- Paul
Donc là je suis en pleine forêt. En fait j'ai fait une petite surprise à Cécile. Je sais qu'elle aime bien les hébergements insolites du coup je lui ai dégoté un cul de loup en plein coeur de la Sologne. Je me suis levé un petit peu avant elle, je l'ai baladé en forêt et là je vais la rejoindre. Cécile, t'as bien dormi ? C'est super ! Ah ben y'a même Christine et Nicolas qui sont là avec toi. Ça va ?
- Nicolas de Guillebon
On a tout préparer.
- Paul
Vous allez bien ?
- Christine Herrero de Guillebon
On va bien.
- Paul
C'est trop beau chez vous, je suis parti...
Ah ben oui, mais écoute, c'est la Sologne que veux tu.
- Christine Herrero de Guillebon
Il va falloir que tu restes plus longtemps.
- Paul
Ouais, ouais. Je viens de faire une petite balade pour écouter les oiseaux, là c'était trop trop tranquille, trop zen.
- Cécile
On peut dire que Paul a réussi sa surprise. Nous avons passé la nuit au Jardin des Lierres, un lieu vraiment unique, isolé au cœur de la forêt. Nous débutons ce nouveau week-end en Sologne avec Christine et Nicolas, les propriétaires des lieux. Au programme, une balade gourmande dans les bois. De quoi se mettre en jambes avant d'aller visiter la biscuiterie de Chambord. Et à midi, nous avons rendez-vous à l'auberge de Beauharnais pour un déjeuner gastronomique. On ne va pas s'ennuyer, c'est sûr. Vous me suivez ?
- Paul
Pierre, feuille, Sologne.
- Cécile
Carnet de voyage au pays des étangs. Musique
- Nicolas de Guillebon
On est sur une propriété de famille qui appartenait à mon grand-père, mes grands-parents. Et on s'est dit, qu'est-ce qu'on fait de cet environnement, de ce milieu où on a tellement, tellement reçu ? On a envie de s'installer, de poser nos valises, de continuer nos racines. Donc, moi, je me suis installé éleveur d'escargots. On a construit notre maison. Et puis, dans la foulée, on a fait de l'hébergement touristique pour pouvoir faire partager ce lieu de vie et de bonheur.
- Cécile
Je veux bien qu'on parle de ce cul-de-loup, qui est, je crois, un habitat traditionnel, me semble-t-il.
- Nicolas de Guillebon
Mon grand-père et ma grand-mère étaient des gens extrêmement généreux. Et ils avaient laissé l'opportunité à un vieux monsieur qui s'appelait le père Dupré. d'habiter sur leur propriété dans une espèce de cabane qu'il avait fabriquée lui-même. Et ça s'appelle cul-de-loup parce qu'il faut imaginer un loup qui est tapis, prêt à bondir, il a les deux pattes de devant baissées, les fesses un peu relevées en arrière, et la forme générale de cet hébergement reprend cette forme du loup prêt à bondir. Alors il faut savoir qu'en forêt d'Orléans ou à Chambord, on appelle ça des loges, des loges forestières. Et d'ailleurs ça a donné dans la région des noms de certains villages. Vitry-aux-Loges, Fayes-aux-Loges.
- Paul
Je ne sais pas si je te l'ai dit, Nicolas, mais si on est en Sologne, c'est parce que j'ai retrouvé un carnet de mon grand-père et justement dans ce carnet, il en parlait de ce fameux père Dupré et c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui.
- Nicolas de Guillebon
Ah bah oui, oui. Alors probablement, comme il faisait des menus travaux pour gagner un peu de sous, probablement que ton grand-père a peut-être eu l'occasion d'employer ce vieux monsieur. qui vivait de pas grand chose, mes grands-parents lui donnaient de la soupe, ils venaient à la maison, maman m'a raconté que pour boire sa soupe, ils se mettaient à genoux. Donc ici pour moi, cette propriété, c'est un lieu de vie, de vacances essentiellement, c'était pour nous la liberté. Et pour moi, cette Sologne, c'est avant tout la Sologne de mon enfance. Et c'est aussi devenu un lieu de partage, avec du temps. Le temps, c'est la seule chose qui ne s'achète pas. mais qui se donnent et qui se partagent.
- Paul
Donc du coup, que ce soit votre maison ou les hébergements, ils sont faits en bois ou en tout cas en matériaux naturels. J'ai l'impression que cette question d'éco-responsabilité, ça vous tient vraiment à cœur.
- Nicolas de Guillebon
Alors, l'idée, c'est de rentrer, on rentre dans la nature et il faut essayer que ça se remarque le moins possible. On a construit cette cabane perchée avec des bois issus de l'exploitation forestière locale. Et la couverture de ce cul-de-loup a été faite en bremaille. C'est une grande bruyére, la bruyére à balais, Erica Scoparia. Mais là, je vais laisser Christine parce que ça, c'est sa passion les plantes quand même.
