- Speaker #0
Le rugby fauteuil, c'est impactant. C'est un sport d'équipe et de partage, clairement. Ce qu'on ressent, c'est une grande fierté, puis de faire connaître notre sport au plus grand nombre. C'est aussi de faire découvrir à des personnes qui sont handicapées notre discipline pour qu'ils puissent eux aussi pratiquer et peut-être être demain les futurs champions.
- Speaker #1
Lui, c'est un champion du présent, par son palmarès, bien sûr. Cédric Nankin est double champion d'Europe de rugby fauteuil avec les Bleus. Et en octobre dernier, il a fini quatrième de la dernière Coupe internationale, l'équivalent de la Coupe du Monde.
- Speaker #2
Et l'année prochaine, on y sera tout en haut. On y sera. OK, les gars ? On ne perd pas la tête et on continue.
- Speaker #1
Mais ce qui irradie chez le colosse de Saint-Denis, c'est la bienveillance et l'inlassable générosité quand il évoque son sport. Ça, c'est l'apanage des grands. Je m'appelle Ludivine Nunez, nageuse. J'ai remporté 12 médailles aux Jeux paralympiques. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte le rugby coteuil. à travers l'histoire de Cédric Nankin.
- Speaker #3
Les premiers fracas des fauteuils retentissent en 1977 au Canada. A l'époque, Ludivine, d'anciens footballeurs et hockeyeurs devenus tétraplégiques, cherche un sport à pratiquer. Tétraplégique, c'est-à-dire qu'au moins trois de leurs quatre membres sont touchés. Le tennis de table, c'est un peu trop léger pour ses adeptes du contact. Le basket, il faut une grande agilité des mains, trop pour certains. Le rugby fauteuil voit donc le jour. Et très vite, il hérite d'un surnom. Le murder ball. Murder, c'est le meurtre en anglais. Pourquoi ? Eh bien à cause de l'agressivité des joueurs, des chocs, des crevaisons et des fauteuils renversés. En France, la discipline émerge en 2005 lors de la candidature malheureuse de Paris aux Jeux de 2012. Il fallait à la Nation Tricolore une équipe et celle-ci prend forme lors de la saison 2007-2008. 2008, c'est précisément le moment où Cédric Nankin termine un BTS d'assistant de gestion PME-PMI. Il cherche alors du travail et en fait la rencontre d'un certain Riyad Salem, membre de l'équipe de France de basket-fauteuil, avec trois éditions des Jeux paralympiques au compteur. A l'époque, Riyad Salem est en train de basculer vers le rugby-fauteuil et il est déjà engagé dans le milieu associatif au travers de CapSport, Art, Aventure, Amitié ou Capsa. Au fil de la conversation, la recherche d'emploi laisse vite place au sport.
- Speaker #0
Au sein de l'association Capsa, il cherchait des joueurs pour créer cette équipe de rugby-fauteuil sur Paris. Parce qu'il n'y avait pas d'équipe de rugby fauteuil ni à Paris ni en région parisienne. Et quand il m'a vu, il s'est dit tiens, lui il a l'handicap qu'il faut pour pratiquer le rugby fauteuil. Et en fait, il m'a expliqué ce que c'était. Je me suis dit non, jamais de la vie. Parce qu'il m'a dit ouais, tu verras, c'est percutant, c'est génial, il y a des fauteuils qui se retournent. C'est génial. J'ai dit ouais, mais je ne vais pas me faire mal, donc ça ne m'intéresse pas du tout. Et en fait, il a su me convaincre et puis j'en suis là aujourd'hui.
- Speaker #1
Dans ce gymnase, Émile-Antoine, plantée à quelques mètres de la Tour Eiffel, Cédric Nankin percute les corps et marque les esprits. Riyad Salem avait vu juste. En 2013, trois ans après ses débuts, Cédric intègre l'équipe de France. L'année précédente, aux Jeux de Londres, les Bleus avaient participé à leurs premiers Jeux paralympiques pour finir huitièmes et derniers. Mais qu'importe, l'histoire était lancée. Le rugby fauteuil est au jeu depuis 2000, mais c'est une passion dans le cœur des Français depuis plus d'un siècle. Alors, tous les quatre ans, ses tricolores progressent. Huitième en 2012, sans Nankin. Septième en 2016, à Rio. Et sixième à Tokyo en 2021, cette fois sans Salem. Nankin est devenu un leader, le co-capitaine des Bleus, et on l'a auréolé d'un surnom.
- Speaker #0
En 2016, il y a quelqu'un qui a demandé à notre directeur sportif de donner un mot sur chaque athlète qualifié pour les Jeux de Rio. Et en fait, il a dit Cédric Lamachine. Mais en vrai, dans la réalité, il n'y a personne qui m'appelle comme ça, clairement. Mais les médias adorent.
