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Planète en transition

Plus d'énergies renouvelables : quel rôle pour le citoyen ?

Plus d'énergies renouvelables : quel rôle pour le citoyen ?

35min |27/11/2024
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Plus d'énergies renouvelables : quel rôle pour le citoyen ?

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Description

La plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre en favorisant la part de l’éolien (le vent), du photovoltaïque (le soleil), et de l’hydroélectricité (l’eau) dans le mix de production d’électricité.  Mais ces ressources renouvelables ont des limites lorsqu’il s’agit d’opérer l’équilibre instantané entre l’offre et la demande d’électricité : on ne peut pas faire appel au soleil lorsqu’il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l’eau lorsque les réservoirs sont taris ; de plus le volume, l’intensité, ou la force de ces trois éléments varie au cours du temps.  Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ?


C’est ce que nous interrogerons dans cet épisode du podcast « Planète en transition », afin d’évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique.


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Clément Cabot, doctorant au CERNA à Mines Paris – PSL.


Pour approfondir :


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Nadia Maïzi

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5. Il est souvent question du mix électrique, c'est-à-dire de la répartition des différentes sources d'énergie utilisées pour produire notre électricité. En effet, c'est l'empilement des ressources auxquelles on doit faire appel chaque heure qui déterminent les émissions de gaz à effet de serre d'une région ou d'un pays. C'est pourquoi la plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions en favorisant la part de l'éolien, le vent, du photovoltaïque, le soleil, et de l'hydroélectricité, l'eau, dans ce mix. Mais ces ressources renouvelables ont des limites. lorsqu'il s'agit d'opérer l'équilibre instantané entre l'offre et la demande d'électricité. On ne peut faire appel au soleil lorsqu'il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l'eau lorsque les réservoirs sont paris. De plus, le volume, l'intensité ou la force de ces trois éléments varient au cours du temps. Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ? C'est ce que nous interrogerons dans ce podcast Planète en transition, afin d'évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique, aujourd'hui avec

  • Clément Cabot

    Clément Cabot, docteur en économie de l'énergie. Je suis aussi le premier doctorant labellisé par TTI.5 et j'ai préparé ma thèse au sein du CERNA aux mines de Paris.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Clément. Aujourd'hui, nous allons donc partager tes travaux autour des questions d'électricité, de marché, mais plus précisément, peux-tu nous dire la problématique ? que tu souhaites partager avec nous.

  • Clément Cabot

    Oui, bonjour Nadia. Donc la problématique que je souhaite partager avec vous, c'est la question de ce qu'on appelle la réponse à la demande dans les mix avec une forte part d'énergie renouvelable.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous décrypter déjà ce que signifie mix électrique ou mix énergétique ? Et puis ensuite, tu nous parleras de ces fameuses énergies renouvelables.

  • Clément Cabot

    Très bien. Donc effectivement, il y a plusieurs éléments. Le premier point, c'est sur le mix électrique. Ça veut dire que pour produire de l'électricité, actuellement, on utilise différentes sources d'énergie, différentes technologies. Et parmi ces technologies, il y a ce qu'on appelle les énergies renouvelables. Une définition simple, ça consiste à dire que les énergies renouvelables sont celles qui proviennent de sources naturelles qui ne s'épuisent pas, à la fois pour produire de l'électricité, mais aussi, pourquoi pas, pour produire de la chaleur ou même des carburants. On distingue différents types d'énergies renouvelables. Par rapport à l'électricité, celle à laquelle on pense le plus souvent, ça va être typiquement l'énergie du soleil, qui est encore là pour plusieurs milliards d'années, avec les panneaux solaires photovoltaïques qu'on voit se déployer sur les toits ou sur des grands espaces. On a aussi l'énergie du vent, à la fois l'énergie en terre avec l'éolien terrestre, mais aussi l'énergie en mer avec les éoliennes maritimes. Et les barrages hydroélectriques, donc ça c'est l'énergie de l'eau. Et là, il y a encore différents types de technologies.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler ? Grosso modo, de quoi est composé le mix électrique en France ?

  • Clément Cabot

    Le mix électrique en France, pour faire simple, c'est à peu près 75% d'énergie nucléaire, qui n'est pas considérée comme une énergie renouvelable, 10% d'hydroélectricité et une petite partie de gaz, sachant qu'on développe aussi actuellement les énergies solaires photovoltaïques, l'éolien terrestre et l'éolien en mer. Mais ça, c'est une part qui reste encore minoritaire dans nos mix.

  • Nadia Maïzi

    Dans ce mix, ce que tu nous expliques, c'est qu'on voudrait introduire encore plus d'énergie de type renouvelable. Pour quelles raisons ?

  • Clément Cabot

    Alors déjà, il faut voir que moi, ma thèse s'inscrit plutôt dans une problématique européenne. Et à ce titre-là, la France est plutôt une exception, étant donné la part de l'énergie nucléaire dans notre mix électrique. Par contre, ce qui est vrai dans la plupart des pays, c'est qu'il y a soit une tendance à se passer de nucléaire pour des raisons diverses et variées, pas de maîtrise technologique à l'heure actuelle, donc on va être obligés de reposer sur deux types d'énergie. On s'est tous engagés à atteindre la neutralité carbone à des échelles de temps différentes, mais en 2050, en Europe en tout cas. Et pour atteindre la neutralité carbone, on va essayer de se débarrasser des énergies fossiles, c'est le pétrole, le gaz et le charbon, tout simplement parce qu'ils émettent des gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Il y a des intérêts par rapport au gaz à effet de serre provenant de ce type d'énergie, mais il y a aussi des inconvénients qui sont dus au fait qu'elle fonctionne avec, comme tu l'as dit, une source naturelle qui n'est pas contrôlée par l'homme. Tu peux définir exactement quelles sont ces différentes difficultés auxquelles nous devons faire face avec les énergies renouvelables ?

  • Clément Cabot

    Je vais peut-être commencer avec une spécificité de l'électricité, c'est qu'on a besoin de la produire en temps réel. C'est-à-dire qu'à chaque seconde, à chaque minute, on est obligé de produire autant d'électricité que ce qu'on consomme parce qu'on sait assez difficilement la stocker. Je vais revenir peut-être sur ce point plus tard, mais le principe général, c'est que ce qu'on appelle l'équilibre offre-demande doit être garanti à chaque instant. Et ça, c'est plutôt un problème pour les énergies renouvelables parce qu'elles dépendent de l'énergie du soleil ou du vent. Je pense que chacun conviendra que... Le soleil ne brille pas tout le temps ou que le vent ne souffle pas à chaque instant de la journée. A ce titre-là, c'est problématique parce qu'on ne sait pas bien comment répondre à la demande avec ce genre d'énergie qui sont dites intermittentes ou variables. Je peux peut-être faire un petit point de précision sur ce qu'est l'intermittence par rapport à la variabilité. Alors l'intermittence, il faut plutôt imaginer quelque chose qui fasse un peu on-off. Donc par exemple, une éolienne, on voit en se promenant dans la nature, parfois des éoliennes qui sont à l'arrêt. C'est ça l'idée de l'intermittence. Parfois elles vont tourner et produire de l'électricité, parfois elles ne vont pas pouvoir tourner parce qu'il n'y a pas suffisamment de vent ou qu'il y en a trop. Donc là c'est vraiment l'intermittence, on peut le voir aussi avec les panneaux solaires, avec l'alternance jour-nuit. Typiquement on va produire la journée et pas produire la nuit, c'est aussi une forme d'intermittence. Maintenant ce qui est intéressant c'est de raisonner à une échelle un peu plus grande, c'est-à-dire soit à l'échelle d'un parc éolien, voire d'un pays, voire d'une région comme l'Europe. Et là on va plutôt parler de variabilité. Parce qu'un parc éolien en mer, par exemple, il ne va pas forcément tourner tout le temps à 100%, mais si on raisonne à l'échelle de l'Europe, il y a tout le temps, quelque part, un peu de vent. Et c'est vraiment ça l'idée de la variabilité, c'est qu'on va toujours avoir à gérer une période entre 20 et 80% de production, par exemple. Et ça, ça nécessite différentes solutions, encore une fois, pour garantir l'équilibre offre-demande.

  • Nadia Maïzi

    Donc ces solutions, justement, quelles sont-elles ?

  • Clément Cabot

    Alors, ces solutions, il y en a différentes. Je pense que la première et la plus importante, parce qu'on l'utilise déjà, c'est l'hydroélectricité. Tout simplement parce que c'est déjà une forme de stockage d'électricité, l'eau. C'est-à-dire qu'on est capable de turbiner pour pomper de l'eau en hauteur dans des barrages, ce qu'on appelle le stockage gravitationnel. Et on peut relâcher l'eau, ça va passer dans une turbine et on va pouvoir produire de l'électricité quand on en a besoin. Ça, c'est la première solution. La deuxième solution, qui peut-être est spontanée pour stocker de l'électricité, c'est des batteries. Donc là, on pense à nos ordinateurs, à nos téléphones, où il y a déjà des batteries lithium-ion. Le problème avec ça, c'est que ça coûte encore extrêmement cher. Il faut bien voir que pour stocker 6 heures d'électricité en France, c'est des capacités énormes. Ce serait vraiment une autre échelle par rapport à ce qu'on a déjà. Et ça coûte donc relativement cher, en fait. L'autre désavantage, c'est qu'on ne peut pas vraiment faire de stockage très longue durée avec ce genre de technologie. Il y a d'autres pistes qui existent, mais pour faire simple, actuellement... Une des solutions qui est envisagée, c'est d'utiliser des centrales thermiques. Donc là, ça va être des centrales au gaz, des centrales peut-être dans le futur à l'hydrogène. En tout cas, c'est la voie dans laquelle s'est engagée l'Allemagne en particulier.

  • Nadia Maïzi

    Là, ce ne sont pas des questions de stockage, c'est plutôt des centrales qui vont permettre de faire l'appoint quand les sources renouvelables ne peuvent pas être activées.

  • Clément Cabot

    Tout à fait, c'est une logique différente. C'est plutôt dire qu'on ait suffisamment de capacités de secours, en backup en anglais, qui puisse répondre à la demande si on n'a pas été capable de stocker l'électricité ou que celle-ci est trop forte par rapport à la production des énergies renouvelables.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, tu n'as parlé que du côté de l'offre technologique. Et on peut imaginer, puisque tout à l'heure, tu expliquais que... équilibrer finalement la fourniture d'électricité, c'était faire en sorte que quand quelqu'un demande, il y ait une offre qui soit disponible. Donc on pourrait imaginer que celui qui demande est aussi sollicité pour pouvoir pallier cette problématique de variabilité et d'intermittence ?

  • Clément Cabot

    Absolument. C'est un peu prendre le problème à l'envers. On va agir sur la demande plutôt qu'agir sur l'offre. Et c'est vraiment ce que j'ai voulu comprendre et analyser dans le cadre de mes travaux de recherche. Peut-être juste pour... Pour contextualiser un petit peu, les mécanismes du côté de l'offre à horizon 2050 dans la plupart des scénarios, ça va réussir à couvrir entre 30 et 50% de nos besoins de flexibilité, donc de gestion de la variabilité dans la plupart des mix, donc à l'échelle horaire ou hebdomadaire. On a besoin des autres 50% manquants. Et là, pour le coup, il y a une part importante qui a vocation à se développer sur la réponse à la demande, qui touche à la fois, par exemple, les véhicules électriques, mais aussi par d'autres mécanismes. Et donc, moi, dans ma thèse, j'ai cherché à comprendre ces mécanismes. Est-ce qu'ils étaient déjà en place ? Et s'ils étaient en place, est-ce qu'ils étaient efficients ?

  • Nadia Maïzi

    Peut-être que tu pourrais nous expliquer, en France, ce que sont les mécanismes d'ajustement de la demande.

  • Clément Cabot

    Alors les mécanismes de réponse à la demande, le premier élément c'est que c'est pas quelque chose de fondamentalement nouveau. Ça fait longtemps que les économistes de l'énergie ont cherché à essayer d'activer des leviers de flexibilité parce que ça revient très cher en fait d'investir dans une nouvelle centrale qui va être allumée juste quelques heures dans l'année. Donc historiquement il y a eu des programmes qui ont été mis en place, à la fois des programmes industriels avec tout ce qu'on appelle les mécanismes d'effacement, donc ça va être des centrales qui vont accepter d'être rémunérées pour baisser leur consommation électrique. mais aussi des programmes qui vont plutôt viser le segment résidentiel, donc les petits consommateurs, on va dire, soit en pilotant leur ballon d'eau chaude. Et c'est par exemple le cas avec les heures pleines et les heures creuses. Ça, je pense que c'est quelque chose qu'on connaît assez bien. Fondamentalement, on a la possibilité en France d'avoir un prix de l'électricité différencié entre les heures de la journée, pour faire simple, et les heures de la nuit.

  • Nadia Maïzi

    Alors en général, c'est quelque chose que les consommateurs ne réalisent pas spécialement. C'est-à-dire que c'est totalement automatisé, l'idée que leur ballon d'eau chaude va se remplir la nuit et que ça sera au moment où l'électricité est peu chère.

  • Clément Cabot

    C'est vrai pour les ballons d'eau chaude, effectivement il y a des contacteurs, c'est quelque chose qui est automatisé. Donc c'est très bien pour le consommateur et c'est très bien pour le réseau électrique. Il y a d'autres usages pour les personnes qui sont en tout cas sur un tarif heure pleine, heure creuse, qui peuvent essayer de décaler d'eux-mêmes. Là ça va être plutôt ce qui est... Machines à laver, lave-linge, sèche-linge, etc. Où il y a des possibilités de mettre des programmes qui vont retarder le déclenchement par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Là l'alerte est donnée au consommateur directement pour qu'il puisse savoir à quel moment décaler ses usages ?

  • Clément Cabot

    Les horaires sont fixes en fait. Au moment de contractualiser, on va dire que les heures creuses sont de 23h à 6h du matin. Ça, ça dépend de chaque localité, c'est décidé par Enedis. Et d'ailleurs il y a des endroits où les heures creuses sont aussi en après-midi. Parce que... globalement au consommement d'électricité l'après-midi par rapport à la pointe du matin ou la pointe du soir où tout le monde rentre à la maison, pour faire simple.

  • Nadia Maïzi

    Enedis qui est chargé de ?

  • Clément Cabot

    Enedis, c'est l'opérateur qui est en charge du réseau de distribution de l'électricité. Donc, c'est les lignes électriques à basse tension. Il y a un autre acteur qui s'appelle RTE, pour réseau de transport d'électricité, qui lui est en charge de la très haute tension.

  • Nadia Maïzi

    Donc, si on revient à ces tarifs préférentiels, Il y en a un autre aussi qui était assez fameux, c'est le tarif Tempo.

  • Clément Cabot

    Oui, le tarif Tempo qui date d'il y a plus de 30 ans, qui est un tarif qui s'inspire un peu de l'heure pleine heure creuse, mais qui est encore plus avancé dans le sens où il fournit plus d'informations. On va avoir trois types de jours, les jours bleus, les jours blancs et les jours rouges. Et en fonction de chaque couleur de jour, on va avoir un certain prix de l'électricité. La majorité des jours dans l'année, c'est 300 jours bleus avec l'électricité très peu chère. vraiment 40 à 50 moins cher qu'un tarif de base par exemple. Et surtout les jours rouges, donc ça concerne uniquement 22 jours dans l'année où les prix sont trois fois plus chers qu'en temps normal. Donc là l'idée c'est vraiment d'envoyer des signaux aux consommateurs pour que quand il y a des grosses tensions ou que les prix de l'électricité sont extrêmement chers, ils réduisent un peu leurs usages. Donc c'est typiquement les jours où il fait très froid parce qu'on allume tous nos radiateurs en France et qu'on a beaucoup de radiateurs électriques. Et donc l'idée c'est peut-être de diminuer un peu la température de consigne. par rapport à ce que l'on aurait fait si on n'avait pas reçu cette incitation, ce signal c'est un jour rouge C'est essentiellement ça. Et juste pour donner quelques perspectives sur les personnes qui sont engagées dans la démarche Tempo, ou dans le tarif Tempo, on a presque 40% d'effacement qui sont atteignables parfois. Donc c'est vraiment pas négligeable en termes de gisement.

  • Nadia Maïzi

    40% d'effacement ?

  • Clément Cabot

    40% d'effacement, ça veut dire qu'on va réduire notre consommation électrique de 40% par rapport à un jour normal. Donc par rapport à un jour qui n'est pas rouge, en prenant en compte aussi le fait qu'il fait froid, enfin bon, des détails comme ça.

  • Nadia Maïzi

    Et le nombre de consommateurs qui disposent de ces tarifs préférentiels, est-ce qu'il est important ?

  • Clément Cabot

    Alors on aurait tendance à penser peut-être que non, mais en pratique en France on est plutôt avancé, parce qu'il n'y a quasiment que 20% de la demande sur les réseaux de distribution qui est sur un tarif complètement plat. Donc sans incitation en pleine heure creuse et sans incitation tempo. On a 30% des personnes qui sont en heure pleine heure creuse, et les derniers 30% ça va être soit des industries, soit le tarif tempo, qui sont plutôt des tarifs encore une fois saisonniers ou plus avancés en tout cas. Donc ça concerne quand même beaucoup de consommateurs finalement.

  • Nadia Maïzi

    Toi, tu parles de tarifs finalement assez classiquement établis. Est-ce qu'il y a d'autres façons d'inciter le consommateur à changer son mode de consommation ?

  • Clément Cabot

    Là, on vient de discuter des tarifs, donc c'est vraiment des incitations financières. C'est-à-dire qu'on va rémunérer les gens, en tout cas ils vont payer une électricité moins chère, pour décaler leurs usages. Maintenant, ce n'est pas la seule façon de gérer la variabilité ou de faire de la réponse à la demande. On a aussi des mécanismes où... le consommateur a juste à contractualiser avec un opérateur d'effacement ou un agrégateur, c'est le nom de ces acteurs-là, qui vont eux-mêmes gérer une partie des appareils électroménagers. Alors je vous rassure tout de suite, souvent c'est très minoritaire, on parle juste des radiateurs électriques où il va y avoir un petit compteur, par exemple, qui va pouvoir allumer ou éteindre le radiateur tout en conservant une bonne température de consigne. Et donc l'opérateur, l'agrégateur, va justement essayer de monétiser cette flexibilité. sur les marchés de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ça nécessite d'être équipé en ce qu'on appelle les fameux compteurs intelligents.

  • Clément Cabot

    Alors l'ensemble de, à la fois les tarifs dynamiques que ce genre de mécanisme, ça nécessite plutôt d'avoir des compteurs intelligents. Après, j'ai envie de dire, c'est pas forcément le cas. Tempo ou heure pleine, heure creuse, ça fait longtemps qu'on avait ça, mais ça nécessitait en tout cas une action de la part d'Enedis, par exemple, sur le compteur, ou un compteur différent.

  • Nadia Maïzi

    Je voudrais te demander si ces agrégateurs font bénéficier les consommateurs de prix négatifs qui parfois apparaissent sur le marché de l'électricité. Est-ce que déjà tu peux nous expliquer pourquoi il y a des prix négatifs et ensuite si oui ou non on en bénéficie ?

