- #Agathe Le Taillandier
Bienvenue dans OPEN BOOK, le podcast qui plonge dans les livres pour réinventer nos vies ensemble. Chez moi aujourd'hui, Hélène Laurin. J'ai commencé son dernier livre, Tambora, un matin chez moi et puis j'ai voulu le terminer au café. Mais ils étaient tous pleins, alors je me suis mise à marcher et j'ai fini par atterrir sur un bout de table devant une boulangerie sous une grande bâche. Plein de gens s'étaient abrités à cause de la pluie et je J'ai fini la série. En larmes, ce livre venait percuter une expérience intime, mettre des mots sur ce que je ressentais très fort à cet instant. J'avais l'impression que son autrice s'adressait à moi directement. C'est un récit à la première personne, qui raconte toutes les expériences d'un corps de femme lié à la maternité. C'est un texte qui ne raconte pas une histoire, mais juxtapose des fragments, de la poésie, des souvenirs, pour être le plus proche possible du réel, de son chaos et de ses fulgurances. C'est la voix d'une femme, qui traverse la mort d'un embryon jusqu'à la naissance de ses filles. J'ai donc eu très envie de parler avec celle qui a écrit ce grand livre, celle qui tisse tout ça à la fois, l'hyper intime et le très vaste, le tout petit du quotidien comme l'immensité de la vie. Je vous propose de rencontrer Hélène Laurain à la maison. OPEN BOOK, c'est maintenant, c'est parti ! On va parler ensemble d'abord de ton rapport aux histoires dans ta famille, puis de Tambora comme le journal d'un corps. Le journal d'une maternité, qui est très concrète, réaliste. Et puis, la forme du fragment dans ton texte et sa dimension très orale. Tu dis à un moment donné dans le livre que tu viens d'une famille où les femmes parlent de la vie de leur ventre. Elles en font leurs faits d'armes, leurs aventures. Tu dis que tu viens d'une famille où c'est aussi valable que les histoires de guerre. Ça m'a touchée aussi parce que ça vient assez vite dans le texte et donc tu te places aussi dans une lignée, dans un rapport aussi aux histoires. D'où tu viens et qui sont ces femmes qui t'ont transmis cette manière de raconter des histoires intimes, quotidiennes, qui partent du ventre justement ?
- # Hélène Laurain
Oui, je pense que c'est assez rare, en tout cas dans, j'ai pas fait de sondage, mais dans mon entourage de femmes, ça me semble être assez rare.
- #Agathe Le Taillandier
Bien sûr, je pense qu'on hérite beaucoup, on a une trentaine d'années toutes les deux, on est dans notre trentaine. Entre 30 et 40, on va être un peu large. On vient beaucoup de familles, et aussi pour en parler beaucoup autour de moi, de mères qui ne nous ont pas forcément transmis cette intimité, ces histoires de ventre, comme tu dis. J'entends que tu es sûrement une exception, que c'est rare.
- # Hélène Laurain
Moi, je connais même l'histoire de la naissance de ma grand-mère en 1914. Je la connais, qui était assez exceptionnelle, puisqu'elle est née à 7 mois au début de la guerre. On a cru qu'elle était morte à la naissance, et son père... La mise dans le four qui était éteint mais qui était encore chaud du pain qui venait d'être cuit. Et à un moment, il a entendu un cri surgir du four et elle était vivante. Donc ça, c'est hyper fort, hyper romanesque comme histoire de naissance. Je connais d'autres accouchements de ma grand-mère qui a eu six enfants. l'an où... où son mari, donc mon grand-père, était allé chercher le médecin du village et était revenu après la naissance avec le médecin complètement bourré tous les deux puisqu'il lui avait offert un petit verre pour fêter ça. Et donc elle s'était retrouvée accouchée seule par moins 15. Elle lui en a beaucoup voulu évidemment. Je trouve que ça dit beaucoup de choses aussi de ce qu'elles ont pu endurer. Et puis voilà, les quatre accouchements de ma mère aussi qui étaient très... très romanesque, assez dangereux pour certains. Et je pense notamment à cette grand-mère, donc la mère de ma mère et ma mère, c'est des femmes qui racontent énormément leur vie. Ma grand-mère, qui est décédée il y a une quinzaine d'années, elle avait un stock, un panier plein d'histoires vraiment marquantes. J'ai même envie d'écrire dessus. C'était aussi beaucoup d'histoires quasi fantastiques. de l'adorer le père Pio, qui était un saint, qu'elle était allée voir en Sicile avec ses enfants, qui portaient les stigmates du Christ et qui faisaient des messes comme ça, avec ses stigmates sur le panier. Et elle pensait que c'était son ange gardien et qu'il lui retrouvait les médailles qu'elle perdait, etc. Elle avait un stock d'histoires assez fou. C'était une femme qui n'avait pas pu étudier, qui avait arrêté l'école à 12 ans. qui avait dû aider à la maison puis se marier assez vite. Et je pense que pour autant, elle aimait ça. Et je trouve qu'on hérite à la fois des histoires et aussi de l'incapacité à raconter ces histoires. Ma mère, elle, a eu le droit d'étudier, mais pas de choisir ce qu'elle a étudié. C'était son frère qui a décidé pour elle. Et elle écrivait, elle écrit toujours très bien, mais à aucun moment elle n'aurait pu envisager d'écrire. Donc l'espace de l'écriture, il se faisait par la parole. Et moi, je suis à une génération où voilà. De plus en plus, en tant que femme, on s'autorise à écrire. On sait que maintenant, on a notre place. Et mon écriture, elle porte ça aussi, ces frustrations des générations d'avant. Et aussi cette responsabilité-là de parler pas uniquement pour moi, en fait.
- #Agathe Le Taillandier
Il y a deux choses en t'écoutant qui me viennent. Quand tu parles des accouchements de ta famille, en fait, je me rends compte que... Donc toi, on te les raconte assez naturellement. J'ai l'impression que c'est ce que tu dis, c'est cette famille où on parle. On se raconte les histoires intimes et les histoires de ventre. Moi j'ai l'impression qu'il a fallu poser des questions, que c'est le moment où moi-même j'ai commencé à être dans une réflexion, un parcours aussi intime à ce niveau-là, que j'ai commencé à poser des questions et on m'a raconté, et notamment les accouchements difficiles, les morts jamais racontées. C'est fou en fait à quel point c'est enfoui, il faut aller la chercher cette parole.
- # Hélène Laurain
Oui, parce que c'est encore considéré, je pense la plupart du temps, comme impudique. C'est vraiment l'intimité, ça sous-entend de parler de sa sexualité aussi, puisque c'est quand même ça le point de départ.
- #Agathe Le Taillandier
Oui, c'est en creux en fait, ça nous pousse à imaginer en fait. Je pense que c'est ce que peuvent penser nos mères, nos grand-mères. Potentiellement, ça met en scène ça en fait, en creux. Et pour elles, c'est insupportable. En tout cas, moi, dans ma famille, c'est un endroit assez insupportable.
- # Hélène Laurain
C'est des femmes qui n'ont pas appris ces paroles-là. La génération de ma mère, souvent, le jour où elles avaient leurs règles, elles ne savaient pas ce que c'était. Donc elles saignaient, elles avaient peur, et puis on leur disait, en fait c'est ça, t'es une femme maintenant. Donc elles partent de très très loin aussi, je pense que ça met des générations à se soigner ce silence-là. Mais je pense qu'en tout cas, du côté de ma mère, il y avait vraiment une fierté, une revendication de ce travail-là, en fait, de maternité. qui commençait par les accouchements, qui était un de ses accouchements. Elle était vraiment entre la vie et la mort, elle y a échappé de peu. C'était vraiment une fierté revendiquée et une façon de prendre la parole là où on lui interdisait presque quelque chose de féministe sans le savoir parce qu'elle n'utilisait pas ce vocabulaire-là, elle ne s'inscrivait pas forcément dans ce courant de pensée. Mais par sa façon de prendre la parole là-dessus, elle l'était en fait.
- #Agathe Le Taillandier
Et tu disais aussi, je rebondis aussi sur ton rapport à l'écriture, où tu dis que tu te sens responsable et que tu dis que c'est arrivé assez tard, à ta trentaine. Qu'est-ce qui a été le déclic ? À quel moment tu t'es complètement autorisée à écrire ?
- # Hélène Laurain
Ça a été vraiment de voir des amis qui, elles, se lançaient en fait. Je suis arrivée à Berlin en 2013, donc je devais avoir 25 ans. Et là j'ai rencontré une amie qui avait à peu près mon âge et qui elle avait déjà publié plusieurs BD et qui se posait pas du tout la question de la légitimité. Pour elle, j'ai envie d'écrire, j'écris, ça marche, c'est cool quoi. Et je me souviens avoir été choquée de ça. Peut-être que ça tenait chez moi aussi une espèce de sacralisation de l'écriture qu'elle n'avait pas elle. Il faut avoir tout lu, il faut avoir fait une agrègue de littérature, puis une thèse, puis... Enfin, c'était vachement lié à un parcours académique, je pense, qui me semblait aussi inaccessible. Et l'idée que, parce que j'étais dans une famille quand même de lecteurs, ma mère notamment est une grande lectrice, il y avait l'idée de quelque chose d'inaccessible, de trop pour nous. aussi le fait de connaître aucun auteur aucune autrice c'était un monde éloigné de nous c'était un monde parisien je viens de Lorraine c'était pas le même milieu social même si j'ai pas grandi dans un milieu modeste mais quand même le milieu littéraire c'était différent c'était inaccessible en tout point c'était pas nous nous on pouvait déjà si on faisait et... des études et on avait un bon boulot, c'était cool quoi. Mais alors le monde des lettres, c'était le nirvana quoi, on n'y avait pas accès. Et après une autre amie qui me dit, moi je vais postuler au master de création littéraire à Paris 8. J'ai fait, ah bon, ça existe, mais c'est quand la deadline ? Ah bah c'est dans une semaine par contre. Et dès qu'elle me l'a dit, je me suis dit, moi aussi j'ai envie. Donc je lui ai dit, ça ne te dérange pas ? Parce que du coup on devenait concurrentes potentiellement. Elle m'a dit, non, trop cool, vas-y. Et donc je l'ai fait complètement à l'arrache. J'ai postulé avec un texte que je venais d'écrire quelques mois auparavant qui était le récit de mon premier accouchement. Ma fille était tout bébé à ce moment-là. Très étonnamment, on a été prises toutes les deux d'ailleurs, et on s'est retrouvées dans ce master-là, et là ça a été quand même une validation extérieure de professionnels de la littérature qui me disaient « bah oui, c'est intéressant, viens quoi ! »
- #Agathe Le Taillandier
Tu dirais que c'est quoi Tambora, si tu devais le présenter, ton livre, qu'est-ce que c'est ?
