Transcription

• Speaker #0

  Ah, le Téléthon, parlons-en. J'aurais pu attendre le 5 décembre pour cet épisode, mais je préfère qu'il sorte une semaine avant, histoire que vous ayez le temps de digérer et de méditer mon point de vue. Commençons par les origines. Il faut savoir que le Téléthon, c'est en mauvaise lise, crée à partir des mots télévision et marathon, et c'est une émission de télévision de très longue durée dont le but est de recueillir des fonds pour une œuvre caritative. C'est un concept apparu aux Etats-Unis dans les années 1950. Tout d'abord pour aider les malades atteints de poliomyélite. Ce concept a ensuite pris une ampleur mondiale et a fini par atterrir en France, en Belgique et en Suisse en 1988. Son origine est noble et ses montants récoltés impressionnants. Entre 2011 et 2018, les montants varient entre 2,1 et 2,5 millions de francs. Pour l'exercice 2023-2024, nous sommes rendus à 1,5 million de francs. En Suisse, l'argent du Téléthon est utilisé à part égale pour la recherche médicale sur les maladies génétiques rares et pour le soutien social aux personnes concernées. Le soutien social inclut l'aide financière pour les adaptations de logements ou d'équipements, des conseils administratifs, l'organisation de camps et de journées d'information et l'aide aux démarches administratives. Sachons que la loi sur l'égalité pour les personnes handicapées ... elle hande pour les intimes, a été adoptée le 13 décembre 2002 et que je constate que les places de travail et autres lieux publics ne sont toujours pas accessibles aux chaises roulantes, je me demande où et comment est alors utilisée la moitié de cet argent. Ça fait un peu complotiste comme réflexion, je le sais bien. Mais honnêtement, je préfère en Michel, alors si vous ne savez pas de qui je parle, allez écouter l'épisode de hier, l'épisode précédent. Je préfère un Michel qui me donne 20 francs de main en main que 1,5 million qui rentre dans un système complexe où l'accès à la santé devient un privilège. Mais ce n'est pas le sujet du jour. Je vais laisser Jérémy Ferrari en parler. Car dans une interview, il a su avoir les mots justes sur un problème porté par le Téléthon sur la conscience collective des gens. Il s'agit d'une interview donnée pour le site français L'Internaute.

• Speaker #1

  La dernière fois sur le Téléthon, qui est pour moi du misérabilisme, j'ai été extrêmement déçu. Vous savez, en Belgique, on m'a fait présenter Make-A-Wish. Make-A-Wish, c'est les enfants malades. C'est comme l'équivalent du Téléthon en France. C'est un truc énorme. On m'a fait présenter ça devant 6000 personnes. Autre entrée sur RTBF, un humoriste fait l'humour noir qui présente une soirée pour des enfants qui sont malades, voire condamnés quand même. Donc le pari était quand même corsé.

• Speaker #0

  C'est des handicaps très lourds.

• Speaker #1

  On me fait présenter le truc, puis des maladies. Des maladies parfois incurables. On me fait présenter la soirée. ça se passe hyper bien. On m'invite au Téléthon, j'y vais avec Guillaume Batz. Donc là, on vient en France. Donc Belgique, je présente la soirée, Téléthon m'invite deux minutes. J'arrive avec Guillaume Batz, qui est quand même directement concerné par le Téléthon. Il a une maladie génétique, c'est la maladie des os de verre. Donc là, ils ont quand même un regard d'un mec qui est directement concerné, qui est jeune, qui est humoriste, qui n'est pas dans le misérabilisme, qui est quelqu'un qui va bien, qui se bat, etc. Et quelqu'un comme moi, qui travaille avec le monde du handicap. Donc ils ont quand même deux regards plutôt rigolos, plutôt intéressants, plutôt différents, plutôt atypiques. et dont un qui est quand même directement concerné par cette soirée, qui est Guillaume Batz. On arrive, évidemment, nous on ne vient pas pour pleurer. On ne vient pas pour pleurer parce que moi c'est le combat inverse que je mène, je lutte contre le misérabilisme. Et là on fait une vanne avec Guillaume qui arrive, on commence à faire des blagues sur le fait qu'il y avait un... Parce que c'était quand même drôle, parce qu'il y avait Guillaume Batz en face de moi, et au-dessus il y avait le chiffre du chèque, et je dis putain regarde on a bien fait de venir, tu vas repartir avec un sacré chèque ! Et Guillaume fait aussi une vanne comme ça, dans un bon esprit, super marrant. Oh la la, panique ! Sophie Davant qui dit « Non, non, mais arrêtez ! On rappelle aux téléspectateurs, les artistes ne sont pas payés ce soir ! »

