- Salomé
Hello à tous, ici Salomé, j'ai 26 ans, je suis ingénieure en bâtiment et je suis surtout ravie de vous accueillir sur Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise. Je vous propose de changer votre regard sur cet univers en vous emmenant avec moi pour en découvrir les coulisses. Tous les 15 jours, je vais à la rencontre d'archis, de constructeurs, d'investisseurs pour leur poser toutes mes questions et discuter ensemble des tendances qui font bouger le marché. Dans cet épisode, je reçois Olivier Raoux, président directeur général chez Alios Développement. Je voulais absolument recevoir rapidement un promoteur sur le podcast et de ce côté-là, c'est raté. Avec Alios, Olivier a imaginé un modèle qui dépasse le métier de promoteur en avance sur son temps puisque l'on entend de plus en plus que dans un marché en crise, ils doivent repenser leur modèle. Tout au long de cet échange, vous découvrirez également les valeurs qui ont guidé Olivier et qui donnent finalement le sentiment que tout ça a été très évident. Mais je ne vous en dis pas plus et je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Olivier.
- Olivier
Bonjour Salomé.
- Salomé
Olivier, je suis ravie d'être avec toi aujourd'hui, ravie que tu aies accepté mon invitation. Si tu es d'accord, j'aimerais qu'on commence par ma question rituelle. Est-ce que tu peux te présenter, me parler de ton parcours s'il te plaît ?
- Olivier
Donc Olivier Raoux, je suis originaire de Provence, d'un petit village, dans une famille de viticulteurs. J'ai eu une enfance classique dans mon petit village dans le Vaucluse. J'ai fait mes classes préparatoires, je suis parti faire mes classes préparatoires à Lyon, scientifique et ensuite assez classiquement, on ne se posait pas trop de questions à l'époque, une école d'ingénieurs qui était l'ESTP, les travaux publics, ça m'intéressait, le concret m'intéressait. Pendant l'ESTP, là aussi pas trop de questions, on est comme la grande majorité des étudiants, teasés par les grands groupes et donc je suis arrivé assez naturellement chez Bouygues avec le fantasme du casque et du minorange. Et on nous avait mis dans le grand amphithéâtre Challenger avec la musique à fond et les clips. Ça a dû marcher, il faut croire. Et donc je suis resté quelques années chez Bouygues, 5 ou 6 ans, où j'ai commencé d'abord par la technique et les méthodes. Ça m'a ramené à mes petits rêves d'enfant, de jeux de construction et de Lego. Puis ensuite, on a dû m'identifier et on m'a proposé de m'occuper plutôt des clients, d'aller vers les clients pour aller essayer de traiter des marchés de construction et plutôt le profil de client qui n'avait encore jamais travaillé avec Bouygues et qui n'était pas forcément très rassuré de signer des contrats avec ce grand groupe.
- Salomé
Et alors, c'était plutôt des clients tertiaires ou des clients habitat ?
- Olivier
Beaucoup de clients tertiaires au départ et résidentiels aussi, ensuite, finalement. Le Crédit Agricole Immobilier qui n'avait pas, je crois, pas traité de chantier encore à l'époque avec Bouygues. Entre autres, d'autres clients, il y avait Philae, Marignan. J'ai travaillé pendant 3-4 ans, une première moitié sur les méthodes et la technique. Et puis une deuxième moitié de ma vie professionnelle chez Bouygues, auprès des clients pour essayer de travailler dans un mode partenarial en essayant d'accompagner ces clients privés. Les relations ont suffisamment été constructives avec Crédit Agricole pour qu'on me propose de changer de métier, de passer dans la promotion.
- Salomé
D'accord, tu as été débauché par un de tes clients, en fait.
- Olivier
Voilà, et où j'ai travaillé à nouveau 4 ans je crois. C'est assez intéressant aussi parce qu'on était dans une société pyramidale chez Bouygues.
- Salomé
Au niveau de la hiérarchie tu veux dire ?
- Olivier
Crédit Agricole, ça devient une société mutualiste, donc c'est la pyramide à l'envers. Voilà, ça c'est intéressant en retravaillant dans les régions. Et puis, on a gagné un gros projet à Marseille avec comme concurrent Icade qui ont dû trouver que c'était intéressant de me proposer de venir faire du développement chez eux et de la commercialisation. Je suis allé ensuite chez Icade où j'avais la responsabilité du développement et de la commercialisation du tertiaire pendant plusieurs années. L'intérêt, c'était d'être en direct avec les clients. J'y suis resté à nouveau, 3-4 ans. Et puis ensuite, j'ai créé mon entreprise, d'abord en tant qu'associé minoritaire chez PRD, et puis ensuite Alios depuis une dizaine d'années, avec quelques idées.
- Salomé
D'accord. Tu avais toujours eu envie de créer ton entreprise ?
- Olivier
Non, je ne peux pas dire ça. C'est arrivé petit à petit. L'idée d'essayer d'innover, déjà, d'amener un peu d'innovation et de création dans ce métier-là. Et puis, je pense que c'est une succession d'itérations. Les idées d'abord, d'avoir identifié une place, on va dire ça comme ça, entre les grands opérateurs immobiliers avec peut-être une autre méthode, d'autres moyens.
- Salomé
D'accord, on va en parler, du modèle. Alors tu as juste dit, quand tu étais associé minoritaire chez PRD, c'est deux choses que tu as fait en parallèle ou c'est venu de chez PRD cette opportunité de créer Alios ?
- Olivier
Non, on a créé une activité tertiaire, PRD est un opérateur logistique, historiquement. Et donc je suis venu pour créer l'activité tertiaire avec eux, avec une idée qui était de travailler des projets très emblématiques du point de vue environnemental, des projets de bureaux en autoconsommation. Les premiers immeubles en autoconsommation de France. On a testé toute une série d'idées, d'items, en poussant les curseurs à bloc sur le tertiaire. Et puis après, la création d'Alios, c'est sur un autre thème.
