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Passeurs d'histoires - le podcast de la mémoire

E1 - S'engager par Serge - la présidence d'une association mémorielle

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19min |03/09/2024
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Description

Après une carrière comme haut fonctionnaire de l’Etat au service de la mémoire combattante, Serge BARCELLINI s’engage au sein du Souvenir Français en 2015.

Il devient le Président Général de la principale association mémorielle en France, composée de plus de 170 délégations en France et à l’étranger, et qui rassemble 90 000 adhérents et adhérentes.


Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à s’engager ? C’est quoi être Président Général d’une si grande association ? Pourquoi les associations ont un rôle essentiel à jouer dans les politiques de mémoire en France ? Quelles sont les initiatives mises en place pour commémorer, conserver et transmettre ?

Le Contrôleur Général des Armées (2s) Serge BARCELLINI, spécialiste des politiques de mémoire, témoigne à notre micro de son engagement et de sa passion pour la vie associative mémorielle française. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.


Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ? 


Passeurs d’histoires est un podcast de l’Association Le Souvenir Français, produit par Suniwan.

Retrouvez une nouvelle histoire toutes les deux semaines !


Bonne écoute à toutes et à tous !

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux :

Site internet : www.le-souvenir-francais.fr 

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Serge Barcellini

    L'engagement, c'est les autres. L'engagement, c'est le contraire de l'individualisme. Bienvenue dans Passeurs d'Histoires, le podcast de la mémoire. S'engager par Serge, la présidence d'une association mémorielle. Donc Serge Barcellini. Je suis né en 1951 à Oyonnax-dans-Lens, petite ville au marge du Jura qui a un immense intérêt puisqu'il y a eu le défilé du 11 novembre 1943. Grand défilé des résistants. C'est important parce que j'ai baigné dans la mémoire de la résistance à Oyonnax. J'ai baigné également dans une autre mémoire que celle de léger félicité sont-on-a que strictement personne ne connaît. et qui est celui qui a libéré les esclaves à Haïti en 1793. Et c'est aussi une personnalité importante de la ville qui parle mémoire, qui nous fait parler mémoire. Ma passion pour l'histoire a toujours été forte. J'ai eu toute ma scolarité le prix d'histoire. Ce qui est d'ailleurs un vrai problème, puisque j'ai redoublé également. Les profs n'arrivaient pas à comprendre comment un type pouvait avoir un prix tout en redoublant. Je ne faisais rien ailleurs. Je suis un peu passionné. Je trouve que la vie est ainsi faite. Moi, j'étais au lycée, j'avais créé un club d'archéologie. J'y peux rien. Et puis, j'ai été champion de l'un de tout un tas de choses en athlétisme. J'étais champion du lyonnais. Oui, parce que je ne faisais pas que de la mémoire, je faisais aussi du sport. Mais pour l'histoire, c'était inné. J'ai toujours été passionné par l'histoire, d'où naturellement, je me suis destiné à l'enseignement d'histoire. Donc j'ai fait la faculté de Lyon pour l'histoire. Ayant eu le CAPES, pas eu de chance pour l'agrégation, je l'ai raté d'un demi-point. Donc je suis parti à Moselle comme professeur d'histoire. Et j'ai bifurqué pour suivre Jean Lorrain, qui était nommé ministre des Anciens Combattants en 1981 de Mitterrand. Quelle drôle d'idée, c'est lui qui a choisi d'aller aux anciens combattants. Je m'en ai toujours voulu. Il avait le choix de trois ministères et prend les anciens combattants. Ma vie aurait pu changer s'il avait pris le ministère des PTT, par exemple. Donc je suis allé au ministère des anciens combattants. Et là, membre du cabinet du ministre, donc j'étais relativement jeune, 30 ans, comme chargé assistant parlementaire ou attaché parlementaire, on disait alors. Au bout de six mois, je me suis dit, je ne vais pas continuer, ce n'est pas possible. Ce n'est pas un métier de toujours se plier aux autres, ce n'est pas mon truc. Donc, j'ai dit à Jean Lorrain, il y a un truc à faire dans ton ministère, nous allons faire le ministère de la mémoire. Là-dessus, j'en ai parlé avec Nora, qui venait de sortir ses grands bouquins sur la mémoire. J'en ai parlé avec Henri Michel, qui était le grand spécialiste de la résistance. J'ai dit, on y va. Donc, on a fait le lancement de la politique de mémoire de l'État. C'était... fin 1981. Et j'ai créé donc le premier service qui s'est appelé la Commission de l'information historique au ministère des anciens combattants. Et c'est ce service, ce tout petit service de quatre personnes qui est aujourd'hui la direction de la mémoire au ministère des armées. Ma carrière pro fait des hauts et des bas comme toute carrière pro. Je passe également d'inspecteur général au ministère des anciens combattants à contrôleur général des armées. Et bon, je continue ma carrière pro, y compris dans Moselle, c'est important, puisque j'ai deux ancrages véritablement, c'est la Lorraine et la mémoire. Approchant du cadre de réserve, car on n'est jamais à la retraite au contrôle général des armées, là j'avais deux possibilités, et pas trois. La première, c'était d'aller dans un organisme d'élus, un conseil général, un conseil régional, non pas en étant élu, mais en étant chargé de mission de quelque chose. ou la vie associative. J'ai opté pour la vie associative et cela d'autant plus que mon prédécesseur au Souvenirs français, Gérard Delboeuf, est contrôleur général des armées. Ça faisait trois ans qu'il me proposait tous les jours de prendre sa succession et ça faisait trois ans que je refusais. Parce qu'en me disant qu'est-ce que je vais aller faire dans cette boutique. Et donc j'ai fait le choix de venir au Souvenir français il y a neuf ans comme président général du Souvenir français. Quand j'ai commencé à regarder de près ce qu'était le souvenir français, je me suis aperçu qu'il était à un moment charnière. Ce que j'appelle un moment charnière, c'est que la vie associative, comme le reste, se développe en fonction de la démographie. Quand s'est créé le souvenir français, en 1887, on n'avait que des combattants de 1870. Ensuite, on n'a eu que des combattants de 14-18. Après la génération de 14-18, qui s'est terminée dans les années 1960, nous sommes passés à la génération D-39-45. qui a été une génération particulièrement importante. Et cette génération de 39-45 a laissé place, à partir des années 2000, à une génération de la guerre d'Algérie. Le souvenir français était par strade générationnelle. Et lorsque je suis arrivé, la strade générationnelle de la guerre d'Algérie avait beaucoup vieilli. Et donc je me suis dit, je vais me retrouver dans un problème de fond, c'est ce qu'on appelle le renouvellement des cadres. Beaucoup plus inquiétant cette fois que les années d'avant. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus rien qui succède après l'Algérie. Donc, lorsque je suis venu, je me suis dit, je vais avoir un véritable problème de rupture générationnelle. C'est exactement ce qui s'est passé. Le souvenir français, le premier problème que nous avons, ce n'est pas les adhérents, c'est les responsables. Trouver des responsables. Alors, avant c'était simple, puisqu'ils avaient fait la guerre. Naturellement, ils voulaient faire la mémoire de la guerre. Aujourd'hui... Trouver des responsables qui n'ont pas fait la guerre et qui n'ont pas fait leur régiment, alors vous leur dites qu'ils font la mémoire combattante, c'est un peu compliqué. Donc nous avons un problème de rupture et je crois que mon principal travail, c'est justement de répondre à ce moment charnière, c'est-à-dire de créer une association qui soit une association intemporelle et qui ne vive plus sur le temps des générations. Je crois beaucoup aux politiques de mémoire et le souvenir français est depuis l'origine une association mémorielle, c'est-à-dire une association qui présente, structure, sauvegarde la politique de mémoire. Ce n'est pas du tout une association d'anciens combattants. Une association d'anciens combattants, comme disait Clémenceau, c'est ils ont des droits sur nous Ça veut dire qu'une association d'anciens combattants se bat d'abord pour les droits des anciens combattants. Plus de pensions, plus de retraites, plus de décorations. Une association mémorielle ne se bat pas pour les adhérents, elle se bat pour quelque chose qui dépasse les adhérents, par exemple pour le souvenir français, pour la mémoire de la nation. Le souvenir français, on le met entre deux moments forts. A la fois la tradition mémorielle, le dépôt de gerbe, la cérémonie, la rencontre entre les portes-drapeaux. Ça, c'est ce que j'appelle la tradition mémorielle. Et puis, à côté de cette tradition mémorielle, nous avons développé des actions nouvelles qui ont pour but d'aller rencontrer les jeunes générations, ces générations qui n'ont pas connu la mémoire combattante et qui, en fait, ne la connaissent qu'à travers l'enseignement de l'histoire. Et l'idée, c'est comment peut-on prolonger l'enseignement de l'histoire par des actions mémorielles. Parce que c'est ça, le pari, le défi face auquel nous sommes. Alors, au Souvenir français, depuis que je suis arrivé, on a tenté de lancer des initiatives de prolongement de l'histoire par la mémoire. Et ça, c'est au-delà du dépôt de gerbe. C'est, par exemple, le dépôt d'un drapeau dans un lycée ou dans un collège. Ce qu'on appelle la seconde vie des drapeaux. C'est visiter un cimetière avec son téléphone. portable et aller à la rencontre des destins des combattants. C'est-à-dire d'apprendre l'histoire à travers celui qui