- Speaker #0
Pas de messe basse, bienvenue sur le podcast du diocèse de Troyes qui nous permet de donner la parole à des femmes, à des hommes, qu'ils soient laïcs ou religieux, il y sera question de l'actualité de l'église dans l'aube et dans sa dimension universelle. Au micro Aline Baudin et Jean-François Laville du service communication. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue à l'écoute des podcasts du diocèse de Troyes. Alors nous avons le grand plaisir aujourd'hui d'accueillir Joël Jolain. Bonjour Joël.
- Speaker #1
Bonjour Jean-François.
- Speaker #0
Alors vous êtes diacre dans l'Odiocèse de Troyes, vous avez eu des responsabilités dans différents domaines, notamment en matière de pèlerinage, et vous avez été également enseignant, si je ne me trompe pas, au lycée Saint-Joseph à Troyes. Voilà, nous allons en reparler évidemment. Mais aujourd'hui, si nous vous accueillons, c'est pour nous parler des moines de Tibhirine, et notamment, plus particulièrement, d'un des moines que vous avez bien connu, victime du drame de 1996 que personne n'a oublié, le moine Christophe. Alors, Racontez-nous cela Joël.
- Speaker #1
Donc le frère Christophe est venu à Saint-Jo en 1981. En fait à l'époque c'est donc le père abbé de l'abbaye de Tamié qui cherchait une école, un établissement pour accueillir quelqu'un, un moine, un jeune moine pour se former à la menuiserie.
- Speaker #0
Mais il était adulte alors. Oui,
- Speaker #1
il était adulte. Et en fait c'était un petit peu avant sa profession. Nous à Saint-Jo on a dit oui tout de suite. Si bien que cette année-là, il y avait d'ailleurs deux autres adultes qui partageaient la classe de CAP. D'accord,
- Speaker #0
CAP avec des jeunes habituellement de quel âge ? 14 ans ?
- Speaker #1
15 ans, 15-16 ans, en troisième année ils avaient plutôt 16 ans.
- Speaker #0
D'accord, donc c'était un élève adulte ?
- Speaker #1
C'était un élève adulte avec deux autres adultes qui changeaient complètement l'ambiance d'ailleurs d'une classe.
- Speaker #0
Et qui est resté combien de temps à Saint-Jô ?
- Speaker #1
Il est resté une année, l'année de préparation CAP. On avait beaucoup insisté bien sûr sur la partie technique. professionnels, au point de vue de l'enseignement général, il était largement à l'aise.
- Speaker #0
D'accord. Et il venait se former pour quoi faire, concrètement ?
- Speaker #1
Je pense, il y a une chose certaine, c'est que l'abbaye avait besoin d'un menuisier. Il y a un atelier de menuiserie là-bas à l'abbaye, bien équipé, mais il n'y avait pas de gens compétents pour l'utiliser. Donc ça, c'était la première chose. Et puis ensuite, comme il était sur le point de... de faire sa profession de foi. Je pense que c'était un bon moyen aussi d'aller un peu respirer, de sortir un peu de l'ambiance du monastère, peut-être pour confirmer un petit peu une vocation. Mais ça, c'est mon interprétation.
- Speaker #0
D'accord. Quel élève était-il ? Studieux ? Sérieux ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Il était très ouvert, très intéressé, très proche des jeunes. dans Saint-Jo et en dehors, où il faisait d'ailleurs des soutiens scolaires au club des Huches, qui était rue Planche-Léman à l'époque. Voilà, bien sûr, quelqu'un qui était très désireux de se former, et qui ne se limitait pas à ça non plus.
- Speaker #0
Alors, une année de CAP, il a quitté Saint-Jo, vous avez gardé le contact avec lui après ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Donc, régulièrement, nous allons à l'habit de Tamié, encore aujourd'hui. De temps en temps, on va faire un temps de retraite là-bas à l'abbaye. C'est toujours un très grand bonheur de rencontrer tous les frères qu'ils ont connus et qui sont aussi pour nous des amis maintenant.
- Speaker #0
Et quand vous étiez en contact avec lui, est-ce qu'il vous parlait bien sûr de son abbaye, mais est-ce qu'il vous parlait également de l'Algérie, de présence de moines dans ses pays ?
- Speaker #1
Alors, pas trop, parce qu'il avait une expérience déjà. Mais je crois que ça s'était... pas trop bien soldé, il était revenu à l'abbaye et c'est seulement après qu'il a été question de l'Algérieé à l'époque où il était retourné à Tamié puis à Notre-Dame-des-Dombes dans le cadre d'une rencontre œcuménique et c'est là que le père abbé avait lancé un appel pour des frères qui accepteraient de partir en Algérie donc ça, je dirais que c'était je ne sais pas trop dire, peut-être Tchao ! dans les années 87 ou quelque chose comme ça. C'est seulement à ce moment-là que je l'ai entendu vraiment parler d'Algérie et de Tibhirine.