  • Clément Cabot

    Très bien, donc ça va être un point un peu technique sur les prix négatifs mais c'est vrai qu'au mois de mai 2024 par exemple, on a vu beaucoup de prix de l'électricité négatifs sur les marchés. Donc ça, ça veut dire que des acteurs étaient prêts à rémunérer des gens, consommer plus d'électricité. En pratique, c'est parce que ça va être des centrales thermiques, par exemple, qui sont obligées de tourner un certain nombre d'heures en continu, qui ne peuvent pas s'éteindre et qui veulent être en ligne. Donc on va générer de l'électricité, mais trop d'électricité par rapport à la demande. C'est dans ces situations qu'on peut avoir des prix négatifs. Le problème, c'est que nous, en tant que consommateurs, actuellement, on n'est pas capables d'en profiter. Parce qu'on a un prix fixe de l'électricité en euros par kWh. éventuellement des heures pleines, heures creuses, mais on est très loin d'avoir un tarif en temps réel. Donc là, ça voudrait dire qu'on aurait vraiment les prix tels que constatés sur les marchés. Il y a des pays qui le font d'ailleurs, on pourrait y revenir plus tard. Et donc, pour les consommateurs, ils n'en bénéficient pas et même dans les cas où un acteur, un agrégateur allait gérer, disons, leur radiateur électrique, en pratique, ils n'en bénéficient pas non plus. La principale promesse, c'est qu'ils vont baisser leur facture d'électricité parce qu'ils vont baisser leur consommation. Le radiateur va un peu moins consommer ou alors va consommer en heures creuses. Ça permet quand même des économies de 5 à 10 par exemple, mais actuellement on ne peut pas être rémunéré pour charger notre voiture électrique ou pour consommer de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ce sont les incitations dont tu nous disais qu'elles sont rémunérées pour le consommateur et il y a d'autres formes d'incitations qui sont mises en place ?

  • Clément Cabot

    C'est vrai qu'il y a des personnes qui aimeraient juste... participer, alors soit à l'équilibre offre-demande, mais de façon plus générale, de faire en sorte qu'ils consomment de l'électricité quand on ne repose pas sur des centrales qui émettent du gaz à effet de serre. Donc typiquement, s'il y a besoin d'allumer des centrales gaz ou charbon, se dire je vais peut-être consommer un peu moins d'électricité parce que ce n'est pas le bon moment Et pour faire ça, il y a RTE, on en a parlé juste avant, qui a mis en place des applications qui permettent d'avoir ce genre d'informations. Donc là, c'est vraiment plutôt des incitations informationnelles. On a deux applications, EcoWatt et Eco2Mix. La première permet de savoir quand il y a des tensions sur le réseau. La deuxième, de connaître en temps réel le mix de production électrique français. Et donc là, on pourrait tout à fait se dire, il y a beaucoup d'énergie renouvelable en ce moment, je vais aller lancer mon sèche-linge par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Alors, est-ce que tu as pu évaluer l'efficacité de ces différentes incitations ? Toi, dans ton travail, qu'est-ce que tu en as tiré comme enseignement sur la modulation finalement de la consommation par rapport à cet enjeu d'énergie renouvelable ?

  • Clément Cabot

    Donc, je vais peut-être raisonner à deux échelles. La première échelle à ces micros, c'est que quand on regarde les projets pilotes qui justement étudient la réponse aux consommateurs aux incitations notamment tarifaires comme les heures pleines, heures creuses ou tempo, on se rend compte qu'il y a plutôt une bonne réponse. On arrive souvent à avoir 10% d'effacement de la part des consommateurs sur les tarifs même heures pleines, heures creuses. Et sur des tarifs plus comme tempo, on peut aller jusqu'à 40% d'effacement comme je le disais précédemment. Après, mon objectif de recherche, c'était de comprendre si les tarifs actuels arrivent encore à envoyer des signaux pertinents dans le futur, dans un mix où il y a beaucoup de variabilité. Parce qu'actuellement, c'est assez simple de se dire qu'on a beaucoup de centrales nucléaires, on essaye de lisser la consommation pour qu'elle soit le plus stable possible entre le jour et la nuit. Mais dans des mix où il y a beaucoup d'énergie renouvelable, en réalité, ça dépend des conditions du vent et du soleil, les moments de tension dans le réseau. Donc c'était vraiment... L'objectif, à la fois de comprendre si les tarifs existants sont efficaces, mais aussi s'ils sont efficaces dans le futur. Et ma principale conclusion, c'est que les tarifs à pleine heure creuse avec une alternance jour-nuit ne sont pas forcément pertinents dès qu'on a une part importante d'énergie, notamment solaire photovoltaïque. Et ça, c'est vrai également en France, parce que la France est interconnectée avec l'Allemagne, l'Espagne, qui ont beaucoup de capacités solaires photovoltaïques. Donc on va quand même avoir ce creux sur les prix, sur les heures autour de midi. Une petite anecdote par rapport à l'actualité qu'on met 2024, il y a justement Enedis et La Creux qui ont annoncé qu'ils allaient revoir leurs tarifs justement pour prendre en compte ces phénomènes. Donc La Creux, c'est la commission de régulation de l'énergie, c'est le régulateur en charge de s'assurer que tout se passe bien sur les marchés de l'électricité. C'est par exemple eux qui vont faire des appels d'offres pour construire des nouveaux parcs éoliens en mer, mais c'est aussi eux qui régulent les tarifs, donc qui élaborent les formules que EDF propose en tarifs régulés par exemple. ou peuvent inciter à faire des changements dans la façon dont on fait ces tarifs. C'est pour ça que c'est un acteur important quand on parle tarification. Par rapport à l'actualité, en mai 2024, il y a eu plusieurs articles à la fois dans la presse, mais aussi des communications par Enedis et La Creux, qui ont justement dit qu'une refonte allait être organisée pour prendre en compte le fait que les solaires photovoltaïques allaient potentiellement décaler les heures creuses au milieu de la journée. J'en suis très content personnellement, c'est vraiment quelque chose qui a été un enseignement fort. de mes travaux de recherche et c'est tout à fait aligné avec ce que vont faire les acteurs. Et en tout cas, ce que je montrais, c'est que cette problématique se pose en fait assez rapidement, dès 2025 et en tout cas pour sûr en 2030.

  • Nadia Maïzi

    Donc on a ce problème à midi, est-ce que tu peux détailler de quoi il retourne en fait ?

  • Clément Cabot

    On a un problème à midi, on n'a pas vraiment un problème déjà, on a plutôt une opportunité à saisir parce que l'électricité va être très peu chère sur les heures autour de midi, tout simplement parce qu'on va avoir le maximum de production de solaire photovoltaïque. et que le solaire photovoltaïque, dans le futur, ça va être une technologie très importante pour nos mix électriques, peut-être presque un tiers de notre production. Et donc vu que les panneaux solaires ne nécessitent pas d'acheter du pétrole ou du gaz pour fonctionner, ils sont gratuits à partir du moment où ils sont installés, le prix de l'électricité autour de midi, ça va être autour de 0€ du MWh. Donc ça serait très pertinent d'essayer de décaler un maximum d'usages autour de midi, à la fois pour payer moins cher l'électricité, mais aussi... pour émettre moins de gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Puisqu'on a parlé des consommateurs, j'imagine qu'il y a un aspect culturel. Et dans la question du réseau électrique européen, on est donc interconnectés entre différents pays. Tu as été amené à faire des comparaisons avec les différents pays européens de ce qui se passe en France. Et qu'est-ce que tu as pu en tirer comme informations ?

  • Clément Cabot

    J'essayais justement aussi de comprendre comment on faisait dans les autres pays, donc en Allemagne, aux États-Unis, en Espagne, en Italie, pour voir si ça pouvait nous donner des pistes aussi en France pour voir ce qu'on pouvait faire. Je pense que la première différence à souligner, c'est le fait que chaque pays a des besoins en électricité très différents. En Espagne, par exemple, ou en Italie, il va y avoir une tension assez importante par rapport à tout ce qui est climatisation, par exemple, qui va représenter beaucoup d'électricité. Là où en France, on va plutôt être intéressé par les radiateurs électriques pour chauffer l'hiver. On peut avoir des moments de pointe assez différents, finalement. Et pour gérer justement ces pointes, chaque pays a eu un peu sa propre boîte à outils. Et les tarifs ont fait partie de cette boîte à outils, mais pas dans tous les pays. Par exemple, l'Allemagne... qui n'a historiquement pas développé les compteurs intelligents. Il n'y a pas de Linky en Allemagne actuellement. C'est envisagé dans le futur, notamment pour les gros consommateurs, mais ce n'est pas encore déployé. Et donc, ils n'ont jamais pu déployer ces programmes de tarification dynamique, ou ces tarifs à pleine heure creuse, par exemple. Donc ça, c'est un choix politique, ça dépend aussi de la culture, ça dépend aussi des ressources locales. L'Allemagne a eu stéréotiquement beaucoup de centrales thermiques flexibles, comme le charbon. La Linit ou maintenant les centrales à gaz, donc peut-être qu'ils se disaient qu'ils pouvaient s'en passer finalement de cette réponse à la demande. Par contre, des pays comme l'Espagne ou l'Italie, eux, ils ont été assez optimistes sur la réponse à la demande, assez volontaires en tout cas. Parce qu'on a l'Espagne qui a imposé aux consommateurs résidentiels justement d'être tarifés en temps réel, c'est-à-dire que l'électricité va être vraiment au prix de marché pour tous les petits consommateurs. Et donc à ce moment-là, ça serait intéressant de décaler les usages. Après, on a évidemment un problème de communication, parce qu'on a presque 50% des personnes en Espagne qui ne savent pas qu'ils sont sur une tarification en temps réel. Et à partir du moment où on n'a pas l'information, on ne peut pas espérer des changements de comportement ou de prise en compte de cette information-là. C'est d'ailleurs un des autres messages de ma thèse. C'est extrêmement important de communiquer à partir du moment où on s'engage dans une démarche de réponse à la demande. Parce que ça dépend in fine du comportement des consommateurs. On a le même cas un peu en Italie. Ils étaient aussi assez optimistes, assez volontaires. Et ils ont typiquement déployé les tarifs heure pleine, heure creuse pour, encore une fois, le segment résidentiel. C'est presque 25 millions de personnes. Donc c'est quand même vraiment significatif. Et encore une fois... les effets sont un peu mitigés parce qu'on n'a pas forcément des réponses à la hauteur de ce qu'on espérait. Je vais peut-être faire un tout petit point rapide sur pourquoi. Pourquoi on n'a pas l'effet espéré ? Il peut y avoir deux éléments.

  • Nadia Maïzi

    Tu parles de l'Italie spécifiquement ou tu parles...

  • Clément Cabot

    Je parle en fonction... plutôt généralement.

  • Nadia Maïzi

    En général.

  • Clément Cabot

    En général.

  • Nadia Maïzi

    La raison pour laquelle ces tarifs ne...

  • Clément Cabot

    Ne marchent pas.

  • Nadia Maïzi

    Ne marchent pas si bien que ce qu'on espérait.

  • Clément Cabot

    Exactement. Il y a différentes raisons. Je pense que, encore une fois, je l'ai dit, la communication est centrale. Et en fait, pour avoir une bonne réponse à la demande, c'est mieux si on prévient vraiment les consommateurs qu'il va y avoir un jour particulier, par exemple, ou des heures particulières. Donc ça, avec Tempo, typiquement, on reçoit à la fois des e-mails, des SMS, pour nous informer que dans un ou deux jours, il va y avoir un jour rouge, et qu'il faut donc s'organiser un petit peu en fonction. Donc ça, c'est le premier point. Plus on a d'informations, plus on réagit. Le deuxième point, évidemment, c'est que tout le monde n'est pas à même de réagir. Il y a des personnes qui n'ont pas de flexibilité, qui ont besoin de cuisiner à 19h parce qu'elles ont des enfants par exemple. Évidemment, là on ne va pas s'attendre à avoir un gros gisement de flexibilité. Et justement, quand on déploie à grande échelle des tarifs heure pleine heure creuse, c'est plutôt important pour avoir une bonne acceptation de la part de la population de protéger les petits consommateurs qui risquent d'être négativement affectés. C'est le deuxième point. Le troisième point, c'est que l'intensité de la réponse va dépendre aussi de l'intensité du signal. Je m'explique, si on a une électricité qui devient 10% plus chère, c'est beaucoup, mais ce n'est pas non plus énormément pour réagir très fortement. Ce n'est pas le cas, par exemple, pour le tarif tempo, où l'électricité va être trois fois plus chère. Donc là, on veut vraiment répondre, parce que sinon, on va y avoir un impact assez fort sur notre facture d'électricité. Et je pense que ce niveau, justement, entre intensité, ce qu'on appelle de gap entre heure pleine, heure creuse, et... L'acceptation par la population, c'est quelque chose qui doit se jouer assez finement, mais je pense que c'est important dans le futur de se poser la question du bon niveau des incitations à envoyer pour avoir le plus de personnes concernées éventuellement, mais que la réponse soit aussi suffisamment forte par rapport à nos objectifs.

  • Nadia Maïzi

    Et finalement, les différences que tu as pu relever entre les pays que tu as étudiés ne viennent pas vraiment d'une position par rapport aux enjeux de climat ? mais relève plus directement de l'efficacité des tarifs mis en place et la réception, la communication autour de ces tarifs par rapport au consommateur final. C'est ça que j'entends.

  • Clément Cabot

    Historiquement, c'est vrai que c'était vraiment une problématique réseau, équilibre offre-demande, donc vraiment plutôt d'efficacité économique si on veut même. Par contre, dans le futur, il va vraiment y avoir un peu un alignement des planètes, c'est-à-dire que ça va être à la fois important pour le réseau, parce qu'on a plus en plus d'énergie renouvelable et donc variable. Mais c'est en plus, d'autant plus important, qu'on va essayer de se passer au maximum des centrales thermiques polluantes. Et donc, à ce titre-là, décaler les usages au moment où l'électricité est peu chère, c'est aussi décaler les usages au moment où l'électricité est décarbonée. Donc, c'est vraiment sur les deux tableaux que ça présente un intérêt.

  • Nadia Maïzi

    Donc, sur les recommandations, sur le court terme, tu fais remarquer qu'il y a un alignement avec des décisions qui viennent d'être prises. Tu as mentionné la Creux et Enedis. Au-delà, est-ce que tu as d'autres recommandations qui sont issues de tes réflexions et de ton analyse ? Donc j'en ai un peu discuté. Déjà je pense qu'on est tous un peu perdus par rapport aux tarifs de l'électricité. A savoir qu'il y a beaucoup d'acteurs sur le marché, sur la fourniture d'électricité. Donc là on peut penser à EDF, Engie, Total Energy et des plus petits acteurs comme Octopus Energy qui sont aussi assez innovants. Et le problème c'est que le consommateur est assez perdu en fait par rapport au nombre d'offres qu'on peut avoir. Chacune a un nom un peu différent, des spécificités différentes. Je pense que ça serait intéressant d'engager une réflexion pour simplifier tout ça, à savoir proposer un tarif fixe, un tarif à pleine heure creuse, et des tarifs évolués comme Tempo, mais que ça soit des gammes peut-être un tout petit peu plus structurées qu'actuellement, ou en tout cas que le consommateur soit à même de faire un choix éclairé sur la façon dont il souhaite avoir de l'électricité. Ça c'est important, d'autant plus qu'on va avoir de plus en plus de véhicules électriques qu'on va potentiellement charger à la maison, et donc le prix de l'électricité pour charger son véhicule. C'est aussi quelque chose qui est une opportunité pour pousser des tarifs plus dynamiques. Parce qu'en fait, on a déjà l'habitude avec notre voiture que le prix évolue en fonction des stations essence notamment. Donc on aurait à peu près la même logique avec un prix qui évolue en fonction de l'heure de la journée pour l'électricité. Donc première recommandation, c'est évidemment la simplification. La deuxième recommandation, je l'ai dit, c'est d'aligner les tarifs plutôt dans le court terme, en tout cas de préparer les consommateurs à changer un peu leur consommation, l'heure de leur consommation. pour s'aligner avec les heures de production solaire notamment, et communiquer aussi plus largement sur Tempo, qui présente à la fois des gains pour les consommateurs, l'électricité est relativement moins chère, pour peu qu'ils participent un peu à l'équilibre sur les 22 jours rouges. Les dernières recommandations, c'est plutôt des points techniques, parce qu'actuellement, nos marchés de l'électricité n'ont pas les produits nécessaires pour pouvoir mettre en place ce type d'offres pour tous les fournisseurs d'électricité. Et il y a... Aussi, un point d'attention, et ça je m'adresse un peu plus largement à tous les acteurs concernés, j'aimerais juste souligner le fait qu'il n'y a jamais une seule dimension dans le secteur de l'électricité. On a évoqué la dimension de l'équilibre offre-demande, mais il y a une deuxième dimension qui est justement liée au réseau électrique. On va beaucoup s'électrifier, ça veut dire qu'il va falloir renforcer nos lignes sur le réseau de distribution, vraiment les lignes électriques, parce qu'actuellement on n'est pas forcément capable de répondre à la demande si tout le monde se charge en même moment. au même endroit. Et donc on aimerait aussi éventuellement essayer d'abaisser ce besoin de renforcer nos réseaux électriques. Et pour ça, on essaye de mettre en place des tarifs dynamiques justement aussi sur cette dimension réseau et qui serait différente que la dimension équilibre offre-demande. Et donc la bonne balance entre ces deux signaux à envoyer aux consommateurs, le moment où on peut consommer parce que nos réseaux ne sont pas en tension et le moment où consommer parce qu'on a beaucoup d'énergie renouvelable, ça ne va pas forcément. être le même signal et il faut essayer de trouver la bonne recette de cuisine pour être sûr qu'on adresse les deux problèmes en même temps, idéalement avec la même solution.

  • Clément Cabot

    Il va falloir trouver un compromis entre deux logiques qui sont complètement différentes et qui fera que finalement, il faudra consommer plus ou moins tout au long de la journée, se répartir les charges entre les différents usages.

  • Nadia Maïzi

    entre les différents usages.

  • Clément Cabot

    On pourrait imaginer qu'il n'y ait pas que les consommateurs particuliers qui participent à ce foisonnement de la consommation et que les consommateurs industriels permettent de limiter la tension sur les tuyaux et le réseau lui-même.

  • Nadia Maïzi

    C'est très bien résumé. Merci Clément pour cet éclairage sur les enjeux de la participation des consommateurs à finalement réguler l'équilibre offre-demande afin de permettre une plus grande pénétration des énergies renouvelables. Ça me renvoie à des demandes qui arrivent assez régulièrement qui sont, eh bien moi, au niveau individuel, qu'est-ce que je pourrais faire pour... être aligné par rapport à cette question de climat. Donc je trouve que tes conclusions sur les enjeux de communication et le fait qu'on fasse comprendre aux gens qu'appuyer sur un interrupteur peut avoir des conséquences très importantes sont absolument fondamentales et je pense que c'est un message qui mérite vraiment d'être entendu. Merci beaucoup Nadia, c'était un vrai plaisir. Je suis vraiment heureux d'avoir pu échanger sur ces sujets et si j'avais un message, c'était effectivement améliorer la communication pour qu'on embarque le plus de gens possible dans cette transition énergétique. C'était Planète en transition. Un podcast de l'Institut TTI.5

Description

La plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre en favorisant la part de l’éolien (le vent), du photovoltaïque (le soleil), et de l’hydroélectricité (l’eau) dans le mix de production d’électricité.  Mais ces ressources renouvelables ont des limites lorsqu’il s’agit d’opérer l’équilibre instantané entre l’offre et la demande d’électricité : on ne peut pas faire appel au soleil lorsqu’il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l’eau lorsque les réservoirs sont taris ; de plus le volume, l’intensité, ou la force de ces trois éléments varie au cours du temps.  Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ?