- # Hélène Laurain
C'est une succession de fragments, de souvenirs, parfois de digressions aussi, autour du corps enceint. Du corps, ça part du corps, on est quasiment à l'intérieur du corps au début, et on est dedans, on est dans l'huit clos de la narratrice qui est enceinte, qui va accoucher, et puis dans la deuxième partie, il y a vraiment une ouverture sur le dehors, il y a le Le réel, l'extérieur qui va filtrer de plus en plus avec ce qu'il a d'angoissant, mais pas seulement. Et donc pour moi ça raconte le frottement, dedans-dehors, isolement, curiosité ou lucidité sur l'état du monde sous la forme de petites choses qu'on collecte pour se souvenir. Ce qui m'aide c'est d'utiliser la citation en exergue d'Ursula Le Guin qui...
- #Agathe Le Taillandier
J'allais y arriver assez rapidement aussi. Effectivement, tu mets en exergue de ton livre une citation d'Ursula Le Guin. "Nous l'avons entendu, nous avons tout entendu à propos de tous les bâtons, de toutes les lances, de toutes les épées, de toutes les choses avec lesquelles on peut cogner et piquer et frapper, de toutes ces choses longues et dures. Mais nous n'avons rien entendu à propos de la chose dans laquelle on met les choses, à propos du contenant, de la chose contenue. Ça, c'est une nouvelle histoire. Ça, c'est de la nouveauté." Donc c'est Ursula Le Guin. Est-ce que tu peux rapidement nous dire qui elle est et nous expliquer pourquoi le livre est placé sous le signe de son travail ?
- # Hélène Laurain
Ursula Le Guin, c'est une autrice de science-fiction, mais qui est aussi anthropologue. Et pour moi, ce court texte duquel est extrait la citation est plutôt un texte, à la fois un manifeste littéraire, mais aussi d'un point de vue anthropologique, où elle invite à changer la forme des récits. Et de se détacher du modèle du récit héroïque auquel on est addict, en fait, auquel on est presque conditionné à s'attacher avec une évolution de la narration jusqu'à l'apogée, puis une résolution, et l'apogée est très souvent sanglante, violente, et les héros sont des hommes, et le héros c'est au départ... Un homme qui accomplit des exploits militaires et qui est érigé au rang de demi-Dieu. Et donc voilà, nos récits sont façonnés ainsi, et on est fasciné par ce type de récits. Et elle, elle nous invite à écrire plutôt sous forme de paniers, des fictions paniers. Donc elle, elle part de l'époque préhistorique, ou probablement le premier artefact créée par les humains, c'était un panier pour recueillir l'avoine, les graines, les cailloux qui semblaient particuliers. Elle nous invite à faire une espèce de collecte d'objets intéressants, sans créer une tension forcément et sans être fascinée par la violence. Et peut-être aussi raconter plutôt l'histoire des cueilleurs et des cueilleuses que l'histoire des tueurs.
- #Agathe Le Taillandier
Et les paniers que tu décries, ils s'opposent du coup aux lances. Elles opposent les fictions paniers aux fictions lances.
- # Hélène Laurain
Oui, voilà. Elles parlent d'histoires qui tuent. Et elles invitent à raconter plutôt des histoires qui font vivre. Et évidemment, dans la lance, il y a la dimension phallique et la dimension patriarcale des récits qu'elle essaie de déconstruire. Et vraiment, c'est une citation à laquelle je me suis accrochée. pour écrire Tambora parce que... C'était pas évident de trouver une structure justement, mais à la fin, il a fallu accepter qu'il n'y ait pas forcément de structure, mais que ce soit une succession de fragments qui formeraient des petits paniers dans un grand sac qui est en borat.
- #Agathe Le Taillandier
Je pense à mon corps, ses fluides, ses tissus gorgés de sang. Ces tendons d'ivoire, ces mélanges impurs, couleurs primaires et jus roses, ces bouillonnements, cette entreprise florissante de mon corps qui pulse, pris dans les marais du vivant. Comment corps désigne-t-il à la fois le vivant et le mort ? À la fois cette chose dégingandée, jouée cassée, entourée d'une trace rouge sur le bitume, cette chose raide, congestionnée dans des draps bleutés, cette amadigne, rafistolée, qui frôle, froid, le satin des cercueils, mais aussi cette chose qui pulse, qui vibre, qui bat. qui souffle, aspire, ingère, dégueule, accueille, semeut, fend l'air, porte, grossit, s'affine, accélère, tombe, grandit, repose, bâtit, reproduit. Je pense au mouvement inverse de nos trajectoires, quand vous étiez à l'intérieur de moi. Vous vous rapprochiez chaque jour de la vie telle qu'on l'entend. Moi qui vous abritais, moi condition de votre croissance, vous, ex-croissance déterminée à faire de la place. Moi qui me rapprochais de la mort à chaque souffle. Chaque battement vous donnant la vie, la mort aussi. Je veux m'enorgueillir de vous avoir fabriqué, mais je n'ai rien fait. Je suis votre véhicule, votre hôtel ouaté. Vous vivez l'aventure, vous mouvoir sans bouger d'un cil, transbahuté doux dans le gel au fond de moi. J'ai vécu l'aventure de croître du milieu, gonfler jusqu'à l'implosion, faire craquer les coutures, arrondir, moulir, porter mon utérus chargé de vos organes neufs, mon placenta, le liquide amniotique, l'allemand dit eau de fruit. Lesté de ces rythmes supplémentaires, de ces flux et reflux, échanges et trafics, j'ai subi la charge en soufflant, doublé dans mon ourlet. Je pense à ce formidable là, et à la trivialité de nos vies désormais non miscibles. Chaussettes sales, macaroni, pli ton pantalon, constipation, compote pomme pruneau, température de l'eau.
Cette page pose plein de choses de ton écriture et de ton projet. Déjà on entend vraiment ici le journal d'un corps. Moi je l'aurais résumé comme ça. Tambora, parce qu'il y a l'idée qu'on est au plus près de ton expérience et que tu places en permanence le corps au cœur de l'écriture.
- # Hélène Laurain
Oui, c'est vrai qu'il y a un côté un peu carné de bord dans l'irrégularité de la taille des fragments, dans le côté un peu, comment dire, les changements de ton aussi. Là, tu viens de lire un passage qui est assez lyrique, qui finit sur du très concret. Mais il y a des passages plus rigolos, il y a des passages plus simples. qui sont des souvenirs posés, des souvenirs qui doivent être banals et triviaux. Donc, oui, Journal du corps, très bien, je me note cette formule.
- #Agathe Le Taillandier
Oui, évidemment, je l'ai choisi pour sa chute, en fait. Il est un petit peu long, mais parce que ça monte en puissance. Il y a, comme tu dis, quelque chose d'assez lyrique, d'assez grandiose, dans cette expérience de donner la vie. Et puis, tu termines sur une compote. Tu joues beaucoup sur le trivial et le sublime. C'est une association que tu aimes fabriquer dans ton livre.
- # Hélène Laurain
J'aime bien les contrastes, j'aime bien balader les lecteur.ices, les installer dans un rythme et puis les faire trébucher. En fait, je pense que je revendique une écriture qui peut être un petit peu inconfortable, parce que je pense que c'est ça les lectures qui marquent. C'est pas forcément des livres... En fait, ça me dérange pas quand on me dit, moi, votre livre, il m'a... Il m'a dérangée, on me l'a dit déjà, on m'a dit, moi j'ai eu la nausée toute la première partie, c'était vraiment difficile à supporter. Et je lui ai dit mais très bien, c'est ce que j'essaie de faire, c'est vrai que c'est pas une écriture qui divertit, c'est une écriture qui demande un investissement de la part des lecteurices, presque un travail qui confronte à des choses qui ne sont pas toujours faciles. Je pense que c'est comme ça qu'on s'en souvient, moi j'ai l'espoir d'avoir écrit un livre qu'on va reprendre. pour lire une ou deux pages, se réimprégner comme ça de la langue. Ce n'est pas forcément un moment de bonheur, ça peut l'être, mais je cherche quelque chose d'intense qui va peut-être même faire ressentir pas seulement des émotions, mais des sensations dans le corps. Et ça d'ailleurs, on me l'a dit, des hommes notamment qui m'ont dit « mais moi j'ai senti mon ventre bouger, j'ai senti des fourmis dans les mains » . Je crois que j'essaie de toucher à cette intensité-là, en fait.
- #Agathe Le Taillandier
Et je l'ai aussi choisi ce passage parce que tu poses très clairement la mort et la vie entre ces lignes. Je me suis demandé pourquoi tu as associé aussi fort et aussi vite dans ton livre la mort et la vie. Puisque, et on va parler un petit peu du contenu plus précisément de ton texte, tu commences, moi je dirais que le seuil du livre c'est le récit d'une fausse couche. Donc tout de suite tu associes le désir de vie à la mort.
