- Speaker #0
Je peux un peu l'entendre. Nos limites. Un podcast de Thomas Gauthier, produit par Logarith.
- Speaker #1
La plus grande menace du changement climatique pourrait définir les contours de ce sens. Le monde s'est réveillé,
- Speaker #2
et le changement est venu,
- Speaker #0
que vous l'aimiez ou non. Une enquête à bord du vaisseau Terre à la recherche d'un nouveau cap pour l'humanité.
- Speaker #2
Nous sommes en train d'atteindre les limites planétaires, nous sommes en train de détruire ce qui nous permet de vivre.
- Speaker #1
La modernité, c'est la vitesse.
- Speaker #2
Et c'est vrai que ça va un peu vite.
- Speaker #0
Aujourd'hui, on va se permettre de ne pas s'engager. Il faut qu'on soit dans une science de combat. Enseignant-chercheur à EM Lyon Business School, Thomas va à la rencontre de celles et ceux qui explorent le futur et se remémorent l'histoire pour bâtir un monde habitable dès aujourd'hui. À chaque épisode, son invité, curieux du monde à venir, commence par poser une question à l'oracle. Ensuite, tel un archiviste, il nous rapporte un événement méconnu du passé dont les conséquences sont pourtant bien prégnantes dans le monde actuel. Pour conclure, il devient acupuncteur et propose une action clé afin d'aligner les activités humaines sur les limites planétaires. Bertrand Piccard est un psychiatre et explorateur suisse. En 2003, il crée la fondation Solar Impulse et se fixe comme objectif d'identifier le plus grand nombre possible de solutions propres et rentables susceptibles de nous permettre de répondre aux grands défis de notre temps. Dans l'entretien à suivre, Bertrand se demande comment l'humanité pourrait renoncer systématiquement au système technique obsolète pour leur préférer des alternatives plus vertueuses. Il revient ensuite sur la fin des années 60 et le début des années 70 et rappelle que ce moment historique est le point de départ d'une hyperconsommation mortifère qui continue aujourd'hui de sévir. Pour conclure, il insiste sur la nécessité de remettre les décideurs publics et privés en face de leurs responsabilités lorsque, par leurs choix et leurs actes, Ils engagent des communautés, des nations, voire l'humanité tout entière, vers un futur plus ou moins fertile.
- Speaker #2
Bonjour Bertrand.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #2
Alors ça y est, vous y voilà, vous êtes face à l'oracle, vous allez pouvoir lui poser une seule question. Quelle est la question que vous souhaitez lui poser ?
- Speaker #1
Je vais lui demander pourquoi, compte tenu du fait qu'il existe... Autant de solutions qui peuvent protéger l'environnement, qui existent aujourd'hui, qui sont économiquement rentables, qui sont accessibles à tous. Pourquoi ces solutions ne sont pas davantage utilisées ? Pourquoi est-ce qu'elles ne percent pas ? Pourquoi est-ce qu'elles ne remplacent pas toutes les manières polluantes qu'on a de produire, de vivre et de consommer aujourd'hui ?
- Speaker #2
Avec cette première question à l'oracle, vous en ouvrez tout un tas d'autres. Vous évoquez ce réservoir, cet éventail très vaste de solutions qui sont déployées, implémentées à droite et à gauche. Dans votre expérience, qu'est-ce qui frotte ? Qu'est-ce qui freine encore cette adoption de solutions ? Pourquoi n'en sommes-nous peut-être même parfois pas au courant ? Qu'est-ce qui crée cette ignorance ambiante vis-à-vis de tous ces germes de futur quelque part qui sont imaginés par des entrepreneurs, par des innovateurs ? Je vous retourne un tout petit peu la question puisque vous avez tellement quelques éléments.
- Speaker #1
C'est comme ça que font les oracles. Je pense que la principale chose qui bloque, c'est la méconnaissance de ce qui existe, l'inertie face au changement, les gens ont peur de changer. Le désir de continuer ce qu'on a toujours fait, de continuer à se repaître d'habitude et de certitude. Parfois la bêtise des gens qui n'ont pas du tout compris de quoi il s'agit, qui n'ont pas compris qu'on va à la catastrophe sur le plan de la biodiversité, de la pollution, du climat, etc. Des gens qui croient que de toute façon ça s'arrangera tout seul. J'ai entendu des conférences de patrons d'entreprises qui disaient Vous savez, moi je crois à l'ingéniosité humaine, donc j'ai pas du tout peur, on trouvera des solutions. Mais ça c'est une position qui est absolument aberrante. Plutôt que de dire, il y a des solutions, on ne les utilise pas, comment est-ce qu'on pourrait les utiliser ? Alors on est tous les jours face à ça. à la Fondation Solar Impulse, où nous avons identifié, sélectionné, expertisé, labellisé, à ce jour, 1780 solutions qui protègent l'environnement de manière économiquement rentable, qui peuvent être utilisées par tout le monde. Et on voit que c'est tellement compliqué de changer les habitudes. Vous avez des gens qui continuent à utiliser des ampoules à incandescence par habitude au lieu d'utiliser des LED. Bien que les LED consomment 20 fois moins d'énergie, vous avez encore des gens qui font l'apologie de la voiture thermique, probablement parce qu'ils n'ont jamais essayé une voiture électrique et qu'ils n'ont pas vu que même en dehors des problèmes de climat, c'est beaucoup plus agréable de conduire une voiture qui ne fait pas de bruit, qui n'a pas de vibrations, dans laquelle vous êtes plus confortable, qui a une meilleure tenue de route, une meilleure accélération. Donc il y a des obstacles humains. Ce n'est pas la technique aujourd'hui qui est le problème, c'est l'humain.