a été combattant à Verdun et qui est enterré dans son cimetière. C'est créer des routes mémorielles, des chemins mémoriels dans les communes. J'ai géolocalisé des tombes. C'est assez passionnant de voir les jeunes comprendre que cette tombe parle. Cette tombe a une vie, cette tombe peut apprendre l'histoire. Apprendre l'histoire à travers une tombe, c'est quelque chose absolument d'essentiel que cette maison ne savait pas faire. C'est ces moments-là qui sont les plus intéressants. Ils nous ouvrent vers les générations actuelles et ils nous ouvrent vers le temps de la modernité. J'ai déposé deux drapeaux au Japon, l'un au lycée de Tokyo et l'autre au lycée de Kyoto. C'était assez exceptionnel. Ça, c'est un moment fort. J'ai adoré l'histoire du Japon et le tournant de l'ouverture du Japon à la fin du XIXe siècle, lorsque le Japon décide de s'ouvrir au monde moderne. En allant au Japon, c'était cette rencontre entre un pays que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une société que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une civilisation que je ne connaissais pas. Et c'est vrai que c'était absolument passionnant d'aller voir ce monde-là. Et je raconte toujours que ce qui m'a le plus marqué, c'est d'aller à Hiroshima. Ce qui m'a passionné surtout, c'est le cimetière militaire d'Hiroshima qui, lui, n'a pas été atteint par la bombe atomique. Et au milieu du cimetière, il y a un carré de... tombe française avec un magnifique monument du souvenir français 1905 que personne ne connaît que personne ne va jamais voir hiroshima était le principal port militaire au japon et en 1905 lorsque les français allaient se battre en chine la guerre des boxers comme on dit des bateaux français s'arrêtait à hiroshima pour sortir les blessés et les morts et on les enterrait dans le cimetière d'hiroshima et vous avez au milieu de hiroshima au milieu du cimetière français, ce monument du souvenir français avec des tombes de marins français, essentiellement bretons. Ça m'avait beaucoup marqué. Et je suis allé au milieu de ce cimetière en me disant qu'il y a, à travers l'histoire d'Hiroshima, ce tout petit cimetière, vous avez la vraie compréhension de ce qui s'est passé après. Nous avons à la fois une civilisation différente, une politique différente, un axe différent. mais c'est aussi une histoire partagée. J'ai enseigné à Sciences Po et j'enseignais les politiques de mémoire. La mémoire, c'est un tri de l'histoire au temps présent qui dépend formidablement de celui qui trie. Pour moi, c'est essentiel. Alors, ce qui veut dire quoi ? Ce qui veut dire que l'histoire, en finalité, est une science, c'est-à-dire qu'on va toujours au plus profond pour comprendre le temps historique, d'où le renouvellement, puisque si c'est une science, il n'y a pas de raison que ça s'arrête, la connaissance historique, comme les autres sciences, ça ne s'arrête pas. alors que la mémoire c'est tout à fait différent. La mémoire elle pique des moments dans l'histoire. La mémoire de l'esclavage avait totalement disparu. Elle est arrivée en force depuis une vingtaine d'années, c'est-à-dire qu'elle est restée 180 ans oubliée. Et pourquoi l'esclavage est devenu un moment fort des politiques de mémoire ? Parce que c'est lié au temps des droits de l'homme. C'est-à-dire que quand nous sommes aujourd'hui... plus dans une vision des droits de l'homme que dans une vision de l'identité nationale, l'esclavage devient un moment fort des politiques de mémoire. Voilà, c'est comme cela qu'il faut bien comprendre la différence entre mémoire et histoire. Je pense fondamentalement que l'État, les gouvernements ont toujours fait des politiques de mémoire. Toujours. Elles ont simplement évolué. À l'époque de Napoléon Ier, on faisait des politiques de mémoire. À l'époque des rois, on faisait des politiques de mémoire. Napoléon III a été le champion des politiques de mémoire. Il est allé faire des fouilles à Alésia pour montrer que nos ancêtres étaient des Gaulois. On a toujours fait des politiques de mémoire. Ce qui a changé, c'est que depuis... Vingtaine d'années après Mitterrand, les politiques de mémoire se sont imposées comme véritablement des politiques. La grande nouveauté, c'est que les politiques de mémoire aujourd'hui s'affichent comme des politiques. La mémoire était plutôt un moment qui ne s'annonçait pas, qui fédérait les Français, les manuels d'histoire, etc., qui étaient typiquement des politiques de mémoire. Aujourd'hui, on l'annonce, c'est des politiques de mémoire. Et par là même, nous avons un problème. Lorsque l'État est seul créateur de politiques de mémoire, il y a incontestablement un risque de dérive dictatoriale. Les pays de dictature font formidablement des politiques de mémoire. Nous en sommes pas du tout là en France. Néanmoins, dans les États démocratiques, il faut des contrepoints face à toute politique. Et les contrepoints, dans un pays comme la France, c'est la vie associative. La vie associative joue un rôle colossal à tout point de vue. Quand vous avez une politique éducative, vous avez les associations de parents d'élèves, vous avez les syndicats de profs qui sont le contrepoint de la politique éducative, c'est-à-dire qui peuvent dire on n'est pas d'accord, on est d'accord, etc. et qui peuvent mobiliser contre ou avec. La mémoire, c'est la même chose. Puisque c'est une politique, il faut qu'il y ait une force de contrepoint. qui puissent dire on est d'accord ou on n'est pas d'accord, on peut proposer ou on ne peut pas proposer. Je trouve que le rôle du souvenir français, il est là. Le rôle du souvenir français d'aujourd'hui et encore plus de demain. c'est d'être cette association capable de jouer un rôle face aux politiques mémorielles de l'État. La France est le pays de la vie associative. D'ailleurs, la France est le seul pays où il y a eu une loi pour le développement de la vie associative au début du XXe siècle. Ce n'est pas pour rien. La vie associative en France, elle joue un rôle colossal dans l'encadrement de la société. Et c'est ce qui explique aussi la démocratie en France. Moi, je suis de ceux qui y rentrent en créant. J'ai créé un tas d'associations. Moi, il suffit que j'aille en vacances pour créer une association. J'ai créé d'abord une très belle association à Oyonnax qui s'appelait Mémoire de léger félicité Santona ce qui m'a permis d'aller à Haïti rendre hommage à ce grand héros totalement oublié. libérateur des esclaves et de lancer des opérations un peu partout, avec un très beau colloque d'ailleurs. J'ai créé une association à Saint-Quay-Portrieux pour se faire des amis d'enfance lorsqu'on a 60 ans. C'est une très belle association, qui a un rôle évident de fédérer tous les Parisiens en Bretagne, même à la faculté. J'avais créé un syndicat étudiant qui marchait très bien. Et puis, on a fait autre chose après. La vie est ainsi faite. La dernière association que j'ai créée, je l'ai créée juste avant de venir au Souvenir français. Je suis allé pendant trois années m'occuper dans le département de la Meuse, c'est-à-dire Verdun, pour essayer de réfléchir aux politiques de mémoire qui s'approchaient du centenaire. Un département qui fut un des très grands départements de l'économie et de la vie française jusqu'en 1914, qui a donné naissance à des très grands points carrés, maginaux, et un département qui va s'écrouler avec la guerre de 14-18. Ce département, depuis 1918, n'arrive pas à retrouver sa force économique et sa force culturelle et intellectuelle. Alors j'y suis allé, pas pour redonner d'un seul coup la force intellectuelle et culturelle de la Meuse, mais pour faire ce que je sais faire, c'est-à-dire essayer de réfléchir ensemble pour faire des propositions. Donc j'y étais avec le conseil départemental et il m'est apparu que l'enjeu de la Meuse, c'était un enjeu mondial. Car quand je parle de politique de mémoire en France, je crois qu'il y a des politiques de mémoire mondiales. L'UNESCO est un bel exemple des politiques de mémoire mondiales. Donc je me suis dit en Meuse qu'il y avait un enjeu, c'était comment faire de Verdun la capitale mondiale de la mémoire. Il y aura demain des capitales mondiales de la mémoire. La Normandie est aujourd'hui une capitale mondiale de la mémoire. Auschwitz est une capitale mondiale de la mémoire, nous le voyons tous les jours. Hiroshima est une capitale mondiale de la mémoire. Parmi les idées que j'ai défendues, c'était qu'il faut inscrire Verdun au patrimoine mondial. Donc j'ai créé une association et on y a mis les autres lignes de front. C'est-à-dire qu'on a essayé de fédérer les différents départements qui ont eu des champs de bataille de 1914-1918. Ça a été un combat assez exceptionnel, dix années. Dix années pour y arriver, pour aller à l'UNESCO, pour expliquer, pour se battre. pour comprendre. Nous avons réussi cette inscription au patrimoine mondial en septembre 2023. Nous avons inscrit au patrimoine mondial les sites funéraires et mémoriels de la guerre de 14-18. Donc on y est arrivé. On a l'instrument UNESCO, qui est aujourd'hui l'instrument essentiel de la mondialisation culturelle et mémorielle. Donc c'est à travers cette toute petite association qu'on a réussi ce tournant, je crois, au développement de la vie associative. Je crois qu'on ne peut plus... pas construire une initiative hors de l'humain. Je crois que l'humain est fait pour partager avec les autres et je trouve que l'association est le bon moyen de partager avec les autres. Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoire, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, N'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet dont vous trouverez les liens en description. Rendez-vous dans deux semaines, vous découvrez une nouvelle histoire.

