Speaker #0isabelle est trĂšs en colĂšre et sa colĂšre se partage entre quatre choses d'abord sa maladie Ă qui elle dit tu as ruinĂ© ma vie ensuite elle-mĂȘme Ce qui lui fait dire je suis incapable de redevenir celle que j'Ă©tais avant d'ĂȘtre malade Puis son conjoint, parce qu'il donne une mauvaise image d'elle quand il raconte comment ça se passe Ă la maison, quand il raconte comment ça se passe diffĂ©remment d'avant la maladie d'Isabelle et surtout quand il se plaint Ă sa sĆur des difficultĂ©s que lui rencontre du fait de la maladie d'Isabelle. Et enfin, En colĂšre contre sa belle-sĆur, parce qu'elle lui fait des reproches sur son attitude, sur son comportement depuis qu'elle a Ă©tĂ© malade. Nouveau chemin, le podcast qui vous rĂ©vĂšle les ressorts psychologiques d'une vie Ă©panouie. Par Laurence Simon, saison 2, Ă©pisode 18. Parmi les quatre objets de sa colĂšre, il y en a deux sur lesquels elle pourrait avoir la main si elle changeait ses interactions. C'est la colĂšre qu'elle a contre son conjoint et contre sa belle-sĆur. En effet, son conjoint raconte Ă sa famille et notamment Ă sa sĆur comment ça ne va pas trop bien Ă la maison depuis qu'Isabelle a Ă©tĂ© malade. C'est normal, bien sĂ»r, que son conjoint raconte ses difficultĂ©s et il a besoin de se confier. Mais c'est ce qui alimente les remarques de la belle-sĆur. Comme Isabelle souffre beaucoup de ses remarques, de ses critiques, elle dit Ă son conjoint Ăcoute, tu dis du mal de moi, arrĂȘte de dire du mal de moi Ă ta sĆur. Ce Ă quoi le conjoint rĂ©pond toujours Mais non, je ne dis pas du mal de toi. Et Isabelle de rĂ©pondre Mais si, tu dis du mal de moi. Ils ont donc un Ă©change complĂštement stĂ©rile Ă ce sujet, un Ă©change qui tourne en rond. Elle lui dit ArrĂȘte de dire du mal de moi. Il rĂ©pond Je ne dis pas du mal de toi. Mais si, mais non, mais si, mais non. Quand on dit Ă quelqu'un d'arrĂȘter de faire ce qu'il fait, et que ce quelqu'un considĂšre qu'il ne fait pas ce qu'on lui reproche, on obtient ce genre de dialogue de sourds. Il faut bien comprendre qu'il ne peut pas arrĂȘter de faire quelque chose qu'il pense qu'il ne fait pas. Et c'est en ça que l'Ă©change est stĂ©rile. C'est une bataille de deux points de vue inconciliables. Donc, pour faire Ă©voluer les choses et tenter de parvenir Ă un changement, il faut aborder le problĂšme par un autre angle. Isabelle pourrait dire par exemple, S'il te plaĂźt, fais attention Ă ce que tu dis. Peux-tu faire plus attention Ă moi quand tu parles aux autres ? Ce serait une façon de demander de l'aide Ă son conjoint en lui disant Je suis malheureuse Ă cause de ce que tu dis Ă ta sĆur, donc peux-tu s'il te plaĂźt m'aider Ă ne plus l'ĂȘtre en changeant ta façon de lui parler ? Ce serait Ă©galement une façon de lui faire prendre conscience des consĂ©quences de ce qu'il fait, de sa part de responsabilitĂ© dans les difficultĂ©s d'Isabelle. Comme je le disais tout Ă l'heure, demander Ă son conjoint de ne plus dire du mal d'elle ne sert Ă rien, Sauf Ă se disputer, parce que le conjoint pense qu'il ne dit pas du mal d'Isabelle. De son point de vue, il ne va donc pas arrĂȘter de faire quelque chose qu'il ne fait pas. Mais lui demander de l'aide pour aller mieux, c'est lui demander de faire quelque chose de positif et surtout quelque chose de rĂ©alisable. Il ne peut pas arrĂȘter de faire ce qu'il ne fait pas, mais il peut faire quelque chose d'autre, quelque chose de nouveau. Avec sa belle-sĆur, c'est un peu diffĂ©rent. Mais c'est aussi une situation sur laquelle Isabelle pourrait avoir la main si elle dĂ©cidait de changer les interactions. Sa belle-sĆur lui dit en substance qu'il faut qu'elle fasse des efforts pour en faire plus Ă la maison parce que son frĂšre en fait beaucoup