- Speaker #2
Quand vous êtes face à un décideur ou une décideuse, qu'il s'agisse d'un dirigeant ou d'une dirigeante d'entreprise ou d'un décideur ou d'une décideuse politique, comment est-ce que vous, de manière un peu pratique, vous diagnostiquez, là je fais peut-être aussi référence à votre cursus médical, comment diagnostiquez-vous la vision du monde de votre interlocuteur ou de votre interlocutrice ? Y a-t-il des questions que vous posez ? Y a-t-il des informations que vous allez essayer de glaner chez cette personne avec qui vous parlez ? pour arriver à situer quelque part le rapport de cet individu avec le futur, le rapport de cet individu avec ce que vous avez parfois dénoncé dans des conférences, cette forme de technosolutionnisme qui fait penser à certains qu'effectivement tout arrivera au bon moment, au bon endroit. Comment posez-vous ce diagnostic de la vision du monde ?
- Speaker #1
Le diagnostic, il est relativement facile à poser, même sans questionner l'interlocuteur. Le monde économique fonctionne. sur la recherche de profit, et le monde politique fonctionne par tout ce qui permet d'être réélu. C'est-à-dire la création d'emplois, la bonne image, le soutien des entreprises, des électeurs, etc. Par conséquent, moi ce que je leur dis chaque fois, c'est que autrefois c'était peut-être obligatoire de choisir, mais plus aujourd'hui, entre une écologie chère et sacrificielle... ou une industrie rentable mais polluante et destructrice. Aujourd'hui, on n'a plus besoin de choisir. Aujourd'hui, on peut avoir une écologie qui est économiquement rentable, et on peut avoir une industrie et une économie qui fonctionnent beaucoup mieux lorsqu'elle met l'écologie au centre de son fonctionnement. Donc, ce que je leur dis, c'est que j'ai des solutions à leur amener qui sont beaucoup plus rentables et leur permettent de faire beaucoup plus de profits et de créer beaucoup plus d'emplois, tout en protégeant l'environnement. Et ça, c'est un langage qu'ils sont prêts à écouter pour ceux qui me reçoivent. Sinon, je ne serais jamais reçu par des chefs d'État ou des grands patrons d'entreprise. Donc, ils sont intéressés par ça. Mais ça ne va pas toujours beaucoup plus loin parce que même s'ils sont convaincus que j'ai raison, convaincus que les solutions existent, il ne suffit pas juste de dire Ok, alors on va les utiliser Parce que les utiliser, ça veut dire quoi ? Ça veut dire changer les règles administratives. Changer le fonctionnement économique, changer les standards, changer les normes, introduire parfois des mesures qui ne sont pas forcément très populaires auprès de certains, parce qu'il faut réglementer davantage. Alors vous avez certains partis politiques qui veulent au contraire tout réglementer. Or, il faut dans certains cas des normes, des standards nouveaux. Quand la Commission européenne décide qu'il y aura un seul type de chargeur pour appareil électronique, c'est profondément intelligent. C'est une économie de moyens, de ressources, d'extraction minière, etc. colossale. Mais c'est vrai que ça dérange des habitudes. Et par conséquent, il y a beaucoup de décideurs qui ont des scrupules à prendre des décisions qui s'imposent, même s'ils savent que ça devrait s'imposer.
- Speaker #2
Alors si je prolonge un petit peu ce que vous venez de dire, ce que vous comprenez de vos échanges avec ces dirigeants et ces dirigeantes, c'est qu'un certain nombre sont... parfaitement au courant des enjeux écologiques au sens classique du terme. Vous parlez de protection de l'environnement. Mais par contre, là où le bas blesse, parfois, voire souvent, c'est qu'il leur est difficile individuellement de ménager leur propre écologie personnelle, c'est-à-dire d'être à la fois reconnus et compris comme étant efficaces dans leur fonction d'aujourd'hui. Et en même temps, en capacité de faire ce pas, de franchir ce pas pour eux-mêmes et pour leur organisation, comme s'il y avait aussi un enjeu sous-jacent à ce que vous venez de dire, un enjeu de leadership. Est-ce que vous voyez émerger des formes de leadership qui ne seraient pas de leadership sacrificiel, mais qui seraient finalement du leadership tactique, intelligent, qui fait franchir ce pas d'un monde qui est peut-être en bout de cycle vers un nouveau monde qui lui aurait un peu de... peine à s'ouvrir.
- Speaker #1
Le leadership dont on a besoin aujourd'hui, c'est un leadership qui dépasse les idéologies et c'est ce qu'on n'a pas. On n'a pas ça, on n'a pas ce leadership. Parce qu'aujourd'hui, quand vous parlez à beaucoup d'écologistes, en leur disant qu'il y a des solutions industrielles, ils vous répondent quelle horreur, on ne va quand même pas travailler avec les industriels Et quand vous parlez aux industriels et vous dites qu'il y a des solutions écologiques, ils vous répondent mais on ne veut pas travailler avec les écologistes, on ne veut pas de décroissance, on ne veut pas de sacrifice Et puis les dirigeants de droite ne vont pas prendre les mesures écologistes qui sont parmi les meilleures. proposé par les écologistes parce que ça donne des voix aux écologistes. Puis les écologistes ne vont pas admettre que l'économie a un rôle à jouer parce qu'ils ne veulent pas donner des voix à la droite. Et je l'ai vu tellement de fois où finalement chacun est dans sa propre idéologie avec un certain nombre de vérités, mais ils ne peuvent pas avoir suffisamment raison parce qu'ils n'intègrent pas les autres raisons des autres. Et aujourd'hui, il faut absolument comprendre qu'on peut dépasser ces idéologies en voyant que la protection de l'environnement, c'est bon pour les écologistes, mais c'est bon pour les socialistes aussi parce que les énergies renouvelables sont moins chères, les bâtiments efficients sont moins chers, les pompes à chaleur sont moins chères à l'utilisation et que par conséquent, on a un meilleur pouvoir d'achat pour les gens les plus démunis. On a une meilleure qualité de vie pour les gens les plus pauvres, donc c'est bon pour la solidarité. C'est en même temps bon pour le centre droit parce que ça développe l'économie, ça développe l'emploi. Et même pour l'extrême droite, qui est très souverainiste et indépendantiste en termes d'étrangers, ça permet de créer des sources d'énergie locales, avec de la main d'oeuvre locale, et de ne pas dépendre de pays dont on a envie de moins dépendre. Donc... Toutes les tendances politiques peuvent aujourd'hui trouver leur compte dans la transition écologique. Mais au lieu de ça, chacun reste sur ses précarés et essaye de montrer que c'est lui qui a raison et que les autres ont tort. Donc on n'avance pas.