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Après une carrière comme haut fonctionnaire de l’Etat au service de la mémoire combattante, Serge BARCELLINI s’engage au sein du Souvenir Français en 2015.

Il devient le Président Général de la principale association mémorielle en France, composée de plus de 170 délégations en France et à l’étranger, et qui rassemble 90 000 adhérents et adhérentes.


Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à s’engager ? C’est quoi être Président Général d’une si grande association ? Pourquoi les associations ont un rôle essentiel à jouer dans les politiques de mémoire en France ? Quelles sont les initiatives mises en place pour commémorer, conserver et transmettre ?

Le Contrôleur Général des Armées (2s) Serge BARCELLINI, spécialiste des politiques de mémoire, témoigne à notre micro de son engagement et de sa passion pour la vie associative mémorielle française. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.


Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ? 


Passeurs d’histoires est un podcast de l’Association Le Souvenir Français, produit par Suniwan.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Serge Barcellini

    L'engagement, c'est les autres. L'engagement, c'est le contraire de l'individualisme. Bienvenue dans Passeurs d'Histoires, le podcast de la mémoire. S'engager par Serge, la présidence d'une association mémorielle. Donc Serge Barcellini. Je suis né en 1951 à Oyonnax-dans-Lens, petite ville au marge du Jura qui a un immense intérêt puisqu'il y a eu le défilé du 11 novembre 1943. Grand défilé des résistants. C'est important parce que j'ai baigné dans la mémoire de la résistance à Oyonnax. J'ai baigné également dans une autre mémoire que celle de léger félicité sont-on-a que strictement personne ne connaît. et qui est celui qui a libéré les esclaves à Haïti en 1793. Et c'est aussi une personnalité importante de la ville qui parle mémoire, qui nous fait parler mémoire. Ma passion pour l'histoire a toujours été forte. J'ai eu toute ma scolarité le prix d'histoire. Ce qui est d'ailleurs un vrai problème, puisque j'ai redoublé également. Les profs n'arrivaient pas à comprendre comment un type pouvait avoir un prix tout en redoublant. Je ne faisais rien ailleurs. Je suis un peu passionné. Je trouve que la vie est ainsi faite. Moi, j'étais au lycée, j'avais créé un club d'archéologie. J'y peux rien. Et puis, j'ai été champion de l'un de tout un tas de choses en athlétisme. J'étais champion du lyonnais. Oui, parce que je ne faisais pas que de la mémoire, je faisais aussi du sport. Mais pour l'histoire, c'était inné. J'ai toujours été passionné par l'histoire, d'où naturellement, je me suis destiné à l'enseignement d'histoire. Donc j'ai fait la faculté de Lyon pour l'histoire. Ayant eu le CAPES, pas eu de chance pour l'agrégation, je l'ai raté d'un demi-point. Donc je suis parti à Moselle comme professeur d'histoire. Et j'ai bifurqué pour suivre Jean Lorrain, qui était nommé ministre des Anciens Combattants en 1981 de Mitterrand. Quelle drôle d'idée, c'est lui qui a choisi d'aller aux anciens combattants. Je m'en ai toujours voulu. Il avait le choix de trois ministères et prend les anciens combattants. Ma vie aurait pu changer s'il avait pris le ministère des PTT, par exemple. Donc je suis allé au ministère des anciens combattants. Et là, membre du cabinet du ministre, donc j'étais relativement jeune, 30 ans, comme chargé assistant parlementaire ou attaché parlementaire, on disait alors. Au bout de six mois, je me suis dit, je ne vais pas continuer, ce n'est pas possible. Ce n'est pas un métier de toujours se plier aux autres, ce n'est pas mon truc. Donc, j'ai dit à Jean Lorrain, il y a un truc à faire dans ton ministère, nous allons faire le ministère de la mémoire. Là-dessus, j'en ai parlé avec Nora, qui venait de sortir ses grands bouquins sur la mémoire. J'en ai parlé avec Henri Michel, qui était le grand spécialiste de la résistance. J'ai dit, on y va. Donc, on a fait le lancement de la politique de mémoire de l'État. C'était... fin 1981. Et j'ai créé donc le premier service qui s'est appelé la Commission de l'information historique au ministère des anciens combattants. Et c'est ce service, ce tout petit service de quatre personnes qui est aujourd'hui la direction de la mémoire au ministère des armées. Ma carrière pro fait des hauts et des bas comme toute carrière pro. Je passe également d'inspecteur général au ministère des anciens combattants à contrôleur général des armées. Et bon, je continue ma carrière pro, y compris dans Moselle, c'est important, puisque j'ai deux ancrages véritablement, c'est la Lorraine et la mémoire. Approchant du cadre de réserve, car on n'est jamais à la retraite au contrôle général des armées, là j'avais deux possibilités, et pas trois. La première, c'était d'aller dans un organisme d'élus, un conseil général, un conseil régional, non pas en étant élu, mais en étant chargé de mission de quelque chose. ou la vie associative. J'ai opté pour la vie associative et cela d'autant plus que mon prédécesseur au Souvenirs français, Gérard Delboeuf, est contrôleur général des armées. Ça faisait trois ans qu'il me proposait tous les jours de prendre sa succession et ça faisait trois ans que je refusais. Parce qu'en me disant qu'est-ce que je vais aller faire dans cette boutique. Et donc j'ai fait le choix de venir au Souvenir français il y a neuf ans comme président général du Souvenir français. Quand j'ai commencé à regarder de près ce qu'était le souvenir français, je me suis aperçu qu'il était à un moment charnière. Ce que j'appelle un moment charnière, c'est que la vie associative, comme le reste, se développe en fonction de la démographie. Quand s'est créé le souvenir français, en 1887, on n'avait que des combattants de 1870. Ensuite, on n'a eu que des combattants de 14-18. Après la génération de 14-18, qui s'est terminée dans les années 1960, nous sommes passés à la génération D-39-45. qui a été une génération particulièrement importante. Et cette génération de 39-45 a laissé place, à partir des années 2000, à une génération de la guerre d'Algérie. Le souvenir français était par strade générationnelle. Et lorsque je suis arrivé, la strade générationnelle de la guerre d'Algérie avait beaucoup vieilli. Et donc je me suis dit, je vais me retrouver dans un problème de fond, c'est ce qu'on appelle le renouvellement des cadres. Beaucoup plus inquiétant cette fois que les années d'avant. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus rien qui succède après l'Algérie. Donc, lorsque je suis venu, je me suis dit, je vais avoir un véritable problème de rupture générationnelle. C'est exactement ce qui s'est passé. Le souvenir français, le premier problème que nous avons, ce n'est pas les adhérents, c'est les responsables. Trouver des responsables. Alors, avant c'était simple, puisqu'ils avaient fait la guerre. Naturellement, ils voulaient faire la mémoire de la guerre. Aujourd'hui... Trouver des responsables qui n'ont pas fait la guerre et qui n'ont pas fait leur régiment, alors vous leur dites qu'ils font la mémoire combattante, c'est un peu compliqué. Donc nous avons un problème de rupture et je crois que mon principal travail, c'est justement de répondre à ce moment charnière, c'est-à-dire de créer une association qui soit une association intemporelle et qui ne vive plus sur le temps des générations. Je crois beaucoup aux politiques de mémoire et le souvenir français est depuis l'origine une association mémorielle, c'est-à-dire une association qui présente, structure, sauvegarde la politique de mémoire. Ce n'est pas du tout une association d'anciens combattants. Une association d'anciens combattants, comme disait Clémenceau, c'est ils ont des droits sur nous Ça veut dire qu'une association d'anciens combattants se bat d'abord pour les droits des anciens combattants. Plus de pensions, plus de retraites, plus de décorations. Une association mémorielle ne se bat pas pour les adhérents, elle se bat pour quelque chose qui dépasse les adhérents, par exemple pour le souvenir français, pour la mémoire de la nation. Le souvenir français, on le met entre deux moments forts. A la fois la tradition mémorielle, le dépôt de gerbe, la cérémonie, la rencontre entre les portes-drapeaux. Ça, c'est ce que j'appelle la tradition mémorielle. Et puis, à côté de cette tradition mémorielle, nous avons développé des actions nouvelles qui ont pour but d'aller rencontrer les jeunes générations, ces générations qui n'ont pas connu la mémoire combattante et qui, en fait, ne la connaissent qu'à travers l'enseignement de l'histoire. Et l'idée, c'est comment peut-on prolonger l'enseignement de l'histoire par des actions mémorielles. Parce que c'est ça, le pari, le défi face auquel nous sommes. Alors, au Souvenir français, depuis que je suis arrivé, on a tenté de lancer des initiatives de prolongement de l'histoire par la mémoire. Et ça, c'est au-delà du dépôt de gerbe. C'est, par exemple, le dépôt d'un drapeau dans un lycée ou dans un collège. Ce qu'on appelle la seconde vie des drapeaux. C'est visiter un cimetière avec son téléphone. portable et aller à la rencontre des destins des combattants. C'est-à-dire d'apprendre l'histoire à travers celui qui a été combattant à Verdun et qui est enterré dans son cimetière. C'est créer des routes mémorielles, des chemins mémoriels dans les communes. J'ai géolocalisé des tombes. C'est assez passionnant de voir les jeunes comprendre que cette tombe parle. Cette tombe a une vie, cette