- Salomé
D'accord. Alors justement, tu nous as parlé très rapidement de Alios. Est-ce que tu peux me parler, on a parlé un tout petit peu de la genèse, comment est-ce que c'est venu exactement ? Et qu'est-ce qui vous différencie ? Parce que quand on lit le site internet, ça a l'air d'être un promoteur immobilier, mais quand on a discuté un peu avant tu m'as dit que c'était pas exactement, voire même pas du tout, ça. Est-ce que tu peux m'expliquer ça, s'il te plaît ?
- Olivier
Déjà, le mot "promoteur", il est tellement abîmé en long, en large et en travers, y compris par les derniers exemples en date, la politique et autres. Donc moi, j'ai du mal à l'assumer déjà, même si c'est un métier en soi qui est noble, mais dont la perception est difficile pour les gens à l'extérieur. Ça se voit, il suffit d'être confronté à des voisins, des parties prenantes et tout. Alors il y a déjà ce sujet. Et puis en fait, la création d'Alios, elle s'est faite sur plusieurs idées, mais il y en avait une importante qui était de dé-siloter les métiers pour essayer de travailler sur toute la chaîne de valeur, l'aménagement, la promotion, l'investissement, l'exploitation quand on le peut. Et donc finalement, la définition de ce qu'on fait n'est pas si simple parce qu'on est historiquement, on part d'une case de la promotion et en fait, on a essayé d'intégrer tous les métiers dans une petite structure qui pilote un projet de manière un peu différente, en essayant d'éviter les silos métiers et les silos contractuels, parce qu'on y passe beaucoup de temps, sinon en passant d'une case à l'autre, il y a beaucoup d'énergie contractuelle pour essayer de tirer la couverture à soi. On préfère garder une seule idée en tête, la qualité du projet qu'on produit et une forme de continuité.
- Salomé
Et vous êtes combien dans l'équipe ?
- Olivier
On est une quinzaine aujourd'hui, pour la partie immobilière, et on constitue sur la partie exploitation, qui est donc un autre métier, on constitue des filiales. Et donc là, avec d'autres équipes dédiées sur les sites qu'on exploite et qu'on va exploiter.
- Salomé
Est-ce qu'il y avait une raison particulière à l'adoption de ce modèle un peu intégré ?
- Olivier
Oui. Alors, ça revient à la question de, finalement, pourquoi avoir créé une entreprise. Je pense que c'est intéressant, déjà, d'essayer de prendre un peu de recul et de diagnostiquer l'environnement qui est le sien, professionnel, filière telle qu'elle existe, comment elle se structure. Et puis par rapport à ça, les clients et les demandes des clients qui ont beaucoup changé, évolué depuis... Alors bon, moi j'ai surtout observé ça depuis une quinzaine d'années en fait. Donc en observant l'un et l'autre, on s'apercevait qu'il y avait un écart entre ce que... Enfin moi en tout cas, j'ai identifié qu'il y avait une place parce qu'il y avait un écart entre ce qu'on produisait et ce qui était demandé par les clients. Alors d'abord l'écart c'est en termes de positionnement de projet. Et puis ensuite, une fois qu'on a dit ça, forcément, la méthode est arrivée aussi derrière. C'est-à-dire que qu'est-ce qu'on fait, comment ?
- Salomé
Tu veux dire que les promoteurs et les constructeurs avaient tendance à orienter le projet d'une façon qui...
- Olivier
Non, mais en fait, l'avantage d'avoir travaillé dans les dernières étapes, dans les grands groupes, sur le développement et la commercialisation, on est en direct avec les clients. Assez simplement, sur le tertiaire en particulier, on voyait arriver les grosses tendances qui sont accélérées, c'est-à-dire de plus en plus de mixité dans les projets. Un contenu qui devait être attractif pour redonner envie aux gens de venir au travail et d'y rester, ça c'est une tendance quand même importante. Plutôt des projets délicats, on va dire ça comme ça, égothiques. Plutôt mieux intégrés dans le cœur de ville, au pied du métro et des transports en commun dans un quartier mixte. dans un quartier qui n'est pas repoussoir parce qu'on a trop construit, trop de bureaux au même endroit, par exemple. Moins sur le périph', mais plus dans le cœur de la ville et avec un supplément d'âme. Alors une fois qu'on a dit ça, c'est facile à dire et c'est plus difficile à faire, mais quand même, ça permet d'avoir des choses à raconter. Parce que juste le nombre de postes de travail et les 18 mètres de large, c'était un peu court. Moi, j'avais vraiment identifié ça.
- Salomé
Et ça, tu l'as identifié parce que ces tendances-là d'hybridation, de mixité des usages, on en entend parler, même le fly-to-quality, la rationalisation des surfaces, le retour vers le centre, on entend parler de cette manière-là de façon assez récente, notamment depuis le début de la crise Covid. Toi, tu l'as identifié quand ?
- Olivier
Ça a commencé, il y a 15 ans. En fait, j'essaie de ne jamais louper un rendez-vous avec les clients, des présentations. Je préfère louper d'autres sujets que ça parce qu'en fait, on apprend toujours des chefs d'entreprise qu'on rencontre et c'est aussi vrai des représentants des salariés. On appelle ça maintenant des ambassadeurs, qui viennent et qui ont le mérite d'avoir des réactions franches. On peut voir les freins aux changements parfois, ou alors à l'inverse, les motivations et les yeux qui pétillent selon les idées ou les arguments qu'on peut décliner. Il y a 15 ans, on avait vraiment un panel intéressant de projets qui étaient très différents par leurs caractéristiques. On avait des immeubles à commercialiser sur le périph', on avait des immeubles à commercialiser, je me souviens, sur le parc du Pont de Flandre par exemple. Il y a eu un projet dans Paris, au pied du métro, au bord de l'eau, dans un campus. On avait des projets en pied de métro un peu plus classique. Et on voyait la perception des clients qui changeaient, avec les critères de choix dans la hiérarchie qui étaient en train de changer aussi. Ça a commencé il y a 15 ans, ça s'est accéléré. Dans un monde probablement qui est devenu moins vertical, mais plus horizontal, je pense. Ça, c'est une tendance de fond, il me semble. Ça s'est accéléré avec le changement générationnel parce que je pense qu'il y a une rupture générationnelle. Plus les gens sont jeunes, plus les critères de choix ne sont plus les mêmes. On ne voit pas le monde pareil quand on est en vélo, pas le monde pareil quand on est en voiture ou quand on est en métro. Je pense que ma génération était beaucoup en voiture, la génération qui a suivi beaucoup en métro. Maintenant, la nouvelle, elle est en vélo. Donc, elle ne voit pas le monde du tout de la même manière. Ça, c'est vrai pour les mobilités, mais c'est vrai pour beaucoup de choses aussi.