- # Hélène Laurain
J'associe vie et mort parce que c'est mon expérience de la maternité. Dans les accouchements, j'ai toujours... eu l'impression d'être sur un fil entre la vie et la mort, au moment des grossesses aussi, parce qu'il y a toujours une inquiétude, enfin, pas toujours, c'est pas vrai, dans mon cas, en tout cas, les trois premiers mois, dont on parle aussi assez peu, il y a toujours le risque de la fausse couche, on ne nous dit pas en parler, voilà, c'est pas encore une vie, mais nous, on y croit, donc on est dans cet entre-deux, on est dans les limbes. Après, il y a des examens médicaux, tous les mois, tous les quelques mois, Il peut y avoir des inquiétudes, et à chaque fois c'est une inquiétude de vie ou de mort. Et le moment de l'accouchement qui est d'une intensité folle physiquement, moi mon premier accouchement j'ai cru que j'allais mourir, j'ai cru que ma fille allait mourir. Je ne me suis jamais sentie dans cet état de faiblesse, de perte de contrôle comme celui-ci. C'était nouveau pour moi. Et donc voilà, on dit accoucher c'est donner la vie, mais c'est aussi être sur le fil entre la vie et la mort. Et ce qui est étonnant, c'est que ça résiste aussi au progrès de la médecine, c'est-à-dire qu'il y a encore des femmes qui meurent au moment de l'accouchement. Il y a quand même un mystère autour de ce moment-là, quelque chose qui résiste. Et peut-être aussi parce qu'on n'en parle pas beaucoup de cette complexité de ce moment-là.
- #Agathe Le Taillandier
Tu le résumes très bien à travers une figure qui, à un moment donné, traverse le texte d'une grand-mère ou une arrière-grand-mère qui est à la fois... accoucheuse et en même temps qui donne les soins aux morts.
- # Hélène Laurain
Oui.
- #Agathe Le Taillandier
Qui a cette double fonction dans un village, c'est ça ? Oui,
- # Hélène Laurain
ce qui était assez courant, c'était au début du XXe siècle.
- #Agathe Le Taillandier
Ça, je l'ai découvert dans ton texte.
- # Hélène Laurain
Oui. En plus, ce n'était pas son métier, quoi. Mais c'était, voilà, elle aidait les femmes à accoucher, puis elle s'occupait de la toilette des morts. Et de cette femme, j'ai une phrase qui reste, c'est « Pendant l'accouchement, on a un pied dans la tombe » . C'est vraiment ce qu'elle disait de son expérience en tant qu'accoucheuse. Ça, on en hérite aussi, peut-être. D'ailleurs, je décris aussi dans le livre, mon rêve récurrent après la naissance de ma deuxième fille, c'est mon nourrisson qui tombe et je le rattrape par le pied, un pied dans la tombe. C'est une phrase qui m'a hantée. Peut-être qu'elle est lourde aussi. C'est lourd d'hériter de ça, mais en même temps, c'est quelqu'un qui en avait fait l'expérience, qui le disait. Il y a une part de vérité.
- #Agathe Le Taillandier
Et est-ce que tu te rends compte à quel point c'est inouï et inédit de commencer un livre de littérature par une fausse couche ? Est-ce que tu te rends compte le geste que tu poses ? On parle beaucoup de contre-récits aujourd'hui, c'est une expression qui m'intéresse, c'est vraiment le fait de donner la voix des récits qu'on n'a jamais entendus, qu'on a toujours considérés comme secondaires, des fictions panier qu'on évoquait au début, ces petites histoires qui ne peuvent pas entrer sur des... pages de littérature. Et toi, tu commences par ça. Je ne sais pas si tu te rends compte à quel point c'est extrêmement singulier, extrêmement fort. Tu racontes quand même, dans une dizaine de pages, une fausse couche. Et d'ailleurs, tu interroges la notion même de fausse couche, qui est effectivement une expression extrêmement laide. T'en fais un objet littéraire.
- # Hélène Laurain
J'avais envie de le faire parce que justement, je ne l'avais pas lu, en fait. Je ne l'avais pas lu.
- #Agathe Le Taillandier
Je ne l'avais jamais lu.
- # Hélène Laurain
Et il y a un côté... Provocation, ça ne devrait pas être une provocation, ça devrait être évident de parler de ça, ça existe, donc pourquoi ne pas en parler ? Mais je sais qu'il y a un côté qui peut être un peu provoquant, moins maintenant, mais peut-être c'était plus le cas il y a 20-30 ans, d'être impudique sur notre corps, de montrer les excréments, les sécrétions, l'intérieur du corps, le sang, la merde, la pisse. Les évanouissements, comme je le dis dans le texte aussi, les restes, les débris, c'est comme ça qu'on appelle le produit, encore une fois je cite, de la fausse couche. Enfin voilà, il y a vraiment un enjeu littéraire et politique à parler de ce qu'on ne veut pas entendre. Et on parle de libérer la parole, c'est le cas. peut en parler, on en parle plus, il y a des espaces pour ça, mais ces espaces, c'est des niches qui sont fréquentées uniquement par des femmes ou par des personnes qui sont concernées directement par ce sujet. Et là, le mettre dans un livre, et en plus l'appeler Tambora, et pas Mes accouchements ou je ne sais quoi, il y a une façon de dire, en fait, vous allez l'écouter maintenant. Parce que moi, je ne me suis pas sentie écoutée. Franchement, après une fausse couche, on se sent pestiférée. C'est vraiment horrible. C'est peut-être la pire douleur que j'ai ressentie. C'est-à-dire que moi, quand j'ai appris ma fausse couche, même ma sage-femme, avec qui j'avais rendez-vous deux heures après, n'a pas voulu me recevoir. Parce que je portais la mort en moi, quoi. Et il y a vraiment ce truc de... En plus de la douleur, de honte. Parce qu'on n'est pas capable. de garder un bébé quoi et c'est vraiment affreux ça m'a mise dans une colère terrible je suis encore en colère et du coup je me suis dit bah vous voulez pas l'entendre vous voulez pas le voir vous voulez pas voir le cliché de l'échographie de l'embryon qui est mort ben moi je vais le montrer je vais écrire dessus et en quelque sorte vous aurez pas le choix quoi c'est peut-être un peu enfin c'est une Contre-violence peut-être, c'est une espèce de façon de retourner la violence que j'ai ressentie dans cette expérience. Et même, je pense, moi, c'est délicat de trouver les mots justes, puisque ce n'était pas un enfant, c'était un enfant potentiel. Mais j'essaie de décrire avec toutes les précautions nécessaires, puisque en tant que féministe, j'insiste sur l'importance de notre droit à avorter. faire de... Tous les embryons des enfants, c'est très problématique, c'est pas le cas.
- #Agathe Le Taillandier
C'est un espace de projection, tu le dis.
- # Hélène Laurain
C'est un désir d'enfant. Quand il y a un désir, nous on le... Voilà, c'est ça exactement. Et ce qui est important, c'est de prendre en compte notre désir, que ce soit un enfant ou que ça ne le soit pas, mais c'est nous qui décidons. Et finalement, cet enfant potentiel, ce désir d'enfant, j'ai aussi voulu le visibiliser, parce que pour moi, il a existé. Il n'a pas existé médicalement, il n'a pas existé vraiment, mais moi je lui avais acheté des habits, je pensais que je fêterais son anniversaire en plein été, je m'étais déjà imaginé tout ça. Donc pour moi, ça a existé en fait. Et donc je veux rendre ça visible aussi.
- #Agathe Le Taillandier
C'est une manière aussi d'interroger, de disséquer la parole médicale à laquelle tu te confrontes. Alors c'est dans le cas de la fausse couche, mais aussi à d'autres moments du récit. Tu fais vivre la parole médicale dans ton texte, notamment par le choix de l'italique. C'est une manière de rapporter la parole, c'est ça l'utilisation de l'italique ?
- # Hélène Laurain
Oui, tout à fait.
- #Agathe Le Taillandier
Et qu'est-ce que tu veux faire entendre à travers ces mots ? Je pense par exemple au mot « aspiration » . Alors tu le transformes le mot, mais au départ c'est un mot en italique, c'est un mot qu'on te dit. On te dit « on va devoir l'aspirer cet embryon mort » . Qu'est-ce qu'elle porte cette langue ?
- # Hélène Laurain
Cette langue, je la qualifie à un moment du texte de langue morte et de morte langue. J'en fais un néologisme parce que je trouve qu'elle porte dans sa pseudo-neutralité, dans sa volonté d'être neutre, c'est du jargon médical, et en même temps elle n'est pas uniquement échangée entre les soignants, nous on a les comptes rendus et on les lit ces mots dégueulasses, on lit "débris", "produits", "restes", on nous le dit. J'ai voulu la montrer, j'ai voulu la faire entendre pour faire entendre le contraste avec moi, la langue que j'essaie de proposer, qui serait une langue vivante, même pour parler de la mort en fait, et qui est une langue qui peut-être soigne cette violence que j'ai ressentie, cette froideur, et qui essaie de faire pulser les mots pour peut-être se réapproprier ces moments-là qui nous sont volés par une langue morte, donc une langue qui ment. en fait qui travestit et l'aspiration par exemple c'est un bon exemple moi on me dit aspiration je pense à un aspirateur et je pense à faire le ménage alors je sais pas si c'est équivalent au curtage mais je crois. Curtage qui est un truc même dans la sonorité déjà plus on s'imagine plus de quoi il s'agit c'est très moche aussi on va se mentir mais c'est peut-être plus proche de la réalité. Aspiration il y a vraiment le côté clean qui est quasiment ironique quoi. Parce que c'est totalement à côté de la plaque, totalement décalé par rapport à l'expérience. Et en même temps, c'est un mot qu'on entend tout le temps. Avant l'opération, on nous dit, vous venez pour quoi ? Une aspiration, on doit le répéter dix fois, parce qu'il faut vérifier que c'est bien nous, c'est bien pour ça qu'on est là. Et donc ce mot, il a tourné dans ma tête. J'ai dû le dire des dizaines de fois. À chaque fois, ça m'a fait mal. C'est hyper important. De même que "fausse couche", qui est une expression. impropres. C'est important les mots qu'on pose sur ce qu'on vit et ce texte-là il essaie d'en trouver de meilleurs, de plus adaptés.
