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Passeurs d'histoires - le podcast de la mémoire

E3 - S'engager par Catherine - L'enseignement de la mémoire

E3 - S'engager par Catherine - L'enseignement de la mémoire

20min |01/10/2024
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20min |01/10/2024
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Description

Professeure d’Histoire et de Géographie depuis une trentaine d’années, Catherine PIDUTTI travaille au quotidien avec ses élèves pour la défense, la transmission et la compréhension de la mémoire combattante française. 

 

Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à devenir professeure ? C’est quoi enseigner l’histoire aujourd’hui ? Comment transmettre l’Histoire et ses valeurs aux jeunes générations ? Quelles sont les initiatives pédagogiques mises en place pour faire vivre la mémoire combattante française ? Quel est le rôle des associations ? Comment intéresser les scolaires à des destins individuels lointains ? 

 

Catherine PIDUTTI, professeure d’histoire résolument engagée, témoigne à notre micro de sa passion pour la transmission de l'Histoire aux plus jeunes. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.

Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ?


 Le Souvenir Français recueille ces voix qui ont décidé de perpétuer le souvenir de celles et ceux qui se sont engagés pour la France et pour que les générations à venir ne les oublient pas. 

Passeurs d’histoires est un podcast de l’Association Le Souvenir Français, produit par Suniwan.

Retrouvez une nouvelle histoire toutes les deux semaines. 


Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux :

Site internet : www.le-souvenir-francais.fr 

Instagram : www.instagram.com/lesouvenirfrancaisofficiel 

Facebook : www.facebook.com/LeSFofficiel/ 

Linkedin : https://fr.linkedin.com/company/le-souvenir-fran-ais-si-ge 

X : https://x.com/SF_Siege 







Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Catherine

    Je dirais, j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement.

  • Voix-off

    Bienvenue dans Passeurs d'Histoires, le podcast de la mémoire. S'engager par Catherine, l'enseignement de la mémoire.

