Description

La question demeure : comment font-ils ? Comment font ces artistes non-voyants et mal-voyants pour développer un tel football collectif ? Le Cécifoot est une émotion qui confère au magique. Comme le sourire d’Hakim Arezki, la quarantaine aussi solide que magnifique. Le défenseur des Bleus connaît les hauteurs d’une finale paralympique. En 2012, à Londres, la France avait arraché l’argent, seulement battue par le Brésil. Cette année, ses partenaires et lui veulent faire mieux chez eux à Paris. Mais alors, comment faire tomber le quintuple champion paralympique auriverde ? et tout simplement comment parvenir à jouer au Cécifoot ?  

Les épreuves de Cécifoot aux Jeux de Paris 2024 ont lieu du 1er au 7 septembre au Stade Tour Eiffel. 

PAR Amour du sport est un podcast de Paris 2024 de 22 épisodes, soit un épisode par discipline présente aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Chaque sport, son histoire, ses règles, le niveau de performance qu’il requiert, est raconté à travers le parcours d’une ou d’un athlète. Les épisodes sont publiés dans l’ordre de l’apparition des sports aux Jeux Paralympiques d’été depuis la première édition à Rome en 1960. A l’époque, il y n’avait que huit disciplines en compétition, six d’entre elles sont toujours présentes : le Para athlétisme, la Para natation, l’Escrime fauteuil, le Basket fauteuil, le Para tir à l’arc et le Para tennis de table.

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Transcription

• Hakim Areski

  Le cécifoot est l'adaptation du football pour les personnes mal et non voyantes. C'est du 5 contre 5. Vous avez 4 joueurs non voyants. et un gardien voyant. Mais c'est quelque chose aussi qui m'a aidé dans ma reconstruction, dans ma rééducation après avoir perdu la vue. Donc c'est quelque chose qui m'a réellement rendu autonome. On fait nos matchs grâce à un certain nombre d'éléments autour de la sensation sonore, autour de l'écoute. Et ça, c'est quelque chose qui m'aide beaucoup dans ma vie quotidienne.

• Ludivine Munos

  C'est la trajectoire d'un miraculé dont il est question ici. Hakim Areski aurait pu perdre la vie. il y a 23 ans. Au lieu de ça, ce fan de foot a survécu et s'est forgé un palmarès étourdissant en Sessifoot. Hakim est entre autres double champion d'Europe et vice-champion paralympique. Je m'appelle Ludivine Munoz, nageuse. J'ai remporté 12 médailles aux Jeux paralympiques. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte le Sessifoot à travers l'histoire d'Hakim Arezki.

• Roland Richard

  Le cécifoot Ludivine, c'est une histoire déjà centenaire. Dès les années 20, on le pratique en Espagne. Le ballon rond avec Grelot débarque ensuite au Brésil dans les années 60. Vous allez voir, ça aura son importance. À la fin du siècle dernier, des règles internationales sont instaurées et les premiers championnats d'Europe se tiennent en 1997, en Espagne évidemment. La même année, le Brésil s'impose lors des premiers championnats américains de sessifoot. Et l'année suivante, en lors des premiers championnats du monde. À cette époque, Hakim Areski est encore un simple adolescent de 15 ans. Né en Algérie, à Zazga, il est fan et joueur de football. En 2001, la Kabylie où se trouve Zazga est en proie à des manifestations réprimées dans le sang. Le 27 avril 2001, Hakim, lycéen comme les autres, a tout juste 18 ans et il participe à une de ces manifestations. La réponse des autorités est brutale. Les gendarmes tirent sur la foule, Hakim est touché à la tête et au tendon d'Achille. Il frôle la mort. Trois autres manifestants décèdent. Le jeune homme est rapatrié en urgence en France par son papa où les chirurgiens parviennent à sauver et sa vie et son pied, mais pas sa vue.

• Hakim Areski

  Après les multiples interventions chirurgicales, les soins, la rééducation, j'ai intégré l'Institut national des jeunes aveugles à Paris. C'est là-bas que j'ai rencontré pour la première fois le CCFoot. Ça s'est fait lors d'une séance de découverte. Et sincèrement, au début, j'étais vraiment intrigué parce que je n'en ai jamais entendu parler. Et en fait, c'était en 2004 donc. Et je suis allé à cette séance de découverte. Et je crois que je suis tout simplement tendu amoureux de ce sport.

• Ludivine Munos

  20 ans d'amour célébrés au Jeu de Paris. Le symbole a de l'allure. C'est depuis 2004 que le SessiFoot compte parmi les disciplines paralympiques. À Athènes, les Brésiliens raflent l'or. Et pour faire très court, ils n'ont perdu aucun tournoi paralympique. Cinq éditions, cinq médailles d'or. Mais en 2004 donc, les débuts sont laborieux pour Hakim.

• Hakim Areski

  Très très compliqué. J'ai failli relancer plusieurs fois. Mais voilà, le plaisir que j'avais avant à pratiquer le football, j'ai commencé à le retrouver dans la cécifoute. Bouger sur le terrain sans aucun apport au niveau du guidage, en tout cas physique, sans cannes, sans chien guide, sans personne. Des sensations... tellement plaisante que je ne peux pas faire un autre sport à la place du Sessifoot.

