- #Agathe Le Taillandier
Bienvenue dans OPEN BOOK, le podcast qui plonge dans les livres pour réinventer nos vies ensemble. Chez moi aujourd'hui, Fatima Das. C'est cette autrice qui avait écrit un texte dont tout le monde parlait en 2020, La Petite Dernière. Son personnage principal, inspiré de sa vie, je ne l'avais jamais rencontré dans un livre. Une jeune femme lesbienne, musulmane, habitante d'un quartier populaire, racontée dans un style très tendu, comme un monologue haletant. Cinq ans plus tard, Fatima Das revient avec son nouveau roman, très différent, mais tout aussi passionnant, Jouer le jeu. Elle nous parle de l'école, du face-à-face élève-enseignant, des amitiés qui s'y tissent, de l'éveil du sentiment amoureux quand on a 14 ans. On y croise Kaiden, qui s'interroge sur son genre, son avenir, sa place tout simplement, ses meilleurs amis, Jenna et Samy, ou sa sœur Shadi. Et puis il y a Garence Fontaine, une prof trop intrusive, qui donne à ses désirs beaucoup trop de place. Comme je suis journaliste, mais aussi professeure de français dans un lycée, j'étais très curieuse de découvrir ce roman. Je crois vraiment que Fatima Das ouvre nos yeux sur les rapports de pouvoir et de domination, là où on ne s'y attend pas forcément. En fait, elle refuse de jouer le jeu. Elle en invente un autre, le sien, exactement comme la Fatima de la petite dernière. D'ailleurs, le livre vient d'être adapté au cinéma par Raffia Herzi. Si vous ne l'avez pas encore vu, franchement, courez en salle dès que vous avez fini cet épisode. C'est un film magnifique sur l'amour et les silences. On rencontre Fatima Das à la maison. OPEN BOOK, c'est maintenant. C'est parti.
Fatima Das, bienvenue. On va parler ensemble de l'adolescence, de l'éveil amoureux lesbien et enfin des rapports de pouvoir qui peuvent s'installer dans un cadre scolaire. Voilà, c'est un peu notre programme du jour.
- #Fatima Daas
C'est magnifique.
- #Agathe Le Taillandier
Je voudrais commencer par l'espace de ton roman, un espace réaliste qu'on a tous et toutes connu à dos, l'école.
- #Fatima Daas
C'est venu très vite. En voulant créer des personnages adolescents et raconter leur adolescence, je n'avais pas d'autre choix que de parler de l'école parce que c'est l'endroit où ils passent la plupart de leur temps à cet âge-là. Après, j'avais vraiment envie de travailler sur le dedans et le dehors. Le dedans, le chez-soi, dans cet appartement de 35 mètres carrés où vit Kaïden avec sa sœur et sa mère. Et le dehors qui est pour moi l'école, cet espace-là, les couloirs, ce qu'il y a aussi autour, le gymnase.
- #Agathe Le Taillandier
Les fameux cours de PS.
- #Fatima Daas
Exactement. On se souvient tous et toutes,
- #Agathe Le Taillandier
qui peuvent être très traumatisants.
- #Fatima Daas
Tout à fait. Et aussi les fast-foods dans lesquels ils vont pour déjeuner, pour dîner. Mais l'école, ça s'est imposé très vite. Donc oui, parce que j'ai créé ces personnages d'adolescents et que j'avais envie de montrer leur quotidien. Et leur quotidien, c'est aussi à l'école. Est-ce que l'école produit sur leur corps ? Et comment ils vont devoir dealer avec un certain nombre de changements dans leur vie, imposés aussi par l'école ?
- #Agathe Le Taillandier
Qui se fait à la fois, et ça on va y revenir, mais un espace à la fois d'ouverture, puisque tu parles comme du dehors, par opposition à l'appartement, à la cellule familiale, mais en même temps d'un nouvel enfermement. L'école peut aussi être le lieu d'un nouvel enfermement. Et j'imagine que ça t'a renvoyé à tes souvenirs à toi. Toi, tes années lycées, t'en gardes quels souvenirs ?
- #Fatima Daas
Forcément, forcément. En écrivant ce roman, à la fois j'ai l'impression d'avoir écrit une fiction et de m'être complètement éloignée justement de l'autofiction avec ce que j'avais pu faire, avec la petite dernière qui était quand même quelque chose de plus proche de moi. Et en même temps, ce deuxième livre, je me sens très concernée et très proche parce que je suis allée piocher dans... dans mes sensations, dans mes émotions, dans la colère que j'ai pu ressentir face au racisme systémique à l'école.
- #Agathe Le Taillandier
Par exemple, tu as des souvenirs précis de ça ? La Fatima de 15-16 ans, qu'est-ce qu'elle traverse à ce moment-là ?
- #Fatima Daas
La Fatima de 15-16 ans, elle traverse des trucs similaires au personnage de Jenna par exemple.
- #Agathe Le Taillandier
Donc l'une des meilleures amies de Kaiden.
- #Fatima Daas
Exactement. Moi j'ai des souvenirs de professeurs qui viennent enseigner en banlieue, qui traversent le périph' et qui... Nous montre à nous les élèves qui n'ont pas envie d'être là. C'est un souvenir très marquant de cette période, que ce soit au collège ou au lycée. Mais au lycée, tu es encore plus conscient du rejet, du fait qu'on te voit comme un indésirable. J'ai ce souvenir de me demander pourquoi ils viennent s'ils n'ont pas envie d'être là. Et qu'est-ce qu'ils viennent faire ? Et je pense que déjà au lycée, je commençais à comprendre, pas comme Diana le comprend dans le livre parce qu'elle a les outils politiques et qu'elle a une lucidité que moi je n'avais pas. Et c'est ça qui m'a fait du bien aussi dans l'écriture, de pouvoir montrer un personnage qui est lucide, d'adolescent lucide et qui comprend ce qui se passe. Et un adolescent je pense d'aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui les adolescents ont plus d'outils que nous à l'époque. Je me souviens de ça, je me souviens de me demander pourquoi ils sont là et s'ils sont là, parce que Pour ceux qui sont là et qui ne se plaignent pas, j'ai l'impression qu'ils ont trouvé une raison d'être là, à savoir de nous sauver. Alors la question, c'est nous sauver de quoi ? Sauver qui ? Pourquoi ? Qu'est-ce que ça apporte à une enseignante dans le livre d'élire une personne et de vouloir la pousser à intégrer une grande école ? C'est des choses que je partage avec les personnages, sans pour autant que ce soit autobiographique. en tout cas la question de Qui sont ces enseignants qui viennent enseigner en banlieue ? Pourquoi ils sont là ? Pourquoi ils font sentir à des enfants, des adolescents ? Parce que pour moi, des lycéens, c'est quasiment encore des enfants. J'ai un truc très fort... Ils sont mineurs et c'est des enfants.
- #Agathe Le Taillandier
C'est des enfants, mais bien sûr. Ils sont à un moment particulier de leur vie, un moment de passage, un moment de bascule, mais ils portent encore l'enfance en eux. Moi, c'est ce qui me frappe en tant que prof. Tout à fait.
- #Fatima Daas
Je pense que c'est un truc d'extrême vulnérabilité. Et quand on est adulte, on est obligé de le voir. C'est-à-dire que moi aujourd'hui, quand je rencontre des adolescents, des collégiens ou des lycéens, je me rends compte tout de suite de ma place en fait, et de leur place. Et je sais que cette phase-là de l'adolescence, je l'ai dépassée. Donc je vois la fragilité de cet âge-là, à quel point on peut les toucher, à quel point on peut leur faire mal, à quel point on peut les violenter. Et c'est ça aussi que j'ai eu envie de retranscrire dans ce livre-là. Comment des adultes maltraitent des enfants à plusieurs échelles. Ce qui se passe pour Jenna, c'est pas la même chose que ce qui se passe pour Kaïden, mais ça reste de la maltraitance. Et aussi, je trouve que même dans les représentations cinématographiques, c'est beaucoup le point de vue de l'enseignant dans sa classe. Ah, il est débordé, il est fatigué, c'est chaud, le pauvre, les ados, ils sont tous là, ils font que rigoler. Tu vois ce que je veux dire ? Bien sûr. Donc il y a un truc de comment redonner corps, vie, existence aux ados, quitte à ce qu'on soit saoulés par leur subjectivité et tout. Moi, j'ai envie qu'on s'y intéresse. J'ai envie qu'on voit leur quotidien, la banalité de leur quotidien.
- #Agathe Le Taillandier
Tu disais aussi que tu avais rencontré des lycéens, des adolescents collégiens, lycéens, j'imagine, pour écrire ce livre. Tu m'as dit ça en amont de l'interview. Ça m'intéresse de savoir qu'est-ce que tu as senti chez eux, de différent de toi, il y a une bonne quinzaine d'années.
- #Fatima Daas
J'ai rencontré beaucoup d'adolescents au cours des cinq dernières années avec la sortie de La Petite Dernière. J'ai fait des ateliers d'écriture où j'ai juste présenté mon livre. Et la première chose qui m'a marquée... C'est que voilà, moi à côté je vivais la promo médiatique et les festivals etc. Mais la première chose qui m'a marquée c'est que les adolescents, moi j'arrivais et je leur disais directement mais n'hésitez pas à me poser toutes les questions que vous voulez, n'hésitez pas à me dire avec quoi vous n'êtes pas d'accord. Et en fait ils n'hésitaient pas, c'est hyper important. C'est fort comme expérience, c'est en vie qu'ils y aillent. Et donc ils n'hésitaient pas à me dire, madame moi tel passage je trouve ça hyper cliché, ah mais j'ai pas du tout aimé que vous racontiez. que vous mélangez de l'islam, la foi avec votre orientation sexuelle, etc.