  • Catherine

    Je m'appelle Catherine Piduti, j'ai une très longue carrière d'enseignante d'histoire-géographie, puisque j'ai commencé ma carrière à la fin des années 80, comme stagiaire en Seine-Saint-Denis. Ensuite, j'ai passé un an dans le Nord, à Douai, puis je suis revenue en Seine-Saint-Denis. Puis ensuite, j'ai été mutée dans l'Académie de Paris. Je suis maintenant depuis 15 ans. Et maintenant, je suis au lycée Louis-le-Grand, donc c'est considéré un peu comme un lycée, un peu le navire amiral de l'éducation nationale. C'est des postes très différents, des élèves qui changent aussi, des politiques éducatives qui changent. J'ai connu très nombreux ministres, très nombreuses réformes de l'éducation et de réformes des programmes. Ce que je me suis rendu compte, c'est que dans l'éducation nationale, on ne se répétait pas, contrairement à ce qu'on pense. Non seulement il y a les évolutions de programmes et les changements d'élèves, mais de toute façon, il y a tellement de choses qu'on peut transmettre qu'en fait, on se renouvelle en permanence. Et en plus, on rencontre des collègues qui sont pour beaucoup des gens. extrêmement intéressants, avec lesquels on a envie de travailler, avec lesquels les relations se passent vraiment très bien, on se fait des amis, et avec lesquels il n'y a pas de relations de pouvoir. Contrairement à certains métiers où on se retrouve finalement dans des hiérarchies de pouvoir, c'est assez horizontal et ça fluidifie énormément les relations entre les collègues. On voit des gens vraiment très intéressants, très investis, très engagés, qui font beaucoup de choses pour leurs élèves et avec lesquels les relations donnent envie de rester dans le métier. Donc en fait, finalement, je n'ai jamais eu envie de quitter ce métier. Je suis très très contente d'être là depuis plus de 30 ans maintenant. Je ne vais pas dire que j'ai une vocation très ancienne, enfant, pour faire de l'histoire. Je dirais que c'est un peu un calcul stratégique. J'ai passé le bac dans l'Académie de Grenoble dans les années 80. Je rêvais de venir à Paris. Et il y avait une solution pour venir à Paris, c'est de s'inscrire en classe prépa. Et donc j'ai choisi une classe prépa où ils recrutaient sur toute la France. C'était la prépa École des Chartes. J'étais admise en E4 et donc j'ai pu comme ça venir à Paris. Très naturellement, à l'école de préparation, à l'école des chartes, on fait de l'histoire. J'ai continué mes études à l'université. Donc, quand on rentrait en doc d'histoire, on faisait une licence d'histoire, puis ensuite une maîtrise d'histoire, et puis ensuite, on passait les concours. Parce que nos professeurs nous disaient, si vous voulez faire une thèse, revenez me voir une fois que vous aurez l'agrégation. Parce que sinon, ce n'est pas la peine, vous risquez de vous retrouver sans emploi. J'ai passé les concours et puis je suis devenue prof d'histoire. D'autre part, j'étais très jeune en fait, parce qu'au fond ça fait 5 ans d'études, ça voulait dire retourner au lycée que je venais de quitter 5 ans avant. Or en général quand on est jeune on n'a pas envie vraiment de rester au lycée, on se dit oh là là j'ai envie d'aller voir la vie, voir ce qui se passe ailleurs. Donc voilà je m'étais dit on se laisse la possibilité éventuellement de faire autre chose et puis en fait non parce que j'ai rencontré tellement de situations, tellement de gens qui m'ont donné envie de rester parce qu'ils étaient vraiment... formidable, et puis qu'il y a tellement d'opportunités dans ce métier que je suis restée. Voilà, et je ne regrette pas du tout. Alors, cela dit, maintenant, je fais aussi d'autres choses. J'ai eu l'occasion, par le biais d'une inspectrice, d'être contactée par une maison d'édition de manuels scolaires pour laquelle je travaillais pendant 15 ans. J'ai rédigé des manuels scolaires de tous niveaux, de la 6e à la terminale. Ça a été une expérience absolument passionnante. Ça donne un autre regard sur notre métier. Et puis, j'ai eu la chance aussi, là encore, grâce à des rencontres, de travailler dans l'enseignement supérieur. comme vacataire. Tout d'abord à l'IUT de Bobigny. Je travaillais avec des jeunes qui préparaient des diplômes. Alors certains, c'était assistante sociale, d'autres, c'était animateur. Et animateur, ça voulait dire travailler beaucoup sur l'histoire des loisirs, sur l'histoire du sport. Ça m'a apporté énormément. Et puis, depuis 2011, je fais des conférences de méthode et je fais l'histoire du XIXe siècle avec des étudiants de sciences polies. C'est très intéressant. Ça me fait une diversité d'expériences qui ont tout un point commun autour de l'enseignement de l'histoire. Et qui me permet donc un petit peu d'enrichir mon expérience et de pouvoir en faire profiter mes élèves. Parce qu'au fond, on est toujours dans cette idée, comment ça peut m'aider à mieux transmettre ce que je voudrais qu'on transmette à nos jeunes générations. Qu'est-ce que c'est qu'être professeur d'histoire aujourd'hui ? Ce qui est fondamental dans le métier, c'est la relation de confiance. Je dirais que l'enseignement de l'histoire, il a bien sûr évolué parce qu'on ne fait plus de l'histoire du roman national. L'histoire, c'est vraiment une démarche scientifique. On a aussi l'ambition de leur donner des références communes, d'avoir une dimension citoyenne à notre enseignement par la transmission de valeurs. Et ça fait partie aussi de l'enseignement de l'histoire. C'est là que le lien se fait avec aussi l'importance de la mémoire dans notre enseignement. Le rôle de la mémoire dans notre enseignement, je dirais de toute façon, il a toujours été absolument fondamental puisqu'il est la base même de l'histoire. On part de documents qui sont des traces et qui peuvent être des traces mémorielles de l'histoire. On a toujours eu dans les programmes des sujets qui amènent à parler de mémoire. Faire la Révolution française, c'est parler de la mémoire de la Révolution française au XIXe siècle. Faire l'histoire de l'esclavage, c'est évidemment parler de son abolition et de la mémoire de l'esclavage après l'abolition. Donc, en dehors même de son institutionnalisation dans les programmes, on en a toujours parlé. J'ajouterais que, de toute façon, on a aussi des dispositifs qui existent depuis très longtemps. Par exemple, le CNRD, le concours national de la résistance et de la déportation, existe depuis les années 60. C'est vraiment un concours qui, par exemple, dans mon lycée, se fait tous les ans. Tous les ans, il y a des élèves qui participent au CNRD. Et ce sont les professeurs d'histoire qui les inscrivent et les encadrent. Donc, l'histoire a toujours été omniprésente dans notre travail. La question de la mémoire a pris une dimension très particulière depuis 2020 et l'assassinat de notre collègue. Il y a un concours qui a été institué, le concours Samuel Paty. Et là, on a pu constater à quel point ce n'était plus la mémoire d'événements éloignés. On était nous-mêmes impliqués dans cet événement. De façon extrêmement forte, ça a été un véritable traumatisme pour tous les collègues et pour les élèves. Ça a été un choc énorme. Il y a ces dispositifs pédagogiques. Nous avons aussi un référent mémoire, un inspecteur d'histoire qui organise des rencontres, des conférences pendant toute l'année. Tous les thèmes qui peuvent avoir affaire à la mémoire et à l'histoire. La mémoire est devenue un sujet dans nos programmes depuis la réforme des programmes de 2013, où ont été introduits dans les programmes de terminale les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d'Algérie. Ça a été la première fois qu'on a fait l'histoire de la mémoire. On a historicisé la mémoire pour montrer justement qu'il fallait toujours conserver une démarche d'historien, une démarche scientifique, académique, y compris pour parler de la mémoire. Ça apporte énormément à nos élèves, ça permet de leur montrer que même ce sujet-là, où on pense toujours subjectivité, émotion, c'est aussi un sujet sur lequel on peut avoir du recul. Depuis la réforme de 2019, avec l'instauration de la GGSP, Histoire Géopolitique-Sciences Politiques, Il y a un thème de Terminal qui s'appelle Histoire et mémoire sur lequel on passe 26 heures. Donc c'est vraiment un sujet maintenant qui est complètement entré dans nos programmes et dans nos démarches, avec lequel on a acquis de plus en plus de familiarité. On était plus dans la logique mémoire comme commémoration, comment on s'inscrit dans les dates, les lieux de commémoration. Maintenant, c'est un vrai sujet d'histoire. Et pour nous, c'est vraiment très important et très, très intéressant. Les associations mémoriales sont essentielles pour l'histoire parce qu'elles suggèrent des sujets, elles font avancer la recherche en posant des questions et en poussant les historiens à travailler. En 2021, on avait décidé au lycée de faire une sortie collective à l'Historial de la Grande Guerre à Péronne. Et à ce moment-là, comme on voulait emmener toutes les classes et que ça devait être du coup un voyage obligatoire, il fallait qu'ils soient pris en charge. Et on cherchait des moyens, très matériellement, d'aide financière. Le contact que nous avons eu avec le Souvenir français, c'est fait par le biais d'une bénévole de votre association, Émilie David, qui est aussi professeure d'histoire d'ailleurs, que je connaissais par ailleurs. On a parlé de notre projet, de la façon dont on allait ensuite tirer un bilan de ça. Et elle nous a dit, nous, on est prêts à vous aider à vous financer. Et ils nous ont énormément financé. Ce qui fait qu'on a pu effectivement faire deux journées à Péronne, avec huit classes. C'est vraiment une sortie qui est très, très enrichissante pour les élèves, par sa dimension, on va dire, d'histoire dans le musée, et puis ce parcours du souvenir dans les tranchées. Cela dit, on l'a fait au moment où on traite de la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire c'était au début juin, ils faisaient un temps magnifique. Alors, ce n'était pas du tout l'ambiance des tranchées. L'année précédente, on était en confinement. Les élèves avaient un besoin de sortir, de s'amuser entre eux. Ça a été une journée... extrêmement joyeuse pour les élèves. Et on l'a vu dans tous les comptes rendus qu'ils nous ont faits, qui étaient souvent un petit peu ludiques, on va dire. Ils utilisaient les matériaux qu'ils avaient trouvés à Péronne, dans le musée, pour faire des choses qui étaient de l'ordre de la chanson, des petites animations, des vlogs. Ça n'avait pas l'austérité que peut parfois prendre la mémoire et les commémorations. Le lien entre les associations mémorielles et les professeurs d'histoire, elles sont multiples. Les associations stimulent la recherche historique, peuvent lui donner une orientation. Et puis nous, on est très souvent amenés à faire appel à ces associations parce que les associations ont des dispositifs à destination des établissements scolaires qui sont toujours très enrichissantes, les voyages, mais il y a aussi la possibilité de rencontrer des témoins. Et la rencontre avec les témoins est aussi un moment très fort pour les élèves. Alors les témoins, ils sont âgés, pour certains conflits, ils ne sont plus là. Alors ça peut être leurs enfants, mais c'est la deuxième génération maintenant qui prend le relais. Mais ça peut être aussi des témoins, par exemple, de la guerre d'Algérie. Et là, il y a des associations qui proposent aux établissements de faire venir des combattants, des différentes composantes de ceux qui ont combattu dans la guerre d'Algérie dans les lycées. Donc il y a ça. Et puis, il y a la possibilité aussi de faire des rencontres avec des conférenciers pour éclairer sur un sujet. Donc, il y a beaucoup de liens entre les associations et elles jouent un rôle vraiment important pour déterminer des temps forts, des lieux de visite et des rencontres. On a eu le drapeau du souvenir du 11 novembre 1940 pendant un an dans notre lycée. Étant un lycée de centre-ville, on a des monuments aux morts dans notre établissement. On en a un pour la première guerre mondiale qui est gigantesque puisqu'il y a 800 noms qui sont dessus. C'est une plaque extrêmement impressionnante dans le hall du lycée. Et puis on a une plaque aussi très impressionnante. pour les morts pour la France de la Seconde Guerre mondiale. Et parmi eux, c'était des lycéens. Et certains avaient participé à la commémoration du 11 novembre 1940. On est un lycée où régulièrement, il y a des commémorations le 11 novembre, tous les ans, et c'est l'objet d'une véritable cérémonie avec des personnalités officielles, des représentants, des anciens combattants. J'ai travaillé aussi avec d'autres associations mémoriales, et en particulier une association qui est liée au mémorial de la Shoah. qui s'appelle l'Association pour la mémoire des enfants juifs déportés, qui nous a proposé de retrouver l'identité des élèves qui avaient été victimes des persécutions antisémites pendant la guerre. Et je me suis dit que ça pouvait être un dispositif très intéressant pour les élèves. Donc on s'est lancé dans ce travail-là il y a déjà trois ans. Il n'est pas complètement terminé. Il doit aboutir à la pose d'une plaque, comme ça se fait dans différents établissements. J'ai même un élève de terminale qui a découvert un véritable pépite. C'est-à-dire qu'il s'est vraiment lancé, il a pris ça à cœur. Il est lui-même allé aux archives départementales. où se trouvent les archives du lycée et des lycées parisiens. Et à partir d'un nom, d'un jeune qui est... Alors, celui pour lequel je pensais qu'on trouverait le moins d'informations parce qu'il est d'une famille originaire de Salonique, fuyant les pogroms, arrivant en France dans l'entre-deux-guerres, lui-même étant né à Naples. Le hasard a fait que cet élève-là, il a vu dans sa fiche d'inscription au lycée Louis-le-Grand qu'il avait été précédemment au lycée Charlemagne. Et dans les archives du lycée Charlemagne, il a trouvé une photo de la classe de seconde avec le nom de... tous les élèves indiqués, il a pu retrouver le visage de ce jeune. C'est un peu miraculeux parce que c'est exceptionnel. Pourquoi s'intéresse-t-on toujours au conflit contemporain ? Ça passionne toujours les élèves. Donc, c'est qu'il y a quelque chose qui se joue dedans. Je pense qu'il y a déjà leur présence dans l'espace public. Quand quelque chose est très présent dans l'espace public, les élèves ont besoin qu'on en parle et qu'on historicise, qu'on leur dise en histoire comment on en parle. Et puis, ils peuvent aussi avoir une mémoire familiale. Beaucoup d'entre eux, et plus on arrive même dans les conflits très récents, on a des élèves russes, par exemple dans nos lycées on a des élèves ukrainiens. Il y a une implication personnelle ou familiale. Donc ça permet de donner un sens à cet intérêt pour les conflits. Ce qu'on essaye surtout de faire, c'est d'historiciser la mémoire. C'est-à-dire que la mémoire et toutes les commémorations, tout ce qui relève de la politique mémorielle, de montrer ce que c'est véritablement la mémoire en tant qu'expérience subjective, émotionnelle et en même temps expérience collective. À travers la mémoire, on montre... qu'on a des idéaux communs, qui sont des valeurs communes vers lesquelles on tend et dont l'expérience que l'on commémore un 11 novembre, un 8 mai ou un 17 octobre, représente des valeurs qui nous sont toujours précieuses. Une fois qu'on a dit ça et que les élèves sentent combien, grâce à la mémoire, on peut incarner ces événements, nous on va les historiciser pour montrer, les remettre en lien avec le contexte et leur donner une... un sens beaucoup plus académique, montrer par exemple qu'il peut exister différentes formes de mémoire, expliquer pourquoi il existe différentes formes de mémoire, que ces mémoires, certes, se vivent comme parfois en concurrence ou en conflit, mais que nous, en tant qu'historiens, on peut arriver à comprendre pourquoi elles existent et comment justement, à partir de là, il peut s'opérer des moyens de réconciliation de la mémoire. Donc, en fait, c'est prendre de la distance en cours pour montrer comment la mémoire peut être finalement un outil à la fois de valeur, de construction d'une communauté civique, de citoyens, et par l'histoire, comprendre dans quelle mesure justement on peut dépasser les conflits de mémoire. Les moyens de transmettre et de perpétuer la mémoire, je dirais qu'en fait, il y a tous ceux dont on a parlé, les journées, les voyages, les lieux de mémoire. Au fond, ils sont omniprésents. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il y ait quelque chose, pour l'instant, qui soit véritablement en danger, en tout cas actuellement. il y a énormément de commémorations c'est vraiment quelque chose qui est omniprésent c'est plutôt l'histoire qui est vraiment la matière qui va permettre de tout concilier comment transmettre la mémoire à ses propres enfants je dirais qu'en tant qu'enseignant on est justement extrêmement sensible à ça on est extrêmement sensible au fait que la mémoire est une source de l'histoire, on l'a dit depuis tout à l'heure et l'idée que c'est extrêmement important d'essayer de répondre à tout toutes les questions de nos enfants, voire même à les susciter pour qu'ils puissent se faire leur bagage de connaissances sur la propre histoire, histoire familiale par exemple, et qu'ils ne puissent pas se dire un jour, oh là là mon Dieu, un tel a disparu, mais j'aurais tellement voulu lui faire parler de tel événement, prendre les devants. J'espère avoir à cœur de susciter le plus de discussions possibles pour que se fasse cette transmission d'une histoire personnelle, une histoire vraiment familiale à mes enfants. Pour moi, l'engagement, il est quotidien, il est permanent. C'est tout le temps se demander si ce que l'on fait a une utilité, peut apporter quelque chose aux autres, si on est toujours dans une logique qui correspond à nos valeurs, à notre éthique. J'ai fait du bénévolat pour une association d'aide et d'accueil des migrants dans le 18e arrondissement. Alors ça a été une expérience extraordinaire. J'ai donné des cours, c'est un peu ce que je sais faire, mais des cours de français. Ça m'a appris énormément. J'ai vu des gens qui avaient un appétit de connaître, qui pour certains, malgré les périples qu'ils avaient connus, avaient une culture et une culture de la littérature française absolument époustouflante. J'ai aussi appris en fait à... Qu'est-ce que c'est qu'enseigner sa propre langue ? D'une certaine façon, ça aide aussi pour toute forme de transmission. C'est aussi ce qu'on fait en histoire, en fait, quand on aborde une question, on parle très souvent des images, des représentations, des connaissances que les élèves en ont. Pour arriver à voir comment on peut l'utiliser, le réinvestir et puis ensuite l'enrichir. J'ai vu beaucoup de gens s'investir, et notamment beaucoup de jeunes, s'investir dans cette association avec beaucoup d'énergie et de cœur. Ce qui est essentiel, et heureusement que ça existe, mais j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement vu tout ce que nos élèves attendent de nous. Parce qu'ils attendent quelque chose. Ils sont très curieux, ils passent beaucoup de temps au lycée, donc on doit leur apporter quelque chose, et c'est ça notre engagement.