- #Agathe Le Taillandier
Et t'en fais même presque un poème du mot aspiration puisque page 24-25 tu le déclines, ça devient un mot en lettres capitales. Tu travailles sur la matière même de l'écriture, ça devient un mot avec des espaces entre les lettres. Et puis ça devient un calligrame, c'est-à-dire un petit poème dessiné. C'est comme ça que je l'ai vu, la page 25, on voit juste le mot qui forme une vague. Qu'est-ce qui forme pour toi ce mot aspiration, seul sur une page blanche ?
- # Hélène Laurain
Il forme le mouvement que je me suis imaginé. Parce que forcément, on s'imagine ce moment où nous, on est endormi. Donc on ne sait pas vraiment comment ça se passe. D'ailleurs, on peut ne pas être endormi, mais c'est déconseillé. Et donc moi, j'essaie de recomposer ce moment que j'ai vécu sans le vivre, sans conscience. Et aussi, il forme une pause. D'ailleurs, je ne sais pas si tu as remarqué, mais il n'y a pas de numéro de page sur cette page. Il fallait qu'il y ait ce mot qui flotte.
- #Agathe Le Taillandier
Page 25, effectivement, il n'y a pas de numéro.
- # Hélène Laurain
Ça, c'était vraiment discuté avec mes éditeurs. Moi, je voulais même mettre une page blanche après. En tout cas, je voulais qu'il y ait vraiment une pause, un rythme différent, et qu'on ressente ce moment de latence, ce moment qu'on ne peut pas décrire parce qu'on le vit inconsciente. mais qui est cette espèce de fixation sur ce moment-là, qu'on reprenne son souffle et qu'ensuite on continue.
- #Agathe Le Taillandier
Et on passe effectivement du coup de cette latence, de cette pause, à de nouveau, j'insiste parce que c'est vraiment pour moi aussi la puissance de ton écriture, à un va-et-vient entre cette beauté poétique, ce travail énigmatique aussi de la page blanche, presque blanche, à des images très concrètes. Il y en a une qui m'a marquée. Tu manges une assiette de lentilles à la sauce tomate, tu as l'impression d'eux. manger tes entrailles.
- # Hélène Laurain
Oui, ça c'est vraiment typique des moments après le traumatisme en fait, où tout vient réactiver ce qu'on vient de vivre et qui affecte en fait le quotidien et qui nous revient en pleine face à des moments qu'on n'attend pas. Et donc tout vient nous agresser, tout est un rappel de ce qui vient d'être vécu. Il y a ça, il y a le fait de croiser un pigeon écrasé, de le voir, de... d'en avoir la nausée. Encore une fois, je crois que c'est des pensées très fugaces. C'est tellement fugace, c'est tellement trivial qu'on ne le raconte pas. Mais moi, je veux le fixer, en fait. Donc j'ai écrit dessus et je voulais que ce soit lu parce que peut-être que c'est comme ça, par l'altération du quotidien qui suit ce moment traumatisant, qu'on peut vraiment comprendre l'importance, la déflagration, en fait, que ça a été.
- #Agathe Le Taillandier
Tu m'as dit en amont de cette conversation que tu avais beaucoup écouté le podcast Bliss pendant l'écriture de ce texte. Je trouve ça intéressant aussi parce qu'on a commencé par parler de la parole dans ta famille, de la transmission des récits. Le podcast, c'est ça, c'est vraiment l'oralité, c'est faire en sorte que des histoires circulent de l'intimité vers l'autre, vers le collectif. Ça m'intéressait cette référence aussi très contemporaine. Qu'est-ce que tu aimes dans ce podcast ? Comment ça a nourri ton écriture ?
- # Hélène Laurain
Ce qui nourrit mon écriture, c'est vraiment... Tous les podcasts, je suis vraiment une auditrice de podcasts, enfin je suis une addict en fait. J'écoute 3-4 podcasts par jour, j'ai tout le temps mon casque sur les oreilles, enfin ça devient même problématique en fait. Pourquoi ? Bah parce que même chez moi, voilà, j'ai envie de finir mon podcast, il y a mes enfants autour, enfin voilà, j'ai besoin d'avoir ces voix qui me racontent leurs histoires aux oreilles et aussi parce que je suis très sensible au bruit, donc j'ai ce gros casque qui m'isole de l'extérieur, enfin Il y a quelque chose comme ça qui peut être de l'ordre de l'isolement. Mais en tout cas, je trouve ça intéressant de ne pas, tu vois, comme inspiration, nommer uniquement des livres parce que moi, je sais que ça m'influence directement. Je pense que dans le fait d'écouter en particulier ce podcast, donc Bliss, à posteriori, je me dis que j'ai voulu rester dans l'émotion de ces moments-là pendant que j'écrivais. Parce qu'on oublie. On oublie la douleur, on oublie la peur de la mort.
- #Agathe Le Taillandier
C'est un podcast sur la maternité en général d'ailleurs.
- # Hélène Laurain
Oui, c'est très varié.
- #Agathe Le Taillandier
Les thématiques sont très variées.
- # Hélène Laurain
Après, il y a souvent des histoires un peu... La plupart des histoires sont un petit peu exceptionnelles. Ça peut être une femme qui a accouché à la maison, une femme qui a eu 14 enfants. Enfin voilà, il y a toujours une dimension presque toujours hors normes. Mais dans chaque histoire, je pouvais m'y retrouver. Et surtout, je me rendais compte qu'à chaque récit d'accouchement, je pleurais. Ça entretenait le présent de ce que moi, j'avais vécu. Et ça me permettait d'y rester pour écrire au plus juste de ce que j'avais ressenti.
- #Agathe Le Taillandier
C'est la puissance du témoignage, pour le coup.
- # Hélène Laurain
C'est ça. Et ça ne m'inspire pas dans le sens où je vais piquer des formules. Parce que j'écrirai de la fiction qui va un peu s'inspirer de ce que j'entends. Mais c'est vraiment dans l'effet que ça a sur moi de rester dans cet univers de la maternité où ces histoires me sont chuchotées aux oreilles. Peut-être aussi pour me sentir moins seule dans cette écriture. Pour moi, c'était important aussi de me dire, il y a ce podcast, il a énormément de succès. En plus, il est très écouté. Et de me dire, voilà, je sais qu'il y a une communauté de personnes qui écoutent ça, ça les passionne, elles peuvent l'écouter à l'infini. C'était encourageant d'être accompagnée par ça.
- #Agathe Le Taillandier
Et tu m'as parlé de Maggie Nelson et de Sylvia Place qui sont des lectures hyper importantes pour moi. Et Sylvia Place qui, dans son très très beau poème Trois femmes, qui est une sorte de long poème à trois voix, évoque une... C'est aussi assez très rare, évoque une histoire de grossesse et de mort. C'est aussi un texte qui t'a accompagnée, tu m'as dit trois femmes.
- # Hélène Laurain
Oui, hyper important ce texte. En fait, c'est marrant parce que je l'ai découvert à un moment où je crois que je n'avais même pas encore publié mon premier livre. Et je m'étais pris quelques jours toute seule pour me remettre à l'écriture. Et j'avais emprunté cette anthologie de Sylvia Plass. Donc j'ai lu pendant une semaine que du Sylvia Plass et ça a été assez fou.
- #Agathe Le Taillandier
Pourquoi c'était fou ?
- # Hélène Laurain
Déjà il y a l'histoire de Sylvia Plath bien sûr qui m'a hantée pendant l'écriture puisqu'elle avait deux enfants. Elle s'est suicidée alors que ses enfants dormaient à l'étage. À un moment aussi je parle du suicide, à quel point aussi on peut en être proche quand on arrive à cet état de perte de soi post-partum. Et qui d'ailleurs, je le rappelle, c'est la première cause de mortalité. des femmes l'année qui suit l'accouchement, c'est le suicide. Cette histoire m'a habitée pendant l'écriture. Il y a aussi Ariel, un cri de désespoir. Ce que j'aime, c'est que c'est de la poésie, mais ce n'est pas de la poésie qui veut être jolie. C'est de la poésie qui cherche à exprimer la complexité. la violence, sans concession, l'expérience intime, sans ange olivé, sans terre. Et dans Trois Femmes, il y a tout. En fait, en le relisant dernièrement, je l'avais lu une fois, j'en avais été bouleversée et je ne sais pas pourquoi, je ne l'ai pas relu. Et je me rends compte à quel point il a imprégné le livre. À un moment, elle parle des médecins qui sont d'une platitude plate. Et je me suis rendue compte que moi je parlais de la médecin 2D, 2 dimensions, qui m'annonce la fausse couche. Pendant que j'écrivais, je ne savais absolument pas qu'il y avait ça qui m'avait marquée, que j'avais lue. Et je pense que dans ce poème-là, ce poème à trois voix, une femme qui donne naissance à son fils, une femme qui fait une fausse couche, et une femme qui fait adopter son enfant après la naissance. Tout est là en fait, tout est condensé. Il y a la joie de la rencontre avec son bébé, il y a le corps malmené par les soignants, il y a la perte, il y a la vie et la mort qui se chevauchent en permanence. Il y a le désir d'être autre chose qu'une femme qui donne la vie, mais bien plus d'être une autrice, d'écrire cette frustration-là qui était la sienne. Tout est là, en fait, elle a tout dit et je suis tellement reconnaissante, en fait, c'est bouleversant ce poème.
