- #Agathe Le Taillandier
Bienvenue dans OPEN BOOK, le podcast qui plonge dans les livres pour réinventer nos vies ensemble. Chez moi aujourd'hui, Séphora Pondi. Elle est autrice et comédienne, pensionnaire de la Comédie française. Et j'ai adoré son livre Avale. C'est son premier roman. C'est un livre très charnel dont la lecture provoque vraiment des réactions physiques. Il raconte la vie de Lame, une jeune femme, actrice noire en plein succès, qu'un mal étrange va arrêter en pleine ascension. Sa peau la démange. Sa peau la défigure même et l'empêche de continuer à travailler sur un plateau de cinéma. On va donc plonger dans la vie de cette femme dont le corps est exposé et regardé en permanence et dont le corps surtout se retourne contre elle violemment. Au moment même où un certain Tom se prend d'obsession pour elle jusqu'à la phobie. Séphora décortique leur passé, leur jeunesse, leur monde, pour mieux rendre palpable leur opposition. Séphora Pondi a 33 ans et je peux vous dire qu'elle écrit aussi bien qu'elle joue. C'est sur scène que je l'avais découverte en 2023 dans le rôle de Médée. Elle était absolument géniale, un peu extraordinaire car elle réinventait complètement le personnage, avec sa peau noire, son corps imposant, sa voix incarnée. Alors on va rencontrer Séphora Pondi à la maison, OPEN BOOK, c'est maintenant, c'est parti !
On s'est rencontré il y a deux ans, Sephora, c'était à la Comédie Française, et tu m'avais déjà dit à ce moment-là, un peu à demi-mot, que tu avais un projet d'écriture qui était en train de naître. Je suis vraiment hyper heureuse de te retrouver autour de ce micro pour ce projet, qui est devenu un roman. Moi j'ai un peu imaginé notre conversation en trois temps. D'abord j'ai envie qu'on plonge dans l'adolescence de tes personnages, parce que pour moi, c'est un peu le cœur. En tout cas, moi, c'est mon cœur dans le livre, c'est-à-dire c'est ce qui m'a le plus touchée. Ce sont tous les passages autour de l'adolescence de tes deux personnages principaux, donc on va revenir dessus. Ensuite, le rapport au corps, évidemment, qui est central. J'ai envie de dire de tes personnages, de ce qui leur arrive, mais aussi de ton écriture, qui est une écriture hyper corporelle, hyper physique. Et enfin, ton style, on l'a dit rapidement aussi, qui m'a effectivement particulièrement bouleversée.
Donc j'ai envie d'entrer directement dans le vif du sujet. Avale met en scène deux personnages, principalement, qui sont Lame, le personnage féminin et Tom. Et en fait, on commence au moment présent de l'action. On comprend que Lame a été attaquée par Tom. Et en fait, tout le roman va faire des allers-retours entre ce présent de l'agression et le passé des personnages. Du coup, on les découvre avant tout comme des enfants et des adolescents. Si tu devais rapidement me les présenter, Tom et l'âme, ado, c'est qui ?
- #Séphora Pondi
Alors, Lame, c'est une... Une enfant à l'origine assez solitaire, qui est fille unique, de parents très absents. Et c'est une enfant très introvertie, assez sauvage, assez agressive, en tout cas qui a des fautes parlées, a tendance à se battre, qui a un grand désir de vitalité, d'aventure, et qui est un peu confinée dans sa vie banlieusarde. L'âme, c'est ça. L'âme enfant, c'est ça.
- #Agathe Le Taillandier
Pourquoi dans sa vie banlieusarde ? C'est-à-dire ? Qu'est-ce que tu entends par là ?
- #Séphora Pondi
C'est vrai que le cadre, en l'occurrence, d'une banlieue parisienne est assez important. Et c'est vraiment, d'une certaine façon, presque un personnage à part entière. J'avais très envie d'écrire un territoire banlieusard, mais qui soit assez lyrique d'une certaine façon, qui soit un endroit qu'on arpente, où il y a de l'horizon. Pas du tout quelque chose... Enfin, disons que le côté un peu tour m'intéressait. Moi, j'avais envie de trouver, au contraire, une manière de raconter ce territoire-là de façon plus lumineuse, plus lyrique.
- #Agathe le Taillandier
Et Tom, face à ça, c'est qui, adolescent ?
- #Séphora Pondi
Tom, adolescent, c'est un garçon assez étrange, un peu isolé, qui a des espèces d'amitié par défaut, en tout cas qui traîne avec Aurélien et Jean-Robert, qui sont ses deux amis, mais un peu en dilettante. C'est un garçon qui est très moqué, très harcelé par les gens qui l'entourent. Il est très intérieur, très secret, avec beaucoup de noirceur, refoulé. Un garçon étrange.
- #Agathe le Taillandier
Assez frustré, j'ai l'impression aussi qu'il découvre assez tôt la frustration.
- #Séphora Pondi
Oui, les rapports qu'il entretient avec les gens, à part avec ses parents, sont toujours des rapports un peu de rejet ou d'évitement, et donc oui, il en nourrit une sorte de frustration.
- #Agathe le Taillandier
J'ai presque l'impression même que les deux, en fait, Tom et Lame, ils auraient pu tous les deux, comme n'importe qui. d'ailleurs en fait, rester un peu vautré entre guillemets dans la frustration, c'est-à-dire dans un désir inassouvi. On a vraiment un personnage avec l'âme qui va aller au bout de son désir, par opposition à un personnage qui n'arrive jamais à le toucher du doigt en fait.
- #Séphora Pondi
Oui, complètement. J'avais très envie effectivement qu'on puisse... qu'il y ait une gémellité entre... qui effectivement, elle serait plus... Je voulais pas les... faire des antagonistes absolument, mais... j'avais quand même envie qu'on puisse se dire, tiens, est-ce que l'âme est pas d'une certaine façon le revers de Tom... enfin, qu'il puisse y avoir un trouble sur... sur une possible ressemblance.
- #Agathe le Taillandier
Parce que ce que tu montres aussi, c'est que la monstruosité de Tom, on y reviendra, mais je ne suis même pas sûre d'ailleurs que c'est le bon terme, mais cette noirceur, plutôt que tu as décrit au fond de lui, en fait elle est un peu liée aussi, j'ai l'impression, à plein de petites bifurcations de la vie qui ne sont pas faites.
- #Séphora Pondi
Tout à fait.
- #Agathe le Taillandier
Ça ne s'abat pas sur lui, c'est plein de petits éléments sur un chemin qui ne s'arrivent pas au bon moment et qui du coup produisent en lui cette rancœur. Là où là, au contraire, les bifurcations elles ont marché.
- #Séphora Pondi
Oui, c'est tout à fait ça. C'est vraiment ça, effectivement. L'âme, de cette façon, elle a un chemin très gracieux, mais c'est aussi une somme de hasards et de belles rencontres et de choses qui font, ou pas, une vie, une belle existence. Contrairement à Tom, qui effectivement s'est toujours vu refuser des choses.
- #Agathe le Taillandier
Et Sephora Adolescente, c'est qui ?
- #Séphora Pondi
C'est quelqu'un... C'est quelqu'un de... J'étais une adolescente avec beaucoup, beaucoup d'énergie. Énormément d'énergie. Vitale, avec beaucoup de désirs, dansie, très exaltée, très bien entourée, amicalement, avec énormément d'égo, un peu une arrogance de jeunesse. J'habite en banlieue parisienne, comme j'ai beaucoup déménagé, il faut que j'arrive à resituer l'adolescence. Le lycée par exemple,
- #Agathe le Taillandier
les années collège-lycée ?
- #Séphora Pondi
Collège-lycée c'est en Essonne. Ouais, en Essonne, d'abord à Villiers-sur-Orge, ensuite à Saint-Jean-de-Vieves-des-Bois.
- #Agathe le Taillandier
Est-ce que t'es une adolescente aventureuse ? C'est un mot que tu utilises pour parler de l'âme. Et je sais pas, j'ai l'impression que c'est un terme qui te va bien.
- #Séphora Pondi
Je l'étais. Après, je pense que j'avais la chance de pas me retrouver dans des situations de dangerosité ou des situations glauques, alors qu'autour de moi, il y avait des gens où l'aventure pouvait mal tourner. C'était pas mon cas. Mais par contre, oui, j'avais très très envie de mouvement. J'ai vraiment la bougeotte, quoi.
- #Agathe le Taillandier
Ça a passé par quoi la bougeotte ?
- #Séphora Pondi
Bah ça passait par sortir le soir, la nuit. Je me rappelle qu'on sortait beaucoup les week-ends, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup. T'allais où ? À Paris.
- #Agathe le Taillandier
T'allais faire la fête ou ? Ouais,
- #Séphora Pondi
mais en fait avec du recul c'était vraiment des fêtes pour justement pour personnes qui vivent pas à Paris quoi.
- #Agathe le Taillandier
C'est-à-dire ?
- #Séphora Pondi
Bah les fêtes gratuites où on se retrouve avec des personnes d'école de commerce.
- #Agathe le Taillandier
Genre un peu after work dans des bars ou ?
- #Séphora Pondi
C'est ça, où ça traîne un peu jusque tard ou alors des soirées. très gratuite, hip-hop. Oui, des soirées où je pense qu'il y avait peu de parisiens de souche.
- #Agathe le Taillandier
Et tu en gardes un bon souvenir de ces fêtes ?
- #Séphora Pondi
Oui, bien sûr. Parce que j'étais avec mes amis. On avait très envie de... Enfin, j'avais une grande bande d'amis, mais je ne vivais pas les mêmes expériences avec chacune des personnes. Et avec un duo en particulier, on sortait pour que quelque chose se produise. Donc on allait beaucoup devant des gens, on se laissait vite entraîner, on avait envie que... De voir jusqu'où la soirée pouvait nous emmener, quelque part c'est comme si on cherchait un miracle. Il y avait vraiment quelque chose dans cet ordre-là. Du coup on suivait beaucoup les gens, on avait vraiment envie que quelque chose nous tombe dessus.
