- Speaker #0
Notre-Dame de Paris, j'ai construit 1163 mètres par les chiennes et l'architecte.
- Speaker #1
C'est l'heure que l'on va encore réparer ce sujet. Une épaisse fumée s'échappe de la cathédrale Notre-Dame. On aperçoit des flammes sortir du toit et le panache est visible de très loin. Sur les écrans du monde entier, des images de Notre-Dame en proie aux flammes et une émotion mondiale. La cathédrale appartient à tout le monde. On distingue... pas le croyant, le pratiquant et le touriste qui vient admirer le chef-d'oeuvre. Oui, c'est le cœur de Paris, donc c'est vrai que c'est un peu notre cœur à nous aussi.
- Speaker #2
Notre-Dame rouvrira ses portes les 7 et 8 décembre prochains. Au moment de son incendie le 15 avril 2019, les cœurs se serrent devant la cathédrale en feu. Pourquoi cet incendie a suscité une telle émotion ? Comment ce monument nourrit notre imaginaire et notre mémoire collective ? Dans cet épisode, Clémence Marais, journaliste à La Croix, a rencontré le père Olivier, vice-recteur de la cathédrale pour qui Notre-Dame doit être un lieu ouvert à tous, croyant comme athée. Vous écoutez la série Notre-Dame, l'universel, du podcast La Croix, place des religions.
- Speaker #3
Bonjour Père Olivier.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #3
Nous enregistrons ce podcast sur l'île de la Cité à Paris, dans une rue voisine de la cathédrale Notre-Dame. Pour commencer cet entretien, est-ce que vous pourriez nous décrire le lieu dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui ?
- Speaker #0
Je vous accueille à la Maison des Chers. Chaplin, qui est au 22 rue Chanoines. On est dans un des vieux quartiers médiéval de Paris. L'immeuble qui est ici a été construit au 16e, 17e siècle sans doute. Il a toujours accueilli des chanoines, des chaplains. C'est ici que dorment les prêtres qui travaillent à la cathédrale.
- Speaker #3
Vous êtes l'un des sept chaplains de Notre-Dame de Paris et vous êtes également vice-recteur de la cathédrale. Quel est concrètement votre rôle à Notre-Dame ? Merci.
- Speaker #0
Mon rôle, c'est de travailler avec l'évêque à l'accueil des 15 millions de visiteurs chaque année. Ça fait 45 000 par jour, ça fait deux quarts scolaires toutes les minutes. Autour de l'évêque, il y a un recteur, deux vice-recteurs, des chaplains, 70 salariés à peu près, 500 bénévoles, qui accueillent le monde entier qui passe à Notre-Dame. Donc moi, je suis en charge de travailler avec eux à l'accueil. des chrétiens, des non-chrétiens, des croyants, des non-croyants, de tous ceux qui veulent rentrer dans Notre-Dame.
- Speaker #4
J'ai eu la chance de faire ma communion à Notre-Dame en 1983, quand j'avais 11-12 ans, et ça crée forcément un lien au-delà du bâtiment avec Notre-Dame. Ça marque forcément la vie d'un catholique. C'est un moment particulier parce que vous êtes dans un bâtiment où il y a plein de gens, sauf que vous arrivez à vous isoler. Et à communier, c'est assez magique. Quel que soit le monde qu'il y a autour de vous, qui est forcément le bienvenu d'ailleurs, à un moment particulier, vous avez pu réussir à vous isoler comme si vous étiez seul au milieu de Notre-Dame. On est avec Notre-Dame.
- Speaker #3
Au-delà de sa dimension architecturale et historique, Notre-Dame, c'est un lieu de culte. Qu'est-ce que la cathédrale représente pour les catholiques et plus largement pour les chrétiens ?