- Speaker #3
Le surnom de Cédric Nankin est peut-être une affaire de journaliste, Ludivine, mais la réalité sur le parquet rappelle bien quelque chose de mécanique, d'implacable. Souriant et avenant, son visage se ferme une fois le ballon en jeu. Et Riyad Salem le dit, le Martiniquais est redouté par les attaquants du monde entier.
- Speaker #0
Je ne sais pas si c'est réel après, moi. Mon but, ce n'est pas de faire peur. Mon but, c'est vraiment de réussir à bloquer. Et après, le reste, c'est de gagner des matchs. C'est ça le plus important.
- Speaker #1
Pour gagner des matchs, il faut marquer des essais et donc franchir la ligne d'embute adverse avec le ballon et les deux roues du fauteuil. En revanche, pas besoin d'aplatir comme au rugby olympique. Autre différence entre les deux disciplines, au rugby fauteuil, les rencontres se jouent en intérieur sur un terrain de basket et avec un ballon rond. Un ballon de volleyball, moins compliqué à manipuler qu'un ballon ovale. Lorsqu'on inscrit un essai, on inscrit un point. Les matchs internationaux dépassent généralement les 40 essais, voire les 50 pour chacune des deux équipes. Dans le jeu courant, si on a la balle, il faut dribbler au sol, une fois toutes les 10 secondes, ou bien faire une passe. Les passes vers l'avant sont ici autorisées, et certains essais ressemblent à des touchdowns de football américain. Chaque match dure 4 fois 8 minutes, soit 32 minutes en tout. Il y a peu de temps mort puisqu'en attaque, on a seulement 40 secondes pour marquer un essai. Et s'il y a essai, Roland, l'équipe adverse a 10 secondes pour mettre en jeu et amorcer une attaque à son tour.
- Speaker #3
Pour ce qui est de la composition, il y a 4 joueurs ou joueuses par équipe. Le rugby fauteuil est un sport collectif mixte. Mais il y a tout de même des règles quant à la composition des équipes. Elles sont liées à la classification des handicaps. Celui de Cédric Nankin, c'est une agénésie congénitale, une malformation des quatre membres.
- Speaker #0
Ma classification est de 1.5, donc je fais partie de ce qu'on appelle les middle points, qui sont ni haut ni bas comme joueurs et mon rôle, ça va être un rôle de défenseur. En fait, je vais être très peu amené à marquer des essais, même si ça peut le faire à des moments donnés, mais mon rôle vraiment, c'est de faire du bloc pour empêcher la progression de mon adversaire. éviter qu'il puisse aller marquer des essais ou qu'il puisse aller faire lui-même un bloc sur un de mes collègues qui va avoir du coup un handicap moins important.
- Speaker #3
Chaque joueur de l'équipe se voit attribuer un nombre de 0.5 à 3.5 en fonction du handicap. Plus vous êtes entravé dans votre pratique, plus votre chiffre est petit. De 0.5 à 1.5, comme Cédric Nankin, le torse est moins mobile et les membres moins agiles. Il s'agit ici des défenseurs. Un athlète 0.5 est étraplégique, c'est le cas par exemple de l'international français Corentin Le Gouen. De 2.0 à 3.5, on retrouve les attaquants, comme Jonathan Iverna, classé 3 et serial scorer des Bleus. Le Toulousain est atteint de la maladie de Charcot, une maladie neurologique héréditaire et dégénérative. Les handicaps représentés au rugby fauteuil Ludivine sont des handicaps moteurs assez importants, dits tétraplégies et assimilés. La poliomyélite, les paralysies moteurs d'origine cérébrale, les dystrophies musculaires, les handicaps neurologiques et amputations.
- Speaker #1
En tout, l'ensemble des 4 athlètes d'une équipe sur le parquet ne doit pas excéder 8 points, sauf si des femmes sont alignées. Chaque femme offre en effet un bonus de 0,5, c'était le cas de la britannique Kylie Grims, titrée en rugby fauteuil. aux Jeux paralympiques de Tokyo. Mais revenons à ce rôle de défenseur qui a valu à Cédric Nankin ce surnom de machine Défendre, c'est bloquer. Bloquer, c'est aller au contact.
- Speaker #0
En fait, on a le droit à pratiquement tous les contacts de fauteuil, mais aucun contact physique. C'est-à-dire que si je fais un contact physique, je crée une faute. Sur certains contacts de fauteuil, il y a des retournements de fauteuil. Et si la personne nous tombe dessus, par exemple, c'est elle qui va créer la faute.
