En tout cas, j'y vais de plus en plus. Pendant longtemps, j'ai été un peu prudent ou un peu timide avec la poésie. Aujourd'hui, aidé par aussi ce qu'en dit Aurélien Barraud, qui, pour le paraphraser ou pour l'interpréter à ma façon, nous dit que la poésie sauvera le monde. C'est-à-dire cette capacité qu'a le regard poétique. qu'il y a l'outil poétique de se poser sur le monde, de le questionner. Et de le questionner en profondeur, de le questionner de façon beaucoup plus radicale que les autres outils. D'ailleurs, plus je m'intéresse et plus j'écris de la poésie, plus je me rends compte que beaucoup de scientifiques mettent la poésie à un niveau quasiment égal d'exploration et de connaissance de la réalité que la science est inclin, parle souvent de poésie. Carlo Rovelli, quand il fait un essai sur le temps, chaque chapitre est introduit par une poésie tirée de la nature des Natura Rerum, un poème redécouvert à la Renaissance, mais qui date des Romains, des époques romaines. Et il montre tous les deux, par exemple, que la poésie est un outil d'observation et de découverte et d'exploration. connaissance de la réalité aussi puissant, aussi utile, aussi précis que la science. Donc ça, c'est vraiment un outil que j'essaye de développer, d'apprendre, de perfectionner. Et c'est un outil qui est rigoureux. La poésie, c'est beaucoup plus rigoureux qu'à n'importe quelle autre forme d'écriture. Un autre mode d'action, d'intervention dans la réalité, ce sont des podcasts que je produis pour le Lama Project, donc le Lama Project Podcast, qui sont des conversations d'une vingtaine de minutes, trentaine de minutes, avec des acteurs à qui on tente le micro dans le monde de la montagne. Au-delà de la conversation et du plaisir à rencontrer ces gens, c'est un partage d'idées. Une façon d'intervenir dans la réalité, c'est de pouvoir, à travers des histoires, à travers des conversations, enrichir les visions du monde. Nous avons besoin tous d'enrichir nos visions du monde, d'enrichir notre compréhension du monde, d'intégrer la complexité du monde. Ça peut paraître un peu banal ce que je vais dire, mais c'est aussi le travail du journaliste qui est mon métier de base, ma formation. C'est d'aller à la rencontre du monde, de se plonger dedans et d'en absorber la complexité et très souvent les aspects contradictoires. Il faut accepter les aspects contradictoires des décisions de certaines personnes. Il faut accepter les paradoxes de la réalité. Et ces paradoxes-là existent dans la physique. Si je vous parle du temps ou je vous parle de la nature de la lumière, c'est paradoxal. La lumière est composée de corpuscules, mais c'est aussi une onde. Le temps n'existe pas. Pourtant, il n'existe pas. Non, il n'existe pas. Donc, le rôle du journaliste, c'est d'aller poser des questions, mue par sa curiosité, et d'accepter que parfois, il n'y a pas de réponse, que parfois, les réponses sont paradoxales ou contradictoires. Donc, ça, c'est une autre façon aussi d'intervenir sur la réalité, c'est de partager et d'enrichir ses visions du monde. Et puis... L'autre façon aussi, ce sont des conférences. Des conférences que je peux faire dans un cadre privé pour des entreprises ou dans un cadre un peu plus public, dans des festivals, des conversations aussi, des débats. Il se passe dans ces moments-là des choses intéressantes. enrichir les visions du monde, c'est aussi offrir d'autres points de vue. C'est de permettre à travers... Un échange ou un travail de design fiction, par exemple, c'est de permettre d'occuper des postures intellectuelles différentes, c'est-à-dire des façons de regarder la réalité différentes, et des points de vue différents. Si on change son point de vue, et le point de vue c'est exactement, par exemple, un photographe qui va choisir de photographier une scène va choisir son point de vue. Et le point de vue qu'il va choisir, c'est-à-dire l'endroit où il est situé, va modifier la façon dont il perçoit la scène, va modifier ce qu'il veut raconter de la scène, va modifier l'information qu'il va transmettre à son lecteur. Donc changer de point de vue, c'est changer sa vision du monde, c'est donc changer son interprétation, et c'est donc aussi changer ou découvrir des nouvelles solutions. Changer son point de vue, c'est envisager la réalité différemment et faire naître des idées nouvelles, des solutions nouvelles. C'est ce que j'essaye de faire dans ces conférences, dans ces débats. C'est de dire, tiens, et si on regardait, je ne dis pas que c'est la seule façon, il n'y a pas de point de vue unique, mais faisons l'effort de changer de point de vue. Déplaçons-nous à droite, à gauche, en haut, en bas. Tiens, observons par exemple le modèle économique des