- Speaker #0
Vous avez raison de le rappeler, de le souligner, on l'entend assez rarement. La cathédrale a d'abord été construite pour rendre un culte à Dieu. On voudrait réduire Notre-Dame à être un simple monument architectural ou historique. Elle est un lieu sacré, elle est un lieu porteur d'une signification spirituelle profonde. Elle accueille en elle, en son sein, la couronne d'épines. La statue de la Vierge Marie que le monde entier connaît depuis le XIVe siècle, elle accueille surtout le Saint-Sacrement. On l'a sortie avant toutes les œuvres d'art au soir de l'incendie. Elle fait l'unité du diocèse, mais l'unité de la nation, l'unité du monde. Je pense que peu de gens auraient été capables de dire pourquoi est-ce qu'ils étaient émus de cet incendie et ce que représente Notre-Dame pour eux. Mon travail, c'est de faire en sorte qu'ils puissent le comprendre un peu en rentrant dans Notre-Dame. Faire en sorte que chacun puisse se sentir suffisamment libre dans la cathédrale pour se laisser approcher par Dieu. Faire l'expérience de Dieu dans la cathédrale, comme Claudel. Je pense que Claudel aurait été le soir de l'incendie sur les bords de Notre-Dame, en se demandant ce qui arrivait, il comprenait bien qu'il avait l'intuition, il aurait eu l'intuition que quelque chose le touchait profondément dans son cœur, sans trop savoir quoi, et il s'est converti en voyant la beauté des murs, la lumière qui traversait les vitraux. la beauté de la musique qui servait la liturgie.
- Speaker #3
Vous avez cité la Sainte Couronne d'Épine, l'une des reliques qui est conservée à Notre-Dame. Quelle est l'histoire de cette couronne ?
- Speaker #0
Alors, on est les seuls à dire que nous avons la Couronne d'Épine. Personne ne dit la Couronne d'Épine du Christ. Scientifiquement, on la ramène tous à Constantinople au IVe siècle et on a les preuves scripturaires que cette couronne a toujours été vénérée à Jérusalem. Mais en tout cas, scientifiquement, on est certain que c'est la même qui était à Constantinople. Cette couronne est splendide. Elle est pauvre matériellement. Vous avez un morceau de bois qui n'a même plus d'épines puisqu'on les a toutes données, confiées. On sait où elles sont pour la plupart. mais elle a cette force qui nous ramène au Christ de façon complètement intemporelle. Je suis stupéfait de voir des fidèles s'approcher de la couronne d'épines et réagir de la même façon que les pèlerins pouvaient s'en approcher à Jérusalem il y a 2000 ans, ou Saint Louis s'approcher de la couronne d'épines. Quand vous lisez les récits, je vous promets que les gens réagissent de la même façon. Et c'est pour cela d'ailleurs que le reliquaire qui va être proposé permettra aux visiteurs et aux... aux pèlerins de toucher le reliquaire, de s'approcher au plus proche de la couronne.
- Speaker #3
Pour nous plonger dans la liturgie de Notre-Dame, vous rappelez-vous d'une célébration dans la cathédrale qui vous a particulièrement marqué ?
- Speaker #0
Je pourrais vous citer toutes les célébrations diocésaines, les ordinations forcément, vous imaginez 5000 personnes qui se réunissent pour accompagner une dizaine ou une vingtaine de prêtres, de jeunes hommes qui se donnent à Dieu et dont on fait des prêtres. Je pourrais vous citer les ordinations diaconales, les confirmations des adultes, c'est des moments incroyables. Et pourtant, je m'arrêterai sur la messe dominicale habituelle, le soir, celle que je fréquentais avant de rentrer au séminaire, célébrée par le cardinal Lustiger, qui prêchait à la croisée des transeptes avec un évangile en grec dans les mains, qui était capable de parler 25 minutes sans nous fatiguer, qui rendait l'écriture, l'évangile et le monde limpide, actuel, vivant. Le peuple était rassemblé dans la cathédrale autour de son évêque. C'était à la fois dense, simple, léger, vivant. Un déjeuner du dimanche midi en famille. C'est simple. Il n'y a rien de plus que d'habitude. Papa, maman, les enfants sont là, parfois les grands-parents. Et pourtant, c'est un moment qui suspend le temps. Voilà où tout le monde se rassemble. Un moment qui marque. C'était ça pour moi le dimanche soir.