- #Agathe le Taillandier
Après ce que tu décris, je trouve dans le côté de se retrouver à des fêtes qui ne nous ressemblent pas, je trouve aussi que ça met du temps dans une vie de trouver les fêtes qui nous ressemblent. C'est un peu une quête. Moi aussi j'ai l'impression d'avoir mis du temps à être vraiment dans des fêtes qui me correspondent, qui me parlent.
- #Séphora Pondi
Je comprends ce que tu veux dire. Oui, je vois très bien. Quelque part, j'ai un peu renoncé à l'idée de les trouver. Du coup, maintenant, je suis plus tentée par le fait de faire des choses chez moi ou chez les gens. J'ai moins envie de courir Paris.
- #Agathe le Taillandier
Et est-ce que dans cette jeunesse dont tu parles, dans cette adolescence, est-ce que le collège était, comme tu dis un moment dans le livre, un homicide en attente ? J'ai trop aimé cette expression. C'était ça aussi pour toi, le collège ?
- #Séphora Pondi
Un peu. J'étais moins persécutée, évidemment, que... que Tom, beaucoup moins. Il y a beaucoup de cruauté, comme je pense dans beaucoup de collèges de France. Et surtout, j'étais avec des amis qui avaient envie que l'enfance traîne longtemps. On était très juvéniles, je pense, par rapport à beaucoup. En fait, dans mon cas, je pense qu'il y avait une tension entre l'enfance, une enfance très persistante. Par exemple, on aimait beaucoup se déguiser. On aimait beaucoup se déguiser, on aimait faire des gages, danser dans la cour. C'était pas ce qui plaisait aux gens qui commençaient à se faire la bise et à avoir des sacs à main. Et en même temps, moi j'avais déjà des formes assez prononcées et j'avais des vêtements très sexy. Il y avait comme une tension entre une attitude qui je pense était encore très très infantile et un corps qui ne suivait pas du tout la même route.
- #Agathe le Taillandier
Et tu n'avais pas forcément conscience de ce que ton corps produisait ?
- #Séphora Pondi
Pas du tout. Et du coup quand on me l'a renvoyé c'était très angoissant.
- #Agathe le Taillandier
Je pense à un passage, ça me touche ce que tu dis parce que je pense que c'est un peu une expérience que beaucoup de jeunes filles font et que j'ai l'impression d'avoir fait aussi. Tu sais c'est quand en fait on découvre notre corps à travers le regard des autres en fait. Et c'est presque comme si on le découvrait avant tout comme objet regardé, plus que comme soi-même l'habitant. C'est un peu ce que tu décris ?
- #Séphora Pondi
Oui, absolument.
- #Agathe le Taillandier
Mais il y aurait des doigts maigres qui claquent les bretelles des soutifs dans des bus bondés. Il y aurait des langues enfoncées de force dans les glottes, des sueurs juvéniles moquées dans des rires aigres. Il y aurait des commentaires courroussés, des érections secrètes sur un jean trop serré qui dévoile la vulve. Il y aurait des klaxons, de bons pères de famille dans leurs caisses, des citrons jeunes qui frémissent. Il y aurait le sang noir des règles sur les pantalons écrus, les gilets noués à la taille pour en planquer la trace. Il y aurait ceux qui se pincent le nez à mon passage et ce mot infect, au bruit et à l'odeur, griffonné sur un papier glissé dans ma poche, signé d'une trace de glosse, roulage de pelle glauque, un baiser à la crève. Il y aurait ce maître d'école qui lance son oeil larvé sur nos seins naissants. Il y aurait les clichés d'une nuit volée qui tourne dans les portables, les rivalités mal déguisées. Et puis cette virginité sacrée qui nous travaille jusqu'à l'os. Papa-maman cachés sous les lits. Et dans ce dédale d'hormones et de tempêtes, il y aurait aussi les baisers désirés. Les étreintes tant attendues qu'on en chanterait des cantiques. Les flashes de peau qui creusent un lac dans le bas-ventre. Les déguisements tardifs qu'on moque dans la cour de récré. Les jeux de l'enfance qu'on refoule. Les bords de mer face auxquels on s'écroule, ivres de bières pas fortes, les soirées précoces avec la dalle et les mois. Les voix qui muent mais suffoquent la nuit comme font les grands. les prénoms qu'on chuchote et les serments de passage, la salive de bouche en bouche, les promesses monogames. Les livres qui font se prosterner et les films traqués dans les médiathèques. Ces territoires où personne ne s'aventure, ceux qu'on ne parvient à quitter qu'à l'heure des grandes traversées. Ces prières qu'on murmure dans le soir, les minutes bénies à rester verticales. Cette zone foutoire entre l'innocence la plus pure et la noirceur la plus lamée. Les sacs à dos jetés à même le sol à l'arrêt de bus, où ça se tape sévère pour défendre ce soi conquérant et fébrile, celle que l'on est à 13 ans.
- #Séphora Pondi
Celle que je joue à chemin.
- #Agathe le Taillandier
Elles sont trop belles ces pages.
- #Séphora Pondi
Merci beaucoup.
- #Agathe le Taillandier
Je crois que l'auditeur et l'auditrice entendent, pour moi, une des caractéristiques de ton style qui revient beaucoup, c'est ces phrases courtes, nominales, il n'y a pas de verbe conjugué, et ça crée comme un enchaînement, un peu comme un fourmiment de la vie. C'est un peu ce truc-là que j'ai l'impression qu'évoque cet âge-là, cette bascule de l'enfance à l'adolescence.
- #Séphora Pondi
Oui, le mot fourmiment, j'aime beaucoup, parce que j'aime beaucoup tout ce qui grouille. Je savais qu'il fallait qu'il y ait quelque chose qui soit extrêmement... Oui, qu'il soit un peu d'un souffle, qu'il y ait de la répétition. Effectivement, c'est ce qui me venait spontanément. En tétant, le souffle, la répétition, la durée aussi, parce que mine de rien, c'est des paragraphes qui sont assez longs, avec beaucoup d'images qui claquent. C'était vraiment ça qui me venait spontanément.
- #Agathe le Taillandier
On a un peu l'impression qu'on part aussi à l'aventure dans cette langue. Et je reviens à l'image de l'âme, l'aventureuse. Oui, tout à fait. Et Sephora, la Sephora adolescente, du coup, je reviens à toi, tu découvres l'écriture ou le jeu ? D'abord ?
- #Séphora Pondi
D'abord l'écriture. D'abord l'écriture parce que c'est quelque chose qui peut se faire tout seul, sans cours. Commencer à faire du théâtre, ça impliquait nécessairement qu'il y ait les autres, nécessairement un cadre, nécessairement un prof qui t'enseigne. L'écriture, c'était beaucoup plus spontané, ça arrivait avant.
- #Agathe le Taillandier
Et ça arrivait comment ? Est-ce que tu te souviens le premier moment où tu as commencé à écrire ?
- #Séphora Pondi
Je pense que c'est parce que j'ai aimé lire, parce que j'ai vraiment aimé lire très très très vite. Très vite, et donc je pense aussi par mimétisme, parce que j'avais l'impression quand même d'avoir des choses à... Enfin, de porter certaines choses, d'avoir des choses à évacuer dans un premier temps. Donc je ne sais pas, ça m'est venu vraiment de façon très évite. J'écrivais d'abord pour moi, d'ailleurs, donc je n'avais pas d'enjeu particulier, mais c'était un élan qui me paraissait complètement naturel, complètement organique.
- #Agathe le Taillandier
Tu te souviens de la première fois où tu as écrit ? où c'est venu ?
- #Séphora Pondi
Je crois que je me rappelle parce que c'était quand les ordinateurs, qu'on a commencé à avoir les ordis parce que j'avais commencé à écrire je sais pas pourquoi j'étais obsédée par ces trucs là, c'est terrible mais les faits divers quand même c'est un truc qui était déjà là très tôt et j'avais envie d'écrire sur une adolescente qui entrait dans un gang mais qui voulait quitter ce gang et on lui refusait et du coup elle était persécutée par les membres de ce gang qui l'empêchaient de partir
- #Agathe le Taillandier
C'est ta première histoire Oui,
- #Séphora Pondi
au secours C'est déjà une fiction
- #Agathe le Taillandier
T'avais une envie de fiction Plus que de confidence intime
- #Séphora Pondi
J'avais les deux J'ai vraiment écrit 4 milliards de fois
- #Agathe le Taillandier
Et tu disais que t'avais besoin d'évacuer Qu'est-ce que t'avais besoin d'évacuer par exemple ?
- #Séphora Pondi
J'étais un peu J'ai grandi dans un climat Qui n'était pas toujours très simple Qui pouvait être un peu déroutant pour une enfant C'est très banal, mais des fois, il y a des parents qui peuvent être plus autoritaires que d'autres, plus écrasants. Je pouvais me sentir un peu écrasée. Et donc j'avais besoin d'évacuer, de sentir que... Vraiment, ce jour-là, c'était vraiment quelque chose de l'ordre du défoulement, je pense, dans un premier temps. Il y a la partie fiction, avoir envie de raconter des histoires, d'avoir le sentiment que c'est un peu sa place. Je ne sais pas d'où vient cette espèce de... de certitude, mais quand même, je ne sais pas, une intuition. Et à côté de ça, le côté journaux intime pour se défouler.
- #Agathe le Taillandier
Et en parallèle, ou peut-être plus tard justement, tu disais, il y a le jeu qui rentre dans ta vie, puisque tu es aussi comédienne. Comment le désir de jouer est venu ?
