- Speaker #0
Le monde des petites entreprises est fascinant. C'est un mélange unique de débrouillardise et d'adaptabilité. Mais parfois, on manque de compétences clés pour aller plus loin. Tu le ressens aussi Alors ce podcast est fait pour toi. Je suis Perrine Thiébaut, consultante en transformation numérique et je déniche pour toi les meilleurs outils, méthodes et technologies pour gagner en efficacité. Seule ou avec mes invités, je te partage des conseils actionnables pour avancer en toute sérénité. Alors, prêt à oser l'efficacité
- Speaker #1
On est toujours dans notre semaine thématique d'IA industrielle et dans l'épisode d'aujourd'hui, Jean-Louis Amat va nous partager des retours d'expérience sur les différents projets qu'il a pu mener en 40 ans d'IA. Quels sont les projets d'IA industrielle, le ou les projets d'ailleurs, dont tu es le plus fier
- Speaker #2
Je pense surtout à des choses qu'on a développées en recherche et développement il y a longtemps et qui ont fini par passer en production au bout de plusieurs années. Ça, c'est satisfaisant. Par exemple, en 1993... Nous avions développé pour un centre de recherche de PSA un système d'analyse de texture pour caractériser les cuirs destinés à la fabrication des sièges. On avait configuré un réseau de neurones pour cela, c'était en 1993, mais ça a permis de valider la faisabilité de l'analyse visuelle avec ces techniques au niveau R&D qui ont été utilisées ensuite sur d'autres sujets comme la détection des bords de route en conduite ou l'analyse de la pluie sur le pare-brise pour piloter les essuie-glaces. Ce n'est pas nous qui avions porté ces projets, mais nous avons contribué à défricher le sujet.
- Speaker #1
C'est génial
- Speaker #2
Je peux citer aussi une anecdote amusante. Nous avions été consultés par un centre d'essai de l'armée qui travaillait sur l'analyse de l'impact de munitions et qui nous demandait de caractériser la distribution spatiale des débris après impact. C'était des points dispersés sur une image. Et en regardant les images, on a eu l'idée d'appliquer des algorithmes développés pour analyser les images astronomiques d'étoiles. C'était aussi des points dispersés, c'était visuellement proche, et ça a marché du premier coup.
- Speaker #1
Ah, c'est beau ça Amusant Ah bah oui, il faut avoir la bonne idée, mais derrière, c'est rentable du coup
- Speaker #2
Et dans le même ordre d'idées, j'ai un autre exemple du même genre. C'était un grand du cosmétique qui voulait qu'on traite des images de visages avec des rides pour qualifier l'effet de leur crème anti-ride au cours du temps. Et pour cela, il fallait détecter les rides sur les images avec une bonne précision. Et on a utilisé un algorithme qui avait été développé pour analyser le réseau fluvial dans les images de satellites. C'était prévisuellement proche et ça marchait très bien.
- Speaker #1
Et est-ce qu'on peut le dire si la crème faisait vraiment diminuer les rides ou pas
- Speaker #2
Je n'ai pas eu accès aux résultats.
- Speaker #1
Ah mince, on a juste fourni le logiciel. On ne saura pas du coup.
- Speaker #2
Non, non.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des réussites ou des échecs dans les projets qui t'ont beaucoup appris
- Speaker #2
Je pense déjà qu'on apprend plus de ses échecs que de ses réussites. Ce que j'ai appris, c'est qu'il ne faut surtout pas partir de la technologie. Il faut partir du problème. J'aime bien la phrase de Mark Twain qui dit "Quand on a un marteau en main, tous les problèmes ressemblent à un clou" Je l'utilise souvent. J'ai un exemple. À la demande d'un client, on avait essayé de tester une approche d'IA de l'époque sur de l'optimisation d'images en utilisant la méthode à la mode. C'est un peu comme si on voulait traiter du pilotage de process aujourd'hui avec de l'IA génératif. Ce n'est pas fait pour ça. Le résultat était catastrophique, mais il y a des approches classiques qui marchent très bien pour certains sujets. En fait, la vraie problématique, c'est l'ingénierie au sens d'intégrer plusieurs process ensemble. L'IA avec des techniques classiques. Un pur spécialiste en IA échouera souvent sur des problématiques purement industrielles. Il faut coupler la connaissance process avec la compréhension de l'apport des données. On est clairement dans un processus d'hybridation avec le numérique. Avec toutes les contraintes que ça suppose, mais aussi le potentiel.
- Speaker #1
Hyper intéressant. Je suppose que dans les réussites qui t'ont apprises, je repense aux exemples que tu donnais tout à l'heure, mais le fait que des modèles déjà créés peuvent avoir d'autres utilisations, c'est pas mal comme apprentissage quand même, qui marche du premier coup.
- Speaker #2
Oui, c'est vraiment l'ingénierie au sens ingénieur généraliste. Être capable de faire le lien entre plusieurs problématiques. et ne pas se cantonner à un domaine où on a trop souvent tendance en France à creuser dans un sillon tout droit alors que l'anglo-saxon est plus transversal.