tombe peut apprendre l'histoire. Apprendre l'histoire à travers une tombe, c'est quelque chose absolument d'essentiel que cette maison ne savait pas faire. C'est ces moments-là qui sont les plus intéressants. Ils nous ouvrent vers les générations actuelles et ils nous ouvrent vers le temps de la modernité. J'ai déposé deux drapeaux au Japon, l'un au lycée de Tokyo et l'autre au lycée de Kyoto. C'était assez exceptionnel. Ça, c'est un moment fort. J'ai adoré l'histoire du Japon et le tournant de l'ouverture du Japon à la fin du XIXe siècle, lorsque le Japon décide de s'ouvrir au monde moderne. En allant au Japon, c'était cette rencontre entre un pays que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une société que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une civilisation que je ne connaissais pas. Et c'est vrai que c'était absolument passionnant d'aller voir ce monde-là. Et je raconte toujours que ce qui m'a le plus marqué, c'est d'aller à Hiroshima. Ce qui m'a passionné surtout, c'est le cimetière militaire d'Hiroshima qui, lui, n'a pas été atteint par la bombe atomique. Et au milieu du cimetière, il y a un carré de... tombe française avec un magnifique monument du souvenir français 1905 que personne ne connaît que personne ne va jamais voir hiroshima était le principal port militaire au japon et en 1905 lorsque les français allaient se battre en chine la guerre des boxers comme on dit des bateaux français s'arrêtait à hiroshima pour sortir les blessés et les morts et on les enterrait dans le cimetière d'hiroshima et vous avez au milieu de hiroshima au milieu du cimetière français, ce monument du souvenir français avec des tombes de marins français, essentiellement bretons. Ça m'avait beaucoup marqué. Et je suis allé au milieu de ce cimetière en me disant qu'il y a, à travers l'histoire d'Hiroshima, ce tout petit cimetière, vous avez la vraie compréhension de ce qui s'est passé après. Nous avons à la fois une civilisation différente, une politique différente, un axe différent. mais c'est aussi une histoire partagée. J'ai enseigné à Sciences Po et j'enseignais les politiques de mémoire. La mémoire, c'est un tri de l'histoire au temps présent qui dépend formidablement de celui qui trie. Pour moi, c'est essentiel. Alors, ce qui veut dire quoi ? Ce qui veut dire que l'histoire, en finalité, est une science, c'est-à-dire qu'on va toujours au plus profond pour comprendre le temps historique, d'où le renouvellement, puisque si c'est une science, il n'y a pas de raison que ça s'arrête, la connaissance historique, comme les autres sciences, ça ne s'arrête pas. alors que la mémoire c'est tout à fait différent. La mémoire elle pique des moments dans l'histoire. La mémoire de l'esclavage avait totalement disparu. Elle est arrivée en force depuis une vingtaine d'années, c'est-à-dire qu'elle est restée 180 ans oubliée. Et pourquoi l'esclavage est devenu un moment fort des politiques de mémoire ? Parce que c'est lié au temps des droits de l'homme. C'est-à-dire que quand nous sommes aujourd'hui... plus dans une vision des droits de l'homme que dans une vision de l'identité nationale, l'esclavage devient un moment fort des politiques de mémoire. Voilà, c'est comme cela qu'il faut bien comprendre la différence entre mémoire et histoire. Je pense fondamentalement que l'État, les gouvernements ont toujours fait des politiques de mémoire. Toujours. Elles ont simplement évolué. À l'époque de Napoléon Ier, on faisait des politiques de mémoire. À l'époque des rois, on faisait des politiques de mémoire. Napoléon III a été le champion des politiques de mémoire. Il est allé faire des fouilles à Alésia pour montrer que nos ancêtres étaient des Gaulois. On a toujours fait des politiques de mémoire. Ce qui a changé, c'est que depuis... Vingtaine d'années après Mitterrand, les politiques de mémoire se sont imposées comme véritablement des politiques. La grande nouveauté, c'est que les politiques de mémoire aujourd'hui s'affichent comme des politiques. La mémoire était plutôt un moment qui ne s'annonçait pas, qui fédérait les Français, les manuels d'histoire, etc., qui étaient typiquement des politiques de mémoire. Aujourd'hui, on l'annonce, c'est des politiques de mémoire. Et par là même, nous avons un problème. Lorsque l'État est seul créateur de politiques de mémoire, il y a incontestablement un risque de dérive dictatoriale. Les pays de dictature font formidablement des politiques de mémoire. Nous en sommes pas du tout là en France. Néanmoins, dans les États démocratiques, il faut des contrepoints face à toute politique. Et les contrepoints, dans un pays comme la France, c'est la vie associative. La vie associative joue un rôle colossal à tout point de vue. Quand vous avez une politique éducative, vous avez les associations de parents d'élèves, vous avez les syndicats de profs qui sont le contrepoint de la politique éducative, c'est-à-dire qui peuvent dire on n'est pas d'accord, on est d'accord, etc. et qui peuvent mobiliser contre ou avec. La mémoire, c'est la même chose. Puisque c'est une politique, il faut qu'il y ait une force de contrepoint. qui puissent dire on est d'accord ou on n'est pas d'accord, on peut proposer ou on ne peut pas proposer. Je trouve que le rôle du souvenir français, il est là. Le rôle du souvenir français d'aujourd'hui et encore plus de demain. c'est d'être cette association capable de jouer un rôle face aux politiques mémorielles de l'État. La France est le pays de la vie associative. D'ailleurs, la France est le seul pays où il y a eu une loi pour le développement de la vie associative au début du XXe siècle. Ce n'est pas pour rien. La vie associative en France, elle joue un rôle colossal dans l'encadrement de la société. Et c'est ce qui explique aussi la démocratie en France. Moi, je suis de ceux qui y rentrent en créant. J'ai créé un tas d'associations. Moi, il suffit que j'aille en vacances pour créer une association. J'ai créé d'abord une très belle association à Oyonnax qui s'appelait Mémoire de léger félicité Santona ce qui m'a permis d'aller à Haïti rendre hommage à ce grand héros totalement oublié. libérateur des esclaves et de lancer des opérations un peu partout, avec un très beau colloque d'ailleurs. J'ai créé une association à Saint-Quay-Portrieux pour se faire des amis d'enfance lorsqu'on a 60 ans. C'est une très belle association, qui a un rôle évident de fédérer tous les Parisiens en Bretagne, même à la faculté. J'avais créé un syndicat étudiant qui marchait très bien. Et puis, on a fait autre chose après. La vie est ainsi faite. La dernière association que j'ai créée, je l'ai créée juste avant de venir au Souvenir français. Je suis allé pendant trois années m'occuper dans le département de la Meuse, c'est-à-dire Verdun, pour essayer de réfléchir aux politiques de mémoire qui s'approchaient du centenaire. Un département qui fut un des très grands départements de l'économie et de la vie française jusqu'en 1914, qui a donné naissance à des très grands points carrés, maginaux, et un département qui va s'écrouler avec la guerre de 14-18. Ce département, depuis 1918, n'arrive pas à retrouver sa force économique et sa force culturelle et intellectuelle. Alors j'y suis allé, pas pour redonner d'un seul coup la force intellectuelle et culturelle de la Meuse, mais pour faire ce que je sais faire, c'est-à-dire essayer de réfléchir ensemble pour faire des propositions. Donc j'y étais avec le conseil départemental et il m'est apparu que l'enjeu de la Meuse, c'était un enjeu mondial. Car quand je parle de politique de mémoire en France, je crois qu'il y a des politiques de mémoire mondiales. L'UNESCO est un bel exemple des politiques de mémoire mondiales. Donc je me suis dit en Meuse qu'il y avait un enjeu, c'était comment faire de Verdun la capitale mondiale de la mémoire. Il y aura demain des capitales mondiales de la mémoire. La Normandie est aujourd'hui une capitale mondiale de la mémoire. Auschwitz est une capitale mondiale de la mémoire, nous le voyons tous les jours. Hiroshima est une capitale mondiale de la mémoire. Parmi les idées que j'ai défendues, c'était qu'il faut inscrire Verdun au patrimoine mondial. Donc j'ai créé une association et on y a mis les autres lignes de front. C'est-à-dire qu'on a essayé de fédérer les différents départements qui ont eu des champs de bataille de 1914-1918. Ça a été un combat assez exceptionnel, dix années. Dix années pour y arriver, pour aller à l'UNESCO, pour expliquer, pour se battre. pour comprendre. Nous avons réussi cette inscription au patrimoine mondial en septembre 2023. Nous avons inscrit au patrimoine mondial les sites funéraires et mémoriels de la guerre de 14-18. Donc on y est arrivé. On a l'instrument UNESCO, qui est aujourd'hui l'instrument essentiel de la mondialisation culturelle et mémorielle. Donc c'est à travers cette toute petite association qu'on a réussi ce tournant, je crois, au développement de la vie associative. Je crois qu'on ne peut plus... pas construire une initiative hors de l'humain. Je crois que l'humain est fait pour partager avec les autres et je trouve que l'association est le bon moyen de partager avec les autres. Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoire, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, N'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. 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Après une carrière comme haut fonctionnaire de l’Etat au service de la mémoire combattante, Serge BARCELLINI s’engage au sein du Souvenir Français en 2015.