- #Agathe Le Taillandier
Je ne suis pas laide, je suis même jolie. Le miroir me renvoie l'image d'une femme sans difformité. Les infirmières me rendent mes vêtements et une identité. C'est normal, disent-elles, et ça arrive. C'est normal dans ma vie et dans la vie des autres. Une sur cinq, plus ou moins. Je n'ai pas perdu l'espoir. Je suis belle comme une statistique. Voici mon rouge à lèvres. Je dessine sur l'ancienne bouche. La bouche rouge. rouge que j'avais déposé avec mon identité il y a un, deux, trois jours. C'était un vendredi. Je n'ai même pas besoin de congé, je peux travailler dès aujourd'hui, je peux aimer mon mari qui comprendra, qui m'aimera à travers les nuages de mon infirmité. Comme si j'avais perdu un œil, une jambe ou une langue, et me voilà debout un peu aveuglée. Je m'éloigne, sur des roues, en guise de jambe, ça marche aussi bien. Et j'apprends à parler avec les doigts, pas avec la langue. Le corps est plein de ressources. Le corps d'une étoile de mer peut faire repousser ses bras et les salamandres sont prodigues en jambes. Que je sois prodigue en ce qui me manque.
Quelle beauté ! Elle a aussi une vraie capacité à créer de la narration dans la poésie. Elle raconte une histoire à l'intérieur du poème.
- # Hélène Laurain
Complètement, c'est vraiment une immense autrice. C'est une alliée en fait. Si elle l'a fait, on peut le faire et on a besoin de ça. On a besoin de s'entourer d'exemples puisque l'écriture est déjà tellement solitaire. On a besoin d'avoir ces abstractions autour de nous, de se sentir accompagnée.
- #Agathe Le Taillandier
On a évoqué ensemble la fausse couche qui est un peu ce seuil, ce point de départ du récit, en tout cas de Tambora. Ensuite, on l'a aussi esquissé rapidement. La tentative un petit peu acharnée de faire un enfant, avec tout ce que ça implique dans l'intimité d'un couple. C'est assez drôle d'ailleurs, ça t'y met de l'humour sur ces quelques pages. Ça nous sort vraiment du mythe, du truc qui nous tourne dessus. Encore une fois, tu parles de choses qu'on ne parle peu.
- # Hélène Laurain
Oui, c'est un peu...
- #Agathe Le Taillandier
Le calcul, le petit calcul un peu mesquin, faire l'amour sans désir. Un peu mi-tragique, mi-comique.
- # Hélène Laurain
Oui, tout à fait. Il y a ce côté, on se donne rendez-vous. pour faire l'amour, parce que c'est le moment de l'ovulation, et que pour savoir ça, on a pissé sur un bout de papier, et qu'on n'a pas forcément envie, mais c'est quand même un peu pathétique. Il y a un côté, c'est très très loin du cliché romantique de l'enfant conçu lors de retrouvailles. Voilà, c'est le côté très pragmatique, et c'est important d'en parler aussi, parce que D'une autre manière aussi, toutes les femmes qui connaissent des PMA, à devoir se faire des piqûres à heure fixe, et qui sont confrontées pendant de très longues périodes à cette déromantisation de la sexualité, je pense qu'il faut aussi vachement dresser là-dessus. On n'en a pas assez en tout cas. Encore une fois, c'est une volonté de parler de tout. Ce dont on ne parle pas assez, parce que ça ne vaut pas moins qu'autre chose.
- #Agathe Le Taillandier
Tu as utilisé le mot déromantisation, tu l'as dit. C'est vraiment un mot que je vous les compose. Dans cette fabrication d'un contre-récit qui est en Bora, au centre, pour moi, il y a la déromantisation de la maternité. Que ce soit la fabrication, l'accouchement, et ensuite les premières années avec un enfant, un nourrisson, un jeune enfant. Tu travailles vraiment à cet endroit-là de faire tomber les mythes.
- # Hélène Laurain
Oui, parce que ça reste nimbé, ces thèmes-là, d'un nombre considérable de clichés, de phrases toutes faites. Et on travaille avec ça, nos représentations travaillent avec ça.
- #Agathe Le Taillandier
Avec la langue, du coup, tu veux dire ? Avec les expressions toutes faites ?
- # Hélène Laurain
Oui, on s'appuie là-dessus. Moi, quand j'ai vécu grossesse, accouchement, postpartum, je n'avais pas de modèle satisfaisant, de représentation satisfaisante littéraire, fictionnelle. Et donc j'étais sous le choc à chaque fois, puisque je ne savais pas ce que c'était en fait. On ne me l'avait pas raconté vraiment, ou pas assez en tout cas. Il n'y avait pas assez de pluralité, de possibilités. Et donc j'étais, mais ça, ça existe, ça c'est possible, c'est vraiment comme ça, mais pourquoi je ne l'ai jamais entendu ? Ça participait au choc en fait, de ne pas savoir que ça existe. Et donc... Ce qui était frappant quand je l'ai vécu, c'est de me rendre compte à quel point c'est inséré dans la trivialité du quotidien. Et ce qui est intéressant aussi, c'est le contraste entre sublime, de l'idée même de porter un être humain en soi, et en même temps lié à l'ultra quotidien, à la trivialité, sauf qu'on parle que du sublime. donc c'est important aussi de ne pas exclure Ce qui est moins flamboyant et qui correspond à la réalité de nos expériences.
- #Agathe Le Taillandier
Pour moi, c'est vraiment l'ellipse à la fin des contes. Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d'enfants. Je trouve que c'est tellement ça. Au milieu, ils eurent une fausse couche. Ils galèrerent pendant cinq ans. Ils firent cinq FIV. Tu vois ce que je veux dire ?
- # Hélène Laurain
C'est clair. C'est cool que tu parles d'ellipses parce que moi, je me suis dit que j'allais écrire ces ellipses. Je pense que Tambora, c'est vraiment l'écriture de toutes les ellipses que j'aurais aimé voir écrites. Il y a vraiment cette volonté d'écrire ce qui est en creux partout et ce qui nous manque.
- #Agathe Le Taillandier
Et d'un point de vue peut-être plus politique, au sens plus frontal du terme, j'ai l'impression aussi que tu places au centre de ce récit de maternité la question de la surveillance du corps, parce qu'il est traqué ton corps quand tu vas accoucher, au moment de la fausse couche, au moment de l'aspiration. Il y a un peu un traquage de ce corps. Est-ce que toi tu as ce sentiment que... La surveillance des corps des femmes aujourd'hui, il est encore extrêmement palpable. Comment tu la ressentis-toi ? Est-ce que c'est aussi ça que tu as envie de mettre en scène, la notion de surveillance d'un corps traqué ?
- # Hélène Laurain
Oui, bien sûr. Un corps qui ne nous appartient plus, en fait. Et d'ailleurs, tu vois le fait qu'enceinte, on se fasse déjà dévisager. Enfin, ce n'est pas le visage qu'on regarde, c'est vraiment le ventre. Toucher le ventre par des inconnus. Il y a vraiment ce truc de sept enfants à naître. appartient à toute la société. Et pour cette raison, on va surveiller cet enfant. Mais cet enfant, vu qu'il est encore dans ton corps, on va te surveiller, toi. On va te monitorer. Je l'aborde notamment beaucoup du point de vue du poids, qui pour moi était peut-être l'aspect essentiel de la surveillance qui me semblait déjà hyper subjectif parce qu'il y avait des soignants qui me foutaient la paix avec ça. Et d'autres, c'était vraiment, il n'y avait que ça en fait. Ton poids à toi. Il n'y avait que mon poids, qui était un danger pour l'enfant à naître, qui signifiait un manque de contrôle de ma part. Et donc si moi je ne me contrôle pas, ils ne peuvent pas me contrôler non plus. Il y a vraiment cette pression énorme, avec des soignants qui m'ont dit « mais vous êtes grosse » , qui m'ont mis au régime, alors que je n'étais même pas médicalement en surpoids. Vraiment des pratiques extrêmement problématiques. et qui prenait tellement de place dans la grossesse qu'il y aurait dû être tellement d'autres choses que ça. Il y a le vocabulaire à changer, mais il y a vraiment des façons de manipuler notre corps, de le regarder, de le stigmatiser, qui doivent urgemment évoluer parce que ça participe d'une expérience douloureuse. On pourrait faire autrement.
- #Agathe Le Taillandier
Je l'ai évoqué rapidement au début, ce qui me touche aussi beaucoup dans ton écriture, c'est ta capacité à faire cohabiter l'immense et le minuscule. Je trouve ça très très beau. J'ai un son que c'est toujours un petit peu comme ça sur la brèche. C'est même le passage que je lisais, le lyrisme, le grandiose, et puis bim, le retour au réel. T'es toujours dans cette alternance. Et pour moi, ça va vraiment du coup dans ton livre, de la description d'un andrion. J'ai appelé ces pages, tu fais plusieurs pages, "le poème de la création". Je vais en lire un passage parce que je le trouve hyper beau. Donc ça va de ce poème de la création, donc l'hyper petit, l'embryon qui se forme, qui réussit à se former, jusqu'au volcan, jusqu'à l'éruption d'un volcan. Puisqu'on ne l'a pas encore dit, mais Tambora, c'est un volcan. Et tu utilises cette image, c'est un peu le cœur du livre, un peu le poumon du livre, ce volcan. Et donc j'aimerais qu'on parle un petit peu de cette oscillation entre le minuscule et l'immense, le tout petit et le très très grand.