• Roland Richard

  Les règles du Sessifoot, Ludivine, offrent en effet une grande liberté aux participants, qui sont tous non-voyants. La seule contrainte est que les quatre joueurs de chant de chaque équipe doivent porter un masque occultant afin d'égaliser les handicaps. En revanche, le gardien est voyant. Comment se repèrent les joueurs alors ? Eh bien sur un terrain de 40 mètres de long sur 20 mètres de large, un terrain de handball mais en extérieur, c'est le son qui est primordial. Alors, on a tout de suite pensé aux ambiances de feu de Paris, Marseille, Liverpool ou Madrid. Au Sessifoot, le public doit se taire ?

• Hakim Areski

  Notre public ressemble beaucoup au public du tennis. C'est un public qui, bien évidemment, vit pleinement la partie. mais respecte le fait que nous, on a besoin d'entendre le ballon, on a besoin d'entendre les informations, que ce soit nos équipiers, que ce soit les adversaires.

• Ludivine Munos

  Et oui, les explosions de joie n'interviennent qu'après les buts. Mais pendant les demi-temps de 15 minutes, il y a sinon le grelot du ballon. Et puis un joyeux mélange de phrases et mots prononcés tour à tour. Par le gardien voyant, on l'a dit, pour placer sa défense, et par un guide positionné derrière le but adverse pour donner des indications offensives. Et enfin, il y a comme au foot olympique, la communication entre joueurs.

• Hakim Areski

  On ne voit pas, on ne peut pas se faire des gestes de loin, on ne peut pas lever la tête et regarder notre coéquipier, mais on va l'entendre parce qu'il va émettre un son, un appel, là où tu sais. Je dis ça comme ça, ça veut tout et rien dire, mais nous on sait ce que ça veut dire et en fait le joueur va se diriger à l'endroit où on avait travaillé ensemble.

• Roland Richard

  Le son est donc de la partie à tout instant. Le sélectionneur peut lui aussi aider son équipe. Un simple mot crié, droite, indique à ses joueurs que l'espace est libre de ce côté. Mais c'est au joueur de décider si oui ou non, c'est bien à droite qu'il faut attaquer. Enfin, l'adversaire doit également se signaler en espagnol lorsqu'il va au duel et défend. Voye, traduction, je viens, j'arrive, en français, objectif, limiter les collisions.

• Ludivine Munos

  Le cécifoot, Roland, c'est donc un football extrêmement rythmé, favorisé par des barrières le long des lignes de touche sur lesquelles le ballon peut rebondir. Il y a des fautes, bien sûr, mais pas de hors-jeu, un peu comme au foot à cinq finalement. Et il y a de la tactique. Alors on a demandé à Hakim de nous parler du style des Bleus.

• Hakim Areski

  Je crois que l'équipe de France, c'est... C'est parmi les équipes qui jouent le plus collectif en Suède. Généralement, on est une équipe qui joue en 1-1-2, c'est-à-dire un défenseur, un milieu de terrain et deux attaquants sur les côtés. Mais c'est un schéma qui bouge énormément selon le ballon, si on l'a ou on ne l'a pas.

• Roland Richard

  Cette adaptation perpétuelle, elle se travaille à l'entraînement, bien sûr. Hakim Areski a 41 ans, mais il passe sa vie sur les terrains, avec son club de Bondy, en région parisienne, comme avec l'équipe de France.

• Hakim Areski

  Aujourd'hui, je suis à un entraînement, voire deux par jour. J'ai des entraînements collectifs avec le club, j'ai des entraînements collectifs avec le Pôle Paris, c'est que des joueurs de l'équipe de France qui habitent en région parisienne, et une fois par mois, un regroupement équipe de France.

• Ludivine Munos

  Quand on parle avec Hakim, on le sent en mission. Il a tout connu avec la France. La gloire d'abord, ses premières sélections en 2009 à l'Euro et un titre continental d'emblée. Une médaille d'argent paralympique en 2012. Et puis la désillusion d'un nid moins faste. Une absence de la France aux Jeux de Rio en 2016 et une huitième et dernière place aux Jeux de Tokyo. L'espoir est revenu malgré tout, avec un nouveau titre européen en 2022. Et cette opportunité historique, celle de jouer... les jeux à la maison.

• Hakim Areski

  On est conscient que ça se passe cette fois-ci chez nous et qu'on n'a pas le droit à l'erreur et que si on veut changer les choses, c'est là-là. Sincèrement, les jeux réussis pour nous, je vais dire la finale. Parce qu'atteindre une finale avec le panel d'équipes qu'il va y avoir à Paris, déjà, c'est une réussite. Après, la grande réussite, bien évidemment, c'est l'or, c'est la première place. Mais je pense que Il faut aller étape par étape.

• Roland Richard

  Étape par étape, match après match, on connaît la rengaine prudente des footballeurs. Mais dans un tournoi à huit nations seulement, chaque rencontre relève bien du défi. Qu'il s'agisse des trois matchs de poule ou bien sûr des demi et de la finale. Et le cadre va sans doute ajouter de la pression sur les épaules des athlètes ludivines.

• Ludivine Munos

  La Tour Eiffel comme première spectatrice pour un tournoi organisé sur le Champ de Mars. Du 1er au 7 septembre, pour aller chercher le titre d'une vie. Avouez, ça fait envie.