- #Agathe Le Taillandier
Si tu peux résumer en quelques mots "La Petite Dernière", juste pour nos auditeurs et nos auditrices qui ne l'auraient pas lue ?
- #Fatima Daas
Alors "La Petite Dernière", ça raconte l'histoire d'une jeune fille qu'on va suivre, on va suivre des passages de son enfance, de son déménagement de Saint-Germain-en-Laye à Clichy-sous-Bois, ses amitiés, son amitié surtout avec Roquia, c'est une jeune femme qui découvre son homosexualité, qui est aussi musulmane, qui grandit dans un foyer, dans une famille musulmane, pratiquante. et qui se retrouve face à ce dilemme en se disant « mais en fait j'ai l'impression que l'extérieur me pousse à choisir, j'ai l'impression que c'est impossible de concilier ces deux identités. » Mais au fur et à mesure du cheminement de ce personnage, on comprend qu'elle a envie de tout garder, qu'elle n'a pas envie de rompre avec sa famille, qu'elle ne fera pas de coming out comme on l'entend, que ce sera toujours des silences et des non-dits avec sa mère, mais en tout cas qu'elle conservera ses identités plurielles.
- #Agathe Le Taillandier
J'y pense, j'ai invité plusieurs fois Abdel Attaïa, que j'aime beaucoup. Je fais le parallèle parce que c'est vraiment ce que tu dis. Tout de suite, on avait vachement en opposition. Très cash en fait, pour qui vous prenez à parler à la fois de Dieu, de l'islam et en même temps d'être homosexuel. Vous n'avez pas peur d'être puni ou des choses comme ça. Et en fait, en face, quand quelqu'un qui est aussi droit, je ne sais pas comment dire, bien dans ses baskets, bien dans ce qu'il a aussi à transmettre. J'imagine que c'est ton cas si tu vas t'exposer aussi dans des classes, etc. Et Abdella, c'est pareil, mais avec tellement de simplicité et d'humanité, qui répond « En fait, c'est ma vie, moi je ne juge pas ta vie. » Et en fait, en face, très vite, ils se désarment. Quand on leur parle tout simplement d'être humain à être humain, avec « Moi, c'est ma vie, toi, c'est ta vie, tu penses ça. » Dans ce truc à la fois de créer un espace, autoriser le dialogue, créer un espace pour la pensée critique, mais juste en tant qu'être humain. Ça me frappe vachement ça.
- #Fatima Daas
Je suis tout à fait d'accord avec toi, c'est exactement l'expérience que j'ai eue avec les adolescents et j'étais carrément en surprise qu'à la fin il y en avait plusieurs qui me disaient « Madame, je suis désolée pour ce que j'ai dit. » Au début. Voilà, exactement, j'ai jugé trop vite. Et en fait, le fait d'accompagner un livre d'une parole avec des adolescents et de leur permettre, comme tu disais, un espace de communication et de dialogue, ça change tout en fait. Et puis c'est à nous, les adultes, de se dire « Mais en fait, moi je ne dois pas être choquée par ce qu'ils vont dire. » Je veux dire, moi, adolescente, je disais pire qu'eux. Donc on doit avoir ce recul. C'est à nous d'avoir cette distance-là avec des adolescents. Parce que s'ils ne se permettent pas à cet âge-là, qu'est-ce qu'ils vont devenir ? On les connaît, les adultes qui ne bougent pas après.
- #Agathe Le Taillandier
Le problème, c'est que face à eux, du coup, il faut effectivement des adultes... Je ne sais pas, j'ai cette idée d'être bien dans ses bottes. Je ne sais pas pourquoi j'ai cette expression qui me vient. Mais tu vois, un truc un peu tranquille avec soi aussi, pour pouvoir poser ce que... Même en tant que prof, là je fais le parallèle, on parle de toi en tant qu'écrivaine, moi je parle de moi en tant que prof, c'est poser un... Un jeu en face assez sûr de soi. Et pas dans le jugement, pas dans la relation de pouvoir. Vraiment dans la relation de connaissance ensemble.
- #Fatima Daas
C'est très juste ce que tu dis. C'est la bonne expression. J'imagine que en tant que prof, ce n'est pas évident. Parce que d'entrée de jeu, le statut de prof, ça crée des choses chez les élèves. Parce qu'ils ont leur propre expérience de l'école. Et ça crée autre chose. Mais c'est sûr qu'un espace où on les écoute... et on ne les juge pas même s'ils disent des choses qu'on ne trouve pas recevables, déjà, je pense que ça met en confiance, en fait. Je travaillais dans un établissement culturel et artistique et souvent, j'avais des lycéens qui venaient à la fin de la journée discuter avec moi quand ils terminaient l'école. Et je me souviens qu'il y en a un qui m'a dit « Ouais, moi, je me suis fait virer aujourd'hui parce que j'ai dit que je n'irais pas à la marche des fiertés. » à la Gay Pride, il l'avait dit lui. Et donc je lui ai dit, tu as le droit de ne pas y aller. Et du coup, cette violence-là aussi des enseignants sur des adolescents racisés de quartier populaire, tout de suite, il y a cette menace de l'homophobie. Et du coup, on ne comprend pas pourquoi ils n'iraient pas à la Gay Pride. C'était hyper doux la manière qu'il a eu de le raconter. Et en même temps, il s'est senti... En fait, il n'a même pas dit, je n'ai rien contre les homosexuels. Il a juste dit, mais ça a dérapé super vite, en fait. Et je pense qu'il y a aussi cette crainte, et je pense que c'est aussi ce que je raconte dans Jouer le jeu, la crainte que ça dérape à chaque fois. À chaque fois.
- #Agathe Le Taillandier
Tous ces ados dont on parle là ensemble, tu leur donnes un visage dans Jouer le jeu, notamment à travers Kaiden, ton personnage principal, qui est vraiment un personnage qui aime... tout analysé, tout observé, qui s'interroge beaucoup sur son identité, sur son genre aussi. Il y a cette scène très forte où elle a ses règles en fait, et elle dit, elle a ses règles pour la première fois, et elle dit « mon corps se retourne contre moi » . J'ai envie qu'on entende la voix de Kaïden dans les pages que t'écris à la première personne, en italique, qui sont les pages de son journal intime. « Parfois, je rêvais de devenir quelqu'un d'autre. Rien que pour une journée, qu'il s'en aille loin, Kaïden, qu'il disparaisse. Je serrais mon oreiller dans mes bras comme si je tenais un gros nounours. Le matin, je n'aurais plus eu besoin de courage pour me lever. Fini les chansons de Lover, place aux sons qui font danser. Je m'imaginais me transformer en Shadi, j'aurais été plus léger. Ma mère disait que Shadi n'est pas toujours dans sa tête. Quand elle disait « pas toujours dans sa tête » , ça voulait dire « pas comme moi » . Ma mère, je sentais qu'elle nous trouvait particuliers, chacune à sa façon. Elle nous portait le même amour, nous traitait de la même manière. Ce qu'elle demandait à Shadi, elle me le demandait aussi. Elle nous a appris trois fois le respect, plutôt qu'une. Faire attention à ce qui se passe autour, l'environnement, les animaux, le voisinage, la famille, les amis et les inconnus, tout le monde. Peut-être que si Shadi n'était pas toujours dans sa tête, c'est parce qu'elle n'était pas hantée par des pensées obsédantes, comme le départ de notre père. Personne ne parlait du père à la maison. Ma mère en avait parlé une seule fois. Puis plus du tout. Comme si la dernière page du livre s'était tournée et qu'il n'y avait rien après. Plus de pages. Pas de tome 2. Rien. Le silence. La fin, c'est tout. Pourquoi c'était important pour toi que ton personnage soit à ce croisement ou à cette interrogation-là du genre ?
- #Fatima Daas
C'était hyper important parce que mes personnages, j'avais envie qu'ils soient justement en dehors des normes de genre, de sexualité, de classe, de race. Ça, c'était hyper important pour moi. Moi, c'est quelque chose qui est aussi intime. C'est des questionnements que j'ai eus pendant l'adolescence, après aussi, peut-être toujours aujourd'hui, peut-être toujours.
- #Agathe Le Taillandier
Tu te souviens quand c'est venu pour la première fois ? Est-ce que tu as un souvenir vif de ça ?