- #Séphora Pondi
Alors... Il y a eu un premier désir qui est lié à l'envie de scène Qui je pense est assez commun aux filles Qui sont nées dans les années 90 Où il y avait l'émergence d'émissions Genre popstar et tout ça Où tout d'un coup ça s'est vachement fantasmé L'idée d'être une parfaite inconnue Qui du jour au lendemain devient Alizé ou Laurie Ça tournait quand même autour de cette fiction là Au début Mais oui l'envie d'exposition quand même Oui l'envie de performer quelque chose Ça arrivait très très jeune Parce que je dis ça dans la mesure où L'envie d'être chanteuse est passée mais par contre l'envie de performer, de créer elle était là depuis longtemps c'était quand même toujours le désir de mettre quelque chose au dehors je sentais qu'il y avait quelque chose à faire avec l'extérieur, avec le fait de produire et de mettre au monde c'était vraiment un truc que je sentais qui était là depuis très très très longtemps, d'intuition j'ai fait un cours de théâtre en MJC quand j'étais très petite puis le théâtre a complètement disparu de ma vie et c'est vraiment la littérature qui m'a redonné envie de théâtre, c'est vraiment de découvrir des écritures qui étaient très musicales, très musicales, avec justement très charnel. J'avais envie de pouvoir incarner ces choses-là. Et donc quand je suis arrivée au lycée en seconde et que ce cours de théâtre s'est ouvert, j'y suis allée tout de suite. Et puis parce que j'étais quand même une ado qui prenait beaucoup d'espace, qui avait envie de faire le spectacle quand même. Et donc tout ça était très cohérent.
- #Agathe le Taillandier
Et tes premiers cours de théâtre, c'est au lycée, où là vraiment tu remontes sur scène.
- #Séphora Pondi
Oui.
- #Agathe le Taillandier
Et ça te fait quoi ?
- #Séphora Pondi
C'est... Je sais que c'est chez moi. C'est vraiment une évidence absolue. Je pense que c'est comme quelqu'un qui découvre sa foi, quoi. C'est vraiment de cet ordre-là, on se dit, oh là là, waouh, cette expérience, elle va m'élever. J'en suis qu'au début, j'étais dans une église, quoi, vraiment. C'était quelque chose de cet ordre-là, vraiment.
- #Agathe le Taillandier
C'est intéressant parce que, du coup, tu as double... Cette double figure, c'est-à-dire la figure de la comédienne et la figure de l'écrivaine, j'ai l'impression qu'elles sont assez opposées, dans le sens où... Tu parles beaucoup d'être vu, d'être regardé, c'est quelque chose qui revient beaucoup. Et en même temps, l'écriture, c'est quelque chose de très solitaire et d'assez secret. Est-ce que tu as cette espèce de double désir en toi ? Vue et en même temps... Pas vue et en même temps te planquer.
- #Séphora Pondi
J'ai vraiment ces deux tentations très très très fortes. Et à peu près au même niveau. Je pense qu'en grandissant, à mon avis, je suis plus... L'idée de la disparition, elle m'attire plus. Mais j'ai vraiment ces deux forces en moi. À peu près au même niveau, à savoir adorer être sur scène, adorer mettre mon corps en jeu, le mettre à l'épreuve d'une certaine façon. Oui, lui faire vivre une expérience hors normes, parce qu'en tant qu'acteur ou actrice, on peut se mettre parfois dans des états dans lesquels on ne se mettrait jamais dans la vie de tous les jours. Et en même temps, j'adore le repli, j'adore la solitude, le silence. Je peux vraiment fantasmer sur des retraites silencieuses, me retrouver avec des religieuses, je peux vraiment fantasmer sur ce genre de trucs.
- #Agathe le Taillandier
Tu ne l'as jamais fait encore ?
- #Séphora Pondi
Non, mais je pense que ça va venir.
- #Agathe le Taillandier
Et donc t'écris un roman, on partait de ça, sur effectivement, j'ai envie de dire presque l'espace de l'adolescence, presque un espace que t'explores, donc à travers Tom et à travers l'âme. Et c'est difficile de parler d'adolescence sans parler d'amitié. D'ailleurs c'est un truc que t'as dit dès le début, genre j'avais mon crew, j'avais ma bande. Et quand effectivement on a cette chance-là d'avoir des amis, je trouve que c'est un peu le premier espace de liberté. Moi j'ai l'impression que c'est par les amis que je me suis aussi émancipée de ma famille. C'est en allant découvrir d'autres familles, d'autres modes de vie. C'est là aussi qu'on commence à sentir comment soit on aimerait vivre en dehors de la sienne. Et du coup l'amitié est hyper importante dans Avale, dans ton roman. C'est venu tout de suite ça, le désir de parler d'amitié ?
- #Séphora Pondi
Ah oui, immédiatement. Parce que c'était le lien qui m'intéressait le plus. Et c'est même pas une espèce de posture, c'est vraiment l'idée de raconter une histoire d'amour amoureux. C'est pas ça qui me poussait à l'aise. Le geste d'écriture n'était pas du tout... Il n'était pas nourri de cette histoire-là. Alors que l'amitié, c'était immédiat. Mais parce que être une amie, c'est vraiment presque ce que je fais de mieux. Mes amies, elles m'ont vraiment repêchée. Je ne sais pas comment... Elles m'ont tout donné. Enfin, vraiment. Quand je dis que c'est ce que je fais de mieux, c'est que je vis presque comme un art en soi. Enfin, comme une expérience... À chérir et à nourrir constamment. Vraiment, je ne me remets pas d'aimer les gens que j'aime.
- #Agathe le Taillandier
Je trouve que le passage entre la trentaine pour ça, c'est une vraie expérience de l'amitié, un peu une mise en péril aussi de l'amitié. En fait, je vois comment les gens commencent à relayer l'amitié au second plan. Notamment par rapport à tous les gens qui construisent des familles. Parce que c'est ce que les gens font. C'est normal. Et en fait, de voir l'amitié progressivement arriver au second plan. C'est un truc hyper douloureux quand toi t'es pas au moment de la construction de la famille ou que t'en as pas envie ou je ne sais quoi. C'est un truc vachement dur.
- #Séphora Pondi
100% d'accord. Il se trouve que pour ma part, aucune de mes amies ne construit de famille. Je pense qu'on a décidé d'être des enfants perdus pour toujours mais il y a ce phénomène qui fait qu'aucune n'est construite. Donc on est encore dans cette ère des soirées pyjamas, on est encore là-dedans quand même. Mais avec un peu plus de distance parce qu'on était quand même particulièrement intense. Un petit peu plus de distance, je pense, et plus adulte. Mais néanmoins, là par exemple, je pars avec une de mes grandes amies, avec qui j'ai créé du coup un film, Tara. Et c'est trop bien parce qu'on se disait récemment que ça faisait très longtemps qu'on n'avait pas tout notre temps devant nous. Au lycée, évidemment, on passait des journées ensemble, on pouvait passer un week-end complet. Aujourd'hui, on se voit 4-5 heures, ce qui est beaucoup pour beaucoup de gens. mais là enfin on a une infinité de temps devant nous et je sais que bientôt ça ne sera plus le cas
- #Agathe le Taillandier
T'en profites Et quelle forme ça prend dans l'amitié dans Avale, notamment dans la vie de l'âme ?
- #Séphora Pondi
J'ai fait exprès en plus de créer un peu de l'espace autour d'elle je vais faire une parenthèse, Rebecca Zotowski elle parlait de ça, je trouvais ça hyper intéressant elle expliquait que ces héroïnes étaient souvent des orphelines et en fait c'est vrai que ça permet énormément de choses, de se dire qu'il n'y a pas des parents qui l'attendent pour dîner ça crée pour la fiction toute une somme de possible alors que si on crée un personnage qui est trop entouré qui a trop de deux liens quelque part ça bride et donc ça me plaisait en fait que l'âme elle soit assez seule pour que j'ai ni à un carnet comme ça une non seulement sa seule amie mais son seul lien affectif profond donc dans toute la première partie du livre avant qu'elle devienne actrice génial c'est son c'est son alter ego si son âme soeur c'est D'une certaine façon, c'est la seule personne qu'elle aime.
- #Agathe le Taillandier
Et ce que j'ai trouvé hyper beau, c'est que là, on est toujours vraiment dans les personnages à l'adolescence, mais c'est qu'elles se sentent dans leur peau. Et ça, ce truc physique... Je ne sais plus, à un moment donné, il y en a une qui respire et qui sent la respiration de l'autre. C'est un truc aussi, je trouve, je ne sais pas, dans les amitiés adolescentes féminines, j'ai l'impression que quand on a décidé de vivre à fond l'amitié, j'ai l'impression que c'est quelque chose qu'on a toutes ressentie. Ah oui,
- #Séphora Pondi
oui. Oui, je trouve ça génial.
- #Agathe le Taillandier
Ressentir l'autre dans son propre corps, c'est un peu ça ?
- #Séphora Pondi
Oui, vraiment, c'est complètement ça. Et en fait, c'était important pour moi d'écrire ça, parce que parfois, on n'est pas toujours, en fois adolescent, On peut grandir dans des familles qui ne sont pas spécialement tactiles, ou spécialement affectives, démonstratives physiquement. Et ça peut créer une sorte de carence du toucher. Et c'est vrai que dans le cas de l'âme, toute cette affection physique est vraiment reportée sur sa relation avec Génia. Je trouve ça ultra, je trouve ça très beau.