- Salomé
C'est intéressant parce que je n'avais jamais entendu cette façon de dire, effectivement, en partant de la mobilité.
- Olivier
Voilà, donc la mobilité est déjà un premier sujet, mais je dirais que ça se décline sur tous les items. C'est plus compliqué aujourd'hui, il me semble. Alors, à nouveau, ce n'est pas un jugement de valeur parce qu'il y a de la place pour tout le monde, mais c'est plus difficile de convaincre un jeune, ou en tout cas, il faut beaucoup, beaucoup d'arguments, pour l'emmener travailler dans une tour à la défense. Je pense qu'il y a eu une énorme bascule. Et là, à nouveau, il y a l'histoire du monde vertical et horizontal. La forme des immeubles est aussi presque caractéristique de ce que je dis là. Les grandes hauteurs, avoir une tour plus haute que les voisins, je ne sais pas si c'est ce qui motive aujourd'hui le plus les jeunes collaborateurs qui viennent en vélo et qui se demandent ce qu'ils font là sur une dalle. Tout ça, ça a commencé il y a 15 ans. Après, évidemment, il y a eu des effets d'accélération très forts. Mais c'est intéressant d'observer ses enfants aussi. C'est intéressant d'observer ses clients et ses enfants. Parce qu'à un moment donné, ses enfants sont probablement les clients de demain.
- Salomé
Quel âge ont tes enfants ?
- Olivier
29 ans, mon aîné. Et la petite dernière, 16 ans.
- Salomé
D'accord. Donc, il y a quand même de quoi observer cette nouvelle génération et sa façon d'attendre des choses de son travail, de sa façon de se déplacer de l'endroit où elle habite, etc.
- Olivier
Exactement.
- Salomé
Donc, pour toi, face à ça, c'est quoi les grands défis du secteur aujourd'hui ?
- Olivier
Je trouve, et je parle aussi pour moi, qu'on a eu un univers professionnel qui s'était beaucoup financiarisé et où en fait on se préoccupe à nouveau, c'est ce que je commençais, les quelques idées que je comporte, on s'est trop peu intéressé à ce qu'on produisait, si ce n'est sur les sujets environnementaux, parce que là il y avait une vraie préoccupation pour des questions de valeur verte, et trop peu préoccupé des clients, parce qu'on peut trop la tête dans le TRI et dans le tableau Excel.
- Salomé
Le TRI, pour les novices ?
- Olivier
Le taux de rendement interne. Donc le premier défi, c'est celui-là. C'est d'abord d'essayer, dans un monde qui change et dont le changement s'accélère, d'essayer de diagnostiquer ce que veulent nos clients. Donc à nouveau, en tout cas pour ce qui nous concerne, c'est des projets bien intégrés dans leur territoire et dans la ville, où on essaye d'amener de la mixité, mais même mieux que ça, de l'hybridation, pour avoir une sorte de... en tout cas pour ce qui concerne le bureau, mais le résidentiel, je le déclinais de la même manière, c'est du tertiaire augmenté de services, d'expérience et puis de territoire, l'ADN du territoire. Voilà, donc ça c'est entre guillemets ce qu'on défend. Et ce n'est pas si facile, parce que là aussi la filière s'est organisée de telle manière que même par exemple, ce n'est pas uniquement la responsabilité de la promotion. Même dans l'urbanisme et dans l'aménagement et les collectivités, ils ont créé des zonages. Ce n'est même plus un immeuble en usage, mais c'est un quartier en usage. Et donc, ce n'est pas si simple. Quand les règles urbaines sont organisées en zonage avec un quartier en usage, d'aller faire non seulement des immeubles mixtes, mais des immeubles hybrides. Donc, il y a toute une série de freins pour essayer de reproduire des choses attractives. Les règles d'urbanisme, qui ne nous aident pas.
- Salomé
J'allais justement te poser comme question parce que justement là où tu disais l'hybridation des usages etc. Ça va dans le sens. Le PLU bioclimatique à Paris, etc., ça va dans le sens de l'hybridation des usages ?
- Olivier
Oui, ça commence parce qu'en fait, ces réflexions, tout le monde a eu la même analyse à un moment donné. Mais quand même, il y a quand même des tendances...
- Salomé
Pourquoi le voir comme un frein ?
- Olivier
Le zonage, ça c'est une réalité. On prend tous les PLU, ça change un peu, puis ça évolue, mais doucement quand même. Et les PLU, ils sont tous organisés en zonage, donc avec j'ai le droit sur telle zone je peux faire ci et je peux pas faire ça et donc en fait par définition c'est l'inverse de la mixité donc c'est bien pour ça qu'il y a des quartiers entiers avec 50 immeubles de bureaux les uns à côté des autres et qu'on ne sait plus distinguer le premier du 49ème et en fait tout le monde se bat pour essayer d'avoir les derniers clients qui restent sans argument parce qu'il n'y a plus de fréquentation et d'usage il n'y a plus l'ADN social et culturel a disparu du quartier par définition donc on a créé un peu notre propre malheur, là on a accéléré notre malheur en tout cas parce que à nouveau le COVID, la crise financière, l'inflation, tout ça... Ca s'impose à nous plus qu'autre chose, mais en tout cas c'est ces questions d'organisation de toute la filière en partant des collectivités des plu des zonages de la financiarisation un peu trop outrancière et donc la tête sur le TRI, on en est arrivé à fabriquer des choses qui étaient avec des écarts importants par rapport à ce que les clients demandaient, qui sont devenus, par la force des choses et par la crise, de plus en plus rares, ce qui rajoute un problème, avec des immeubles qui coûtent souvent de plus en plus cher et donc des vraies difficultés.