C’est ce que nous interrogerons dans cet épisode du podcast « Planète en transition », afin d’évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique.


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Clément Cabot, doctorant au CERNA à Mines Paris – PSL.


Pour approfondir :


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Nadia Maïzi

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5. Il est souvent question du mix électrique, c'est-à-dire de la répartition des différentes sources d'énergie utilisées pour produire notre électricité. En effet, c'est l'empilement des ressources auxquelles on doit faire appel chaque heure qui déterminent les émissions de gaz à effet de serre d'une région ou d'un pays. C'est pourquoi la plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions en favorisant la part de l'éolien, le vent, du photovoltaïque, le soleil, et de l'hydroélectricité, l'eau, dans ce mix. Mais ces ressources renouvelables ont des limites. lorsqu'il s'agit d'opérer l'équilibre instantané entre l'offre et la demande d'électricité. On ne peut faire appel au soleil lorsqu'il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l'eau lorsque les réservoirs sont paris. De plus, le volume, l'intensité ou la force de ces trois éléments varient au cours du temps. Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ? C'est ce que nous interrogerons dans ce podcast Planète en transition, afin d'évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique, aujourd'hui avec

  • Clément Cabot

    Clément Cabot, docteur en économie de l'énergie. Je suis aussi le premier doctorant labellisé par TTI.5 et j'ai préparé ma thèse au sein du CERNA aux mines de Paris.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Clément. Aujourd'hui, nous allons donc partager tes travaux autour des questions d'électricité, de marché, mais plus précisément, peux-tu nous dire la problématique ? que tu souhaites partager avec nous.

  • Clément Cabot

    Oui, bonjour Nadia. Donc la problématique que je souhaite partager avec vous, c'est la question de ce qu'on appelle la réponse à la demande dans les mix avec une forte part d'énergie renouvelable.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous décrypter déjà ce que signifie mix électrique ou mix énergétique ? Et puis ensuite, tu nous parleras de ces fameuses énergies renouvelables.

  • Clément Cabot

    Très bien. Donc effectivement, il y a plusieurs éléments. Le premier point, c'est sur le mix électrique. Ça veut dire que pour produire de l'électricité, actuellement, on utilise différentes sources d'énergie, différentes technologies. Et parmi ces technologies, il y a ce qu'on appelle les énergies renouvelables. Une définition simple, ça consiste à dire que les énergies renouvelables sont celles qui proviennent de sources naturelles qui ne s'épuisent pas, à la fois pour produire de l'électricité, mais aussi, pourquoi pas, pour produire de la chaleur ou même des carburants. On distingue différents types d'énergies renouvelables. Par rapport à l'électricité, celle à laquelle on pense le plus souvent, ça va être typiquement l'énergie du soleil, qui est encore là pour plusieurs milliards d'années, avec les panneaux solaires photovoltaïques qu'on voit se déployer sur les toits ou sur des grands espaces. On a aussi l'énergie du vent, à la fois l'énergie en terre avec l'éolien terrestre, mais aussi l'énergie en mer avec les éoliennes maritimes. Et les barrages hydroélectriques, donc ça c'est l'énergie de l'eau. Et là, il y a encore différents types de technologies.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler ? Grosso modo, de quoi est composé le mix électrique en France ?

  • Clément Cabot

    Le mix électrique en France, pour faire simple, c'est à peu près 75% d'énergie nucléaire, qui n'est pas considérée comme une énergie renouvelable, 10% d'hydroélectricité et une petite partie de gaz, sachant qu'on développe aussi actuellement les énergies solaires photovoltaïques, l'éolien terrestre et l'éolien en mer. Mais ça, c'est une part qui reste encore minoritaire dans nos mix.

  • Nadia Maïzi

    Dans ce mix, ce que tu nous expliques, c'est qu'on voudrait introduire encore plus d'énergie de type renouvelable. Pour quelles raisons ?

  • Clément Cabot

    Alors déjà, il faut voir que moi, ma thèse s'inscrit plutôt dans une problématique européenne. Et à ce titre-là, la France est plutôt une exception, étant donné la part de l'énergie nucléaire dans notre mix électrique. Par contre, ce qui est vrai dans la plupart des pays, c'est qu'il y a soit une tendance à se passer de nucléaire pour des raisons diverses et variées, pas de maîtrise technologique à l'heure actuelle, donc on va être obligés de reposer sur deux types d'énergie. On s'est tous engagés à atteindre la neutralité carbone à des échelles de temps différentes, mais en 2050, en Europe en tout cas. Et pour atteindre la neutralité carbone, on va essayer de se débarrasser des énergies fossiles, c'est le pétrole, le gaz et le charbon, tout simplement parce qu'ils émettent des gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Il y a des intérêts par rapport au gaz à effet de serre provenant de ce type d'énergie, mais il y a aussi des inconvénients qui sont dus au fait qu'elle fonctionne avec, comme tu l'as dit, une source naturelle qui n'est pas contrôlée par l'homme. Tu peux définir exactement quelles sont ces différentes difficultés auxquelles nous devons faire face avec les énergies renouvelables ?

  • Clément Cabot

    Je vais peut-être commencer avec une spécificité de l'électricité, c'est qu'on a besoin de la produire en temps réel. C'est-à-dire qu'à chaque seconde, à chaque minute, on est obligé de produire autant d'électricité que ce qu'on consomme parce qu'on sait assez difficilement la stocker. Je vais revenir peut-être sur ce point plus tard, mais le principe général, c'est que ce qu'on appelle l'équilibre offre-demande doit être garanti à chaque instant. Et ça, c'est plutôt un problème pour les énergies renouvelables parce qu'elles dépendent de l'énergie du soleil ou du vent. Je pense que chacun conviendra que... Le soleil ne brille pas tout le temps ou que le vent ne souffle pas à chaque instant de la journée. A ce titre-là, c'est problématique parce qu'on ne sait pas bien comment répondre à la demande avec ce genre d'énergie qui sont dites intermittentes ou variables. Je peux peut-être faire un petit point de précision sur ce qu'est l'intermittence par rapport à la variabilité. Alors l'intermittence, il faut plutôt imaginer quelque chose qui fasse un peu on-off. Donc par exemple, une éolienne, on voit en se promenant dans la nature, parfois des éoliennes qui sont à l'arrêt. C'est ça l'idée de l'intermittence. Parfois elles vont tourner et produire de l'électricité, parfois elles ne vont pas pouvoir tourner parce qu'il n'y a pas suffisamment de vent ou qu'il y en a trop. Donc là c'est vraiment l'intermittence, on peut le voir aussi avec les panneaux solaires, avec l'alternance jour-nuit. Typiquement on va produire la journée et pas produire la nuit, c'est aussi une forme d'intermittence. Maintenant ce qui est intéressant c'est de raisonner à une échelle un peu plus grande, c'est-à-dire soit à l'échelle d'un parc éolien, voire d'un pays, voire d'une région comme l'Europe. Et là on va plutôt parler de variabilité. Parce qu'un parc éolien en mer, par exemple, il ne va pas forcément tourner tout le temps à 100%, mais si on raisonne à l'échelle de l'Europe, il y a tout le temps, quelque part, un peu de vent. Et c'est vraiment ça l'idée de la variabilité, c'est qu'on va toujours avoir à gérer une période entre 20 et 80% de production, par exemple. Et ça, ça nécessite différentes solutions, encore une fois, pour garantir l'équilibre offre-demande.

  • Nadia Maïzi

    Donc ces solutions, justement, quelles sont-elles ?

  • Clément Cabot

    Alors, ces solutions, il y en a différentes. Je pense que la première et la plus importante, parce qu'on l'utilise déjà, c'est l'hydroélectricité. Tout simplement parce que c'est déjà une forme de stockage d'électricité, l'eau. C'est-à-dire qu'on est capable de turbiner pour pomper de l'eau en hauteur dans des barrages, ce qu'on appelle le stockage gravitationnel. Et on peut relâcher l'eau, ça va passer dans une turbine et on va pouvoir produire de l'électricité quand on en a besoin. Ça, c'est la première solution. La deuxième solution, qui peut-être est spontanée pour stocker de l'électricité, c'est des batteries. Donc là, on pense à nos ordinateurs, à nos téléphones, où il y a déjà des batteries lithium-ion. Le problème avec ça, c'est que ça coûte encore extrêmement cher. Il faut bien voir que pour stocker 6 heures d'électricité en France, c'est des capacités énormes. Ce serait vraiment une autre échelle par rapport à ce qu'on a déjà. Et ça coûte donc relativement cher, en fait. L'autre désavantage, c'est qu'on ne peut pas vraiment faire de stockage très longue durée avec ce genre de technologie. Il y a d'autres pistes qui existent, mais pour faire simple, actuellement... Une des solutions qui est envisagée, c'est d'utiliser des centrales thermiques. Donc là, ça va être des centrales au gaz, des centrales peut-être dans le futur à l'hydrogène. En tout cas, c'est la voie dans laquelle s'est engagée l'Allemagne en particulier.

  • Nadia Maïzi

    Là, ce ne sont pas des questions de stockage, c'est plutôt des centrales qui vont permettre de faire l'appoint quand les sources renouvelables ne peuvent pas être activées.

  • Clément Cabot

    Tout à fait, c'est une logique différente. C'est plutôt dire qu'on ait suffisamment de capacités de secours, en backup en anglais, qui puisse répondre à la demande si on n'a pas été capable de stocker l'électricité ou que celle-ci est trop forte par rapport à la production des énergies renouvelables.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, tu n'as parlé que du côté de l'offre technologique. Et on peut imaginer, puisque tout à l'heure, tu expliquais que... équilibrer finalement la fourniture d'électricité, c'était faire en sorte que quand quelqu'un demande, il y ait une offre qui soit disponible. Donc on pourrait imaginer que celui qui demande est aussi sollicité pour pouvoir pallier cette problématique de variabilité et d'intermittence ?

  • Clément Cabot

    Absolument. C'est un peu prendre le problème à l'envers. On va agir sur la demande plutôt qu'agir sur l'offre. Et c'est vraiment ce que j'ai voulu comprendre et analyser dans le cadre de mes travaux de recherche. Peut-être juste pour... Pour contextualiser un petit peu, les mécanismes du côté de l'offre à horizon 2050 dans la plupart des scénarios, ça va réussir à couvrir entre 30 et 50% de nos besoins de flexibilité, donc de gestion de la variabilité dans la plupart des mix, donc à l'échelle horaire ou hebdomadaire. On a besoin des autres 50% manquants. Et là, pour le coup, il y a une part importante qui a vocation à se développer sur la réponse à la demande, qui touche à la fois, par exemple, les véhicules électriques, mais aussi par d'autres mécanismes. Et donc, moi, dans ma thèse, j'ai cherché à comprendre ces mécanismes. Est-ce qu'ils étaient déjà en place ? Et s'ils étaient en place, est-ce qu'ils étaient efficients ?

  • Nadia Maïzi

    Peut-être que tu pourrais nous expliquer, en France, ce que sont les mécanismes d'ajustement de la demande.

  • Clément Cabot

    Alors les mécanismes de réponse à la demande, le premier élément c'est que c'est pas quelque chose de fondamentalement nouveau. Ça fait longtemps que les économistes de l'énergie ont cherché à essayer d'activer des leviers de flexibilité parce que ça revient très cher en fait d'investir dans une nouvelle centrale qui va être allumée juste quelques heures dans l'année. Donc historiquement il y a eu des programmes qui ont été mis en place, à la fois des programmes industriels avec tout ce qu'on appelle les mécanismes d'effacement, donc ça va être des centrales qui vont accepter d'être rémunérées pour baisser leur consommation électrique. mais aussi des programmes qui vont plutôt viser le segment résidentiel, donc les petits consommateurs, on va dire, soit en pilotant leur ballon d'eau chaude. Et c'est par exemple le cas avec les heures pleines et les heures creuses. Ça, je pense que c'est quelque chose qu'on connaît assez bien. Fondamentalement, on a la possibilité en France d'avoir un prix de l'électricité différencié entre les heures de la journée, pour faire simple, et les heures de la nuit.

  • Nadia Maïzi

    Alors en général, c'est quelque chose que les consommateurs ne réalisent pas spécialement. C'est-à-dire que c'est totalement automatisé, l'idée que leur ballon d'eau chaude va se remplir la nuit et que ça sera au moment où l'électricité est peu chère.

  • Clément Cabot

    C'est vrai pour les ballons d'eau chaude, effectivement il y a des contacteurs, c'est quelque chose qui est automatisé. Donc c'est très bien pour le consommateur et c'est très bien pour le réseau électrique. Il y a d'autres usages pour les personnes qui sont en tout cas sur un tarif heure pleine, heure creuse, qui peuvent essayer de décaler d'eux-mêmes. Là ça va être plutôt ce qui est... Machines à laver, lave-linge, sèche-linge, etc. Où il y a des possibilités de mettre des programmes qui vont retarder le déclenchement par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Là l'alerte est donnée au consommateur directement pour qu'il puisse savoir à quel moment décaler ses usages ?

  • Clément Cabot

    Les horaires sont fixes en fait. Au moment de contractualiser, on va dire que les heures creuses sont de 23h à 6h du matin. Ça, ça dépend de chaque localité, c'est décidé par Enedis. Et d'ailleurs il y a des endroits où les heures creuses sont aussi en après-midi. Parce que... globalement au consommement d'électricité l'après-midi par rapport à la pointe du matin ou la pointe du soir où tout le monde rentre à la maison, pour faire simple.

  • Nadia Maïzi

    Enedis qui est chargé de ?

  • Clément Cabot

    Enedis, c'est l'opérateur qui est en charge du réseau de distribution de l'électricité. Donc, c'est les lignes électriques à basse tension. Il y a un autre acteur qui s'appelle RTE, pour réseau de transport d'électricité, qui lui est en charge de la très haute tension.

  • Nadia Maïzi

    Donc, si on revient à ces tarifs préférentiels, Il y en a un autre aussi qui était assez fameux, c'est le tarif Tempo.

  • Clément Cabot

    Oui, le tarif Tempo qui date d'il y a plus de 30 ans, qui est un tarif qui s'inspire un peu de l'heure pleine heure creuse, mais qui est encore plus avancé dans le sens où il fournit plus d'informations. On va avoir trois types de jours, les jours bleus, les jours blancs et les jours rouges. Et en fonction de chaque couleur de jour, on va avoir un certain prix de l'électricité. La majorité des jours dans l'année, c'est 300 jours bleus avec l'électricité très peu chère. vraiment 40 à 50 moins cher qu'un tarif de base par exemple. Et surtout les jours rouges, donc ça concerne uniquement 22 jours dans l'année où les prix sont trois fois plus chers qu'en temps normal. Donc là l'idée c'est vraiment d'envoyer des signaux aux consommateurs pour que quand il y a des grosses tensions ou que les prix de l'électricité sont extrêmement chers, ils réduisent un peu leurs usages. Donc c'est typiquement les jours où il fait très froid parce qu'on allume tous nos radiateurs en France et qu'on a beaucoup de radiateurs électriques. Et donc l'idée c'est peut-être de diminuer un peu la température de consigne. par rapport à ce que l'on aurait fait si on n'avait pas reçu cette incitation, ce signal c'est un jour rouge C'est essentiellement ça. Et juste pour donner quelques perspectives sur les personnes qui sont engagées dans la démarche Tempo, ou dans le tarif Tempo, on a presque 40% d'effacement qui sont atteignables parfois. Donc c'est vraiment pas négligeable en termes de gisement.

  • Nadia Maïzi

    40% d'effacement ?

  • Clément Cabot

    40% d'effacement, ça veut dire qu'on va réduire notre consommation électrique de 40% par rapport à un jour normal. Donc par rapport à un jour qui n'est pas rouge, en prenant en compte aussi le fait qu'il fait froid, enfin bon, des détails comme ça.

  • Nadia Maïzi

    Et le nombre de consommateurs qui disposent de ces tarifs préférentiels, est-ce qu'il est important ?

  • Clément Cabot

    Alors on aurait tendance à penser peut-être que non, mais en pratique en France on est plutôt avancé, parce qu'il n'y a quasiment que 20% de la demande sur les réseaux de distribution qui est sur un tarif complètement plat. Donc sans incitation en pleine heure creuse et sans incitation tempo. On a 30% des personnes qui sont en heure pleine heure creuse, et les derniers 30% ça va être soit des industries, soit le tarif tempo, qui sont plutôt des tarifs encore une fois saisonniers ou plus avancés en tout cas. Donc ça concerne quand même beaucoup de consommateurs finalement.

  • Nadia Maïzi

    Toi, tu parles de tarifs finalement assez classiquement établis. Est-ce qu'il y a d'autres façons d'inciter le consommateur à changer son mode de consommation ?

  • Clément Cabot

    Là, on vient de discuter des tarifs, donc c'est vraiment des incitations financières. C'est-à-dire qu'on va rémunérer les gens, en tout cas ils vont payer une électricité moins chère, pour décaler leurs usages. Maintenant, ce n'est pas la seule façon de gérer la variabilité ou de faire de la réponse à la demande. On a aussi des mécanismes où... le consommateur a juste à contractualiser avec un opérateur d'effacement ou un agrégateur, c'est le nom de ces acteurs-là, qui vont eux-mêmes gérer une partie des appareils électroménagers. Alors je vous rassure tout de suite, souvent c'est très minoritaire, on parle juste des radiateurs électriques où il va y avoir un petit compteur, par exemple, qui va pouvoir allumer ou éteindre le radiateur tout en conservant une bonne température de consigne. Et donc l'opérateur, l'agrégateur, va justement essayer de monétiser cette flexibilité. sur les marchés de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ça nécessite d'être équipé en ce qu'on appelle les fameux compteurs intelligents.

  • Clément Cabot

    Alors l'ensemble de, à la fois les tarifs dynamiques que ce genre de mécanisme, ça nécessite plutôt d'avoir des compteurs intelligents. Après, j'ai envie de dire, c'est pas forcément le cas. Tempo ou heure pleine, heure creuse, ça fait longtemps qu'on avait ça, mais ça nécessitait en tout cas une action de la part d'Enedis, par exemple, sur le compteur, ou un compteur différent.

  • Nadia Maïzi

    Je voudrais te demander si ces agrégateurs font bénéficier les consommateurs de prix négatifs qui parfois apparaissent sur le marché de l'électricité. Est-ce que déjà tu peux nous expliquer pourquoi il y a des prix négatifs et ensuite si oui ou non on en bénéficie ?