- #Agathe le Taillandier
Pourquoi Génia m'avait-elle choisie ? Près des buts, je rêve à des hommages jamais prononcés, à toutes les grandes filles qui traînent dans les villes où l'on s'emmerde, celles qui n'ont plus l'âge d'écolo. Savent-elles qu'au pied de chaque tour, une petite les attend ? Une petite attend toujours celle qui va faire tomber sa vie à la renverse. Le monde s'ouvre quand elle te dit « suis-moi » et te saisit par la nuque. Quand ton amie t'élit au hasard, sur une place déserte où elle plisse les yeux, à cause d'un soleil qui fracasse. T'es une petite chose sans avantage, t'es la copine de personne, et pourtant c'est toi qu'elle veut. Pourquoi Génia m'avait-elle choisie ? Son amour m'a élevée, dans sa chambre, dans les squares ou dans des parkings souterrains traversés à grands pas, pour fuir l'ombre.
- #Séphora Pondi
Ça continue de m'aimer. Ça m'aime énormément.
- #Agathe le Taillandier
Et c'est ce qui manque à Tom aussi, au personnage masculin qu'on a évoqué au début. Donc à ce jeune homme frustré, dès l'adolescence, tu l'as dit au début, il a un peu des amis par défaut. Oui,
- #Séphora Pondi
complètement.
- #Agathe le Taillandier
Qu'est-ce qui fait qu'il n'a pas réussi en amitié ce personnage ?
- #Séphora Pondi
Bon, je pense que c'est d'abord une injustice. Et je pense qu'éventuellement, une amitié masculine à cet âge-là permet moins d'abandon. Je pense que c'est ça qui se joue pour Tom, c'est que... Éventuellement, il aurait peut-être l'espace en lui d'aimer autant et de donner autant, mais en fait, il y a tous les codes du petit mec à cet âge-là, qui peut-être empêchent une forme d'intensité, d'abandon, que Genia et Lame peuvent s'offrir. Je pense que c'est un peu ça qui se joue pour Tom.
- #Agathe le Taillandier
Avec Genia, le personnage de Lame, toutes les deux, elles vivent à un moment donné une anecdote, qui semble être une anecdote, mais qui est quand même au centre du roman, où elles ont très très peur. qui leur arrive quelque chose dans une maison abandonnée. On ne va pas forcément raconter l'anecdote, puisque je suis sûre que les auditeurs et les éditrices vont acheter ton livre et le lire après. Donc on ne va pas tout leur raconter. Mais pour moi, cette anecdote, c'est un peu un moment de bascule dans le livre. Et tu dis, en parlant de l'âme, je suis à jamais jetée hors de mon âge. D'où elle vient cette phrase ? Je l'ai trouvée hyper forte.
- #Séphora Pondi
Merci, merci beaucoup. En fait, je trouve ça difficile de raconter un épisode traumatisant. sans employer les mots traumatisants par exemple, ou sans employer des mots qui seraient grandiloquents, et qui seraient, comment dire, finalement qui finiraient par, je trouve, étouffer la situation. Et j'avais vraiment envie qu'on puisse sentir, enfin, trouver une image qui soit vraiment étrange et physique. J'ai un exemple dans la tête. Un jour, dans un spectacle, j'ai vu une fille, une actrice, dont les cheveux devenaient... Je ne sais pas comment ils ont fait pour créer cet effet, mais on avait l'impression avec la lumière que ses cheveux devenaient blancs petit à petit, et ça vraiment... Ça m'a... Il fait froid dans le dos. Mais c'est l'intuition de ça que j'avais envie de trouver. Quelque chose qui soit choquant. Une phrase qui crée un choc et qui nous convainc vraiment physiquement.
- #Agathe le Taillandier
Et toi, c'est une sensation en tant qu'autrice jeune femme que tu as déjà sentie ? D'être jetée hors de ton âge ?
- #Séphora Pondi
Oui. Oui, oui.
- #Agathe le Taillandier
À travers quelle expérience ?
- #Séphora Pondi
C'est souvent l'expérience de... Ce que je disais plus tôt, par exemple, sur la dichotomie entre l'enfance que je portais en moi à 11, 12, 13 ans et mon physique. Justement, ça a créé des moments de frottement comme ça, où j'étais hors de mon âge. Je pense notamment à une scène qui s'est produite avec ma prof d'anglais quand j'étais en 6e. Elle m'a demandé de rester avec elle à la fin du cours. En plus, je précise que cette prof d'anglais... J'avais quand même une espèce d'intérêt pour elle parce qu'elle était très jeune. Et en sixième, tout d'un coup, dès que la prof, elle a l'air d'avoir moins de 30 ans, c'est ultra saisissant. Elle nous avait parlé du groupe Fat Boy Slim. Je la trouvais cool. Elle était blonde et très grands yeux, très claire. Et elle me demande de rester avec elle à la fin. Et elle me demande si je connais le sens du mot viol.
- #Agathe le Taillandier
Donc je dis non.
- #Séphora Pondi
Et tout ça dans un calme olympien. elle me dit parce que Quand tu t'habilles comme ça, donc elle désigne la tenue de l'héritier ce jour-là, je pense que ça devait être un haut rose assez près du corps, avec des manches en mousseline très épaisse et une jupe en jean. Elle me dit, mais quand tu t'habilles comme ça, ça peut envoyer des mauvais messages pour les garçons de 3e. C'est marrant parce que c'était vraiment les garçons de 3e en particulier, pas les autres. Et je crois que dans mon souvenir, elle se lance dans un... Donc ça a envoyé le mauvais message et ils peuvent te coller contre les casiers. Enfin, il y avait toute une... Là, pour le coup, j'étais vraiment jetée hors de mon âge. Vraiment, vraiment, vraiment J'en ai un souvenir Je me rappelle vraiment de son calme Son regard, et puis elle avait une gravité Ultra étrange Parce que son regard et ce calme Je ne l'ai jamais oublié Et rétrospectivement je me dis Il s'était passé un truc Ça ne me concernait pas du tout
- #Agathe le Taillandier
Vraiment avec du recul j'en suis persuadée Comme si ton corps était devenu un peu un espace de projection Oui complètement Et le fait que ça se passe dans une maison aussi ce trauma ... Est-ce que c'était symboliquement important pour toi, parce que c'est dans une maison abandonnée, cette expérience que ces deux copines ont ? Je ne sais pas, ça m'a frappé l'idée de la maison comme lieu aussi du trauma.
- #Séphora Pondi
Eh bien, c'est hyper intéressant et c'est très juste. Cette maison, elle existe vraiment. Et donc, pour le coup, cette maison, elle appartient vraiment à un souvenir de ma propre enfance. Je comprends le sens que tu y mets, mais elle existe vraiment.
- #Agathe le Taillandier
Elle n'est pas symbolique ?
- #Séphora Pondi
Non, elle est vraiment... Elle existe.
- #Agathe le Taillandier
Et elle a joué un rôle dans ta vie, cette maison abandonnée ?
- #Séphora Pondi
Oui, brièvement, mais quand même. Elle a joué un rôle dans un été de préadolescence, un peu comme dans le livre.
- #Agathe le Taillandier
Tous les souvenirs qu'on raconte, là, parce qu'on parle de l'adolescence de tes personnages, puisqu'en fait... Pour bien contextualiser, ton héroïne, donc l'âme dont on parle depuis le début, elle va voir au début du livre une hypnotiseuse, dans Avale, dans ton roman, parce qu'elle a sa peau qui la démange. Donc on comprend qu'elle a de l'eczéma qui en fait est en train de complètement la dévorer et qui l'empêche surtout de jouer, alors qu'elle est en pleine ascension, qu'elle doit jouer dans un film, et tout ça, ça l'empêche de vivre en fait. Et donc elle va aller voir ce personnage d'hypnotiseuse pour en fait faire un travail sur elle, et puis c'est grâce... à cette hypnotiseuse qu'elle se replonge dans ses souvenirs. C'est un peu un procédé narratif que tu as trouvé pour permettre au personnage d'exister dans le temps. Et donc du coup, elle fouille son passé. C'est vraiment ça, elle va fouiller son passé pour comprendre pourquoi elle se gratote, pourquoi il y a cette espèce de maladie qui l'envahit. Et est-ce que toi, c'est quelque chose, ce rapport au passé, tout le monde ne l'a pas forcément, de mener une enquête sur soi, d'aller... Est-ce que toi, c'est quelque chose que tu as fait, que tu fais, qui est important pour toi ?
- #Séphora Pondi
Je suis ultra branchée sur le passé. Sur l'avenir aussi, j'ai un peu de difficulté à être au présent. Mais par contre, oui, je suis très, très connectée au passé. Ça me nourrit. Je pense que dans mon travail de comédienne aussi, j'ai besoin d'avoir une espèce de coffre à jouets où je sors des trucs. Et puis, je trouve que c'est important pour quelqu'un qui fait du théâtre de rester branché à l'enfance. Donc, je suis très, très, très... Oui, oui, je suis très, très en relation avec mon passé.
- #Agathe le Taillandier
Et pourquoi est-ce que ton personnage a sa peau qui se retourne contre lui ? C'est un peu ça, la peau de l'âme se retourne contre elle. C'est donc pour ça qu'elle va essayer de se soigner. Pourquoi cette maladie-là ?