"Non, pour comprendre l'évolution d'un embryon, on utilise une équation, la même. que celle qui définit la croissance des bulles de savon. Et quand on regarde une vidéo de ce développement, on pense à un soufflé. À une pâte liquide enrichie de levure. Bouillonnante. D'abord liquide, puis pâteuse, puis flan. Fondante. Chaque cellule au départ. Peut tout. Totipotente. Puis seulement pluripotente. Multipotente. Bipotente. Spécialisée en fin. Chaque cellule attire sa voisine. Ensemble, elle crée une force, une résistance. Celles qui tirent plus fort feront partie du tissu embryonnaire, continueront leur croissance, réchauffer d'autres cellules. Les cellules de surface formeront le placenta et baigneront dans le liquide. Les milieux différents qui les verront croître engendreront des signaux différents qui amèneront avec eux des spécialisations différentes. Chez les plantes, les cellules ne se déplacent pas. Chez les animaux, si, pour créer le visage, etc."
Est-ce que tu aimes bien Satine 1-2 ? Poème de la création. C'est un poème, ce sont des vers libres.
- # Hélène Laurain
C'est marrant parce qu'on parlait de podcast tout à l'heure. Ça, c'est un poème, une espèce de retranscription en poème d'une interview d'un chercheur spécialiste. des orions, alors c'est un terme plus précis que ça. Et ça m'amusait de retranscrire cette parole scientifique sous forme de poème, puisque je trouve qu'il y a des mots rigolos déjà, totipotentes, pluripotentes, il y a une espèce de plaisir comme ça de ces mots rares. Et il y a un côté, oui encore une fois, minuscule mais impressionnant dans ce développement. vu avec un regard très très précis de l'embryon, ce qu'on ne voit pas encore une fois. Je pense que c'est un livre aussi qui essaie de parler beaucoup de ce qui est invisible ou ce qui est invisibilisé, puisque au final ça revient au même. Et là c'est un processus qui est caché normalement, donc on n'a pas accès aux coulisses. Ça m'intéressait de donner à voir ça aussi, le point de vue de l'embryon.
- #Agathe Le Taillandier
Et donc tu nous fais à un moment donné un grand dézoom vers Tambora, donc ce volcan qui est rentré en éruption en 1815, au début du 19ème en Indonésie, et ce volcan explose, et ce qui est fou c'est que tu dis que c'est presque une explosion qu'on a oubliée, alors qu'il y a eu des conséquences planétaires, écologiques en tout cas, environnementales, et qui a aussi décimé une population.
- # Hélène Laurain
Oui, c'est une éruption. Alors, selon les données, c'est la pire... Éruption de l'histoire de l'humanité ou la deuxième pire, qui a engendré des dizaines de milliers de morts directes, donc les habitants de l'île et des alentours, mais aussi des centaines de milliers de morts indirectes dans le monde entier, à l'autre bout du monde, puisque les cendres qui ont émané de ce volcan ont fui dans l'atmosphère et ont empêché les rayons du soleil de parvenir sur Terre. Donc les récoltes ont été détruites, le climat a été complètement bouleversé, sans son suivi des famines, des pandémies extrêmement graves de choléra, de typhus, des gens migrés à travers l'Europe, où je crois qu'il y a un tiers de la population suisse qui a émigré aux Etats-Unis pour échapper à la famine. Donc ça a vraiment reconfiguré le monde. Et évidemment, il y a des parallèles avec l'époque qu'on vit, une époque de bouleversement aussi. Et ce qui m'intéressait, oui, particulièrement, c'est que... Alors, certains fans d'histoire ou spécialistes connaissent très bien cet épisode-là. Moi, ce n'était pas mon cas.
- #Agathe Le Taillandier
On est beaucoup à ne pas connaître, non, je pense.
- # Hélène Laurain
J'ai l'impression, oui.
- #Agathe Le Taillandier
C'est fou quand tu dis qu'il y a un moment donné, tu dis qu'il a neigé en plein été à Paris. C'est ça ? Tu parles de la neige ?
- # Hélène Laurain
Oui, il y a des témoignages de ça. En plus, c'était une neige rouge, brunâtre. Les gens ne savaient pas. que ces bouleversements étaient liés au Tambora. Puisqu'il n'y avait pas de moyens de communication comme aujourd'hui, évidemment. Il n'y avait pas de connaissances suffisantes des effets d'une éruption. Donc, on avait l'impression que c'était la fin du monde. Enfin, voilà, on vivait une apocalypse, en fait. Et ça m'intéresse dans les parallèles de l'époque qu'on a l'impression de vivre aujourd'hui. Et aussi, ça me permet de me raccrocher à l'écriture de Frankenstein par Marie Shelley qui s'est faite un an après. mais dans des conditions qui étaient dans les suites de l'éruption, en fait, en plein été. Mais en Suisse, voilà, c'était tempête après tempête. Il faisait noir à midi. Et cette ambiance-là a totalement influencé l'écriture de cette nouvelle de Marie Chélie, qui s'est faite pendant un concours d'écriture entre elle et ses amis.
- #Agathe Le Taillandier
Tu racontes dans le livre, effectivement, il y a un passage sur elle, sur Marie Chélie, et que tu lis au Tambora, quoi. T'entrelaces en fait.
- # Hélène Laurain
Oui, et puis moi je me suis intéressée aussi à... Il y a eu plein d'interprétations par des chercheurs en littérature de Frankenstein, mais finalement c'est assez tard qu'on a commencé à s'intéresser aussi à son histoire, ses histoires de maternité. Elle a fait quatre enfants et en a perdu trois. Elle écrit Frankenstein un peu moins d'un an après la perte de son enfant. Elle raconte qu'elle a des visions de cet enfant qui lui revient la nuit, etc. Qu'elle est hantée par son fantôme. Elle compare Frankenstein, qui est un agrégat de chair cadavérique, littéralement, enfin la créature de Frankenstein, parce que Frankenstein c'est le physicien qui lui donne vie. Elle donne le jour de naissance de la créature, le jour de la mort de sa propre mère. Sa mère étant morte en couche en lui donnant vie à elle. Donc voilà, il y a tout ça qui est très... entrelacés et elle était à une époque où elle pouvait pas revendiquer ça elle pouvait pas parler de ces sujets là directement c'était totalement inaudible mais je suis persuadée qu'elle nous elle a voulu nous faire entendre ça c'est un qu'Einstein serait une sorte de d'illustration d'incarnation de de cet agrégat de d'histoire intime ouais je moi j'aime j'aime l'interpréter comme ça il y a évidemment plein d'autres façons de le lire et c'est une fascinante En ça, c'est d'une richesse incroyable. D'ailleurs, ce qui est fou, c'est que quand j'ai terminé Tambora... Quand j'ai mis le dernier point, j'ai fait un malaise. Ce qui montre que c'est vraiment une expérience... Physique. Ah ouais, vraiment. Et je pense que ça m'a psychiquement épuisée quand même, l'écriture de Tambora. Ça m'a vraiment épuisée, c'était vraiment pénible. Je me suis quand même fait violence à plein de moments pour écrire certaines scènes. Voilà, c'était plus la nécessité de le faire que l'envie de le faire qui ont fait que je l'ai écrit. J'en suis très contente, mais je me suis poussée moi-même dans mes retranchements et ça s'est ressenti au moment de la fin du manuscrit.
- #Agathe Le Taillandier
C'est quelque chose qui revient beaucoup aussi, ta fatigue dans le livre, qui est liée plus aux pages que tu consacres à tes filles, à la petite enfance. Tu dis d'ailleurs que c'est aussi quelque chose qui est peu raconté, la vie des nourrissons, la vie des petits-enfants. Et donc du coup, cette fatigue que tu t'écris pas mal dans le livre, qui est liée aux premières années de vie avec de jeunes enfants. Et j'ai l'impression aussi que cette fatigue, elle crée la forme, c'est-à-dire elle crée aussi un peu cette fragmentation qui définit Tambora. On a dit que c'était des fragments, des morceaux comme ça associés. Et j'ai l'impression que c'est presque, tu vois ce que je veux dire, l'image aussi de ta fatigue. C'est-à-dire que ce sont des morceaux un peu comme un morcellement en fait. C'est aussi quelque chose que tu dis, qu'on est comme morcelé au début.
- # Hélène Laurain
Oui, c'est intéressant. En tout cas, moi je le lis à la perte d'attention aussi qui découle de la fatigue. Tu vois, une concentration qui est altérée, aussi une perte d'identité. Moi, tu vois, dans mon identité, jusqu'à présent, c'était vraiment... Un truc important, c'était d'avoir une mémoire surdéveloppée, presque, enfin vraiment trop quoi. Moi j'aime bien dire que je suis hyper mnésique.
- #Agathe Le Taillandier
Moi aussi je suis très fière de ça, de me souvenir de beaucoup de choses très précises.
- # Hélène Laurain
Oui parce que ça devient, tu vois ça devient, mes proches me font des blagues là-dessus, ah bah oui toi tu te souviens une phrase que je t'ai dit il y a 28 ans. Comment j'étais habillée et tout ça. Donc ça devient même oppressant pour les proches, notamment mon compagnon.
- #Agathe Le Taillandier
Oui, moi je trouve, tu vois, j'en suis fière parce que moi je trouve que c'est une attention aux autres. Je sais que c'est pas forcément toujours voulu. Moi des fois ça se dépose et je sais même pas pourquoi je me souviens de ce truc qu'on m'a raconté. Mais mine de rien, ça veut quand même dire qu'on écoute les histoires des autres.