- Christine Herrero de Guillebon
Oui, alors pour la bréemaille, effectivement, c'est une plante qui est assez caractéristique des milieux ici solognots, qu'on trouve d'ailleurs aussi dans le sud de la France, Méditerranée. Donc c'est un petit peu le lien aussi avec mes origines, c'est un petit peu le clin d'œil. C'est une plante qu'on verra quand on va aller se promener, qui est une grande bruyère effectivement, qui est beaucoup plus grande que les autres.
- Paul
Et alors justement, tu parles de partir en balade, c'est quoi le programme que tu nous as prévu ce matin ?
- Christine Herrero de Guillebon
Alors le programme, on va partir ici du Cul-de-loup, on va faire un petit tour des différents milieux qui existent ici. On va commencer par cette partie humide avec des plantes caractéristiques. On est en période de fin de cycle végétatif, donc peu de floraison, mais beaucoup plus de fruits et de graines. Donc on est en période de l'automne de gratitude puisque ce sont les récoltes. Donc on a planté du cassis et de la groseille. Et alors ici, ils appellent ça les péteuses. Je trouve ça, c'est assez rigolo parce que ça croque. Et donc du coup, voilà, un petit nom sologno, assez sympathique puisque la sologne a un langage assez imagé. Les plantes, ça se reconnaît aussi par les cinq sens. Donc actuellement, il est difficile de les repérer parce qu'elles sont à l'état végétatif. Elles sont prêtes pour passer l'hiver. Donc on n'a plus que des petites rosettes. au sol. Au toucher, au goût, à l'odeur, on reconnaît donc cette plante là. On voit que c'est une plante qui a des feuilles très découpées. A l'odeur c'est très aromatique. Alors ceux-là ils ne sont pas tout à fait mûrs donc ils sont coupés avec un couteau si j'y arrive. Et dedans on a toutes les graines. Mais en fait les graines il faut les enlever. C'est le gras de cul. Les graines sont très irritantes, donc il faut enlever tout ça. C'est du boulot. C'est un églantier. Grande plante médicinale aussi, encore une fois. Et à l'automne, même souvent après les premières gelées, on ramasse ce qu'on appelle le cynorhodon, qui est le fruit de l'églantier. D'un point de vue comestible, il y en a 2-3 à voir. Alors celle-ci, qui est l'aubépine au bois de mai. Qui est un épineux et qui servait ici aussi comme barrière, comme limite pour les animaux à l'époque. Les fruits, on appelle ça des senelles, et certains les ramassent pour en faire des confitures, des sirops. Je peux en cueillir un petit morceau.
- Paul
Ah ben oui, carrément.
- Christine Herrero de Guillebon
On peut goûter. Il faut faire attention pour goûter. Effectivement, il faut les connaître. On ne goûte pas n'importe quoi, on ne goûte que ce que l'on connaît. Donc la sonelle, elle est très charnue, mais bon, c'est pas très très bon comme ça. En fait, souvent les fruits d'automne comme ça, sauvages, on les ramasse après les gelées.
- Paul
J'ai bien aimé passer la journée entière à écouter Christine raconter l'histoire de la flore de Sologne. Mais il est temps de mettre les voiles. Nous avons rendez-vous à la biscuiterie de Chambord, une petite entreprise familiale qui a remis au bout du jour une ancienne recette, devenue l'emblème de la gastronomie locale. Jonathan, le responsable de l'atelier de fabrication, nous attend pour une visite. Il y a fort longtemps, dans un village nommé Malives, la ponte battait son plein. ...
- Jonathan
Monsieur Sinet, qui est le créateur de la biscuiterie de Chambord, donc il était aviculteur, il avait une 20 000 poules pondeuses, et puis dans les années 70, les œufs ça se vendait un petit peu moins bien, en tout cas le cours de l'œuf était très compliqué, et donc plutôt que de jeter ses productions ou de les vendre à perte, il a eu l'idée effectivement de transformer ses œufs dans un biscuit, et grâce à un livre de recettes sur un ancien biscuit qui s'appelait le Palet de Dames, voilà, historiquement. il a créé ce biscuit et il l'a nommé Palet Solognot. Et à votre avis,
- Guide
Pourquoi le palet Solognot ?
- Public
Parce qu'on est en Sologne.