- #Séphora Pondi
Pour plusieurs raisons. Parce que déjà, il y a un goût esthétique. J'ai toujours beaucoup aimé les films inquiétants, où il y a de la transformation physique. Enfin, même pas que des films, mais les clips, genre Thriller par exemple. J'adore ce clip, je le regarde très souvent. J'aime bien l'idée que d'un coup, il y a quelque chose qui est un mal, qui soit lié à la transformation à la peau. C'est vraiment un goût esthétique dans un premier temps. Et puis j'avais envie aussi, toujours dans la veine esthétique... slash littéraire, de trouver comment écrire justement, écrire à partir de la peau. Comment on fait pour arriver à trouver dans le style, le bruit de quelqu'un qui se gratte, des ongles. C'était vraiment un goût d'essayer de m'approcher de ça. Et puis il y a évidemment une question plus, et à la fois plus personnelle et plus politique. Plus personnelle, c'était ce que j'avais envie de, là encore, pour pas écrire, elle souffre. Il fallait trouver la forme, il fallait trouver le mal de façon plus allégorique, plus symbolique, plus cachée. Et je trouvais que le problème de peau, c'était très... On sait qu'il y a quelque chose qui cloche, mais on n'arrive pas très bien à déterminer quoi. Et ça me plaisait. Et puis plus politiquement, je trouvais ça intéressant justement d'aller chercher cette chose de cette femme noire. Sa peau qui se retourne contre elle, ce truc-là me plaisait aussi beaucoup, que ça puisse être comme ça une réflexion plus larvée sur le racisme par exemple, ou sur le fait, dans un environnement donné, de ne plus être capable de supporter sa propre peau, quand justement elle est sans arrêt pointée du doigt ou soumise au jugement. Et puis aussi, un dernier strat, c'était le fait d'être actrice, et que du coup, cette fameuse peau, ce visage... C'est tout ce qui fait son métier, en l'occurrence quand elle est actrice de cinéma. Si son visage ne peut plus être filmé, c'est fini. Ça me plaisait aussi cette chose-là.
- #Agathe le Taillandier
Le corps de l'âme est ravagé par ces démangeaisons. Et du coup, on sent que c'est un corps qui est en permanence sous la menace. Alors, il y a la menace bien sûr de Tom, qui est le personnage masculin avec lequel elle va s'affronter, qui va la cyberharceler. Ça, je dirais, c'est un peu l'histoire, la structure narrative. la plus claire. Et puis à l'intérieur de ça, on sent que c'est un corps qui est constamment menacé. Alors je dirais qu'il est menacé, tu l'as dit toi-même, elle a la peau noire, c'est une femme noire. Donc elle est menacée par le regard des autres. Il y a une scène qui m'a frappée, c'est quand elle est dans le métro, et il n'y a pas une petite fille qui la fixe. C'est ça, une petite fille qui la fixe. Et là, ça la démange encore plus. Et moi j'ai pensé à une scène, je ne sais pas si tu l'avais en tête, mais dans le livre Audrey Lord, qui est une militante américaine, noire, lesbienne. Et qui a écrit, et moi, qui est une scène qui m'a vachement frappée dans son texte Sister Outsider. En fait, elle raconte comment une petite fille, à un moment donné, la fixe dans le métro.
- #Séphora Pondi
C'est dingue !
- #Agathe le Taillandier
Ouais, la fixe avec sa mère qui a un manteau de fourrure. Et en fait, elle voit dans le regard de la petite fille et de la mère qui prend la petite fille par la main, qu'il y a un regard de dégoût puisqu'elle est regardée comme une femme noire. J'ai vu en fait cette scène à ce moment-là. Tu ne l'avais pas en tête ?
- #Séphora Pondi
Pas du tout ! Et elle le dit... Plus loin dans le livre, elle parle d'un œil blanc aux deux dents, et c'est vraiment ça. C'est très difficile d'arriver à trouver sa propre façon de s'appréhender quand il y a plein de regards qui vous scrutent. C'est difficile d'arriver à se contempler soi-même et sereinement.
- #Agathe le Taillandier
Et toi, en tant que Séphora Pondi, à quel moment tu t'es vue noire dans le regard de quelqu'un ?
- #Séphora Pondi
Très très vite. Parce que mes parents me tenaient à ce qu'on s'en souvienne. de repasser de vue il nous le disait littéralement vous avez beau être amie avec telle ou telle personne n'oubliez surtout pas que vous êtes noire c'était vraiment quelque chose qui était très récurrent là je le dis de façon un peu un peu sentencieuse mais des fois c'était aussi pour des choses complètement légères qui étaient plus liées à nos origines camerounaises et donc la fierté de ça et d'être connectée à son histoire à la langue, c'est malheureusement pas mon cas et je le déplore Merci. Donc oui, en fait, comme mes parents me l'ont dit dès les premières secondes, j'ai tout vu à travers ce prisme.
- #Agathe le Taillandier
Donc il y a l'âme en tant que femme non à regarder par les autres, et c'est aussi l'âme comédienne, quoi. C'est l'âme comédienne qui en plus veut devenir célèbre, ça c'est beaucoup dit dans le texte, je pense que c'est aussi toi qui le dis, c'est la jeune fille qui rêvait d'être alisé, bah voilà, qui maintenant est à la comédie française. Non mais c'est vrai que c'est marrant, parce que tu vas aussi avec ce truc, t'as parlé d'égo d'ailleurs au début de l'interview. Tu vas avec ce truc-là, quoi. Non, mais c'est OK, l'ambition de ton personnage et la tienne.
- #Séphora Pondi
Oui, oui. C'est toujours été très assumé. Non, mais je parle franchement. Vraiment, c'est quelque chose qui est très, très porteur. Oui, oui, je suis restée très... Avec de grands désirs, avec beaucoup de... Avec d'immenses désirs. Immenses. J'ai l'impression que c'est un peu une affaire de milieu, parce qu'autour de moi, quand même, les filles étaient très... avait quand même ce côté tête brûlée. Pas nécessairement sur le côté ambition, mais par contre, elles étaient très très peu dans des codes de genre féminins. Assez peu, enfin, il y a vraiment une... C'est vraiment beaucoup plus tard que j'ai découvert qu'il y avait beaucoup de filles qui avaient été élues autrement. Autour de moi, elles avaient quand même tout un truc pas du tout poli. Elles semblaient pas justement subir la pression qui pèse sur les femmes de toute éternité. Elles avaient pas l'air de vivre ça. Et je pense que de manière plus intime, c'est aussi parce que j'ai été élevée par le père que j'avais. Et que je pense que c'est vers lui que je regardais. C'est lui que je copiais. Et donc d'une certaine façon, j'avais aussi sa façon d'être au monde.
- #Agathe le Taillandier
Qu'est-ce qu'il incarnait pour toi ?
- #Séphora Pondi
énormément de charisme une un côté sans peur et sans reproche a vraiment quelque chose de très un aplomb beaucoup d'aplomb beaucoup de d'intelligence une certaine idée de sa personne quelqu'un justement ne pas du tout écrasé pas du tout en train de subir très très proactif énormément d'ambition de grandiloquence aussi et je pense que c'est probablement le fait d'avoir plutôt regardé dans sa direction qui m'a pas mal aidé
- #Agathe le Taillandier
C'est vachement intéressant ce que tu dis aussi sur l'origine sociale, qui raconte un certain type de féminité, un certain enfermement ou non dans la féminité.
- #Séphora Pondi
Je crois. Enfin, c'est vraiment beaucoup plus tard. En comparaison, je me suis dit, ah oui ! Je disais ça en plaisantant, par exemple, à une de mes amies. J'ai mes amies du coup de lycée, collège-lycée, qui sont dans des grandes relations très anciennes, et j'ai eu d'autres très grandes amitiés en devenant actrice, en entrant en école de théâtre. Et j'avais tendance à dire, j'ai l'impression d'être Sophie. De la comtesse de Ségur et de traîner Camille et Madeleine, enfin il y a vraiment ça, vraiment vraiment.
- #Agathe le Taillandier
Camille et Madeleine du coup elles sont comment ?
- #Séphora Pondi
Je les adore, j'adore Camille et Madeleine et Marguerite, mais disons que les souliers sont propres et il y a des nœuds dans les nattes quoi. J'adore ça comme ça.
- #Agathe le Taillandier
Voilà le point de départ c'était l'âme et le rapport au corps. Et donc, le rapport au corps menacé. Voilà, je reviens à ça, puisqu'on s'est un peu éloigné, même si, en fait, on tourne toujours autour de la corporalité de ton personnage et de ton écriture. Et donc, elle est actrice, donc c'est quelqu'un qui a l'habitude d'être regardé. On l'a quand même beaucoup dit, ça, donc je voudrais avancer en disant qu'elle est aussi touchée. C'est-à-dire qu'elle est un peu manipulée. C'est comme si son corps appartenait aux autres. Moi, j'ai même presque vu une forme de cannibalisme blanc.
- #Séphora Pondi
Mais c'est très, très juste. C'est vraiment... J'avais envie, justement, de faire glisser cette idée-là. assez inspiré par le film Get Out que j'avais adoré de Jordan Peele l'idée quand même d'une sorte de vampirisation de cet homme noir parce que en l'occurrence dans le film il est manipulé par sa petite copine qui a une famille de suprémacistes dégénérés qui ont envie de s'emparer de ce garçon, notamment un des membres de cette confrérie maléfique veut ses yeux veut son regard, un autre veut sa force physique et je trouvais ça très intéressant cette idée de Oui, de vampirisation, c'était vraiment vers ça que j'avais envie d'aller. Et le pourquoi, je pense que ça se joue sur plusieurs dimensions. Le fait qu'elle soit une comédienne, quelque part, ça la rend comme à tout le monde, appartenir à tout le monde, parce que comme elle s'expose, d'une certaine façon, elle est dans tous les foyers, d'une certaine manière, et donc si elle est dans tous les foyers, c'est que, quelque part, elle est un peu de la famille, et si elle est un peu de la famille, on peut l'approcher, on peut la toucher, la tutoyer. Il y a cette dimension-là, le fait que ce soit une femme, donc avec tout ce que ça implique, et le fait qu'elle soit noire aussi peut créer une forme de fétichisation ou d'exotisation, où tout d'un coup, il y a comme une espèce de mémoire très très malsaine et terrifiante de finalement un corps qui ne lui appartient pas. Et quand je dis ça, je pense notamment à ce film qui m'avait un peu traumatisé, Vénus Noire, d'Abdelatif Kéchiche, il m'avait vraiment... J'ai vu au cinéma, j'étais un peu clouée dans mon siège parce que j'avais le sentiment de comprendre exactement ce qui était en train de se jouer alors qu'évidemment, des siècles nous séparent, mais je voyais ce qu'elle était en train de... je comprenais ce qu'elle subissait.