- Salomé
Et tu sens, tu es optimiste sur le fait que, parce que les investisseurs, les promoteurs, il y a quand même toujours ce besoin de rentabilité, Il y a manifestement une prise de conscience de leur part, sur le fait qu'il va quand même falloir un moment se recentrer sur ses attentus utilisateurs ? On a vu sortir il y a quelques jours le livre blanc de la promotion immobilière qui a été sorti par l'IEF, Sogeprom et d'autres, auxquels il y a eu de nombreuses contributions. Ou s'il y a une chose à retenir, c'est quand même bien que le métier de la promotion doit évoluer pour aller vers quelque chose qui correspond mieux à l'utilisateur final. Est-ce que tu es optimiste sur le fait qu'ils vont y arriver et qu'ils vont y arriver en trouvant quand même des solutions de rentabilité ?
- Olivier
Oui, je pense, sauf qu'il y a des gros changements macroéconomiques, sociétaux. Et puis le métier sera pour moi tout à fait le même. Mais oui, je pense qu'il y a... D'abord, il y a beaucoup de choses à faire. Donc c'est déjà une première chose. Ensuite, on a une responsabilité colossale, les opérateurs immobiliers ou les promoteurs. Puisqu'en fait, on est les acteurs qui transformons la ville, qui créons la qualité de vie ou la non qualité de vie de demain. Et puis, moi j'ai la sensation que de tout ce qu'on se raconte là, il y a quand même une maturité qui commence à être présente chez tous les acteurs. En tout cas, moi ce qu'il me semble qu'il faut retenir, c'est qu'on était dans une activité qui était presque industrielle, en tout cas sur les quantités, sur les volumes sur la méthode, que probablement ce métier industriel va devenir beaucoup plus artisanal et beaucoup plus sur mesure, beaucoup plus délicat. Ça sera de la transformation urbaine plutôt que sur des immeubles, sur de l'existant. Ça sera de la mixité, de l'hybridation avec des choses assez justes qu'il va falloir créer avec beaucoup de réflexion. Mais avec une responsabilité toujours aussi importante et Et après, probablement des leviers au changement intéressants, parce qu'à nouveau, il y a beaucoup d'immeubles qu'il va falloir transformer. Il y a beaucoup de zones, au-delà des immeubles, de zones commerciales dont l'usage n'existe plus vraiment aujourd'hui, qu'il va falloir transformer aussi. Et puis, on a une demande, comme la filière s'est arrêtée ou quasiment pendant quelques années. Alors que la demande en particulier en logement est toujours la même et toujours très prégnante. Je dirais le fond de tarte de ce que sont les clients et ils sont toujours là, ils attendent. Ils ont des difficultés aujourd'hui d'accès au crédit, ils n'ont pas forcément la confiance à court terme qui leur permet d'investir. Mais le besoin est toujours là et l'envie est là.
- Salomé
Alors justement, en parlant de programmation, j'aimerais qu'on parle de ton projet phare du moment, du projet phare d'Alios en ce moment, les Grandes Serres, est-ce que tu peux nous parler de ce projet ?
- Olivier
Alors les Grandes Serres, la genèse, c'est quasiment le démarrage du projet. Il commence à peu près avec la création d'Alios d'ailleurs. Donc on a travaillé, alors là pour le coup, on n'avait même pas imaginé travailler sur ces séquences-là, mais on a travaillé sur une grande parcelle très intéressante que moi je connaissais depuis des années, qui me faisait rêver, au pied du canal de l'Ourcq à Pantin, en face BETC pour ceux qui connaissent. Donc c'est un patrimoine industriel d'une grande entreprise de Pantin, des établissements Pouchard, qui a étiré des tubes, et qui étire toujours d'ailleurs des tubes, pour l'industrie automobile et pétrolière, et qui a, comme beaucoup d'industries lourdes du secteur, beaucoup souffert en 2008, avec la crise de 2008 et le dumping sur l'acier qui a eu lieu derrière. La parcelle était peut-être la plus grosse parcelle privée de Pantin, c'est presque 4 hectares, presque 5 d'ailleurs. La société avait les enjeux d'une ancienne société familiale depuis 3 générations avec la famille Pouchard, Francis Pouchard de père en fils, qui avait un enjeu qui était de sauver l'entreprise d'abord et qui avait un actif qui avait de la valeur qui était le terrain, qui pouvait aider à sauver l'entreprise, mais qui n'étaient pas liquide du tout. À nouveau, parce que pas d'accès au crédit, alors que des enjeux de transformation importants et d'investissement. Donc, la première séquence, c'est qu'on a participé à la transformation de la société.
- Salomé
Parce que toi, tu es rentré au capital de la société, c'est ça ?