  • Clément Cabot

    Très bien, donc ça va être un point un peu technique sur les prix négatifs mais c'est vrai qu'au mois de mai 2024 par exemple, on a vu beaucoup de prix de l'électricité négatifs sur les marchés. Donc ça, ça veut dire que des acteurs étaient prêts à rémunérer des gens, consommer plus d'électricité. En pratique, c'est parce que ça va être des centrales thermiques, par exemple, qui sont obligées de tourner un certain nombre d'heures en continu, qui ne peuvent pas s'éteindre et qui veulent être en ligne. Donc on va générer de l'électricité, mais trop d'électricité par rapport à la demande. C'est dans ces situations qu'on peut avoir des prix négatifs. Le problème, c'est que nous, en tant que consommateurs, actuellement, on n'est pas capables d'en profiter. Parce qu'on a un prix fixe de l'électricité en euros par kWh. éventuellement des heures pleines, heures creuses, mais on est très loin d'avoir un tarif en temps réel. Donc là, ça voudrait dire qu'on aurait vraiment les prix tels que constatés sur les marchés. Il y a des pays qui le font d'ailleurs, on pourrait y revenir plus tard. Et donc, pour les consommateurs, ils n'en bénéficient pas et même dans les cas où un acteur, un agrégateur allait gérer, disons, leur radiateur électrique, en pratique, ils n'en bénéficient pas non plus. La principale promesse, c'est qu'ils vont baisser leur facture d'électricité parce qu'ils vont baisser leur consommation. Le radiateur va un peu moins consommer ou alors va consommer en heures creuses. Ça permet quand même des économies de 5 à 10 par exemple, mais actuellement on ne peut pas être rémunéré pour charger notre voiture électrique ou pour consommer de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ce sont les incitations dont tu nous disais qu'elles sont rémunérées pour le consommateur et il y a d'autres formes d'incitations qui sont mises en place ?

  • Clément Cabot

    C'est vrai qu'il y a des personnes qui aimeraient juste... participer, alors soit à l'équilibre offre-demande, mais de façon plus générale, de faire en sorte qu'ils consomment de l'électricité quand on ne repose pas sur des centrales qui émettent du gaz à effet de serre. Donc typiquement, s'il y a besoin d'allumer des centrales gaz ou charbon, se dire je vais peut-être consommer un peu moins d'électricité parce que ce n'est pas le bon moment Et pour faire ça, il y a RTE, on en a parlé juste avant, qui a mis en place des applications qui permettent d'avoir ce genre d'informations. Donc là, c'est vraiment plutôt des incitations informationnelles. On a deux applications, EcoWatt et Eco2Mix. La première permet de savoir quand il y a des tensions sur le réseau. La deuxième, de connaître en temps réel le mix de production électrique français. Et donc là, on pourrait tout à fait se dire, il y a beaucoup d'énergie renouvelable en ce moment, je vais aller lancer mon sèche-linge par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Alors, est-ce que tu as pu évaluer l'efficacité de ces différentes incitations ? Toi, dans ton travail, qu'est-ce que tu en as tiré comme enseignement sur la modulation finalement de la consommation par rapport à cet enjeu d'énergie renouvelable ?

  • Clément Cabot

    Donc, je vais peut-être raisonner à deux échelles. La première échelle à ces micros, c'est que quand on regarde les projets pilotes qui justement étudient la réponse aux consommateurs aux incitations notamment tarifaires comme les heures pleines, heures creuses ou tempo, on se rend compte qu'il y a plutôt une bonne réponse. On arrive souvent à avoir 10% d'effacement de la part des consommateurs sur les tarifs même heures pleines, heures creuses. Et sur des tarifs plus comme tempo, on peut aller jusqu'à 40% d'effacement comme je le disais précédemment. Après, mon objectif de recherche, c'était de comprendre si les tarifs actuels arrivent encore à envoyer des signaux pertinents dans le futur, dans un mix où il y a beaucoup de variabilité. Parce qu'actuellement, c'est assez simple de se dire qu'on a beaucoup de centrales nucléaires, on essaye de lisser la consommation pour qu'elle soit le plus stable possible entre le jour et la nuit. Mais dans des mix où il y a beaucoup d'énergie renouvelable, en réalité, ça dépend des conditions du vent et du soleil, les moments de tension dans le réseau. Donc c'était vraiment... L'objectif, à la fois de comprendre si les tarifs existants sont efficaces, mais aussi s'ils sont efficaces dans le futur. Et ma principale conclusion, c'est que les tarifs à pleine heure creuse avec une alternance jour-nuit ne sont pas forcément pertinents dès qu'on a une part importante d'énergie, notamment solaire photovoltaïque. Et ça, c'est vrai également en France, parce que la France est interconnectée avec l'Allemagne, l'Espagne, qui ont beaucoup de capacités solaires photovoltaïques. Donc on va quand même avoir ce creux sur les prix, sur les heures autour de midi. Une petite anecdote par rapport à l'actualité qu'on met 2024, il y a justement Enedis et La Creux qui ont annoncé qu'ils allaient revoir leurs tarifs justement pour prendre en compte ces phénomènes. Donc La Creux, c'est la commission de régulation de l'énergie, c'est le régulateur en charge de s'assurer que tout se passe bien sur les marchés de l'électricité. C'est par exemple eux qui vont faire des appels d'offres pour construire des nouveaux parcs éoliens en mer, mais c'est aussi eux qui régulent les tarifs, donc qui élaborent les formules que EDF propose en tarifs régulés par exemple. ou peuvent inciter à faire des changements dans la façon dont on fait ces tarifs. C'est pour ça que c'est un acteur important quand on parle tarification. Par rapport à l'actualité, en mai 2024, il y a eu plusieurs articles à la fois dans la presse, mais aussi des communications par Enedis et La Creux, qui ont justement dit qu'une refonte allait être organisée pour prendre en compte le fait que les solaires photovoltaïques allaient potentiellement décaler les heures creuses au milieu de la journée. J'en suis très content personnellement, c'est vraiment quelque chose qui a été un enseignement fort. de mes travaux de recherche et c'est tout à fait aligné avec ce que vont faire les acteurs. Et en tout cas, ce que je montrais, c'est que cette problématique se pose en fait assez rapidement, dès 2025 et en tout cas pour sûr en 2030.

  • Nadia Maïzi

    Donc on a ce problème à midi, est-ce que tu peux détailler de quoi il retourne en fait ?

  • Clément Cabot

    On a un problème à midi, on n'a pas vraiment un problème déjà, on a plutôt une opportunité à saisir parce que l'électricité va être très peu chère sur les heures autour de midi, tout simplement parce qu'on va avoir le maximum de production de solaire photovoltaïque. et que le solaire photovoltaïque, dans le futur, ça va être une technologie très importante pour nos mix électriques, peut-être presque un tiers de notre production. Et donc vu que les panneaux solaires ne nécessitent pas d'acheter du pétrole ou du gaz pour fonctionner, ils sont gratuits à partir du moment où ils sont installés, le prix de l'électricité autour de midi, ça va être autour de 0€ du MWh. Donc ça serait très pertinent d'essayer de décaler un maximum d'usages autour de midi, à la fois pour payer moins cher l'électricité, mais aussi... pour émettre moins de gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Puisqu'on a parlé des consommateurs, j'imagine qu'il y a un aspect culturel. Et dans la question du réseau électrique européen, on est donc interconnectés entre différents pays. Tu as été amené à faire des comparaisons avec les différents pays européens de ce qui se passe en France. Et qu'est-ce que tu as pu en tirer comme informations ?

  • Clément Cabot

    J'essayais justement aussi de comprendre comment on faisait dans les autres pays, donc en Allemagne, aux États-Unis, en Espagne, en Italie, pour voir si ça pouvait nous donner des pistes aussi en France pour voir ce qu'on pouvait faire. Je pense que la première différence à souligner, c'est le fait que chaque pays a des besoins en électricité très différents. En Espagne, par exemple, ou en Italie, il va y avoir une tension assez importante par rapport à tout ce qui est climatisation, par exemple, qui va représenter beaucoup d'électricité. Là où en France, on va plutôt être intéressé par les radiateurs électriques pour chauffer l'hiver. On peut avoir des moments de pointe assez différents, finalement. Et pour gérer justement ces pointes, chaque pays a eu un peu sa propre boîte à outils. Et les tarifs ont fait partie de cette boîte à outils, mais pas dans tous les pays. Par exemple, l'Allemagne... qui n'a historiquement pas développé les compteurs intelligents. Il n'y a pas de Linky en Allemagne actuellement. C'est envisagé dans le futur, notamment pour les gros consommateurs, mais ce n'est pas encore déployé. Et donc, ils n'ont jamais pu déployer ces programmes de tarification dynamique, ou ces tarifs à pleine heure creuse, par exemple. Donc ça, c'est un choix politique, ça dépend aussi de la culture, ça dépend aussi des ressources locales. L'Allemagne a eu stéréotiquement beaucoup de centrales thermiques flexibles, comme le charbon. La Linit ou maintenant les centrales à gaz, donc peut-être qu'ils se disaient qu'ils pouvaient s'en passer finalement de cette réponse à la demande. Par contre, des pays comme l'Espagne ou l'Italie, eux, ils ont été assez optimistes sur la réponse à la demande, assez volontaires en tout cas. Parce qu'on a l'Espagne qui a imposé aux consommateurs résidentiels justement d'être tarifés en temps réel, c'est-à-dire que l'électricité va être vraiment au prix de marché pour tous les petits consommateurs. Et donc à ce moment-là, ça serait intéressant de décaler les usages. Après, on a évidemment un problème de communication, parce qu'on a presque 50% des personnes en Espagne qui ne savent pas qu'ils sont sur une tarification en temps réel. Et à partir du moment où on n'a pas l'information, on ne peut pas espérer des changements de comportement ou de prise en compte de cette information-là. C'est d'ailleurs un des autres messages de ma thèse. C'est extrêmement important de communiquer à partir du moment où on s'engage dans une démarche de réponse à la demande. Parce que ça dépend in fine du comportement des consommateurs. On a le même cas un peu en Italie. Ils étaient aussi assez optimistes, assez volontaires. Et ils ont typiquement déployé les tarifs heure pleine, heure creuse pour, encore une fois, le segment résidentiel. C'est presque 25 millions de personnes. Donc c'est quand même vraiment significatif. Et encore une fois... les effets sont un peu mitigés parce qu'on n'a pas forcément des réponses à la hauteur de ce qu'on espérait. Je vais peut-être faire un tout petit point rapide sur pourquoi. Pourquoi on n'a pas l'effet espéré ? Il peut y avoir deux éléments.

  • Nadia Maïzi

    Tu parles de l'Italie spécifiquement ou tu parles...

  • Clément Cabot

    Je parle en fonction... plutôt généralement.

  • Nadia Maïzi

    En général.

  • Clément Cabot

    En général.

  • Nadia Maïzi

    La raison pour laquelle ces tarifs ne...

  • Clément Cabot

    Ne marchent pas.

  • Nadia Maïzi

    Ne marchent pas si bien que ce qu'on espérait.

  • Clément Cabot

    Exactement. Il y a différentes raisons. Je pense que, encore une fois, je l'ai dit, la communication est centrale. Et en fait, pour avoir une bonne réponse à la demande, c'est mieux si on prévient vraiment les consommateurs qu'il va y avoir un jour particulier, par exemple, ou des heures particulières. Donc ça, avec Tempo, typiquement, on reçoit à la fois des e-mails, des SMS, pour nous informer que dans un ou deux jours, il va y avoir un jour rouge, et qu'il faut donc s'organiser un petit peu en fonction. Donc ça, c'est le premier point. Plus on a d'informations, plus on réagit. Le deuxième point, évidemment, c'est que tout le monde n'est pas à même de réagir. Il y a des personnes qui n'ont pas de flexibilité, qui ont besoin de cuisiner à 19h parce qu'elles ont des enfants par exemple. Évidemment, là on ne va pas s'attendre à avoir un gros gisement de flexibilité. Et justement, quand on déploie à grande échelle des tarifs heure pleine heure creuse, c'est plutôt important pour avoir une bonne acceptation de la part de la population de protéger les petits consommateurs qui risquent d'être négativement affectés. C'est le deuxième point. Le troisième point, c'est que l'intensité de la réponse va dépendre aussi de l'intensité du signal. Je m'explique, si on a une électricité qui devient 10% plus chère, c'est beaucoup, mais ce n'est pas non plus énormément pour réagir très fortement. Ce n'est pas le cas, par exemple, pour le tarif tempo, où l'électricité va être trois fois plus chère. Donc là, on veut vraiment répondre, parce que sinon, on va y avoir un impact assez fort sur notre facture d'électricité. Et je pense que ce niveau, justement, entre intensité, ce qu'on appelle de gap entre heure pleine, heure creuse, et... L'acceptation par la population, c'est quelque chose qui doit se jouer assez finement, mais je pense que c'est important dans le futur de se poser la question du bon niveau des incitations à envoyer pour avoir le plus de personnes concernées éventuellement, mais que la réponse soit aussi suffisamment forte par rapport à nos objectifs.

  • Nadia Maïzi

    Et finalement, les différences que tu as pu relever entre les pays que tu as étudiés ne viennent pas vraiment d'une position par rapport aux enjeux de climat ? mais relève plus directement de l'efficacité des tarifs mis en place et la réception, la communication autour de ces tarifs par rapport au consommateur final. C'est ça que j'entends.

  • Clément Cabot

    Historiquement, c'est vrai que c'était vraiment une problématique réseau, équilibre offre-demande, donc vraiment plutôt d'efficacité économique si on veut même. Par contre, dans le futur, il va vraiment y avoir un peu un alignement des planètes, c'est-à-dire que ça va être à la fois important pour le réseau, parce qu'on a plus en plus d'énergie renouvelable et donc variable. Mais c'est en plus, d'autant plus important, qu'on va essayer de se passer au maximum des centrales thermiques polluantes. Et donc, à ce titre-là, décaler les usages au moment où l'électricité est peu chère, c'est aussi décaler les usages au moment où l'électricité est décarbonée. Donc, c'est vraiment sur les deux tableaux que ça présente un intérêt.

  • Nadia Maïzi

    Donc, sur les recommandations, sur le court terme, tu fais remarquer qu'il y a un alignement avec des décisions qui viennent d'être prises. Tu as mentionné la Creux et Enedis. Au-delà, est-ce que tu as d'autres recommandations qui sont issues de tes réflexions et de ton analyse ? Donc j'en ai un peu discuté. Déjà je pense qu'on est tous un peu perdus par rapport aux tarifs de l'électricité. A savoir qu'il y a beaucoup d'acteurs sur le marché, sur la fourniture d'électricité. Donc là on peut penser à EDF, Engie, Total Energy et des plus petits acteurs comme Octopus Energy qui sont aussi assez innovants. Et le problème c'est que le consommateur est assez perdu en fait par rapport au nombre d'offres qu'on peut avoir. Chacune a un nom un peu différent, des spécificités différentes. Je pense que ça serait intéressant d'engager une réflexion pour simplifier tout ça, à savoir proposer un tarif fixe, un tarif à pleine heure creuse, et des tarifs évolués comme Tempo, mais que ça soit des gammes peut-être un tout petit peu plus structurées qu'actuellement, ou en tout cas que le consommateur soit à même de faire un choix éclairé sur la façon dont il souhaite avoir de l'électricité. Ça c'est important, d'autant plus qu'on va avoir de plus en plus de véhicules électriques qu'on va potentiellement charger à la maison, et donc le prix de l'électricité pour charger son véhicule. C'est aussi quelque chose qui est une opportunité pour pousser des tarifs plus dynamiques. Parce qu'en fait, on a déjà l'habitude avec notre voiture que le prix évolue en fonction des stations essence notamment. Donc on aurait à peu près la même logique avec un prix qui évolue en fonction de l'heure de la journée pour l'électricité. Donc première recommandation, c'est évidemment la simplification. La deuxième recommandation, je l'ai dit, c'est d'aligner les tarifs plutôt dans le court terme, en tout cas de préparer les consommateurs à changer un peu leur consommation, l'heure de leur consommation. pour s'aligner avec les heures de production solaire notamment, et communiquer aussi plus largement sur Tempo, qui présente à la fois des gains pour les consommateurs, l'électricité est relativement moins chère, pour peu qu'ils participent un peu à l'équilibre sur les 22 jours rouges. Les dernières recommandations, c'est plutôt des points techniques, parce qu'actuellement, nos marchés de l'électricité n'ont pas les produits nécessaires pour pouvoir mettre en place ce type d'offres pour tous les fournisseurs d'électricité. Et il y a... Aussi, un point d'attention, et ça je m'adresse un peu plus largement à tous les acteurs concernés, j'aimerais juste souligner le fait qu'il n'y a jamais une seule dimension dans le secteur de l'électricité. On a évoqué la dimension de l'équilibre offre-demande, mais il y a une deuxième dimension qui est justement liée au réseau électrique. On va beaucoup s'électrifier, ça veut dire qu'il va falloir renforcer nos lignes sur le réseau de distribution, vraiment les lignes électriques, parce qu'actuellement on n'est pas forcément capable de répondre à la demande si tout le monde se charge en même moment. au même endroit. Et donc on aimerait aussi éventuellement essayer d'abaisser ce besoin de renforcer nos réseaux électriques. Et pour ça, on essaye de mettre en place des tarifs dynamiques justement aussi sur cette dimension réseau et qui serait différente que la dimension équilibre offre-demande. Et donc la bonne balance entre ces deux signaux à envoyer aux consommateurs, le moment où on peut consommer parce que nos réseaux ne sont pas en tension et le moment où consommer parce qu'on a beaucoup d'énergie renouvelable, ça ne va pas forcément. être le même signal et il faut essayer de trouver la bonne recette de cuisine pour être sûr qu'on adresse les deux problèmes en même temps, idéalement avec la même solution.

  • Clément Cabot

    Il va falloir trouver un compromis entre deux logiques qui sont complètement différentes et qui fera que finalement, il faudra consommer plus ou moins tout au long de la journée, se répartir les charges entre les différents usages.

  • Nadia Maïzi

    entre les différents usages.

  • Clément Cabot

    On pourrait imaginer qu'il n'y ait pas que les consommateurs particuliers qui participent à ce foisonnement de la consommation et que les consommateurs industriels permettent de limiter la tension sur les tuyaux et le réseau lui-même.

  • Nadia Maïzi

    C'est très bien résumé. Merci Clément pour cet éclairage sur les enjeux de la participation des consommateurs à finalement réguler l'équilibre offre-demande afin de permettre une plus grande pénétration des énergies renouvelables. Ça me renvoie à des demandes qui arrivent assez régulièrement qui sont, eh bien moi, au niveau individuel, qu'est-ce que je pourrais faire pour... être aligné par rapport à cette question de climat. Donc je trouve que tes conclusions sur les enjeux de communication et le fait qu'on fasse comprendre aux gens qu'appuyer sur un interrupteur peut avoir des conséquences très importantes sont absolument fondamentales et je pense que c'est un message qui mérite vraiment d'être entendu. Merci beaucoup Nadia, c'était un vrai plaisir. Je suis vraiment heureux d'avoir pu échanger sur ces sujets et si j'avais un message, c'était effectivement améliorer la communication pour qu'on embarque le plus de gens possible dans cette transition énergétique. C'était Planète en transition. Un podcast de l'Institut TTI.5

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Description

La plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre en favorisant la part de l’éolien (le vent), du photovoltaïque (le soleil), et de l’hydroélectricité (l’eau) dans le mix de production d’électricité.  Mais ces ressources renouvelables ont des limites lorsqu’il s’agit d’opérer l’équilibre instantané entre l’offre et la demande d’électricité : on ne peut pas faire appel au soleil lorsqu’il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l’eau lorsque les réservoirs sont taris ; de plus le volume, l’intensité, ou la force de ces trois éléments varie au cours du temps.  Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ?