- Speaker #2
Alors vous l'avez rappelé un petit peu plus tôt, la fondation Solar Impulse a déjà repéré et évalué bientôt 2000 solutions, 1780 d'après le chiffre que vous avez partagé. Comment s'organise cette recherche, cette qualification de possibles solutions techniques ? Comment se façonne, peut-être année après année, le rôle de la fondation comme ce que je vais appeler un tiers de confiance quelque part, c'est-à-dire un intermédiaire entre des décideurs qui peuvent appuyer sur les boutons pour actionner tel ou tel mix de solutions techniques, d'un côté, et de l'autre, les producteurs, les innovateurs, les entrepreneurs qui travaillent au quotidien. à fabriquer ces solutions. Ça ressemble à quoi la fabrique d'un tiers de confiance qui est en train de devenir la fondation ?
- Speaker #1
Au début, la fondation Solar Impulse devait aller extraire les solutions aux forceps. Il y avait des entreprises qui avaient des bonnes solutions, mais ils ne nous connaissaient pas. Ils nous disaient à quoi ça sert d'avoir un label, qu'est-ce que vous allez en faire, comment est-ce que ça va nous avantager ? Et on a montré que... On faisait, par exemple, des essais d'implémentation avec la région Grand Est, qu'on présente les innovateurs aux acheteurs privés et publics dans la région Île-de-France, qu'on met en avant les solutions des Pyrénées-Atlantiques, avec qui on a des partenariats, qu'on a des fonds d'investissement avec Rothschild & Co. et la BNP Paribas, pour investir dans des solutions qu'on a identifiées pour leur permettre de grandir. Donc, peu à peu, ça s'est compris. Et maintenant, ce n'est plus du tout quelque chose de difficile. Maintenant, c'est les innovateurs eux-mêmes qui viennent nous voir avec leur dossier en disant qu'on aimerait être labellisés parce qu'on sait que ça va nous être utile. Et le stade suivant, maintenant, c'est que beaucoup plus de ces solutions-là soient utilisées dans le monde. Alors, on voit qu'il y a des success stories absolument fantastiques. Quand vous avez une entreprise comme Dramix, qui a des agrafes en acier mélangées au béton, de manière à pouvoir se passer des grosses armatures lourdes, chères et polluantes en fer, on voit que DRAMIX, par exemple, a été utilisé dans la réfection du tunnel du Gotthard. Donc c'est une success stories. En même temps, vous avez des grandes entreprises de fabrication d'infrastructures qui n'en ont jamais entendu parler. Et on essaye d'amener ces solutions-là pour qu'elles soient utilisées davantage. Aliaxis. qui a des solutions pour détecter les fuites d'eau dans les conduites d'eau publique, des villes notamment, c'est un système qui est formidable, qui permet d'économiser des centaines de millions de mètres cubes. Il faut les faire connaître partout. Donc notre rôle, c'est d'être un amplificateur de ces solutions, puis essayer de trouver le maximum de gens qui vont les utiliser.
- Speaker #2
Une question me vient à l'esprit, on a évoqué là pendant les premières minutes de l'entretien cet éventail de solutions qui existent, qui sont en germe à droite et à gauche. Certaines sont plus qu'au stade expérimental, vous l'avez très bien dit, elles sont déployées sur des territoires, elles commencent aussi à en intéresser d'autres. On est dans le champ, et c'est bien normal, des innovations, des solutions qui s'appuient sur des pas en avant à la fois scientifiques et techniques. Avez-vous aussi... connaissance ou bien êtes-vous aussi sollicité dorénavant comme tiers de confiance par des producteurs de ce que je vais appeler des innovations comportementales, des innovations organisationnelles, à savoir par exemple sur un territoire, des acteurs qui y vivent, des entreprises, des administrations publiques, des associations peuvent décider autrement de façonner le destin de leur territoire ou bien des fois à des échelles individuelles on a des expérimentations de... de comportement, de rapport peut-être, vous parliez de l'électricité, de rapport à la nourriture, de rapport à la façon dont on vit, qui sont peut-être signes d'espoir. Comment, en fait, dans votre expérience, réconcilier et faire dialoguer ensemble les innovations scientifiques et techniques qui sont incontournables et ces autres formes d'innovation ? Est-ce que celles-ci ont aussi un tiers de confiance comme la Fondation peut en être un ?