- #Fatima Daas
En tout cas, c'est hyper inspiré. Je ne sais pas si j'ai un souvenir de la première fois, mais en tout cas, cet aspect-là du journal. Avant, j'étais un garçon. En l'écrivant, en fait, j'ai eu la sensation d'être hyper honnête avec moi, comment j'avais vécu mon enfance, tu vois. Dans le sens où, avant d'être une fille... Avant d'être perçue comme une fille, quand ton corps change et que tout le monde te dit que tu es une petite fille, c'est comme ça que tu vas te comporter et tu vas avoir droit à ça, mais tu n'auras pas le droit à ça, en fait, tu es un enfant. et t'es pas sexualisé, donc t'es ni une fille, ni un garçon, t'es peut-être plus un garçon parce que c'est le genre neutre, et donc tu t'identifies comme ça, quoi. Et j'ai, j'sais pas, j'ai une grande mélancolie sur cette, enfin je ressens une... Ouais, je suis mélancolique de la période de l'enfance, quoi, tu vois, d'un truc où, j'sais pas, y'a un truc très libre, quoi, et qui est rompu par l'arrivée, oui, des règles, de ton corps qui change, et à quel point je trouve que c'est important de parler de ce moment-là, tu vois, à quel point... En fait, on n'est pas préparé à avoir ses règles, on n'en parle pas. Tu vois, ton corps qui dit quelque chose à vie. Il y a un truc, je trouve que c'est hyper important d'en parler. Et moi, j'ai adoré écrire cette scène. Quand tu es ado, tu n'as pas du tout envie de... Je ne sais pas, ton corps, tu n'as pas envie de le montrer. Enfin, pas pour tout le monde, mais en tout cas, tu es un truc d'extrême fragilité, de pudeur, du regard des autres sur toi quand tu fais du sport. On est un peu obsédé par ça à cet âge-là. Ça demande d'être dans une... Elle avait porté une certaine tenue. d'être confronté aussi à la compétition comme tu disais aussi le sport il y a beaucoup de ça à l'école et c'est hyper violent et donc effectivement le fait qu'elle ait ses règles à ce moment là c'est évidemment pas du tout anodin j'imagine en tout cas que pour toi c'était une scène qui faisait sens, moi c'est un des trucs que j'ai, enfin là pour le passage de Kaiden qui se remémore quand elle a eu ses règles ça vient aussi avec le passage d'une camarade de classe qui a ses règles et qui a mal au ventre et qui voudrait juste les se poser quoi tu vois Oui, moi, c'est clair que j'ai des souvenirs comme ça de collège. Je me dis, mais putain, je suis trop mal. Genre, j'ai trop peur que ça se voit. Enfin, tu vois, la honte, quoi.
- #Agathe Le Taillandier
Oui, le truc, tu le dis, ça, du pul serré autour de la taille. On est tellement engoncées, quoi. Quelle injustice, quand même, je trouve. Enfin, vraiment.
- #Fatima Daas
Horrible.
- #Agathe Le Taillandier
On peut dire ça comme ça. Et du coup, c'est marrant, on parle du corps vraiment physique de Kaïden, qui est aussi hyper important, puisque c'est aussi un corps qui va connaître ses premiers émois. Et ça, je trouve que c'est des belles scènes aussi, ou des belles esquisses que tu fais ? Le corps de Madame Fontaine va exister dans son regard. Comment tu as eu envie de disséminer dans le roman les mois de son corps qui s'éveillent sexuellement ?
- #Fatima Daas
Je pense que je ne suis pas allée à fond. Tu as dit esquisse, dans un certain endroit, tu as raison, c'est vrai. Je pense que j'ai eu envie de montrer aussi le cheminement. Au début, tu ne te demandes pas ce qu'elle ressent, ce qu'elle vit dans son corps. mais plus le roman avance, plus on a... plus accès à ce qu'elle ressent et ce qu'elle désire, quoi, et comment elle regarde aussi. Et ça passe aussi beaucoup par le journal. Je sais pas exactement comment j'ai créé ça, mais je pense que c'était beaucoup me remettre dans un corps adolescent moi-même, tu vois, et comment une adolescente peut regarder, peut désirer, peut sentir tous ces changements en elle et qu'est-ce que ça lui procure, quoi. Et ça passe beaucoup par des réactions physiques, tu vois, il y a beaucoup ça dans le roman, de la chaleur, des mains moites. La nuque qui se rédit et après ça passe par les mots quand elle a accès à son journal et quand elle arrive petit à petit aussi à poser des mots sur ce qu'elle ressent et ce qui est en train de se passer dans son corps et dans sa vie.
- #Agathe Le Taillandier
Oui parce que c'est une ado qui est extrêmement cérébrale et ça je me suis dit que c'était aussi la naissance de l'écriture parce qu'elle a vraiment cette capacité à tout analyser. Je pensais à un passage, elle reçoit un texto de Madame Fontaine, d'ailleurs évidemment toutes les ambiguïtés c'est ce... les échanges épistolaires qu'elles ont, ce qui sort complètement du cadre de la relation prof-élève. Et elle utilise le mot amour, elle lui souhaite une belle année, elle lui dit santé, amour, réussite, tu le mérites. Et ensuite, il y a juste une page assez courte de journal intime où elle se dit, Kaïden : "Ça veut dire quoi souhaiter l'amour à quelqu'un ? C'est une manière de dire je te donne mon amour, je t'aime, ou bien je suis en retrait, va te faire aimer ailleurs. Aimer en cachette, c'est aimer quand même ? Aimer sans se le dire, c'est aimer quand même ? Et si on ne le donne pas, ça reste là, quelque part en nous, l'amour? Aimer les siens c'est facile, mais là c'est quoi les règles ? Tu le mérites. L'amour, la réussite, la santé, ça se mérite ? Est-ce qu'il y en a qui méritent d'être aimés ? D'autres moins ? D'autres pas ?"
- #Fatima Daas
C'est un passage hyper important pour moi. Parce que ça vient poser la question de l'amour pour cette adolescente. Et c'est super dur en fait, parce que la première fois qu'elle a l'impression de tomber amoureuse, c'est une relation de pouvoir. Du coup, sa construction de l'amour, ça commence par une relation de pouvoir. Tu vois, moi je me demandais comment ce personnage va faire, va se dépatouiller après, quand t'entres dans l'amour en pensant que c'est ok de chercher l'amour de ton enseignante parce qu'il y a des portes ouvertes, quoi. Et qu'est-ce que ça veut dire, tu vois, qu'une enseignante pose, écrive ce mot-là. Tu vois, la responsabilité qu'on a aussi aujourd'hui en tant qu'adulte de... De faire attention aux mots qu'on prononce, aux mots qu'on livre aux enfants, aux adolescents. Pour moi, c'est vraiment, tu vois, c'est un livre vraiment sur l'amour, quoi. Sur ce que l'amour n'est pas, à savoir une relation de pouvoir, et ce que ça peut être dans la famille ou dans les amitiés, ou même avec le personnage de Soraya. Soraya, c'est un personnage qui est dans la classe de Kaïdane quand elle était enfant et qu'elle retrouve plus tard, des années plus tard, quand elle passe Sciences Po.
- #Agathe Le Taillandier
Justement, oui. Dans le couloir de Sciences Po, pour l'oral.
- #Fatima Daas
Et Soraya accompagne un ami. Et je trouve ça hyper réapparateur pour mon personnage. j'avais pas envie que Que Kaïden reste dans ce non-dit, dans cette relation cachée, dans cette honte, parce que finalement c'est Kaïden qui a honte et on ne ressent pas la honte de Garence, alors que c'est elle qui a l'air de son pouvoir. Pourquoi elle a honte en ce moment-là ? Kaïden ressent de la honte parce que d'être dans une relation cachée, d'avoir l'impression que c'est dans une relation de pouvoir, tout est fait en sorte que l'enfant, l'adolescent se sente coupable. Et du coup elle se sent honteuse de ressentir ce genre d'émotion, de sentiment pour une adulte finalement. Parce qu'elle voit bien qu'il y a quelque chose qui se passe qui n'est pas normal. Et c'est là que le rôle de l'enseignant de parler et de stopper le jeu est important. Et je pense que j'avais envie à la fin du roman que Gaëden comprenne ce qui se passe pour elle. Qu'elle en parle en d'autres termes la lettre. Et aussi, voilà, Sciences Po c'était important pour moi. Qu'elle reprenne, entre guillemets, qu'elle retourne ce pouvoir-là. Et que peut-être, voilà, on peut imaginer que Soraya ce sera... Sa première petite copine, et voilà, d'égal à égal. Comment on peut transformer le premier objet de désir en quelque chose de possible et dans des relations bienveillantes, tendres et à égalité surtout.
- #Agathe Le Taillandier
Tu parles de ce dénouement qui se passe dans les couloirs de Sciences Po au moment du fameux oral de Kayden, mais tu conclus quand même le roman sur la colère. C'est quand même ça le sentiment final, puisqu'elle fait un peu le procès de cette professeure une fois qu'elle a compris ce qui s'est passé. T'avais quand même envie de finir là-dessus, j'ai l'impression. C'est quand même la colère.
- #Fatima Daas
J'ai beaucoup hésité à intégrer la lettre. Et en même temps, il y avait une volonté d'extraire Kayden de la passivité et de la rendre plus active. Et la lettre, pour moi, ça vient des années plus tard. C'est quand Kayden a fait son cheminement et a pu faire le bilan de cette histoire et a finalement les outils pour comprendre ce qui s'est passé et se rend compte qu'elle s'est sauvée de cette histoire. Après, on ne sait pas si cette lettre est envoyée, si c'est juste une lettre qu'elle a écrite, mais qu'elle a gardée pour elle. Mais c'est sûr que j'avais envie de finir sur quelque chose de rendre l'adolescente active, élucide et la sauver.
- #Agathe Le Taillandier
Je repensais aussi au mot culpabilité que tu utilisais en parlant de cet amour caché que la jeune fille ressent et pas du tout la prof. Je pense que ça se double aussi de la culpabilité de comprendre qu'elle est lesbienne. Et que du coup, il y a aussi ce qui est souvent c'est dit, j'ai peur d'être débusquée. Il y a un peu la peur d'être vue comme. Donc à la fois dans cet amour interdit, mais derrière c'est aussi en tant que jeune femme qui aime une femme. Oui, tout à fait. Et je pense que les deux vont ensemble aussi. Parce que ce n'est pas anodin que le premier objet de désir soit une femme, et une femme une enseignante. Donc ce n'est pas anodin. Parce que tu travaillais beaucoup dans "La Petite Dernière", les empêchements, les tabous.
