Transcription

• Speaker #0

  Ça fait passer maintenant 90 épisodes que je te balance des histoires sur ce qui rend solide, intouchable, autonome, inémerenlable ou pas. Il y a un regard très particulier que nous connaissons toutes en tant que femmes, un regard que l'on a posé sur une autre de nos semblables par sexisme intégré à un moment donné ou un autre, ou pour lequel nous avons été la cible. C'est la jalousie. Sauf que, en étant handi, handicapé, C'est comme si cette jalousie était décuplée ou qu'elle avait une forme particulièrement violente, semblable même à de la haine. Oui, de la haine. Non pas la jalousie d'une personne valide sur le fait de ne pas être elle aussi handicapée. Après plus de 35 ans d'existence, j'ai jamais entendu parler d'un tel principe psychologique, mais peut-être que ça existe, hein ? Envier le handicap d'autrui ? Non. La jalousie dont je te parle, c'est très particulier. C'est tellement particulier que je vais en faire deux épisodes dédiés car ce ressentiment dont je te parle se présente à plusieurs stades. Lorsque tu es dans la méconnaissance ou la fatalité, les deux premiers stades du parcours solide, t'as pas vraiment conscience qu'on te jalouse. Pour mieux t'illustrer tout ceci, Laisse-moi te parler de Mo. Mo est une série sortie en 2024, disponible en deux saisons sur Netflix. C'est l'histoire de Mohamed, dit Mo, qui est à cheval sur deux cultures, américaine et palestinienne. Mo parle trois langues, espère obtenir la citoyenneté américaine et se bat au quotidien pour nourrir sa famille palestinienne. Il a une sœur et un frère qui se nomment Samir. Ce dernier a un trouble du spectre autistique. Ce trouble du spectre autistique ne l'empêche toutefois pas d'avoir un petit job en tant que serveur dans un petit room du coin. Il y a une scène qui a réveillé en moi comme une espèce de vieille rancœur, une rancœur lointaine. Et je me suis dit tiens, ça, il faut que j'en parle dans la série 100% solide. Car il s'agit là d'un caractère, d'un personnage. Pas très sympathique, une attitude très spécifique vis-à-vis du handicap. Un amer mélange de condescendance, méchanceté avec une bonne pointe de malveillance. Pour te dépeindre rapidement la scène en question, le personnage principal, Mo, retrouve sa mère et son frère à l'enterrement du mari de sa tante. Et c'est précisément cette dernière qui va nous intéresser. Son comportement a tellement fait écho à ce que j'ai connu étant enfant. Après quelques mots réconfortants de sa sœur, cette tante veuve la regarde avec une condescendance mielleuse et lui rétorque « mais ça doit pas être facile pour toi non plus » . Et la maman de Mo ne comprend pas de quoi elle parle et lui fait signifier son incompréhension par un froncement de sourcils. Et la tante reprend, eh bien avec Samir qui vit chez toi et dont tu dois t'occuper tous les jours. Samir, qui est loin d'être sourd et loin d'être stupide, répond à sa tante qu'il est très heureux comme ça et qu'il a un travail d'ailleurs. Mais il n'est pas... entendue par la tante qu'il ignore mais alors royalement Samir n'existe pas sa parole a aucune valeur tout comme son avis d'ailleurs et elle reste fixée sur la maman et la surveille comme si elle surveillait que son poison ait bien pénétré son coeur comme si elle cherchait à déceler les Premier signe de faiblesse de sa sœur vis-à-vis de cette phrase assassine. Quand je vous disais la puissance des mots, au début de cette série 100% solide, la puissance des mots et leur pouvoir de guérir comme celui de détruire. On a là un parfait exemple de ça. La maman a bien saisi la méchanceté de la tante, mais au vu des circonstances, du deuil familial, elle décide de ne pas la confronter. de cette scène. On comprend bien que selon la tante, la perte de son mari, le deuil de l'être aimé est moins douloureux à encaisser. Et excusez-moi pour les termes que je vais utiliser, mais c'est ainsi que la pensée doit être verbalisée pour le contexte. C'est moins douloureux à vivre que de se trimballer avec un handicapé tous les jours. Imaginez sa perception sur l'échelle des fardeaux de la vie. La mort est moins douloureuse que le handicap. Quand on est handicapé, aux yeux de certaines personnes, on n'a tout simplement pas le droit d'être heureux. Vraiment, on a l'interdiction d'éprouver une quelconque forme de joie. Pourquoi ? Car le bonheur assumé devient une agression frontale au malheur et à la solitude d'autrui. Dans la scène dont je vous ai parlé, Samir est ignoré par la tante. Ben oui, elle ne va quand même pas tenir une conversation avec un handicapé. Pour ça les amis, le handicap est un sacré révélateur de conscience. Demain, je vous parlerai de Ginette. Ce personnage fictif, pas si fictif, car Ginette existe bel et bien, mais j'ai dû lui donner un autre nom tout de même. Elle m'a été longtemps insupportable, mais je crois que ça a été réciproque. Et pas pour les mêmes raisons, quoique. Si cet épisode t'a secoué, c'est probablement parce qu'il a touché un endroit sensible chez toi. Celui de l'injustice. Alors abonne-toi à Enroue Libre, l'infolette décomplexée, où on parle librement de liberté intérieure, de corps. de relations, de foi vivante et de choix pleinement assumés. Tout ce que les personnes libres et entièrement solides vivent. Alors, à demain !