Il devient le Président Général de la principale association mémorielle en France, composée de plus de 170 délégations en France et à l’étranger, et qui rassemble 90 000 adhérents et adhérentes.


Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à s’engager ? C’est quoi être Président Général d’une si grande association ? Pourquoi les associations ont un rôle essentiel à jouer dans les politiques de mémoire en France ? Quelles sont les initiatives mises en place pour commémorer, conserver et transmettre ?

Le Contrôleur Général des Armées (2s) Serge BARCELLINI, spécialiste des politiques de mémoire, témoigne à notre micro de son engagement et de sa passion pour la vie associative mémorielle française. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.


Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ? 


Passeurs d’histoires est un podcast de l’Association Le Souvenir Français, produit par Suniwan.

Retrouvez une nouvelle histoire toutes les deux semaines !


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Transcription

  • Serge Barcellini

    L'engagement, c'est les autres. L'engagement, c'est le contraire de l'individualisme. Bienvenue dans Passeurs d'Histoires, le podcast de la mémoire. S'engager par Serge, la présidence d'une association mémorielle. Donc Serge Barcellini. Je suis né en 1951 à Oyonnax-dans-Lens, petite ville au marge du Jura qui a un immense intérêt puisqu'il y a eu le défilé du 11 novembre 1943. Grand défilé des résistants. C'est important parce que j'ai baigné dans la mémoire de la résistance à Oyonnax. J'ai baigné également dans une autre mémoire que celle de léger félicité sont-on-a que strictement personne ne connaît. et qui est celui qui a libéré les esclaves à Haïti en 1793. Et c'est aussi une personnalité importante de la ville qui parle mémoire, qui nous fait parler mémoire. Ma passion pour l'histoire a toujours été forte. J'ai eu toute ma scolarité le prix d'histoire. Ce qui est d'ailleurs un vrai problème, puisque j'ai redoublé également. Les profs n'arrivaient pas à comprendre comment un type pouvait avoir un prix tout en redoublant. Je ne faisais rien ailleurs. Je suis un peu passionné. Je trouve que la vie est ainsi faite. Moi, j'étais au lycée, j'avais créé un club d'archéologie. J'y peux rien. Et puis, j'ai été champion de l'un de tout un tas de choses en athlétisme. J'étais champion du lyonnais. Oui, parce que je ne faisais pas que de la mémoire, je faisais aussi du sport. Mais pour l'histoire, c'était inné. J'ai toujours été passionné par l'histoire, d'où naturellement, je me suis destiné à l'enseignement d'histoire. Donc j'ai fait la faculté de Lyon pour l'histoire. Ayant eu le CAPES, pas eu de chance pour l'agrégation, je l'ai raté d'un demi-point. Donc je suis parti à Moselle comme professeur d'histoire. Et j'ai bifurqué pour suivre Jean Lorrain, qui était nommé ministre des Anciens Combattants en 1981 de Mitterrand. Quelle drôle d'idée, c'est lui qui a choisi d'aller aux anciens combattants. Je m'en ai toujours voulu. Il avait le choix de trois ministères et prend les anciens combattants. Ma vie aurait pu changer s'il avait pris le ministère des PTT, par exemple. Donc je suis allé au ministère des anciens combattants. Et là, membre du cabinet du ministre, donc j'étais relativement jeune, 30 ans, comme chargé assistant parlementaire ou attaché parlementaire, on disait alors. Au bout de six mois, je me suis dit, je ne vais pas continuer, ce n'est pas possible. Ce n'est pas un métier de toujours se plier aux autres, ce n'est pas mon truc. Donc, j'ai dit à Jean Lorrain, il y a un truc à faire dans ton ministère, nous allons faire le ministère de la mémoire. Là-dessus, j'en ai parlé avec Nora, qui venait de sortir ses grands bouquins sur la mémoire. J'en ai parlé avec Henri Michel, qui était le grand spécialiste de la résistance. J'ai dit, on y va. Donc, on a fait le lancement de la politique de mémoire de l'État. C'était... fin 1981. Et j'ai créé donc le premier service qui s'est appelé la Commission de l'information historique au ministère des anciens combattants. Et c'est ce service, ce tout petit service de quatre personnes qui est aujourd'hui la direction de la mémoire au ministère des armées. Ma carrière pro fait des hauts et des bas comme toute carrière pro. Je passe également d'inspecteur général au ministère des anciens combattants à contrôleur général des armées. Et bon, je continue ma carrière pro, y compris dans Moselle, c'est important, puisque j'ai deux ancrages véritablement, c'est la Lorraine et la mémoire. Approchant du cadre de réserve, car on n'est jamais à la retraite au contrôle général des armées, là j'avais deux possibilités, et pas trois. La première, c'était d'aller dans un organisme d'élus, un conseil général, un conseil régional, non pas en étant élu, mais en étant chargé de mission de quelque chose. ou la vie associative. J'ai opté pour la vie associative et cela d'autant plus que mon prédécesseur au Souvenirs français, Gérard Delboeuf, est contrôleur général des armées. Ça faisait trois ans qu'il me proposait tous les jours de prendre sa succession et ça faisait trois ans que je refusais. Parce qu'en me disant qu'est-ce que je vais aller faire dans cette boutique. Et donc j'ai fait le choix de venir au Souvenir français il y a neuf ans comme président général du Souvenir français. Quand j'ai commencé à regarder de près ce qu'était le souvenir français, je me suis aperçu qu'il était à un moment charnière. Ce que j'appelle un moment charnière, c'est que la vie associative, comme le reste, se développe en fonction de la démographie. Quand s'est créé le souvenir français, en 1887, on n'avait que des combattants de 1870. Ensuite, on n'a eu que des combattants de 14-18. Après la génération de 14-18, qui s'est terminée dans les années 1960, nous sommes passés à la génération D-39-45. qui a été une génération particulièrement importante. Et cette génération de 39-45 a laissé place, à partir des années 2000, à une génération de la guerre d'Algérie. Le souvenir français était par strade générationnelle. Et lorsque je suis arrivé, la strade générationnelle de la guerre d'Algérie avait beaucoup vieilli. Et donc je me suis dit, je vais me retrouver dans un problème de fond, c'est ce qu'on appelle le renouvellement des cadres. Beaucoup plus inquiétant cette fois que les années d'avant. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus rien qui succède après l'Algérie. Donc, lorsque je suis venu, je me suis dit, je vais avoir un véritable problème de rupture générationnelle. C'est exactement ce qui s'est passé. Le souvenir français, le premier problème que nous avons, ce n'est pas les adhérents, c'est les responsables. Trouver des responsables. Alors, avant c'était simple, puisqu'ils avaient fait la guerre. Naturellement, ils voulaient faire la mémoire de la guerre. Aujourd'hui... Trouver des responsables qui n'ont pas fait la guerre et qui n'ont pas fait leur régiment, alors vous leur dites qu'ils font la mémoire combattante, c'est un peu compliqué. Donc nous avons un problème de rupture et je crois que mon principal travail, c'est justement de répondre à ce moment charnière, c'est-à-dire de créer une association qui soit une association intemporelle et qui ne vive plus sur le temps des générations. Je crois beaucoup aux politiques de mémoire et le souvenir français est depuis l'origine une association mémorielle, c'est-à-dire une association qui présente, structure, sauvegarde la politique de mémoire. Ce n'est pas du tout une association d'anciens combattants. Une association d'anciens combattants, comme disait Clémenceau, c'est ils ont des droits sur nous Ça veut dire qu'une association d'anciens combattants se bat d'abord pour les droits des anciens combattants. Plus de pensions, plus de retraites, plus de décorations. Une association mémorielle ne se bat pas pour les adhérents, elle se bat pour quelque chose qui dépasse les adhérents, par exemple pour le souvenir français, pour la mémoire de la nation. Le souvenir français, on le met entre deux moments forts. A la fois la tradition mémorielle, le dépôt de gerbe, la cérémonie, la rencontre entre les portes-drapeaux. Ça, c'est ce que j'appelle la tradition mémorielle. Et puis, à côté de cette tradition mémorielle, nous avons développé des actions nouvelles qui ont pour but d'aller rencontrer les jeunes générations, ces générations qui n'ont pas connu la mémoire combattante et qui, en fait, ne la connaissent qu'à travers l'enseignement de l'histoire. Et l'idée, c'est comment peut-on prolonger l'enseignement de l'histoire par des actions mémorielles. Parce que c'est ça, le pari, le défi face auquel nous sommes. Alors, au Souvenir français, depuis que je suis arrivé, on a tenté de lancer des initiatives de prolongement de l'histoire par la mémoire. Et ça, c'est au-delà du dépôt de gerbe. C'est, par exemple, le dépôt d'un drapeau dans un lycée ou dans un collège. Ce qu'on appelle la seconde vie des drapeaux. C'est visiter un cimetière avec son téléphone. portable et aller à la rencontre des destins des combattants. C'est-à-dire d'apprendre l'histoire à travers celui qui a été combattant à Verdun et qui est enterré dans son cimetière. C'est créer des routes mémorielles, des chemins mémoriels dans les communes. J'ai géolocalisé des tombes. C'est assez passionnant de voir les jeunes comprendre que cette tombe parle. Cette tombe a une vie, cette tombe peut apprendre l'histoire. Apprendre l'histoire à travers