Mais je pense qu'aussi là, ce qui est un peu différent, c'est que l'espace dans lequel elle navigue, que ce soit ses amitiés ou chez elle, Il n'y a pas de tabou là-dessus. On n'en parle pas, mais parce que la question... Enfin, voilà. Chacun chemine avec ses désirs. Mais là, il n'y a pas de tabou. Donc c'est plus, j'ai envie de dire, quelque chose peut-être qu'on partage pour beaucoup dans l'expérience de la découverte de l'homosexualité. De ressentir d'abord de la honte. Moi, je ne suis pas sûre que moi, intimement, j'ai ressenti de la honte quand j'ai découvert que j'étais lesbienne, par exemple. J'ai plus ressenti un truc de... Trop bien sa mère.
- #Fatima Daas
En fait, je sais pas parce que c'est venu hyper tôt après moi, c'est vraiment dans l'enfance. Hyper tôt, je pense 6 ans, un truc comme ça, je le savais pas parce que j'avais pas de mots, mais je le sentais et je prenais plaisir à ça. J'avais un truc de... ça me fait du bien, ça me rend heureuse de sentir que mon attention se porte sur des femmes, pas des hommes. J'avais trop conscience de ça, trop. J'avais très conscience de ça à cet âge-là déjà. et ça a fait que de... Ouais, c'est plus un truc hyper libérateur. La honte, elle vient à d'autres endroits et à d'autres moments. C'est pas la découverte d'homosexualité pour moi. C'est plus l'extérieur, comment on te le renvoie. La honte de ne pas appartenir, de ne pas appartenir à un groupe, de ne pas pouvoir le dire. Tous les imaginaires sur l'homosexualité, c'est plus ça la honte. Mais c'est pas le fait de savoir que t'es lesbienne. C'est pas leur... Je sais pas si tu vois la nuance.
- #Agathe Le Taillandier
C'est ce qui se joue en toi par opposition à ce qui va après se jouer avec l'extérieur. Et je pense à cette scène hyper forte quand même dans "La Petite Dernière," puisqu'elle a un peu une forme d'homophobie un peu intériorisée. Et c'est la scène où effectivement, elle va se battre avec quelqu'un qui va l'accuser, entre guillemets, d'être lesbienne. Et ça, ce truc-là, c'est un truc qui t'a traversé ou pas ? Que tu as eu besoin de jouer ? De mettre en scène au sein de l'école ?
- #Fatima Daas
Moi, au collège-lycée, de toute façon, je ne posais pas ce mot-là. Je ne pensais pas du tout que j'étais... Enfin, ce n'est pas que je ne pensais pas que j'étais lesbienne, je savais que j'étais lesbienne, mais je n'allais pas me définir comme ça. Et je n'allais pas l'imposer comme j'ai pu le faire très vite après. Et de manière très tranquille et très... Comment dire ? Je déteste le terme assumer, mais... Tu disais tout à l'heure droite dans les bottes, et ça me fait penser, bon je fais vraiment, je passe du coq à l'âne, mais ça me fait penser quand vraiment pendant la promotion de la petite dernière, on me disait mais quand vous retournez à Clichy-sous-bois, est-ce que ça va ? Comme si déjà j'avais quitté Clichy-sous-bois parce qu'un livre était sorti et qu'il fallait forcément quitter sa classe pour devenir autrice. Mais en fait à Clichy-sous-bois, les gens ils en ont rien à foutre, ils savent tous. Ils ont pu voir des interviews et se dire « Ah ça va et tout, tu prends pas trop la grosse tête » mais c'est tout quoi, jamais ils sont rentrés dans mon intimité. C'est pas pour dire qu'il n'y a pas d'homophobie en banlieue ou ailleurs, mais c'est pour dire en fait, il y a d'autres cheminements en fait. Moi je peux pas dire que par exemple j'ai vécu de l'homophobie, je peux dire que j'ai été homophobe, que j'ai vraiment produit de la violence à certains moments. et que j'avais des discours homophobes, mais je n'ai pas subi de homophobie. En tout cas, pendant cette période-là, tu vois.
- #Agathe Le Taillandier
D'ailleurs, c'est intéressant que tu mettes en scène Samy dans le roman qui est le meilleur pote de Kaïden, le meilleur ami de Kaïden, puisque lui, il est homosexuel assumé, je reprends le terme entre guillemets. En tout cas, effectivement, il le vit. Il le vit dans le réel et pas simplement dans son imaginaire. Je trouvais ça intéressant que tu souhaites mettre en scène un personnage comme ça. C'est aussi, effectivement, je trouve, un nouveau pas par rapport à ce que tu expérimentais dans la petite dernière. Moi aussi pour voir les ados aujourd'hui, j'ai aussi l'impression que le monde dans lequel on vit, l'accès aussi aux séries, aux discours de société, fait quand même que ça bouge beaucoup sur les représentations des personnes homosexuelles. Donc je me suis peut-être dit aussi que c'était ce que racontait Samy, le fait qu'on en était à un autre endroit aujourd'hui.
- #Fatima Daas
Oui, grave. Moi c'était hyper réparateur de créer un personnage comme Samy. Moi j'aurais kiffé par exemple être une Samy à l'adolescence. Je n'avais pas les armes, je n'avais pas les outils, mais aujourd'hui je pense qu'il y a cette possibilité-là.
- #Agathe Le Taillandier
J'ai des Samy en moi, en élève.
- #Fatima Daas
Il y en a plein. Et j'avais envie que ce soit un truc, tu vois, justement, comme tu disais, contrairement à mes personnages dans la petite dernière, là, j'avais vraiment envie que ce soit un truc, bah c'est là, quoi, tu vois, il est homo, il est fluide dans son genre, et il n'y a aucune violence autour, voilà, c'est peut-être idéal aussi, idéaliste, ce que j'ai écrit, mais moi, ça m'a fait du bien de créer des personnages racisés, homosexuels, fluides dans leur genre, et qui vivent ça, c'est même pas une question, quoi, tu vois, c'est même pas une question pour Samy, ces questionnements c'est pas lié à ça ces questionnements c'est plus lié à Voilà les rencontres qu'il fait, quel genre de relation il entretient avec certains garçons, qu'est-ce que c'est que de recevoir trop d'amour et de s'enfuir parce que t'as trop d'amour, qu'est-ce que c'est que de se rapprocher d'hommes blancs plus âgés aussi, et d'une certaine manière pour Samy, et de subir de la fétichisation, tu vois c'était plutôt ces questionnements-là pour Samy.
- #Agathe Le Taillandier
Tu plonges vraiment dans ces enjeux de relations homosexuelles, et non pas dans la question de, oh il est gay, comment c'est accepté, tu plonges vraiment dans son intimité. Notamment évidemment ce passage important sur la question de l'exotisation dans les relations aussi gaies. Tu parles de fétichisation, d'exotisation par rapport à son accent. Je crois à un moment donné il y a une blague... Sur sa mère. Voilà c'est ça, l'accent de sa mère par exemple, à part d'un jeune homme qui fréquente. C'est tout petit, c'est hop, c'est une phrase mais là tu fais surgir tout ça aussi quoi, ces rapports déséquilibrés qu'il peut y avoir.
- #Fatima Daas
Exactement et je pense aussi que autant Sami que Jenna viennent viennent porter Kaïden tu vois. Kaïden comme tu disais c'est beaucoup dans sa tête, c'est beaucoup... La vie est trop, tu vois, c'est trop pour elle.
- #Agathe Le Taillandier
Le moindre mot, elle analyse le bilan.
- #Fatima Daas
Exactement, elle est dans son truc, elle analyse tout, elle subit trop, elle est hyper sensible, tu vois. Et alors que Jenna, elle parle. Il y a un truc qui se passe, elle sait ce qui s'est passé, elle le dit et elle est en colère et elle le montre. Et Samy, de la même manière, tu vois, hyper fluide, hyper libre dans ce qu'il vit. Donc ça lui apporte quelque chose à elle, tu vois, ça lui apporte une force. Et ça, c'est important aussi, les amitiés, comment la sororité et tout. te portent à certains moments et te font évoluer et te font comprendre aussi ce qui a pu arriver pour toi.
- #Agathe Le Taillandier
J'ai adoré d'ailleurs qu'Aiden dise ou révèle à Samy ses problématiques de genre, d'amour lesbien, etc. par texto. Ils sont côte à côte mais disent tu veux tu m'écris. J'ai adoré.
- #Fatima Daas
Beaucoup de tendresse tu vois entre amis quand tu as un personnage. Enfin voilà Samy il sait bien qu'elle n'arrive pas à parler Aiden. Donc vas-y écris-moi par message et c'est notre manière à nous de discuter de tout ça et on ne va pas t'imposer la parole alors. que c'est difficile pour toi dans ton corps de parler.
- #Agathe Le Taillandier
Et je trouve que ça l'a construit aussi à cet endroit en tant que potentielle écrivaine, comme aussi dans la petite dernière. Enfin, je veux dire, tes personnages, c'est des doubles écrivains, on peut quand même le dire.
- #Fatima Daas
Complètement obsédée par l'écriture, toujours envie de montrer des personnages qui font l'éloge de l'écriture, en tout cas que l'écriture vient sauver en quelque sorte. Parce que je me dis, franchement, sans l'écriture, comment on fait ? Et justement, être submergée par la vie. Et trouver l'écriture, ça permet de comprendre mieux, justement de moins être dans cette position de subir. Et de comment tu reprends, tu sors de cette passivité et t'en fais quelque chose. L'écriture, elle permet d'être plus active. Acteur de sa vie ? Ouais.
- #Agathe Le Taillandier
Et toi tu dirais du coup que tu l'as découvert quand cette ressource là que tu es en train de décrire, qu'est l'écriture, à quel moment c'est venu ?