- #Agathe le Taillandier
Donc le personnage, je lui dis quelques mots pour nos auditeurs et nos auditrices qui ne l'auraient peut-être pas vu, qui met en scène la Vénus au Tentot. Peut-être en quelques mots, est-ce que tu peux la décrire ?
- #Séphora Pondi
C'est une femme noire avec des attributs physiques qui avait été, comment dire, dans le souvenir que j'ai du film, qui avait été... embauchée par une espèce de forain pour faire des spectacles. Bon, c'était l'époque où il y avait quand même des zoos humains, et en fait, elle se retrouvait complète. Son corps fascinait parce qu'elle avait des fesses très proéminentes, et donc elle était un peu étudiée, des pieds à la tête, et complètement objectivée.
- #Agathe le Taillandier
Moi, je me souviens qu'il y a un truc très médical, quoi, où elle est vraiment observée, même son sexe est observé, parce qu'il a une forme particulière, c'est hyper violent. Moi, je crois que je suis même sortie de la salle, je crois, du film. Je comprends. J'étais trop trop mal à l'aise Oui c'était très très dur ce visionnage Et à un moment donné elle danse au milieu d'un salon Où il n'y a que des personnes blanches qui la regardent Je me rappelle parfaitement
- #Séphora Pondi
Terrifiant Périfiant.
- #Agathe le Taillandier
Et toi, c'est un truc, en tant que femme noire, qui ne correspond pas effectivement aux stéréotypes corporels classiques, on va dire. Est-ce que c'est quelque chose que tu peux traverser encore aujourd'hui, malgré ta notoriété, etc. ?
- #Séphora Pondi
C'est quelque chose que je redoute. Et justement, je réfléchis beaucoup à comment me positionner pour pas... Puisque comme je suis quelqu'un d'assez chaleureux, naturellement, d'assez ouvert, j'ai toujours peur que ça... Que les gens prennent ça pour une espèce de... C'est le déclic, on peut y aller. Je suis très inquiète par parfois la proximité, que les gens s'autorisent. C'est quelque chose qui m'inquiète beaucoup. Et c'est pour ça que je pense qu'il y a quand même une espèce de tension, de fond racial tout à fait inconscient. C'est que je vois bien que cette chaleur, pour beaucoup de gens qui ne me connaissent pas, c'est la porte ouverte à me toucher. C'est très très gênant.
- #Agathe le Taillandier
On parle du corps de ton personnage et il y a aussi quelque chose je pense qui vient aussi le raconter c'est le fait que, et là je te cite dans le livre, c'est un corps de transfuge glorieux c'est une formule que j'ai adorée, parce que c'est aussi un personnage, l'âme qui en devenant actrice et célèbre quitte un milieu pour en rejoindre un autre.
- #Séphora Pondi
Oui tout à fait.
- #Agathe le Taillandier
Et donc il y a aussi ce... son corps il est aussi traversé par ça.
- #Séphora Pondi
Tout à fait. Oui, oui, absolument. C'est vrai. Mais dans le cas de l'âme, il n'y a pas tellement de... Ce n'est pas forcément conflictuel à cet endroit-là et ça me plaisait justement de prendre le contre-pied de ce qui pourrait être attendu d'un récit de transfuge, à savoir la honte et la culpabilité. Au contraire, je trouvais ça très plaisant d'écrire un personnage transfuge qui est très satisfait jusqu'à redevenir un but d'elle-même et presque insupportable. Mais j'étais contente de... Quand j'étais au collège, on appelait ça les jeunes cadres dynamiques ou la droite des complexes. L'âme n'est pas de droite, mais par contre, le côté décomplexé.
- #Agathe le Taillandier
Je vois trop. Elle est extrêmement à l'aise. Elle arrive à une soirée où il n'y a qu'un peu des gens du cinéma, etc. Elle est hyper à l'aise. C'est vrai, elle a un truc de grande aisance.
- #Séphora Pondi
Oui, j'avais envie. Ça me plaisait, qu'il n'y ait pas cette espèce de remords maladifs. Jusqu'à ce que ça devienne quelque chose de vraiment très dérangeant. Et limite, notamment dans sa fameuse dispute avec Genia. J'étais contente d'aller à l'envers de la première intuition qu'on pourrait avoir sur un parcours de transsuge.
- #Agathe le Taillandier
Parce que Genia, en plus, elle n'a aucune envie. Genia, son amie qui est restée au quartier, qui a un travail d'éducatrice spécialisée, qui travaille avec des jeunes, etc. En fait, elle ne projette pas du tout une envie ou une jalousie pour son amie. Et ça, c'est effectivement hyper intéressant. Ça me fait penser à un autre récit de la rentrée, « Soulez pas leurs années » . Une journaliste du Monde qui a écrit ce texte s'appelle Camille Bordonnet. Elle travaille sur les ruralités, sur les territoires ruraux. Là elle fait un roman, c'est son premier roman. Et c'est intéressant, j'ai pensé pas mal à ton livre en le lisant. Parce que c'est deux copines avec l'une qui est restée en Isère, qui est leur territoire vraiment natal. Et l'autre est partie à Paris et est devenue journaliste. Et elle doit revenir, donc il y a vraiment ce truc du retour, non pas au quartier mais en région. Et en fait, sa pote, elle est trop pas genre en pamoison. Il n'y a pas ce truc de l'enfant prodige qui revient au pays, pas du tout. Il y a un vrai truc de retour au réel qui est vachement intéressant et qui m'a fait penser aussi à la relation de l'âme avec sa pote.
- #Séphora Pondi
Ça me fait plaisir que ce soit lu parce que je tenais à ce que Genia soit une femme intelligente et articulée et qui ne fantasme pas là-dessus. Qui sait très exactement ce qu'elle a à en dire de négatif, de façon très claire, très... Oui, articuler, c'est important pour moi de ne pas renferm quelqu'un qui a été laissé sur le bord de la route et qui ne pleurniche pas du tout. Ça ne l'attire simplement pas.
- #Agathe le Taillandier
Donc ce corps multiple, on vient d'explorer plein de facettes du corps de l'âme. On parlait du fait qu'elle se gratte et que sa peau presque se décolle. J'ai eu l'impression parfois qu'elle se décollait jusqu'à être arrachée par Tom. Mais je n'ai pas envie qu'on dise trop de ce qui se passe réellement dans le roman. Mais donc du coup tu flirtes un peu avec le même presque un peu le body horror, t'en parlais tout à l'heure, t'as un intérêt pour la métamorphose. J'ai lu quelques lignes qui pour moi effectivement racontent hyper bien ça. La nuit je rêve que je deviens créature, je caresse de ma plus longue griffe une peau d'écaille vert bouteille où luisent des reflets bleu argenté. J'ai en guise d'yeux deux fentes assassines en amande. Deux dents, ce sont des os jaunes, fêlés de pupilles noires et hypnotiques. Je marche dans les rues avec majesté, mes pas sont lourds et inquiétants. J'enroule ma large queue métallique autour de mon bassin de bestioles pour qu'elles ne traînent pas dans les flaques. Monstre ailé, j'escalade les façades haussmanniennes. Au réveil, hélas, je découvre atterré que ce n'est que moi qui m'habite. Rien que moi et ma vie vaine qui s'évertue à laisser une trace. Ma propre épopée me fatigue. Quand l'horloge aura fini de sonner, je vais juste me traîner dans la ville avec mes jambes qui me soutiennent mal. Partout où je passe, on verra donner le change quand j'aimerais m'évanouir pour qu'on ne me regarde plus. Vais-je supporter longtemps d'être ainsi réifiée ? Oui, je les désirais très fort ma vida loca, mais après avoir tout conquis, ça ne me laisse parfois que le goût d'une fête vide. Banale affaire de désamour.
- #Séphora Pondi
Merci.
- #Agathe le Taillandier
C'est aussi un personnage qui est quand même sur la brèche, c'est-à-dire qu'il y a tout ce qu'on dit, cette ambition, cette boursouflure presque de l'âme qui va vers la célébrité, et en même temps qui s'effrite, il y a un effritement intérieur du personnage.
- #Séphora Pondi
Oui, parce qu'elle se rend compte du prix à payer de cette exposition, à savoir une espèce de contrôle permanent, d'être sans arrêt sous le... J'en ai parfois parlé de l'expérience d'être comédienne qui est un enchantement et qui est tout ce que j'ai toujours désiré et qui est profondément un bonheur vraiment qui est le sens de ma vie. Et en même temps, c'est pas évident d'être sous le regard constamment. C'est vraiment une expérience qui peut parfois être un peu douloureuse quand vraiment on n'en a pas du tout envie. C'est dur, quand nous on a du mal à se regarder, c'est parfois difficile de venir s'exposer devant 900 personnes tous les soirs. C'est que ça a un coût par moment.
- #Agathe le Taillandier
Et dans cette métamorphose presque animale qui traverse le livre par moments, qui habite le personnage, tu m'as proposé une référence. Je t'ai demandé en amont du podcast des références qui t'ont accompagné dans l'écriture. Je t'en ai demandé trois, tu m'en as renvoyé 70. Évidemment, je n'ai pas tout creusé. J'en ai attrapé quelques-unes qui m'ont plu, qui m'ont intéressé. Et notamment la référence à un livre de Marie Dariussec qui s'appelle Truisme, que j'ai entre les mains, alors que je n'avais jamais lu. Qui est sorti en 96. Tout à fait. et qui m'a franchement mise hyper mal à l'aise, qui m'a vraiment dégoûtée même. Ce livre, vraiment, je l'ai trouvé assez écœurant. C'est l'histoire d'une femme qui se transforme en truie. On est dans ces récits de métamorphose. Toi, c'est quoi ton rapport à truisme, donc ce texte de Marie Dariussec ?