trop, qu'il faut qu'elle recommence Ă faire tout ce qu'elle faisait avant d'ĂȘtre malade. Par exemple, elle lui reproche de ne pas passer l'aspirateur trĂšs souvent, voire de ne jamais le passer. Selon elle, c'est toujours son frĂšre qui le fait. Et Isabelle rĂ©pond soit Oui, ben lĂ , je ne l'ai pas passĂ© parce que j'ai fait autre chose. Ou alors Oui, ben, je le passe quand mĂȘme aussi des fois, ce n'est pas vrai que je ne le passe jamais. C'est-Ă -dire, soit Isabelle se justifie en disant Oui, je n'ai pas fait cela, mais j'ai de bonnes raisons parce que j'ai fait ceci Ă la place. Soit elle se dĂ©fend de l'avoir fait Ce n'est pas vrai que je ne l'ai pas fait. Ou Ce n'est pas vrai que je ne le fais jamais. Dans les deux cas, elle prend pour elle les reproches de sa belle-sĆur. En donnant soit des explications, soit des justifications, elle accepte le reproche. Alors qu'en fait, elle pense, un, que ce ne sont pas des affaires, elle a qu'Ă se mĂȘler de ses oignons, et deux, qu'elle n'a qu'un seul son de cloche, qu'elle n'a que le point de vue de son frĂšre. Donc, si elle lui disait, par exemple, en quoi ça te regarde puisque de toute façon tu n'habites pas chez nous, elle ne prendrait pas pour elle le reproche. Si on ne prend pas pour soi le reproche de l'autre, le reproche n'a plus de raison d'ĂȘtre. C'est une façon de renvoyer Ă l'autre son reproche, Ă lui d'en faire ce qu'il veut, mais moi je ne le prends pas. Surtout que, Ă chaque reproche que lui fait sa belle-sĆur, et Ă chaque fois que son conjoint raconte ce qui ne va pas Ă la maison, ça renvoie Ă Isabelle l'image d'elle-mĂȘme qu'elle est incapable de redevenir celle d'avant. Ăa abĂźme un peu plus Ă chaque fois l'image d'elle-mĂȘme, La confiance en elle, ça la rend chaque fois un peu plus triste de sa situation, elle est Ă chaque fois confrontĂ©e Ă ce qu'elle croit ĂȘtre son impuissance Ă redevenir comme avant. Et ça attise sa colĂšre contre elle-mĂȘme et l'empĂȘche de trouver les forces pour redevenir celle qu'elle Ă©tait. C'est trĂšs important que ces interactions cessent parce qu'elles sont contre-productives, voire destructrices. mais il n'y a qu'elle il n'y a qu'isabelle qui puisse faire que ça cesse en changeant la façon qu'elle a d'interagir avec eux cependant le problĂšme d'isabelle n'est pas uniquement les interactions les Ă©changes avec son conjoint et sa famille c'est surtout l'idĂ©e qu'elle a qu'il faut qu'elle redevienne comme avant alors il faut que je vous explique ce qui est arrivĂ© Ă isabelle Isabelle a Ă©tĂ© trĂšs malade. Elle a eu une tumeur au cerveau, pas cancĂ©reuse, mais elle a subi nĂ©anmoins une opĂ©ration pour lui enlever cette tumeur. Ăa a Ă©tĂ© une opĂ©ration trĂšs lourde, suivie de plus d'un an de rééducation en centre spĂ©cialisĂ©. Elle a dĂ» rĂ©apprendre Ă Ă©crire, Ă marcher, Ă parler aussi en partie. Aujourd'hui, elle va bien, mais elle a quand mĂȘme de nombreuses sĂ©quelles. Elle n'a pas pu, par exemple, reprendre son mĂ©tier. Elle ne peut pas encore reconduire. Elle a certaines difficultĂ©s d'orientation et de coordination. Bref, elle va plutĂŽt bien, mais elle revient de loin et il y a encore du chemin Ă faire. Donc Isabelle ne se dit qu'une seule chose depuis qu'elle est rentrĂ©e chez elle, aprĂšs la rééducation. Elle se dit je voudrais redevenir la personne que j'Ă©tais avant la maladie Mais est-ce que c'est vraiment je qui voudrait redevenir cette personne ? Parfois c'est il c'est l'entourage. Il aimerait que je redevienne la personne d'avant. Ce qui signifie qu'Isabelle rĂ©pond aux souhaits de son entourage en faisant tout pour redevenir celle d'avant. Or, elle ajoute qu'en fait, elle ne se souvient pas trĂšs bien de comment Ă©tait la personne d'avant et qu'elle n'est pas