- #Fatima Daas
C'est venu super tôt, enfin super tôt non, j'aurais voulu que ça vienne encore plus tôt, mais c'est venu je pense quand j'étais en quatrième. Et je suis encore tout le temps surprise à quel point décrire me permet de sortir la tête de l'eau quoi tu vois.
- #Agathe Le Taillandier
Ça se réflexe du journal, comme ça, de l'écriture à vif ?
- #Fatima Daas
Ça peut, par moment. Mais je crois que ce qui m'aide beaucoup, c'est de savoir que j'ai un espace où je peux parler. Pas parler à quelqu'un, mais parler et de me confronter à ce que j'ai envie de dire, quoi, tu vois. Juste pour moi, quoi. Par moment, c'est vraiment... Je crois que c'est la seule chose que j'arrive à faire correctement, quoi. Enfin, tu vois, c'est... C'est le meilleur moyen pour moi de ressentir, de faire ressentir. Je pense que c'est un truc de très proche avec Haydn, ce truc-là. Je ne dirais pas les choses de la même manière si je les dis à haute voix que si je les écris à quelqu'un. Je sens ça très fort que j'ai souvent besoin de passer par l'écriture pour dire certaines choses, pour tout.
- #Agathe Le Taillandier
Tu dis dans Jouer le jeu que pour Haydn, l'écriture, c'est un élan spontané, comme ça peut lui arriver parfois avec l'écriture, quand son corps réagit. Tu lis aussi, tu noues l'écriture à la corporalité ?
- #Fatima Daas
Oui, grave. C'est quelque chose de très physique, moi, l'écriture. Et j'ai l'impression que si je ne le fais pas à certains moments, ça ne va pas aller. Genre, ça ne va vraiment pas aller physiquement. Et c'est vraiment l'urgence. Un truc d'urgence qui s'impose à moi à certains moments, qui me pousse à y aller.
- #Agathe Le Taillandier
Et ensuite, du passage de la petite dernière, pour parler vraiment plus d'écriture... qui est un monologue à la première personne, scandé avec cette répétition « Je suis Fatima Das, je suis Fatima Das » au début de tous les chapitres. Là, on a découvert à l'époque un style hyper particulier, hyper singulier. Et là, c'est vrai que tu changes un petit peu d'espace. Tu vas vers une narration plus structurée, avec une galerie de personnages plus creusée aussi, des scènes que tu déploies plus longuement. Comment s'est passé le passage de ce monologue ? J'ai époustouflant qu'était La Petite Dernière à une nouvelle forme narrative.
- #Fatima Daas
D'entrée de jeu, je savais que j'avais envie d'écrire la troisième personne. J'avais envie de faire autre chose. Je n'avais pas envie de rejouer le jeu de La Petite Dernière. Il y avait plusieurs voix quand j'ai commencé à écrire et jouer le jeu. Il y avait une voix off, il y avait la voix de Kaiden qui raconte ce qui se passe et il y avait la voix d'une narratrice externe au départ. Il n'y avait pas le jeu du journal. Il y avait vraiment ces trois voix. Et au fur et à mesure, j'ai transformé la voix en off, en journal. Je pense que ce qui m'a aidée, c'est vraiment d'avoir envie de voir plusieurs personnages. D'aller creuser plusieurs personnages, d'entendre leurs voix, de les voir physiquement, de voir comment ils bougent, de voir comment ils rigolent, d'avoir leur langage en tête. Ça, ça m'a vraiment plu. Les dialogues notamment, parce qu'ils ont une place très importante aussi. D'aller vers une narration beaucoup plus lente, qui va avec aussi le temps de l'école, tu vois. Le temps de l'école, c'est trois ans. T'as l'été qui est une période un peu allongée, un peu d'ennuis, mais en même temps tu fais plein de trucs, des trucs très banals. C'est pas des personnages qui partent en vacances. Kaiden va chez son oncle, c'est très simple. Mais en tout cas, c'est comment raconter le temps de l'école aussi. Avec des heures qui passent lentement.
- #Agathe Le Taillandier
Avec des rituels aussi qui se cantent l'année. Avec des rituels. C'est ce temps-là,
- #Fatima Daas
je pense, qui m'a fait écrire aussi. C'est de me calquer au temps de l'école. Avec aussi l'année de la première. C'est très court, c'est un paragraphe. Parce que j'avais envie de montrer aussi que Kaïden plonge la tête dans l'eau et ne voit plus trop ses amis. Et focaliser juste sur Sciences Po et Madame Fontaine. Mais je pense que ça fait partie de ça aussi. C'est comme si une année... Cette année de première, elle ne l'avait pas vu passer. Ça demande de suivre chaque étape de cette relation entre Garance Fontaine et Kaïden. Ça passe par des étapes. Il y a vraiment, tu vois, pour moi, il y a hop, ok, je découvre que c'est une élève qui aime écrire. Je découvre qu'elle a coché ni masculin ni féminin, donc j'ai quelque chose de très intime sur elle. Je sens quelque chose chez cette élève, il y a une faille. Ça vient avec Kaïden qui aussi rend cette... Ce questionnaire écrit, donc donner quelque chose d'intime de soi, puis petit à petit, quelque chose qui s'installe, des messages, elle la redépose en bas de son bâtiment, en voiture, parce qu'elle essaie de rattraper le coup, parce qu'elle a agi maladroitement, entre guillemets.
- #Agathe Le Taillandier
Au moment où elle l'abandonne un peu dans la préparation, un jour avant l'oral de Sciences Po, elle l'abandonne. Il y a ça,
- #Fatima Daas
mais il y a même avant ça, il y a déjà, je pense... Un petit déclic quand Kaïden doit préparer l'oral avec elle dans sa salle de classe et qu'en fait elle vient pas au rendez-vous bien sûr. Et Kaïden finit par aller en salle des profs et que là l'enseignant lui dit mais enfin qu'est-ce que vous faites là ? Je voyais pas que j'ai besoin de repos alors qu'en fait elle joue ce jeu là devant les autres enseignants. Et on comprend après voilà que finalement à la fin de la journée elle la raccompagne chez elle pour rattraper ce coup là quoi.
- #Agathe Le Taillandier
Cette trahison je dirais même. Texte pour remplacer la fiche de renseignement Je m'appelle Kaiden, mes amis m'appellent Kai Ce n'est pas un diminutif pour dire Kaïd, Rakai, ne vous inquiétez pas C'est juste pour aller plus vite C'est efficace Kai On me dit souvent que j'ai un prénom de garçon Samy, mon meilleur ami, que vous avez croisé avec moi dans le couloir Parfois on le prend pour une fille Il s'en fout, je crois même que ça le flatte Kaiden c'est un prénom mixte, j'aime bien Je suis née le 23 octobre Je me considère moitié balance, moitié scorpion Ma sœur et ma mère sont scorpions. J'adore les scorpions. Ma grande sœur s'appelle Shadi, on partage la même chambre. Ma mère c'est Aïcha, elle dort dans le salon sur un clic-clac qu'elle a eu pour 50 euros sur le bon coin. Il est gris, mais elle le recouvre souvent d'une housse multicolore. Je rêve qu'elle ait une chambre, à elle, ma mère. Pas une chambre dans une cuisine ouverte. Pas une chambre où persistent les odeurs de la nourriture éco+, celle du camembert puant dans le frigo, l'odeur des canalisations. mais une chambre avec une porte fermée et des rideaux aux fenêtres. Une chambre pastel, sans housse arc-en-ciel qui fait mal aux yeux et qui donne des vertiges. Une table de chevet, une coiffeuse, et une garde-robe avec plein de jolis vêtements, accrochée à des cintres Anger World, solides, pas les 30 cintres à 2€ du marché, qui se brisent dès que tu accroches une veste un peu trop lourde. Et Pat qui claque, un vrai lit queen size. Elle travaille beaucoup ma mère, mais elle trouve toujours du temps pour nous. Il n'y a pas d'homme à la maison, je ne pourrais pas vous donner les coordonnées d'un père, désolé. Je peux vous laisser le numéro de mon oncle, Fouad,
- #Fatima Daas
au cas où. Il est super sympa. Je me souviens qu'il avait remplacé ma mère pour récupérer mon bulletin au collège quand elle bossait de nuit.
- #Agathe Le Taillandier
Madame Fontaine, alors d'où elle te vient cette prof de français ? C'est elle qui va créer un rapport tout à fait particulier avec Kayden, qui va la distinguer, qui va l'élire. C'est tout ce que ça peut être dangereux dans une relation. À partir du moment où on élit quelqu'un sur qui on a du pouvoir, c'est le début de ce qu'on peut appeler l'emprise. Même si tu n'utilises jamais ce terme, c'est toujours en sourdine. Mais en tout cas, il y a cette élection. puisqu'elle voit en elle une jeune fille brillante qui pourrait intégrer Sciences Po. C'est le genre de prof que tu as déjà rencontré. Comment tu as nourri ce personnage ?