- Speaker #1
Nous sommes en train de nous... ouvrir à toutes les solutions comportementales. Et je crois que dans les 1780, il y en a à peu près une centaine à peu près. Parce que justement, on me disait, mais vous vous intéressez à la fondation Solar Impulse que aux solutions techniques, au point qu'on était vu comme des technosolutionnistes, alors que ce n'est pas du tout le cas, puisque toutes les solutions qu'on promeut existent déjà. Et que pour la plupart du temps, c'est juste du bon sens. Il ne s'agit pas de... D'aller saupoudrer les couches de l'atmosphère haute avec des particules qui réfléchissent le soleil vers l'extérieur. Il ne s'agit pas de faire croire qu'on va pouvoir compenser artificiellement ce qu'on abîme aujourd'hui tout aussi artificiellement. Donc on n'est pas du tout dans le technosolutionnisme. On est vraiment dans le bon sens des solutions techniques. Si on réabsorbe la chaleur d'un data center pour la donner à un quartier de ville, on n'est pas dans le technosolutionnisme. On est juste dans le bon sens d'arrêter de gaspiller de l'énergie. où d'habitude on met de l'air conditionné dans des data centers pour les refroidir au lieu d'utiliser leur chaleur. Donc on essaie de compenser des aberrations. Mais maintenant c'est vrai qu'il y a aussi des comportements qu'il faut essayer de mettre en œuvre, mais tout en expliquant que ça ne va pas être des sacrifices. On n'est pas là pour dire, renoncez à ce que vous avez, restez chez vous, ne bougez plus, ne respirez plus, n'émettez plus de CO2, etc. C'est pas ça, parce que sinon, vous discréditez votre message et vous créez plus d'opposition que d'adhésion à l'écologie, à l'action climatique et à la protection de l'environnement. Donc, nous, on essaie de chercher des comportements qui donnent des avantages. Alors, un comportement qui donne des avantages, par exemple, c'est de faire votre propre compost avec vos déchets alimentaires, de manière à pouvoir faire pousser quelques plantes sur vous-même. Si vous n'avez pas de jardin, sur un bord de fenêtre, vous pouvez faire un truc sympa, vraiment sympa, au lieu de mettre vos épluchures dans des poubelles qui finissent à l'incinération, ce qui est aberrant. Si vous roulez à 110 à l'heure sur l'autoroute au lieu de 130 à l'heure, et que vous n'êtes pas fondamentalement pressé, vous allez économiser à peu près 15 à 20% de carburant, et ça vous rendra votre... parcours moins cher et des choses comme ça. Donc le but, c'est de montrer des avantages à changer et pas d'obliger des sacrifices.
- Speaker #2
Alors là, on vient de faire un tour devant l'oracle. Je vous propose maintenant de nous tourner vers le passé et je vous propose d'être un instant... archiviste. Selon vous, quel événement clé, méconnu voire même inconnu, a marqué l'histoire et se fait encore sentir aujourd'hui ?
- Speaker #1
Je pense qu'à la fin des années 60, début des années 70, quand l'écologie est apparue, elle est apparue d'abord de manière scientifique. Et il y a une grande question qui s'est posée, c'est comment mettre en œuvre tout ça ? Et... Il n'y avait pas vraiment de solution. Il n'y avait pas de source d'énergie alternative qui était vraiment bon marché. Il n'y avait pas vraiment de solution technique pour être plus efficient. Il y avait très peu de recyclage. On était plutôt dans une société qui se développait sur une hyperconsommation. Par conséquent, il y a très rapidement eu un clivage Ausha et un clivage industrie-écologie, où tout ce qui était à droite, tout ce qui était économique, tout ce qui était industriel, s'est empressé de rejeter l'aspect écologique en disant ça va être une limite pour nous Ce qui est assez dommage, parce que s'ils l'avaient embrassé en disant c'est fondamental, il faut qu'on s'en occupe, on va voir comment on peut faire mieux, et même si on n'a pas de solution tout de suite, on va trouver plus tard, etc. Allons-y En lieu de faire ça et s'approprier l'écologie, et peut-être la dépolitiser, l'écologie a passé à gauche et est devenue beaucoup plus un mouvement anticapitaliste qui luttait contre les entreprises, qui luttait contre la droite, qui luttait contre l'économie, qui luttait contre la finance. Et par conséquent, il s'est créé cette scission dont on souffre encore aujourd'hui et dont je parlais tout à l'heure. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on croit toujours qu'il y a une écologie sacrificielle et chère d'un côté. une économie et une industrie polluantes mais rentables de l'autre. Or on n'en est plus là, on n'en est plus du tout aux années 60 ou 70 où il n'y avait pas de solutions rentables parce qu'aujourd'hui il y a des centaines et des centaines de solutions rentables. Il faut absolument revenir à une dépolarisation et un déclivage de l'écologie pour qu'on puisse valoriser et les écologistes qui ont le but de protéger l'environnement et le monde économique qui a comme but de développer l'économie, mais pour en faire profiter aussi les assurances, la sécurité sociale, l'éducation, les caisses de retraite, la santé, etc. C'est ça qu'il faut voir. L'économie, ce n'est pas que le grand méchant qui veut s'en mettre plein les poches, parce que tout le système social ne marche que grâce au système économique. Et l'écologie, ce n'est pas non plus ce grand méchant qui veut faire des sacrifices à tout le monde. C'est au contraire un état d'esprit d'harmonie avec l'environnement qui, aujourd'hui, commence à être possible grâce à des nouvelles sources d'énergie et des nouvelles solutions.
- Speaker #2
En vous entendant, ce qui me saute aux yeux, c'est que le diagnostic que vous posez jusqu'ici, les références historiques que vous convoquez nous indiquent que ce dont on aurait certainement besoin, c'est d'une... C'est d'une reconstruction de la politique avec un P majuscule, c'est-à-dire une reconstruction de la façon dont on organise notre vie sociale en compatibilité justement avec un système terre dont on connaît de mieux en mieux à la fois les ressources mais aussi les limites. Est-ce que vous voyez dans ce champ de la reconstruction politique, je dirais nationale, internationale, globale, des signes ? qui peuvent nous autoriser à être optimistes ? Où se cachent, où se trouvent, sans aller nécessairement jusqu'à citer des noms en particulier, des formes de construction politique qui vous fait espérer qu'il y a effectivement des intentions, des intuitions qui veulent aller au-delà des clivages dont vous parlez et qui peut-être sont des clivages d'un autre temps ? Où est-ce que l'on peut tourner son regard pour avoir... une certaine dose d'enthousiasme.