- # Hélène Laurain
Mais tu vois, j'ai perdu ça. Là, je pense que ça commence à revenir. Mais j'ai perdu ça avec la fatigue. Et du coup, ça me semblait intéressant de justement de pas... Faire semblant d'avoir une forme bien rangée, bien lisse. Je voulais revendiquer ce morcellement de l'attention, de la mémoire, et en faire ma forme comme quelque chose d'aussi valable qu'une narration plus classique, mieux ordonnée en quelque sorte, parce que ça fait écho à l'expérience que j'ai eue, et parce que morceler comme ça le texte, ça va peut-être faire connaître, expérimenter ça aux lecteurices. Tu vois, cet éclatement.
- #Agathe Le Taillandier
C'est comme des éclats que tu disposes sur la page. Et est-ce que du coup, écrire tous ces souvenirs, parce que tu racontes beaucoup de souvenirs avec ces deux filles, sous forme un peu de flash, c'est comme des flashs très rapides, plein de scènes de la toute petite enfance, qui sont souvent des scènes très belles, saisies comme ça au vol. Est-ce que c'est aussi une manière de ne pas les oublier ? Parce que tu es en train de me dire que tu perds la mémoire.
- # Hélène Laurain
Oui, je pense qu'il y a quand même un des fils de ce livre, c'est quand même le souvenir, tu vois on parlait de se souvient de cette catastrophe oubliée, de se souvenir des catastrophes intimes, donc la fausse couche qu'on considère toujours comme un événement anodin, banal. C'est bon, tu peux oublier, tu peux passer, vous en ferez d'autres. C'est ça qu'on te dit quand on fait une. Mais moi, ce n'est pas d'autres que je veux, c'est celui-là. Donc je veux m'en souvenir en fait. Je veux me souvenir de l'accouchement. Moi, ce qu'on m'a dit souvent, c'est « mais t'inquiète pas, tu vas oublier » . Et c'est vrai, on oublie l'intensité de la douleur, etc. Mais moi, je ne voulais pas, justement. Je voulais le fixer, mais peut-être aussi parce que j'aime l'intensité, peu importe dans quelle direction elle va. Je trouve qu'elle est très révélatrice et j'aime fixer ça, j'aime écrire dessus. Donc, je pense qu'il y a ce fil du souvenir qui est peu évoqué. Il y a aussi, tu vois, dans le fait d'élever des enfants, il y a le fait de les voir grandir d'une manière tellement quotidienne que tu ne les vois pas grandir, justement. Donc moi, je vois ma fille de 9 ans, là, je n'arrive plus à me souvenir d'elle, bébé. Et quand je vois des photos, je suis presque choquée. Je me dis, mais ce n'est pas la même personne. J'ai l'impression d'avoir...
- #Agathe Le Taillandier
Tu as une étrangeté un peu par rapport à elle.
- # Hélène Laurain
Il y a vraiment ce sentiment d'étrangeté et de nostalgie permanente. Et oui, cette nostalgie-là, la formule pour aller contre, c'est peut-être le souvenir. Donc j'avais envie de fixer ces tout petits souvenirs du quotidien, qui ne sont pas extraordinaires, mais qui font la matière de ce qu'est être parent et qui font la beauté de ces moments-là. C'est le soin minuscule, tellement minuscule. Tu vois, c'est le bain, c'est le fait de les habiller. que c'est pas vraiment raconté parce que c'est, là je cite Georges Perrec, c'est l'infraordinaire en fait. Donc comment t'en parles puisque ça n'a pas de substance quasiment. Ça se répète tellement, c'est tellement anodin, c'est tellement rapide ou trop long justement, donc trop chiant. Ça s'épuise quoi. Voilà, comment tu le montres, comment t'en parles. Mais si on en parle, si on le donne à voir et si on en parle bien, sans l'enjoliver tu vois, mais en montrant ce que c'est. Et si on se dit que c'est assez valable pour rentrer dans un livre qui va être publié à plusieurs milliers d'exemplaires, peut-être aussi que ça le met sur le devant de la scène et que ça dit, regardez, ce qu'on fait c'est bien aussi. Certes on n'est pas rémunérés, mais c'est beau aussi, c'est important aussi, c'est difficile aussi.
- #Agathe Le Taillandier
Et ça crée du récit aussi, ça construit des histoires qui vont circuler.
J'ai envie de finir avec aussi un mot qui m'a accompagnée pendant la lecture de ton texte, même s'il m'a énormément émue. On a parlé de choses douloureuses et dures, liées à la mort dans ton texte. Il y a vraiment de la lumière. Et j'ai l'impression que c'est aussi lié à la forme des fragments. Tu vois que c'est comme si ça diffractait la lumière. Je ne sais pas, le fait de rebondir de fragment en fragment, tu laisses passer des raies de lumière. Et je sais qu'il y a une référence pour toi qui est importante aussi, tu me l'as dit, c'est Maggie Nelson et son texte Bleué, qui est donc un très beau texte. que de fragments sous forme de liste. Donc elle, elle fait une liste de tout, plein de points, de proche ou de loin de la couleur bleue. Et donc, ouais, je me suis demandé comment Bleuet t'avait accompagné dans l'écriture de Tamboura. Il y a la forme du fragment, il y a peut-être autre chose dans le style, dans le ton du texte.
- # Hélène Laurain
Ouais. Moi, ce que j'aime, que ce soit dans les Argonautes ou dans Bleuet, c'est... Ben justement, elle est vachement dans la rupture de ton. Maggie Nelson, elle va passer... de l'extrêmement trash. Tu vois, le premier fragment, numéroté, elle parle d'excréments qui s'enroulent sur lui-même et deux fragments après, elle va citer Saint-Augustin, tu vois. Et donc, elle est dans cette superposition du très érudit, du très trivial, du très sexuel sans aucune... Enfin, je trouve qu'elle revendique en fait l'impudeur comme geste littéraire et politique. Et c'est extrêmement empouvant encore de se dire... Tu vois, devoir oser les autres et de dire, ok, pourquoi je ne le ferais pas aussi, tu vois. Au pire, Maggie Nelson a fait pire que moi.
- #Agathe Le Taillandier
On garde aussi ce qu'on a envie de garder. Tu vois, ce truc dans la lecture, j'ai un exemple. C'est un morceau, peut-être un qui ne va pas m'intéresser. J'avoue, il y a certains passages de Bleu, je ne capte pas trop. Mais d'un coup, je lis 133 : "Je m'efforce de m'installer sur une terre de grand soleil et d'y abandonner ma volonté." Je ne sais pas, cette "terre de grand soleil", j'y pense super souvent. Vraiment, j'adore cette formule. Et 136 juste après, j'adore, elle dit « Boire de l'alcool quand vous êtes déprimé, c'est comme verser de l'huile sur le feu. Lis-je dans un ouvrage de développement personnel à la librairie ? Quelle dépression a déjà fait l'effet d'un feu ? Me suis-je demandé en replaçant bien vite le livre sur l'étagère ? » Je trouve ça génial. C'est drôle.
- # Hélène Laurain
Oui, c'est drôle. Il y a vraiment de la provocation, il y a de l'humour. C'est sérieux, mais elle ne se prend pas au sérieux. Et ce que j'aime beaucoup, et c'est pour ça que j'ai cité Bleuet en particulier, c'est la liste numérotée. Je l'ai cité parce que c'est comme ça que j'ai commencé à écrire Tambora. J'ai vraiment, vraiment, m'inspirant directement de Bleuée, j'ai numéroté les fragments et ça ne marchait pas du tout. Je pense parce qu'ils sont plus longs et que c'est plus des scènes que des fragments. Ça dépend, mais j'aime bien le côté, je me suis demandé longtemps pourquoi elle les a numérotés. Ça fait quelque chose, mais je n'arrive pas à savoir ce que ça fait. Et en même temps, ça marche. Et je pense que ce qui est bien là-dedans, c'est que ça met un supposé ordre totalement arbitraire dans ce qui est totalement désordonné. Et il y a quelque chose de malicieux en fait. Et moi c'est ce que j'aime beaucoup dans son écriture, c'est que tu as l'impression qu'elle te fait des clins d'œil, elle te bouscule. Parfois elle te fait un peu des leçons de littérature. Moi parfois c'est une écriture aussi qui a provoqué du rejet chez moi. Parfois je la trouve antipathique, elle me touche, je la trouve extrême, je la trouve un peu... Elle a des jugements, elle emporte pièce, ça peut m'irriter. Et en même temps, j'adore puisque ça fait quelque chose. Je préfère bien ça avec quelque chose de plus consensuel qui va me passer au-dessus. Elle, elle va m'irriter, mais du coup, je vais réfléchir à ce qu'elle me dit. Je vais commencer un petit débat imaginaire avec Maggie Nelson en lui disant « Pourquoi tu dis ça ? Je ne peux pas dire ça. » Tu vois, ça a vraiment un effet.
- #Agathe Le Taillandier
Presque de dialoguer à haute voix.
- # Hélène Laurain
On a envie de s'engueuler avec elle.
- #Agathe Le Taillandier
carrément, de tchatcher quoi.
- # Hélène Laurain
Ouais, c'est hyper fort et c'est quand même assez singulier ce qu'elle propose.
- #Agathe Le Taillandier
Mais du coup, je trouve que c'est ce qui donne aussi ce côté très oral aussi, je trouve, de la lecture de Maggie Nelson. Parfois, on a envie de lire à haute voix, exactement comme Tambora, et comme aussi Partout le feu, ton premier livre, cette oralité, elle te vient aussi naturellement. Tu te rends compte aussi que c'est des textes qu'on a envie de lire à haute voix et presque auxquels on a envie de répondre, aussi comme dans un dialogue, franchement.