C’est ce que nous interrogerons dans cet épisode du podcast « Planète en transition », afin d’évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique.


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Clément Cabot, doctorant au CERNA à Mines Paris – PSL.


Pour approfondir :


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Nadia Maïzi

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5. Il est souvent question du mix électrique, c'est-à-dire de la répartition des différentes sources d'énergie utilisées pour produire notre électricité. En effet, c'est l'empilement des ressources auxquelles on doit faire appel chaque heure qui déterminent les émissions de gaz à effet de serre d'une région ou d'un pays. C'est pourquoi la plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions en favorisant la part de l'éolien, le vent, du photovoltaïque, le soleil, et de l'hydroélectricité, l'eau, dans ce mix. Mais ces ressources renouvelables ont des limites. lorsqu'il s'agit d'opérer l'équilibre instantané entre l'offre et la demande d'électricité. On ne peut faire appel au soleil lorsqu'il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l'eau lorsque les réservoirs sont paris. De plus, le volume, l'intensité ou la force de ces trois éléments varient au cours du temps. Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ? C'est ce que nous interrogerons dans ce podcast Planète en transition, afin d'évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique, aujourd'hui avec

  • Clément Cabot

    Clément Cabot, docteur en économie de l'énergie. Je suis aussi le premier doctorant labellisé par TTI.5 et j'ai préparé ma thèse au sein du CERNA aux mines de Paris.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Clément. Aujourd'hui, nous allons donc partager tes travaux autour des questions d'électricité, de marché, mais plus précisément, peux-tu nous dire la problématique ? que tu souhaites partager avec nous.

  • Clément Cabot

    Oui, bonjour Nadia. Donc la problématique que je souhaite partager avec vous, c'est la question de ce qu'on appelle la réponse à la demande dans les mix avec une forte part d'énergie renouvelable.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous décrypter déjà ce que signifie mix électrique ou mix énergétique ? Et puis ensuite, tu nous parleras de ces fameuses énergies renouvelables.

  • Clément Cabot

    Très bien. Donc effectivement, il y a plusieurs éléments. Le premier point, c'est sur le mix électrique. Ça veut dire que pour produire de l'électricité, actuellement, on utilise différentes sources d'énergie, différentes technologies. Et parmi ces technologies, il y a ce qu'on appelle les énergies renouvelables. Une définition simple, ça consiste à dire que les énergies renouvelables sont celles qui proviennent de sources naturelles qui ne s'épuisent pas, à la fois pour produire de l'électricité, mais aussi, pourquoi pas, pour produire de la chaleur ou même des carburants. On distingue différents types d'énergies renouvelables. Par rapport à l'électricité, celle à laquelle on pense le plus souvent, ça va être typiquement l'énergie du soleil, qui est encore là pour plusieurs milliards d'années, avec les panneaux solaires photovoltaïques qu'on voit se déployer sur les toits ou sur des grands espaces. On a aussi l'énergie du vent, à la fois l'énergie en terre avec l'éolien terrestre, mais aussi l'énergie en mer avec les éoliennes maritimes. Et les barrages hydroélectriques, donc ça c'est l'énergie de l'eau. Et là, il y a encore différents types de technologies.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler ? Grosso modo, de quoi est composé le mix électrique en France ?

  • Clément Cabot

    Le mix électrique en France, pour faire simple, c'est à peu près 75% d'énergie nucléaire, qui n'est pas considérée comme une énergie renouvelable, 10% d'hydroélectricité et une petite partie de gaz, sachant qu'on développe aussi actuellement les énergies solaires photovoltaïques, l'éolien terrestre et l'éolien en mer. Mais ça, c'est une part qui reste encore minoritaire dans nos mix.

  • Nadia Maïzi

    Dans ce mix, ce que tu nous expliques, c'est qu'on voudrait introduire encore plus d'énergie de type renouvelable. Pour quelles raisons ?

  • Clément Cabot

    Alors déjà, il faut voir que moi, ma thèse s'inscrit plutôt dans une problématique européenne. Et à ce titre-là, la France est plutôt une exception, étant donné la part de l'énergie nucléaire dans notre mix électrique. Par contre, ce qui est vrai dans la plupart des pays, c'est qu'il y a soit une tendance à se passer de nucléaire pour des raisons diverses et variées, pas de maîtrise technologique à l'heure actuelle, donc on va être obligés de reposer sur deux types d'énergie. On s'est tous engagés à atteindre la neutralité carbone à des échelles de temps différentes, mais en 2050, en Europe en tout cas. Et pour atteindre la neutralité carbone, on va essayer de se débarrasser des énergies fossiles, c'est le pétrole, le gaz et le charbon, tout simplement parce qu'ils émettent des gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Il y a des intérêts par rapport au gaz à effet de serre provenant de ce type d'énergie, mais il y a aussi des inconvénients qui sont dus au fait qu'elle fonctionne avec, comme tu l'as dit, une source naturelle qui n'est pas contrôlée par l'homme. Tu peux définir exactement quelles sont ces différentes difficultés auxquelles nous devons faire face avec les énergies renouvelables ?

  • Clément Cabot

    Je vais peut-être commencer avec une spécificité de l'électricité, c'est qu'on a besoin de la produire en temps réel. C'est-à-dire qu'à chaque seconde, à chaque minute, on est obligé de produire autant d'électricité que ce qu'on consomme parce qu'on sait assez difficilement la stocker. Je vais revenir peut-être sur ce point plus tard, mais le principe général, c'est que ce qu'on appelle l'équilibre offre-demande doit être garanti à chaque instant. Et ça, c'est plutôt un problème pour les énergies renouvelables parce qu'elles dépendent de l'énergie du soleil ou du vent. Je pense que chacun conviendra que... Le soleil ne brille pas tout le temps ou que le vent ne souffle pas à chaque instant de la journée. A ce titre-là, c'est problématique parce qu'on ne sait pas bien comment répondre à la demande avec ce genre d'énergie qui sont dites intermittentes ou variables. Je peux peut-être faire un petit point de précision sur ce qu'est l'intermittence par rapport à la variabilité. Alors l'intermittence, il faut plutôt imaginer quelque chose qui fasse un peu on-off. Donc par exemple, une éolienne, on voit en se promenant dans la nature, parfois des éoliennes qui sont à l'arrêt. C'est ça l'idée de l'intermittence. Parfois elles vont tourner et produire de l'électricité, parfois elles ne vont pas pouvoir tourner parce qu'il n'y a pas suffisamment de vent ou qu'il y en a trop. Donc là c'est vraiment l'intermittence, on peut le voir aussi avec les panneaux solaires, avec l'alternance jour-nuit. Typiquement on va produire la journée et pas produire la nuit, c'est aussi une forme d'intermittence. Maintenant ce qui est intéressant c'est de raisonner à une échelle un peu plus grande, c'est-à-dire soit à l'échelle d'un parc éolien, voire d'un pays, voire d'une région comme l'Europe. Et là on va plutôt parler de variabilité. Parce qu'un parc éolien en mer, par exemple, il ne va pas forcément tourner tout le temps à 100%, mais si on raisonne à l'échelle de l'Europe, il y a tout le temps, quelque part, un peu de vent. Et c'est vraiment ça l'idée de la variabilité, c'est qu'on va toujours avoir à gérer une période entre 20 et 80% de production, par exemple. Et ça, ça nécessite différentes solutions, encore une fois, pour garantir l'équilibre offre-demande.

  • Nadia Maïzi

    Donc ces solutions, justement, quelles sont-elles ?

  • Clément Cabot

    Alors, ces solutions, il y en a différentes. Je pense que la première et la plus importante, parce qu'on l'utilise déjà, c'est l'hydroélectricité. Tout simplement parce que c'est déjà une forme de stockage d'électricité, l'eau. C'est-à-dire qu'on est capable de turbiner pour pomper de l'eau en hauteur dans des barrages, ce qu'on appelle le stockage gravitationnel. Et on peut relâcher l'eau, ça va passer dans une turbine et on va pouvoir produire de l'électricité quand on en a besoin. Ça, c'est la première solution. La deuxième solution, qui peut-être est spontanée pour stocker de l'électricité, c'est des batteries. Donc là, on pense à nos ordinateurs, à nos téléphones, où il y a déjà des batteries lithium-ion. Le problème avec ça, c'est que ça coûte encore extrêmement cher. Il faut bien voir que pour stocker 6 heures d'électricité en France, c'est des capacités énormes. Ce serait vraiment une autre échelle par rapport à ce qu'on a déjà. Et ça coûte donc relativement cher, en fait. L'autre désavantage, c'est qu'on ne peut pas vraiment faire de stockage très longue durée avec ce genre de technologie. Il y a d'autres pistes qui existent, mais pour faire simple, actuellement... Une des solutions qui est envisagée, c'est d'utiliser des centrales thermiques. Donc là, ça va être des centrales au gaz, des centrales peut-être dans le futur à l'hydrogène. En tout cas, c'est la voie dans laquelle s'est engagée l'Allemagne en particulier.

  • Nadia Maïzi

    Là, ce ne sont pas des questions de stockage, c'est plutôt des centrales qui vont permettre de faire l'appoint quand les sources renouvelables ne peuvent pas être activées.

  • Clément Cabot

    Tout à fait, c'est une logique différente. C'est plutôt dire qu'on ait suffisamment de capacités de secours, en backup en anglais, qui puisse répondre à la demande si on n'a pas été capable de stocker l'électricité ou que celle-ci est trop forte par rapport à la production des énergies renouvelables.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, tu n'as parlé que du côté de l'offre technologique. Et on peut imaginer, puisque tout à l'heure, tu expliquais que... équilibrer finalement la fourniture d'électricité, c'était faire en sorte que quand quelqu'un demande, il y ait une offre qui soit disponible. Donc on pourrait imaginer que celui qui demande est aussi sollicité pour pouvoir pallier cette problématique de variabilité et d'intermittence ?

  • Clément Cabot

    Absolument. C'est un peu prendre le problème à l'envers. On va agir sur la demande plutôt qu'agir sur l'offre. Et c'est vraiment ce que j'ai voulu comprendre et analyser dans le cadre de mes travaux de recherche. Peut-être juste pour... Pour contextualiser un petit peu, les mécanismes du côté de l'offre à horizon 2050 dans la plupart des scénarios, ça va réussir à couvrir entre 30 et 50% de nos besoins de flexibilité, donc de gestion de la variabilité dans la plupart des mix, donc à l'échelle horaire ou hebdomadaire. On a besoin des autres 50% manquants. Et là, pour le coup, il y a une part importante qui a vocation à se développer sur la réponse à la demande, qui touche à la fois, par exemple, les véhicules électriques, mais aussi par d'autres mécanismes. Et donc, moi, dans ma thèse, j'ai cherché à comprendre ces mécanismes. Est-ce qu'ils étaient déjà en place ? Et s'ils étaient en place, est-ce qu'ils étaient efficients ?

  • Nadia Maïzi

    Peut-être que tu pourrais nous expliquer, en France, ce que sont les mécanismes d'ajustement de la demande.

  • Clément Cabot

    Alors les mécanismes de réponse à la demande, le premier élément c'est que c'est pas quelque chose de fondamentalement nouveau. Ça fait longtemps que les économistes de l'énergie ont cherché à essayer d'activer des leviers de flexibilité parce que ça revient très cher en fait d'investir dans une nouvelle centrale qui va être allumée juste quelques heures dans l'année. Donc historiquement il y a eu des programmes qui ont été mis en place, à la fois des programmes industriels avec tout ce qu'on appelle les mécanismes d'effacement, donc ça va être des centrales qui vont accepter d'être rémunérées pour baisser leur consommation électrique. mais aussi des programmes qui vont plutôt viser le segment résidentiel, donc les petits consommateurs, on va dire, soit en pilotant leur ballon d'eau chaude. Et c'est par exemple le cas avec les heures pleines et les heures creuses. Ça, je pense que c'est quelque chose qu'on connaît assez bien. Fondamentalement, on a la possibilité en France d'avoir un prix de l'électricité différencié entre les heures de la journée, pour faire simple, et les heures de la nuit.

  • Nadia Maïzi

    Alors en général, c'est quelque chose que les consommateurs ne réalisent pas spécialement. C'est-à-dire que c'est totalement automatisé, l'idée que leur ballon d'eau chaude va se remplir la nuit et que ça sera au moment où l'électricité est peu chère.

  • Clément Cabot

    C'est vrai pour les ballons d'eau chaude, effectivement il y a des contacteurs, c'est quelque chose qui est automatisé. Donc c'est très bien pour le consommateur et c'est très bien pour le réseau électrique. Il y a d'autres usages pour les personnes qui sont en tout cas sur un tarif heure pleine, heure creuse, qui peuvent essayer de décaler d'eux-mêmes. Là ça va être plutôt ce qui est... Machines à laver, lave-linge, sèche-linge, etc. Où il y a des possibilités de mettre des programmes qui vont retarder le déclenchement par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Là l'alerte est donnée au consommateur directement pour qu'il puisse savoir à quel moment décaler ses usages ?

  • Clément Cabot

    Les horaires sont fixes en fait. Au moment de contractualiser, on va dire que les heures creuses sont de 23h à 6h du matin. Ça, ça dépend de chaque localité, c'est décidé par Enedis. Et d'ailleurs il y a des endroits où les heures creuses sont aussi en après-midi. Parce que... globalement au consommement d'électricité l'après-midi par rapport à la pointe du matin ou la pointe du soir où tout le monde rentre à la maison, pour faire simple.

  • Nadia Maïzi

    Enedis qui est chargé de ?

  • Clément Cabot

    Enedis, c'est l'opérateur qui est en charge du réseau de distribution de l'électricité. Donc, c'est les lignes électriques à basse tension. Il y a un autre acteur qui s'appelle RTE, pour réseau de transport d'électricité, qui lui est en charge de la très haute tension.

  • Nadia Maïzi

    Donc, si on revient à ces tarifs préférentiels, Il y en a un autre aussi qui était assez fameux, c'est le tarif Tempo.

  • Clément Cabot

    Oui, le tarif Tempo qui date d'il y a plus de 30 ans, qui est un tarif qui s'inspire un peu de l'heure pleine heure creuse, mais qui est encore plus avancé dans le sens où il fournit plus d'informations. On va avoir trois types de jours, les jours bleus, les jours blancs et les jours rouges. Et en fonction de chaque couleur de jour, on va avoir un certain prix de l'électricité. La majorité des jours dans l'année, c'est 300 jours bleus avec l'électricité très peu chère. vraiment 40 à 50 moins cher qu'un tarif de base par exemple. Et surtout les jours rouges, donc ça concerne uniquement 22 jours dans l'année où les prix sont trois fois plus chers qu'en temps normal. Donc là l'idée c'est vraiment d'envoyer des signaux aux consommateurs pour que quand il y a des grosses tensions ou que les prix de l'électricité sont extrêmement chers, ils réduisent un peu leurs usages. Donc c'est typiquement les jours où il fait très froid parce qu'on allume tous nos radiateurs en France et qu'on a beaucoup de radiateurs électriques. Et donc l'idée c'est peut-être de diminuer un peu la température de consigne. par rapport à ce que l'on aurait fait si on n'avait pas reçu cette incitation, ce signal c'est un jour rouge C'est essentiellement ça. Et juste pour donner quelques perspectives sur les personnes qui sont engagées dans la démarche Tempo, ou dans le tarif Tempo, on a presque 40% d'effacement qui sont atteignables parfois. Donc c'est vraiment pas négligeable en termes de gisement.

  • Nadia Maïzi

    40% d'effacement ?

  • Clément Cabot

    40% d'effacement, ça veut dire qu'on va réduire notre consommation électrique de 40% par rapport à un jour normal. Donc par rapport à un jour qui n'est pas rouge, en prenant en compte aussi le fait qu'il fait froid, enfin bon, des détails comme ça.

  • Nadia Maïzi

    Et le nombre de consommateurs qui disposent de ces tarifs préférentiels, est-ce qu'il est important ?

  • Clément Cabot

    Alors on aurait tendance à penser peut-être que non, mais en pratique en France on est plutôt avancé, parce qu'il n'y a quasiment que 20% de la demande sur les réseaux de distribution qui est sur un tarif complètement plat. Donc sans incitation en pleine heure creuse et sans incitation tempo. On a 30% des personnes qui sont en heure pleine heure creuse, et les derniers 30% ça va être soit des industries, soit le tarif tempo, qui sont plutôt des tarifs encore une fois saisonniers ou plus avancés en tout cas. Donc ça concerne quand même beaucoup de consommateurs finalement.

  • Nadia Maïzi

    Toi, tu parles de tarifs finalement assez classiquement établis. Est-ce qu'il y a d'autres façons d'inciter le consommateur à changer son mode de consommation ?

  • Clément Cabot

    Là, on vient de discuter des tarifs, donc c'est vraiment des incitations financières. C'est-à-dire qu'on va rémunérer les gens, en tout cas ils vont payer une électricité moins chère, pour décaler leurs usages. Maintenant, ce n'est pas la seule façon de gérer la variabilité ou de faire de la réponse à la demande. On a aussi des mécanismes où... le consommateur a juste à contractualiser avec un opérateur d'effacement ou un agrégateur, c'est le nom de ces acteurs-là, qui vont eux-mêmes gérer une partie des appareils électroménagers. Alors je vous rassure tout de suite, souvent c'est très minoritaire, on parle juste des radiateurs électriques où il va y avoir un petit compteur, par exemple, qui va pouvoir allumer ou éteindre le radiateur tout en conservant une bonne température de consigne. Et donc l'opérateur, l'agrégateur, va justement essayer de monétiser cette flexibilité. sur les marchés de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ça nécessite d'être équipé en ce qu'on appelle les fameux compteurs intelligents.

  • Clément Cabot

    Alors l'ensemble de, à la fois les tarifs dynamiques que ce genre de mécanisme, ça nécessite plutôt d'avoir des compteurs intelligents. Après, j'ai envie de dire, c'est pas forcément le cas. Tempo ou heure pleine, heure creuse, ça fait longtemps qu'on avait ça, mais ça nécessitait en tout cas une action de la part d'Enedis, par exemple, sur le compteur, ou un compteur différent.

  • Nadia Maïzi

    Je voudrais te demander si ces agrégateurs font bénéficier les consommateurs de prix négatifs qui parfois apparaissent sur le marché de l'électricité. Est-ce que déjà tu peux nous expliquer pourquoi il y a des prix négatifs et ensuite si oui ou non on en bénéficie ?

