Speaker #0Ça se passe dans un centre social, peut-être en 2008, donc il y a une quinzaine d'années. J'interviens dans le cadre d'un chantier jeune. C'est un dispositif où des jeunes accomplissent des travaux qui gagnent un peu d'argent. Et en parallèle, ils ont des ateliers imposés. Cette année-là, c'est mon atelier. Davas, discussion autour de la vie affective et sexuelle. C'est le nom que je donnais à mes ateliers. Ils sont une dizaine, c'est un groupe mixte, motivé, ils se connaissent bien. Elles sont deux adolescentes, je dirais 14 ans. L'une est très curieuse, intéressée, a posé mille questions, sur la contraception surtout. Elle ne rate pas une journée, elle arrive en avance. Avec le centre social, nous sommes fiers de nous, c'est une première, et nous avons l'impression d'avoir répondu à un réel besoin. L'autre, muette, les yeux grands ouverts, elle écoute tout ce que je raconte, ne décroche pas un mot, mais je la sens très présente. Pour la première, Six mois après l'atelier, elle fugue. Le temps que le délai de droit à l'avortement soit dépassé, elle projetait une grossesse. Elle dira à sa référente que les ateliers lui ont permis de savoir comment procéder pour faire en sorte de ne pas avoir à être confrontée à ses parents qui pourraient vouloir qu'elle avorte. La fugue, c'était une garantie de poursuivre une grossesse. Pour la seconde, le dernier jour du chantier, elle vient me voir. Elle est restée bloquée sur la question de genre et d'identité. Une révélation pour elle. Elle ne savait pas que ce qu'elle vivait pouvait avoir une issue. À l'époque, il y a peu d'outils sur ces thématiques. Elle est garçon dans un corps de fille, dit-elle, elles ne pensaient pas que quelqu'un d'autre puisse vivre la même chose qu'elles. Je lui donne le lien du documentaire « Nous n'irons plus au bois » . Elle m'a écrit une lettre de rémission de deux pages. Elle en est convaincue. Sa vie va changer. Dix ans plus tard, alors que j'anime un long module de Davas dans une école, la responsable me dit que je vais avoir une belle surprise, quelqu'un que je connais et qui me demande de ne pas réagir quand je le vois, que cette personne préfère que l'on se parle à la fin du cours. Je rentre dans la classe et immédiatement, je le reconnais. Changement d'apparence, changement de nom, la transition est complète. Il ne lui manque plus qu'une chose, il me demande à ce que je l'aide à le dire à ses camarades avec qui il suivra les cours pendant 7 mois. Facile ! Depuis 20 ans, je commence toujours les cours avec un jeu. Deux vérités et un mensonge sur soi. Le groupe doit trouver le mensonge. Il dit « Avant, j'étais une fille » . Ils comprennent très vite que ce n'est pas le mensonge. Et voilà, ils savent, ils acceptent. Ils se confient sur leurs propres histoires. Chacun connaît une personne, un membre de la famille, de telle ou telle orientation ou identité sexuelle. Une connaissance proche qui est en questionnement sur une transition. Et on passe à quelqu'un d'autre. Aucun accrochage, ni discrimination dans le groupe pendant ces 7 mois. Extrait : Dans quelques heures, ils rencontreront enfin leur bébé. S'il est garçon, pour l'instant, la surprise reste intacte. Vous ne m'avez jamais posé de questions au départ ? si je voulais le connaître ou si je voulais pas le connaître. Ensuite, on en a discuté. Toi, tu avais un peu plus d'inclination. Tu voulais pas savoir. Ça nous permettrait de lui avoir laissé un champ plus ouvert que si pendant 9 mois ou 8, on s'était dit... c'est un garçon, il fera ça, c'est une fille, elle ressemblera à ça, trois ans, elle jouera à tel jeu, etc. Donc du coup, ça permet de ne pas déjà avoir toute sa vie de tracé avant même la naissance. J'en ai tiré une leçon. Personne ne peut savoir ce que les participants et les participantes viennent chercher dans un atelier sur la vie affective et sexuelle, et surtout ce qu'ils y trouvent et elles y trouvent. Durant cet épisode 4, ainsi que l'épisode 5, je vous partagerai... 