- Speaker #0
Notre-Dame de Paris, j'ai constaté où se sent se passer le toit et où par les chaînes à la Chine d'Ecme,
- Speaker #1
c'est là que l'on est dans l'histoire de l'Histoire. Une épaisse fumée s'échappe de la cathédrale Notre-Dame. On aperçoit des flammes sortir du toit et le panache est visible de très loin. Sur les écrans du monde entier, des images de Notre-Dame en proie aux flammes et une émotion mondiale. La cathédrale appartient à tout le monde. On distingue. pas le croyant, le pratiquant et le touriste qui vient admirer le chef-d'oeuvre. Oui, c'est le cœur de Paris, donc c'est vrai que c'est un peu notre cœur à nous aussi.
- Speaker #2
Notre-Dame rouvrira ses portes les 7 et 8 décembre prochains. Au moment de son incendie le 15 avril 2019, les cœurs se serrent devant la cathédrale en feu. Pourquoi cet incendie a suscité une telle émotion ? Comment ce monument nourrit notre imaginaire ? et notre mémoire collective. Clémence Marais, journaliste à La Croix, a rencontré Gilles Maheu, metteur en scène de la comédie musicale Notre-Dame de Paris. Dans cet épisode, il revient sur les raisons du succès de ce spectacle et sur les choix qu'il a fait pour représenter sur scène la cathédrale. Vous écoutez la série Notre-Dame, l'universel du podcast La Croix, place des religions.
- Speaker #3
Bonjour Gilles Maheu.
- Speaker #0
Bonjour à vous.
- Speaker #3
Merci beaucoup de nous accorder cet entretien, un entretien que l'on enregistre à distance puisque vous vous trouvez chez vous au Canada à une heure de Montréal. Vous êtes un metteur en scène, un réalisateur et un acteur reconnu. Vous avez notamment fondé en 1980 la compagnie de théâtre de recherche Carbone 14. Et à la fin des années 90, l'auteur Luc Plamandon et le compositeur Richard Cossianti vous ont proposé de mettre en scène la comédie musicale Notre-Dame de Paris. Qu'est-ce qui vous a poussé, vous, figure du théâtre avant-gardiste canadien, à vous lancer dans ce projet ?
- Speaker #0
Écoutez, la petite histoire de Notre-Dame, comme vous venez de le dire, moi, je viens du théâtre d'avant-garde. J'ai ouvert deux théâtres à Montréal et je faisais ma création d'avant-garde basée sur... Un théâtre d'ange basé sur la mine corporelle, parce que j'avais étudié à l'origine à Paris avec Étienne Decroux. J'ai fondé une compagnie avant Carbone 14, un théâtre de rue qui s'appelait Les Enfants du Paradis, inspiré du film Les Enfants du Paradis, dans lequel jouaient Decroux et bien sûr Jean-Louis Barraud, entre autres. Donc, l'histoire de la France et la culture française, puisque je suis d'origine quand même française par mes parents. m'a toujours inspiré. Et j'avais connu Luc qui venait voir mes spectacles, tout ça. Et puis un jour, on va prendre un verre ensemble, et il me dit, écoute, est-ce que ça te tenterait de faire un musical ? Je sais que toi, bon, tu fais de l'avant-garde, c'est pas vraiment ton domaine, mais c'est Notre-Dame de Paris. Et alors, moi, j'avais déjà fait une chorégraphie à l'époque. à partir des personnages d'Esmeralda et de Quasimodo. Et j'ai toujours aimé ce roman de Victor Hugo. Alors, c'est comme ça qu'a commencé l'histoire. Après, on s'est vus. Et Luc et Rissard, ils avaient déjà écrit un livret de trois heures. C'est complet. Et puis, on a travaillé pendant presque un an et demi à concevoir le projet de mise en scène pour la comédie musicale.
- Speaker #4
Notre-Dame de Paris, c'est Victor Hugo qui a écrit le livre. Et j'ai eu cette impression en faisant le tour le soir, en regardant les gargouilles justement. J'en suis sûr qu'il se baladait ici le soir et puis qu'il observait un peu les gargouilles. C'est là qu'il a eu peut-être l'idée d'écrire son livre. Parce que le soir, quand on se promène ici, c'est une atmosphère différente.