- Speaker #1
Alors, moi, personnellement, quand je regarde la politique actuelle, ça me donne tout sauf de l'enthousiasme. Il y a un degré de narcissisme, d'infantilisme et de nombrilisme qui montre que beaucoup, beaucoup trop de politiciens ne visent que leur intérêt personnel et pas celui de leur population ou de leur parti. C'est affligeant. Alors, il y a des tentatives. où il y a des situations où c'est moins grave. En Suisse, on est en permanence dans un gouvernement d'union nationale. On a sept ministres qui représentent quatre parties et les sièges de ces parties sont garantis au sein du gouvernement. Vous avez deux socialistes, vous avez un centriste, vous avez deux centres-droites et deux de la droite plus à droite. Et par conséquent, pour arriver à quelque chose, ils sont obligés de se parler. C'est peut-être quelque chose que la France devrait regarder. Parce que moi, j'ai entendu une phrase absolument invraisemblable dans un débat en France. On demandait à quelqu'un, est-ce que vous allez être obligé de créer des coalitions avec les autres partis ? Il a répondu, on ne peut pas faire de coalition, on ne pense pas la même chose. C'est quand même invraisemblable. Alors que la coalition, c'est justement quand on ne pense pas la même chose. Et on essaie de voir comment il peut y avoir des intersections. Quand on entend ceux qui disent, on ne veut faire que notre modèle, que notre modèle, que notre programme et rien d'autre, c'est faire totalement abstraction du fait qu'ils n'ont pas la majorité. Et qu'il y a une majorité qui n'a pas envie de l'entier du programme. Et que par conséquent, il faut prendre ce qui est de bon dans ce programme, parce qu'il y en a, et puis prendre ce qui est de bon dans le programme des autres aussi. Alors, vous me demandez si, à un moment donné, je reprends Espoir. J'ai entendu une phrase magnifique. d'un ou d'une, je ne sais plus, députée LFI, après le discours de politique générale de Michel Barnier, qui a dit le ton a changé, c'est devenu respectueux Mais vous vous rendez compte ? Le ton a changé, c'est devenu respectueux. Alors, chapeau à Michel Barnier d'avoir réussi à mettre du respect, mais visiblement, il y en avait besoin, parce qu'avant, ça n'avait pas l'air d'être ça. Si tout à coup, l'opposition se sent respectée, c'est qu'il se passe quelque chose de favorable. Mais c'est une évidence qu'on doit respecter l'opposition. On ne peut pas gouverner avec arrogance et mépris. Et j'ai toujours été vraiment interloqué par les invectives et les injures qu'il y a à l'Assemblée nationale. Pendant des discours, les députés s'insultent mutuellement. Et quand j'ai demandé à Pierre Mesmer, il y a 25 ans, l'ancien premier ministre de Pompidou, je crois, ou de De Gaulle. Pourquoi c'était comme ça ? Et il m'a dit, mais c'est ce qu'a voulu le général De Gaulle, il a voulu une majorité forte et une opposition qui se contente de rouspéter. Moi, ce n'est pas comme ça que je vois la politique, mais alors vraiment pas.
- Speaker #2
Je reviens aussi un instant sur ce morceau d'histoire que vous nous avez ramené en tant qu'archiviste, ce tournant des années 60, début des années... 1970, la formation du mouvement écologiste international. J'ai parfois l'impression, quand on se retourne sur cette période et sur les penseurs de cette période, que, bien sûr que c'est caricatural, tout a été dit, tout a été fait et tout reste à faire. Vous évoquiez le fait qu'à cette époque, il n'y avait pas justement le système sociotechnique d'aujourd'hui qui peut rendre possible des intuitions qui étaient... mise en avant au tournant des années 60, début des années 70, est-ce que cet esprit environnementaliste vit encore aujourd'hui ? Est-ce qu'il y a effectivement dans les tiroirs depuis plus de 50 ans maintenant des façons de voir le monde qui ont été complètement mises de côté par l'idée d'un destin tracé d'avance, c'est-à-dire que les années 70 et 80... peu de choses près, ont mis complètement de côté une vision du monde qui prévoyait qu'il fallait effectivement être très attentif à la sauvegarde de la vie humaine sur Terre. Est-ce que l'on voit des reprises en main de ces intuitions peut-être certaines tout à fait visionnaires aujourd'hui, en 2024 ?
- Speaker #1
Je crois que la grande erreur, c'était de partir de la vision consumériste en pensant que ça donnerait du bonheur. Le consumérisme, c'est une économie quantitative. C'est-à-dire qu'il faut extraire de plus en plus, produire de plus en plus, vendre de plus en plus, consommer de plus en plus, à des prix de plus en plus bas, parce qu'il faut battre la concurrence, avec des salaires de plus en plus bas, ce qui crée des inégalités sociales inacceptables, avec encore plus de pollution, avec encore plus de déchets. Ça, c'est la vision qu'on a, malgré... le désir de protéger l'environnement à partir des années 60. Ce qu'il faut changer, c'est passer de cette économie quantitative qui n'a aucun sens sur le plan environnement, mais qui n'a aucun sens non plus sur le plan économique, parce que les barges bénéficiaires sont beaucoup trop faibles, les salaires sont beaucoup trop bas et tout le monde en souffre. Donc il faut passer d'une économie quantitative à une économie qualitative. L'économie qualitative, c'est celle où on vend de l'efficience au lieu de vendre de la quantité.