- Olivier
Oui, on a créé une société projet avec des partenaires, Laurent Halimi et Serge Wimber au départ. Et on a investi en rachetant une action de la société en prêt d'associés pour permettre à la société de se transformer, c'est-à-dire vendre ses machines d'étirage, racheter des machines de découpe, organiser le déménagement, parce qu'il y avait presque 10 000 tonnes d'acier à Pantin, donc ça a pris plusieurs années, participer à la remise en forme de la société, on va dire, pendant ces années-là, et puis organiser la cessation d'activité à Pantin et rapprocher l'entreprise d'un groupe allemand, Holberg dont les établissements de Pouchard sont devenus la filiale française. C'est intéressant parce que c'est un temps long donc c'est du capital qui doit être inscrit sur une durée qui n'est pas celle qu'on connaît normalement dans la promotion immobilière. Mais par contre ça permet d'avoir le temps d'intégrer l'histoire industrielle et puis de travailler en parallèle avec la ville. D'abord pour modifier les PLU et commencer à faire du remembrement foncier pour faire un vrai projet d'aménagement de qualité. Et en même temps, on a travaillé sur une troisième séquence. C'est qu'on s'est aperçu qu'à Pantin, il y avait un gros levier social et culturel sur notre projet et qu'on pouvait utiliser le lieu et le site comme un lieu laboratoire pendant les années de transformation des établissements de Pouchard. Et on a organisé avec les équipes, je crois 300 événements culturels, de défilés, de concerts de musique baroque ou de musique électro, d'expositions, et on s'est aperçu que le site méritait qu'on s'attarde sur les arguments qu'il avait, parce que ça pouvait être un vrai beau lieu de destination, et qu'on pouvait coupler au programme un lieu de destination culturelle important. La première séquence, ça a été celle-là. Et puis la deuxième, on rentre dans des choses plus classiques. On a modifié les PLU en accord avec la ville. On a travaillé avec la ville de Paris, ville de Pantin, pour construire une passerelle qu'on construit en ce moment, pour nous rapprocher du métro. Et puis on a commencé à établir un projet, un programme. Donc là, c'est là que c'est intéressant. Et trois idées. Donc la première, ça reprend le thème : qu'est-ce qu'on amène dans un immeuble de bureau pour que ce soit attractif au-delà ?
- Salomé
C'était déjà bien identifié que vous vouliez faire du tertiaire à cet endroit-là ? Pas du résidentiel ?
- Olivier
Non, du tertiaire. Parce qu'on avait la possibilité de travailler sur des grandes échelles, avec la possibilité d'avoir un vrai campus. Et l'idée, c'était donc, premièrement, d'abord d'externaliser les services dans un grand lieu communautaire, une halle qu'on prendrait en exploitation. Ça a un mérite, c'est que, économiquement, ça ne pèse pas en loyer ou en charge sur nos locataires, donc dans un monde où l'argent est rare. C'est très intéressant et de transformer ce lieu de service en l'ouvrant à l'extérieur, en démultipliant les usages, c'est-à-dire qu'un même lieu, un même usage, donc c'est assez facile à comprendre, la restauration, c'est une restauration ouverte aux gens du campus mais au public. Elle peut accueillir les salariés, en l'occurrence de la SNCF, le midi, mais les pantinois en after-work, les parisiens qui viennent bruncher le samedi ou le dimanche. L'auditorium, c'est la même chose. On reprend l'auditorium en gestion, mais il n'est loué que quand les gens en ont besoin. Pour autant, il va servir de lieu de concert, de culture et de conférence. Ça externalise les coûts, les frais et la gestion pour les entreprises, mais en plus, ça leur amène au-delà de leurs propres besoins, de l'expérience pour les salariés. C'est l'idée qui me porte depuis longtemps maintenant. Et puis essayer de ne pas oublier les gens qui disparaissent trop vite des projets immobiliers en général, que peuvent être les artistes, les artisans. Alors finalement, essayer d'identifier quel est l'ADN de Pantin. Et l'ADN de Pantin, c'est le canal. Le patrimoine industriel et la créativité, donc on a essayé de tout reprendre. Le patrimoine industriel, on l'a réhabilité, le canal, on l'a mis en valeur. Et la créativité, on est allé chercher des acteurs intéressants du territoire qui souvent ne peuvent pas payer des loyers, ou en tout cas des loyers plus maudits, mais qui ont toute leur place. À partir du moment où ça reste raisonnable en surface, on arrive à le porter économiquement. Et ils peuvent amener toute une série d'expériences aussi pour les gens du campus. Donc on a une école de musique avec Philippe Jarouski, qui peut donner des cours de chant, une chorale pour les entreprises du campus. Et puis, on a une association d'artistes qui s'appelle Diamètre 15 et qui, là aussi, peut donner des cours et des ateliers. Voilà le principe, un campus, mais avec une externalisation des services sur un lieu réhabilité communautaire qu'on ouvre au public et qui peut donc avoir trois usages, une démultiplication des usages, donc de la fréquentation, donc de la perception de sécurité et tout ça qui n'est plus du tout la même.
- Salomé
C'est intéressant ce que tu disais quand on a préparé l'interview, et moi ça m'a marquée, c'est effectivement sur le fait de dire plus il y a de monde, plus tu crées de la sécurité.
- Olivier
Oui, parce qu'il y a deux manières de gérer, enfin un peu caricaturale, mais il y a deux manières de gérer la sécurité. Une dont je trouve, en tout cas avec le retour d'expérience, que ce n'était pas forcément la bonne, c'est à dire de mettre des grilles partout et voir des barbelés en caricaturant, bien sûr. Et puis l'autre manière qui est, au contraire, de démultiplier les usages et les fréquentations pour que quand on arrive le matin, on ait l'impression que ça grouille d'activité. Et quand on repart le soir, on ne rase pas les murs dans le noir avec tous les immeubles éteints pour pouvoir repartir à son métro. La démultiplication des usages, c'est hyper intéressant parce que ça amortit mieux l'immobilier, ça démultiplie les cash flows, de fait, et ça démultiplie la fréquentation, l'attractivité d'abord et la perception autour de la sécurité n'est plus du tout la même pour nous. Et comme c'est quand même les deux gros freins, en particulier pour le changement, ça on le voit chez les utilisateurs et les salariés, c'est la sécurité d'abord, et puis ensuite, effectivement, si je peux avoir un supplément d'âme dans les projets, c'est quand même mieux. Voilà, donc tout ça nous semble gagnant, gagnant, gagnant.
- Salomé
En termes de granulométrie de projet, c'est quelle surface ?