- Guide
Et oui,
- Jonathan
le Palet Rhum-Raisin, ça pourrait être n'importe où, ça pourrait être à Lille, vraiment partout. Là, M. Sinet veut vraiment que ça devienne l'emblème de la région. Et pour ça, il faut un nom qui connote un petit peu avec les locaux. Donc forcément, voilà pourquoi le palet solognot. On est une petite entreprise familiale, on est une soixantaine de collaborateurs aujourd'hui avec nos onze boutiques, ce qui demande pas mal de monde. Et en fait, on n'a absolument rien changé avec notre nouvelle unité de production, notre nouveau site de Maslives. Donc on a à peu près 70 recettes aujourd'hui et on en crée 3, 4, 5, 6 par an. en fonction de la volonté de nos pâtissiers, en fait, ceux qui pilotent. Donc on rentre dans nous, ce qu'on appelle notre galerie des secrets. Et donc on est devant la première fenêtre, donnant directement sur la production. Là, nous avons Thierry, notre pâtissier. Je crois que Thierry, ça va faire 18 ans qu'il est là maintenant, qui est en train de faire la dépose de tuiles. Et donc, vous voyez, le laboratoire est d'une manière très simple. Vous avez tout le pétrissage qui est au fond, donc avec la pesée des matières premières. Ensuite, les pâtes sont vidées dans nos doseuses. Et ensuite viennent être dosés sur des plaques de cuisson qui partent ensuite dans les fours rotatifs, les fours de boulanger complètement classiques. Juste là, vous avez quelque chose qui est assez extraordinaire. Vous avez des moules en bois de hêtre, vous voyez, à côté des fours. Alors ça, les moules en bois, c'est pour fabriquer nos fameux cakes. C'est extrêmement compliqué, extrêmement long et laborieux. Mais en tout cas, on a un cake qui est absolument extraordinaire, puisque le bois de hêtre permet une cuisson complètement homogène de notre cake. C'est-à-dire qu'il n'y a zéro croûte. sur les extérieurs et là on a un produit d'exception.
- Paul
Est-ce que tu peux nous raconter l'histoire de ces moules parce qu'ils viennent quand même de Mer qui est juste à côté d'ici ?
- Nicolas de Guillebon
C'est ça, c'est ça tout à fait. En fait tout simplement il fallait qu'on renouvelle nos moules sachant qu'on les renouvelle pas trop souvent non plus parce que finalement ils font les meilleures cuissons quand ils ont passé une quinzaine, une vingtaine de cuissons, c'est là où ils sont les meilleurs. Donc on essaie de pas trop les renouveler mais il faut les renouveler et donc du coup on a contacté notre menuisier qui nous fait nos mobiliers, qui nous fait à peu près tout dans le coin en circuit court, Mer c'est pas très loin. Et donc du coup, il a pris le modèle du moule, il a trouvé la matière première, le bois, et c'est lui qui nous fabrique tous nos moules en bois de hêtre.
- Paul
Jonathan, comment est-ce que tu as atterri ici à la Biscuiterie de Chambord et en Sologne ?
- Jonathan
Tout simplement par une rencontre avec M. Colin, le dirigeant, le patron de la Biscuiterie de Chambord que j'ai rencontré. Et puis il m'a sollicité afin de savoir si j'étais intéressé pour venir travailler à Chambord. Voilà, donc j'ai pris femme et enfant et on a débarqué en Sologne il y a 11 ans. Et très sincèrement, je ne quitterai pas la Sologne pour rien au monde, même pour remonter une autre biscuiterie ailleurs en France. Non, on est trop bien ici.
- Cécile
Qu'est-ce qui vous plaît tant ici ?
- Jonathan
Tout en fait me plaît. On est sur un département extrêmement privilégié, moi je trouve. On a un dynamisme, une vraie authenticité, on a des magnifiques produits et l'accueil des solognots et des loir-et-chériens est juste exceptionnel. Maintenant, on a un beau cercle, on a des beaux métiers, on a des beaux produits, une belle région qui... qui a son calme l'hiver, mais qui a son effervescence l'été. C'est vivant, ça bouge. Donc non, je suis bien là.
- Cécile
La vie est belle.
- Jonathan
La vie est belle.
- Cécile
Toutes ces odeurs de biscuits sortant du four m'ont vraiment ouvert l'appétit. Cette rencontre avec Jonathan était une mise en bouche parfaite. pour la suite de la journée. Nous avons rendez-vous à l'Auberge du Beauharnais, une adresse gourmande reprise par Sheri et Nicola. En quelques années, ils ont réussi à transformer cette auberge traditionnelle en une véritable table gastronomique.
- Nicola Boniface
Là,Tatin ?
Ici, s'il vous plaît. Tatin de Coings.
- Paul
Merci.