- Speaker #0
L'efficience, je rappelle parce qu'il y a des gens qui confondent, l'efficience c'est quand on obtient un meilleur résultat avec une consommation réduite d'énergie ou de ressources. Vendre de l'efficience au lieu de la quantité, c'est par exemple vendre des ampoules LED au lieu des ampoules inconnaissances. L'ampoule LED, elle dure beaucoup plus longtemps, elle consomme 20 fois moins d'énergie, mais elle coûte plus cher. Mais sur la durée de vie de l'ampoule, ça vous coûte beaucoup moins cher, puisqu'il y a moins de consommation d'électricité, vous devez en racheter moins souvent. Un autre exemple que je prône, mais qui n'a pas été mis en œuvre, malheureusement, c'est une garantie de 5 ans au lieu de 2 ans sur l'électroménager ou l'électronique. Si vous avez 5 ans de garantie, il ne peut plus y avoir d'obsolescence programmée au bout de 2 ans. Donc les produits sont de meilleure qualité. Vous en achetez deux fois moins souvent, deux fois et demi moins souvent. Par conséquent, vous pouvez le payer un peu plus cher. Et si vous le payez un peu plus cher, l'entreprise qui en vend moins fait un meilleur bénéfice, même si le chiffre d'affaires est plus bas. Donc en fait, l'économie qualitative, c'est celle dans laquelle le chiffre d'affaires diminue, mais le bénéfice augmente. Et ça, c'est ce que les décroissants n'ont pas compris. Les décroissants veulent faire baisser le chiffre d'affaires, et je suis d'accord avec eux, il faut le faire. Il faut consommer moins, produire moins, gaspiller moins. Mais ce qu'ils semblent n'avoir pas compris, c'est qu'avec un chiffre d'affaires plus bas, on peut faire un bénéfice plus haut. Et si on fait un bénéfice plus haut, on n'a pas besoin d'avoir de décroissance économique. On peut garder un fonctionnement économique qui permet la santé, l'éducation, la sécurité sociale, les caisses de retraite, la lutte contre la pauvreté, etc. Et c'est là qu'une fois de plus on voit qu'il faut prendre ce qui est bon des deux côtés et pas que d'un côté parce que d'un seul côté, quel qu'il soit, à Ausha droite, en écologie ou en industrie, d'un seul côté on n'a pas toute la vérité.
- Speaker #1
Quel conseil est-ce que vous donneriez à des étudiantes ou étudiants qui se demandent vers quelle formation s'orienter à 18 ans par exemple, vers quelles écoles, vers quelles... Vers quel métier ? Comment suggérer à cette jeunesse de trouver sa place, de se mettre elle aussi en chemin au service de cette économie qualitative ?
- Speaker #0
Je pense que la première chose à faire c'est de comprendre que ce n'est pas parce qu'on fait autre chose que des études universitaires qu'on est un raté. Au contraire, aujourd'hui l'économie qualitative... Elles passent par l'entretien, elles passent par la réparation, elles passent par le recyclage, elles passent par la vente d'occasion. Donc il y a énormément de métiers qui doivent être créés dans ce domaine-là. En plus des métiers qui doivent être créés dans l'installation de panneaux solaires, dans le forage géothermique pour les pompes à chaleur, etc. Tout ça, c'est des métiers qui ont disparu ou qui n'ont pas été créés. Donc c'est la première chose à faire. On n'a pas besoin de plus de banquiers. Il y en a assez. Mais par contre, si aujourd'hui, le système économique permettait de rénover tous les bâtiments, il n'y aurait pas assez de salariés pour pouvoir le faire. Donc on voit bien quels sont les métiers d'avenir. Et moi, j'appelle ça des artisans du futur ou les techniciens du futur. Et ça doit être valorisé. On n'est pas plombier. Dans les pop à chaleur, on n'est pas mécano pour les panneaux solaires. Non, on est technicien du futur. Et ça, je trouve que c'est quelque chose de beaucoup plus valorisant. Mais c'est vrai qu'il faut en parler comme ça. Sinon, tout le monde va continuer à vouloir être banquier et trader à la bourse.
- Speaker #1
On a besoin certainement de stimuler des nouveaux imaginaires, de construire cet optimisme lucide qui peut permettre à une économie qualitative de prendre le pas sur cette économie de l'hyperconsommation que je vous ai aussi entendu dans différentes interviews pointées du doigt. On retourne au présent, donc on est aujourd'hui en 2024. Bertrand, vous voilà enfin acupuncteur. Selon vous ? Quelles décisions, quelles actions ou quelles interventions pourraient contribuer significativement aujourd'hui à la fabrique d'un monde habitable et durablement habitable ?