  • Voix-off

    Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoires, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet, dont vous trouverez les liens en description. Rendez-vous dans deux semaines, vous découvrez une nouvelle histoire.

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Professeure d’Histoire et de Géographie depuis une trentaine d’années, Catherine PIDUTTI travaille au quotidien avec ses élèves pour la défense, la transmission et la compréhension de la mémoire combattante française. 

 

Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à devenir professeure ? C’est quoi enseigner l’histoire aujourd’hui ? Comment transmettre l’Histoire et ses valeurs aux jeunes générations ? Quelles sont les initiatives pédagogiques mises en place pour faire vivre la mémoire combattante française ? Quel est le rôle des associations ? Comment intéresser les scolaires à des destins individuels lointains ? 

 

Catherine PIDUTTI, professeure d’histoire résolument engagée, témoigne à notre micro de sa passion pour la transmission de l'Histoire aux plus jeunes. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.

Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ?


 Le Souvenir Français recueille ces voix qui ont décidé de perpétuer le souvenir de celles et ceux qui se sont engagés pour la France et pour que les générations à venir ne les oublient pas. 

Passeurs d’histoires est un podcast de l’Association Le Souvenir Français, produit par Suniwan.

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X : https://x.com/SF_Siege 







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Transcription

  • Catherine

    Je dirais, j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement.

