Transcription

• Speaker #0

  Aujourd'hui, je suis allée amener mon linge au pressing. Rien d'extraordinaire. Enfin, c'est ce que je croyais. Comme d'habitude, je me parque juste devant la porte, pas par caprice ou par plaisir, simplement pour que l'employé ait juste deux pas à faire pour prendre mon linge sale et déposer la corbeille de linge propre dans la voiture. Ça fait des années qu'on fonctionne comme ça, c'est fluide, efficace, bref, c'est du bon sens. Mais il y a toujours une ginette quelque part, pour voir dans la logique, une injustice. Ginette, elle voit des... privilèges handicapés là où il y a juste de l'organisation et du pragmatisme. Oui, oui, ça existe. Je vous parlerai d'ailleurs de Ginette dans un autre épisode parce que pour affronter ce type de profil, il faut vraiment, vraiment être solide. Je laisse donc mon linge, je discute un moment avec l'employé, je repars. Et là, juste en sortant, je me retrouve nez à nez avec un monsieur. Je ne le connais absolument pas, mais lui, manifestement, a quelque chose à me dire. Madame, je peux vous demander comment vous vous appelez ? Vanessa. Vanessa, j'ai été content de vous croiser aujourd'hui. Je vous souhaite bien du courage. Bien du courage. Ces trois mots ont fait écho dans ma tête sur le trajet du retour. Parce que, soyons clairs, si j'avais mesuré 1m60 au lieu de 1m22 et si ma démarche avait été plus assurée, est-ce que Michel m'aurait souhaité bien du courage ? Non. Et si j'avais été encore coincée dans la méconnaissance, étape 1 du parcours solide, j'aurais pu exploser sur place. Du courage ? Pourquoi ? Vous me voyez comme quelqu'un de misérable ? Mais voilà, j'observe Michel, en mètre 65, beu de nom, la septantaine, sympathique, tout ce qu'il y a de plus normal quand on est retraité suisse-roman. Je sens que ce n'est pas de la malveillance, mais de la projection. Son regard n'a rien à voir avec moi. Il parle de ce que lui imagine que je vis. Et c'est là que ça devient intéressant. Parce que face à certaines formes de pitié, appelons-les pitié polie, il y a toujours une partie de moi, comment la nommer d'ailleurs ? Mendiante ? Non. Profiteuse ? Opportuniste ? Moqueuse ? Je ne sais pas. Libre à vous de la nommer. Mais il y a une partie de moi qui aurait le culot de demander à Michel une pièce. Voir même un billet, quitte à profiter de sa vision de misérabilité, du handicap. Michel, mon petit... Déjà que tu m'offres ta vision misérabiliste du handicap, tu ne me glisserais pas aussi une petite pièce pendant qu'on y est ? C'est bientôt le téléthon. J'aurais pu. Parce que la pitié, c'est comme un parapluie qu'on t'impose alors qu'il fait grand soleil. Tu ne sais pas quoi en faire, mais ça dit beaucoup plus sur l'autre que sur toi. Et tu sais quoi ? Le vrai problème, ce n'est pas Michel qui m'a souhaité du courage. Le vrai problème, c'est de croire que sa phrase parle de moi. Non, elle parle de ce que lui serait incapable de porter s'il était à ma place. La pitié ne m'insulte pas, elle me renseigne. Et ça c'est extrêmement important à comprendre. Aujourd'hui, grâce au parcours solide, j'ai plus besoin de prouver, d'expliquer, de justifier. Parce qu'au stade 1, j'aurais réagi avec la colère. Au stade 2, j'aurais accepté en serrant les dents, à contre-coeur. au stade 3 J'aurais exploré mes limites et peut-être demandé le billet de 20 francs, soyonnette. Au stade 4, j'aurais observé avec davantage de légèreté. Au stade 5, je choisis tout simplement la paix. Je choisis l'alignement, la verticalité. Alors en partant, le cœur léger, ce n'est pas Michel qui m'a souhaité du courage. C'est moi qui lui en ai souhaité. Parce que ce n'est pas une question de chance, c'est une question de choix. Et Michel, lui, il n'a pas encore fait le sien. Si toi aussi tu veux arrêter... de laisser le regard des autres décider de ta valeur et que tu veux ce passage intérieur, cette liberté, cette solidité, viens découvrir Solide. Tu trouveras tout dans la description. A demain pour parler du Téléthon et de cette période de l'année qui réveille autant la générosité que la pitié et la misère.