  • Clément Cabot

    Très bien, donc ça va être un point un peu technique sur les prix négatifs mais c'est vrai qu'au mois de mai 2024 par exemple, on a vu beaucoup de prix de l'électricité négatifs sur les marchés. Donc ça, ça veut dire que des acteurs étaient prêts à rémunérer des gens, consommer plus d'électricité. En pratique, c'est parce que ça va être des centrales thermiques, par exemple, qui sont obligées de tourner un certain nombre d'heures en continu, qui ne peuvent pas s'éteindre et qui veulent être en ligne. Donc on va générer de l'électricité, mais trop d'électricité par rapport à la demande. C'est dans ces situations qu'on peut avoir des prix négatifs. Le problème, c'est que nous, en tant que consommateurs, actuellement, on n'est pas capables d'en profiter. Parce qu'on a un prix fixe de l'électricité en euros par kWh. éventuellement des heures pleines, heures creuses, mais on est très loin d'avoir un tarif en temps réel. Donc là, ça voudrait dire qu'on aurait vraiment les prix tels que constatés sur les marchés. Il y a des pays qui le font d'ailleurs, on pourrait y revenir plus tard. Et donc, pour les consommateurs, ils n'en bénéficient pas et même dans les cas où un acteur, un agrégateur allait gérer, disons, leur radiateur électrique, en pratique, ils n'en bénéficient pas non plus. La principale promesse, c'est qu'ils vont baisser leur facture d'électricité parce qu'ils vont baisser leur consommation. Le radiateur va un peu moins consommer ou alors va consommer en heures creuses. Ça permet quand même des économies de 5 à 10 par exemple, mais actuellement on ne peut pas être rémunéré pour charger notre voiture électrique ou pour consommer de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ce sont les incitations dont tu nous disais qu'elles sont rémunérées pour le consommateur et il y a d'autres formes d'incitations qui sont mises en place ?

  • Clément Cabot

    C'est vrai qu'il y a des personnes qui aimeraient juste... participer, alors soit à l'équilibre offre-demande, mais de façon plus générale, de faire en sorte qu'ils consomment de l'électricité quand on ne repose pas sur des centrales qui émettent du gaz à effet de serre. Donc typiquement, s'il y a besoin d'allumer des centrales gaz ou charbon, se dire je vais peut-être consommer un peu moins d'électricité parce que ce n'est pas le bon moment Et pour faire ça, il y a RTE, on en a parlé juste avant, qui a mis en place des applications qui permettent d'avoir ce genre d'informations. Donc là, c'est vraiment plutôt des incitations informationnelles. On a deux applications, EcoWatt et Eco2Mix. La première permet de savoir quand il y a des tensions sur le réseau. La deuxième, de connaître en temps réel le mix de production électrique français. Et donc là, on pourrait tout à fait se dire, il y a beaucoup d'énergie renouvelable en ce moment, je vais aller lancer mon sèche-linge par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Alors, est-ce que tu as pu évaluer l'efficacité de ces différentes incitations ? Toi, dans ton travail, qu'est-ce que tu en as tiré comme enseignement sur la modulation finalement de la consommation par rapport à cet enjeu d'énergie renouvelable ?

  • Clément Cabot

    Donc, je vais peut-être raisonner à deux échelles. La première échelle à ces micros, c'est que quand on regarde les projets pilotes qui justement étudient la réponse aux consommateurs aux incitations notamment tarifaires comme les heures pleines, heures creuses ou tempo, on se rend compte qu'il y a plutôt une bonne réponse. On arrive souvent à avoir 10% d'effacement de la part des consommateurs sur les tarifs même heures pleines, heures creuses. Et sur des tarifs plus comme tempo, on peut aller jusqu'à 40% d'effacement comme je le disais précédemment. Après, mon objectif de recherche, c'était de comprendre si les tarifs actuels arrivent encore à envoyer des signaux pertinents dans le futur, dans un mix où il y a beaucoup de variabilité. Parce qu'actuellement, c'est assez simple de se dire qu'on a beaucoup de centrales nucléaires, on essaye de lisser la consommation pour qu'elle soit le plus stable possible entre le jour et la nuit. Mais dans des mix où il y a beaucoup d'énergie renouvelable, en réalité, ça dépend des conditions du vent et du soleil, les moments de tension dans le réseau. Donc c'était vraiment... L'objectif, à la fois de comprendre si les tarifs existants sont efficaces, mais aussi s'ils sont efficaces dans le futur. Et ma principale conclusion, c'est que les tarifs à pleine heure creuse avec une alternance jour-nuit ne sont pas forcément pertinents dès qu'on a une part importante d'énergie, notamment solaire photovoltaïque. Et ça, c'est vrai également en France, parce que la France est interconnectée avec l'Allemagne, l'Espagne, qui ont beaucoup de capacités solaires photovoltaïques. Donc on va quand même avoir ce creux sur les prix, sur les heures autour de midi. Une petite anecdote par rapport à l'actualité qu'on met 2024, il y a justement Enedis et La Creux qui ont annoncé qu'ils allaient revoir leurs tarifs justement pour prendre en compte ces phénomènes. Donc La Creux, c'est la commission de régulation de l'énergie, c'est le régulateur en charge de s'assurer que tout se passe bien sur les marchés de l'électricité. C'est par exemple eux qui vont faire des appels d'offres pour construire des nouveaux parcs éoliens en mer, mais c'est aussi eux qui régulent les tarifs, donc qui élaborent les formules que EDF propose en tarifs régulés par exemple. ou peuvent inciter à faire des changements dans la façon dont on fait ces tarifs. C'est pour ça que c'est un acteur important quand on parle tarification. Par rapport à l'actualité, en mai 2024, il y a eu plusieurs articles à la fois dans la presse, mais aussi des communications par Enedis et La Creux, qui ont justement dit qu'une refonte allait être organisée pour prendre en compte le fait que les solaires photovoltaïques allaient potentiellement décaler les heures creuses au milieu de la journée. J'en suis très content personnellement, c'est vraiment quelque chose qui a été un enseignement fort. de mes travaux de recherche et c'est tout à fait aligné avec ce que vont faire les acteurs. Et en tout cas, ce que je montrais, c'est que cette problématique se pose en fait assez rapidement, dès 2025 et en tout cas pour sûr en 2030.

  • Nadia Maïzi

    Donc on a ce problème à midi, est-ce que tu peux détailler de quoi il retourne en fait ?

  • Clément Cabot

    On a un problème à midi, on n'a pas vraiment un problème déjà, on a plutôt une opportunité à saisir parce que l'électricité va être très peu chère sur les heures autour de midi, tout simplement parce qu'on va avoir le maximum de production de solaire photovoltaïque. et que le solaire photovoltaïque, dans le futur, ça va être une technologie très importante pour nos mix électriques, peut-être presque un tiers de notre production. Et donc vu que les panneaux solaires ne nécessitent pas d'acheter du pétrole ou du gaz pour fonctionner, ils sont gratuits à partir du moment où ils sont installés, le prix de l'électricité autour de midi, ça va être autour de 0€ du MWh. Donc ça serait très pertinent d'essayer de décaler un maximum d'usages autour de midi, à la fois pour payer moins cher l'électricité, mais aussi... pour émettre moins de gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Puisqu'on a parlé des consommateurs, j'imagine qu'il y a un aspect culturel. Et dans la question du réseau électrique européen, on est donc interconnectés entre différents pays. Tu as été amené à faire des comparaisons avec les différents pays européens de ce qui se passe en France. Et qu'est-ce que tu as pu en tirer comme informations ?

  • Clément Cabot

    J'essayais justement aussi de comprendre comment on faisait dans les autres pays, donc en Allemagne, aux États-Unis, en Espagne, en Italie, pour voir si ça pouvait nous donner des pistes aussi en France pour voir ce qu'on pouvait faire. Je pense que la première différence à souligner, c'est le fait que chaque pays a des besoins en électricité très différents. En Espagne, par exemple, ou en Italie, il va y avoir une tension assez importante par rapport à tout ce qui est climatisation, par exemple, qui va représenter beaucoup d'électricité. Là où en France, on va plutôt être intéressé par les radiateurs électriques pour chauffer l'hiver. On peut avoir des moments de pointe assez différents, finalement. Et pour gérer justement ces pointes, chaque pays a eu un peu sa propre boîte à outils. Et les tarifs ont fait partie de cette boîte à outils, mais pas dans tous les pays. Par exemple, l'Allemagne... qui n'a historiquement pas développé les compteurs intelligents. Il n'y a pas de Linky en Allemagne actuellement. C'est envisagé dans le futur, notamment pour les gros consommateurs, mais ce n'est pas encore déployé. Et donc, ils n'ont jamais pu déployer ces programmes de tarification dynamique, ou ces tarifs à pleine heure creuse, par exemple. Donc ça, c'est un choix politique, ça dépend aussi de la culture, ça dépend aussi des ressources locales. L'Allemagne a eu stéréotiquement beaucoup de centrales thermiques flexibles, comme le charbon. La Linit ou maintenant les centrales à gaz, donc peut-être qu'ils se disaient qu'ils pouvaient s'en passer finalement de cette réponse à la demande. Par contre, des pays comme l'Espagne ou l'Italie, eux, ils ont été assez optimistes sur la réponse à la demande, assez volontaires en tout cas. Parce qu'on a l'Espagne qui a imposé aux consommateurs résidentiels justement d'être tarifés en temps réel, c'est-à-dire que l'électricité va être vraiment au prix de marché pour tous les petits consommateurs. Et donc à ce moment-là, ça serait intéressant de décaler les usages. Après, on a évidemment un problème de communication, parce qu'on a presque 50% des personnes en Espagne qui ne savent pas qu'ils sont sur une tarification en temps réel. Et à partir du moment où on n'a pas l'information, on ne peut pas espérer des changements de comportement ou de prise en compte de cette information-là. C'est d'ailleurs un des autres messages de ma thèse. C'est extrêmement important de communiquer à partir du moment où on s'engage dans une démarche de réponse à la demande. Parce que ça dépend in fine du comportement des consommateurs. On a le même cas un peu en Italie. Ils étaient aussi assez optimistes, assez volontaires. Et ils ont typiquement déployé les tarifs heure pleine, heure creuse pour, encore une fois, le segment résidentiel. C'est presque 25 millions de personnes. Donc c'est quand même vraiment significatif. Et encore une fois... les effets sont un peu mitigés parce qu'on n'a pas forcément des réponses à la hauteur de ce qu'on espérait. Je vais peut-être faire un tout petit point rapide sur pourquoi. Pourquoi on n'a pas l'effet espéré ? Il peut y avoir deux éléments.

  • Nadia Maïzi

    Tu parles de l'Italie spécifiquement ou tu parles...

  • Clément Cabot

    Je parle en fonction... plutôt généralement.

  • Nadia Maïzi

    En général.

  • Clément Cabot

    En général.

  • Nadia Maïzi

    La raison pour laquelle ces tarifs ne...

  • Clément Cabot

    Ne marchent pas.

  • Nadia Maïzi

    Ne marchent pas si bien que ce qu'on espérait.

  • Clément Cabot

    Exactement. Il y a différentes raisons. Je pense que, encore une fois, je l'ai dit, la communication est centrale. Et en fait, pour avoir une bonne réponse à la demande, c'est mieux si on prévient vraiment les consommateurs qu'il va y avoir un jour particulier, par exemple, ou des heures particulières. Donc ça, avec Tempo, typiquement, on reçoit à la fois des e-mails, des SMS, pour nous informer que dans un ou deux jours, il va y avoir un jour rouge, et qu'il faut donc s'organiser un petit peu en fonction. Donc ça, c'est le premier point. Plus on a d'informations, plus on réagit. Le deuxième point, évidemment, c'est que tout le monde n'est pas à même de réagir. Il y a des personnes qui n'ont pas de flexibilité, qui ont besoin de cuisiner à 19h parce qu'elles ont des enfants par exemple. Évidemment, là on ne va pas s'attendre à avoir un gros gisement de flexibilité. Et justement, quand on déploie à grande échelle des tarifs heure pleine heure creuse, c'est plutôt important pour avoir une bonne acceptation de la part de la population de protéger les petits consommateurs qui risquent d'être négativement affectés. C'est le deuxième point. Le troisième point, c'est que l'intensité de la réponse va dépendre aussi de l'intensité du signal. Je m'explique, si on a une électricité qui devient 10% plus chère, c'est beaucoup, mais ce n'est pas non plus énormément pour réagir très fortement. Ce n'est pas le cas, par exemple, pour le tarif tempo, où l'électricité va être trois fois plus chère. Donc là, on veut vraiment répondre, parce que sinon, on va y avoir un impact assez fort sur notre facture d'électricité. Et je pense que ce niveau, justement, entre intensité, ce qu'on appelle de gap entre heure pleine, heure creuse, et... L'acceptation par la population, c'est quelque chose qui doit se jouer assez finement, mais je pense que c'est important dans le futur de se poser la question du bon niveau des incitations à envoyer pour avoir le plus de personnes concernées éventuellement, mais que la réponse soit aussi suffisamment forte par rapport à nos objectifs.

  • Nadia Maïzi

    Et finalement, les différences que tu as pu relever entre les pays que tu as étudiés ne viennent pas vraiment d'une position par rapport aux enjeux de climat ? mais relève plus directement de l'efficacité des tarifs mis en place et la réception, la communication autour de ces tarifs par rapport au consommateur final. C'est ça que j'entends.

  • Clément Cabot

    Historiquement, c'est vrai que c'était vraiment une problématique réseau, équilibre offre-demande, donc vraiment plutôt d'efficacité économique si on veut même. Par contre, dans le futur, il va vraiment y avoir un peu un alignement des planètes, c'est-à-dire que ça va être à la fois important pour le réseau, parce qu'on a plus en plus d'énergie renouvelable et donc variable. Mais c'est en plus, d'autant plus important, qu'on va essayer de se passer au maximum des centrales thermiques polluantes. Et donc, à ce titre-là, décaler les usages au moment où l'électricité est peu chère, c'est aussi décaler les usages au moment où l'électricité est décarbonée. Donc, c'est vraiment sur les deux tableaux que ça présente un intérêt.

  • Nadia Maïzi

    Donc, sur les recommandations, sur le court terme, tu fais remarquer qu'il y a un alignement avec des décisions qui viennent d'être prises. Tu as mentionné la Creux et Enedis. Au-delà, est-ce que tu as d'autres recommandations qui sont issues de tes réflexions et de ton analyse ? Donc j'en ai un peu discuté. Déjà je pense qu'on est tous un peu perdus par rapport aux tarifs de l'électricité. A savoir qu'il y a beaucoup d'acteurs sur le marché, sur la fourniture d'électricité. Donc là on peut penser à EDF, Engie, Total Energy et des plus petits acteurs comme Octopus Energy qui sont aussi assez innovants. Et le problème c'est que le consommateur est assez perdu en fait par rapport au nombre d'offres qu'on peut avoir. Chacune a un nom un peu différent, des spécificités différentes. Je pense que ça serait intéressant d'engager une réflexion pour simplifier tout ça, à savoir proposer un tarif fixe, un tarif à pleine heure creuse, et des tarifs évolués comme Tempo, mais que ça soit des gammes peut-être un tout petit peu plus structurées qu'actuellement, ou en tout cas que le consommateur soit à même de faire un choix éclairé sur la façon dont il souhaite avoir de l'électricité. Ça c'est important, d'autant plus qu'on va avoir de plus en plus de véhicules électriques qu'on va potentiellement charger à la maison, et donc le prix de l'électricité pour charger son véhicule. C'est aussi quelque chose qui est une opportunité pour pousser des tarifs plus dynamiques. Parce qu'en fait, on a déjà l'habitude avec notre voiture que le prix évolue en fonction des stations essence notamment. Donc on aurait à peu près la même logique avec un prix qui évolue en fonction de l'heure de la journée pour l'électricité. Donc première recommandation, c'est évidemment la simplification. La deuxième recommandation, je l'ai dit, c'est d'aligner les tarifs plutôt dans le court terme, en tout cas de préparer les consommateurs à changer un peu leur consommation, l'heure de leur consommation. pour s'aligner avec les heures de production solaire notamment, et communiquer aussi plus largement sur Tempo, qui présente à la fois des gains pour les consommateurs, l'électricité est relativement moins chère, pour peu qu'ils participent un peu à l'équilibre sur les 22 jours rouges. Les dernières recommandations, c'est plutôt des points techniques, parce qu'actuellement, nos marchés de l'électricité n'ont pas les produits nécessaires pour pouvoir mettre en place ce type d'offres pour tous les fournisseurs d'électricité. Et il y a... Aussi, un point d'attention, et ça je m'adresse un peu plus largement à tous les acteurs concernés, j'aimerais juste souligner le fait qu'il n'y a jamais une seule dimension dans le secteur de l'électricité. On a évoqué la dimension de l'équilibre offre-demande, mais il y a une deuxième dimension qui est justement liée au réseau électrique. On va beaucoup s'électrifier, ça veut dire qu'il va falloir renforcer nos lignes sur le réseau de distribution, vraiment les lignes électriques, parce qu'actuellement on n'est pas forcément capable de répondre à la demande si tout le monde se charge en même moment. au même endroit. Et donc on aimerait aussi éventuellement essayer d'abaisser ce besoin de renforcer nos réseaux électriques. Et pour ça, on essaye de mettre en place des tarifs dynamiques justement aussi sur cette dimension réseau et qui serait différente que la dimension équilibre offre-demande. Et donc la bonne balance entre ces deux signaux à envoyer aux consommateurs, le moment où on peut consommer parce que nos réseaux ne sont pas en tension et le moment où consommer parce qu'on a beaucoup d'énergie renouvelable, ça ne va pas forcément. être le même signal et il faut essayer de trouver la bonne recette de cuisine pour être sûr qu'on adresse les deux problèmes en même temps, idéalement avec la même solution.

  • Clément Cabot

    Il va falloir trouver un compromis entre deux logiques qui sont complètement différentes et qui fera que finalement, il faudra consommer plus ou moins tout au long de la journée, se répartir les charges entre les différents usages.

  • Nadia Maïzi

    entre les différents usages.

  • Clément Cabot

    On pourrait imaginer qu'il n'y ait pas que les consommateurs particuliers qui participent à ce foisonnement de la consommation et que les consommateurs industriels permettent de limiter la tension sur les tuyaux et le réseau lui-même.

  • Nadia Maïzi

    C'est très bien résumé. Merci Clément pour cet éclairage sur les enjeux de la participation des consommateurs à finalement réguler l'équilibre offre-demande afin de permettre une plus grande pénétration des énergies renouvelables. Ça me renvoie à des demandes qui arrivent assez régulièrement qui sont, eh bien moi, au niveau individuel, qu'est-ce que je pourrais faire pour... être aligné par rapport à cette question de climat. Donc je trouve que tes conclusions sur les enjeux de communication et le fait qu'on fasse comprendre aux gens qu'appuyer sur un interrupteur peut avoir des conséquences très importantes sont absolument fondamentales et je pense que c'est un message qui mérite vraiment d'être entendu. Merci beaucoup Nadia, c'était un vrai plaisir. Je suis vraiment heureux d'avoir pu échanger sur ces sujets et si j'avais un message, c'était effectivement améliorer la communication pour qu'on embarque le plus de gens possible dans cette transition énergétique. C'était Planète en transition. Un podcast de l'Institut TTI.5

Description

La plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre en favorisant la part de l’éolien (le vent), du photovoltaïque (le soleil), et de l’hydroélectricité (l’eau) dans le mix de production d’électricité.  Mais ces ressources renouvelables ont des limites lorsqu’il s’agit d’opérer l’équilibre instantané entre l’offre et la demande d’électricité : on ne peut pas faire appel au soleil lorsqu’il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l’eau lorsque les réservoirs sont taris ; de plus le volume, l’intensité, ou la force de ces trois éléments varie au cours du temps.  Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ?