- #Séphora Pondi
Je l'ai adoré parce que j'adorais le style, j'adorais la méchanceté, j'adorais, je vais dire le pitch qui est l'enfer, mais j'adorais vraiment l'idée que je trouvais totalement démente. Je l'ai lu quand j'étais très jeune, j'avais 16 ans, et en fait Son obscénité, la peur qu'il me provoquait, était extrêmement jubilatoire parce que moi j'étais une adolescente qui grandissait quand même dans un climat où régnait pas mal l'ordre, une forme de pudeur, pour ne pas dire de tabou, avec une notion de bien et de mal très présente, très claire, un sens des limites et d'un coup, et c'est pour ça que j'ai aimé lire tout de suite parce que je sentais que là-bas il y avait... des eaux troubles, il y avait quelque chose qui allait justement me faire sortir de ce climat assez corseté en fait d'une certaine façon et donc l'audace, la méchanceté, la noirceur, le dégoût, ça me mettait dans tous mes états et puis parce que j'étais pas quelqu'un qui avait envie de... j'étais une ado aventureuse mais pas autodestructrice donc j'étais... voilà, quand même des choses étaient relativement... j'allais pas me mettre dans des situations borderline, pas du tout Mais par contre, dans ce que je lisais, dans ce que je regardais, j'avais besoin de ce délire.
- #Agathe le Taillandier
De ces excès, quoi.
- #Séphora Pondi
Ah oui.
- #Agathe le Taillandier
C'est un texte hyper excessif.
- #Séphora Pondi
Ah oui, vraiment. Même s'il m'avait, je me rappelle qu'il m'avait aussi mis mal, je le trouvais un peu misogyne. Enfin, il m'avait quand même, même à 16 ans, je le trouvais quand même dérangeant. Je n'étais pas sûre d'être tout à fait en accord avec tout ce qui se racontait. Mais par contre le geste littéraire Il m'a coupé les jambes, vraiment Et puis le fait que ce soit une femme qui s'autorise à écrire autour du dégoût, c'est vraiment quelque chose qui me... Et de la dérision, déjà à 16 ans, c'était très séduisant pour moi.
- #Agathe le Taillandier
Et là, on a beaucoup tourné autour du corps de l'âme. En face, il y a Tom, ce personnage frustré. On a parlé de lui adolescent et puis on le suit jusqu'à l'âge adulte. J'ai l'impression qu'au contraire, lui, c'est un personnage qui n'a pas vraiment de corps. Tout à fait. Il y a un corps, en tout cas, qu'il ne connaît pas. Il ne connaît pas son corps.
- #Séphora Pondi
Oui. C'est vrai que c'est très juste parce que A l'origine j'avais vraiment envie d'écrire sur quelqu'un de très transparent. Voilà, ça c'était important justement, à contrario de l'âme, j'avais vraiment envie d'écrire sur quelqu'un dont le corps ne laisse place à aucun commentaire, qui est vraiment, qui traverse la vie et c'est ce que j'écris dans le texte, qui traverse la vie. J'ai pas écrit qu'on se fait remerder mais c'est à peu près ça. Au début c'était ça l'objectif et puis après quand même j'avais envie qu'il y ait aussi la question de la masse, enfin qu'il y ait aussi quand même la masse pour lui, comme pour l'âme. qui est quand même quelque chose dans le rapport au corps qui soit pas standard. C'est venu quand même assez vite, j'ai pu circuler là-dessus. Et qu'il puisse être un corps aussi qui, martyriser le mot est beaucoup trop fort, mais qu'on a pu aussi brutaliser ou en tout cas humilier, ça me plaisait. Et le fait qu'il ait des caractéristiques qu'on pourrait attribuer aux femmes, qu'il ait des troubles du comportement alimentaire, c'est très important pour moi, qu'on puisse commenter ses fesses. Jouer avec ces endroits là ça me plaisait beaucoup pour le corps de Tom.
- #Agathe le Taillandier
Ouais ce truc très gênant au moment où son père lui fait une tape sur les fesses ou fait une remarque sur ses fesses. C'est vrai, t'as raison, en fait, je me reprends parce que j'ai dit que c'est un personnage qui a pas de corps. C'est pas vrai, c'est aussi un personnage qui découvre son corps aussi à travers le regard des autres comme une jeune femme, on en parlait au début. Il y a un peu ce truc là quoi. Et du coup il a aussi du dégoût pour son corps, il arrive pas à l'habiter. C'est plus ça en fait.
- #Séphora Pondi
Oui tout à fait.
- #Agathe le Taillandier
Et c'est ça qui va le rendre un peu fou.
- #Séphora Pondi
Complètement. Oui, c'est un corps assez empêché, alors que pour le coup, l'âme, parce qu'elle est comédienne et parce qu'elle se déploie, justement, son corps est très... Il y a comme de la jouissance dans son rapport au corps. Il y a quand même de... Voilà, il a l'espace de se déployer, de vibrer, justement, notamment dans le théâtre, de jouir. Ce qui, pour Tom, ne vit pas ça.
- #Agathe le Taillandier
Mais pour l'âme, le corps devient aussi un ennemi.
- #Séphora Pondi
Oui, aussi. Mais c'est plus un ami ou un ennemi, tu dirais ?
- #Agathe le Taillandier
C'était un ami jusqu'à ce que les autres s'en emparent, jusqu'à ce que son image devienne une image publique et donc que ça devienne le corps de tout le monde.
- #Séphora Pondi
Et toi aujourd'hui, tu dirais que ton corps est ami, ennemi ?
- #Agathe le Taillandier
En ce moment, on est plus amis.
- #Séphora Pondi
J'arrive au dernier temps de cet entretien sur la fabrication du roman. Tu fais un choix narratif très clair qui est d'alterner le personnage de Tom et le personnage de l'âme. Donc on a dit que c'est à la fois une opposition et en même temps presque un croisement perpétuel de ces deux destins puisque Tom va faire une obsession sur l'âme jusqu'à la cyber harceler. Je me suis aussi demandé s'il n'y avait pas un plaisir à écrire un personnage d'homme blanc et de le dominer d'une certaine manière par l'écriture.
- #Agathe le Taillandier
Si, si, complètement. En tout cas, de s'infiltrer dedans, ça a oui, bien sûr, plaisir immense. Parce que dans le cas de Tom, c'est quelqu'un qui s'autorise beaucoup, enfin, qui a un mauvais esprit et qui s'autorise à faire éclater sans aucun scrupule. Et donc ça, c'est très plaisant. Et aussi, le goût de s'infiltrer et d'avoir l'impression d'être dans la marionnette. Ça, c'est très agréable. Et c'est aussi une manière de dire, je sais que je l'avais déjà dit plus tôt, mais on vous voit aussi, vous n'êtes pas neutre. Et en fait, on peut aussi vous écrire et on peut aussi s'infiltrer en vous, puisque souvent, les créateurs ont souvent le même visage. Et là, j'étais heureuse d'être le créateur et de, moi, les raconter alors que c'est souvent eux qui racontent. Puis même, j'avais vraiment envie de... Il y avait aussi un plaisir au premier degré à l'idée d'écrire quelqu'un de malfaisant. Enfin, il y avait aussi quand même vraiment un plaisir d'écriture, d'aller là-dedans. Et puis c'était aussi une manière de faire mes gammes, c'est bête à dire, mais ça va de pair avec la question de l'ambition. J'ai envie d'être en mesure d'écrire quelqu'un, de vraiment écrire quelqu'un et pas uniquement faire le récit, de faire mon propre récit.
- #Séphora Pondi
Cette envie de littérature, donc elle passe par cette construction narrative, ce face-à-face et du coup l'invention totale d'un personnage qui n'est pas du tout toi, c'est Tom. Et ça passe par une écriture que j'ai voulu vraiment faire entendre dans ce podcast parce qu'elle est très lyrique. Je trouve que c'est un mot qui te plaît, lyrique ?
- #Agathe le Taillandier
J'adore ce mot.
- #Séphora Pondi
Timi quoi dans ce mot ? C'est un mot aussi que j'adore. J'y mets beaucoup de démesures.
- #Agathe le Taillandier
Ah bah oui, des démesures, d'intemporalité, d'orgueil, d'émotion, de sensibilité, de grandiloquence. J'adore ce mot. Je l'adore.
- #Séphora Pondi
C'est un mot que je me souviens que j'avais appris en découvrant Victor Hugo, qui m'avait été un peu un coup de cœur. Au lycée, j'adorais son écriture. Et parfois, j'ai vu Dans ton style, sur un truc très précis, c'est Victor Hugo, il adore les oxymores et les antithèses. Et en fait, t'en fais plein. Je te cite, douceur de sucre, rage de colosse. Le jour est devenu une nuit noire, cramer la vie calme. T'adores faire des oxymores, mais ça c'est hyper hugolien.
- #Agathe le Taillandier
Non, c'est pas ça. Ça me fait extrêmement plaisir, mon dieu.
- #Séphora Pondi
Tu joues vachement sur les oppositions, sur les oxymores. Un oxymore, c'est quoi ? C'est l'opposition de deux mots qui n'ont rien à voir, mais qui crée des images. Un peu éclatante, quoi.
- #Agathe le Taillandier
Ça me fait hyper plaisir. Non, c'est ça que j'adore, ça.
- #Séphora Pondi
C'est un truc dans ton écriture que tu cherches ?
- #Agathe le Taillandier
Oui, oui, complètement.
- #Séphora Pondi
Pourquoi ?
- #Agathe le Taillandier
Qu'est-ce que ça te produit sur toi ? Parce que j'adore le frottement. J'aime vraiment, vraiment le frottement. J'aime bien quand la phrase a quelque chose qui crisse. Ça me plaît vraiment beaucoup, beaucoup. J'adore jouer avec les contrastes. J'aime bien les choses qui se... Je pense que plus que tous les auteurs et les autrices disent ça, mais j'aime bien faire péter le sens, enfin tordre un peu, tordre la langue. Je n'aime pas du tout les phrases toutes attendues, je déteste.