- Speaker #5
Son roman est très complet, avec une romance impossible, entre un prêtre et une gitane. avec un blessé de la vie, un bossu qui est chargé de sonner les cloches, et tout ça se termine avec l'incendie de Notre-Dame, que tout le monde jugeait impossible, et on a vu que c'était malheureusement possible.
- Speaker #3
Alors vous dites avoir toujours aimé le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, roman dans lequel on suit l'histoire du sonneur de cloche de la cathédrale Quasimodo, avec la belle Esmeralda. Pourquoi est-ce que ce livre vous plaît tant ?
- Speaker #0
C'est sûr que cette histoire d'amour, je l'ai dit souvent, impossible entre la belle et la bête. Les deux personnages sont des exclus. Quasimodo, à cause de son infirmité, il est beau dessus, il n'est pas beau. Yves Méralda est belle, mais c'est une marginale, une vitane, qui vit aussi en marge de la société. Donc c'est cet amour impossible de ces deux êtres. Et c'est ça la base de Notre-Dame, c'est cette histoire entre Casimodo et Yves Méralda, et bien sûr aussi Hébus, qui représente le pouvoir, l'Église, qui est aussi un prêtre qui tombe en amour avec une femme. C'est illégal. Donc il y a toutes ces interdits, mais qui font partie de la nature humaine et qui créent des émotions très fortes.
- Speaker #3
La cathédrale Notre-Dame de Paris est un bâtiment que vous aviez déjà côtoyé, puisque vous êtes venu faire vos études de théâtre à Paris. Est-ce que pour la mise en scène de la comédie musicale, vous êtes revenu visiter la cathédrale ?
- Speaker #0
Oui, bien sûr, parce que là, quand on a commencé à travailler, il y avait le texte, les chansons, et je suis retourné voir la cathédrale pour m'imbiber de l'histoire. Même si Hugo, il ne parle pas juste de l'Église, mais tout ce qui se passe dans la cité autour. Et je me souviens, entre autres, que je n'avais pas fait la première fois, j'étais allé plutôt dans la nef, dans l'Église, mais je n'étais pas monté tout là-haut. Et je suis monté par les escaliers jusqu'en haut et j'ai fallu, entre autres, voir la cloche. Parce qu'il y a une chanson qui s'appelle « Les cloches » dans l'acte II de Notre-Dame. Et voilà, j'ai essayé de nouveau de m'inspirer de ce lieu-là qui est exceptionnel. Mais c'est sûr que quand on fait un spectacle et c'est un choix de mise en scène que j'ai fait, je ne voulais pas faire un spectacle réaliste. Le cinéma peut faire des choses plus réalistes, mais au théâtre, c'est un peu plus difficile. Donc, on est venu à l'idée d'avoir comment expliquer et exprimer cette cathédrale, l'extérieur et l'intérieur, sans avoir des gros changements de décors. Alors, on a eu cette idée du mur. Et donc, il y a des scènes où on est à l'extérieur et d'autres scènes où on est à l'intérieur de l'église. C'est comme ça que Petite Septième... aussi est née la mise en scène de Notre-Dame. On avait au début eu l'idée aussi d'essayer des projections pour pouvoir rendre le décor plus réaliste, mais rapidement, on a oublié cette idée. Et je me rends compte que c'est une belle intuition parce que si on est là encore 27 ans plus tard, c'est que le spectacle est très intemporel. Il n'est pas réaliste si on l'avait fait à telle époque avec des costumes réalistes, etc. Et là, c'est plus métaphorique, c'est plus poétique. Et ça passe à travers le temps. Il y a les symboles, le mur, les cloches qui sont toujours là, les personnages, bien sûr. Mais on n'est pas dans un décor réaliste.
- Speaker #3
Alors, vous avez évoqué le mur que vous avez construit sur scène pour représenter Notre-Dame. Pourriez-vous nous le décrire ?
- Speaker #0
Oui, c'est un mur de pierre qui fait 20 mètres de haut avec des pas. Il y a des éléments qui sortent du mur à un moment donné. Dans cette chanson, elle s'appelle « Vive » où elle va être pendue. Il y a une des colonnes du mur qui s'avance. Elle est sur cette colonne et elle chante la dernière chanson avant sa mort. Au début, les premières... scène, il y a les colonnes qui arrivent avec les gargouilles qui descendent du plafond. Il y a ce mur qui se décompose parfois et qu'on utilise au service des acteurs et de la scène.