- # Hélène Laurain
Ouais. Peut-être parce que j'écoute autant de podcasts. Dans la vie de tous les jours, je ne suis pas quelqu'un qui parle beaucoup, mais qui écoute beaucoup aussi. J'aime bien cette position-là, qui peut-être te fait courir moins de risques, mais vraiment, j'absorbe tout ça, j'absorbe les tournures de phrases. Je suis vraiment fascinée par ça. Et peut-être une de mes interprétations, c'est aussi que j'ai fait beaucoup de musique enfant et adolescente. et qu'à un moment, je me suis demandé aussi si je voulais faire ça plus tard. Et j'ai l'impression parfois d'écrire plus comme on compose une partition, avec une réflexion sur le rythme, sur la musicalité, sur les silences, beaucoup. Ce qui est intéressant dans les fragments, toi tu dis que ça diffracte la lumière, c'est vrai visuellement aussi, ça laisse plus de lumière sur la page, plus de blanc. Et cette lumière-là, c'est aussi la lumière des silences, qui peut être vraiment littéralement le silence dans une partition, qui est tout aussi important que le reste, en fait.
- #Agathe Le Taillandier
Et la lumière comme horizon aussi du texte, ça te parle ?
- # Hélène Laurain
Ouais. En fait, après, par tout le feu qui se termine quand même assez mal, je me suis dit, je vais écrire un livre plus joyeux. Et une de mes déceptions, ça a été de ne pas réussir à le faire, parce qu'il y avait ce sujet... Je ne pouvais pas y échapper. Je crois que j'aurais aimé écrire sur autre chose, mais c'était là, ça prenait toute la place, et il fallait que je le fasse pour passer à autre chose aussi. Mais il y a vraiment cette idée que... Je crois que ce n'est pas un livre sur la fausse couche, ce n'est pas un livre sur les catastrophes. En tout cas, pas seulement. J'ai vraiment voulu montrer ce qui est plus... Ce qui est de l'ordre de la tendresse, de la joie, de la lumière, de l'espoir, ou du combat, tu vois, plutôt qu'espoir, de la lutte, de l'élan de vie, de la pulsion de vie. Et d'ailleurs, on me dit beaucoup... Qu'on rit ou qu'on sourit quand on lit ce livre, et ça, ça me fait vraiment plaisir. Parce que je crois qu'on pleure, mais on rit aussi, et du coup, ça me semble être plus équilibré que ce qu'on peut en dire, tu vois. C'est pas un livre de ténèbres.
- #Agathe Le Taillandier
Et tu finis avec le mot « vie » , d'ailleurs.
- # Hélène Laurain
Ouais, c'est vrai. Ouais, ouais, c'était fait exprès.
- #Agathe Le Taillandier
Je termine avec la dernière séquence de ce podcast. Je finis toujours avec une séquence que j'ai appelée Open Bibliothèque. Open Bibliothèque. On a fait cet entretien au milieu de mes livres, qui sont importants pour moi et qui m'accompagnent au quotidien, comme tu as pu le remarquer. J'aimerais bien que tu en choisisses un, soit parce qu'il t'attire, soit parce que tu l'aimes particulièrement, ou que tu as envie de le lire, et que tu l'ouvres à la page que tu veux, que tu lises la page. Et juste comme ça, on termine sur la voix de quelqu'un d'autre. Et qu'est-ce que ça t'évoque ? Tu peux te balader si tu veux aller juste derrière Ou tu peux te lever avec le micro
- # Hélène Laurain
En plus je l'ai regardé pendant que je parlais Seul dans Berlin Je tombe dessus Il est énorme en plus Il est énorme,
- #Agathe Le Taillandier
vas-y tu veux le prendre ? Il est un peu haut
- # Hélène Laurain
Je l'ai cité par tout le feu En tant qu'ex-berlinoise Ça me semble être bien Au hasard alors ?
- #Agathe Le Taillandier
Une page au hasard, j'allais dire, il faut jouer le jeu, tu la prends au hasard et on voit. Voir ce que ça t'évoque, si ca te rappelle un livre ou un lieu.
- # Hélène Laurain
Petite surprise. Pendant que les deux ivrognes conversent ainsi, tous les hommes de la famille Persique se sont rassemblés dans la pièce. Près d'Eno et d'Emile se tiennent baldurs, petits et nerveux, les yeux étincelants derrière ces lunettes bien polies. Juste derrière eux, les deux frères dans leur uniforme noir de la SS Mais sans leur calot, et près de la porte, comme s'ils se méfiaient tout de même un peu de l'eau qui dort, se tient l'ex-bistrotier, le vieux Perziqueux. La famille Perziqueux, elle aussi, est alcoolisée, mais chez elle, le Ausha a un effet radicalement différent de celui qu'il a sur les deux cambrioleurs. Ils ne deviennent pas sentimentaux, idiots et étourdis, non. Les Perziqueux sont au contraire encore plus cinglants, plus cupides, plus brutaux qu'à leur état normal. J'arrête là ?
- #Agathe Le Taillandier
Ouais, par exemple. Là, ça nous plonge direct dans les personnages. C'est un roman avec pas mal de personnages.
- # Hélène Laurain
C'est un peu gênant parce que j'ai un souvenir vraiment très, très lointain.
- #Agathe Le Taillandier
C'est ça qui est intéressant. C'est souvent ça, les livres qu'on a lus il y a longtemps. Moi aussi, je l'ai lu il y a longtemps. C'est un cadeau d'ailleurs d'une amie qui adore Berlin. Elle m'avait offert ce qu'on était allé ensemble à Berlin. C'est elle qui m'a fait découvrir cette ville. Elle me l'avait offert après. Et pareil, tu vois, je me souviens que c'est un livre très dur, très violent. Mais pareil, c'est des sensations un peu lointaines.
- # Hélène Laurain
Ouais, ça pose la question de... Qu'est-ce qui reste, quoi, quand on lit un livre ? Parce que parfois, tu te dis, mais à quoi bon ? Tu vois, je saurais même pas raconter l'histoire, nommer un personnage et tout ça, mais je crois que c'est plus de l'ordre de la sensation, moi. Je me souviens que quand je l'ai lu, tu vois, j'ai vraiment un souvenir très ténu, mais il y avait quelque chose de très chaotique dans les interactions entre les personnages, en tout cas au début, dans un... Un milieu un peu interlope, des personnages, comme on l'a vu, bourrés, beaucoup de disputes. En même temps, la dimension du nazisme, du danger permanent, du contournement de la règle. Le titre allemand, c'est Jeder stirbt für sich allein, donc chacun meurt seul. Mais si je traduis littéralement, chacun meurt pour soi seul. Traduction mot à mot, mais il y a cette idée de solitude comme dans le titre français. Et oui, je crois que ça évoque des souvenirs. Il me semble qu'il y a un ou plusieurs personnages qui meurent en prison, c'est ça ? Oui, carrément. Qui résistent au nazisme.
- #Agathe Le Taillandier
Qui meurent dans des conditions horribles.
- # Hélène Laurain
Voilà, c'est ça.
- #Agathe Le Taillandier
Torsionnaires. Oui.
- # Hélène Laurain
Et je l'évoque dans Partout le feu, un moment où Laetitia, le personnage principal, s'imagine aussi en prison, un moment où elle est en garde à vue, et commence à fantasmer, et part de ce souvenir de prison, seule dans Berlin. Et je trouvais cette phrase de titre, en allemand, hyper violente, hyper adaptée au propos du livre, hyper désespérée, je crois. Peut-être que je me trompe aussi, mais j'ai l'impression que je crois que l'écrivain meurt juste après l'écriture. Il y a quelque chose aussi du testament. Oui, voilà. En fait, c'est écrit en 47 et il meurt en 47.
- #Agathe Le Taillandier
Je te disais du coup que ces livres m'accompagnent et qu'ils sont aussi un endroit de confiance, ils me donnent de la confiance, c'est un endroit de ressources pour moi les livres. Et je voulais savoir toi, qu'est-ce qui te donnait confiance dans la vie ?
- # Hélène Laurain
Je pense que je l'ai beaucoup évoqué, mais c'est vraiment les amis quoi. Parce que littéralement, les amis et les modèles, femmes honnêtement, qui sont avec moi tout le temps, tu vois. Je me suis même dit tiens, je vais imprimer des photos. d'autrices qui m'accompagnent, donc je pense à Sylvia Plath, Maggie Nelson, Annie Ernaux, enfin tu vois, et si, bon c'est peut-être un peu creepy, mais si je m'imprimais leurs photos, tu vois, comme tu fais avec les photos de ta famille, mais si tu le mettais au-dessus de ton bureau et qu'elles sont là avec toi, j'ai pas forcément besoin de ça, mais en tout cas, j'ai l'impression de les sentir physiquement à côté de moi, de même que ma grand-mère qui me racontait ses histoires, tu vois, enfin... Moi, c'est ça qui me donne la confiance, c'est de me sentir accompagnée. Je crois que j'ai une vie assez solitaire parce que l'écriture, c'est solitaire, parce qu'à côté, mon boulot, cette traductrice, c'est solitaire. Ça fait cinq ans que je suis en télétravail, et j'ai besoin de me sentir accompagnée quand je ne le suis pas concrètement au quotidien. C'est vraiment cette communauté de femmes autour de moi qui me donne... confiance.
- #Agathe Le Taillandier
Vous venez d'entendre Agathe Le Taillandier en conversation avec Hélène Laurain. OPEN BOOK est un podcast créé par Agathe Le Taillandier et Constance Parpoil, réalisé et mixé par Lola Glogowski avec une musique originale de PR2B. L'illustration est de Caroline Perron. Nous remercions tous nos premiers soutiens sans qui ce podcast n'aurait pas pu voir le jour. Charlie, Saïd, Chantal, Lucie, Armel, Dominique, Marie, Vincent, Juliette, Gilles, Isabelle et Grégoire. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le autour de vous. Mettez des étoiles sur les applications, parlez-en, on a toujours besoin de vous. Et vous pouvez suivre notre compte Instagram OpenBookLePodcast pour suivre les coulisses du podcast et toute son actualité. Merci pour votre écoute et je vous dis à très vite.