- Speaker #0
D'accord, mais quand il se trouvait déjà là-bas, vous étiez encore en contact avec lui. Vous avez eu des échanges ? Oui,
- Speaker #1
bien sûr, on a eu des échanges avec lui. On était invités à son ordination presbytérale.
- Speaker #0
Alors surviennent les événements de 1996. Quelle a été votre réaction ? Qu'est-ce que vous avez ressenti à ce moment-là ?
- Speaker #1
C'était vraiment très dur, parce que déjà il y a eu toute cette période d'incertitude au moment où les moines ont été enlevés. Et puis, on s'attendait au pire, parce qu'avec le GIA à cette époque-là, on se doutait bien que ça n'allait pas être une affaire simple. Et bien sûr, l'annonce de la mort, ça a été de la colère.
- Speaker #0
De la colère, oui.
- Speaker #1
De la colère, parce que comment assassiner aussi cruellement, bestialement, je dirais, des hommes qui étaient... aimé à Tibérine par la population qui rendait un grand service. Il y avait vraiment des liens avec la population, ils n'étaient pas isolés. Beaucoup de gens travaillaient au jardin avec eux, pour la mécanique. Il y avait vraiment des liens entre la communauté et les habitants de ce petit village. On est allé d'ailleurs à Tibérine il y a quelques années. Oui, oui, beaucoup de... enfin, oui, de la colère.
- Speaker #0
On est dans une religion dans laquelle on parle parfois du pardon.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
C'est possible ou pas ?
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Encore qu'actuellement, on ne sait toujours pas ce qui s'est passé exactement. On a retrouvé leur tête, et uniquement leur tête. Donc à l'entrée de la petite ville de Médéa. Mais on ne sait toujours pas. On ne sait toujours pas ce qui s'est passé effectivement.
- Speaker #0
Alors ce jeudi 20 novembre, il y a une conférence qui est organisée à la Salle Val de l'Ille, boulevard Barbusse, à Troyes, avec le moine trapiste Armand Veilleux, c'est ça ? Un docteur en liturgie, en théologie. Il vient parler des moines de Tibérine et de ce qu'il nomme l'invincible espérance. Qu'est-ce que cette notion évoque pour vous ?
- Speaker #1
Bien sûr que l'espérance pour un chrétien, c'est la foi. C'est la foi profonde des chrétiens. Saint Paul dit, si le Christ n'est pas ressuscité, alors notre foi est vaine. Donc voilà, l'espérance, elle est qu'effectivement, au niveau spirituel, c'est sûr que ces hommes-là, qui sont maintenant d'ailleurs des saints, sont près de Dieu. et puis Et puis l'autre espérance, c'est que ces conflits cessent. Mais malheureusement, on n'en est pas trop là en ce moment. Invincible, oui, parce que c'est une promesse. C'est une promesse du Christ. On l'apprend totalement, même si de temps en temps, on a des périodes de doute, dans tous les cas, de recherche.
- Speaker #0
Ce drame a eu lieu il y a 30 ans maintenant. Quel regard vous portez aujourd'hui sur le dialogue interreligieux ?
- Speaker #1
Je trouve que ça va assez lentement. Il y a des recherches, il y a des essais, il y a des progrès. Mais ça reste... Je crois qu'au niveau humain, c'est assez courant finalement. Il y a des échanges. Après, quand on est au niveau des institutions, le terme n'est pas forcément juste, mais... Ça devient quand même plus compliqué, je trouve, parce que c'est difficile de changer son regard, finalement. Et même s'il y a la volonté au moins de parler, de dialoguer, c'est déjà formidable. Si on pouvait le faire comme ça un peu partout, on n'aurait sûrement pas les conflits qu'on connaît.
- Speaker #0
Ça veut dire que vous restez optimiste ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Je suis plutôt d'une nature optimiste.
- Speaker #0
Si c'est dans votre nature, alors ne changez rien. Merci beaucoup Joël pour ce témoignage. Merci beaucoup.
- Speaker #1
Merci Jean-François.
- Speaker #0
Et à très bientôt. Au revoir.
- Speaker #2
Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Panmès Basse. S'il vous a plu, n'hésitez pas à nous encourager en commentant ou en laissant quelques étoiles sur votre plateforme d'écoute. Nous serons heureux de découvrir vos avis. Vous pouvez également soutenir l'Église catholique de l'Aube en faisant un don sur notre site internet www.catho3.fr C-A-T-H-O-T-R-O-Y-E-S A bientôt !