une tombe, c'est quelque chose absolument d'essentiel que cette maison ne savait pas faire. C'est ces moments-là qui sont les plus intéressants. Ils nous ouvrent vers les générations actuelles et ils nous ouvrent vers le temps de la modernité. J'ai déposé deux drapeaux au Japon, l'un au lycée de Tokyo et l'autre au lycée de Kyoto. C'était assez exceptionnel. Ça, c'est un moment fort. J'ai adoré l'histoire du Japon et le tournant de l'ouverture du Japon à la fin du XIXe siècle, lorsque le Japon décide de s'ouvrir au monde moderne. En allant au Japon, c'était cette rencontre entre un pays que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une société que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une civilisation que je ne connaissais pas. Et c'est vrai que c'était absolument passionnant d'aller voir ce monde-là. Et je raconte toujours que ce qui m'a le plus marqué, c'est d'aller à Hiroshima. Ce qui m'a passionné surtout, c'est le cimetière militaire d'Hiroshima qui, lui, n'a pas été atteint par la bombe atomique. Et au milieu du cimetière, il y a un carré de... tombe française avec un magnifique monument du souvenir français 1905 que personne ne connaît que personne ne va jamais voir hiroshima était le principal port militaire au japon et en 1905 lorsque les français allaient se battre en chine la guerre des boxers comme on dit des bateaux français s'arrêtait à hiroshima pour sortir les blessés et les morts et on les enterrait dans le cimetière d'hiroshima et vous avez au milieu de hiroshima au milieu du cimetière français, ce monument du souvenir français avec des tombes de marins français, essentiellement bretons. Ça m'avait beaucoup marqué. Et je suis allé au milieu de ce cimetière en me disant qu'il y a, à travers l'histoire d'Hiroshima, ce tout petit cimetière, vous avez la vraie compréhension de ce qui s'est passé après. Nous avons à la fois une civilisation différente, une politique différente, un axe différent. mais c'est aussi une histoire partagée. J'ai enseigné à Sciences Po et j'enseignais les politiques de mémoire. La mémoire, c'est un tri de l'histoire au temps présent qui dépend formidablement de celui qui trie. Pour moi, c'est essentiel. Alors, ce qui veut dire quoi ? Ce qui veut dire que l'histoire, en finalité, est une science, c'est-à-dire qu'on va toujours au plus profond pour comprendre le temps historique, d'où le renouvellement, puisque si c'est une science, il n'y a pas de raison que ça s'arrête, la connaissance historique, comme les autres sciences, ça ne s'arrête pas. alors que la mémoire c'est tout à fait différent. La mémoire elle pique des moments dans l'histoire. La mémoire de l'esclavage avait totalement disparu. Elle est arrivée en force depuis une vingtaine d'années, c'est-à-dire qu'elle est restée 180 ans oubliée. Et pourquoi l'esclavage est devenu un moment fort des politiques de mémoire ? Parce que c'est lié au temps des droits de l'homme. C'est-à-dire que quand nous sommes aujourd'hui... plus dans une vision des droits de l'homme que dans une vision de l'identité nationale, l'esclavage devient un moment fort des politiques de mémoire. Voilà, c'est comme cela qu'il faut bien comprendre la différence entre mémoire et histoire. Je pense fondamentalement que l'État, les gouvernements ont toujours fait des politiques de mémoire. Toujours. Elles ont simplement évolué. À l'époque de Napoléon Ier, on faisait des politiques de mémoire. À l'époque des rois, on faisait des politiques de mémoire. Napoléon III a été le champion des politiques de mémoire. Il est allé faire des fouilles à Alésia pour montrer que nos ancêtres étaient des Gaulois. On a toujours fait des politiques de mémoire. Ce qui a changé, c'est que depuis... Vingtaine d'années après Mitterrand, les politiques de mémoire se sont imposées comme véritablement des politiques. La grande nouveauté, c'est que les politiques de mémoire aujourd'hui s'affichent comme des politiques. La mémoire était plutôt un moment qui ne s'annonçait pas, qui fédérait les Français, les manuels d'histoire, etc., qui étaient typiquement des politiques de mémoire. Aujourd'hui, on l'annonce, c'est des politiques de mémoire. Et par là même, nous avons un problème. Lorsque l'État est seul créateur de politiques de mémoire, il y a incontestablement un risque de dérive dictatoriale. Les pays de dictature font formidablement des politiques de mémoire. Nous en sommes pas du tout là en France. Néanmoins, dans les États démocratiques, il faut des contrepoints face à toute politique. Et les contrepoints, dans un pays comme la France, c'est la vie associative. La vie associative joue un rôle colossal à tout point de vue. Quand vous avez une politique éducative, vous avez les associations de parents d'élèves, vous avez les syndicats de profs qui sont le contrepoint de la politique éducative, c'est-à-dire qui peuvent dire on n'est pas d'accord, on est d'accord, etc. et qui peuvent mobiliser contre ou avec. La mémoire, c'est la même chose. Puisque c'est une politique, il faut qu'il y ait une force de contrepoint. qui puissent dire on est d'accord ou on n'est pas d'accord, on peut proposer ou on ne peut pas proposer. Je trouve que le rôle du souvenir français, il est là. Le rôle du souvenir français d'aujourd'hui et encore plus de demain. c'est d'être cette association capable de jouer un rôle face aux politiques mémorielles de l'État. La France est le pays de la vie associative. D'ailleurs, la France est le seul pays où il y a eu une loi pour le développement de la vie associative au début du XXe siècle. Ce n'est pas pour rien. La vie associative en France, elle joue un rôle colossal dans l'encadrement de la société. Et c'est ce qui explique aussi la démocratie en France. Moi, je suis de ceux qui y rentrent en créant. J'ai créé un tas d'associations. Moi, il suffit que j'aille en vacances pour créer une association. J'ai créé d'abord une très belle association à Oyonnax qui s'appelait Mémoire de léger félicité Santona ce qui m'a permis d'aller à Haïti rendre hommage à ce grand héros totalement oublié. libérateur des esclaves et de lancer des opérations un peu partout, avec un très beau colloque d'ailleurs. J'ai créé une association à Saint-Quay-Portrieux pour se faire des amis d'enfance lorsqu'on a 60 ans. C'est une très belle association, qui a un rôle évident de fédérer tous les Parisiens en Bretagne, même à la faculté. J'avais créé un syndicat étudiant qui marchait très bien. Et puis, on a fait autre chose après. La vie est ainsi faite. La dernière association que j'ai créée, je l'ai créée juste avant de venir au Souvenir français. Je suis allé pendant trois années m'occuper dans le département de la Meuse, c'est-à-dire Verdun, pour essayer de réfléchir aux politiques de mémoire qui s'approchaient du centenaire. Un département qui fut un des très grands départements de l'économie et de la vie française jusqu'en 1914, qui a donné naissance à des très grands points carrés, maginaux, et un département qui va s'écrouler avec la guerre de 14-18. Ce département, depuis 1918, n'arrive pas à retrouver sa force économique et sa force culturelle et intellectuelle. Alors j'y suis allé, pas pour redonner d'un seul coup la force intellectuelle et culturelle de la Meuse, mais pour faire ce que je sais faire, c'est-à-dire essayer de réfléchir ensemble pour faire des propositions. Donc j'y étais avec le conseil départemental et il m'est apparu que l'enjeu de la Meuse, c'était un enjeu mondial. Car quand je parle de politique de mémoire en France, je crois qu'il y a des politiques de mémoire mondiales. L'UNESCO est un bel exemple des politiques de mémoire mondiales. Donc je me suis dit en Meuse qu'il y avait un enjeu, c'était comment faire de Verdun la capitale mondiale de la mémoire. Il y aura demain des capitales mondiales de la mémoire. La Normandie est aujourd'hui une capitale mondiale de la mémoire. Auschwitz est une capitale mondiale de la mémoire, nous le voyons tous les jours. Hiroshima est une capitale mondiale de la mémoire. Parmi les idées que j'ai défendues, c'était qu'il faut inscrire Verdun au patrimoine mondial. Donc j'ai créé une association et on y a mis les autres lignes de front. C'est-à-dire qu'on a essayé de fédérer les différents départements qui ont eu des champs de bataille de 1914-1918. Ça a été un combat assez exceptionnel, dix années. Dix années pour y arriver, pour aller à l'UNESCO, pour expliquer, pour se battre. pour comprendre. Nous avons réussi cette inscription au patrimoine mondial en septembre 2023. Nous avons inscrit au patrimoine mondial les sites funéraires et mémoriels de la guerre de 14-18. Donc on y est arrivé. On a l'instrument UNESCO, qui est aujourd'hui l'instrument essentiel de la mondialisation culturelle et mémorielle. Donc c'est à travers cette toute petite association qu'on a réussi ce tournant, je crois, au développement de la vie associative. Je crois qu'on ne peut plus... pas construire une initiative hors de l'humain. Je crois que l'humain est fait pour partager avec les autres et je trouve que l'association est le bon moyen de partager avec les autres. Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoire, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, N'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. 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Après une carrière comme haut fonctionnaire de l’Etat au service de la mémoire combattante, Serge BARCELLINI s’engage au sein du Souvenir Français en 2015.