  • Voix-off

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  • Catherine

    Je m'appelle Catherine Piduti, j'ai une très longue carrière d'enseignante d'histoire-géographie, puisque j'ai commencé ma carrière à la fin des années 80, comme stagiaire en Seine-Saint-Denis. Ensuite, j'ai passé un an dans le Nord, à Douai, puis je suis revenue en Seine-Saint-Denis. Puis ensuite, j'ai été mutée dans l'Académie de Paris. Je suis maintenant depuis 15 ans. Et maintenant, je suis au lycée Louis-le-Grand, donc c'est considéré un peu comme un lycée, un peu le navire amiral de l'éducation nationale. C'est des postes très différents, des élèves qui changent aussi, des politiques éducatives qui changent. J'ai connu très nombreux ministres, très nombreuses réformes de l'éducation et de réformes des programmes. Ce que je me suis rendu compte, c'est que dans l'éducation nationale, on ne se répétait pas, contrairement à ce qu'on pense. Non seulement il y a les évolutions de programmes et les changements d'élèves, mais de toute façon, il y a tellement de choses qu'on peut transmettre qu'en fait, on se renouvelle en permanence. Et en plus, on rencontre des collègues qui sont pour beaucoup des gens. extrêmement intéressants, avec lesquels on a envie de travailler, avec lesquels les relations se passent vraiment très bien, on se fait des amis, et avec lesquels il n'y a pas de relations de pouvoir. Contrairement à certains métiers où on se retrouve finalement dans des hiérarchies de pouvoir, c'est assez horizontal et ça fluidifie énormément les relations entre les collègues. On voit des gens vraiment très intéressants, très investis, très engagés, qui font beaucoup de choses pour leurs élèves et avec lesquels les relations donnent envie de rester dans le métier. Donc en fait, finalement, je n'ai jamais eu envie de quitter ce métier. Je suis très très contente d'être là depuis plus de 30 ans maintenant. Je ne vais pas dire que j'ai une vocation très ancienne, enfant, pour faire de l'histoire. Je dirais que c'est un peu un calcul stratégique. J'ai passé le bac dans l'Académie de Grenoble dans les années 80. Je rêvais de venir à Paris. Et il y avait une solution pour venir à Paris, c'est de s'inscrire en classe prépa. Et donc j'ai choisi une classe prépa où ils recrutaient sur toute la France. C'était la prépa École des Chartes. J'étais admise en E4 et donc j'ai pu comme ça venir à Paris. Très naturellement, à l'école de préparation, à l'école des chartes, on fait de l'histoire. J'ai continué mes études à l'université. Donc, quand on rentrait en doc d'histoire, on faisait une licence d'histoire, puis ensuite une maîtrise d'histoire, et puis ensuite, on passait les concours. Parce que nos professeurs nous disaient, si vous voulez faire une thèse, revenez me voir une fois que vous aurez l'agrégation. Parce que sinon, ce n'est pas la peine, vous risquez de vous retrouver sans emploi. J'ai passé les concours et puis je suis devenue prof d'histoire. D'autre part, j'étais très jeune en fait, parce qu'au fond ça fait 5 ans d'études, ça voulait dire retourner au lycée que je venais de quitter 5 ans avant. Or en général quand on est jeune on n'a pas envie vraiment de rester au lycée, on se dit oh là là j'ai envie d'aller voir la vie, voir ce qui se passe ailleurs. Donc voilà je m'étais dit on se laisse la possibilité éventuellement de faire autre chose et puis en fait non parce que j'ai rencontré tellement de situations, tellement de gens qui m'ont donné envie de rester parce qu'ils étaient vraiment... formidable, et puis qu'il y a tellement d'opportunités dans ce métier que je suis restée. Voilà, et je ne regrette pas du tout. Alors, cela dit, maintenant, je fais aussi d'autres choses. J'ai eu l'occasion, par le biais d'une inspectrice, d'être contactée par une maison d'édition de manuels scolaires pour laquelle je travaillais pendant 15 ans. J'ai rédigé des manuels scolaires de tous niveaux, de la 6e à la terminale. Ça a été une expérience absolument passionnante. Ça donne un autre regard sur notre métier. Et puis, j'ai eu la chance aussi, là encore, grâce à des rencontres, de travailler dans l'enseignement supérieur. comme vacataire. Tout d'abord à l'IUT de Bobigny. Je travaillais avec des jeunes qui préparaient des diplômes. Alors certains, c'était assistante sociale, d'autres, c'était animateur. Et animateur, ça voulait dire travailler beaucoup sur l'histoire des loisirs, sur l'histoire du sport. Ça m'a apporté énormément. Et puis, depuis 2011, je fais des conférences de méthode et je fais l'histoire du XIXe siècle avec des étudiants de sciences polies. C'est très intéressant. Ça me fait une diversité d'expériences qui ont tout un point commun autour de l'enseignement de l'histoire. Et qui me permet donc un petit peu d'enrichir mon expérience et de pouvoir en faire profiter mes élèves. Parce qu'au fond, on est toujours dans cette idée, comment ça peut m'aider à mieux transmettre ce que je voudrais qu'on transmette à nos jeunes générations. Qu'est-ce que c'est qu'être professeur d'histoire aujourd'hui ? Ce qui est fondamental dans le métier, c'est la relation de confiance. Je dirais que l'enseignement de l'histoire, il a bien sûr évolué parce qu'on ne fait plus de l'histoire du roman national. L'histoire, c'est vraiment une démarche scientifique. On a aussi l'ambition de leur donner des références communes, d'avoir une dimension citoyenne à notre enseignement par la transmission de valeurs. Et ça fait partie aussi de l'enseignement de l'histoire. C'est là que le lien se fait avec aussi l'importance de la mémoire dans notre enseignement. Le rôle de la mémoire dans notre enseignement, je dirais de toute façon, il a toujours été absolument fondamental puisqu'il est la base même de l'histoire. On part de documents qui sont des traces et qui peuvent être des traces mémorielles de l'histoire. On a toujours eu dans les programmes des sujets qui amènent à parler de mémoire. Faire la Révolution française, c'est parler de la mémoire de la Révolution française au XIXe siècle. Faire l'histoire de l'esclavage, c'est évidemment parler de son abolition et de la mémoire de l'esclavage après l'abolition. Donc, en dehors même de son institutionnalisation dans les programmes, on en a toujours parlé. J'ajouterais que, de toute façon, on a aussi des dispositifs qui existent depuis très longtemps. Par exemple, le CNRD, le concours national de la résistance et de la déportation, existe depuis les années 60. C'est vraiment un concours qui, par exemple, dans mon lycée, se fait tous les ans. Tous les ans, il y a des élèves qui participent au CNRD. Et ce sont les professeurs d'histoire qui les inscrivent et les encadrent. Donc, l'histoire a toujours été omniprésente dans notre travail. La question de la mémoire a pris une dimension très particulière depuis 2020 et l'assassinat de notre collègue. Il y a un concours qui a été institué, le concours Samuel Paty. Et là, on a pu constater à quel point ce n'était plus la mémoire d'événements éloignés. On était nous-mêmes impliqués dans cet événement. De façon extrêmement forte, ça a été un véritable traumatisme pour tous les collègues et pour les élèves. Ça a été un choc énorme. Il y a ces dispositifs pédagogiques. Nous avons aussi un référent mémoire, un inspecteur d'histoire qui organise des rencontres, des conférences pendant toute l'année. Tous les thèmes qui peuvent avoir affaire à la mémoire et à l'histoire. La mémoire est devenue un sujet dans nos programmes depuis la réforme des programmes de 2013, où ont été introduits dans les programmes de terminale les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d'Algérie. Ça a été la première fois qu'on a fait l'histoire de la mémoire. On a historicisé la mémoire pour montrer justement qu'il fallait toujours conserver une démarche d'historien, une démarche scientifique, académique, y compris pour parler de la mémoire. Ça apporte énormément à nos élèves, ça permet de leur montrer que même ce sujet-là, où on pense toujours subjectivité, émotion, c'est aussi un sujet sur lequel on peut avoir du recul. Depuis la réforme de 2019, avec l'instauration de la GGSP, Histoire Géopolitique-Sciences Politiques, Il y a un thème de Terminal qui s'appelle Histoire et mémoire sur lequel on passe 26 heures. Donc c'est vraiment un sujet maintenant qui est complètement entré dans nos programmes et dans nos démarches, avec lequel on a acquis de plus en plus de familiarité. On était plus dans la logique mémoire comme commémoration, comment on s'inscrit dans les dates, les lieux de commémoration. Maintenant, c'est un vrai sujet d'histoire. Et pour nous, c'est vraiment très important et très, très intéressant. Les associations mémoriales sont essentielles pour l'histoire parce qu'elles suggèrent des sujets, elles font avancer la recherche en posant des questions et en poussant les historiens à travailler. En 2021, on avait décidé au lycée de faire une sortie collective à l'Historial de la Grande Guerre à Péronne. Et à ce moment-là, comme on voulait emmener toutes les classes et que ça devait être du coup un voyage obligatoire, il fallait qu'ils soient pris en charge. Et on cherchait des moyens, très matériellement, d'aide financière. Le contact que nous avons eu avec le Souvenir français, c'est fait par le biais d'une bénévole de votre association, Émilie David, qui est aussi professeure d'histoire d'ailleurs, que je connaissais par ailleurs. On a parlé de notre projet, de la façon dont on allait ensuite tirer un bilan de ça. Et elle nous a dit, nous, on est prêts à vous aider à vous financer. Et ils nous ont énormément financé. Ce qui fait qu'on a pu effectivement faire deux journées à Péronne, avec huit classes. C'est vraiment une sortie qui est très, très enrichissante pour les élèves, par sa dimension, on va dire, d'histoire dans le musée, et puis ce parcours du souvenir dans les tranchées. Cela dit, on l'a fait au moment où on traite de la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire c'était au début juin, ils faisaient un temps magnifique. Alors, ce n'était pas du tout l'ambiance des tranchées. L'année précédente, on était en confinement. Les élèves avaient un besoin de sortir, de s'amuser entre eux. Ça a été une journée... extrêmement joyeuse pour les élèves. Et on l'a vu dans tous les comptes rendus qu'ils nous ont faits, qui étaient souvent un petit peu ludiques, on va dire. Ils utilisaient les matériaux qu'ils avaient trouvés à Péronne, dans le musée, pour faire des choses qui étaient de l'ordre de la chanson, des petites animations, des vlogs. Ça n'avait pas l'austérité que peut parfois prendre la mémoire et les commémorations. Le lien entre les associations mémorielles et les professeurs d'histoire, elles sont multiples. Les associations stimulent la recherche historique, peuvent lui donner une orientation. Et puis nous, on est très souvent amenés à faire appel à ces associations parce que les associations ont des dispositifs à destination des établissements scolaires qui sont toujours très enrichissantes, les voyages, mais il y a aussi la possibilité de rencontrer des témoins. Et la rencontre avec les témoins est aussi un moment très fort pour les élèves. Alors les témoins, ils sont âgés, pour certains conflits, ils ne sont plus là. Alors ça peut être leurs enfants, mais c'est la deuxième génération maintenant qui prend le relais. Mais ça peut être aussi des témoins, par exemple, de la guerre d'Algérie. Et là, il y a des associations qui proposent aux établissements de faire venir des combattants, des différentes composantes de ceux qui ont combattu dans la guerre d'Algérie dans les lycées. Donc il y a ça. Et puis, il y a la possibilité aussi de faire des rencontres avec des conférenciers pour éclairer sur un sujet. Donc, il y a beaucoup de liens entre les associations et elles jouent un rôle vraiment important pour déterminer des temps forts, des lieux de visite et des rencontres. On a eu le drapeau du souvenir du 11 novembre 1940 pendant un an dans notre lycée. Étant un lycée de centre-ville, on a des monuments aux morts dans notre établissement. On en a un pour la première guerre mondiale qui est gigantesque puisqu'il y a 800 noms qui sont dessus. C'est une plaque extrêmement impressionnante dans le hall du lycée. Et puis on a une plaque aussi très impressionnante. pour les morts pour la France de la Seconde Guerre mondiale. Et parmi eux, c'était des lycéens. Et certains avaient participé à la commémoration du 11 novembre 1940. On est un lycée où régulièrement, il y a des commémorations le 11 novembre, tous les ans, et c'est l'objet d'une véritable cérémonie avec des personnalités officielles, des représentants, des anciens combattants. J'ai travaillé aussi avec d'autres associations mémoriales, et en particulier une association qui est liée au mémorial de la Shoah. qui s'appelle l'Association pour la mémoire des enfants juifs déportés, qui nous a proposé de retrouver l'identité des élèves qui avaient été victimes des persécutions antisémites pendant la guerre. Et je me suis dit que ça pouvait être un dispositif très intéressant pour les élèves. Donc on s'est lancé dans ce travail-là il y a déjà trois ans. Il n'est pas complètement terminé. Il doit aboutir à la pose d'une plaque, comme ça se fait dans différents établissements. J'ai même un élève de terminale qui a découvert un véritable pépite. C'est-à-dire qu'il s'est vraiment lancé, il a pris ça à cœur. Il est lui-même allé aux archives départementales. où se trouvent les archives du lycée et des lycées parisiens. Et à partir d'un nom, d'un jeune qui est... Alors, celui pour lequel je pensais qu'on trouverait le moins d'informations parce qu'il est d'une famille originaire de Salonique, fuyant les pogroms, arrivant en France dans l'entre-deux-guerres, lui-même étant né à Naples. Le hasard a fait que cet élève-là, il a vu dans sa fiche d'inscription au lycée Louis-le-Grand qu'il avait été précédemment au lycée Charlemagne. Et dans les archives du lycée Charlemagne, il a trouvé une photo de la classe de seconde avec le nom de... tous les élèves indiqués, il a pu retrouver le visage de ce jeune. C'est un peu miraculeux parce que c'est exceptionnel. Pourquoi s'intéresse-t-on toujours au conflit contemporain ? Ça passionne toujours les élèves. Donc, c'est qu'il y a quelque chose qui se joue dedans. Je pense qu'il y a déjà leur présence dans l'espace public. Quand quelque chose est très présent dans l'espace public, les élèves ont besoin qu'on en parle et qu'on historicise, qu'on leur dise en histoire comment on en parle. Et puis, ils peuvent aussi avoir une mémoire familiale. Beaucoup d'entre eux, et plus on arrive même dans les conflits très récents, on a des élèves russes, par exemple dans nos lycées on a des élèves ukrainiens. Il y a une implication personnelle ou familiale. Donc ça permet de donner un sens à cet intérêt pour les conflits. Ce qu'on essaye surtout de faire, c'est d'historiciser la mémoire. C'est-à-dire que la mémoire et toutes les commémorations, tout ce qui relève de la politique mémorielle, de montrer ce que c'est véritablement la mémoire en tant qu'expérience subjective, émotionnelle et en même temps expérience collective. À travers la mémoire, on montre... qu'on a des idéaux communs, qui sont des valeurs communes vers lesquelles on tend et dont l'expérience que l'on commémore un 11 novembre, un 8 mai ou un 17 octobre, représente des valeurs qui nous sont toujours précieuses. Une fois qu'on a dit ça et que les élèves sentent combien, grâce à la mémoire, on peut incarner ces événements, nous on va les historiciser pour montrer, les remettre en lien avec le contexte et leur donner une... un sens beaucoup plus académique, montrer par exemple qu'il peut exister différentes formes de mémoire, expliquer pourquoi il existe différentes formes de mémoire, que ces mémoires, certes, se vivent comme parfois en concurrence ou en conflit, mais que nous, en tant qu'historiens, on peut arriver à comprendre pourquoi elles existent et comment justement, à partir de là, il peut s'opérer des moyens de réconciliation de la mémoire. Donc, en fait, c'est prendre de la distance en cours pour montrer comment la mémoire peut être finalement un outil à la fois de valeur, de construction d'une communauté civique, de citoyens, et par l'histoire, comprendre dans quelle mesure justement on peut dépasser les conflits de mémoire. Les moyens de transmettre et de perpétuer la mémoire, je dirais qu'en fait, il y a tous ceux dont on a parlé, les journées, les voyages, les lieux de mémoire. Au fond, ils sont omniprésents. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il y ait quelque chose, pour l'instant, qui soit véritablement en danger, en tout cas actuellement. il y a énormément de commémorations c'est vraiment quelque chose qui est omniprésent c'est plutôt l'histoire qui est vraiment la matière qui va permettre de tout concilier comment transmettre la mémoire à ses propres enfants je dirais qu'en tant qu'enseignant on est justement extrêmement sensible à ça on est extrêmement sensible au fait que la mémoire est une source de l'histoire, on l'a dit depuis tout à l'heure et l'idée que c'est extrêmement important d'essayer de répondre à tout toutes les questions de nos enfants, voire même à les susciter pour qu'ils puissent se faire leur bagage de connaissances sur la propre histoire, histoire familiale par exemple, et qu'ils ne puissent pas se dire un jour, oh là là mon Dieu, un tel a disparu, mais j'aurais tellement voulu lui faire parler de tel événement, prendre les devants. J'espère avoir à cœur de susciter le plus de discussions possibles pour que se fasse cette transmission d'une histoire personnelle, une histoire vraiment familiale à mes enfants. Pour moi, l'engagement, il est quotidien, il est permanent. C'est tout le temps se demander si ce que l'on fait a une utilité, peut apporter quelque chose aux autres, si on est toujours dans une logique qui correspond à nos valeurs, à notre éthique. J'ai fait du bénévolat pour une association d'aide et d'accueil des migrants dans le 18e arrondissement. Alors ça a été une expérience extraordinaire. J'ai donné des cours, c'est un peu ce que je sais faire, mais des cours de français. Ça m'a appris énormément. J'ai vu des gens qui avaient un appétit de connaître, qui pour certains, malgré les périples qu'ils avaient connus, avaient une culture et une culture de la littérature française absolument époustouflante. J'ai aussi appris en fait à... Qu'est-ce que c'est qu'enseigner sa propre langue ? D'une certaine façon, ça aide aussi pour toute forme de transmission. C'est aussi ce qu'on fait en histoire, en fait, quand on aborde une question, on parle très souvent des images, des représentations, des connaissances que les élèves en ont. Pour arriver à voir comment on peut l'utiliser, le réinvestir et puis ensuite l'enrichir. J'ai vu beaucoup de gens s'investir, et notamment beaucoup de jeunes, s'investir dans cette association avec beaucoup d'énergie et de cœur. Ce qui est essentiel, et heureusement que ça existe, mais j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement vu tout ce que nos élèves attendent de nous. Parce qu'ils attendent quelque chose. Ils sont très curieux, ils passent beaucoup de temps au lycée, donc on doit leur apporter quelque chose, et c'est ça notre engagement.

  • Voix-off

    Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoires, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet, dont vous trouverez les liens en description. Rendez-vous dans deux semaines, vous découvrez une nouvelle histoire.

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Description

Professeure d’Histoire et de Géographie depuis une trentaine d’années, Catherine PIDUTTI travaille au quotidien avec ses élèves pour la défense, la transmission et la compréhension de la mémoire combattante française. 