C’est ce que nous interrogerons dans cet épisode du podcast « Planète en transition », afin d’évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique.


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Clément Cabot, doctorant au CERNA à Mines Paris – PSL.


Pour approfondir :


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Nadia Maïzi

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5. Il est souvent question du mix électrique, c'est-à-dire de la répartition des différentes sources d'énergie utilisées pour produire notre électricité. En effet, c'est l'empilement des ressources auxquelles on doit faire appel chaque heure qui déterminent les émissions de gaz à effet de serre d'une région ou d'un pays. C'est pourquoi la plupart des pays cherchent à atténuer leurs émissions en favorisant la part de l'éolien, le vent, du photovoltaïque, le soleil, et de l'hydroélectricité, l'eau, dans ce mix. Mais ces ressources renouvelables ont des limites. lorsqu'il s'agit d'opérer l'équilibre instantané entre l'offre et la demande d'électricité. On ne peut faire appel au soleil lorsqu'il fait nuit, au vent quand il souffle en tempête, ou à l'eau lorsque les réservoirs sont paris. De plus, le volume, l'intensité ou la force de ces trois éléments varient au cours du temps. Si pour pallier à ces aléas, il existe des réponses techniques, dans quelle mesure notre comportement de consommateur joue un rôle ? C'est ce que nous interrogerons dans ce podcast Planète en transition, afin d'évaluer comment nos modes de consommation peuvent aider à une meilleure intégration des ressources renouvelables dans le mix électrique, aujourd'hui avec

  • Clément Cabot

    Clément Cabot, docteur en économie de l'énergie. Je suis aussi le premier doctorant labellisé par TTI.5 et j'ai préparé ma thèse au sein du CERNA aux mines de Paris.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Clément. Aujourd'hui, nous allons donc partager tes travaux autour des questions d'électricité, de marché, mais plus précisément, peux-tu nous dire la problématique ? que tu souhaites partager avec nous.

  • Clément Cabot

    Oui, bonjour Nadia. Donc la problématique que je souhaite partager avec vous, c'est la question de ce qu'on appelle la réponse à la demande dans les mix avec une forte part d'énergie renouvelable.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous décrypter déjà ce que signifie mix électrique ou mix énergétique ? Et puis ensuite, tu nous parleras de ces fameuses énergies renouvelables.

  • Clément Cabot

    Très bien. Donc effectivement, il y a plusieurs éléments. Le premier point, c'est sur le mix électrique. Ça veut dire que pour produire de l'électricité, actuellement, on utilise différentes sources d'énergie, différentes technologies. Et parmi ces technologies, il y a ce qu'on appelle les énergies renouvelables. Une définition simple, ça consiste à dire que les énergies renouvelables sont celles qui proviennent de sources naturelles qui ne s'épuisent pas, à la fois pour produire de l'électricité, mais aussi, pourquoi pas, pour produire de la chaleur ou même des carburants. On distingue différents types d'énergies renouvelables. Par rapport à l'électricité, celle à laquelle on pense le plus souvent, ça va être typiquement l'énergie du soleil, qui est encore là pour plusieurs milliards d'années, avec les panneaux solaires photovoltaïques qu'on voit se déployer sur les toits ou sur des grands espaces. On a aussi l'énergie du vent, à la fois l'énergie en terre avec l'éolien terrestre, mais aussi l'énergie en mer avec les éoliennes maritimes. Et les barrages hydroélectriques, donc ça c'est l'énergie de l'eau. Et là, il y a encore différents types de technologies.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler ? Grosso modo, de quoi est composé le mix électrique en France ?

  • Clément Cabot

    Le mix électrique en France, pour faire simple, c'est à peu près 75% d'énergie nucléaire, qui n'est pas considérée comme une énergie renouvelable, 10% d'hydroélectricité et une petite partie de gaz, sachant qu'on développe aussi actuellement les énergies solaires photovoltaïques, l'éolien terrestre et l'éolien en mer. Mais ça, c'est une part qui reste encore minoritaire dans nos mix.

  • Nadia Maïzi

    Dans ce mix, ce que tu nous expliques, c'est qu'on voudrait introduire encore plus d'énergie de type renouvelable. Pour quelles raisons ?

  • Clément Cabot

    Alors déjà, il faut voir que moi, ma thèse s'inscrit plutôt dans une problématique européenne. Et à ce titre-là, la France est plutôt une exception, étant donné la part de l'énergie nucléaire dans notre mix électrique. Par contre, ce qui est vrai dans la plupart des pays, c'est qu'il y a soit une tendance à se passer de nucléaire pour des raisons diverses et variées, pas de maîtrise technologique à l'heure actuelle, donc on va être obligés de reposer sur deux types d'énergie. On s'est tous engagés à atteindre la neutralité carbone à des échelles de temps différentes, mais en 2050, en Europe en tout cas. Et pour atteindre la neutralité carbone, on va essayer de se débarrasser des énergies fossiles, c'est le pétrole, le gaz et le charbon, tout simplement parce qu'ils émettent des gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Il y a des intérêts par rapport au gaz à effet de serre provenant de ce type d'énergie, mais il y a aussi des inconvénients qui sont dus au fait qu'elle fonctionne avec, comme tu l'as dit, une source naturelle qui n'est pas contrôlée par l'homme. Tu peux définir exactement quelles sont ces différentes difficultés auxquelles nous devons faire face avec les énergies renouvelables ?

  • Clément Cabot

    Je vais peut-être commencer avec une spécificité de l'électricité, c'est qu'on a besoin de la produire en temps réel. C'est-à-dire qu'à chaque seconde, à chaque minute, on est obligé de produire autant d'électricité que ce qu'on consomme parce qu'on sait assez difficilement la stocker. Je vais revenir peut-être sur ce point plus tard, mais le principe général, c'est que ce qu'on appelle l'équilibre offre-demande doit être garanti à chaque instant. Et ça, c'est plutôt un problème pour les énergies renouvelables parce qu'elles dépendent de l'énergie du soleil ou du vent. Je pense que chacun conviendra que... Le soleil ne brille pas tout le temps ou que le vent ne souffle pas à chaque instant de la journée. A ce titre-là, c'est problématique parce qu'on ne sait pas bien comment répondre à la demande avec ce genre d'énergie qui sont dites intermittentes ou variables. Je peux peut-être faire un petit point de précision sur ce qu'est l'intermittence par rapport à la variabilité. Alors l'intermittence, il faut plutôt imaginer quelque chose qui fasse un peu on-off. Donc par exemple, une éolienne, on voit en se promenant dans la nature, parfois des éoliennes qui sont à l'arrêt. C'est ça l'idée de l'intermittence. Parfois elles vont tourner et produire de l'électricité, parfois elles ne vont pas pouvoir tourner parce qu'il n'y a pas suffisamment de vent ou qu'il y en a trop. Donc là c'est vraiment l'intermittence, on peut le voir aussi avec les panneaux solaires, avec l'alternance jour-nuit. Typiquement on va produire la journée et pas produire la nuit, c'est aussi une forme d'intermittence. Maintenant ce qui est intéressant c'est de raisonner à une échelle un peu plus grande, c'est-à-dire soit à l'échelle d'un parc éolien, voire d'un pays, voire d'une région comme l'Europe. Et là on va plutôt parler de variabilité. Parce qu'un parc éolien en mer, par exemple, il ne va pas forcément tourner tout le temps à 100%, mais si on raisonne à l'échelle de l'Europe, il y a tout le temps, quelque part, un peu de vent. Et c'est vraiment ça l'idée de la variabilité, c'est qu'on va toujours avoir à gérer une période entre 20 et 80% de production, par exemple. Et ça, ça nécessite différentes solutions, encore une fois, pour garantir l'équilibre offre-demande.

  • Nadia Maïzi

    Donc ces solutions, justement, quelles sont-elles ?

  • Clément Cabot

    Alors, ces solutions, il y en a différentes. Je pense que la première et la plus importante, parce qu'on l'utilise déjà, c'est l'hydroélectricité. Tout simplement parce que c'est déjà une forme de stockage d'électricité, l'eau. C'est-à-dire qu'on est capable de turbiner pour pomper de l'eau en hauteur dans des barrages, ce qu'on appelle le stockage gravitationnel. Et on peut relâcher l'eau, ça va passer dans une turbine et on va pouvoir produire de l'électricité quand on en a besoin. Ça, c'est la première solution. La deuxième solution, qui peut-être est spontanée pour stocker de l'électricité, c'est des batteries. Donc là, on pense à nos ordinateurs, à nos téléphones, où il y a déjà des batteries lithium-ion. Le problème avec ça, c'est que ça coûte encore extrêmement cher. Il faut bien voir que pour stocker 6 heures d'électricité en France, c'est des capacités énormes. Ce serait vraiment une autre échelle par rapport à ce qu'on a déjà. Et ça coûte donc relativement cher, en fait. L'autre désavantage, c'est qu'on ne peut pas vraiment faire de stockage très longue durée avec ce genre de technologie. Il y a d'autres pistes qui existent, mais pour faire simple, actuellement... Une des solutions qui est envisagée, c'est d'utiliser des centrales thermiques. Donc là, ça va être des centrales au gaz, des centrales peut-être dans le futur à l'hydrogène. En tout cas, c'est la voie dans laquelle s'est engagée l'Allemagne en particulier.

  • Nadia Maïzi

    Là, ce ne sont pas des questions de stockage, c'est plutôt des centrales qui vont permettre de faire l'appoint quand les sources renouvelables ne peuvent pas être activées.

  • Clément Cabot

    Tout à fait, c'est une logique différente. C'est plutôt dire qu'on ait suffisamment de capacités de secours, en backup en anglais, qui puisse répondre à la demande si on n'a pas été capable de stocker l'électricité ou que celle-ci est trop forte par rapport à la production des énergies renouvelables.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, tu n'as parlé que du côté de l'offre technologique. Et on peut imaginer, puisque tout à l'heure, tu expliquais que... équilibrer finalement la fourniture d'électricité, c'était faire en sorte que quand quelqu'un demande, il y ait une offre qui soit disponible. Donc on pourrait imaginer que celui qui demande est aussi sollicité pour pouvoir pallier cette problématique de variabilité et d'intermittence ?

  • Clément Cabot

    Absolument. C'est un peu prendre le problème à l'envers. On va agir sur la demande plutôt qu'agir sur l'offre. Et c'est vraiment ce que j'ai voulu comprendre et analyser dans le cadre de mes travaux de recherche. Peut-être juste pour... Pour contextualiser un petit peu, les mécanismes du côté de l'offre à horizon 2050 dans la plupart des scénarios, ça va réussir à couvrir entre 30 et 50% de nos besoins de flexibilité, donc de gestion de la variabilité dans la plupart des mix, donc à l'échelle horaire ou hebdomadaire. On a besoin des autres 50% manquants. Et là, pour le coup, il y a une part importante qui a vocation à se développer sur la réponse à la demande, qui touche à la fois, par exemple, les véhicules électriques, mais aussi par d'autres mécanismes. Et donc, moi, dans ma thèse, j'ai cherché à comprendre ces mécanismes. Est-ce qu'ils étaient déjà en place ? Et s'ils étaient en place, est-ce qu'ils étaient efficients ?

  • Nadia Maïzi

    Peut-être que tu pourrais nous expliquer, en France, ce que sont les mécanismes d'ajustement de la demande.

  • Clément Cabot

    Alors les mécanismes de réponse à la demande, le premier élément c'est que c'est pas quelque chose de fondamentalement nouveau. Ça fait longtemps que les économistes de l'énergie ont cherché à essayer d'activer des leviers de flexibilité parce que ça revient très cher en fait d'investir dans une nouvelle centrale qui va être allumée juste quelques heures dans l'année. Donc historiquement il y a eu des programmes qui ont été mis en place, à la fois des programmes industriels avec tout ce qu'on appelle les mécanismes d'effacement, donc ça va être des centrales qui vont accepter d'être rémunérées pour baisser leur consommation électrique. mais aussi des programmes qui vont plutôt viser le segment résidentiel, donc les petits consommateurs, on va dire, soit en pilotant leur ballon d'eau chaude. Et c'est par exemple le cas avec les heures pleines et les heures creuses. Ça, je pense que c'est quelque chose qu'on connaît assez bien. Fondamentalement, on a la possibilité en France d'avoir un prix de l'électricité différencié entre les heures de la journée, pour faire simple, et les heures de la nuit.

  • Nadia Maïzi

    Alors en général, c'est quelque chose que les consommateurs ne réalisent pas spécialement. C'est-à-dire que c'est totalement automatisé, l'idée que leur ballon d'eau chaude va se remplir la nuit et que ça sera au moment où l'électricité est peu chère.

  • Clément Cabot

    C'est vrai pour les ballons d'eau chaude, effectivement il y a des contacteurs, c'est quelque chose qui est automatisé. Donc c'est très bien pour le consommateur et c'est très bien pour le réseau électrique. Il y a d'autres usages pour les personnes qui sont en tout cas sur un tarif heure pleine, heure creuse, qui peuvent essayer de décaler d'eux-mêmes. Là ça va être plutôt ce qui est... Machines à laver, lave-linge, sèche-linge, etc. Où il y a des possibilités de mettre des programmes qui vont retarder le déclenchement par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Là l'alerte est donnée au consommateur directement pour qu'il puisse savoir à quel moment décaler ses usages ?

  • Clément Cabot

    Les horaires sont fixes en fait. Au moment de contractualiser, on va dire que les heures creuses sont de 23h à 6h du matin. Ça, ça dépend de chaque localité, c'est décidé par Enedis. Et d'ailleurs il y a des endroits où les heures creuses sont aussi en après-midi. Parce que... globalement au consommement d'électricité l'après-midi par rapport à la pointe du matin ou la pointe du soir où tout le monde rentre à la maison, pour faire simple.

  • Nadia Maïzi

    Enedis qui est chargé de ?

  • Clément Cabot

    Enedis, c'est l'opérateur qui est en charge du réseau de distribution de l'électricité. Donc, c'est les lignes électriques à basse tension. Il y a un autre acteur qui s'appelle RTE, pour réseau de transport d'électricité, qui lui est en charge de la très haute tension.

  • Nadia Maïzi

    Donc, si on revient à ces tarifs préférentiels, Il y en a un autre aussi qui était assez fameux, c'est le tarif Tempo.

  • Clément Cabot

    Oui, le tarif Tempo qui date d'il y a plus de 30 ans, qui est un tarif qui s'inspire un peu de l'heure pleine heure creuse, mais qui est encore plus avancé dans le sens où il fournit plus d'informations. On va avoir trois types de jours, les jours bleus, les jours blancs et les jours rouges. Et en fonction de chaque couleur de jour, on va avoir un certain prix de l'électricité. La majorité des jours dans l'année, c'est 300 jours bleus avec l'électricité très peu chère. vraiment 40 à 50 moins cher qu'un tarif de base par exemple. Et surtout les jours rouges, donc ça concerne uniquement 22 jours dans l'année où les prix sont trois fois plus chers qu'en temps normal. Donc là l'idée c'est vraiment d'envoyer des signaux aux consommateurs pour que quand il y a des grosses tensions ou que les prix de l'électricité sont extrêmement chers, ils réduisent un peu leurs usages. Donc c'est typiquement les jours où il fait très froid parce qu'on allume tous nos radiateurs en France et qu'on a beaucoup de radiateurs électriques. Et donc l'idée c'est peut-être de diminuer un peu la température de consigne. par rapport à ce que l'on aurait fait si on n'avait pas reçu cette incitation, ce signal c'est un jour rouge C'est essentiellement ça. Et juste pour donner quelques perspectives sur les personnes qui sont engagées dans la démarche Tempo, ou dans le tarif Tempo, on a presque 40% d'effacement qui sont atteignables parfois. Donc c'est vraiment pas négligeable en termes de gisement.

  • Nadia Maïzi

    40% d'effacement ?

  • Clément Cabot

    40% d'effacement, ça veut dire qu'on va réduire notre consommation électrique de 40% par rapport à un jour normal. Donc par rapport à un jour qui n'est pas rouge, en prenant en compte aussi le fait qu'il fait froid, enfin bon, des détails comme ça.

  • Nadia Maïzi

    Et le nombre de consommateurs qui disposent de ces tarifs préférentiels, est-ce qu'il est important ?

  • Clément Cabot

    Alors on aurait tendance à penser peut-être que non, mais en pratique en France on est plutôt avancé, parce qu'il n'y a quasiment que 20% de la demande sur les réseaux de distribution qui est sur un tarif complètement plat. Donc sans incitation en pleine heure creuse et sans incitation tempo. On a 30% des personnes qui sont en heure pleine heure creuse, et les derniers 30% ça va être soit des industries, soit le tarif tempo, qui sont plutôt des tarifs encore une fois saisonniers ou plus avancés en tout cas. Donc ça concerne quand même beaucoup de consommateurs finalement.

  • Nadia Maïzi

    Toi, tu parles de tarifs finalement assez classiquement établis. Est-ce qu'il y a d'autres façons d'inciter le consommateur à changer son mode de consommation ?

  • Clément Cabot

    Là, on vient de discuter des tarifs, donc c'est vraiment des incitations financières. C'est-à-dire qu'on va rémunérer les gens, en tout cas ils vont payer une électricité moins chère, pour décaler leurs usages. Maintenant, ce n'est pas la seule façon de gérer la variabilité ou de faire de la réponse à la demande. On a aussi des mécanismes où... le consommateur a juste à contractualiser avec un opérateur d'effacement ou un agrégateur, c'est le nom de ces acteurs-là, qui vont eux-mêmes gérer une partie des appareils électroménagers. Alors je vous rassure tout de suite, souvent c'est très minoritaire, on parle juste des radiateurs électriques où il va y avoir un petit compteur, par exemple, qui va pouvoir allumer ou éteindre le radiateur tout en conservant une bonne température de consigne. Et donc l'opérateur, l'agrégateur, va justement essayer de monétiser cette flexibilité. sur les marchés de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ça nécessite d'être équipé en ce qu'on appelle les fameux compteurs intelligents.

  • Clément Cabot

    Alors l'ensemble de, à la fois les tarifs dynamiques que ce genre de mécanisme, ça nécessite plutôt d'avoir des compteurs intelligents. Après, j'ai envie de dire, c'est pas forcément le cas. Tempo ou heure pleine, heure creuse, ça fait longtemps qu'on avait ça, mais ça nécessitait en tout cas une action de la part d'Enedis, par exemple, sur le compteur, ou un compteur différent.

  • Nadia Maïzi

    Je voudrais te demander si ces agrégateurs font bénéficier les consommateurs de prix négatifs qui parfois apparaissent sur le marché de l'électricité. Est-ce que déjà tu peux nous expliquer pourquoi il y a des prix négatifs et ensuite si oui ou non on en bénéficie ?