stations de ski d'un autre point de vue. Par exemple, celui de l'argent public qui rentre dans ce modèle économique. Ah, on n'en parle jamais de ça. Tiens, de quelle façon l'argent public, de plein de façons différentes, subvention directe ou indirecte, aide directe ou indirecte, entre dans ce modèle économique ? Ah ben oui, c'est vrai qu'en regardant par ce filtre-là, par cette lunette-là, le sujet... On découvre d'autres choses. On découvre la quantité phénoménale de subventions fléchées pour les stations de ski. Pour maintenir, je le dis autrement, un modèle économique obsolète, aujourd'hui, l'argent public contribue à maintenir un modèle économique obsolète, qui fait vivre des milliers de gens, certes, mais qui ne se remet pas en cause. Changer son point de vue, c'est par exemple aussi de dire, la neige naturelle n'a pas d'importance. Qu'il neige ou pas, quelque part, c'est pas grave. Les stations de ski, ces entreprises, ces modèles économiques, se sont organisées pour pallier à cet aléa. Avec beaucoup d'énergie, comme on sait le faire dans notre monde moderne. On pallie les aléas par de l'énergie. Votre plante pousse pas assez vite, on va y mettre de l'engrais. C'est de l'énergie, l'engrais c'est de l'énergie. C'est du pétrole, c'est... En station de ski, la neige naturelle n'a pas beaucoup d'importance. S'il ne neige pas, ce n'est pas grave, on a de la neige de culture. La neige de culture, à condition qu'il fasse suffisamment froid, bien entendu, pour la produire, même si on sait la produire à des températures positives aujourd'hui, avec une débauche énergétique, mais la neige de culture, c'est de l'eau, de l'électricité, du froid. Aujourd'hui, c'est ce qui fait fonctionner les stations de ski. Aucune station de ski, qu'elle soit haute ou basse en altitude, ne peut fonctionner correctement sans neige de culture. Val d'Isère ne peut fonctionner correctement sans neige de culture. Donc, si vous modifiez un peu le point de vue, là, vous commencez à voir la chose différemment. Donc, ça veut dire que, même s'il ne neige pas, on peut faire fonctionner les stations de ski, d'un point de vue business, oui, c'est le cas cet hiver. Il a très, très peu neigé. Pourtant, on a fait un bon hiver, grâce à la neige de culture et au talent des services des pistes qui ont été capables de maintenir cette neige. Donc ça veut dire aussi que nos business fonctionnent grâce à trois matières premières, de l'eau, du froid et de l'électricité. Quelque part la neige naturelle n'est plus un élément, une ressource, une matière première indispensable pour faire fonctionner les stations de ski. Non, ce qui est indispensable pour faire fonctionner nos stations c'est du froid, pour pouvoir produire de la neige de culture, de l'électricité et de l'eau. Or ces trois matières premières là sont en forte. Sous fortes tensions. L'eau, bien entendu, l'électricité, l'augmentation du coût de l'énergie, et puis le froid. Il y a des périodes de froid de plus en plus courtes et de moins en moins fréquentes. Donc voilà, ça c'est un exemple de modifier son point de vue et de découvrir une autre réalité, de déplier la réalité différemment et de se dire, ah, j'avais pas vu les choses comme ça, ça me fait réfléchir différemment, je comprends mieux aussi. clé de compréhension, une clé d'analyse de ce qui se passe dans l'actualité. Et ça me permet aussi d'envisager peut-être d'autres solutions pour l'avenir. Ou ça me permet d'envisager des évolutions différentes.
- Speaker #1
On a passé presque une heure et quart ensemble, Guillaume. On va se quitter peut-être sur les derniers propos que tu as tenus, qui me font penser si je devais, non pas chercher à synthétiser ce que tu as dit, mais en tout cas, faire... Sortir de cette discussion une formule un tout petit peu choc, nous sommes peut-être de plus en plus toutes et tous amenés à enquêter et à être en quête, en quête de nouvelles valeurs, en quête de nouvelles manières de vivre, ce qui reboucle de manière assez intéressante avec l'emploi premier de la philosophie pour les grecs qui était bien de nourrir et de réfléchir constamment à une... manière de vivre, comme si le temps était peut-être par moments linéaires, le temps était peut-être par moments exponentiels et le temps était enfin par moments aussi circulaires. Merci beaucoup, Guillaume, pour le temps que tu as consacré au podcast.
- Speaker #0
Merci, Thomas.
- Speaker #2
Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Remarquables. L'ensemble des épisodes est disponible sur le site atelier, au singulier, desfuturs, au pluriel, .org. Pour ne rien rater des prochains, abonnez-vous, n'hésitez pas à laisser une note et à parler du podcast autour de vous. À bientôt !