certaine que cette personne lui plaise encore et que c'est comme si cette personne lui Ă©tait Ă©trangĂšre. Donc, Isabelle cherche Ă redevenir une personne. dont elle ne se souvient plus. Quand on dit je veux redevenir la personne que j'Ă©tais on est tournĂ© vers le passĂ©. Quand on dit je voudrais devenir la personne que je suis ou que je serai demain on est tournĂ© vers le futur. Vous connaissez le kintsugi ? C'est un art japonais qui permet de reconstruire une porcelaine aprĂšs qu'elle ait Ă©tĂ© cassĂ©e. Quand on rĂ©pare une porcelaine cassĂ©e avec la mĂ©thode du Kintsugi, on assemble les morceaux et on les recolle avec l'intention de montrer, de mettre en Ă©vidence le fait qu'elle a Ă©tĂ© cassĂ©e. On reconstitue la porcelaine cassĂ©e avec pour objectif de mettre en Ă©vidence les morceaux recollĂ©s, on met en Ă©vidence lĂ oĂč ça a Ă©tĂ© recollĂ©, on bouche les trous de façon Ă ce que ça se voit et que ça se voit mĂȘme beaucoup. Et puis on passe les traces de cassure, ou les endroits oĂč il manque un morceau de porcelaine, Ă la feuille d'or. Ăa fait une autre porcelaine, c'est un peu la mĂȘme, mais dĂ©jĂ une autre, et puis surtout elle peut encore servir. Alors qu'en mille morceaux, elle ne servait plus Ă rien, ou que recoller Ă moitiĂ© pour faire comme si elle n'avait pas Ă©tĂ© cassĂ©e, on n'aurait pas pu s'en servir. Elle n'aurait fait que donner l'illusion qu'elle Ă©tait comme avant. GrĂące Ă la mĂ©thode du Kitsugi, certes, elle a changĂ© d'aspect, mais on peut s'en servir Ă nouveau, elle reprend vie. On a donc une porcelaine qui ressemble un peu Ă celle qu'on avait avant, mais pas complĂštement, qui ressemble aussi Ă autre chose, qui a donc des Ă©lĂ©ments supplĂ©mentaires, des ajouts Ă l'objet initial, mais qui est redevenue fonctionnelle et dont on peut se servir, dont on peut profiter Ă nouveau. Personne ne peut rien contre le fait que la porcelaine soit cassĂ©e. C'est un Ă©tat de fait, elle est cassĂ©e. Soit je jette les morceaux et j'essaye de l'oublier, Je la recolle tant bien que mal, mais je ne peux plus m'en servir. Soit je la rĂ©pare avec la mĂ©thode du kitsugi et je lui donne une deuxiĂšme vie. C'est comme Isabelle et sa maladie. Elle a Ă©tĂ© malade, la maladie est passĂ©e par lĂ , rien ni personne n'y changera jamais rien. Je vous ai dit que Isabelle est aussi trĂšs en colĂšre contre la maladie. Cette colĂšre contre la maladie est stĂ©rile parce qu'elle ne peut s'exercer sur rien. Quoi que fasse Isabelle, la raison de sa colĂšre, la maladie, ne disparaĂźtra jamais. Et Ă la faire grossir, Isabelle se charge d'une colĂšre sur laquelle elle n'a pas du tout la main. Ă l'image d'une porcelaine cassĂ©e, Isabelle essaye de rassembler les morceaux de la personne qu'elle Ă©tait avant la maladie. Mais il manque des bouts, elle ne se souvient pas bien lesquels, donc ça fait des trous. Et puis les morceaux ne s'emboĂźtent pas trĂšs bien, elle se sent souvent mal Ă l'aise, elle a l'impression que quelque chose cloche. Et mĂȘme s'ils s'emboĂźtent bien, il y a toujours une fĂȘlure, et ça se voit. Si Isabelle envisageait de se reconstruire Ă la façon des porcelaines japonaises, avec la mĂ©thode Kitsugi, elle commencerait par... Renoncer Ă redevenir la personne qu'elle Ă©tait. Puis, elle accepterait d'avoir Ă©tĂ© malade. Ainsi, elle pourrait rĂ©parer ses blessures. Et enfin, se rĂ©vĂ©lerait la personne qu'elle est devenue. Ă suivre ! Nouveau chemin est un podcast conçu, Ă©crit et rĂ©alisĂ© par Laurence Simon, psychopraticienne en thĂ©rapie systĂ©mique de l'Ă©cole de Palo Alto. Vous pouvez l'Ă©couter sur votre application favorite. et pour le soutenir, laissez des commentaires et des Ă©toiles, partagez-le, abonnez-vous. Rendez-vous dans 15 jours pour le prochain Ă©pisode.