  • Clément Cabot

    Très bien, donc ça va être un point un peu technique sur les prix négatifs mais c'est vrai qu'au mois de mai 2024 par exemple, on a vu beaucoup de prix de l'électricité négatifs sur les marchés. Donc ça, ça veut dire que des acteurs étaient prêts à rémunérer des gens, consommer plus d'électricité. En pratique, c'est parce que ça va être des centrales thermiques, par exemple, qui sont obligées de tourner un certain nombre d'heures en continu, qui ne peuvent pas s'éteindre et qui veulent être en ligne. Donc on va générer de l'électricité, mais trop d'électricité par rapport à la demande. C'est dans ces situations qu'on peut avoir des prix négatifs. Le problème, c'est que nous, en tant que consommateurs, actuellement, on n'est pas capables d'en profiter. Parce qu'on a un prix fixe de l'électricité en euros par kWh. éventuellement des heures pleines, heures creuses, mais on est très loin d'avoir un tarif en temps réel. Donc là, ça voudrait dire qu'on aurait vraiment les prix tels que constatés sur les marchés. Il y a des pays qui le font d'ailleurs, on pourrait y revenir plus tard. Et donc, pour les consommateurs, ils n'en bénéficient pas et même dans les cas où un acteur, un agrégateur allait gérer, disons, leur radiateur électrique, en pratique, ils n'en bénéficient pas non plus. La principale promesse, c'est qu'ils vont baisser leur facture d'électricité parce qu'ils vont baisser leur consommation. Le radiateur va un peu moins consommer ou alors va consommer en heures creuses. Ça permet quand même des économies de 5 à 10 par exemple, mais actuellement on ne peut pas être rémunéré pour charger notre voiture électrique ou pour consommer de l'électricité.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça, ce sont les incitations dont tu nous disais qu'elles sont rémunérées pour le consommateur et il y a d'autres formes d'incitations qui sont mises en place ?

  • Clément Cabot

    C'est vrai qu'il y a des personnes qui aimeraient juste... participer, alors soit à l'équilibre offre-demande, mais de façon plus générale, de faire en sorte qu'ils consomment de l'électricité quand on ne repose pas sur des centrales qui émettent du gaz à effet de serre. Donc typiquement, s'il y a besoin d'allumer des centrales gaz ou charbon, se dire je vais peut-être consommer un peu moins d'électricité parce que ce n'est pas le bon moment Et pour faire ça, il y a RTE, on en a parlé juste avant, qui a mis en place des applications qui permettent d'avoir ce genre d'informations. Donc là, c'est vraiment plutôt des incitations informationnelles. On a deux applications, EcoWatt et Eco2Mix. La première permet de savoir quand il y a des tensions sur le réseau. La deuxième, de connaître en temps réel le mix de production électrique français. Et donc là, on pourrait tout à fait se dire, il y a beaucoup d'énergie renouvelable en ce moment, je vais aller lancer mon sèche-linge par exemple.

  • Nadia Maïzi

    Alors, est-ce que tu as pu évaluer l'efficacité de ces différentes incitations ? Toi, dans ton travail, qu'est-ce que tu en as tiré comme enseignement sur la modulation finalement de la consommation par rapport à cet enjeu d'énergie renouvelable ?

  • Clément Cabot

    Donc, je vais peut-être raisonner à deux échelles. La première échelle à ces micros, c'est que quand on regarde les projets pilotes qui justement étudient la réponse aux consommateurs aux incitations notamment tarifaires comme les heures pleines, heures creuses ou tempo, on se rend compte qu'il y a plutôt une bonne réponse. On arrive souvent à avoir 10% d'effacement de la part des consommateurs sur les tarifs même heures pleines, heures creuses. Et sur des tarifs plus comme tempo, on peut aller jusqu'à 40% d'effacement comme je le disais précédemment. Après, mon objectif de recherche, c'était de comprendre si les tarifs actuels arrivent encore à envoyer des signaux pertinents dans le futur, dans un mix où il y a beaucoup de variabilité. Parce qu'actuellement, c'est assez simple de se dire qu'on a beaucoup de centrales nucléaires, on essaye de lisser la consommation pour qu'elle soit le plus stable possible entre le jour et la nuit. Mais dans des mix où il y a beaucoup d'énergie renouvelable, en réalité, ça dépend des conditions du vent et du soleil, les moments de tension dans le réseau. Donc c'était vraiment... L'objectif, à la fois de comprendre si les tarifs existants sont efficaces, mais aussi s'ils sont efficaces dans le futur. Et ma principale conclusion, c'est que les tarifs à pleine heure creuse avec une alternance jour-nuit ne sont pas forcément pertinents dès qu'on a une part importante d'énergie, notamment solaire photovoltaïque. Et ça, c'est vrai également en France, parce que la France est interconnectée avec l'Allemagne, l'Espagne, qui ont beaucoup de capacités solaires photovoltaïques. Donc on va quand même avoir ce creux sur les prix, sur les heures autour de midi. Une petite anecdote par rapport à l'actualité qu'on met 2024, il y a justement Enedis et La Creux qui ont annoncé qu'ils allaient revoir leurs tarifs justement pour prendre en compte ces phénomènes. Donc La Creux, c'est la commission de régulation de l'énergie, c'est le régulateur en charge de s'assurer que tout se passe bien sur les marchés de l'électricité. C'est par exemple eux qui vont faire des appels d'offres pour construire des nouveaux parcs éoliens en mer, mais c'est aussi eux qui régulent les tarifs, donc qui élaborent les formules que EDF propose en tarifs régulés par exemple. ou peuvent inciter à faire des changements dans la façon dont on fait ces tarifs. C'est pour ça que c'est un acteur important quand on parle tarification. Par rapport à l'actualité, en mai 2024, il y a eu plusieurs articles à la fois dans la presse, mais aussi des communications par Enedis et La Creux, qui ont justement dit qu'une refonte allait être organisée pour prendre en compte le fait que les solaires photovoltaïques allaient potentiellement décaler les heures creuses au milieu de la journée. J'en suis très content personnellement, c'est vraiment quelque chose qui a été un enseignement fort. de mes travaux de recherche et c'est tout à fait aligné avec ce que vont faire les acteurs. Et en tout cas, ce que je montrais, c'est que cette problématique se pose en fait assez rapidement, dès 2025 et en tout cas pour sûr en 2030.

  • Nadia Maïzi

    Donc on a ce problème à midi, est-ce que tu peux détailler de quoi il retourne en fait ?

  • Clément Cabot

    On a un problème à midi, on n'a pas vraiment un problème déjà, on a plutôt une opportunité à saisir parce que l'électricité va être très peu chère sur les heures autour de midi, tout simplement parce qu'on va avoir le maximum de production de solaire photovoltaïque. et que le solaire photovoltaïque, dans le futur, ça va être une technologie très importante pour nos mix électriques, peut-être presque un tiers de notre production. Et donc vu que les panneaux solaires ne nécessitent pas d'acheter du pétrole ou du gaz pour fonctionner, ils sont gratuits à partir du moment où ils sont installés, le prix de l'électricité autour de midi, ça va être autour de 0€ du MWh. Donc ça serait très pertinent d'essayer de décaler un maximum d'usages autour de midi, à la fois pour payer moins cher l'électricité, mais aussi... pour émettre moins de gaz à effet de serre.

  • Nadia Maïzi

    Puisqu'on a parlé des consommateurs, j'imagine qu'il y a un aspect culturel. Et dans la question du réseau électrique européen, on est donc interconnectés entre différents pays. Tu as été amené à faire des comparaisons avec les différents pays européens de ce qui se passe en France. Et qu'est-ce que tu as pu en tirer comme informations ?

  • Clément Cabot

    J'essayais justement aussi de comprendre comment on faisait dans les autres pays, donc en Allemagne, aux États-Unis, en Espagne, en Italie, pour voir si ça pouvait nous donner des pistes aussi en France pour voir ce qu'on pouvait faire. Je pense que la première différence à souligner, c'est le fait que chaque pays a des besoins en électricité très différents. En Espagne, par exemple, ou en Italie, il va y avoir une tension assez importante par rapport à tout ce qui est climatisation, par exemple, qui va représenter beaucoup d'électricité. Là où en France, on va plutôt être intéressé par les radiateurs électriques pour chauffer l'hiver. On peut avoir des moments de pointe assez différents, finalement. Et pour gérer justement ces pointes, chaque pays a eu un peu sa propre boîte à outils. Et les tarifs ont fait partie de cette boîte à outils, mais pas dans tous les pays. Par exemple, l'Allemagne... qui n'a historiquement pas développé les compteurs intelligents. Il n'y a pas de Linky en Allemagne actuellement. C'est envisagé dans le futur, notamment pour les gros consommateurs, mais ce n'est pas encore déployé. Et donc, ils n'ont jamais pu déployer ces programmes de tarification dynamique, ou ces tarifs à pleine heure creuse, par exemple. Donc ça, c'est un choix politique, ça dépend aussi de la culture, ça dépend aussi des ressources locales. L'Allemagne a eu stéréotiquement beaucoup de centrales thermiques flexibles, comme le charbon. La Linit ou maintenant les centrales à gaz, donc peut-être qu'ils se disaient qu'ils pouvaient s'en passer finalement de cette réponse à la demande. Par contre, des pays comme l'Espagne ou l'Italie, eux, ils ont été assez optimistes sur la réponse à la demande, assez volontaires en tout cas. Parce qu'on a l'Espagne qui a imposé aux consommateurs résidentiels justement d'être tarifés en temps réel, c'est-à-dire que l'électricité va être vraiment au prix de marché pour tous les petits consommateurs. Et donc à ce moment-là, ça serait intéressant de décaler les usages. Après, on a évidemment un problème de communication, parce qu'on a presque 50% des personnes en Espagne qui ne savent pas qu'ils sont sur une tarification en temps réel. Et à partir du moment où on n'a pas l'information, on ne peut pas espérer des changements de comportement ou de prise en compte de cette information-là. C'est d'ailleurs un des autres messages de ma thèse. C'est extrêmement important de communiquer à partir du moment où on s'engage dans une démarche de réponse à la demande. Parce que ça dépend in fine du comportement des consommateurs. On a le même cas un peu en Italie. Ils étaient aussi assez optimistes, assez volontaires. Et ils ont typiquement déployé les tarifs heure pleine, heure creuse pour, encore une fois, le segment résidentiel. C'est presque 25 millions de personnes. Donc c'est quand même vraiment significatif. Et encore une fois... les effets sont un peu mitigés parce qu'on n'a pas forcément des réponses à la hauteur de ce qu'on espérait. Je vais peut-être faire un tout petit point rapide sur pourquoi. Pourquoi on n'a pas l'effet espéré ? Il peut y avoir deux éléments.

  • Nadia Maïzi

    Tu parles de l'Italie spécifiquement ou tu parles...

  • Clément Cabot

    Je parle en fonction... plutôt généralement.

  • Nadia Maïzi

    En général.

  • Clément Cabot

    En général.

  • Nadia Maïzi

    La raison pour laquelle ces tarifs ne...

  • Clément Cabot

    Ne marchent pas.

  • Nadia Maïzi

    Ne marchent pas si bien que ce qu'on espérait.

  • Clément Cabot

    Exactement. Il y a différentes raisons. Je pense que, encore une fois, je l'ai dit, la communication est centrale. Et en fait, pour avoir une bonne réponse à la demande, c'est mieux si on prévient vraiment les consommateurs qu'il va y avoir un jour particulier, par exemple, ou des heures particulières. Donc ça, avec Tempo, typiquement, on reçoit à la fois des e-mails, des SMS, pour nous informer que dans un ou deux jours, il va y avoir un jour rouge, et qu'il faut donc s'organiser un petit peu en fonction. Donc ça, c'est le premier point. Plus on a d'informations, plus on réagit. Le deuxième point, évidemment, c'est que tout le monde n'est pas à même de réagir. Il y a des personnes qui n'ont pas de flexibilité, qui ont besoin de cuisiner à 19h parce qu'elles ont des enfants par exemple. Évidemment, là on ne va pas s'attendre à avoir un gros gisement de flexibilité. Et justement, quand on déploie à grande échelle des tarifs heure pleine heure creuse, c'est plutôt important pour avoir une bonne acceptation de la part de la population de protéger les petits consommateurs qui risquent d'être négativement affectés. C'est le deuxième point. Le troisième point, c'est que l'intensité de la réponse va dépendre aussi de l'intensité du signal. Je m'explique, si on a une électricité qui devient 10% plus chère, c'est beaucoup, mais ce n'est pas non plus énormément pour réagir très fortement. Ce n'est pas le cas, par exemple, pour le tarif tempo, où l'électricité va être trois fois plus chère. Donc là, on veut vraiment répondre, parce que sinon, on va y avoir un impact assez fort sur notre facture d'électricité. Et je pense que ce niveau, justement, entre intensité, ce qu'on appelle de gap entre heure pleine, heure creuse, et... L'acceptation par la population, c'est quelque chose qui doit se jouer assez finement, mais je pense que c'est important dans le futur de se poser la question du bon niveau des incitations à envoyer pour avoir le plus de personnes concernées éventuellement, mais que la réponse soit aussi suffisamment forte par rapport à nos objectifs.

  • Nadia Maïzi

    Et finalement, les différences que tu as pu relever entre les pays que tu as étudiés ne viennent pas vraiment d'une position par rapport aux enjeux de climat ? mais relève plus directement de l'efficacité des tarifs mis en place et la réception, la communication autour de ces tarifs par rapport au consommateur final. C'est ça que j'entends.

  • Clément Cabot

    Historiquement, c'est vrai que c'était vraiment une problématique réseau, équilibre offre-demande, donc vraiment plutôt d'efficacité économique si on veut même. Par contre, dans le futur, il va vraiment y avoir un peu un alignement des planètes, c'est-à-dire que ça va être à la fois important pour le réseau, parce qu'on a plus en plus d'énergie renouvelable et donc variable. Mais c'est en plus, d'autant plus important, qu'on va essayer de se passer au maximum des centrales thermiques polluantes. Et donc, à ce titre-là, décaler les usages au moment où l'électricité est peu chère, c'est aussi décaler les usages au moment où l'électricité est décarbonée. Donc, c'est vraiment sur les deux tableaux que ça présente un intérêt.

  • Nadia Maïzi

    Donc, sur les recommandations, sur le court terme, tu fais remarquer qu'il y a un alignement avec des décisions qui viennent d'être prises. Tu as mentionné la Creux et Enedis. Au-delà, est-ce que tu as d'autres recommandations qui sont issues de tes réflexions et de ton analyse ? Donc j'en ai un peu discuté. Déjà je pense qu'on est tous un peu perdus par rapport aux tarifs de l'électricité. A savoir qu'il y a beaucoup d'acteurs sur le marché, sur la fourniture d'électricité. Donc là on peut penser à EDF, Engie, Total Energy et des plus petits acteurs comme Octopus Energy qui sont aussi assez innovants. Et le problème c'est que le consommateur est assez perdu en fait par rapport au nombre d'offres qu'on peut avoir. Chacune a un nom un peu différent, des spécificités différentes. Je pense que ça serait intéressant d'engager une réflexion pour simplifier tout ça, à savoir proposer un tarif fixe, un tarif à pleine heure creuse, et des tarifs évolués comme Tempo, mais que ça soit des gammes peut-être un tout petit peu plus structurées qu'actuellement, ou en tout cas que le consommateur soit à même de faire un choix éclairé sur la façon dont il souhaite avoir de l'électricité. Ça c'est important, d'autant plus qu'on va avoir de plus en plus de véhicules électriques qu'on va potentiellement charger à la maison, et donc le prix de l'électricité pour charger son véhicule. C'est aussi quelque chose qui est une opportunité pour pousser des tarifs plus dynamiques. Parce qu'en fait, on a déjà l'habitude avec notre voiture que le prix évolue en fonction des stations essence notamment. Donc on aurait à peu près la même logique avec un prix qui évolue en fonction de l'heure de la journée pour l'électricité. Donc première recommandation, c'est évidemment la simplification. La deuxième recommandation, je l'ai dit, c'est d'aligner les tarifs plutôt dans le court terme, en tout cas de préparer les consommateurs à changer un peu leur consommation, l'heure de leur consommation. pour s'aligner avec les heures de production solaire notamment, et communiquer aussi plus largement sur Tempo, qui présente à la fois des gains pour les consommateurs, l'électricité est relativement moins chère, pour peu qu'ils participent un peu à l'équilibre sur les 22 jours rouges. Les dernières recommandations, c'est plutôt des points techniques, parce qu'actuellement, nos marchés de l'électricité n'ont pas les produits nécessaires pour pouvoir mettre en place ce type d'offres pour tous les fournisseurs d'électricité. Et il y a... Aussi, un point d'attention, et ça je m'adresse un peu plus largement à tous les acteurs concernés, j'aimerais juste souligner le fait qu'il n'y a jamais une seule dimension dans le secteur de l'électricité. On a évoqué la dimension de l'équilibre offre-demande, mais il y a une deuxième dimension qui est justement liée au réseau électrique. On va beaucoup s'électrifier, ça veut dire qu'il va falloir renforcer nos lignes sur le réseau de distribution, vraiment les lignes électriques, parce qu'actuellement on n'est pas forcément capable de répondre à la demande si tout le monde se charge en même moment. au même endroit. Et donc on aimerait aussi éventuellement essayer d'abaisser ce besoin de renforcer nos réseaux électriques. Et pour ça, on essaye de mettre en place des tarifs dynamiques justement aussi sur cette dimension réseau et qui serait différente que la dimension équilibre offre-demande. Et donc la bonne balance entre ces deux signaux à envoyer aux consommateurs, le moment où on peut consommer parce que nos réseaux ne sont pas en tension et le moment où consommer parce qu'on a beaucoup d'énergie renouvelable, ça ne va pas forcément. être le même signal et il faut essayer de trouver la bonne recette de cuisine pour être sûr qu'on adresse les deux problèmes en même temps, idéalement avec la même solution.

  • Clément Cabot

    Il va falloir trouver un compromis entre deux logiques qui sont complètement différentes et qui fera que finalement, il faudra consommer plus ou moins tout au long de la journée, se répartir les charges entre les différents usages.

  • Nadia Maïzi

    entre les différents usages.

  • Clément Cabot

    On pourrait imaginer qu'il n'y ait pas que les consommateurs particuliers qui participent à ce foisonnement de la consommation et que les consommateurs industriels permettent de limiter la tension sur les tuyaux et le réseau lui-même.

  • Nadia Maïzi

    C'est très bien résumé. Merci Clément pour cet éclairage sur les enjeux de la participation des consommateurs à finalement réguler l'équilibre offre-demande afin de permettre une plus grande pénétration des énergies renouvelables. Ça me renvoie à des demandes qui arrivent assez régulièrement qui sont, eh bien moi, au niveau individuel, qu'est-ce que je pourrais faire pour... être aligné par rapport à cette question de climat. Donc je trouve que tes conclusions sur les enjeux de communication et le fait qu'on fasse comprendre aux gens qu'appuyer sur un interrupteur peut avoir des conséquences très importantes sont absolument fondamentales et je pense que c'est un message qui mérite vraiment d'être entendu. Merci beaucoup Nadia, c'était un vrai plaisir. Je suis vraiment heureux d'avoir pu échanger sur ces sujets et si j'avais un message, c'était effectivement améliorer la communication pour qu'on embarque le plus de gens possible dans cette transition énergétique. C'était Planète en transition. Un podcast de l'Institut TTI.5

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