13 autres leçons que j'en ai tirées. En préambule de ces leçons, je voudrais vous dire que je pensais écrire sur des ateliers vie affective et sexuelle de la personne en situation de handicap, une de mes spécialités. Puis j'ai discuté avec une jeune fille sur les questions de la première fois, de la virginité, des peurs et de la peur de la pénétration et aussi d'une potentielle asexualité. En un mot, mais en scrollant sur Insta, je me suis souvenu des raisons qui m'ont amené à créer le podcast. Parlons cul-ture. Depuis quelques années maintenant, je vois sur Instagram des tas de comptes de sexologues ou autres appellations, sans véritablement me retrouver dans ma pratique et mon expérience de plus de 20 ans. Je ne m'y retrouve pas dans ma pratique en cabinet, ni dans le sens et les contenus des ateliers sur la vie affective et sexuelle. que j'ai animé et que j'anime encore. Je suis allée dans des centaines d'établissements, scolaires, pénitentiaires, de formations. J'ai rencontré tous les âges, vraiment, même en halte-garderie. Des personnes en situation de handicap, mentale, léger à lourd, handicap moteur. J'ai animé des ateliers ponctuels ou réguliers. On va dire que je suis intervenue auprès de personnes âgées entre 4 ans et 30 ans. Donc je me suis souvenue. que j'avais envie, que j'avais besoin de parler de mon métier. Je sais que les anecdotes sont parlantes. J'ai longtemps hésité à en raconter pour m'assurer de ne pas rompre la confidentialité. Mais là, je crois que c'est le moment. Challenge de ces deux épisodes, car oui, un, ça serait trop long et trop dense. Je vais vous raconter des situations et vous révéler ce que j'en ai appris, les leçons que j'en ai tirées. Ainsi, j'espère qu'elles seront utiles à mes collègues, les nouveaux métiers de l'EARS et vous tous, car ça concerne tout le monde. Cette fois, mes petites souris curieuses, je vous emmène avec moi en intervention. Bonjour, je suis Nora Lounas, la personne qui va animer l'atelier sur la vie affective et sexuelle. Donc, après cette leçon 1, personne ne peut savoir ce que les participants et les participantes viennent chercher dans un atelier EARS et ce qu'ils y trouvent. Leçon 2, ne pas présager ce qu'ils connaissent de leur corps et du reste. Elle a une vingtaine d'années. Comme pour beaucoup, elle vient me voir à la fin du cours. D'ailleurs, je les y invite fortement. Je leur dis... Pendant la pause et à la fin du cours, je reste dans la salle si besoin. Elle me demande comment faire pour avoir le même anus que sa sœur. Bon, grand silence intérieur. Elle me dit que sa sœur, pendant la sodomie, n'a jamais mal, car son anus reste ouvert. Elle voudrait un anus qui ne ferme pas, car le sien ferme, et pendant et après, elle a mal. On retourne dans la salle et on sort les planches anatomiques et tout le tintouin. Il a 12 ans, il vit en foyer, il parle fort, rigole, mais se montre intéressé. C'est lui qui ose la phrase habituelle. « Au fait, madame, j'ai une question, mais je ne sais pas si vous allez pouvoir me répondre. » « Allez, vas-y, je suis là pour ça et mes oreilles peuvent tout entendre. » « Comment faire pour être sûre que les filles aient mal pendant que je leur fais l'amour ? » « Pourquoi tu veux qu'elles aient mal ? » « Ben, parce que les filles, elles aiment ça. » « Comment tu le sais ? » Tu leur as demandé ? Ben non. Mais vous ne regardez pas le porno ? Dans les films, les filles, elles crient. Petites et grandes explications pour lui et pour tout le groupe. Il a 9 ans. Deux anecdotes le concernant. Il est convaincu que sa mère est vierge. Il le sait parce qu'il est allé dans une église et il a vu un tableau de la vierge. Et comme sa