Il devient le Président Général de la principale association mémorielle en France, composée de plus de 170 délégations en France et à l’étranger, et qui rassemble 90 000 adhérents et adhérentes.


Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à s’engager ? C’est quoi être Président Général d’une si grande association ? Pourquoi les associations ont un rôle essentiel à jouer dans les politiques de mémoire en France ? Quelles sont les initiatives mises en place pour commémorer, conserver et transmettre ?

Le Contrôleur Général des Armées (2s) Serge BARCELLINI, spécialiste des politiques de mémoire, témoigne à notre micro de son engagement et de sa passion pour la vie associative mémorielle française. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.


Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ? 


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Transcription

  • Serge Barcellini

    L'engagement, c'est les autres. L'engagement, c'est le contraire de l'individualisme. Bienvenue dans Passeurs d'Histoires, le podcast de la mémoire. S'engager par Serge, la présidence d'une association mémorielle. Donc Serge Barcellini. Je suis né en 1951 à Oyonnax-dans-Lens, petite ville au marge du Jura qui a un immense intérêt puisqu'il y a eu le défilé du 11 novembre 1943. Grand défilé des résistants. C'est important parce que j'ai baigné dans la mémoire de la résistance à Oyonnax. J'ai baigné également dans une autre mémoire que celle de léger félicité sont-on-a que strictement personne ne connaît. et qui est celui qui a libéré les esclaves à Haïti en 1793. Et c'est aussi une personnalité importante de la ville qui parle mémoire, qui nous fait parler mémoire. Ma passion pour l'histoire a toujours été forte. J'ai eu toute ma scolarité le prix d'histoire. Ce qui est d'ailleurs un vrai problème, puisque j'ai redoublé également. Les profs n'arrivaient pas à comprendre comment un type pouvait avoir un prix tout en redoublant. Je ne faisais rien ailleurs. Je suis un peu passionné. Je trouve que la vie est ainsi faite. Moi, j'étais au lycée, j'avais créé un club d'archéologie. J'y peux rien. Et puis, j'ai été champion de l'un de tout un tas de choses en athlétisme. J'étais champion du lyonnais. Oui, parce que je ne faisais pas que de la mémoire, je faisais aussi du sport. Mais pour l'histoire, c'était inné. J'ai toujours été passionné par l'histoire, d'où naturellement, je me suis destiné à l'enseignement d'histoire. Donc j'ai fait la faculté de Lyon pour l'histoire. Ayant eu le CAPES, pas eu de chance pour l'agrégation, je l'ai raté d'un demi-point. Donc je suis parti à Moselle comme professeur d'histoire. Et j'ai bifurqué pour suivre Jean Lorrain, qui était nommé ministre des Anciens Combattants en 1981 de Mitterrand. Quelle drôle d'idée, c'est lui qui a choisi d'aller aux anciens combattants. Je m'en ai toujours voulu. Il avait le choix de trois ministères et prend les anciens combattants. Ma vie aurait pu changer s'il avait pris le ministère des PTT, par exemple. Donc je suis allé au ministère des anciens combattants. Et là, membre du cabinet du ministre, donc j'étais relativement jeune, 30 ans, comme chargé assistant parlementaire ou attaché parlementaire, on disait alors. Au bout de six mois, je me suis dit, je ne vais pas continuer, ce n'est pas possible. Ce n'est pas un métier de toujours se plier aux autres, ce n'est pas mon truc. Donc, j'ai dit à Jean Lorrain, il y a un truc à faire dans ton ministère, nous allons faire le ministère de la mémoire. Là-dessus, j'en ai parlé avec Nora, qui venait de sortir ses grands bouquins sur la mémoire. J'en ai parlé avec Henri Michel, qui était le grand spécialiste de la résistance. J'ai dit, on y va. Donc, on a fait le lancement de la politique de mémoire de l'État. C'était... fin 1981. Et j'ai créé donc le premier service qui s'est appelé la Commission de l'information historique au ministère des anciens combattants. Et c'est ce service, ce tout petit service de quatre personnes qui est aujourd'hui la direction de la mémoire au ministère des armées. Ma carrière pro fait des hauts et des bas comme toute carrière pro. Je passe également d'inspecteur général au ministère des anciens combattants à contrôleur général des armées. Et bon, je continue ma carrière pro, y compris dans Moselle, c'est important, puisque j'ai deux ancrages véritablement, c'est la Lorraine et la mémoire. Approchant du cadre de réserve, car on n'est jamais à la retraite au contrôle général des armées, là j'avais deux possibilités, et pas trois. La première, c'était d'aller dans un organisme d'élus, un conseil général, un conseil régional, non pas en étant élu, mais en étant chargé de mission de quelque chose. ou la vie associative. J'ai opté pour la vie associative et cela d'autant plus que mon prédécesseur au Souvenirs français, Gérard Delboeuf, est contrôleur général des armées. Ça faisait trois ans qu'il me proposait tous les jours de prendre sa succession et ça faisait trois ans que je refusais. Parce qu'en me disant qu'est-ce que je vais aller faire dans cette boutique. Et donc j'ai fait le choix de venir au Souvenir français il y a neuf ans comme président général du Souvenir français. Quand j'ai commencé à regarder de près ce qu'était le souvenir français, je me suis aperçu qu'il était à un moment charnière. Ce que j'appelle un moment charnière, c'est que la vie associative, comme le reste, se développe en fonction de la démographie. Quand s'est créé le souvenir français, en 1887, on n'avait que des combattants de 1870. Ensuite, on n'a eu que des combattants de 14-18. Après la génération de 14-18, qui s'est terminée dans les années 1960, nous sommes passés à la génération D-39-45. qui a été une génération particulièrement importante. Et cette génération de 39-45 a laissé place, à partir des années 2000, à une génération de la guerre d'Algérie. Le souvenir français était par strade générationnelle. Et lorsque je suis arrivé, la strade générationnelle de la guerre d'Algérie avait beaucoup vieilli. Et donc je me suis dit, je vais me retrouver dans un problème de fond, c'est ce qu'on appelle le renouvellement des cadres. Beaucoup plus inquiétant cette fois que les années d'avant. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus rien qui succède après l'Algérie. Donc, lorsque je suis venu, je me suis dit, je vais avoir un véritable problème de rupture générationnelle. C'est exactement ce qui s'est passé. Le souvenir français, le premier problème que nous avons, ce n'est pas les adhérents, c'est les responsables. Trouver des responsables. Alors, avant c'était simple, puisqu'ils avaient fait la guerre. Naturellement, ils voulaient faire la mémoire de la guerre. Aujourd'hui... Trouver des responsables qui n'ont pas fait la guerre et qui n'ont pas fait leur régiment, alors vous leur dites qu'ils font la mémoire combattante, c'est un peu compliqué. Donc nous avons un problème de rupture et je crois que mon principal travail, c'est justement de répondre à ce moment charnière, c'est-à-dire de créer une association qui soit une association intemporelle et qui ne vive plus sur le temps des générations. Je crois beaucoup aux politiques de mémoire et le souvenir français est depuis l'origine une association mémorielle, c'est-à-dire une association qui présente, structure, sauvegarde la politique de mémoire. Ce n'est pas du tout une association d'anciens combattants. Une association d'anciens combattants, comme disait Clémenceau, c'est ils ont des droits sur nous Ça veut dire qu'une association d'anciens combattants se bat d'abord pour les droits des anciens combattants. Plus de pensions, plus de retraites, plus de décorations. Une association mémorielle ne se bat pas pour les adhérents, elle se bat pour quelque chose qui dépasse les adhérents, par exemple pour le souvenir français, pour la mémoire de la nation. Le souvenir français, on le met entre deux moments forts. A la fois la tradition mémorielle, le dépôt de gerbe, la cérémonie, la rencontre entre les portes-drapeaux. Ça, c'est ce que j'appelle la tradition mémorielle. Et puis, à côté de cette tradition mémorielle, nous avons développé des actions nouvelles qui ont pour but d'aller rencontrer les jeunes générations, ces générations qui n'ont pas connu la mémoire combattante et qui, en fait, ne la connaissent qu'à travers l'enseignement de l'histoire. Et l'idée, c'est comment peut-on prolonger l'enseignement de l'histoire par des actions mémorielles. Parce que c'est ça, le pari, le défi face auquel nous sommes. Alors, au Souvenir français, depuis que je suis arrivé, on a tenté de lancer des initiatives de prolongement de l'histoire par la mémoire. Et ça, c'est au-delà du dépôt de gerbe. C'est, par exemple, le dépôt d'un drapeau dans un lycée ou dans un collège. Ce qu'on appelle la seconde vie des drapeaux. C'est visiter un cimetière avec son téléphone. portable et aller à la rencontre des destins des combattants. C'est-à-dire d'apprendre l'histoire à travers celui qui a été combattant à Verdun et qui est enterré dans son cimetière. C'est créer des routes mémorielles, des chemins mémoriels dans les communes. J'ai géolocalisé des tombes. C'est assez passionnant de voir les jeunes comprendre que cette tombe parle. Cette tombe a une vie, cette tombe peut apprendre l'histoire. Apprendre l'histoire à