Speaker #0On voit assez souvent sur les réseaux sociaux cette citation attribuée à Einstein. La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent. On l'entend et on la lit très souvent, elle est parfois formulée un peu différemment, mais le message est toujours le même. Pour changer sa vie, il faut faire autre chose ou autrement que ce qu'on a fait jusque-là. Donc, je ne vais pas vous resservir le même discours, je pense qu'on l'a tous compris, parce qu'en même temps, c'est évident, si je fais toujours la même erreur, je vais toujours me tromper. D'ailleurs, les personnes qui viennent me consulter disent souvent, j'ai toujours fait ceci ou cela, et ça ne va pas, donc aidez-moi à faire autrement. mais elles sont encore plus nombreuses à dire j'ai tout essayé pour changer, mais rien ne fonctionne, je n'y arrive pas, j'ai fait autrement, mais ça ne fonctionne toujours pas En fait, elles croient qu'elles font différemment, mais est-ce vraiment différent ? Parce que c'est facile de dire même chose, même effet mais c'est beaucoup plus dur de savoir faire quelque chose de vraiment, de radicalement différent. Plus exactement, c'est compliqué de comprendre que ce que l'on fait, alors même que l'on croit que c'est différent, en fait c'est la même chose.
Nouveaux chemins, le podcast qui vous révèle les ressorts psychologiques d'une vie épanouie par Laurence Simond, saison 2, épisode 21.
Prenons une maman, comme j'en reçois souvent, qui vient parce que c'est devenu infernal avec son ado, il n'a pas de bons résultats au collège, et elle, elle pense que c'est, entre autres choses, bien sûr, parce qu'il ne fait pas correctement ses devoirs. Et il y a même des fois où il ne veut carrément pas les faire du tout. Et donc elle explique qu'elle a tout essayé. En thérapie systémique, on a besoin de savoir en détail ce que la personne dit ou fait pour identifier clairement les interactions et les situations. Donc, je lui demande de me préciser ce qu'elle dit ou ce qu'elle fait. Donc, par exemple, elle lui a dit, parfois, Prends ton temps, fais des pauses pour faire tes devoirs. Et puis, à d'autres moments, elle lui a dit, fais tes devoirs en une seule fois, tout en une seule fois, comme ça c'est fini, tu peux passer à autre chose. Ou bien, elle lui a dit aussi, je te laisse faire, je te laisse tranquille, tu vas y arriver, j'ai confiance en toi. Et puis d'autres fois, elle lui a dit, écoute, viens, je me mets avec toi, je vais t'aider. Elle lui a aussi expliqué dans quelles conditions c'est plus facile de faire les devoirs. Et parfois, elle l'a aussi laissé faire comme il voulait, et où il voulait, et même quand il voulait. Bref, comme elle dit, elle a tout essayé. Et c'est vrai que, par exemple, dire tantôt je te laisse faire et à un autre moment je vais t'aider ça a l'air d'être différent. Et c'est ce qui fait dire à cette maman qu'elle a tout essayé. Et puis il y a aussi cet exemple d'un papa dont le fils est tout le temps sur son écran. Du moins, c'est ce qu'il dit. Et en tout cas, c'est comme ça qu'il ressent les choses. Lui aussi, il a tout essayé. Il a coupé le Wi-Fi. Il a imposé des règles. Il a récompensé son fils quand le fils a lâché sa tablette. Mais il l'a aussi puni. il l'a négocié, il lui a expliqué les méfaits de trop de tablettes. Donc lui aussi, il pense qu'il a tout essayé. Et en fait, c'est vrai, punir ou récompenser, c'est radicalement différent. Et alors, ses parents ont-ils vraiment tout essayé ? Eh bien, moi je pense que non, et je vous explique pourquoi. Prenons un peu de hauteur et regardons le sens de ce que dit cette maman, le message commun à tout ce qu'elle dit à son fils. Qu'elle lui dise prends ton temps, fais des pauses ou fais tes devoirs en une seule fois, t'en seras débarrassé ou bien qu'elle lui dise je te laisse faire, j'ai confiance ou je vais t'aider le sens général, le message commun à tout ça, c'est il faut que tu fasses tes devoirs Fais comme tu veux, il y a