mère, elle porte le voile. Donc, il en conclut qu'elle est vierge. On discute et on démêle. Chaque information sur le corps le fait halluciner, surtout celle où il comprend ce qu'est l'éjaculation et d'où provient le sperme. Le dernier jour, sa mère vient me voir et me remercie. Son fils lui a parlé des cours. Elle ne savait pas qu'il pouvait éjaculer à 9 ans. Depuis quelques mois, elle lui faisait porter des protections adultes pour la nuit. Elle pensait que suite au décès du père, l'enfant urinait dans son lit. Un moment magique pour nous. Je veux dire... Les donneurs d'ordre, mes clients, les établissements où j'intervenais devaient batailler parfois pour permettre de telles interventions, surtout pour les plus jeunes, et ce genre de retour est encourageant. Il a 19 ans. Il est en détention depuis un an. Un surveillant où je travaille lui a parlé de moi. À sa sortie de détention, il consulte. Il a une phobie, celle d'être dans l'impossibilité de se toucher et de se laver le gland. A cause de cette phobie, depuis tout petit, c'est sa mère qui le lavait, et même plus grand, jusqu'à ce qu'il ait des copines. Mais en détention, personne pour le laver, forcément. Plus classique et courant. Si je couche avec ma femme et qu'elle est enceinte d'une fille, si j'éjacule, je peux mettre ma fille enceinte ? Ou alors, si je couche avec ma copine enceinte, pour mon bébé c'est de l'inceste ? Elle a 17 ans, elle est fière comme tout ? et dit, devant toute la classe, il me reste encore 3 ans et mon hymène repoussera. Un médecin lui aurait dit que l'hymène repousse au bout de 7 ans. Elle s'abstient depuis 4 ans. Replenche anatomique et support. Leçon 3. Ne pas croire que nous, intervenants et intervenantes, nous savons tout sur le corps. Je suis très joueuse. Pendant mes interventions, il y a toujours des jeux, notamment un genre de qui-est, mais avec les organes génitaux et les alentours. Post-it sur le front, fiche d'anatomie prête à être dégainée, règles du jeu bien établies, on rime, on ne se moque pas, on ne se prend pas en photo avec le post-it sur le front, on ne joue pas aux devinettes. Et on pose des questions, pas de gestes, soit la routine. J'ai beaucoup appris sur le corps humain et j'ai appris à ne jamais être trop catégorique. Alors que nous parlons grossesse, une jeune femme fait une montée de lait phénoménale en plein cours. Elle n'est pas enceinte, elle n'a jamais eu de rapport sexuel, elle est vierge. Un garçon nous explique qu'il a deux urètres et décrit ses jets d'urine. J'ai découvert qu'il y a un nombre incalculable de personnes qui ont trois tétons, plutôt des excroissances de tétons, parce que certains les ont montrés, deux clitoris, deux glands du clitoris, trois seins, un ou trois testicules. J'ai même eu un jeune homme à trois reins. Pas de naissance, mais ça fait toujours son effet pendant un atelier. Pour d'autres raisons, une jeune fille a partagé le fait qu'elle avait un vagin séparé en deux. J'ai un vagin séparé en deux suite à un viol à l'âge de deux mois. Mon père a tenté de cacher le viol en me... poignardant au niveau de la zone génitale et la reconstruction a été très difficile. Elle poursuit qu'elle ne se souvient de rien, qu'elle ne pourra jamais avoir d'enfant, qu'elle n'a plus d'utérus. C'est radical pour calmer les discussions autour des agressions sexuelles. Leçon 4. Il y a un temps pour apprendre, un temps pour agir. Un jeune homme de bonne famille, comme on dit, parmi d'autres qui, dirons-nous, ne sont pas de bonne famille. Tout ce que je dis, il arrive à le retourner, à le mettre à l'envers, dans un sens opposé. Il me dit « Vous avez bien dit ceci et cela. » Ça a l'air d'être ce que j'ai dit, mais non. C'est le contraire. Les autres jeunes me disent « Oui, madame, vous exagérez, c'est vous qui l'avez dit » . Non, non, non, non, je ne l'ai