- Olivier
Alors, les Grandes Serres, c'est un peu moins de 90 000 m², dont 10 000 pour la grande halle communautaire, 60 000 de bureaux. Et puis un immeuble de flex living. Flex Living qui est hôtel et co-living, tout ça dans un même immeuble, pour avoir la possibilité pour chacun des clients de répondre à la demande, de dormir une nuit ou dormir un mois en mode projet. Et sans doute une résidence étudiante. Là aussi, c'est intéressant parce que ça ramène des services complémentaires et on peut avoir tout en un, dans un seul et unique projet. L'auditorium, la restauration, les séminaires, l'hôtel, le co-living, la résidence étudiante. Dans cette même idée que la mixité est une plus, plutôt un plus qu'un moins.
- Salomé
Et quand on s'est rencontrés pour la première fois, tu m'as dit que ces espaces dédiés aux associations, ça représente environ 4% de la surface ?
- Olivier
En général, on essaye de travailler sur 3 à 5% de surface. Alors évidemment, quand on a des échelles comme 90 000 m², c'est super, parce que ça permet d'avoir vraiment les moyens de faire. Donc l'école de musique, la résidence de l'association, l'artiste. Et puis on va avoir beaucoup de locaux artisanaux, avec à nouveau des acteurs intéressants qui vont venir teinter le projet de l'ADN de Pantin. Le temps long a permis, avec ce que j'évoquais tout à l'heure, avec les événements, d'identifier d'abord les acteurs de Pantin, et puis ensuite, un certain nombre d'acteurs du territoire, plutôt du 93, qui pouvaient être intéressants pour nous.
- Salomé
Et comme entreprise, vous avez déjà des utilisateurs ?
- Olivier
Oui, donc on construit la première tranche et on entame la construction de la deuxième. Avec 20 000m² d'abord en construction en ce moment, puis 40 000m² dès cet été. On installe les trois sièges sociaux de Gare et Connexion, filet de la SNCF, d'AREP, le plus grand cabinet d'architectes de France d'ailleurs, mais qui était dans le 13e arrondissement, qui est bien connu parce que filiale de la SNCF aussi, et le siège social du retail de la SNCF. On sera dans le campus, ça accueillera dès 2026, un peu plus de 2500 personnes. Et en 2027, presque 3500.
- Salomé
Là, la totalité des 90 000m² est commercialisée ?
- Olivier
Non, il nous reste... On est en discussion avec plusieurs utilisateurs en ce moment, mais avec... Je pense la conviction que ça va bien se passer. On a beaucoup de visites et de marques d'intérêt. Sans nous porter malheur, mais on est plutôt très contents. Sur le positionnement d'ailleurs. Effectivement, on est bien placé. On a le canal, ça c'est formidable. Mais le programme est un vrai levier.
- Salomé
Oui, tu me disais que c'est les espaces d'associations qui étaient sacralisés et que vous comptiez sur le fait que c'est plutôt les associations, l'activité, la mixité qui va ramener les 97 autres pourcents d'usagers ou en tout cas de surface utilisée.
- Olivier
Dire qu'ils viennent que pour ça, je ne peux pas dire ça, je ne crois pas. Mais par contre, c'est mieux que le contraire. En fait, si je devais résumer, parce que c'est peut-être un peu difficile à comprendre ce que je raconte, mais la grande halle, on va avoir entre guillemets trois activités en une. Un équivalent, Felicita, qui est en fait la restauration du campus dans le 13ème pour les salariés. Ensuite, une partie, évidemment, séminaire, comme d'autres acteurs, Comet ou autres, pour permettre à des entreprises de venir en petit format ou bénéficier de l'expérience Grandes Serres, canal, avec tous les services associés. Mais avec des expériences complémentaires, on pourra avoir à nouveau un team building autour d'un cours de chant. Un atelier de tissage, un atelier de poterie, enfin tout ça est sur place, donc ça c'est au-delà du petit bateau électrique qui peut nous emmener de Stalingrad pour bruncher jusqu'aux Grandes Serres. Et puis un équivalent de 104, on va dire ça comme ça, où on a une activité culturelle qu'on va décliner tout au long de l'année, avec un programme, y compris le soir et le week-end. Voilà, et dont tout le monde pourra bénéficier, en particulier les acteurs du campus qui ont eux aussi des choses à dire en général à leurs salariés, à leurs clients et aux parties prenantes, dont on espère qu'ils vont alimenter le planning, les conférences. Je sais qu'il y a déjà beaucoup d'idées là-dessus, en particulier chez nos preneurs SNCF.
- Salomé
Alors, je sens que tu as beaucoup de convictions, des valeurs qui guident ton parcours pro, notamment avec la création d'Alios. Il y a une vision qui dépasse le simple business, j'ai l'impression. Est-ce que tu peux nous faire une synthèse des valeurs qui t'animent ?
- Olivier
Alors, d'essayer de faire des choses justes et délicates. Donc si je devais résumer, et c'est pas si simple. D'abord il faut que ça fonctionne, parce que si ça marche pas économiquement, c'est pas durable. Donc c'est intéressant de toujours checker tout ça, et de s'inscrire probablement dans un temps long. Parce qu'une fois qu'on a dit ça, c'est difficile de checker.
- Salomé
Parce que l'industrie immobilière est déjà une industrie du temps long.
- Olivier
Oui, mais en tout cas, par exemple, c'est pour ça qu'on est sortis de la case promotion à proprement parler. Le temps long, c'est hyper intéressant parce que rester partie prenante des opérations qu'on a livrées, c'est rester aussi en contact, c'est ce que je reprenais tout à l'heure, c'est rester en contact avec ses clients. C'est un apprentissage et une amélioration permanente. Ça permet de réalimenter en idées, en innovations y compris la partie immobilière. Je pense qu'il y a un cercle vertueux à l'engagement sur le long terme. Il me semble que ce n'est pas la même chose. On a une forme de responsabilité associée qui n'est pas tout à fait la même. Donc on n'est probablement pas écouté de la même manière. Et puis on peut se tromper sur le temps long, mais on a le temps de corriger. Donc ça, c'est intéressant aussi. Sur le temps court, même avec les meilleures volontés du monde, on n'a pas le temps de bien réfléchir. On est déjà en retard.