plusieurs façons de faire les devoirs, mais il faut que tu les fasses. Pareil pour le papa. Qu'il récompense son fils parce qu'il a lâché sa tablette ou qu'il le punisse parce qu'il n'a pas respecté le temps imparti pour jouer aux jeux vidéo, il dit dans les deux cas à son fils ne joue pas Ces deux parents font des choses différentes, mais pour obtenir le même résultat. Le message implicite à tout ce qu'ils disent ou à tout ce qu'ils font, c'est arrête de faire ce que tu fais ou obéis et fais ce qu'il faut Or, le message implicite compte plus que les mots que l'on utilise. C'est le message implicite qui est compris et retenu. Et c'est normal puisque c'est le message implicite qui est le plus important. Le plus important pour cette maman et pour ce papa, c'est que leur fils respectif fasse les devoirs scolaires et ne joue plus autant ou pas du tout aux jeux vidéo. Et c'est ce qu'ils disent à leurs enfants. Mais contrairement à ce qu'ils pensent, ils leur disent différemment toujours la même chose. Ils ont tous les deux proposé des manières différentes de faire toujours la même chose. Il a raison Einstein, la folie c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent. Pour obtenir un résultat différent, il faut faire ce qu'en thérapie systémique on appelle un Un c'est changer le message implicite et même faire en sorte qu'il ne soit plus implicite du tout. En clair, c'est dire le contraire de ce qu'on disait jusque-là, ou faire le contraire de ce qu'on faisait jusque-là. Pour la maman, ce serait par exemple dire, ok, tu ne veux pas faire tes devoirs, d'accord, j'accepte. Tu sais que je ne suis pas d'accord, mais j'accepte que tu ne les fasses pas. Et pour le papa, ce serait dire, je me rends compte qu'arrêter les jeux vidéo, c'est trop difficile pour toi, et que tu ne le veux pas. Donc, d'accord, à partir de maintenant... Je te laisse tranquille, joue autant que tu veux. Alors là, bien sûr, j'entends déjà vos cris d'horreur. Vous ne pouvez pas faire ça. Ce seraient les jeter dans les bras de l'addiction ou les abandonner au précipice de l'échec scolaire. Vous auriez l'impression d'être des parents démissionnaires, voire des parents indignes. Certains d'entre vous me prennent déjà peut-être pour une frappadingue ou une irresponsable. Bon, mais c'est pas grave, ok. J'ai l'habitude et surtout je vous comprends. Laissez-moi vous expliquer quand même comment ça marche. Déjà, si aucune des solutions que vous avez trouvées et proposées n'a fonctionné, il est assez logique de se dire que c'est peut-être l'objectif qui n'est pas le bon. Et puis, en général, comme celui à qui on s'adresse ne répond pas ou n'agit pas dans le sens que l'on voudrait, on finit en général par s'énerver, par s'épuiser. et par endommager plus ou moins gravement la relation qu'on a avec lui, surtout à long terme. C'est surtout le cas dans les relations parent-enfant ou parent-ado. Le parent est constamment sur le dos de son enfant et il a de plus en plus peur, il est de plus en plus en colère et il renvoie à son enfant qu'il n'est pas satisfait de son attitude. L'enfant, lui, a l'impression de subir une pression de plus en plus forte à laquelle il va tenter par tous les moyens de se soustraire et il arrive qu'il s'éloigne durablement de son parent envers lequel il développe parfois beaucoup de ressentiment. Donc, persister dans la même direction alors que ça ne fonctionne pas, ça peut avoir des conséquences difficiles à rattraper. Mais bon, on peut aussi décider qu'on doit continuer comme ça, pour des raisons personnelles qui sont légitimes et que vous seuls connaissez d'ailleurs. Par contre, ne dites plus j'ai tout essayé dites plutôt je veux absolument ceci, j'essaye plein de trucs pour y arriver, mais pour le moment ça ne donne rien Et puis, on n'est jamais à l'abri d'un miracle. Je vous l'accorde, faire un 180 degrés ne donne pas l'assurance que l'on va obtenir ce que l'on cherchait. Mais c'est déjà le cas avec ce