- #Séphora Pondi
Est-ce que tu avais peur, en tant que femme noire, qu'on t'attende un peu à un endroit de texte militant, sans absolument aucun, quand je dis ça, je ne mets absolument aucune connotation négative, mais j'ai l'impression que tu veux te situer à un autre endroit, moins frontal. moins démonstratif aussi. C'était important pour toi de sortir totalement de cet espace-là ?
- #Agathe le Taillandier
C'était primordial, même si ça me faisait très très peur, justement, de décevoir peut-être d'éventuelles attentes. J'y ai bien sûr beaucoup pensé. Comme on est peu nombreux et nombreuses, forcément, quand quelqu'un de racisé occupe une petite place un peu culturelle, médiatique, à un moment, il peut y avoir éventuellement l'attente qu'il prenne en charge certaines problématiques, certaines douleurs, certaines révoltes. C'était pas du tout à cet endroit là, en tout cas de façon à se peut-être déguiser, que j'avais envie de le faire et j'avais peur justement. de créer ou de la déception ou de l'incompréhension pour des personnes qui traverseraient les mêmes questionnements que moi ou les mêmes indignations. Et en même temps, je me suis dit que c'est une place qui est piégée de toute façon. Donc on va faire exactement ce qu'on a envie de faire et devine que pourra.
- #Séphora Pondi
Au théâtre, tu te dis la même chose ? Tu as été confrontée un peu aux mêmes enjeux ?
- #Agathe le Taillandier
Non, parce que comme je joue des textes qui sont déjà écrits, ce n'est pas ma part. J'ai moins de responsabilités, là c'est vraiment produit, c'est ma propre création, c'est mes propres obsessions. Donc là je suis vraiment beaucoup plus exposée que quand je joue au théâtre.
- #Séphora Pondi
Ça ne fait pas peur j'ai l'impression ?
- #Agathe le Taillandier
Non là ça va parce que je vois bien que, j'ai l'impression pour le moment, qu'on parle d'Avale vraiment à son endroit littéraire, que c'est vraiment ça qui attrape et c'est vraiment ce que j'attendais donc c'est un soulagement au total.
- #Séphora Pondi
On va juste terminer avec une dernière séquence open bibliothèque. Plein de surprises cette interview. Je t'ai dit au début que c'était important pour moi de recevoir les auteurs et les autrices que j'aime, dont j'ai aimé les livres chez moi parce que comme tu vois les livres font vraiment partie de ma vie depuis toujours. C'est vraiment mes meilleurs amis j'allais dire mais voilà ils sont hyper importants J'aimerais bien que tu en prennes un. Est-ce qu'il y en a un dans la bibliothèque qui t'entoure à attirer ton regard ? Alors ça peut être un livre que tu as lu, pas lu, envie de découvrir. Je ne sais pas, un que tu prendrais, que tu ouvrirais au hasard. Et puis à partir de la page que tu lis, tu me dis ce que cette page t'inspire.
- #Agathe le Taillandier
J'adore, j'adore cette idée, j'adore, j'adore, j'adore. J'adore. Vraiment, ça me met dans tous mes états. J'aime tellement les voix, enfin vraiment c'est... Ok, ok, je vais partir. partir sur...
- #Séphora Pondi
Ça s'arrête à M, ouais, c'est ça. Parce qu'à côté, c'est la suite alphabétique.
- #Agathe le Taillandier
En fait, je suis en train d'hésiter. Est-ce que je vais vers ce que je connais déjà ? Ou est-ce que je me lâche ? Allez, je vais aller vers ce que je connais déjà. Parce que là, comme j'adore ce livre... Aïe, aïe, aïe.
- #Séphora Pondi
Pourquoi tu l'adores en quelques mots ? T'as pris le nom de Constance Debré avant de l'ouvrir. Top surprise. Pourquoi tu as pris le nom ?
- #Agathe le Taillandier
Parce que j'adore cette autrice. Je trouve qu'elle est vraiment... je trouve qu'elle a un style vraiment génial j'adore le personnage j'adore ce qu'elle raconte j'aime bien le fait qu'elle sienne une grande famille ça me fascine ça me fascine vraiment et puis le geste hyper radical qu'elle a fait de s'en extraire complètement de tout abandonner je trouve ça fascinant et tout ce qu'elle raconte justement sur la tentation de fuir et de disparaître tout ce qu'elle raconte sur abandonner son nom j'adore J'adore. Je trouve ça vraiment, philosophiquement vraiment passionnant, je trouve que c'est un soulagement, moi qui suis quelqu'un dont le nom a beaucoup compté, parce que comme je viens d'une famille d'immigrés, le nom c'est très très important, de l'honorer, le respecter, ne pas le salir, ne pas salir son nom, c'est très important, et en fait le côté rock'n'roll, l'audace... et l'espèce d'égoïsme un peu suprême qui est presque, je dirais, un peu Nietzschean d'une certaine manière. Ça me fascine. Parce que j'en suis incapable, pour le moment. En tout cas, cette page-là, ça me fait sourire parce qu'il y a un côté quand même dans sa posture que je trouve très adolescent. Ce qui n'est pas nécessairement un défaut. En fait, ce qui fait que c'est pas un défaut, c'est qu'elle est quand même très intelligente et elle écrit vraiment bien. Et du coup, ce côté adolescent, comme il y a vraiment de la pensée, ça va. Mais je trouve ça beau qu'il y ait encore cette espèce d'indignation. Je trouve ça beau parce qu'en fait, c'est une femme qui, je ne sais pas quel âge elle a, mais on n'a pas le même âge, c'est sûr, donc elle a un peu plus de vécu. Et elle aurait pu se calmer, il y aurait pu avoir quelque chose qui se calme. Et en fait, je trouve ça très beau qu'elle ait refusé de se calmer. Il y a quelque chose là-dedans que je trouve assez émouvant. Et comme mine de rien, elle a le nom qu'elle a.
- #Séphora Pondi
Debré, grande famille politique.
- #Agathe le Taillandier
Comme mine de rien, je pense que sans doute elle détesterait entendre ça, mais il y a quand même ça qui se joue, en tout cas dans mon image, que ce nom continue de faire autorité malgré tout. Et je serais d'ailleurs assez heureuse, curieuse de l'entendre, peut-être qu'elle écrive là-dessus sur cette tension entre le fait de revendiquer maintenant un mode de vie beaucoup plus nomade et beaucoup moins installé que ce qu'elle vivait jusque-là. Mais néanmoins, il y a quand même ce nom qui fera toujours son petit effet, j'imagine. La démence partout, le délire tout le temps. Il n'y a qu'à voir la logorée, l'obscène logorée des adultes et le silence des enfants. Les enfants gênés par les adultes, les enfants gênés par leur mère, gênés par leur père, par tous les autres. Il suffit de sortir, d'aller dans les parcs, à la sortie des écoles, de traîner dans les rues, ça pullule de parents hystériques et d'enfants gênés, et d'enfants silencieux, d'enfants qui se taisent. Les enfants à qui on explique bien que ce qui est interdit, la seule chose vraiment interdite, c'est de dire aux adultes de se la fermer, alors que c'est la seule chose qui serait vraiment nécessaire, la seule chose salutaire. Quand parfois ça vient, plus tard, par exemple à l'adolescence, on dit que c'est une crise, on dit que ça passera. Plutôt que d'écouter, plutôt que de se la fermer et d'avoir honte, on les engueule comme si c'était eux qu'il fallait punir. On les emmène chez le psy comme si c'était eux qu'il fallait soigner. Les enfants qu'on dresse à aimer les fous, à obéir aux cinglés, à réciter leur rôle dans cette pièce folle qui est l'enfance racontée aux enfants, qui est les familles racontées par les familles, les parents racontés par les parents, les mères qui se racontent. Les pères qui se racontent, la bourgeoisie qui se raconte, l'école qui se raconte, dans sa petite violence qui prépare bien à celle d'après. Toute la violence domestique qu'il faut bien accepter et que le monde protège. L'inceste et les baffes c'est interdit, le reste est autorisé, c'est la loi qui le dit. Tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. Article 111.4 du Code pénal. La loi pénale est d'interprétation stricte. Qu'est-ce que vous êtes prêts à encaisser ? C'est ce qu'on devrait demander aux nouveaux-nés. avant de leur donner un prénom.
- #Séphora Pondi
Tu vois tous les livres qui nous entourent et qui font partie de nos vies à toutes les deux, moi c'est vraiment un endroit où je puise une forme de confiance, même si Dieu sait qu'aujourd'hui, collectivement, cette confiance est brisée à plein d'endroits et elle est douloureuse et dure à trouver. J'avais envie de finir avec cette question, toi où est-ce que tu puises ta confiance aujourd'hui ?
- #Agathe le Taillandier
Dans ma joie, ça c'est vraiment assez intarissable. Chez moi, elle est... ouais, je ne manque jamais de joie,
- #Agathe Le Taillandier
même quand les choses sont particulièrement angoissantes. et la musique originale composée par PR2B. Nous remercions tous nos premiers soutiens sans qui ce podcast n'aurait pas pu voir le jour. Charlie, Saïd, Lucie, Chantal, Armel et Dominique, Marie et Vincent, Juliette et Gilles, Isabelle et Grégoire. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le, mettez des étoiles sur les applications, parlez-en autour de vous et abonnez-vous pour nous soutenir. Vous pouvez aussi suivre le compte Instagram OpenBook pour suivre les coulisses du podcast et vous tenir au courant de toutes nos nouvelles. Merci beaucoup pour votre écoute et je vous donne rendez-vous dans deux semaines. A très vite !