pas dit comme ça. Il a même dit le contraire. Je demande à mon client institutionnel à ce qu'il soit retiré du groupe et je propose plutôt qu'il soit vu en individuel. Parfois, ce n'est pas le bon moment, ce n'est pas le bon moyen. Vous aurez compris qu'il était dans un atelier suite à des crimes sexuels et que son discours et ses stratégies étaient très dérangeants. On parle des IST, du papillomavirus. Elle n'écoute pas. J'insiste quand même. Le lendemain, elle va chez le gynéco. Elle a le papillomavirus. Plus tard, opération et tout ce qui s'ensuit. Elle m'envoie un mail de remerciement. C'est un autre atelier obligatoire. Il y a 8 garçons et une fille. La fille est très agitée. Je la retrouve 3 ans plus tard dans un autre contexte. Elle se souvient de moi et elle me dit que l'intervention était géniale. Je me souviens d'elle, moi aussi. Et je lui dis que j'en doute, car elle m'avait pourri l'intervention. Le cours commence, et effectivement, elle se souvient de tout. Je lui demande alors de m'assister pendant le cours. Elle est hyper convaincante. À la fin, elle me dit, Madame, j'étais jeune, et avec tous ces garçons, je ne pouvais pas donner l'impression que j'étais intéressée par ce que vous disiez. Mais j'écoutais tout. C'est vrai, elle me l'a prouvé. Un jeune garçon, je comprends tout, mais je ne peux pas le faire. En prison, je vais me faire allumer par les autres, entre parenthèses, qui en privé sont venus me voir aussi et m'ont dit la même chose. Dans quelques années, en privé, en couple, je pourrais. Mais là, devant les copains, je ne peux pas. Ce n'est pas vraiment une leçon, mais je répète souvent, comme un perroquet, que je ne suis pas très ambitieuse. Mais des retours comme celui-là me font aimer mon métier encore plus. La leçon 5. Rien ne se dit par hasard. Attention, là c'est du lourd. Probablement la leçon la plus importante pour moi. Ils sont une trentaine, tous mineurs, de 9 à 17 ans. On brainstorm. J'inscris le mot sexualité sur le tableau. Ils doivent me donner environ 40 mots. Les mots classiques, pénis, donc vagin. Alors clitoris, porno, septième ciel, pilule, masturbation. Soudain, une frêle jeune fille silencieuse jusqu'alors dit « suce ma bite » . Dans ma tête, je me dis « oh punaise, la semaine va être chargée » . À la pause, elle vient me voir, calme, et elle me dit « excusez-moi madame d'avoir dit ça, mais j'ai été violée et mon violeur m'a dit ça » . J'ai pas le temps de réagir et elle ajoute « d'ailleurs, Il est là. What the fuck ? Dans ma tête, bien sûr. Tu veux dire, là, avec nous, dans la salle ? Oui, oui, me dit-elle. Tu n'as pas à t'excuser. C'est une erreur, ni une ni deux. Avec l'organisateur, on trouve un prétexte pour que l'agresseur ne fasse pas partie du groupe. Pour lui, on trouvera une autre solution. Erreur de l'institution, une bourde, me dira-t-on. Un groupe mixte, ils sont... une vingtaine. Il y a toujours un garçon ou un jeune homme pour dire « Moi, j'aimerais bien me faire violer par une femme. » Stop. On arrête tout. À ce moment-là, j'interviens, je préviens, voire je menace. Je veux bien rire avec vous. Que l'intervention soit légère, mais le viol, non. On ne rit pas de ça. Et ce jour-là, je poursuis. Vous ne savez pas si dans cette pièce, il y a des personnes qui ont subi un viol. Onze mains se lèvent. Ils ont cru entendre que je leur demandais s'ils avaient subi une agression. 