- Speaker #0
Vous savez ce que c'est l'acupuncture, comment ça marche ? Quand on met une aiguille sur un point d'énergie, c'est pour laisser passer la bonne quantité d'énergie dans un méridien qui était bloqué. Ou bien réduire quand il y a trop d'énergie qui passe. C'est-à-dire, en fait, réguler, remettre un équilibre. Et aujourd'hui, je pense que là où il faut mettre l'aiguille d'acupuncture, c'est dans l'équilibre entre notre action et les conséquences de nos actions. C'est-à-dire rendre les gens responsables de ce qu'ils font et de ce qu'ils disent. Et on a perdu ça. Aujourd'hui, vous avez des gens qui construisent un pont avec pas assez de béton pour pouvoir économiser de l'argent. Et quand le pont s'écroule, ils ne sont même pas recherchés. Ils ne sont même pas responsables de leurs actes. Vous avez des entreprises qui rejettent des produits toxiques dans les rivières et qui empoisonnent des centaines de personnes. Vous ne les voyez pas au tribunal. Vous ne les voyez pas au tribunal. Et puis, ça va beaucoup plus loin. Ça va que tout le monde dans la population utilise des produits qui polluent et pour lesquels il n'y a pas de conséquences. Mais je vais même vous en citer un que j'aime pourtant beaucoup, c'est l'avion. On prend l'avion sans aucune conséquence. La conséquence élémentaire quand on prend l'avion, c'est d'avoir le prix de nos externalités dans le billet d'avion. C'est-à-dire qu'on doit payer la conséquence de ces actes. Quand vous prenez votre voiture thermique, quand vous avez un chauffage au fuel ou au gaz, quand vous prenez l'avion, Quand vous gaspillez de l'électronique chinoise, quand vous achetez trois téléphones alors que vous n'en avez besoin que d'un, vous devez assumer le coût environnemental, le coût de la pollution, le coût social. Quand on met au chômage des gens pour délocaliser et produire moins cher en Asie, c'est un bénéfice qui est empoché par l'entreprise et une charge de plus pour le pays. public qui doit payer le chômage de ceux qu'on a mis au chômage pour augmenter le bénéfice privé. C'est absolument inadmissible. Donc, il y a, à ce niveau-là, beaucoup de travail à faire pour rétablir la responsabilité de nos actes et réinclure les externalités de tout ce qu'on fait dans le prix de ce qu'on achète.
- Speaker #1
Pour aller dans ce sens de créer cette plus grande responsabilité, notamment... vis-à-vis de celles et de ceux qui ont des pouvoirs d'action considérables. Est-ce que l'on a déjà, à votre connaissance, disponible sur étagère des solutions ? Il peut s'agir d'ailleurs de solutions techniques, il peut s'agir de solutions réglementaires, de solutions politiques pour réinstaller cette responsabilité ? Et quelle résistance opère particulièrement pour que ce retour à la responsabilité soit réalisé ? soit repoussée, s'inédit. Pourquoi cette responsabilité s'est dissoute, selon vous, jusqu'à aujourd'hui ?
- Speaker #0
Il y a eu un très bel exemple en Suisse, où une initiative populaire a été lancée par des milieux qui voulaient protéger les travailleurs étrangers des multinationales et de leurs conséquences. Et par conséquent, voulait que les victimes des multinationales à l'étranger puissent porter plainte en Suisse et obtenir des dommagements. Ça a été refusé parce que le gouvernement a fait toute une campagne contre cette initiative, qui me semblait très humaine, en disant ça va être très mauvais pour l'économie suisse si on doit commencer à payer pour les dégâts qu'on fait à l'étranger Vous vous rendez compte ? C'est lamentable quand même des arguments pareils. Ça va être mauvais pour l'économie suisse, si les multinationales suisses doivent payer pour les dégâts qu'elles font. Mais vous vous rendez compte ? On est encore très très loin de responsabiliser les décideurs et les acteurs de notre monde, de les responsabiliser pour les dégâts qu'ils font, ou pour les conséquences de leurs actions et de leurs décisions.
- Speaker #1
Vous parlez du monde, ce monde sur un plan plus personnel, vous l'avez exploré sous toutes ses coutures. Qu'est-ce qui vous habite aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous retirez ? Qu'est-ce que vous mobilisez quelque part au quotidien dans vos actions ici au sein de la Fondation, de vos différentes aventures ? Comment est-ce que ces aventures personnelles que vous avez vécues, finalement elles sont en vous chaque jour, elles créent peut-être... un enthousiasme, une envie renouvelée chaque jour. Est-ce que vous pouvez nous partager un tout petit peu plus de l'intimité de Bertrand Piccard ?
- Speaker #0
En fait, moi, ce qui m'anime, c'est la frustration de voir que le monde pourrait fonctionner bien mieux que ce qu'il fonctionne et qu'on ne fait pas suffisamment pour que ce soit le cas. La frustration de voir qu'il y a des solutions et qu'on ne les utilise pas, qu'il y a des décisions politiques qui pourraient améliorer considérablement le sort de beaucoup de citoyens et qu'on ne les prend pas. Alors ça, en fait, c'est une espèce de révolte. Et je me dis, je vais essayer de jouer ma part, jouer mon rôle, d'amener des solutions, de montrer ce qu'on peut faire autrement, d'essayer de donner envie. Mais c'est amusant parce qu'en fait j'ai une révolte, une frustration que je n'exprime pas par un comportement violent, que je n'exprime pas en allant me coller les mains sur du goudron ou de jeter de la sauce tomate sur des tableaux, simplement parce que je trouve que ces actions-là sont préjudiciables à la cause. Les acteurs se ridiculisent. Ils montrent une vision de l'écologie qui est repoussante. Et si les écologistes ont perdu des voix aux dernières élections en Suisse, Il y a une étude là-dessus par la télévision suisse, c'est parce que les partis verts ont soutenu les activistes qui se collaient les mains sur le goudron, ils ont soutenu le wokisme, ils ont donné une image de l'action climatique qui était sacrificielle. Ils ont perdu à peu près la moitié des voix et des sièges qu'ils avaient au Parlement. C'est quand même intéressant. Donc vous pouvez être révolté, mais ça ne veut pas dire que vous devez faire la révolution. Vous pouvez être révolté et amener des solutions qui sont consensuelles. Amener des solutions qui sont fédératrices, amener des solutions qui sont techniques, parce que je pense que là, vous allez être beaucoup, beaucoup plus écoutés et vous ferez beaucoup plus de bien et vous amènerez beaucoup plus de résultats que par la manière violente.