- #Fatima Daas
Déjà, moi, c'est parti de tous ces partenariats avec les grandes écoles dans les lycées Rep+, qui permettent aux élèves des quartiers populaires d'intégrer une grande école plus facilement. C'est vraiment comme ça qu'il est présent. Moi, il y avait ça dans mon lycée. Donc, je pense que c'est parti aussi de cette expérience-là. Ça m'intéressait vachement en fait ce matériau-là de, ok, on doit préparer Sciences Po pendant deux ans, il y a un premier oral dans ton lycée, donc là ça va, mais tout d'un coup le deuxième oral tu dois aller le passer à Sciences Po, qu'est-ce que ça demande ? Et d'entrée de jeu de savoir que tu as un concours plus facile, donc la question de la discrimination positive, qu'est-ce que ça vient faire chez un adolescent de savoir ça, tu vois, quand tu n'as pas encore conscience de ce que c'est exactement la discrimination positive et sur quoi ça repose ? qu'est-ce que ça peut faire de se dire, mais en fait... Pourquoi moi j'intégrerais cette école déjà ? Parce que je ne sais même pas, Kaïden ne sait pas du tout ce que c'est que cette école en fait, jusqu'à ce que Madame Fontaine lui en parle et la pousse à préparer cette entrée à Sciences Po. Ensuite, pourquoi c'est plus facile pour moi ? Et ce n'est pas accompagné, tu vois, et ça pour moi c'était hyper important de montrer à quel point ce n'est pas accompagné. C'est juste, ok, il y a une enseignante qui repère une élève, qui voit une faille, évidemment parce que Kaïden c'est... Moi, de ce roman, ce personnage, il est extrêmement vulnérable. Il y a une mélancolie dans tout le roman. On sent que c'est facile. Elle est facile à attraper, en fait. Il y a comme un truc de repérer que ce personnage va pouvoir s'aider à ça. Et puis, voilà, Madame Fontaine, elle a quand même, au début du roman, accès à l'écriture de Kaïden, qui n'est pas rien, qui Kaïden dit elle-même, lui-même, qu'elle ne sait pas bien pourquoi elle lui a envoyé cette fiche de renseignement. Comme un texte qu'elle aurait écrit, en fait. Et c'est déjà...
- #Agathe Le Taillandier
Lui livrer quelque chose, livrer quelque chose d'elle. Puisqu'elle écrit une fiche de renseignement, au lieu de juste répondre oui, non, oui, non, elle fait tout un portrait d'elle, à la demande quand même de Madame Fontaine, qui la pousse un peu, parce qu'elle n'a pas assez répondu aux questions, et donc elle va faire un long portrait d'elle. C'est vrai que dès le début, c'est sous le signe quand même de l'exposition de soi, de son intime.
- #Fatima Daas
Exactement. C'est vraiment, pour moi, l'endroit de l'intime et de la vulnérabilité où l'adulte vient vampiriser en fait Et donc c'est parce que cet élève-là est ici des quartiers populaires et en vulnérabilité de l'adolescence que Mme Fontaine va la repérir, va l'extraire de son groupe, donc va trier les élèves et va se dire ok, elle, c'est elle qui va intégrer Sciences Po. Maintenant, qu'est-ce que ça lui apporte à elle ? Qu'est-ce que ça apporte à Mme Fontaine ? Est-ce que c'est réellement, voilà, elle découvre un potentiel incroyable, elle découvre une élève ? qui a tout pour faire cette école ou est-ce que Elle projette sur elle son propre désir. Pour moi, c'est hyper important le fait que Kaïden ne sache pas ce que c'est Sciences Po.
- #Agathe Le Taillandier
Oui, elle doit aller voir des vidéos sur Internet vite fait.
- #Fatima Daas
Elle n'est pas accompagnée. C'est-à-dire que là, on n'a pas... Je pense qu'évidemment, il y a des enseignants qui sentent chez tel ou tel élève que... Je ne sais pas, je te dis n'importe quoi, même pas viser des grandes écoles, mais juste, OK, quelqu'un de très littéraire, je pense qu'il y a quelque chose à faire. Cette posture, c'est une chose, tu vois, d'accompagner un élève. vers ce qu'ils pourraient ou ce qu'ils voudraient. Ça, je pense que c'est important et c'est précieux quand tu rencontres des enseignants qui te tiennent la main, entre guillemets, pour aller vers ce que tu veux, ce que tu désires surtout. Est-ce que tu es, est-ce que tu aimes, est-ce que tu peux ? Pas seulement, ok, l'élite, j'ai envie de te faire faire partie de l'élite. Et qu'est-ce qui se joue justement dans ces rapports enseignants-élèves et jusqu'où ça peut aller ? Et donc ça va dans l'intime, ce qu'il y a de plus intime à savoir. L'amour, la question de l'amour, ça peut aller très loin. Pour moi, c'est vraiment comment raconter le réel. C'est vraiment des choses qui arrivent, c'est des choses qui se passent pour des adolescents. Des adolescentes, le premier objet de désir, ça peut être un adulte. Qu'est-ce qui se passe quand c'est ton enseignant, ton enseignante ? C'est intéressant ce que tu disais, on ne sait pas bien si elle en est consciente ou pas. En tant qu'autrice ou en tant qu'adulte, j'ai envie de dire que c'est impossible de ne pas le voir. Maintenant, c'est un roman. Et j'ai joué là-dessus, justement, j'avais envie que ce soit plus subtil que simplement dire « Ok, elle a conscience de tout, elle en joue à fond, et ça va dans quelque chose d'encore plus dark que ça ne l'est déjà. » Mais pour moi, voilà, c'est un personnage qui va en jouer, qui va en jouer à fond, qui va dépasser des limites, qui va faire subir à Kaiden un abus de pouvoir, quoi. Et ça m'intéressait beaucoup de parler, justement, de la découverte de l'homosexualité. quand tu crois tomber amoureuse d'une enseignante et surtout quand tu es lesbienne comment tu découvres que tu es lesbienne quand en fait tu tombes amoureuse d'une personne avec qui il ne faut pas avoir d'histoire qu'est-ce que ça fait pour un adolescent et pour moi Garance Fontaine elle a conscience qu'elle est face à une adolescente mais elle refuse aussi beaucoup de voir certaines choses, elle retarde le plus possible le moment de la discussion et de la confrontation, elle en joue et pour Sciences Po et elle en joue aussi peut-être parce qu'elle, qu'est-ce que ça lui procure ? Ça c'est important de parler des adultes qui jouissent de ça en fait, qui jouissent de cet abus de pouvoir et qui peuvent être flattés de recevoir des regards d'une élève, de l'attention d'une élève. Qu'est-ce que ça raconte en fait de notre société que des adultes trouvent ça excitant en fait ? Comment ça se fait que ça les porte ce genre de relation ?
- #Agathe Le Taillandier
Je reviens toujours à cette idée du manque de reconnaissance quand même qui est vraiment partie de ce métier. T'es anonyme, t'es dans ta petite classe, personne ne sait ce que tu fais. Je vois aussi comment ça, ça peut créer l'envie d'être soi-même distinguée, l'envie de distinguer l'élève et de soi-même être distinguée dans le regard. Mais c'est dangereux, enfin, en fait.
- #Fatima Daas
C'est un système, c'est pour ça que c'est très important de parler d'un système et pas d'individu, tu vois.
- #Agathe Le Taillandier
Là, en t'entendant parler, ça me fait vraiment penser à une série que j'écoute en ce moment sur France Culture, qui est consacrée à Belle Hux, qui est une autrice féministe, antiraciste et militante, qui a beaucoup écrit sur sa pratique de l'enseignement, puisqu'elle était prof en fait. Et dans un de ses bouquins, attends, je vais le prendre parce que j'ai trop envie de te lire un extrait. C'est ça, c'est Apprendre à transgresser. Il y a tout un passage sur le rapport du prof et de l'élève. la relation prof-élève, la mise en scène aussi du corps du prof dans la salle de classe, que ce n'est pas du tout anodin d'être un corps qui enseigne, et que du coup, le savoir, les connaissances qui vont être délivrées en cours ne sont jamais en fait neutres, ne sont jamais objectifs. Ils sont toujours incarnés par un corps. Je trouve ça vachement intéressant. Je te lis quelques passages. La pédagogie libératrice exige qu'on travaille dans la classe, dans les limites de son corps, avec et au-delà et contre ses limites. Les enseignants, les enseignantes peuvent bien affirmer que se tenir sur l'estrade ou derrière le bureau n'a pas d'importance. Ça en a. Je me souviens, lors de mes premiers jours d'enseignement, alors que j'essayais de sortir de derrière le bureau, avoir été très nerveuse. Je me souviens avoir pensé, il s'agit vraiment de pouvoir. Je me sens plus en contrôle quand je suis sur l'estrade ou derrière mon bureau que quand je marche vers mes étudiants, quand je me tiens près d'elles, de, peut-être même quand je les touche. La reconnaissance que nous sommes des corps dans la salle de classe a été importante pour moi, particulièrement dans mes efforts pour ébranler l'image de l'enseignant comme n'étant qu'un esprit omnipotent et omniscient. Quand on quitte les strates pour marcher dans la salle, soudain, notre odeur, notre façon de bouger devient très envahissante pour nos étudiants. L'étudiant et l'enseignant se regardent l'un l'autre. Quand on se déplace dans la classe, il devient plus évident qu'on y travaille. Elle dit juste avant, « Certaines penseuses féministes ont essayé d'écrire sur la présence de l'enseignant comme corps dans la classe. La présence de l'enseignant qui a un effet total sur le développement de l'étudiant, pas juste un effet intellectuel, mais un effet sur la façon dont cette jeune personne perçoit la réalité en dehors des cours. » Voilà. Et juste après, dernière ligne de Belle Hux. L'effacement du corps nous encourage à penser que nous écoutons des faits neutres et objectifs, des faits qui ne sont pas particuliers à la personne qui partage l'information. On nous invite à transmettre des informations comme si elles ne venaient pas de nos corps. Voilà, tu vois, j'avais juste envie de partager ça avec toi parce que je trouve qu'il y a plein d'échos.