- Speaker #1
En résumé, on peut heurter le fauteuil d'un adversaire, on peut toucher le ballon lorsque l'adversaire l'a en main, mais la main directement ou toute autre partie du corps, non. Les fautes défensives envoient le joueur fautif en prison, pour une minute, comme au hockey sur glace. Et les fautes offensives signifient seulement ballon. rendu à l'adversaire. Il faut enfin signaler que deux types de fauteuils existent. Les fauteuils défensifs avec une grille à l'avant, une sorte de rectangle métallique pour percuter le fauteuil adverse mais aussi pour l'accrocher et donc le priver de mouvement. Et les fauteuils offensifs, plus rapides et seulement équipés d'un pare-choc circulaire. Dans tous les cas, les joueurs sont solidement sanglés sur leur monture.
- Speaker #4
S
- Speaker #3
Vous l'aurez compris, le rugby fauteuil exige une grande condition physique. Pour Cédric Nankin, il y a deux entraînements de rugby par semaine avec son club de l'association Capsa et tous les jours, de la préparation physique. Mais si l'équipe de France a progressé ces dernières années, c'est grâce à des stages réguliers, deux jours et demi par mois, avec un aspect travaillé tout particulièrement.
- Speaker #0
L'idée, c'est de travailler toute la partie tactique, d'aller chercher... Cet esprit collectif et de travailler les schémas de jeu, des schémas d'attaque, c'est vraiment ce qu'on travaille.
- Speaker #3
La progression est évidente, avec notamment ces deux trophées de champions d'Europe glanés en 2022 à Paris et en
- Speaker #5
2023 à Cardiff.
- Speaker #3
Mais que valent ces succès dans un sport dominé par les Etats-Unis, l'Australie, le Japon ou le Canada ? Bref, que des nations extra-européennes ? Eh bien, la réponse se trouve sans doute dans les deux succès contre les Britanniques, champions paralympiques en titre, lors de ces aventures continentales, notamment en finale 2023.
- Speaker #1
Une ascension confirmée au niveau mondial lors de la Coupe internationale. On l'a dit au début de cet épisode, Roland. Dans cet équivalent de la Coupe du Monde, la France a terminé quatrième en octobre, son meilleur résultat dans la compétition. Les bleus de Cédric Nankin y ont défait la Nouvelle-Zélande, le Japon et ont même fait jeu égal avec les Américains en poule.
- Speaker #0
Allez,
- Speaker #3
c'est fini.
- Speaker #0
On peut les applaudir les Français qui échouent finalement à deux points. Des Américains les numéros mondiaux qui s'imposent 53-51 face aux Français.
- Speaker #1
Un revers rageant pour les bleus, puis un autre en demi-finale face au Canada. 51-50. Mais ces résultats sont prometteurs. Alors pour le Martiniquais, le meilleur est à venir, n'est-ce pas ?
- Speaker #0
Je pense que le meilleur est à venir parce qu'on voit qu'on a franchi un cap depuis les championnats d'Europe de 2022, notre premier titre de champion. Après, il y a eu quelques changements apportés à cette équipe et je pense qu'ils ont été pour le moment judicieux parce qu'on a des résultats qui sont plutôt historiques. Quand il y a les 8 meilleures nations mondiales sortir 4e, C'est beau, même si on se dit qu'on a un peu la médaille en chocolat, mais le plus important, ça va être aux Jeux à Paris, d'aller chercher la plus belle des médailles.
- Speaker #3
Lors Paralympique, ce serait assurément un exploit pour des Bleus qui n'ont remporté que deux de leurs douze matchs disputés sur trois éditions des Jeux Paralympiques. Mais Cédric Nankin est habité par cette conviction. Sans doute parce que rien ne le fait rêver, comme les Jeux. Son plus beau souvenir, c'était en 2016.
- Speaker #0
La cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques à Rio, c'était juste énorme. On se dit, waouh, tout le travail qu'on fait jusqu'à là, c'est pour arriver à ça. Parce que les Jeux, c'est quelque chose de magique, je pense, pour tout le monde, pour tout athlète en tout cas. Et pouvoir y participer, waouh, c'est fort. C'est très, très fort.
- Speaker #3
Alors quand on lui demande quand est-ce qu'il pense aux Jeux et à la médaille d'or ?
- Speaker #0
Matin, midi, soir.
- Speaker #1
Ce tournoi paralympique du 29 août au 2 septembre survient donc à un tournant de l'histoire des Bleus. Il s'agit tout à la fois de poursuivre une progression et d'atteindre le sommet. Cédric Nankin jouera à domicile sur le champ de Mars, à quelques pas du gymnase Émile-Antoine, où il a fait ses débuts en rugby fauteuil et où il s'entraîne toujours. Un signe ? Peut-être bien.
- Speaker #4
Merci.