que l'on faisait avant. Ça ne fonctionnait pas. On avait même la quasi-certitude que ça ne fonctionnerait jamais, à moins d'un miracle. Par contre, un a plusieurs avantages. D'abord, ça fait nécessairement bouger les lignes. Ça vous permettra de vous positionner autrement dans la relation. Ça ouvre une sorte de troisième voie. Vous sortez du système où vous dites fais ceci et où l'autre vous répond tout le temps non, je fais cela sans pour autant capituler puisque vous lui dites que vous n'êtes pas d'accord, mais que vous acceptez son point de vue. Ensuite, ça crée une nouvelle dynamique relationnelle avec l'autre. Vous n'êtes plus en opposition avec lui ou avec elle. Donc il sera certainement plus facile de discuter à nouveau. C'est comme mettre entre parenthèses ce qui vous opposait pour pouvoir vous retrouver sur ce qui vous relie, même si c'est à propos d'autre chose. Ensuite, ça fait comprendre à l'autre que vous avez changé de position et que, donc peut-être, il va se retrouver seul. En ce qui concerne la relation parent-enfant, il ne faut pas négliger par exemple le bénéfice pour les enfants à être en opposition avec leurs parents. Je me souviens que mon fils aîné ne voulait pas aller à l'école. Et après avoir longtemps insisté pour qu'il y aille, et quand je dis longtemps, c'est plusieurs années, pour l'avoir même forcé à y aller, un jour je lui ai répondu Ok, si tu ne veux pas y aller, n'y va pas, je suis d'accord La pression a disparu instantanément pour moi comme pour lui. Et puis, quelques heures après, il est revenu. Et il m'a dit qu'en fait, il voulait aller à l'école. Et nous avons à ce moment-là été capables de discuter de ces difficultés parce que nous n'étions plus en opposition permanente. Et enfin, si un élément du système change, le système dans son ensemble va changer. L'autre va aussi changer. Il est fréquent que l'enfant change de comportement parce qu'il n'est plus coincé dans une relation qui lui a signé un rôle. Et puis il va expérimenter aussi les conséquences de ses décisions. Comme je vous le disais tout à l'heure, ça a un côté parfois rassurant de s'opposer tout le temps à ses parents. Ça peut sembler surprenant, mais j'ai déjà entendu des ados dire qu'ils ne travaillent pas en classe parce que leurs parents sont tout le temps sur leur dos. Il est possible que, n'étant plus dans l'affrontement avec vous, votre enfant se rende compte de l'intérêt qu'il y a à faire autre chose. Cependant, c'est vrai, comme je vous le disais tout à l'heure, faire un 180 degrés ne donne pas l'assurance que l'on va obtenir ce que l'on cherchait. Il n'est pas certain que votre enfant va faire ses devoirs consciencieusement ou qu'il va revendre son ordinateur pour aller jouer dans le jardin. Par contre, ce qui est sûr, c'est qu'il va être obligé de s'adapter à votre changement de discours et de comportement et que vous préserverez de cette façon votre relation avec lui ou avec elle. Faire un 180 degrés, c'est difficile, parce que c'est une prise de risque. C'est à chacun d'entre vous d'évaluer si vous voulez prendre le risque ou pas. Et d'ailleurs, je vous recommande à ce sujet l'épisode 16 de ce podcast qui s'appelle Les risques du changement et qui vous aidera à mieux comprendre les enjeux de la prise de risque. Et quelle que soit votre décision, elle sera juste et légitime. Et puis, elle n'est pas gravée dans le marbre. On peut toujours changer d'avis plus tard, quand votre enfant sera plus grand ou quand vous aurez plus réfléchi, bref, quand ce sera ok pour vous. Par contre, il est à mes yeux important, et c'était l'objet de cet épisode, de ne pas confondre avoir tout essayé et faire différemment mais toujours la même chose. A suivre ! Nouveau chemin est un podcast conçu, écrit et réalisé par Laurence Simon, psychopraticienne en thérapie systémique de l'école de Palo Alto. Vous pouvez l'écouter sur votre application favorite. 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