- Speaker #1
Je vois bien. J'aime beaucoup en tout cas la phrase quand on a un marteau en main, tous les problèmes ressemblent à un clou Juste avant de lancer l'épisode, on en parlait en off d'ailleurs, de certains clients qui peuvent venir en disant vouloir faire de l'IA et sans vraiment savoir ce qu'il y a derrière. Du coup, la solution, c'est toujours de revenir au problème et après, on voit si l'IA, d'ailleurs quel type d'IA aussi, parce qu'on a vu que c'était pluriel finalement, peut répondre à sa solution
- Speaker #2
Ça coûte, parce qu'on peut très bien gagner quelques pourcents d'efficacité avec l'IA, à un prix très élevé, qui n'est pas forcément rentable pour l'entreprise.
- Speaker #1
Je pense que c'est aussi un des pièges actuels, là où maintenant, gratuitement, tu peux avoir ChatGPT sur ton PC, de plus se rendre vraiment compte de ce que coûte l'IA en général. Parce qu'effectivement, construire un modèle, le déployer à l'échelle industrielle, on n'est pas sur le même type de projet.
- Speaker #2
Surtout, la protection des données, parce que les données qu'on met dans ChatGPT, on ne sait pas où elles atterrissent. Et si on veut les protéger, ces données, il faut développer son propre outil. Et ça, ça coûte très très cher.
- Speaker #1
C'est ça. Clairement, quand c'est gratuit, c'est toi le produit, on y revient. On ne sait pas exactement ce qu'il en fait, mais on sait que ça lui est utile, les données qu'on lui donne. Ça, c'est sûr. Quelle évolution tu as vue dans l'IA industrielle pendant ta carrière Les grands moments marquants
- Speaker #2
La puissance de calcul des ordinateurs qui est une évidence et la miniaturisation qui en découle. Et du fait qu'il y a de plus en plus d'écrans dans les usines. Pour moi, la principale évolution de l'IA, c'est qu'on ne la voit plus. Elle est dans le process. Il fut un temps, on mettait en avant qu'on utilisait de l'IA. Aujourd'hui, on ne le fait quasiment plus. Je parle dans l'industrie, pas dans les journaux. Mais que ce soit en prix rapide sur un convoyeur, en contrôle qualité de pièces, en optimisation de process, l'IA est totalement invisible. Et pourtant, ça fait 15 ou 20 ans qu'on déploie ces solutions.
- Speaker #1
Là, tu parles des solutions de capteurs, de lecture d'images en temps réel, pour détecter des défauts ou ce genre de choses, ou des couleurs.
- Speaker #2
Pas seulement, j'ai parlé d'optimisation de process. Par exemple, j'ai visité il n'y a pas longtemps l'usine Stellantis à Charleville-Mézières. Ils utilisent depuis 15 ans un système de commande floue qui est basé sur de l'IA, dans la montée en température des fours de fusion. Ça a été dit dans une conférence, donc je peux en parler. Mais voilà, c'est typique. On utilise ça parce que ça marche bien et que c'est la technique adaptée, mais on n'a pas besoin de dire que c'est de l'IA.
- Speaker #1
Ok. Et du coup, concrètement, ça fait quoi, cette optimisation
- Speaker #2
On parle ici de logique floue. Ce sont des techniques qui permettent de combiner des règles entre règles pour piloter un process d'automatisation avec plusieurs paramètres. Donc ça va être trouver la bonne température du four pour qu'il soit le plus performant possible C'est jouer sur plusieurs réglages en même temps pour avoir la meilleure température du four à différents instants.
- Speaker #1
Ok, très bien. Est-ce que tu as des cas qui s'appliquent particulièrement aux PMI, des choses que tu vois qui pourraient être intéressantes pour une petite société industrielle qui voudrait tirer parti de l'IA et de ce que c'est des cas d'usage actuels
- Speaker #2
Plus généralement, je dirais que les PMI vont plus volontiers vers des solutions sur étagère, alors que les groupes ont les moyens de développer une solution en interne. C'est une question de moyens. Il y a pas mal de solutions de vision artificielle, par exemple, qui sont à portée de toutes les PMI. Et on fait beaucoup de choses avec la vision, et il y en a de plus en plus dans les usines. Le déploiement de l'IA, a un coût, il faut savoir l'intégrer dans l'équation économique. C'est surtout ça.
- Speaker #1
Mais du coup, les solutions de traitement d'images, de vision, c'est des choses qu'aujourd'hui, elles sont en mesure de déployer avec des solutions sur étagère. Bien sûr, il faut qu'elles soient rentables. C'est la problématique.
- Speaker #2
Oui, c'est vraiment très répandu, et on en voit de plus en plus. Et la nouveauté, c'est que ces solutions sur étagère, maintenant, elles ont intégré du machine learning.
- Speaker #1
Ça marche. Très clair. Merci pour tous ces exemples. Dans l'épisode suivant, on parlera d'avenir et de l'IA de demain.