11 personnes sur 20 ont levé la main. On l'appelle sucette. À 13 ans, sur le chemin du collège, son meilleur ami, 13 ans aussi, lui demande si elle veut lui faire une fellation contre des sucettes. Elle ne veut pas avoir l'air bête, elle ne sait pas ce que le mot fellation signifie. Alors, elle dit oui. Pas le temps de réagir, il la pousse dans un buisson, baisse son pantalon de jogging et la force. Aucune possibilité de réagir. Elle est... Sidéré. Elle rentre chez elle, elle raconte tout à ses parents. Dépôt de plainte et tout ce qui s'ensuit. Au tribunal, aucune condamnation. Sauf qu'il est reproché aux parents de la jeune fille de ne pas lui avoir donné d'éducation sexuelle. Et même reproche aux parents du garçon. Triple peine, au collège et dans tout le village. On l'appelle sucette. C'est en maison d'arrêt. Ils apprennent que je suis payée. L'un d'eux dit... J'espère que vous êtes bien payé pour parler avec des gens comme nous. Il précise. Moi-même bien payé, je ne parlerai pas à des gens comme moi. Puis à la fin du cours, il dit qu'il est content d'être en prison et de m'avoir rencontré. Je lui dis qu'on aurait pu se rencontrer autrement, sans passer par la casse-prison. Il comprend qu'il y a des sexologues hors les murs et il me dit, quand je sortirai, je viendrai vous voir et je vous paierai. Leçon 5. Notre responsabilité est grande. Il est 16h45, j'enchaîne depuis 8h45 le matin et il reste 15 minutes avant que je ne rentre chez moi. Au fait madame, c'est vrai qu'il y a des femmes qui veulent tellement un enfant qu'elles n'y arrivent pas ? Je suis sur les rotules, je suis à sec et je lui dis, oui oui c'est possible. Je me perçois que la prochaine fois, quand je serai de nouveau dans l'établissement, que je pourrai revenir sur ce qu'elle me dit ou sur ce que j'ai dit, que ce n'est pas si simple blablabla. Je rentre chez moi et je m'en veux. J'y pense pendant un certain temps, puis ça passe. Quelques semaines plus tard, l'établissement me demande si je peux passer car une jeune femme souhaite me voir. Je sais que c'est elle. Même, je l'espère. Ainsi, nous pourrons échanger davantage. Elle me dit qu'elle est enceinte, qu'elle veut avorter et qu'elle avait envie d'en parler avec moi. Après une vingtaine de minutes d'entretien, je meurs d'envie de savoir ce qu'il en était de sa contraception. Et là, elle me dit... J'ai fait comme vous avez dit. À l'intérieur de moi, je meurs. Comme il y a des femmes qui veulent un enfant et qui n'y arrivent pas, pendant l'acte sexuel, je répétais « je veux un enfant, je veux un enfant » . Comme ça, ça ferait le contraire. Oui, je sais, j'ai merdé. On se revoit et on reparle de ce que sont les méthodes contraceptives. Depuis, quand je suis au bout du bout, j'ai plus de jus, plus d'énergie, j'arrête. Et c'est valable pour la formation, les ateliers, les consultations. N'en déplaise à mes clients et mes patients. Quartier des mineurs. Il en a pour au moins dix ans. Deux chez les mineurs, puis il passera le reste de sa peine chez les majeurs. Pour ses co-détenus, il inspire le respect. Il arrive et me dit « Madame, vous ne devriez pas travailler dans les prisons, dans les écoles, pour prévenir les filles que les mecs sont des loups. » que les filles doivent se méfier des garçons. Je le remercie pour son conseil. Et à la fin de la semaine, il me serre la main et me dit « J'ai compris votre métier. J'ai compris pourquoi vous êtes là. Pour qu'il y ait moins de loups. » Il me remercie. On se revoit cinq ans plus tard. Il est sorti plus tôt pour bonne conduite. C'est un jeune homme cassé, mais qui a envie de s'en sortir. Les autres ne savent pas qu'il est passé par la case prison. Alors on fait comme si on ne se connaissait pas. Il argumente contre les homophobes. Il est intransigeant sur la question des viols et de l'inceste. Il parle des filles avec respect. Il est fier, il a changé et il me le montre. Il me dit qu'il a tellement aimé les interventions en détention. J'ai su plus tard qu'une fois chez les adultes, en détention, il disait aux mineurs « il y a une sexologue qui va venir. Elle est vieille, mais elle va vous apprendre plein de trucs. Faudra pas déconner. » Bon, je suis un peu tombée de haut parce que je pensais qu'en... Lorsque je faisais des interventions en