 

Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à devenir professeure ? C’est quoi enseigner l’histoire aujourd’hui ? Comment transmettre l’Histoire et ses valeurs aux jeunes générations ? Quelles sont les initiatives pédagogiques mises en place pour faire vivre la mémoire combattante française ? Quel est le rôle des associations ? Comment intéresser les scolaires à des destins individuels lointains ? 

 

Catherine PIDUTTI, professeure d’histoire résolument engagée, témoigne à notre micro de sa passion pour la transmission de l'Histoire aux plus jeunes. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.

Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ?


 Le Souvenir Français recueille ces voix qui ont décidé de perpétuer le souvenir de celles et ceux qui se sont engagés pour la France et pour que les générations à venir ne les oublient pas. 

Passeurs d’histoires est un podcast de l’Association Le Souvenir Français, produit par Suniwan.

Retrouvez une nouvelle histoire toutes les deux semaines. 


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Transcription

  • Catherine

    Je dirais, j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement.

  • Voix-off

    Bienvenue dans Passeurs d'Histoires, le podcast de la mémoire. S'engager par Catherine, l'enseignement de la mémoire.

  • Catherine

    Je m'appelle Catherine Piduti, j'ai une très longue carrière d'enseignante d'histoire-géographie, puisque j'ai commencé ma carrière à la fin des années 80, comme stagiaire en Seine-Saint-Denis. Ensuite, j'ai passé un an dans le Nord, à Douai, puis je suis revenue en Seine-Saint-Denis. Puis ensuite, j'ai été mutée dans l'Académie de Paris. Je suis maintenant depuis 15 ans. Et maintenant, je suis au lycée Louis-le-Grand, donc c'est considéré un peu comme un lycée, un peu le navire amiral de l'éducation nationale. C'est des postes très différents, des élèves qui changent aussi, des politiques éducatives qui changent. J'ai connu très nombreux ministres, très nombreuses réformes de l'éducation et de réformes des programmes. Ce que je me suis rendu compte, c'est que dans l'éducation nationale, on ne se répétait pas, contrairement à ce qu'on pense. Non seulement il y a les évolutions de programmes et les changements d'élèves, mais de toute façon, il y a tellement de choses qu'on peut transmettre qu'en fait, on se renouvelle en permanence. Et en plus, on rencontre des collègues qui sont pour beaucoup des gens. extrêmement intéressants, avec lesquels on a envie de travailler, avec lesquels les relations se passent vraiment très bien, on se fait des amis, et avec lesquels il n'y a pas de relations de pouvoir. Contrairement à certains métiers où on se retrouve finalement dans des hiérarchies de pouvoir, c'est assez horizontal et ça fluidifie énormément les relations entre les collègues. On voit des gens vraiment très intéressants, très investis, très engagés, qui font beaucoup de choses pour leurs élèves et avec lesquels les relations donnent envie de rester dans le métier. Donc en fait, finalement, je n'ai jamais eu envie de quitter ce métier. Je suis très très contente d'être là depuis plus de 30 ans maintenant. Je ne vais pas dire que j'ai une vocation très ancienne, enfant, pour faire de l'histoire. Je dirais que c'est un peu un calcul stratégique. J'ai passé le bac dans l'Académie de Grenoble dans les années 80. Je rêvais de venir à Paris. Et il y avait une solution pour venir à Paris, c'est de s'inscrire en classe prépa. Et donc j'ai choisi une classe prépa où ils recrutaient sur toute la France. C'était la prépa École des Chartes. J'étais admise en E4 et donc j'ai pu comme ça venir à Paris. Très naturellement, à l'école de préparation, à l'école des chartes, on fait de l'histoire. J'ai continué mes études à l'université. Donc, quand on rentrait en doc d'histoire, on faisait une licence d'histoire, puis ensuite une maîtrise d'histoire, et puis ensuite, on passait les concours. Parce que nos professeurs nous disaient, si vous voulez faire une thèse, revenez me voir une fois que vous aurez l'agrégation. Parce que sinon, ce n'est pas la peine, vous risquez de vous retrouver sans emploi. J'ai passé les concours et puis je suis devenue prof d'histoire. D'autre part, j'étais très jeune en fait, parce qu'au fond ça fait 5 ans d'études, ça voulait dire retourner au lycée que je venais de quitter 5 ans avant. Or en général quand on est jeune on n'a pas envie vraiment de rester au lycée, on se dit oh là là j'ai envie d'aller voir la vie, voir ce qui se passe ailleurs. Donc voilà je m'étais dit on se laisse la possibilité éventuellement de faire autre chose et puis en fait non parce que j'ai rencontré tellement de situations, tellement de gens qui m'ont donné envie de rester parce qu'ils étaient vraiment... formidable, et puis qu'il y a tellement d'opportunités dans ce métier que je suis restée. Voilà, et je ne regrette pas du tout. Alors, cela dit, maintenant, je fais aussi d'autres choses. J'ai eu l'occasion, par le biais d'une inspectrice, d'être contactée par une maison d'édition de manuels scolaires pour laquelle je travaillais pendant 15 ans. J'ai rédigé des manuels scolaires de tous niveaux, de la 6e à la terminale. Ça a été une expérience absolument passionnante. Ça donne un autre regard sur notre métier. Et puis, j'ai eu la chance aussi, là encore, grâce à des rencontres, de travailler dans l'enseignement supérieur. comme vacataire. Tout d'abord à l'IUT de Bobigny. Je travaillais avec des jeunes qui préparaient des diplômes. Alors certains, c'était assistante sociale, d'autres, c'était animateur. Et animateur, ça voulait dire travailler beaucoup sur l'histoire des loisirs, sur l'histoire du sport. Ça m'a apporté énormément. Et puis, depuis 2011, je fais des conférences de méthode et je fais l'histoire du XIXe siècle avec des étudiants de sciences polies. C'est très intéressant. Ça me fait une diversité d'expériences qui ont tout un point commun autour de l'enseignement de l'histoire. Et qui me permet donc un petit peu d'enrichir mon expérience et de pouvoir en faire profiter mes élèves. Parce qu'au fond, on est toujours dans cette idée, comment ça peut m'aider à mieux transmettre ce que je voudrais qu'on transmette à nos jeunes générations. Qu'est-ce que c'est qu'être professeur d'histoire aujourd'hui ? Ce qui est fondamental dans le métier, c'est la relation de confiance. Je dirais que l'enseignement de l'histoire, il a bien sûr évolué parce qu'on ne fait plus de l'histoire du roman national. L'histoire, c'est vraiment une démarche scientifique. On a aussi l'ambition de leur donner des références communes, d'avoir une dimension citoyenne à notre enseignement par la transmission de valeurs. Et ça fait partie aussi de l'enseignement de l'histoire. C'est là que le lien se fait avec aussi l'importance de la mémoire dans notre enseignement. Le rôle de la mémoire dans notre enseignement, je dirais de toute façon, il a toujours été absolument fondamental puisqu'il est la base même de l'histoire. On part de documents qui sont des traces et qui peuvent être des traces mémorielles de l'histoire. On a toujours eu dans les programmes des sujets qui amènent à parler de mémoire. Faire la Révolution française, c'est parler de la mémoire de la Révolution française au XIXe siècle. Faire l'histoire de l'esclavage, c'est évidemment parler de son abolition et de la mémoire de l'esclavage après l'abolition. Donc, en dehors même de son institutionnalisation dans les programmes, on en a toujours parlé. J'ajouterais que, de toute façon, on a aussi des dispositifs qui existent depuis très longtemps. Par exemple, le CNRD, le concours national de la résistance et de la déportation, existe depuis les années 60. C'est vraiment un concours qui, par exemple, dans mon lycée, se fait tous les ans. Tous les ans, il y a des élèves qui participent au CNRD. Et ce sont les professeurs d'histoire qui les inscrivent et les encadrent. Donc, l'histoire a toujours été omniprésente dans notre travail. La question de la mémoire a pris une dimension très particulière depuis 2020 et l'assassinat de notre collègue. Il y a un concours qui a été institué, le concours Samuel Paty. Et là, on a pu constater à quel point ce n'était plus la mémoire d'événements éloignés. On était nous-mêmes impliqués dans cet événement. De façon extrêmement forte, ça a été un véritable traumatisme pour tous les collègues et pour les élèves. Ça a été un choc énorme. Il y a ces dispositifs pédagogiques. Nous avons aussi un référent mémoire, un inspecteur d'histoire qui organise des rencontres, des conférences pendant toute l'année. Tous les thèmes qui peuvent avoir affaire à la mémoire et à l'histoire. La mémoire est devenue un sujet dans nos programmes depuis la réforme des programmes de 2013, où ont été introduits dans les programmes de terminale les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d'Algérie. Ça a été la première fois qu'on a fait l'histoire de la mémoire. On a historicisé la mémoire pour montrer justement qu'il fallait toujours conserver une démarche d'historien, une démarche scientifique, académique, y compris pour parler de la mémoire. Ça apporte énormément à nos élèves, ça permet de leur montrer que même ce sujet-là, où on pense toujours subjectivité, émotion, c'est aussi un sujet sur lequel on peut avoir du recul. Depuis la réforme de 2019, avec l'instauration de la GGSP, Histoire Géopolitique-Sciences Politiques, Il y a un thème de Terminal qui s'appelle Histoire et mémoire sur lequel on passe 26 heures. Donc c'est vraiment un sujet maintenant qui est complètement entré dans nos programmes et dans nos démarches, avec lequel on a acquis de plus en plus de familiarité. On était plus dans la logique mémoire comme commémoration, comment on s'inscrit dans les dates, les lieux de commémoration. Maintenant, c'est un vrai sujet d'histoire. Et pour nous, c'est vraiment très important et très, très intéressant. Les associations mémoriales sont essentielles pour l'histoire parce qu'elles suggèrent des sujets, elles font avancer la recherche en posant des questions et en poussant les historiens à travailler. En 2021, on avait décidé au lycée de faire une sortie collective à l'Historial de la Grande Guerre à Péronne. Et à ce moment-là, comme on voulait emmener toutes les classes et que ça devait être du coup un voyage obligatoire, il fallait qu'ils soient pris en charge. Et on cherchait des moyens, très matériellement, d'aide financière. Le contact que nous avons eu avec le Souvenir français, c'est fait par le biais d'une bénévole de votre association, Émilie David, qui est aussi professeure d'histoire d'ailleurs, que je connaissais par ailleurs. On a parlé de notre projet, de la façon dont on allait ensuite tirer un