- Salomé
L'intelligence prend du temps. En parlant de temps long, il y a une de ces valeurs qui m'interpelle quand même, c'est la transmission. Tu nous as dit tout à l'heure que tu avais quatre enfants. Il y en a deux d'entre eux qui travaillent avec toi, il me semble. Quand tu as créé Alios, est-ce que c'était une volonté pour toi de les intégrer tout de suite ? Quelle place a la transmission dans la création de cette entreprise ?
- Olivier
D'abord, Non, ce n'était pas une idée. C'est peut-être une idée que je n'ai même pas identifié moi d'ailleurs, qu'on portait, mais sans l'avoir vraiment identifié. Alors, c'est vrai qu'en France, moi j'ai une épouse qui est allemande. Donc déjà, il faut comprendre que la culture de l'entreprise, ce n'est pas la même en France qu'en Allemagne. D'ailleurs, je repars sur mon début de parcours, mais en France, je dirais que le chemin... La voie sacrée, c'est on fait les grandes écoles, ensuite on part dans les grands groupes. Et l'entrepreneuriat est moins le premier réflexe. Je pense que ça change avec les générations d'ailleurs. Je pense que les générations d'aujourd'hui ne sont pas du tout comme nous étions quand on était jeunes. Ça, c'est le premier sujet. Et puis en Allemagne, c'est assez différent. Ils ont le sens de l'entrepreneuriat. Et ils ont le sens de l'entreprise familiale, souvent, qui a fait ses preuves. Parce qu'en Allemagne, presque toutes les entreprises qui fonctionnent sont des entreprises inscrites dans le territoire, sur des durées longues, et sont souvent des entreprises familiales.
- Salomé
Tu as été très influencé par ta femme pour ça ? Elle fait partie de l'entreprise ?
- Olivier
En fait, d'abord, l'Allemagne n'était pas forcément un sujet qui m'intéressait avant de me marier. Mais du coup, je me suis retrouvé en immersion en Allemagne, en Autriche, et j'ai découvert cette culture-là. Et elle a beaucoup, beaucoup de vertus. C'est vrai dans l'hospitalité et l'hôtellerie par exemple, il y a très peu de grands groupes ou de marque en Autriche, par exemple. C'est vraiment une hospitalité familiale avec des hôtels depuis trois ou quatre générations et qui embarque, de fait, un temps long, de fait, un ancrage et des racines. Ça, c'est important. Et de fait, un supplément d'âme qui est formidable. Alors, ce qui est vrai dans l'hospitalité, on peut assez vite comprendre. À nouveau, il y a de la place pour tout le monde, mais entre un hôtel standardisé, avec les mêmes choses partout dans le monde et une hôtellerie familiale et personnalisée depuis plusieurs générations, on n'a pas la même expérience. Et donc en Autriche, ils ont vraiment travaillé ces sujets-là. Et évidemment, ça se décline dans l'entreprise en général, y compris les entreprises industrielles et autres. Donc cette culture, ce n'était pas la mienne, mais j'y ai vu beaucoup de vertus. Et puis après, il n'y avait pas du tout d'obligation. C'est les enfants qui ont plutôt eu envie de me rejoindre.
- Salomé
Est-ce que pour toi, ça crée une responsabilité supplémentaire ?
- Olivier
Ah ben oui, parce que je pense que justement, quand on dit... Là, on parlait des valeurs, d'essayer d'être tout à l'heure juste, délicat et dans le temps long. Évidemment, quand on a la génération de ces enfants qui est partie prenante dans l'entreprise, je pense qu'on a une inscription dans le temps long de fait. Je pense qu'on ne voit pas le monde ou son business de tout à fait de la même manière. Il me semble, en tout cas. Ça rajoute une responsabilité supplémentaire.
- Salomé
C'est facile de travailler avec ses enfants ?
- Olivier
Il faut leur demander à eux. En tout cas, pour moi, il ne faut surtout pas que ça se transforme en passe-droit. Ça, c'est hyper important.
- Salomé
Les déjeuners de famille ne se transforment pas en réunion de bureau ? Non, on arrive à bien... On arrive à organiser la schizophrénie suffisante pour pouvoir avoir les deux univers. Non, mais à partir du moment où il n'y a pas de passe-droit et où l'exigence est la même et... Il me semble que ça, c'est une vigilance particulière à avoir, qu'il n'y ait pas de différence de traitement, au contraire, presque. Mais pour moi, c'est très intéressant. En plus, je pense aussi qu'on a une attention particulière. Alors, c'est déjà vrai d'avoir des jeunes dans son entreprise. Donc, ce n'est pas le sujet. Il ne faut pas obligatoirement avoir ses enfants avec eux. Mais en tout cas, d'avoir des jeunes et ses enfants, c'est une attention particulière à ce que seront nos clients de demain. Ou ce qu'ils sont déjà. Voilà, donc c'est intéressant de les voir à nouveau dans un monde qui change à toute vitesse. C'est hyper intéressant de mettre en responsabilité les jeunes générations et d'écouter les idées qu'ils ont, je pense. Ils sont plus près de la vérité probablement, de demain en tout cas, que moi ou les gens de mon âge. Je vois ce que tu veux dire. Il y a une chose qui m'a interpellée, vous êtes une équipe de 15 personnes, où tout le monde fait tout puisque l'idée c'est de dé-siloter, ou en tout cas où les responsabilités sont partagées. Ça me pose la question de la croissance pour Alios ?
- Olivier
Alors oui, ça c'est une question encore qui n'est pas tout à fait réglée, on va voir. On s'adaptera, on va essayer de s'adapter. Bon, il vaut mieux ça que le contraire. Déjà, c'est la première réponse. Et puis oui, il faut essayer de garder un fonctionnement entre guillemets horizontal, ça sûrement. Responsabilisant, ça aussi. Je ne crois pas qu'on puisse l'emmener à des échelles à nouveau industrielles très importantes. Voilà, ce n'est pas très grave.
- Salomé
Donc on est plutôt sur du grand projet, mais pas une grande quantité ?