maison d'arrêt, ils étaient hyper corrects avec moi grâce à mon charisme et à mes méthodes. Un groupe mixte. J'avais inventé un jeu qui s'appelait le jeu des boîtes. Des boîtes, et à l'intérieur, j'y plaçais des objets. Dans une des boîtes, il y avait un faux hymène, acheté sur un site internet chinois. Fin de journée, une jeune fille vient me voir, elle a des questions sur la reconstruction de l'hymène. Si sa femme y apprend qu'elle n'est plus vierge, elle est morte. Je lui donne des contacts, puis deux mois plus tard, elle me téléphone. Elle a fait la reconstruction à l'hôpital. En France, il n'y a pas eu de test de grossesse. Et grossesse, il y avait. J'hallucine sur le moment. Ensuite, lorsque je donnerai l'information sur la reconstruction de l'hymen, je penserai toujours à préciser de parler des tests de grossesse, car manifestement, dans cet hôpital, il y a eu un oubli. Je suis dans un établissement qui accueille des personnes en situation de handicap mental. Il me dit « j'aimerais bien avoir trois pénis » . Je lui demande pourquoi, et il me dit « pour plus de plaisir » . Je lui dis que ça ne peut pas arriver. Il me dit « Mais si, comme dans le dessin que vous m'avez montré. » Effectivement, j'utilisais une planche qui, pour montrer comment se produit une érection, il y avait trois pénis pour symboliser le mouvement. Il faut toujours avoir des outils adaptés à l'âge, à la compréhension, et savoir qu'aucun outil n'est parfait. Leçon 6. Ces interventions demandent un grand effort pour les participants et les participantes. Dans un collège, je propose le jeu de l'étoile. Des questions sont données à un groupe et l'autre groupe répond. Certains garçons ont des propos choquants, certaines filles condamnent les agissements de certains garçons. Il faut réguler les propos. Soudain, un garçon se lève et dit à ses camarades « À vous entendre, j'ai honte d'être un garçon. Moi, je ne suis pas comme ça. S'il vous plaît, madame, faites qu'il change. » Ils sont une trentaine, que des garçons. Il a des propos vulgaires, il rit gras, il fait des gestes obscènes. Un garçon dit « Moi, je crois. » que ceux qui en parlent le plus sont ceux qui en font le moins. Puis c'est la pause. Le matin même, j'avais pensé que trop souvent, des filles venaient me voir à la pause et jamais les garçons. Je me suis dit, le problème c'est moi, c'est pas possible autrement. Alors ce jour-là, j'insiste. Je suis disponible si besoin. J'attends deux minutes, puis je me renve dans le couloir. Et là, je vois trois garçons, dont la grande gueule, que je croyais, car, un, il s'excuse, il est vierge. Il n'a jamais eu de rapport sexuel Et il a peur que ses camarades s'en rendent compte. Deux, il me dit que ses deux meilleurs amis sont des filles et toutes les deux ont été violées. C'est pour cela qu'il a tant de mal à vivre sa première fois. Il est terrorisé à l'idée de se comporter comme un agresseur. Et surtout, il a très peur que ses camarades sachent qu'il est vierge. Il est perdu. Il a partagé son secret et après la pause, il est plus calme et ses propos sont plus constructifs. Moi, je vous le dis, 22 ans sexologue, ça donne foi en l'humain. Madame Sexe, c'est souvent comme ça que l'on m'appelle lors des interventions. Voilà, c'est la fin de cet épisode 4, partie 1. Si cet épisode vous a parlé, vous a plu, n'hésitez pas à le partager, à laisser un commentaire ou à me poser vos questions. On se retrouve très bientôt pour la suite de l'épisode, épisode 5, le 14 juin. D'ici là, prenez soin de vous. Et lorsque vous verrez des articles ou une actualité sur l'éducation à la vie affective et sexuelle, pensez à toutes ces situations. Autre point, savez-vous qu'à chaque podcast, un jeu concours est associé ? A chaque fois, un joli lot. Tentez votre chance. 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