bilan de ça. Et elle nous a dit, nous, on est prêts à vous aider à vous financer. Et ils nous ont énormément financé. Ce qui fait qu'on a pu effectivement faire deux journées à Péronne, avec huit classes. C'est vraiment une sortie qui est très, très enrichissante pour les élèves, par sa dimension, on va dire, d'histoire dans le musée, et puis ce parcours du souvenir dans les tranchées. Cela dit, on l'a fait au moment où on traite de la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire c'était au début juin, ils faisaient un temps magnifique. Alors, ce n'était pas du tout l'ambiance des tranchées. L'année précédente, on était en confinement. Les élèves avaient un besoin de sortir, de s'amuser entre eux. Ça a été une journée... extrêmement joyeuse pour les élèves. Et on l'a vu dans tous les comptes rendus qu'ils nous ont faits, qui étaient souvent un petit peu ludiques, on va dire. Ils utilisaient les matériaux qu'ils avaient trouvés à Péronne, dans le musée, pour faire des choses qui étaient de l'ordre de la chanson, des petites animations, des vlogs. Ça n'avait pas l'austérité que peut parfois prendre la mémoire et les commémorations. Le lien entre les associations mémorielles et les professeurs d'histoire, elles sont multiples. Les associations stimulent la recherche historique, peuvent lui donner une orientation. Et puis nous, on est très souvent amenés à faire appel à ces associations parce que les associations ont des dispositifs à destination des établissements scolaires qui sont toujours très enrichissantes, les voyages, mais il y a aussi la possibilité de rencontrer des témoins. Et la rencontre avec les témoins est aussi un moment très fort pour les élèves. Alors les témoins, ils sont âgés, pour certains conflits, ils ne sont plus là. Alors ça peut être leurs enfants, mais c'est la deuxième génération maintenant qui prend le relais. Mais ça peut être aussi des témoins, par exemple, de la guerre d'Algérie. Et là, il y a des associations qui proposent aux établissements de faire venir des combattants, des différentes composantes de ceux qui ont combattu dans la guerre d'Algérie dans les lycées. Donc il y a ça. Et puis, il y a la possibilité aussi de faire des rencontres avec des conférenciers pour éclairer sur un sujet. Donc, il y a beaucoup de liens entre les associations et elles jouent un rôle vraiment important pour déterminer des temps forts, des lieux de visite et des rencontres. On a eu le drapeau du souvenir du 11 novembre 1940 pendant un an dans notre lycée. Étant un lycée de centre-ville, on a des monuments aux morts dans notre établissement. On en a un pour la première guerre mondiale qui est gigantesque puisqu'il y a 800 noms qui sont dessus. C'est une plaque extrêmement impressionnante dans le hall du lycée. Et puis on a une plaque aussi très impressionnante. pour les morts pour la France de la Seconde Guerre mondiale. Et parmi eux, c'était des lycéens. Et certains avaient participé à la commémoration du 11 novembre 1940. On est un lycée où régulièrement, il y a des commémorations le 11 novembre, tous les ans, et c'est l'objet d'une véritable cérémonie avec des personnalités officielles, des représentants, des anciens combattants. J'ai travaillé aussi avec d'autres associations mémoriales, et en particulier une association qui est liée au mémorial de la Shoah. qui s'appelle l'Association pour la mémoire des enfants juifs déportés, qui nous a proposé de retrouver l'identité des élèves qui avaient été victimes des persécutions antisémites pendant la guerre. Et je me suis dit que ça pouvait être un dispositif très intéressant pour les élèves. Donc on s'est lancé dans ce travail-là il y a déjà trois ans. Il n'est pas complètement terminé. Il doit aboutir à la pose d'une plaque, comme ça se fait dans différents établissements. J'ai même un élève de terminale qui a découvert un véritable pépite. C'est-à-dire qu'il s'est vraiment lancé, il a pris ça à cœur. Il est lui-même allé aux archives départementales. où se trouvent les archives du lycée et des lycées parisiens. Et à partir d'un nom, d'un jeune qui est... Alors, celui pour lequel je pensais qu'on trouverait le moins d'informations parce qu'il est d'une famille originaire de Salonique, fuyant les pogroms, arrivant en France dans l'entre-deux-guerres, lui-même étant né à Naples. Le hasard a fait que cet élève-là, il a vu dans sa fiche d'inscription au lycée Louis-le-Grand qu'il avait été précédemment au lycée Charlemagne. Et dans les archives du lycée Charlemagne, il a trouvé une photo de la classe de seconde avec le nom de... tous les élèves indiqués, il a pu retrouver le visage de ce jeune. C'est un peu miraculeux parce que c'est exceptionnel. Pourquoi s'intéresse-t-on toujours au conflit contemporain ? Ça passionne toujours les élèves. Donc, c'est qu'il y a quelque chose qui se joue dedans. Je pense qu'il y a déjà leur présence dans l'espace public. Quand quelque chose est très présent dans l'espace public, les élèves ont besoin qu'on en parle et qu'on historicise, qu'on leur dise en histoire comment on en parle. Et puis, ils peuvent aussi avoir une mémoire familiale. Beaucoup d'entre eux, et plus on arrive même dans les conflits très récents, on a des élèves russes, par exemple dans nos lycées on a des élèves ukrainiens. Il y a une implication personnelle ou familiale. Donc ça permet de donner un sens à cet intérêt pour les conflits. Ce qu'on essaye surtout de faire, c'est d'historiciser la mémoire. C'est-à-dire que la mémoire et toutes les commémorations, tout ce qui relève de la politique mémorielle, de montrer ce que c'est véritablement la mémoire en tant qu'expérience subjective, émotionnelle et en même temps expérience collective. À travers la mémoire, on montre... qu'on a des idéaux communs, qui sont des valeurs communes vers lesquelles on tend et dont l'expérience que l'on commémore un 11 novembre, un 8 mai ou un 17 octobre, représente des valeurs qui nous sont toujours précieuses. Une fois qu'on a dit ça et que les élèves sentent combien, grâce à la mémoire, on peut incarner ces événements, nous on va les historiciser pour montrer, les remettre en lien avec le contexte et leur donner une... un sens beaucoup plus académique, montrer par exemple qu'il peut exister différentes formes de mémoire, expliquer pourquoi il existe différentes formes de mémoire, que ces mémoires, certes, se vivent comme parfois en concurrence ou en conflit, mais que nous, en tant qu'historiens, on peut arriver à comprendre pourquoi elles existent et comment justement, à partir de là, il peut s'opérer des moyens de réconciliation de la mémoire. Donc, en fait, c'est prendre de la distance en cours pour montrer comment la mémoire peut être finalement un outil à la fois de valeur, de construction d'une communauté civique, de citoyens, et par l'histoire, comprendre dans quelle mesure justement on peut dépasser les conflits de mémoire. Les moyens de transmettre et de perpétuer la mémoire, je dirais qu'en fait, il y a tous ceux dont on a parlé, les journées, les voyages, les lieux de mémoire. Au fond, ils sont omniprésents. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il y ait quelque chose, pour l'instant, qui soit véritablement en danger, en tout cas actuellement. il y a énormément de commémorations c'est vraiment quelque chose qui est omniprésent c'est plutôt l'histoire qui est vraiment la matière qui va permettre de tout concilier comment transmettre la mémoire à ses propres enfants je dirais qu'en tant qu'enseignant on est justement extrêmement sensible à ça on est extrêmement sensible au fait que la mémoire est une source de l'histoire, on l'a dit depuis tout à l'heure et l'idée que c'est extrêmement important d'essayer de répondre à tout toutes les questions de nos enfants, voire même à les susciter pour qu'ils puissent se faire leur bagage de connaissances sur la propre histoire, histoire familiale par exemple, et qu'ils ne puissent pas se dire un jour, oh là là mon Dieu, un tel a disparu, mais j'aurais tellement voulu lui faire parler de tel événement, prendre les devants. J'espère avoir à cœur de susciter le plus de discussions possibles pour que se fasse cette transmission d'une histoire personnelle, une histoire vraiment familiale à mes enfants. Pour moi, l'engagement, il est quotidien, il est permanent. C'est tout le temps se demander si ce que l'on fait a une utilité, peut apporter quelque chose aux autres, si on est toujours dans une logique qui correspond à nos valeurs, à notre éthique. J'ai fait du bénévolat pour une association d'aide et d'accueil des migrants dans le 18e arrondissement. Alors ça a été une expérience extraordinaire. J'ai donné des cours, c'est un peu ce que je sais faire, mais des cours de français. Ça m'a appris énormément. J'ai vu des gens qui avaient un appétit de connaître, qui pour certains, malgré les périples qu'ils avaient connus, avaient une culture et une culture de la littérature française absolument époustouflante. J'ai aussi appris en fait à... Qu'est-ce que c'est qu'enseigner sa propre langue ? D'une certaine façon, ça aide aussi pour toute forme de transmission. C'est aussi ce qu'on fait en histoire, en fait, quand on aborde une question, on parle très souvent des images, des représentations, des connaissances que les élèves en ont. Pour arriver à voir comment on peut l'utiliser, le réinvestir et puis ensuite l'enrichir. J'ai vu beaucoup de gens s'investir, et notamment beaucoup de jeunes, s'investir dans cette association avec beaucoup d'énergie et de cœur. Ce qui est essentiel, et heureusement que ça existe, mais j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement vu tout ce que nos élèves attendent de nous. Parce qu'ils attendent quelque chose. Ils sont très curieux, ils passent beaucoup de temps au lycée, donc on doit leur apporter quelque chose, et c'est ça notre engagement.

  • Voix-off

    Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoires, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet, dont vous trouverez les liens en description. Rendez-vous dans deux semaines, vous découvrez une nouvelle histoire.

Description

Professeure d’Histoire et de Géographie depuis une trentaine d’années, Catherine PIDUTTI travaille au quotidien avec ses élèves pour la défense, la transmission et la compréhension de la mémoire combattante française. 

 

Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à devenir professeure ? C’est quoi enseigner l’histoire aujourd’hui ? Comment transmettre l’Histoire et ses valeurs aux jeunes générations ? Quelles sont les initiatives pédagogiques mises en place pour faire vivre la mémoire combattante française ? Quel est le rôle des associations ? Comment intéresser les scolaires à des destins individuels lointains ? 