travers une tombe, c'est quelque chose absolument d'essentiel que cette maison ne savait pas faire. C'est ces moments-là qui sont les plus intéressants. Ils nous ouvrent vers les générations actuelles et ils nous ouvrent vers le temps de la modernité. J'ai déposé deux drapeaux au Japon, l'un au lycée de Tokyo et l'autre au lycée de Kyoto. C'était assez exceptionnel. Ça, c'est un moment fort. J'ai adoré l'histoire du Japon et le tournant de l'ouverture du Japon à la fin du XIXe siècle, lorsque le Japon décide de s'ouvrir au monde moderne. En allant au Japon, c'était cette rencontre entre un pays que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une société que je ne connaissais pas, cette rencontre entre une civilisation que je ne connaissais pas. Et c'est vrai que c'était absolument passionnant d'aller voir ce monde-là. Et je raconte toujours que ce qui m'a le plus marqué, c'est d'aller à Hiroshima. Ce qui m'a passionné surtout, c'est le cimetière militaire d'Hiroshima qui, lui, n'a pas été atteint par la bombe atomique. Et au milieu du cimetière, il y a un carré de... tombe française avec un magnifique monument du souvenir français 1905 que personne ne connaît que personne ne va jamais voir hiroshima était le principal port militaire au japon et en 1905 lorsque les français allaient se battre en chine la guerre des boxers comme on dit des bateaux français s'arrêtait à hiroshima pour sortir les blessés et les morts et on les enterrait dans le cimetière d'hiroshima et vous avez au milieu de hiroshima au milieu du cimetière français, ce monument du souvenir français avec des tombes de marins français, essentiellement bretons. Ça m'avait beaucoup marqué. Et je suis allé au milieu de ce cimetière en me disant qu'il y a, à travers l'histoire d'Hiroshima, ce tout petit cimetière, vous avez la vraie compréhension de ce qui s'est passé après. Nous avons à la fois une civilisation différente, une politique différente, un axe différent. mais c'est aussi une histoire partagée. J'ai enseigné à Sciences Po et j'enseignais les politiques de mémoire. La mémoire, c'est un tri de l'histoire au temps présent qui dépend formidablement de celui qui trie. Pour moi, c'est essentiel. Alors, ce qui veut dire quoi ? Ce qui veut dire que l'histoire, en finalité, est une science, c'est-à-dire qu'on va toujours au plus profond pour comprendre le temps historique, d'où le renouvellement, puisque si c'est une science, il n'y a pas de raison que ça s'arrête, la connaissance historique, comme les autres sciences, ça ne s'arrête pas. alors que la mémoire c'est tout à fait différent. La mémoire elle pique des moments dans l'histoire. La mémoire de l'esclavage avait totalement disparu. Elle est arrivée en force depuis une vingtaine d'années, c'est-à-dire qu'elle est restée 180 ans oubliée. Et pourquoi l'esclavage est devenu un moment fort des politiques de mémoire ? Parce que c'est lié au temps des droits de l'homme. C'est-à-dire que quand nous sommes aujourd'hui... plus dans une vision des droits de l'homme que dans une vision de l'identité nationale, l'esclavage devient un moment fort des politiques de mémoire. Voilà, c'est comme cela qu'il faut bien comprendre la différence entre mémoire et histoire. Je pense fondamentalement que l'État, les gouvernements ont toujours fait des politiques de mémoire. Toujours. Elles ont simplement évolué. À l'époque de Napoléon Ier, on faisait des politiques de mémoire. À l'époque des rois, on faisait des politiques de mémoire. Napoléon III a été le champion des politiques de mémoire. Il est allé faire des fouilles à Alésia pour montrer que nos ancêtres étaient des Gaulois. On a toujours fait des politiques de mémoire. Ce qui a changé, c'est que depuis... Vingtaine d'années après Mitterrand, les politiques de mémoire se sont imposées comme véritablement des politiques. La grande nouveauté, c'est que les politiques de mémoire aujourd'hui s'affichent comme des politiques. La mémoire était plutôt un moment qui ne s'annonçait pas, qui fédérait les Français, les manuels d'histoire, etc., qui étaient typiquement des politiques de mémoire. Aujourd'hui, on l'annonce, c'est des politiques de mémoire. Et par là même, nous avons un problème. Lorsque l'État est seul créateur de politiques de mémoire, il y a incontestablement un risque de dérive dictatoriale. Les pays de dictature font formidablement des politiques de mémoire. Nous en sommes pas du tout là en France. Néanmoins, dans les États démocratiques, il faut des contrepoints face à toute politique. Et les contrepoints, dans un pays comme la France, c'est la vie associative. La vie associative joue un rôle colossal à tout point de vue. Quand vous avez une politique éducative, vous avez les associations de parents d'élèves, vous avez les syndicats de profs qui sont le contrepoint de la politique éducative, c'est-à-dire qui peuvent dire on n'est pas d'accord, on est d'accord, etc. et qui peuvent mobiliser contre ou avec. La mémoire, c'est la même chose. Puisque c'est une politique, il faut qu'il y ait une force de contrepoint. qui puissent dire on est d'accord ou on n'est pas d'accord, on peut proposer ou on ne peut pas proposer. Je trouve que le rôle du souvenir français, il est là. Le rôle du souvenir français d'aujourd'hui et encore plus de demain. c'est d'être cette association capable de jouer un rôle face aux politiques mémorielles de l'État. La France est le pays de la vie associative. D'ailleurs, la France est le seul pays où il y a eu une loi pour le développement de la vie associative au début du XXe siècle. Ce n'est pas pour rien. La vie associative en France, elle joue un rôle colossal dans l'encadrement de la société. Et c'est ce qui explique aussi la démocratie en France. Moi, je suis de ceux qui y rentrent en créant. J'ai créé un tas d'associations. Moi, il suffit que j'aille en vacances pour créer une association. J'ai créé d'abord une très belle association à Oyonnax qui s'appelait Mémoire de léger félicité Santona ce qui m'a permis d'aller à Haïti rendre hommage à ce grand héros totalement oublié. libérateur des esclaves et de lancer des opérations un peu partout, avec un très beau colloque d'ailleurs. J'ai créé une association à Saint-Quay-Portrieux pour se faire des amis d'enfance lorsqu'on a 60 ans. C'est une très belle association, qui a un rôle évident de fédérer tous les Parisiens en Bretagne, même à la faculté. J'avais créé un syndicat étudiant qui marchait très bien. Et puis, on a fait autre chose après. La vie est ainsi faite. La dernière association que j'ai créée, je l'ai créée juste avant de venir au Souvenir français. Je suis allé pendant trois années m'occuper dans le département de la Meuse, c'est-à-dire Verdun, pour essayer de réfléchir aux politiques de mémoire qui s'approchaient du centenaire. Un département qui fut un des très grands départements de l'économie et de la vie française jusqu'en 1914, qui a donné naissance à des très grands points carrés, maginaux, et un département qui va s'écrouler avec la guerre de 14-18. Ce département, depuis 1918, n'arrive pas à retrouver sa force économique et sa force culturelle et intellectuelle. Alors j'y suis allé, pas pour redonner d'un seul coup la force intellectuelle et culturelle de la Meuse, mais pour faire ce que je sais faire, c'est-à-dire essayer de réfléchir ensemble pour faire des propositions. Donc j'y étais avec le conseil départemental et il m'est apparu que l'enjeu de la Meuse, c'était un enjeu mondial. Car quand je parle de politique de mémoire en France, je crois qu'il y a des politiques de mémoire mondiales. L'UNESCO est un bel exemple des politiques de mémoire mondiales. Donc je me suis dit en Meuse qu'il y avait un enjeu, c'était comment faire de Verdun la capitale mondiale de la mémoire. Il y aura demain des capitales mondiales de la mémoire. La Normandie est aujourd'hui une capitale mondiale de la mémoire. Auschwitz est une capitale mondiale de la mémoire, nous le voyons tous les jours. Hiroshima est une capitale mondiale de la mémoire. Parmi les idées que j'ai défendues, c'était qu'il faut inscrire Verdun au patrimoine mondial. Donc j'ai créé une association et on y a mis les autres lignes de front. C'est-à-dire qu'on a essayé de fédérer les différents départements qui ont eu des champs de bataille de 1914-1918. Ça a été un combat assez exceptionnel, dix années. Dix années pour y arriver, pour aller à l'UNESCO, pour expliquer, pour se battre. pour comprendre. Nous avons réussi cette inscription au patrimoine mondial en septembre 2023. Nous avons inscrit au patrimoine mondial les sites funéraires et mémoriels de la guerre de 14-18. Donc on y est arrivé. On a l'instrument UNESCO, qui est aujourd'hui l'instrument essentiel de la mondialisation culturelle et mémorielle. Donc c'est à travers cette toute petite association qu'on a réussi ce tournant, je crois, au développement de la vie associative. Je crois qu'on ne peut plus... pas construire une initiative hors de l'humain. Je crois que l'humain est fait pour partager avec les autres et je trouve que l'association est le bon moyen de partager avec les autres. Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoire, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, N'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. 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