- Speaker #3
La liturgie, c'est aussi de la musique. Qu'est-ce que le Grand Orgue de Notre-Dame apporte, d'après vous, aux offices ?
- Speaker #0
Le beau mène à Dieu et la musique sert la liturgie. Cet orgue, il a une longue histoire. Le premier orgue dans la cathédrale, il est arrivé au XIVe siècle, si j'ai bonne mémoire. Il était en Nid-l'Hirondelle, donc suspendu sur les colonnades. des automates. Et puis, au XVIIIe siècle, le Grand Orgue est arrivé. C'était le plus grand orgue de France. Il a souffert au moment de la Révolution, moins que d'autres, mais il a pris quelques coups de hache pour enlever les fleurs. fleurs de lys. Et puis au XIXe siècle, Cavalli école le Romani profondément. C'est l'orgue le plus renommé en Europe à l'époque. Et puis voilà, on va continuer les restaurations jusqu'à aujourd'hui. Cet orgue, il est incroyable. Il y a cinq claviers, qui est très bien, d'autres en ont aussi, oui. Sauf que lui, il a 115 jeux et 8000 tuyaux, de quelques millimètres à quelques mètres. Et une cinquantaine d'organistes qui se sont... Relayé à cet orgue, alors vous avez sans doute en tête des organismes qui nous ont quittés mais qui étaient mémorables, pas si loin que ça, Louis Vierne qui est décédé en jouant, il est mort sur son orgue. Pierre Cocherot qui était incroyable, qui nous a quittés il n'y a pas si longtemps que ça non plus, un organiste phénoménal. Mais aujourd'hui on a encore des gens splendides, Jean-Pierre Legay bien sûr, mais Olivier Latry. Quand Olivier est à l'orgue, on n'a même pas besoin de nous dire que c'est lui, on le sait, il est un génie. Un génie. Comme ceux qui vont nous rejoindre bientôt à l'ouverture, qui vont nous donner le meilleur de cet orgue.
- Speaker #3
À la réouverture de Notre-Dame, les fidèles vont découvrir un nouveau mobilier liturgique. Parmi l'ensemble des créations, laquelle vous plaît le plus ?
- Speaker #0
J'ai une faiblesse pour les chaises de Yonah Vautrin, qui sont belles, qui sont précises, qui sont douces, qui sont chaleureuses. Ces chaises, elles sont intelligentes. On est bien assis, on peut y rester très longtemps. Quand on est à genoux, on peut s'appuyer sur le dossier au lieu de l'avoir dans le nez et de ne plus rien voir. Yonah a eu ce génie. de faire rencontrer la poésie et l'industrie.
- Speaker #3
Est-ce que vous pourriez nous les décrire un petit peu pour ceux qui ne les verraient pas forcément tout de suite ?
- Speaker #0
Elles sont très fines, avec un plateau d'assises vraiment très fin, mais qui est solide et je vous le promets, qui est très confortable. Le dossier, il rappelle les colonnettes sur la façade. Elles laissent passer la lumière, elles disparaissent presque, mais elles sont belles et accueillantes.
- Speaker #3
Les touristes et les fidèles vont bientôt se recroiser à Notre-Dame. Quel choix avez-vous fait pour que ces deux publics cohabitent ?
- Speaker #0
J'espère qu'ils vivent ensemble. Je ne sais pas comment différencier un touriste d'un fidèle. Chez nous, on parle de visiteurs. C'est beau, la visitation. Venir visiter Marie, venir visiter le Christ. On accueille tout le monde sans distinction. Les grands, les petits, les francophones, les non-franconphones, ceux qui sont porteurs d'un handicap, ceux qui n'ont pas de handicap, ceux qui sont croyants, ceux qui sont un peu croyants, ceux qui ne sont pas croyants. Et on leur permet de prendre un peu de temps pour réfléchir, pour contempler.