 

Catherine PIDUTTI, professeure d’histoire résolument engagée, témoigne à notre micro de sa passion pour la transmission de l'Histoire aux plus jeunes. 


A travers le témoignage des bénévoles du Souvenir Français, ce programme a pour objectif de comprendre pourquoi ces hommes et ces femmes de tous âges, d’extractions sociales ou de cultures différentes, s’engagent au quotidien pour une cause que certains pourraient qualifier de passéiste : la mémoire combattante.

Pourquoi ce choix ? Pourquoi c’est important pour eux ? Quel est leur cheminement personnel ? En quoi cet engagement donne-t-il un sens à leur vie ? Quel lien entretiennent-ils avec le souvenir et la transmission ? Quel est leur rôle en tant que bénévole ? Comment agissent-ils concrètement sur le terrain ? En quoi selon eux les conflits du passé peuvent-ils aider les générations futures à construire un monde meilleur ?


 Le Souvenir Français recueille ces voix qui ont décidé de perpétuer le souvenir de celles et ceux qui se sont engagés pour la France et pour que les générations à venir ne les oublient pas. 

Passeurs d’histoires est un podcast de l’Association Le Souvenir Français, produit par Suniwan.

Retrouvez une nouvelle histoire toutes les deux semaines. 


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Transcription

  • Catherine

    Je dirais, j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement.

  • Voix-off

    Bienvenue dans Passeurs d'Histoires, le podcast de la mémoire. S'engager par Catherine, l'enseignement de la mémoire.