- Speaker #3
Et dans ce spectacle, pour représenter les vitraux de la cathédrale, vous avez simplement, grâce à un jeu de lumière, dessiné des rosaces au sol. Comment cette idée vous est-elle venue ?
- Speaker #0
De nouveau, on avait eu des projections, on aurait pu projeter les vitraux sur le mur. Bon, on l'a fait avec l'éclairage et sur le sol aussi, voilà. Mais là-dessus, il y a une anecdote intéressante. Quand on a joué à Las Vegas aux États-Unis deux ans plus tard, les Américains, eux, ils aiment bien le réalisme. C'est un monde, c'est Disney, c'est le monde réaliste, c'est le cinéma, et ils voulaient qu'on fasse des adaptations. Je me souviens, entre autres, qu'ils voulaient vraiment, dans la scène d'Ave Maria, où elle fait son Ave Maria païen à l'intérieur de l'église, où il y a la fontaine, Elle se lave les pieds dans la fontaine. Donc, c'est quelque chose de provocateur parce qu'elle, elle n'est pas catholique. Elle est païenne. Et les Américains voulaient vraiment qu'il y ait un vrai vitrail qui descend du sol pour nous faire comprendre que là, on était à l'intérieur d'un Notre-Dame. Mais bon, j'ai refusé à ça parce que pour moi, je fais confiance au public qui a suffisamment d'imagination pour se rendre compte que... À cause de la fontaine, on était à l'intérieur de Notre-Dame, à ce moment-là, pas à l'extérieur.
- Speaker #3
La comédie musicale Notre-Dame de Paris a rencontré un succès international dès sa première représentation. C'était en 1998 au Palais des Congrès à Paris. Depuis, elle a été jouée dans une vingtaine de pays et même adaptée en huit langues. Et au moment où nous enregistrons ce podcast, elle est en tournée en Chine. D'après vous, comment vous avez pu faire ça ? pourquoi cette comédie musicale a eu un tel succès.
- Speaker #0
À cause de l'émotion, de l'émotion qui se dégage de l'histoire, de l'interprétation des chanteurs, des danseurs, parce qu'en fait, au-delà de l'histoire, en théâtre, c'est l'émotion qui est importante. Les gens, même parfois, ils ne comprennent pas, parce que par exemple en Chine, maintenant on joue en français, ça c'est un autre élément fantastique. La culture française, on joue avec des sous-titres, mais les gens ne suivent pas exactement tout le détail de la langue française, mais ils continuent de suivre l'histoire à travers les personnages. Et puis notre musicale, Notre-Dame de Paris, bien sûr, a profité de cet universalisme de la cathédrale. Je crois que c'est un lieu incontournable d'architecture, mais... spiritualité dans la ville de Paris et qui est devenue universelle et qui attire les gens du monde entier.
- Speaker #3
Plus généralement, lors de la préparation de cet entretien, vous m'avez dit que les lieux spirituels étaient des lieux qui vous inspiraient en tant que metteur en scène. Pourquoi ?
- Speaker #0
Ce n'est pas juste les églises. J'ai fait un autre spectacle avec ma compagnie d'avant-garde qui s'appelait Le Dortoir, parce que j'ai vécu en dortoir à la séparation de mes parents quand j'étais jeune, dans un hospice où il y avait des religieuses, des sœurs grises qui géraient l'endroit. Donc, j'ai fait un spectacle. Et il y avait une scène de nouveau, avec le dortoir la nuit, il y avait une chorégraphie avec une religieuse. Je ne sais pas, c'est moins accepté. C'est à cause de mon enfant, je crois, que j'ai été élevé dans la religion catholique. C'est toujours des moments qui vous marquent, quoi. Cette puissance-là est liée, bien sûr, aux forces spirituelles. Personnellement, je pense que c'est comme ça. Maintenant, ce n'est pas tous les spectacles que j'ai faits qui étaient liés à ça, à l'Église, je veux dire. Mais le spirituel, oui. Je pense que c'est essentiel. Et c'est pour ça que j'ai hâte de retourner aussi à Notre-Dame avec un nouveau regard, comme si c'était la première fois. Et c'est quand même extraordinaire et génial d'avoir pris la décision de la reconstruire. Et j'ai très, très hâte de me recueillir de nouveau dans Notre-Dame de Paris la prochaine fois que j'irai à Paris.
- Speaker #2
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