Speaker #0Je m'appelle Bernard-Louis Roger, je suis né à Montmorency dans le Val d'Oise, j'ai 77 ans. J'ai toujours aimé, depuis que je suis tout petit, vivre à l'air, à l'extérieur, et je me suis aussi découvert des qualités de communicant, j'aime bien communiquer avec les gens. J'ai choisi de faire des études agricoles, j'ai fait mon service militaire comme tout bon citoyen. sur la base aérienne de Villa-Coublet, où ils avaient évidemment affecté un BTS agricole comme chauffeur. Je suis resté deux heures chauffeur. Au bout de deux heures, j'étais dans le bureau du colonel Cordonneur de la Base en lui expliquant qu'en 16 mois, je pouvais servir à autre chose que de conduire une 4L. Donc, j'ai monté un service espace vert pendant mon temps de service militaire. Et au bout de 12 mois, j'étais prêt à partir dans la vie active. On m'a dit non, non, vous partez pas. Vous allez continuer votre oeuvre à Villacoublay, mais en tant que personnel civil de la Médelaire. J'ai donc continué le service Espaveyre, au service spécial des bases aériennes d'Ile-de-France. Et donc on a commencé à oeuvrer, à verdir un peu la base. On faisait des bâtiments neufs, on ne mettait pas de verdure autour, ce qui n'était pas très sympa. Il y a eu un moment où j'ai appris que les militaires voulaient construire un golfe sur la base aérienne de Villacoublay. Donc j'ai fait la guerre du golf, GOLF, bien entendu. Et je me suis renseigné, j'ai appris le golf, la construction. Après, j'ai créé un club de golf. Et puis je suis devenu un spécialiste des greens. J'ai été AAP par la Fédération Française de Golf. pour aller construire le Golfe National. C'était le premier stade de golf européen avec des buts à spectateurs. Ça a été trois ans un petit peu difficiles, mais c'était un challenge. Ensuite, j'ai pris ma retraite quand même. Et là je m'ennuyais, bien entendu, j'avais plus rien à construire. Je suis tombé sur un ancien combattant qui avait fait la guerre d'Algérie, qui s'appelait mon ami Claude Charlot, que je salue. Et il m'a dit, Bernard, il faut que tu rentres au souvenir français, il n'y a pas de raison. Il faut que tu sois président. Je lui ai dit, bon, ok, d'accord, pas de problème. C'est très difficile de trouver des successeurs, que ce soit pour les présidents ou pour les délégués généraux. J'ai été donc nommé président du comité de Baissancourt, donc le 1er février 2013. Et puis au bout d'une année on était 40, maintenant on est 170, facile. Je suis délégué général depuis 2017, c'était un challenge parce que je ne savais pas ce qui m'attendait. Je ne regrette pas, c'est un travail qui est passionnant. Si c'était à refaire, je referais. Ça permet aussi de rester jeune, d'être délégué général, parce qu'il faut s'adapter. aux nouvelles méthodes. La première mission, veiller à l'entretien des sépultures des morts pour la France et des monuments aux morts. Ça c'est devenu une passion. La deuxième mission, c'est de participer à toutes les commémorations. Pas pour aller dans les commémorations se faire voir, mais pour parler du souvenir français. C'est un métier de contact, contact humain. C'est fantastique, on rencontre des gens extraordinaires. Notamment dans les anciens combattants, j'ai rencontré des gens, des personnes fabuleuses. Être un délégué général du Souvenir français, c'est consacrer sur une semaine complète, cinq, six heures par jour, à parler Souvenir français. C'est aussi s'entourer d'une équipe. Dans le Val-d'Oise, j'ai 25 comités, chacun est un peu différent, et donc il faut... Il faut gérer ça en souplesse. On est tous un peu différents, heureusement, et uniques. J'ai la chance d'avoir appris à bricoler et la chance d'être curieux dans tous les domaines. On s'aperçoit que les monuments aux morts ne sont pas toujours bien entretenus. Et