- #Fatima Daas
Jamais on va parler de ça en fait, jamais on va parler de les profs, comment ils se sentent dans une salle de classe. Enfin, on va en parler, mais en tout cas dans ce qu'il y a de plus intime, tu vois. Qu'est-ce que ça fait d'être face à... Une classe où il y a 30 adolescents face à toi,
- #Agathe Le Taillandier
te regardent,
- #Fatima Daas
te scrutent, te désirent parfois. Qu'est-ce qui est mis en place pour les enseignants quand ce genre de situation arrive ? Déjà le système, qu'est-ce qu'il propose ?
- #Agathe Le Taillandier
Là je pense à une scène précise de jouer le jeu que tu as évoqué rapidement avant, qui est la scène où ils font un débat autour de la laïcité en cours d'histoire géo. Il y a une altercation entre deux élèves. Peut-être raconte la scène, et je te dirai après, on dialogue à partir, mais raconte la scène précisément que tu as voulu mettre en jeu. c'est entre Jenna et Un autre élève et la prof d'histoire géo.
- #Fatima Daas
C'est une scène hyper importante que moi j'adore écrire. Donc Jenna arrive en cours avec ses amis. Toufik, qui est un camarade de classe, prend sa place. Et donc ils se disputent pour une place. Et l'enseignante en fait, elle tranche assez vite et elle dit à Jenna d'aller s'installer ailleurs. Donc ça commence déjà avec cette tension-là du début de cours. Ensuite, voilà, l'enseignante... propose à ses élèves de travailler sur la laïcité. Et c'est des choses que j'ai vraiment trouvées, en fait, en faisant des recherches. Vraiment, c'est des questions qu'on propose aux élèves et tout. Moi, j'ai trouvé ça...
- #Agathe Le Taillandier
Ah bah totalement, qui font totalement partie des programmes.
- #Fatima Daas
Donc voilà, moi, j'étais... Et ensuite, ça dérape parce que, déjà, il y a une forte tension entre la professeure d'histoire-géo et Jenna, parce que Jenna, en travaillant sur la laïcité, elle essaye de comprendre... Elle concerne qui la question de la laïcité ? Donc ça devient problématique parce qu'elle demande pourquoi c'est du poisson le vendredi ? Elle commence à montrer que la laïcité, en fait, elle a la sensation que ça concerne plutôt les enfants musulmans, que ça devrait en tout cas que les concerner eux. Et donc cette enseignante propose ensuite à la fin de venir au tableau et de restituer ce qui a été fait dans le groupe lié à la laïcité. et donc Toufik et Diana se retrouvent l'un face à l'autre et doivent débattre. Et là, s'en suit une grande dispute parce que Toufik se met à insulter Jenna. Donc voilà, la classe, comme je pense que ça peut exister, quand il y a ce genre de choses, tout se termine et l'enseignante fait sortir la classe et le proviseur vient discuter avec elle et elle la fond en larmes. Cette scène, pour moi, elle est hyper importante parce que je pense que déjà, le premier truc qui était hyper important pour moi, c'est... C'est de montrer la peur de cette enseignante, la peur qui la traverse en fait, la peur que ça dérape, mais la peur aussi face à Toufik en fait. A quel point un enfant racisé peut faire peur, et encore plus quand c'est un garçon. Et c'est là que je me dis, en fait, les enfants ne sont plus vus comme des enfants, mais comme des menaces. Et Toufik lui fait peur, donc elle ne va pas rentrer en conflit avec Toufik, elle va plutôt décider de rentrer en conflit avec Jenna. Après moi, c'est des choses que j'essayais de travailler.
- #Agathe Le Taillandier
Sans les dire, c'est ça. Là, tu les formules, mais avant tout, c'est une situation. Ce n'est pas un propos que tu démontres. C'est ça qui en fait un roman.
- #Fatima Daas
C'est très important pour moi, dans l'écriture, de ne pas être dans le fait de pousser à dire quelque chose. J'ai plutôt envie de montrer et faire sentir.
- #Agathe Le Taillandier
Moi, j'ai l'impression aussi que dans le fait que la prof, elle s'acharne un peu sur Jenna dans cette scène, je ne sais pas pourquoi, j'avais l'impression qu'elle était un peu vexée, aussi la prof. De la qualité de la prise de parole de Jenna, étonnée, j'ai l'impression qu'elle ne s'attend pas à ce que, parce que Jenna est extrêmement intelligente et a des outils politiques, comme tu l'as dit, quand elle parle, et en fait j'ai l'impression que la prof est étonnée, puis vexée, de voir cette élève aussi s'émanciper et avoir un discours critique devant la classe. Et que c'est aussi la vexation qui un peu, elle se pique, et donc, ah c'est fini, tu sors, c'est facile quand t'es prof, de toute façon t'as le pouvoir, donc si t'es un peu gênée ou mal à l'aise, il suffit de dire tais-toi, va chez le proviseur et c'est réglé. Et c'est d'ailleurs ces situations d'injustice qui créent de la colère et qui ensuite créent... qui peuvent créer des situations dramatiques dans les salles de classe. Il y a ça aussi chez elle.
- #Fatima Daas
C'est trop intéressant ce que tu dis. Oui, bien sûr, je pense qu'il y a de ça. Il y a surtout... En fait, ça vient... rompre avec l'imaginaire qu'elle a de ces enfants-là.
- #Agathe Le Taillandier
Ça ne correspond pas à ses attentes.
- #Fatima Daas
Exactement, ça ne correspond pas du tout à ce qu'elle imagine de Jenna, à ce qu'elle imagine de tous ces adolescents à qui elle enseigne. Et donc ça vient à un moment donné basculer cet imaginaire-là. Et en fait, elle a aussi envie de la punir. Quand une élève arrive à nous montrer que politiquement ça ne va pas, nous questionne, ça veut dire se remettre en cause. Et ça, je pense que... Se remettre en cause, avoir conscience du pouvoir qu'on a quand on est enseignant et de ce qu'on peut produire sur des enfants, qu'on ne voit pas comme des enfants, ça peut faire briller.
- #Agathe Le Taillandier
C'est insupportable, ça lui est insupportable en fait.
- #Fatima Daas
Je pense que ce personnage-là est tellement fragile aussi, dans ce qu'elle vit, dans la fatigue, dans tout. Et du coup, elle se rend compte du pouvoir qu'elle a et de la maltraitance et de comment elle communique avec ses élèves comme si c'était des sauvages, des moins que rien. Ils la font chier, elle n'a pas envie d'être là. Et travailler dans ces conditions-là, et se rendre compte que c'est comme si on mettait une caméra et qu'on lui disait que c'est comme ça que tu travailles. Donc ça lui serait insupportable. Et se rendre compte et se remettre en question, ça demande vraiment d'avoir les épaules et de changer. C'est immédiat, si tu te vois faire, c'est immédiat le changement.
- #Agathe Le Taillandier
Complètement. Oui, on a l'impression qu'elle est face à son échec, face à son propre échec. Et du coup, autour de ce discours sur la laïcité, tu mets cette scène en perspective d'une autre. qui est celle où le surveillant se fait convoquer dans le bureau du principal. C'est intéressant que tu mettes en scène un surveillant, parce qu'ils sont hyper importants, notamment dans les lycées de quartiers populaires, collèges ou lycées, parce que ce sont souvent des jeunes gens qui viennent des quartiers, donc ils connaissent nos élèves en dehors, dans leur vie de famille, dans la cité, là où nous, souvent, on vient de l'autre côté du périph'. C'est totalement juste ce que tu dis. Alors, pour plein de raisons différentes, on y reviendra, parfois pour des bonnes raisons aussi. Je rencontre quand même des profs... qui s'interroge en permanence sur ce que c'est que produire un discours dans la société qu'elle a note. Mais en tout cas, j'ai bien aimé ce personnage de « Que tu fasses exister en surveillant » . Il dit, à un moment donné, il dit au principal « Je ne bosse pas dans un lycée pour contrôler le corps des élèves » . Il refuse d'appliquer cette fameuse loi sur la laïcité avec laquelle on nous bassine à chaque rentrée scolaire. Et donc pourquoi c'est important pour toi ce personnage-là de surveillante ?
- #Fatima Daas
Pour moi c'est autant Oussani que Aminata la documentaliste, c'est des personnages qui viennent apporter un autre point de vue adulte, des adultes qui ont un autre point de vue, qui ont un autre regard sur ces adolescents, parce que je pense que j'aurais été trop triste de... Voilà, moi mes personnages adolescents je les adore, j'ai beaucoup d'amour pour eux, beaucoup de tendresse, donc j'avais besoin que des adultes aussi les regardent comme des adolescents et qu'il y ait quand même des figures qui sont là pour les protéger. Et Oussani, alors Oussani oui je pense que... Bon, on va spoiler, mais c'est pas très grave. C'est quelqu'un qui est aussi très sensible à ce qui se passe et qui a conscience de tout ce qui se passe et qui, comme tu le disais, connaît des choses, des élèves que les enseignants ne connaissent pas, ne veulent pas aussi connaître parfois, parce que ça demande de connaître ce qui se passe pour eux chez eux, c'est pas toujours facile. Et Oussani veut juste que... C'est ces personnages-là qui veulent que l'école soit aussi un espace qui puisse être un espace, justement, comme on essaye de nous le faire croire, à savoir d'émancipation et de bienveillance. Il y croit,
- #Agathe Le Taillandier
lui. Lui,
- #Fatima Daas
il y croit et il y croit, mais il voit bien que dans ce système-là, la place qu'il aimerait occuper et la place qu'il aimerait donner aux élèves, c'est quasi impossible. Donc, il finit par partir. Parce qu'il est incompris, parce que c'est beaucoup trop de violence aussi d'assister. Il y a la violence envers les enfants, mais il y a la violence aussi que les adultes perçoivent et se sentent impuissants en fait face à ce qui se passe. Mais même des enseignants en fait. C'est pas dans le livre, mais évidemment qu'il y a des enseignants qui n'en peuvent plus. Pas parce que les élèves sont trop durs et sont trop difficiles. Non, ils n'en peuvent plus parce que le système est tellement dur et tellement violent qu'ils ne supportent pas d'être impuissants. face à des enfants qui sont en construction et qui reçoivent une violence avec laquelle je ne sais pas combien de temps ils vont mettre de temps à se réparer de ça.