  • Catherine

    Je m'appelle Catherine Piduti, j'ai une très longue carrière d'enseignante d'histoire-géographie, puisque j'ai commencé ma carrière à la fin des années 80, comme stagiaire en Seine-Saint-Denis. Ensuite, j'ai passé un an dans le Nord, à Douai, puis je suis revenue en Seine-Saint-Denis. Puis ensuite, j'ai été mutée dans l'Académie de Paris. Je suis maintenant depuis 15 ans. Et maintenant, je suis au lycée Louis-le-Grand, donc c'est considéré un peu comme un lycée, un peu le navire amiral de l'éducation nationale. C'est des postes très différents, des élèves qui changent aussi, des politiques éducatives qui changent. J'ai connu très nombreux ministres, très nombreuses réformes de l'éducation et de réformes des programmes. Ce que je me suis rendu compte, c'est que dans l'éducation nationale, on ne se répétait pas, contrairement à ce qu'on pense. Non seulement il y a les évolutions de programmes et les changements d'élèves, mais de toute façon, il y a tellement de choses qu'on peut transmettre qu'en fait, on se renouvelle en permanence. Et en plus, on rencontre des collègues qui sont pour beaucoup des gens. extrêmement intéressants, avec lesquels on a envie de travailler, avec lesquels les relations se passent vraiment très bien, on se fait des amis, et avec lesquels il n'y a pas de relations de pouvoir. Contrairement à certains métiers où on se retrouve finalement dans des hiérarchies de pouvoir, c'est assez horizontal et ça fluidifie énormément les relations entre les collègues. On voit des gens vraiment très intéressants, très investis, très engagés, qui font beaucoup de choses pour leurs élèves et avec lesquels les relations donnent envie de rester dans le métier. Donc en fait, finalement, je n'ai jamais eu envie de quitter ce métier. Je suis très très contente d'être là depuis plus de 30 ans maintenant. Je ne vais pas dire que j'ai une vocation très ancienne, enfant, pour faire de l'histoire. Je dirais que c'est un peu un calcul stratégique. J'ai passé le bac dans l'Académie de Grenoble dans les années 80. Je rêvais de venir à Paris. Et il y avait une solution pour venir à Paris, c'est de s'inscrire en classe prépa. Et donc j'ai choisi une classe prépa où ils recrutaient sur toute la France. C'était la prépa École des Chartes. J'étais admise en E4 et donc j'ai pu comme ça venir à Paris. Très naturellement, à l'école de préparation, à l'école des chartes, on fait de l'histoire. J'ai continué mes études à l'université. Donc, quand on rentrait en doc d'histoire, on faisait une licence d'histoire, puis ensuite une maîtrise d'histoire, et puis ensuite, on passait les concours. Parce que nos professeurs nous disaient, si vous voulez faire une thèse, revenez me voir une fois que vous aurez l'agrégation. Parce que sinon, ce n'est pas la peine, vous risquez de vous retrouver sans emploi. J'ai passé les concours et puis je suis devenue prof d'histoire. D'autre part, j'étais très jeune en fait, parce qu'au fond ça fait 5 ans d'études, ça voulait dire retourner au lycée que je venais de quitter 5 ans avant. Or en général quand on est jeune on n'a pas envie vraiment de rester au lycée, on se dit oh là là j'ai envie d'aller voir la vie, voir ce qui se passe ailleurs. Donc voilà je m'étais dit on se laisse la possibilité éventuellement de faire autre chose et puis en fait non parce que j'ai rencontré tellement de situations, tellement de gens qui m'ont donné envie de rester parce qu'ils étaient vraiment... formidable, et puis qu'il y a tellement d'opportunités dans ce métier que je suis restée. Voilà, et je ne regrette pas du tout. Alors, cela dit, maintenant, je fais aussi d'autres choses. J'ai eu l'occasion, par le biais d'une inspectrice, d'être contactée par une maison d'édition de manuels scolaires pour laquelle je travaillais pendant 15 ans. J'ai rédigé des manuels scolaires de tous niveaux, de la 6e à la terminale. Ça a été une expérience absolument passionnante. Ça donne un autre regard sur notre métier. Et puis, j'ai eu la chance aussi, là encore, grâce à des rencontres, de travailler dans l'enseignement supérieur. comme vacataire. Tout d'abord à l'IUT de Bobigny. Je travaillais avec des jeunes qui préparaient des diplômes. Alors certains, c'était assistante sociale, d'autres, c'était animateur. Et animateur, ça voulait dire travailler beaucoup sur l'histoire des loisirs, sur l'histoire du sport. Ça m'a apporté énormément. Et puis, depuis 2011, je fais des conférences de méthode et je fais l'histoire du XIXe siècle avec des étudiants de sciences polies. C'est très intéressant. Ça me fait une diversité d'expériences qui ont tout un point commun autour de l'enseignement de l'histoire. Et qui me permet donc un petit peu d'enrichir mon expérience et de pouvoir en faire profiter mes élèves. Parce qu'au fond, on est toujours dans cette idée, comment ça peut m'aider à mieux transmettre ce que je voudrais qu'on transmette à nos jeunes générations. Qu'est-ce que c'est qu'être professeur d'histoire aujourd'hui ? Ce qui est fondamental dans le métier, c'est la relation de confiance. Je dirais que l'enseignement de l'histoire, il a bien sûr évolué parce qu'on ne fait plus de l'histoire du roman national. L'histoire, c'est vraiment une démarche scientifique. On a aussi l'ambition de leur donner des références communes, d'avoir une dimension citoyenne à notre enseignement par la transmission de valeurs. Et ça fait partie aussi de l'enseignement de l'histoire. C'est là que le lien se fait avec aussi l'importance de la mémoire dans notre enseignement. Le rôle de la mémoire dans notre enseignement, je dirais de toute façon, il a toujours été absolument fondamental puisqu'il est la base même de l'histoire. On part de documents qui sont des traces et qui peuvent être des traces mémorielles de l'histoire. On a toujours eu dans les programmes des sujets qui amènent à parler de mémoire. Faire la Révolution française, c'est parler de la mémoire de la Révolution française au XIXe siècle. Faire l'histoire de l'esclavage, c'est évidemment parler de son abolition et de la mémoire de l'esclavage après l'abolition. Donc, en dehors même de son institutionnalisation dans les programmes, on en a toujours parlé. J'ajouterais que, de toute façon, on a aussi des dispositifs qui existent depuis très longtemps. Par exemple, le CNRD, le concours national de la résistance et de la déportation, existe depuis les années 60. C'est vraiment un concours qui, par exemple, dans mon lycée, se fait tous les ans. Tous les ans, il y a des élèves qui participent au CNRD. Et ce sont les professeurs d'histoire qui les inscrivent et les encadrent. Donc, l'histoire a toujours été omniprésente dans notre travail. La question de la mémoire a pris une dimension très particulière depuis 2020 et l'assassinat de notre collègue. Il y a un concours qui a été institué, le concours Samuel Paty. Et là, on a pu constater à quel point ce n'était plus la mémoire d'événements éloignés. On était nous-mêmes impliqués dans cet événement. De façon extrêmement forte, ça a été un véritable traumatisme pour tous les collègues et pour les élèves. Ça a été un choc énorme. Il y a ces dispositifs pédagogiques. Nous avons aussi un référent mémoire, un inspecteur d'histoire qui organise des rencontres, des conférences pendant toute l'année. Tous les thèmes qui peuvent avoir affaire à la mémoire et à l'histoire. La mémoire est devenue un sujet dans nos programmes depuis la réforme des programmes de 2013, où ont été introduits dans les programmes de terminale les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d'Algérie. Ça a été la première fois qu'on a fait l'histoire de la mémoire. On a historicisé la mémoire pour montrer justement qu'il fallait toujours conserver une démarche d'historien, une démarche scientifique, académique, y compris pour parler de la mémoire. Ça apporte énormément à nos élèves, ça permet de leur montrer que même ce sujet-là, où on pense toujours subjectivité, émotion, c'est aussi un sujet sur lequel on peut avoir du recul. Depuis la réforme de 2019, avec l'instauration de la GGSP, Histoire Géopolitique-Sciences Politiques, Il y a un thème de Terminal qui s'appelle Histoire et mémoire sur lequel on passe 26 heures. Donc c'est vraiment un sujet maintenant qui est complètement entré dans nos programmes et dans nos démarches, avec lequel on a acquis de plus en plus de familiarité. On était plus dans la logique mémoire comme commémoration, comment on s'inscrit dans les dates, les lieux de commémoration. Maintenant, c'est un vrai sujet d'histoire. Et pour nous, c'est vraiment très important et très, très intéressant. Les associations mémoriales sont essentielles pour l'histoire parce qu'elles suggèrent des sujets, elles font avancer la recherche en posant des questions et en poussant les historiens à travailler. En 2021, on avait décidé au lycée de faire une sortie collective à l'Historial de la Grande Guerre à Péronne. Et à ce moment-là, comme on voulait emmener toutes les classes et que ça devait être du coup un voyage obligatoire, il fallait qu'ils soient pris en charge. Et on cherchait des moyens, très matériellement, d'aide financière. Le contact que nous avons eu avec le Souvenir français, c'est fait par le biais d'une bénévole de votre association, Émilie David, qui est aussi professeure d'histoire d'ailleurs, que je connaissais par ailleurs. On a parlé de notre projet, de la façon dont on allait ensuite tirer un bilan de ça. Et elle nous a dit, nous, on est prêts à vous aider à vous financer. Et ils nous ont énormément financé. Ce qui fait qu'on a pu effectivement faire deux journées à Péronne, avec huit classes. C'est vraiment une sortie qui est très, très enrichissante pour les élèves, par sa dimension, on va dire, d'histoire dans le musée, et puis ce parcours du souvenir dans les tranchées. Cela dit, on l'a fait au moment où on traite de la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire c'était au début juin, ils faisaient un temps magnifique. Alors, ce n'était pas du tout l'ambiance des tranchées. L'année précédente, on était en confinement. Les élèves avaient un besoin de sortir, de s'amuser entre eux. Ça a été une journée... extrêmement joyeuse pour les élèves. Et on l'a vu dans tous les comptes rendus qu'ils nous ont faits, qui étaient souvent un petit peu ludiques, on va dire. Ils utilisaient les matériaux qu'ils avaient trouvés à Péronne, dans le musée, pour faire des choses qui étaient de l'ordre de la chanson, des petites animations, des vlogs. Ça n'avait pas l'austérité que peut parfois prendre la mémoire et les commémorations. Le lien entre les associations mémorielles et les professeurs d'histoire, elles sont multiples. Les associations stimulent la recherche historique, peuvent lui donner une orientation. Et puis nous, on est très souvent amenés à faire appel à ces associations parce que les associations ont des dispositifs à destination des établissements scolaires qui sont toujours très enrichissantes, les voyages, mais il y a aussi la possibilité de rencontrer des témoins. Et la rencontre avec les témoins est aussi un moment très fort pour les élèves. Alors les témoins, ils sont âgés, pour certains conflits, ils ne sont plus là. Alors ça peut être leurs enfants, mais c'est la deuxième génération maintenant qui prend le relais. Mais ça peut être aussi des témoins, par exemple, de la guerre d'Algérie. Et là, il y a des associations qui proposent aux établissements de faire venir des combattants, des différentes composantes de ceux qui ont combattu dans la guerre d'Algérie dans les lycées. Donc il y a ça. Et puis, il y a la possibilité aussi de faire des rencontres avec des conférenciers pour éclairer sur un sujet. Donc, il y a beaucoup de liens entre les associations et elles jouent un rôle vraiment important pour déterminer des temps forts, des lieux de visite et des rencontres. On a eu le drapeau du souvenir du 11 novembre 1940 pendant un an dans notre lycée. Étant un lycée de centre-ville, on a des monuments aux morts dans notre établissement. On en a un pour la première guerre mondiale qui est gigantesque puisqu'il y a 800 noms qui sont dessus. C'est une plaque extrêmement impressionnante dans le hall du lycée. Et puis on a une plaque aussi très impressionnante. pour les morts pour la France de la Seconde Guerre mondiale. Et parmi eux, c'était des lycéens. Et certains avaient participé à la commémoration du 11 novembre 1940. On est un lycée où régulièrement, il y a des commémorations le 11 novembre, tous les ans, et c'est l'objet d'une véritable cérémonie avec des personnalités officielles, des représentants, des anciens combattants. J'ai travaillé aussi avec d'autres associations mémoriales, et en particulier une association qui est liée au mémorial de la Shoah. qui s'appelle l'Association pour la mémoire des enfants juifs déportés, qui nous a proposé de retrouver l'identité des élèves qui avaient été victimes des persécutions antisémites pendant la guerre. Et je me suis dit que ça pouvait être un dispositif très intéressant pour les élèves. Donc on s'est lancé dans ce travail-là il y a déjà trois ans. Il n'est pas complètement terminé. Il doit aboutir à la pose d'une plaque, comme ça se fait dans différents établissements. J'ai même un élève de terminale qui a découvert un véritable pépite. C'est-à-dire qu'il s'est vraiment lancé, il a pris ça à cœur. Il est lui-même allé aux archives départementales. où se trouvent les archives du lycée et des lycées parisiens. Et à partir d'un nom, d'un jeune qui est... Alors, celui pour lequel je pensais qu'on trouverait le moins d'informations parce qu'il est d'une famille originaire de Salonique, fuyant les pogroms, arrivant en France dans l'entre-deux-guerres, lui-même étant né à Naples. Le hasard a fait que cet élève-là, il a vu dans sa fiche d'inscription au lycée Louis-le-Grand qu'il avait été précédemment au lycée Charlemagne. Et dans les archives du lycée Charlemagne, il a trouvé une photo de la classe de seconde avec le nom de... tous les élèves indiqués, il a pu retrouver le visage de ce jeune. C'est un peu miraculeux parce que c'est exceptionnel. Pourquoi s'intéresse-t-on toujours au conflit contemporain ? Ça passionne toujours les élèves. Donc, c'est qu'il y a quelque chose qui se joue dedans. Je pense qu'il y a déjà leur présence dans l'espace public. Quand quelque chose est très présent dans l'espace public, les élèves ont besoin qu'on en parle et qu'on historicise, qu'on leur dise en histoire comment on en parle. Et puis, ils peuvent aussi avoir une mémoire familiale. Beaucoup d'entre eux, et plus on arrive même dans les conflits très récents, on a des élèves russes, par exemple dans nos lycées on a des élèves ukrainiens. Il y a une implication personnelle ou familiale. Donc ça permet de donner un sens à cet intérêt pour les conflits. Ce qu'on essaye surtout de faire, c'est d'historiciser la mémoire. C'est-à-dire que la mémoire et toutes les commémorations, tout ce qui relève de la politique mémorielle, de montrer ce que c'est véritablement la mémoire en tant qu'expérience subjective, émotionnelle et en même temps expérience collective. À travers la mémoire, on montre... qu'on a des idéaux communs, qui sont des valeurs communes vers lesquelles on tend et dont l'expérience que l'on commémore un 11 novembre, un 8 mai ou un 17 octobre, représente des valeurs qui nous sont toujours précieuses. Une fois qu'on a dit ça et que les élèves sentent combien, grâce à la mémoire, on peut incarner ces événements, nous on va les historiciser pour montrer, les remettre en lien avec le contexte et leur donner une... un sens beaucoup plus académique, montrer par exemple qu'il peut exister différentes formes de mémoire, expliquer pourquoi il existe différentes formes de mémoire, que ces mémoires, certes, se vivent comme parfois en concurrence ou en conflit, mais que nous, en tant qu'historiens, on peut arriver à comprendre pourquoi elles existent et comment justement, à partir de là, il peut s'opérer des moyens de réconciliation de la mémoire. Donc, en fait, c'est prendre de la distance en cours pour montrer comment la mémoire peut être finalement un outil à la fois de valeur, de construction d'une communauté civique, de citoyens, et par l'histoire, comprendre dans quelle mesure justement on peut dépasser les conflits de mémoire. Les moyens de transmettre et de perpétuer la mémoire, je dirais qu'en fait, il y a tous ceux dont on a parlé, les journées, les voyages, les lieux de mémoire. Au fond, ils sont omniprésents. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il y ait quelque chose, pour l'instant, qui soit véritablement en danger, en tout cas actuellement. il y a énormément de commémorations c'est vraiment quelque chose qui est omniprésent c'est plutôt l'histoire qui est vraiment la matière qui va permettre de tout concilier comment transmettre la mémoire à ses propres enfants je dirais qu'en tant qu'enseignant on est justement extrêmement sensible à ça on est extrêmement sensible au fait que la mémoire est une source de l'histoire, on l'a dit depuis tout à l'heure et l'idée que c'est extrêmement important d'essayer de répondre à tout toutes les questions de nos enfants, voire même à les susciter pour qu'ils puissent se faire leur bagage de connaissances sur la propre histoire, histoire familiale par exemple, et qu'ils ne puissent pas se dire un jour, oh là là mon Dieu, un tel a disparu, mais j'aurais tellement voulu lui faire parler de tel événement, prendre les devants. J'espère avoir à cœur de susciter le plus de discussions possibles pour que se fasse cette transmission d'une histoire personnelle, une histoire vraiment familiale à mes enfants. Pour moi, l'engagement, il est quotidien, il est permanent. C'est tout le temps se demander si ce que l'on fait a une utilité, peut apporter quelque chose aux autres, si on est toujours dans une logique qui correspond à nos valeurs, à notre éthique. J'ai fait du bénévolat pour une association d'aide et d'accueil des migrants dans le 18e arrondissement. Alors ça a été une expérience extraordinaire. J'ai donné des cours, c'est un peu ce que je sais faire, mais des cours de français. Ça m'a appris énormément. J'ai vu des gens qui avaient un appétit de connaître, qui pour certains, malgré les périples qu'ils avaient connus, avaient une culture et une culture de la littérature française absolument époustouflante. J'ai aussi appris en fait à... Qu'est-ce que c'est qu'enseigner sa propre langue ? D'une certaine façon, ça aide aussi pour toute forme de transmission. C'est aussi ce qu'on fait en histoire, en fait, quand on aborde une question, on parle très souvent des images, des représentations, des connaissances que les élèves en ont. Pour arriver à voir comment on peut l'utiliser, le réinvestir et puis ensuite l'enrichir. J'ai vu beaucoup de gens s'investir, et notamment beaucoup de jeunes, s'investir dans cette association avec beaucoup d'énergie et de cœur. Ce qui est essentiel, et heureusement que ça existe, mais j'ai un métier qui est de toute façon un métier d'engagement. On ne peut pas être enseignant et continuer à avoir envie de l'être sans avoir le sentiment qu'on a véritablement un métier d'engagement vu tout ce que nos élèves attendent de nous. Parce qu'ils attendent quelque chose. Ils sont très curieux, ils passent beaucoup de temps au lycée, donc on doit leur apporter quelque chose, et c'est ça notre engagement.

  • Voix-off

    Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoires, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet, dont vous trouverez les liens en description. Rendez-vous dans deux semaines, vous découvrez une nouvelle histoire.

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