parfois, c'est un peu dramatique. J'ai eu l'occasion à l'Alroche-Guillon d'être appelé en 2021, au moment de la Covid. Comme moi, j'avais demandé une dérogation pour pouvoir sortir. J'ai eu l'occasion donc de faire un carré militaire. Un carré militaire de 22 sépultures. Que l'on a rénové avec un autre président qui est un peintre en bâtiment. Donc il connaissait bien la peinture, qui m'a dit, oh Bernard, il me faut 40 000 euros pour refaire entièrement le carré militaire. Donc je n'avais pas envie que mon président général tombe d'inanition. Donc on est allé voir le carré militaire, et puis, avec 800 euros et 120 heures de boulot, quelques bisons d'huile de coude, et puis quelques bons moments passés ensemble, on a rénové entièrement le carré militaire. Et monsieur le maire du pays, il est ravi. Ça a commencé comme ça. J'ai été appelé par madame la maire de la Roche-Guyon. Elle me dit, venez voir, on a une statue qui est en ruine. Et pourtant, c'est celle d'Edmond Mansuy, qui était le chef FFI du secteur de la Roche-Guyon pendant la guerre 44. Il a été fusillé le 22 ou 23 juillet 44. devant la mairie. Et donc, il est là avec son épouse. Et il y avait une femme qui pleurait et il fallait voir dans quel état tout ça s'était. Alors, j'ai dit, madame la maire, je ne vous promets rien, mais je m'en occupe. J'ai demandé des renseignements sur les matériaux, sur les produits qu'il fallait employer. C'était une statue qui avait été faite sous forme de recueillage. J'ai appris ce que c'était que le recueillage. Le recueillage, c'était de faire une préforme avec du grillage à poules sur lesquels on projetait Un mortier avec des petits grains de briques et puis ensuite on finissait par une autre petite couche de finition pour créer donc une femme qui pleurait sur le rocher. Cette sépulture n'avait pas été entretenue depuis qu'elle a été faite, c'est-à-dire en 1944. Donc vous voyez dans quel état c'était, il y avait des morceaux partout, des fissures partout, il manquait des jambes, il manquait des pieds, il manquait des... Des choses que j'ai eu beaucoup de mal à faire parce que je ne suis pas un sculpteur. Et bien j'ai réussi, puis j'ai passé 40 heures, et ça a coûté, je ne sais plus, 400 ou 500 euros, c'est rien. Et puis un peu d'huile de coude, toujours pareil, mais l'huile de coude c'est gratuit, il n'y a pas de problème. Et depuis, on a créé évidemment un comité là-bas sur place, elle est sauvée et ça tombe très bien. C'est important de préserver la mémoire de ceux qui reposent sous la sépulture. Moi je suis né, comme je vous l'ai dit au début, en 1947, j'ai 77 ans, et donc j'ai vécu 77 ans en liberté. C'est pas rien, donc on doit un petit peu quelque chose quand même, quelque part. On se dit que leur mémoire ne doit pas disparaître. L'histoire ça s'apprend, la mémoire ça se transmet. Et pour la transmettre, il faut aller dans les écoles. Et donc c'est la troisième mission du Souvenir français, parler aux enfants. Et si on leur parle correctement, avec des petits mots qui les font rire, ils aiment bien les gamins. Quand je vais dans les écoles, je ramène du matériel que j'ai restauré. des casques, une casquette de piu-piu quand on parle de la guerre 14. Et là, les gamins, ils touchent la casquette du piu-piu. Et je leur explique pourquoi il y a eu des morts entre août et décembre 1915. Les gamins touchent l'histoire et ça, c'est important. L'intérêt d'avoir une association mémorielle, c'est d'aller expliquer aux enfants ce que les professeurs, parfois, ne leur expliquent pas. Et la seule façon de perpétuer la mémoire, c'est de confier la transmission de cette mémoire à une association qui se renouvelle avec des gens beaucoup plus jeunes. À chaque fois que j'ai l'occasion d'engager un jeune président, je suis heureux parce que je sais que