• Speaker #2

  « Vous êtes fait rassurer ! » « Évidemment,

• Speaker #1

  je ne vais pas repartir avec le chèque du Téléthon ! » Et puis après, on nous aura accompagnés ! « Allez, on envoie une pub ! Allez, au revoir ! Allez, sortez-les ! Allez, la petite Charlotte, regardez, elle pleure ! Filmez Charlotte, elle pleure ! » Mais c'est terrible ! Moi, j'ai le souvenir d'une phrase quand même, où Sophie Davant dit à une petite, « Est-ce que tu peux nous parler de ta maladie ? » « Ben non, pas trop. » « Bon, en tout cas, tu souffres beaucoup. Tu souffres beaucoup, Charles. » « Aïe, t'es ! » « Enfin, mais c'est... Non, mais... » « Mais enfin, on n'a pas besoin d'en rajouter. Pourquoi est-ce qu'on est obligé de tomber là-dedans ? » Les handicapés, les gens malades sont les gens les plus courageux du monde. Moi, je suis allé travailler avec ces enfants malades, là. Mais vous croyez qu'il pleure ? Mais personne ne pleure, aucun de ses enfants ne pleure. Les organisateurs, certains, ne pleurent pas non plus. D'ailleurs, il y a les parents qui pleurent ou les amis des parents qui pleurent. Mais les enfants, ils ne pleurent pas, eux. Moi, j'ai discuté avec une petite fille avec qui il reste six mois, peut-être. Mais elle ne parle pas de ça, elle. Quand elle parle de la faim, elle dit « Bon, il ne me reste pas beaucoup de temps, il faut que je profite. » Voilà ce qu'elle dit, elle. Elle ne pleure pas, la petite. Alors, pourquoi on doit pleurer pour eux ? Moi, ça me scandalise, ça. On n'est pas obligé de culpabiliser les gens pour qu'ils donnent. C'est non seulement insulter les gens qui vont bien en disant c'est de votre faute si vous allez bien vous avez intérêt de donner sinon vous êtes des salopards et puis c'est aussi enfoncer les gens qui sont malades dans mon dernier handicap on dit pas cap il y a un mec qui a pas de bras il mange et il conduit avec ses pieds Alors quoi, je vais pas aller pleurer. Il a le permis, il y en a qui ne l'ont pas, pour des mains. Mais il faut arrêter, quoi. On n'a pas besoin de culpabiliser les gens, vraiment pas. Et du coup, on rentre dans une mièvrerie et on perd la substantifique moelle de ce qu'on doit réellement ressentir pour ces gens. On doit ressentir de la solidarité, pas de la pitié, quoi. C'est très important de ne pas se tromper.

• Speaker #0

  De la solidarité, pas de la pitié. Je crois que c'est vraiment ça qui est le plus important à retenir. Alors je ne suis pas en train de dire qu'il faut arrêter de donner au Téléthon. Vous faites ce que vous voulez, vous êtes libre de faire, de penser et de ressentir ce que vous voulez. Mais je crois que le plus important c'est que quand vous donnez, que ça parte dans un élan de solidarité, d'envie d'aider, de joie, de partage. Et même pas de la pitié, pas de la misère. Non. Observez. D'où est-ce que ça part ? Quand vous donnez, je crois que c'est le plus important.