- Nicola Boniface
La Tatin comme on l'a fait ici, alors traditionnellement moi je fais toujours avec la Tatin de pommes, toujours avec les pommes en lamelles, donc là j'ai utilisé la même technique pour travailler le coings. Et le caramel se fait pratiquement qu'avec le jus du fruit, donc dans le fond du poêle. et on le fait à la fin pour que ça caramélise bien par dessus. Après la pâte, c'est celle que j'ai apprise avec les anciens de Lamotte-Beuvron. C'est un secret que je garde un petit peu. Sinon je vous le dis, mais je suis obligé de vous tuer après. Donc oui, toujours cette tarte Tatin en lamelles, avec cette légèreté par rapport au beurre et au sucre, par rapport à la Tatin traditionnelle, et le fait de faire le caramel dans le propre jus du fruit. C'est quelque chose qui revient toujours à la carte. Ça, je ne m'épuise pas de le faire parce que la Tatin, c'est le patrimoine ici un petit peu de la région. Après, en spécialité, je pense que les gens viennent plus pour la cuisine plutôt qu'une spécialité particulière. Le restaurant, en fait, on l'a monté à deux avec Sherri. Donc c'est pour ça que je disais, on a un dissociable tous les deux, parce que tous les deux, on a des cultures qu'on porte en nous, qui font partie déjà d'une part de la Sologne, parce qu'on y habite et on y a vécu depuis notre enfance, et d'autre part, par nos origines. Parce que Sherri, donc, elle est un tiers mexicaine, un autre tiers apache, de la Californie aussi, qui porte beaucoup de place. Et puis un petit peu irlandaise, mais ça ne se voit pas beaucoup. Et moi, de mon côté, c'est une partie de la famille qui est ch'ti, l'autre qui s'est développée en Sologne. Et puis ma mère qui est de Bolivie. Et c'est ça qui est assez improbable, c'est de se retrouver dans un petit village ici au milieu des étangs et de pouvoir faire une cuisine comme on fait, avec des accents d'Amérique latine, de Thaïlande, du Japon. Et ça match !
- Sherri Boniface
On a aussi la chance d'avoir une clientèle, parce que les solognts, c'est des épicuriens. Ils adorent les bonnes choses, les bonnes tables. Et ils peuvent être curieux. Des fois, il faut les ammener vers la curiosité. Mais quand c'est bon, ils aiment bien.
- Paul
Moi, c'est ce que j'ai trouvé assez génial dans le concept de votre restaurant, c'est qu'on a une entrée par produit. On voit vraiment les produits du terroir de la région. Et puis après, dessous, on a l'explication du plat.
- Nicola Boniface
À partir du moment où on passe la porte du restaurant, ici, il faut un peu oublier ce qu'on connaît. Il faut qu'on explique. Comment nous est venue l'idée du plat ? Et puis pourquoi il y a tel ingrédient ? Et comment il s'est fait cet ingrédient ? Et puis c'est cet échange avec le client qui est assez intéressant. Après, il y a un dialogue qui se met en place. Et c'est là que Sherri est très forte pour faire naître la curiosité des gens. Donc ça, c'est une façon de faire qu'on a. Et puis l'autre façon, comme je disais, c'est Sherri qui me lance des défis.
- Cécile
Comme quoi ? Ça se passe comment ?
- Sherri Boniface
Par exemple, j'aime beaucoup les ramens. Et j'avais insisté pour qu'on fasse un ramen au restaurant, avec des produits locaux, avec une clientèle qui ne connaît absolument pas ce plat-là, mais qui aime bien tout ce qui est les bourguignons, les pots-au-feu, des choses en sauce. Et le ramen se rapproche un petit peu dans ce sens-là. Et c'est ça ce qui est rigolo. Et on joue là-dessus, justement, avec ces cultures différentes, mais qui se rapprochent beaucoup, le gibier français à l'époque. La vieille cuisine, on mettait le carré de chocolat. Nous, en Mexique, par exemple, on fait le mole, ce qu'on appelle le mole, c'est une sauce à base de chocolat. Donc ça se ressemble, on essaye de faire des petits clins d'œil comme ça.
- Paul
La Sologne est vraiment une terre de gastronomie, une destination pour les épicuriens curieux en quête d'adresses originales et confidentielles. La jeune génération y réinvente les codes de la cuisine traditionnelle avec beaucoup de talent. Notre escapade en Sologne s'achève déjà, mais rassurez-vous, nous vous donnons rendez-vous bientôt pour une ultime balade. Cette fois-ci, à la découverte du patrimoine de la région, entre village de briques et château Renaissance, on ne risque pas de s'ennuyer.
- Cécile
Pierre, Feuille, Sologne, un podcast de la marque Sologne, animé et réalisé par Paul Engel et Cécile Lombardie, produit par Aparté Studio. La musique a été composée par Thibaut Faucard et l'épisode mixé par Bastien Nicolaï. Retrouvez nos bonnes adresses et plus d'infos sur nos invités dans la description de cet épisode. Pour prolonger le voyage, rendez-vous sur notre site www.sologne-tourisme.fr