ça va continuer. Sonnières Françaises, c'est une association qui est juste. Elle se bat pour une cause qui est juste. Perpéter la mémoire de ceux qui sont morts pour la France. En plus, elle ne fait pas de politique. Et en plus, on se fait plaisir. Plaisir à retaper les monuments, plaisir à commémorer, à être ensemble. Et on apprend aussi un peu la citoyenneté aux gamins. Quand on a des stèles qui sont complètement abîmées, je les démonte avec l'autorisation de la mairie, bien entendu. Je les amène à la maison, je les nettoie, je les brosse, je fais ce qu'il faut. Et puis comme j'avais un arrière-grand-père maternel qui était peintre en lettres, il a dû me laisser quelques petits gènes qui traînent un peu partout. J'arrive encore à peu près à peindre correctement, donc avec des petits pinceaux. Je me régale à faire, c'est magnifique, c'est facile à faire. Alors voilà, l'atelier, il est souvent plein, il est toujours occupé. Le souvenir français, ce n'est pas quelque chose de neurasthénique, au contraire. C'est essayer de faire vivre la mémoire de ceux qui sont partis. Ça, ce n'est pas rien. Ça fait du bien de donner des challenges pour faire un discours, une allocution. Devant un préfet. Alors le souvenir français, donc il y a les trois missions. Mais aussi, on crée du lien social. Automatiquement, entre les générations. Que ce soit les petits gamins ou que ce soit les anciens. Quand on arrive à parler, je vais penser à ma petite Pierrette, 104 ans. C'est ma vie, elle me parle de son mari qui était au maquis de Roncrolle. Elle m'a fait lire son petit bouquin, son carnet de route, etc. Et on parle de choses et d'autres. Et les échanges avec tous ces gens-là, c'est très riche. Dans le temps, on ne parlait pas beaucoup. Le parrain à ma mère ne parlait pas. Il ne m'a jamais parlé de la guerre 14-18. Jamais. J'avais 8 ans. J'aurais bien aimé qu'il me parle de sa guerre. La guerre qu'il avait vécue. Même s'il a été gazé à Verdun en 1916, j'aurais aimé qu'il me parle un peu de ce qu'il avait vécu. Il ne m'en a jamais parlé. Donc maintenant... Moi, je me rattrape. Je vais parler aux gamins. C'est important de se souvenir. Parce que le souvenir, d'abord, il appartient à tout le monde, à toutes les générations. Ça, c'est quelque chose d'extrêmement important. Il faut dire que ça appartient aussi bien aux jeunes qu'aux anciens. Ce qui se passait dans le temps, c'est que la mémoire, elle était réservée aux anciens combattants. Et ils faisaient leurs cérémonies sans trop s'occuper des jeunes, etc. Bon, maintenant... On voit de plus en plus de jeunes venir à l'Arc de Triomphe et dans toutes les cérémonies. Et il faut mettre les jeunes dans les cérémonies. Ça, c'est extrêmement important. Il est important de se souvenir. La mémoire, elle s'efface. C'est comme les monuments morts. On a beau graver, on a beau... Justement, le Souvenir français est un petit peu pionnier dans le domaine. La géolocalisation des tombes, c'est quelque chose de bien parce que ça intéresse les jeunes. Les jeunes sont tous sur leur smartphone, donc profitons-en. Si on s'engage pour être président de comité, on fait son travail. Si on s'engage en tant que délégué général, c'est pour faire son travail au mieux. de délégué général. L'engagement, c'est quelque chose de personnel. Alors évidemment, ça prend du temps, mais bon, on est content le soir, quand on regarde son monument, et j'ai hâte qu'il se mette à faire beau pour qu'on puisse continuer un petit peu. Après, il y a un cours la semaine prochaine, les gens vont partir en vacances, et là, moi, je vais pouvoir aller me mettre au frais, tranquille, dormir dans les cimetières, tranquille, pendant un mois. Et quand on termine le soir... On a un monument qui a repris une bonne allure et ça, ça fait plaisir. C'est tout simple.