- #Agathe Le Taillandier
Il y a le mot impuissant qui est vachement important dans ce que tu dis, le sentiment d'impuissance face au manque de moyens. Ça, c'est tellement évident. On pourrait en parler des heures, mais notamment dans ces établissements scolaires, je parle particulièrement de la Seine-Saint-Denis, que je connais bien, où effectivement on voit le déclin absolu des moyens. Et il y a aussi le refus d'être complice du système. Et c'est aussi ça, le surveillant, il ne veut pas faire partie de ce système qui est un étau pour les élèves. Et c'est vrai que plus, par exemple, la question de la laïcité, on y revient, mais parce que comme à chaque rentrée, on nous sort quelque chose du chapeau, l'année dernière, c'était l'interdiction de la baya, donc il fallait quand même checker. T'imagines pour un surveillant, à l'entrée, dire toi oui, toi non. On sait en fait ne plus faire de l'école un accès égalitaire à tous. Quand on s'est retrouvés à faire ça, c'est vrai qu'on était quand même tous à se dire, mais en fait...
- #Fatima Daas
Je ne peux pas être complice de ça. Je ne peux pas mesurer avec une règle la taille des bandeaux des filles. C'est contre tout pourquoi je fais ce métier. C'est le refus aussi d'être complice. Je trouve que la scène avec le surveillant raconte vachement bien ça. Oui,
- #Agathe Le Taillandier
exactement. Tu as tout dit. Vraiment, tu as tout dit.
- #Fatima Daas
On parlait de temporalité, on parlait de rythme, je pense aussi bien sûr à la musique. Alors la petite dernière, on t'a pas mal ramené... Je me suis demandé d'ailleurs, je ne dis plus furt qu'un peu, mais ce que ça te faisait, j'ai entendu plusieurs fois, on comparait ça à du slam. Je me demandais à quel point il n'y avait pas aussi une projection un peu lourde, forcément qui dit musique dit... Cartier dit... Bref, slam. Est-ce que c'était lourd un peu comme...
- #Agathe Le Taillandier
Trop la flemme. Déjà je comprends pas. Je veux vraiment, genre le slam, trop la flemme.
- #Fatima Daas
On est quand même face à un roman de 200 pages, bon, je suis là mais je vois pas trop le rapport. Mais d'accord.
- #Agathe Le Taillandier
Exactement, mais comme tu dis, c'est calquer des choses. Les gens ne différencient pas, tu vois, quand toi tu parles de quelque chose, souvent je dis j'écoute beaucoup de rap, j'en écoute depuis que je suis toute petite, c'est vraiment quelque chose, c'est un moteur pour moi le rap. Et les gens ne différencient pas quand moi j'en parle et quand on essaye de calquer ce truc-là à chaque fois. Ah mais en fait c'est du rap. Mais non, c'est pas du rap en fait, c'est un roman. C'est pas du tout du rap, vous savez pas du tout comment on écrit un texte de rap en fait, c'est pas du tout du rap.
- #Fatima Daas
J'aime bien savoir un peu ce qui accompagne les auteurs et les autrices quand ils écrivent. Tu m'as parlé d'une chanson qui s'appelle « Je viens de là » .
- #Agathe Le Taillandier
La chanson « Je viens de là » de Limsa, Donné et Isha. Déjà tout l'album « Caviar bitume » c'est un album qui m'a grave accompagnée pendant l'écriture de « Jouer le jeu » . J'ai choisi ce morceau parce que je le trouve trop important. J'ai l'impression que c'est un peu la bande-son de « Jouer le jeu » , ce truc-là. de bande de potes dans un quartier, la banalité du quotidien, l'ennui, la rigolade. Je viens de là, quoi, tu vois, je viens de là, quoi.
- #Fatima Daas
Et donc tu viens d'où, toi, tu dirais ?
- #Agathe Le Taillandier
Moi, je viens de la tendresse, en vrai, tu vois, je viens d'un truc, je viens d'un milieu où c'est dur, mais où, tu vois, il y a un truc hyper solidaire, hyper franc, quoi. Il y a une phrase dans le roman de Shadi, de la sœur, qui dit, ouais... Comme elle dit maman, nous les DZ, soit on aime, soit on n'aime pas. C'est vraiment ça moi, je viens de là, soit on aime, soit on n'aime pas. Si on aime, on aime à fond, si on n'aime pas, on n'aime pas. même pas du tout
- #Fatima Daas
Alors je finis toujours ce podcast avec la séquence Open Bibliothèque. Open
- #Agathe Le Taillandier
Bibliothèque.
- #Fatima Daas
Comme tu as pu le voir, c'est important pour moi de recevoir les gens ici, c'est chez moi, et puis il y a mes livres qui sont hyper importants depuis toujours pour moi, et donc on fait cet entretien, tu es face à une bibliothèque, et donc j'aimerais bien que tu choisisses un livre, ça peut être là ou derrière aussi, ou là où tu veux. qui t'attirent, soit parce que tu le connais, soit parce qu'il t'attire. Et que tu l'ouvres au hasard et que tu prennes une page et qu'on rebondisse un peu sur ce que tu lis. Ah, trop bien. Ok, super. Parfait. Là, tu vas vers la rentrée littéraire, septembre 2025. Donc dis-nous ce que tu as appris.
- #Agathe Le Taillandier
Alors, Toutes les vies de Rebecca Warrior. C'est un livre que je n'ai pas encore lu. J'ai vu passer un passage sur les réseaux sociaux. Ça m'a donné très envie de le lire. Voilà. Ça parle surtout de deuil, mais je crois que c'est très drôle aussi. Ça parle de comment on accompagne sa compagne quand elle est malade.
- #Fatima Daas
Tu l'accompagnes de Rebecca Warrior qui a un cancer du sein et du coup elle l'accompagne sur la figure de l'aidante dans le quotidien de la maladie jusqu'à la mort.
- #Agathe Le Taillandier
Paris 2017 j'ai le coeur déchiré je ne suis plus qu'une flaque de larmes mon dieu, chaque jour est une épreuve je regarde sans cesse des photos en pleurant nos vacances, notre vie son sourire, ses yeux je ne savais pas ce que ça faisait de perdre quelqu'un de si proche je ne savais pas c'est comme perdre un bout de soi, ça laisse un trou Je supportais plus de voir Pauline souffrir, mais maintenant qu'elle est plus là, je me demande ce qui est pire. L'absence fait tant souffrir. Je me remémore en boucle sa main dans la mienne les derniers jours où je l'ai vue. Elle était si faible, mais sa petite main me caressait encore. Mon Dieu, je l'aime tellement. Comment vivre sans elle ? Je décidais alors de lire tous les livres possibles et inimaginables sur le deuil. Je me disais que l'expérience des autres m'aiderait et me réconforterait. J'étais allée jusqu'à lire l'ouvrage du médecin qui avait accompagné François Mitterrand jusqu'à son dernier souffle. Tout le monde s'accordait à dire qu'il y avait cinq étapes. Déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. Dans les cas de la maladie longue, on faisait ce qu'on appelle un deuil anticipé. C'est puissant. Ça pose plein de questions qui me touchent particulièrement. La perte, le deuil, la maladie.
- #Fatima Daas
On termine avec Rebecca Warrior et je termine sur une dernière question. Je te disais effectivement que ces livres étaient importants pour moi et j'ai plus une forme de confiance. Une forme de confiance, Dieu sait qu'elle est dure à trouver en ce moment vu tout ce qui se passe autour de nous. Et au quotidien, je me demandais, toi, où est-ce que tu puisses d'une forme de confiance aujourd'hui ?
- #Agathe Le Taillandier
Dans mes liens, dans les liens que j'ai avec mes proches. Je pensais principalement là. Et le rap, écouter du rap, ça me donne de la force, de la confiance.
- #Fatima Daas
Comme Cagdel un peu ?
- #Agathe Le Taillandier
Ouais, de ouf.
- #Fatima Daas
Merci à toi, merci beaucoup.
- #Agathe Le Taillandier
Merci Agathe.
- #Fatima Daas
Vous venez d'entendre Agathe Letaillandier en conversation avec Fatima Das. Open Book est un podcast créé par Agathe Letaillandier et Constance Parpoil, réalisé et mixé par Lola Glogowski. L'illustration est de Caroline Perron. La musique est composée par PR2B. Nous remercions tous nos premiers soutiens sans qui ce podcast n'aurait pas pu voir le jour. Charlie, Saïd, Armel et Dominique, Lucie, Chantal, Isabelle, Marie et Vincent, Juliette et Gilles. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le, mettez des étoiles sur les applications, parlez-en autour de vous et abonnez-vous pour nous soutenir. Vous pouvez aussi suivre le compte Instagram OpenBook pour suivre les coulisses du podcast et vous tenir au courant de toutes nos nouvelles. Merci pour votre écoute et je vous donne rendez-vous dans deux semaines.