- Speaker #1
J'aime beaucoup venir ici parce que ce sont des lieux de prière. On ne se lasse pas d'aller dedans. Il y a une âme dedans, il y a quelque chose qui se dégage. Les gens qui ne sont pas croyants aiment bien aller dans des cathédrales comme ça parce que c'est très très beau.
- Speaker #0
C'est un endroit magique, très spirituel. On sent une présence. C'est quelque chose qui appelle à la spiritualité, qui accueille.
- Speaker #1
Moi, j'aime beaucoup rentrer dans les églises en général et Notre-Dame en particulier parce que... On se sent apaisé, je trouve, dedans.
- Speaker #0
Quand je célèbre la messe, je célèbre pour vous et pour la multitude. Je ne célèbre pas uniquement pour les chrétiens, pour les catholiques. Je ne veux pas réduire et certainement pas enfermer les gens. Moi, je suis un converti sur le tard. J'ai une origine de famille chrétienne, mais non pratiquant. C'est ma culture, je ne vais pas faire le tri ni classer les gens. parce qu'ils croient ou ne croient pas, ou parce qu'ils croiraient bien, ou mieux que d'autres, ou plus. Non, on accueille tout le monde. Vous savez, quand on va rouvrir la cathédrale, il n'y aura plus de barrière entre les déambulatoires, les petits couloirs sur le côté de la cathédrale, et la nef, là où on aura disposé des chaises pour les fidèles. On est libre. Je peux rester debout, comme je l'ai fait pendant des années derrière un pilier, ou je peux décider de venir m'asseoir dans la nef. Je peux m'arrêter au cours de ma visite et écouter l'homélie. Je peux m'arrêter et être touché par le chant du Magnificat. Je ne vais pas faire le tri entre les visiteurs et les fidèles.
- Speaker #3
Donc vous n'avez pas peur qu'il y ait un tourisme de masse qui prenne le pas sur la place que pourraient avoir les fidèles ?
- Speaker #0
C'est une vraie question. Le surtourisme, c'est une vraie question. Le Louvre a décidé de baisser sa capacité maximale. Athènes m'a beaucoup surpris. L'acropole a limité le nombre de visiteurs à 20 000 par jour. La cathédrale, on n'aura pas ce problème-là, elle est toute petite. Elle est toute petite, à 6 000 m². Et 1516. On n'en ferait pas rentrer plus. Donc on va permettre à chacun de pouvoir rentrer dans la cathédrale. Tout le monde ne rentrera pas en même temps, mais tout le monde pourra rentrer. La cathédrale, ce n'est pas un musée, ce n'est pas une pièce d'art qu'il faudrait protéger. Il n'y a pas de plexiglas sur nos murs. Ils sont tout propres. Mais tout le monde va vouloir y mettre les mains. La cathédrale, c'est notre maison commune. Donc oui, tout le monde est accueilli. Tout le monde est accueilli chez lui.
- Speaker #3
Vous allez donc retrouver la cathédrale ce 8 décembre. À titre personnel, comment est-ce que vous appréhendez ce moment ?
- Speaker #0
Je suis impatient de retrouver cet écrin particulier, de retrouver les murs, les pierres sur lesquelles je me suis allongé au moment où j'ai décidé de donner ma vie à Dieu pour me relever comme prêtre. La pierre sur laquelle je me suis allongé a disparu. Il y a quelques semaines encore, c'était du sable et une nouvelle dalle a pris sa place, mais c'est à cet endroit-là que tout a commencé. De pouvoir retrouver ces pierres qui, depuis 860 ans, accueillent le monde entier. Moi, je ne vais qu'y passer, mais je ferai partie de cette histoire.
- Speaker #2
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