- Speaker #1
Et alors, quelque part, si j'essaye de me replonger dans tout ce que vous m'avez dit aujourd'hui, beaucoup d'actions, beaucoup d'ambitions qui sont portées à droite et à gauche sont apparemment tournées vers l'avenir, mais quelque part... Attendre de l'avenir des réponses aux situations problématiques dans lesquelles on est aujourd'hui, c'est peut-être manquer de courage, c'est peut-être remettre à demain ce qui peut être fait aujourd'hui. Je me suis noté sur mon petit calepin que vous proposeriez presque, et ce ne sont pas vos paroles donc je ne les mets pas non plus dans votre bouche, une forme d'agiorna mento général, c'est-à-dire arrêtons-nous un instant. Regardons aujourd'hui dans les entreprises, dans les laboratoires, dans les lieux d'innovation sociale et territoriale tout ce qui se fait et établissons les liens manquants entre des situations problématiques qui pourraient tout à fait être solutionnées au moins en partie par des initiatives, je dirais, de chair, de sang et de boulons qui existent aujourd'hui dans le présent. Finalement, parler du futur du lundi au dimanche. C'est le plus sûr moyen de ne plus se préoccuper du présent. Est-ce que c'est à peu près correct comme reformulation ?
- Speaker #0
Vous avez totalement raison. Et je pense même qu'on peut dire que c'est préjudiciable de penser trop au futur. Quand vous dites qu'il faut arrêter de prendre sa voiture aujourd'hui pour respecter la qualité de vie des générations futures, éviter la fonte du pôle sud, qui sait qui va faire ça ? Vous devez dire que si on diminue la voiture aujourd'hui... c'est parce qu'on veut moins de cancers du poumon, de bronchites chroniques et de crises d'asthme aujourd'hui. Et si vous voulez passer une voiture électrique, c'est parce que c'est une voiture qui est plus agréable à conduire aujourd'hui. Et si vous voulez des solutions efficientes dans l'industrie, c'est parce qu'elles sont moins chères à utiliser pendant leur cycle de vie et vous allez faire plus de marge bénéficiaire. Donc, il faut effectivement voir ce qui existe aujourd'hui, ce qui est utile aujourd'hui. Donc, il faut du bon sens. Mais pour ça, il faut des décisions politiques. Une des décisions que je prône, c'est que toute la réglementation favorise les solutions efficientes qui existent aujourd'hui. C'est-à-dire qu'on soit obligé de remplacer ce qui pollue parce qu'il protège l'environnement, puisque c'est là. Et c'est là qu'il faut taxer le gaspillage. C'est là qu'il faut taxer le CO2. Si en gaspillant, ça vous coûte cher. Si en émettant du CO2, ça vous coûte cher. Si en ayant des vieilles solutions techniques, ça vous coûte cher, eh bien, vous allez changer. Parce que malgré tout, la réglementation est la meilleure manière de faire évoluer les comportements.
- Speaker #1
Lors d'un précédent entretien dans ce podcast, un invité était allé jusqu'à suggérer qu'il faille peut-être un jour imaginer une sorte d'autorisation de mise sur le marché de produits industrielle, au même titre que dans le monde médical, il y a autorisation de mise sur le marché de nouveaux traitements, puisque l'on va chercher à s'assurer de la participation de ce nouveau traitement à la santé humaine. Vous évoquez la réglementation. Est-ce qu'aujourd'hui, il y a d'après vous des cadres réglementaires qui sont peut-être d'un côté trop contraignants ou alors au contraire des cadres réglementaires qui sont... Très loin du compte, où est-ce que dans ces cadres réglementaires qui entourent nos activités économiques, voyez-vous les principaux angles morts ?
- Speaker #0
Le cadre réglementaire aujourd'hui, il favorise de continuer exactement ce qu'on fait aujourd'hui. Si vous voulez une innovation dans le monde du bâtiment, c'est très compliqué parce que les groupes d'experts qui certifient les technologies sont constitués de gens avec une expérience du passé. Et vous mettez un innovateur qui vient vous dire qu'on peut faire autrement, il n'est pas écouté, il n'est même pas dans le groupe des experts. Donc c'est très compliqué. Ensuite, vous devez assurer votre bâtiment. Si c'est avec un nouveau système, il ne sera pas assuré. Ensuite, s'il est plus cher à l'achat ou à la fabrication, mais qu'il est plus économique par la suite et que vous gagnez de l'argent après, vous avez un court terme qui fait que celui qui va produire va essayer de produire le meilleur marché possible pour battre la concurrence et il ne va pas prendre le risque. de faire 10% plus cher, même si au bout de 5 ans, c'est amorti et que ça devient du bénéfice net. Donc, tous ces comportements déviants, ils doivent être intégrés dans la législation, mais beaucoup, beaucoup plus. Donc, ce qu'il faut, ce n'est pas une autorisation spéciale de mise sur le marché de quelque chose de nouveau. Ce qu'il faut, c'est une interdiction de continuer à garder tous les vieux trucs qui polluent. Vous savez, en France, il y a encore 50% d'ampoules à incandescence. Si on remplaçait ces ampoules à incandescence par des ampoules LED, ça dégagerait assez d'électricité, par l'économie d'énergie des LED, pour charger 7 millions de voitures électriques par jour. Donc on voit bien que c'est un mauvais équilibre des ressources, c'est un gaspillage de ressources aujourd'hui. C'est pas qu'il manque des ressources, c'est qu'on les utilise mal.
- Speaker #1
Et il me semble que la formule que vous venez d'utiliser sera une... Très jolie conclusion de cet échange. Merci beaucoup Bertrand pour le temps que vous avez accordé à ce podcast.
- Speaker #0
Avec plaisir. C'est une cause qui me tient très très à cœur. Merci d'avoir écouté cet épisode de Nos Limites, produit par Logarithme. L'ensemble des épisodes est disponible sur toutes les plateformes et sur le site Atelier au Singulier. desfutureauxpluriel.org Pour ne rien rater des prochains épisodes, abonnez-vous et n'hésitez pas à en parler autour de vous. A bientôt !