- Olivier
Je pense, oui. Je pense qu'on est plutôt des artisans que des industriels. On peut faire de l'artisanat à grande échelle, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Je pense que c'est important de garder ça en tête. Il y a une organisation dans l'artisanat qui n'est probablement pas tout à fait la même que celle d'une échelle plus industrielle.
- Salomé
Alors, si tu es d'accord, j'aimerais qu'on passe aux questions signatures du podcast. La première, est-ce qu'il y a une maxime, un mantra ou une phrase qui t'accompagne ou qui t'inspire au quotidien ?
- Olivier
Moi, il y a toujours quelque chose, évidemment, on a un métier particulier avec des effets de cycle et tout qui peuvent amener de l'anxiété, donc on est parfois pas sûr de ce qu'on est en train de faire etc mais je me dis toujours pourquoi ne pas essayer donc ça je pense si on n'essaye pas on ne peut pas confronter ses idées donc toujours essayer je pense et puis essayer aussi de garder la tête dans les étoiles et les deux pieds bien ancrés alors c'est pas facile de dire ça parce qu'il faut tout le temps checker les deux. C'est-à-dire essayer de rester fidèle à ses idées et entre guillemets, vérifier qu'elles ne nous embarquent pas dans des fausses pistes et que le principe de réalité doit être toujours checké.
- Salomé
Une deuxième question. Quelle a été la chose la plus inattendue que tu aies faite dans ta carrière, un moment décif ou un moment fort en tout cas ?
- Olivier
Alors, ce n'est pas une chose, mais quand on travaille pour des grands groupes, ce que j'ai fait, où j'ai beaucoup appris d'ailleurs, ça a été formidable. On ne sait pas distinguer dans le regard des autres ce que vous représentez entre le logo de votre grande entreprise et ce que vous êtes vous et vos idées. Donc en fait, quand on crée son entreprise, on a l'impression de faire un grand saut dans le vide. Et on se dit, est-ce que les gens vont répondre au téléphone ? Est-ce que j'aurai perdu tout mon crédit ? Et alors là, c'est la grande découverte. C'est que vous avez des gens qui ne répondent plus au téléphone, mais vous en avez d'autres qui sont encore plus motivés pour vous accompagner et travailler avec vous. Donc ça, il faut vraiment retenir ça, y compris pour les gens qui veulent se lancer dans l'entrepreneuriat. Il ne faut pas imaginer que vous n'êtes que le rouage d'un logo d'une grande entreprise, vous êtes aussi ce que vous êtes et les gens ont un rapport à vous aussi qui peut être de qualité différente et qui peut emmener des projets et des choses très loin.
- Salomé
Ça me parle beaucoup parce que c'est énormément ce que je remarque avec le podcast en fait. Donc je vois très bien ce que tu veux dire. Même sur des échelles plus petites comme le podcast, ce n'est pas du tout la même chose que de développer son entreprise. Et pourtant, c'est déjà quelque chose que je trouve qu'on ressent.
- Olivier
Voilà, donc le doute est normal. Enfin, je pense même que ce serait anormal de ne pas l'avoir vraiment. Mais en fait, c'est assez frappant. On a des potentialités tous d'entrepreneuriat probablement très élevées qui se mesurent dans la perception et le regard des autres et qu'évidemment, on ne peut pas vérifier tant qu'on ne s'est pas lancé, tant qu'on ne s'est pas jeté dans le vide à un moment donné ou un autre.
- Salomé
Qui est-ce que tu aimerais entendre sur le podcast ?
- Olivier
Alors, je vais dire deux personnes, François Leclerc, parce que c'est un urbaniste que j'aime beaucoup, mais surtout j'aime beaucoup sa liberté de parole. D'accord. Donc je pense que c'est intéressant d'aller l'interviewer. Alors j'ai travaillé plusieurs fois avec lui, mais je trouve qu'il a une bonne vision et puis le bon degré d'humilité et d'humour pour décrire le monde dans lequel on est aujourd'hui. Et puis on a Rémi Babinet qui est un des fondateurs de BETC, qui est la société de communication avec pub qui est à Pantin d'ailleurs, mais qui vient d'écrire un livre sur l'histoire de la pub. Et c'est intéressant aussi parce que là aussi la pub c'est pas uniquement ce qu'on croit du marketing et des mots qui n'ont pas beaucoup de sens. C'est intéressant d'aller le... Lui aussi, il a une liberté de parole intéressante. Ça mérite d'aller passer du temps avec lui.
- Salomé
Je prends bonne note. Où est-ce qu'on peut te suivre ou te retrouver, Olivier ?
- Olivier
En général ? On va se retrouver sur nos livraisons de nos immeubles, j'espère. Et puis surtout, on vous accueillera. Le public en général. On espère vous accueillir dans nos deux lieux emblématiques que seront les Grandes Serres. À Pantin, on espère que vous serez nombreux. Et puis, on développe aussi à Montreuil, la Tour Orien. Donc, c'est un projet plus résidentiel, mais qui, pareil, embarque les mêmes idées avec des ateliers d'artistes, une galerie d'art constituée avec la municipalité et un lieu où j'espère qu'il donnera envie, qu'il y fera bon vivre.
- Salomé
Ok, c'est bien noté. Je te remercie mille fois d'avoir accepté cette invitation. C'est un super bon moment, donc je te remercie beaucoup.
- Olivier
Merci beaucoup.
- Salomé
Allez, c'est la fin de cet épisode. Je remercie encore une fois Olivier, qui a accepté de répondre à toutes mes questions avec beaucoup de bienveillance. Je vous remercie mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. Si vous voulez me poser des questions, me faire vos retours ou me proposer de nouveaux invités, je vous attends sur LinkedIn. Enfin, je remercie chaleureusement Bouygues Construction, qui soutient le podcast et sans qui il n'existerait pas. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à me laisser des étoiles et des commentaires sur Spotify et Apple Podcast. Ça m'aide beaucoup. On se retrouve dans 15 jours pour un nouvel épisode de Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise.