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Planète en transition

L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité

L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité

33min |24/10/2024
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L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité

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33min |24/10/2024
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Description

Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politiques publiques classiques ont engendré plusieurs mouvements de contestation :  les gilets jaunes, la crise des agriculteurs. L’acteur public désireux d’atteindre ses objectifs d’atténuation a opté pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l’action climatique, c’est-à-dire sans garantir de justice sociale.  


Mais comment assurer que l’action climatique soit la plus équitable possible ?  

Dans cet épisode du podcast « Planète en transition », nous vous proposons d’explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime dite la règle des avaries communes. 


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Charlotte Demonsant, doctorante au centre de gestion scientifique de Mines Paris – PSL.


Pour approfondir : 

  • Demonsant, C. (2023). L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l’équité : Étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique (Doctoral dissertation, Université Paris sciences et lettres). https://pastel.hal.science/tel-04318240 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2023). Le changement climatique comme péril commun. Réconcilier action climatique et justice sociale. 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2021). De la ressource commune au péril commun: Repenser nos modèles de l’action climatique. Revue de l’organisation responsable, 16(3), 57-67. https://minesparis-psl.hal.science/hal-03630940/document 


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Charlotte Demonsant

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5.

  • Nadia Maïzi

    Dans son dernier rapport d'évaluation, le GIEC estime qu'il existe des options disponibles dans tous les secteurs permettant de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre mondiales à l'horizon 2030. Il s'agit alors de trouver les mesures, les incitations, les subventions permettant de décliner ces solutions et de les faire adopter à l'échelle individuelle ou dans différentes catégories socio-professionnelles. Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politique publique classique ont engendré plusieurs mouvements de contestation. Les Gilets jaunes La crise des agriculteurs, l'acteur public désireux d'atteindre ses objectifs d'atténuation, a opté dans ces cas pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l'action climatique, c'est-à-dire sans garantir de justice sociale. Mais comment assurer que l'action climatique soit la plus équitable possible ? Dans ce podcast, Planète en transition, nous vous proposons d'explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier, nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime, dite la règle des avaries communes, aujourd'hui avec...

  • Charlotte Demonsant

    Charlotte Demonsant, docteure en sciences de gestion de l'École des mines de Paris. J'ai soutenu ma thèse en septembre 2023, qui s'intitulait L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Charlotte, beaucoup de mots un peu compliqués pour nous dans le titre de ta thèse. Est-ce que tu peux nous reformuler finalement le sujet sur lequel tu as travaillé ?

  • Charlotte Demonsant

    Bien sûr ! Bonjour Nadia, je me suis intéressée au fait que les politiques climatiques aujourd'hui, elles sont confrontées à des enjeux d'équité. C'est-à-dire que la plupart des mesures qu'on met en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, comme les taxes carbone ou les réglementations, elles sont confrontées à des problématiques sociales. Un exemple parlant, c'est la crise des Gilets jaunes, par exemple, en 2019.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler le contexte, en fait ? Qu'est-ce qui avait été proposé par le gouvernement ? Et pourquoi ces réactions ont été suscitées de la part, justement, des Gilets jaunes ?

  • Charlotte Demonsant

    Fin 2018, le gouvernement a voulu augmenter l'éco-taxe carbone. C'est une taxe qui est ajoutée au prix de vente du carburant. Sauf que face à cette augmentation, il y a une partie de la population qui s'est révoltée parce qu'ils n'avaient pas forcément les moyens d'éponger cette hausse de la taxe.

  • Nadia Maïzi

    Et cette population avait-elle les moyens de contourner l'usage du carburant dont elle dépendait ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça la question des enjeux d'équité qui sont soulevés, c'est qu'à la fois les personnes ne peuvent pas payer le montant de la taxe, mais pas forcément non plus accéder à des alternatives, par exemple s'acheter un véhicule électrique ou changer de mode de transport en fonction d'où ils habitent et de leurs moyens, ce qui fait que la taxe est une mesure assez inéquitable.

  • Nadia Maïzi

    Alors dans ton travail de thèse, est-ce que tu as eu une étude systématique de ces mesures ? mise en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, je crois que toi tu appelles ça l'atténuation, qui t'a permis de te référer à une théorie, une approche conceptuelle particulière.

  • Charlotte Demonsant

    Ce que j'ai fait pour accéder à ces logiques-là, je me suis intéressée historiquement à comment a été construite la problématique de l'atténuation du changement climatique. Pour ça, je suis allée regarder les rapports du groupe 3 du GIEC, qui est le groupe spécialisé dans les stratégies d'atténuation du changement climatique. Et donc j'ai décortiqué ces rapports pour comprendre quelle était la logique, la manière de regarder le problème qui avait été élaboré au fil des rapports, donc entre 1990 et 2022.

  • Nadia Maïzi

    Et est-ce que tu as découvert quelque part la clé de cette construction de ces mesures ?

  • Charlotte Demonsant

    Alors ce que j'ai pu voir dans l'analyse des rapports, c'est que déjà premièrement, les catégories d'instruments, elles sont bien stables. C'est-à-dire que depuis le premier rapport de 1990 jusqu'au dernier même de 2022, dans la partie politique nationale, les grandes catégories d'instruments sont bien les réglementations, les mécanismes de taxation et de marché. Donc il y a une stabilité de ces grandes catégories-là. Mais j'ai aussi pu constater qu'en 2014, il y avait un cadre qui avait été posé pour l'atténuation du changement climatique. Ce cadre, c'est le collective action problem problème d'action collective en français, qui provient d'une théorie anglo-saxonne de l'action collective, et qui modélise l'atténuation climatique comme un problème d'une somme d'actions individuelles qui émet trop, et donc causant le changement climatique, et les instruments conçus pour répondre. à ce problème-là vise à modifier des comportements individuels problématiques, donc à les inciter ou à les contraindre par des réglementations. J'ai aussi pu voir que c'était un cadre qui était récemment remis en question, notamment dans le dernier rapport, justement pour des questions d'équité, ce qui encourage un petit peu le questionnement de ma thèse.

  • Nadia Maïzi

    Quelque part, on analyse le fait que des émissions proviennent de comportements individuels. et qu'on imagine qu'on va réussir en quelque sorte à inverser ou à annuler en tout cas ces émissions grâce à l'effet d'une taxe, d'une contrainte, d'une politique de quelque type qu'il soit. Sauf qu'en fait, on ne maîtrise pas vraiment les comportements individuels.

  • Charlotte Demonsant

    C'est difficile à maîtriser, mais il y a aussi un autre enjeu. Quand on cherche à agir sur un comportement individuel, on joue à la fois sur les émissions que les personnes mettent, mais on joue aussi sur les valeurs. qui sont issus de ces émissions, donc ça peut être des usages ou des richesses. Et chaque acteur, que ce soit une entreprise ou un citoyen ou un individu, il a une relation différente entre ces émissions et les valeurs qui sont produites. Par exemple, une émission, elle peut servir à se déplacer pour quelqu'un qui habite à la campagne, et c'est quelque chose de primordial de préserver ce déplacement. L'idée fondamentale, c'est qu'une émission, elle n'a pas la même valeur pour tout le monde. Le coût de réduction d'une émission, il n'est pas le même pour tous. Il n'implique pas les mêmes... transformation.

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, c'est le principe du pollueur-payeur qui est quelque part remis en question.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, c'est ça. L'idée de modifier des comportements et donc d'assigner le coût de la réduction à celui qu'on a choisi comme étant un pollueur. Par exemple, quand on met une taxe carbone, on choisit les automobilistes comme les pollueurs responsables. Pourtant, il y a beaucoup d'autres pollutions et donc au niveau individuel, chaque personne est dépendante de sa propre relation entre les émissions et la valeur que ces émissions lui procurent. que ce soit en termes de richesse, de revenus ou d'usage.

  • Nadia Maïzi

    Donc on comprend là que tu soulèves cette question du dilemme entre l'efficacité d'une mesure mise en place par rapport à la question vraiment des émissions de gaz à effet de serre et le fait que cette mesure peut être complètement inéquitable.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça, c'est qu'en jouant sur les comportements individuels, on modifie à la fois la manière dont les émissions sont réparties entre les différents acteurs. mais aussi la manière dont les richesses et les valeurs sont réparties entre ces différents acteurs également. Donc on modifie simultanément la répartition des émissions et la distribution des richesses au sein de la société.

  • Nadia Maïzi

    Alors, ça t'a amené à penser une autre conception de mesure par rapport à cette question de l'atténuation ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a une autre hypothèse qui a été d'étudier une règle de droit maritime très ancienne qui est étudiée depuis longtemps dans le laboratoire dans lequel j'ai effectué ma thèse, le centre de gestion scientifique de l'école des mines. C'est une règle qui est assez surprenante, qui s'appelle la règle des avaries communes. Cette règle existe depuis plus de 2500 ans. Elle a émergé de manière indépendante à plusieurs endroits du monde. On la retrouve en Chine dans la navigation fluviale, mais aussi dans le droit romain ou dans la Grèce antique. Et ce qui est intéressant, c'est qu'elle est reconnue depuis toutes ces années pour son principe d'équité. Et elle est toujours en vigueur aujourd'hui dans le domaine du droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est quoi la règle ? C'est exactement ce que j'étais en train de me dire. Donc cette règle, elle dit que lorsqu'un bateau fait face à un péril en mer, le capitaine peut sacrifier des marchandises ou effectuer des dépenses extraordinaires pour sauver l'expédition. Et que l'ensemble des pertes... ou des dépenses du sauvetage seront réparties entre tous les intéressés à l'expédition, donc les marchands, l'armateur, le capitaine lui-même, au prorata des intérêts qu'il y avait en jeu, c'est-à-dire des richesses qu'il y avait à sauver par ce geste.

  • Nadia Maïzi

    Donc c'est le capitaine qui prend l'initiative de mettre en place une action de sauvetage, parce que tout le monde fait face à un péril partagé finalement, et on va sauver certaines marchandises, et le coût de ce sauvetage sera équiléparti entre tous les propriétaires de biens.

  • Charlotte Demonsant

    Tous ceux qui avaient quelque chose à sauver.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, ce que tu as mis en évidence, c'est l'idée que tout le monde est d'accord sur... Le fait que le péril est commun.

  • Charlotte Demonsant

    Ce qui m'a intéressée dans cette règle, c'est de modéliser sur quels fondements, sur quelle manière de regarder la situation elle se basait pour comparer par rapport à la manière dont regarde l'atténuation du changement climatique aujourd'hui. Et ce qu'on voit, c'est que la règle au prorata des richesses sauvées, elle rend compte d'une interdépendance bien particulière entre tous ces acteurs-là. C'est que le sacrifice de l'un, l'action de l'un, elle permet de sauver tous les autres. Et c'est ce qui justifie la règle de répartition. C'est parce que... l'un a sacrifié, que j'ai pu sauver mes richesses à moi, mes marchandises à moi ou mon bateau, qu'il a pu arriver à bon port.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un cadre avec des éléments contraignants, finalement, pour se retrouver dans cette situation ?

  • Charlotte Demonsant

    Oui, et l'avarie commune, elle ne s'applique pas tout le temps sur n'importe quelle expédition. Il y a un certain nombre de conditions qui sont à respecter. Notamment, la première, c'est l'existence d'un péril commun. Le péril commun, il n'a pas besoin d'être imminent, il a juste besoin d'exister. Donc ça peut être une tempête extérieure au bateau, mais ça peut aussi être la faute d'un marchand. Par exemple, si un marchand a mal emballé une marchandise inflammable et que ça provoque un incendie sur le bateau, s'il y a besoin de faire une action volontaire, par exemple d'éteindre ou de jeter des marchandises enflammées pour sauver l'expédition, ce sera toujours éligible en avarie commune. Par contre, le fait que ce soit la faute d'un individu sera géré légalement par le droit.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça c'est le premier point. Il faut reconnaître tous ensemble qu'il peut y avoir un... péril commun.

  • Charlotte Demonsant

    À l'époque où les marchands se déplaçaient avec leurs propres marchandises sur les bateaux, on retrouve des traces où le capitaine disait, cher marchand, nous faisons face à un péril, nous devons faire appel à l'avarie commune. Aujourd'hui, ça a beaucoup changé, les marchands ne se déplacent plus avec leurs marchandises, donc le capitaine est responsable de l'expédition, donc s'il y a un péril, c'est lui qui va prendre cette décision-là. La deuxième condition qui découle de ça, c'est que l'action doit être volontaire. Il faut que le sacrifice soit effectué et que pour sauver. Par exemple, il y a une différence fondamentale entre ce qu'on appelle une avarie commune, donc c'est les pertes qui sont mises en commun, et une avarie particulière. Une avarie particulière, c'est par exemple si une marchandise tombe toute seule du bateau ou qu'elle est périmée. Donc là, ce n'est pas lié à une action volontaire de sauvetage et donc ça ne rentre pas dans les pertes communes. Ces deux types d'avaries sont bien différenciés dans le droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Il y a une nuance très claire. Et ensuite, il y a bien sûr l'idée qu'il y a cette action qui est prise pour le sauvetage.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, l'action volontaire, elle doit aussi avoir un résultat utile, c'est-à-dire que la règle des avaries communes, elle s'applique à l'arrivée de l'expédition. Une fois que le bateau est arrivé, on peut évaluer à la fois les pertes, mais aussi les richesses sauvées, pour répartir la contribution entre toutes les parties prenantes de l'expédition.

  • Nadia Maïzi

    Donc on est dans une règle commune, et on voit bien qu'il y a un changement de point de vue complet par rapport à ce que tu nous décrivais au départ sur cette... adressage individuel pour essayer de répondre à cet enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comment tu vas décliner cette idée du droit maritime à notre contexte du changement climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a en fait une différence dans la manière dont on regarde aujourd'hui l'atténuation climatique. On a des acteurs individuels qui produisent des richesses, ces productions de richesses génèrent des émissions, et la somme de ces émissions pose un problème collectif. Donc on va chercher à modifier des comportements individuels. Dans le cas des avaries communes, on a toujours des acteurs qui transportent des marchandises et qui cherchent une valorisation de leurs richesses, mais on a un événement qui est un péril commun qui met en danger l'ensemble de ces richesses. Et donc là, on a une manière de voir la règle des avaries communes qui rend compte que l'action de l'un permet de sauver les autres. La règle d'équité, donc au prorata des richesses sauvées, elle a pour fonction de libérer la possibilité pour le capitaine de jeter au moment du péril. Et cette règle, elle fait l'objet d'un accord international, d'une norme internationale. qui s'appelle les règles Dior-Cayden-Vert depuis le XIXe siècle, qui décrivent les conditions dans lesquelles les dépenses peuvent être acceptées ou non en avaries communes.

  • Nadia Maïzi

    Donc une déclinaison dans le contexte du changement climatique, ça serait quoi ?

  • Charlotte Demonsant

    Par rapport au changement climatique, ce serait dans un premier temps, est-ce qu'on peut caractériser le changement climatique de péril commun ? A priori, il y a plutôt un consensus scientifique aujourd'hui sur le fait que le changement climatique va... Produire des pertes à la fois économiques phénoménales, mais aussi mettre des vies en danger, qui sont les conditions qui correspondent à la description de ce qu'on pourrait caractériser d'un péril commun. Il y a aussi un ensemble d'actions de sauvetage qui ont été aujourd'hui identifiées. On peut par exemple citer les scénarios du GIEC qui décrivent un ensemble d'actions qui pourraient permettre de maintenir les émissions sous un seuil permettant de rester à un réchauffement de 1,5°C par exemple. Donc on a ces actions qui sont des actions de sauvetage.

  • Nadia Maïzi

    Qui est le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Qui est le capitaine ? L'idée n'est pas de proposer une solution clé en main des avaries communes, mais plutôt de... d'explorer les conditions dans lesquelles, par exemple, pourrait se constituer un capitaine, qui sont aujourd'hui les acteurs qui ont l'expertise pour déterminer ses actions, qui sont des acteurs qui pourraient avoir une forme d'autorité, mais ça pourrait aussi être quelque chose de co-construit. Toutes ces questions sont encore largement ouvertes. C'est plutôt ce que j'ai essayé d'amener dans la thèse, c'est qu'en regardant la situation autrement, on peut en fait essayer de sortir de l'impasse actuelle, qui est que les instruments sont confrontés à des problématiques d'équité. Comment est-ce qu'on pourrait concevoir de nouvelles formes d'instruments en regardant autrement la situation ?

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, on revient à cette idée de changer de point de vue et de considérer le changement climatique comme réellement un péril commun et non pas comme une... avaries qui arriveraient à certains et pas à d'autres et qui seraient donc à prendre en compte dans certains endroits. Mais je crois que tu as développé dans ta thèse des exemples dans lesquels tu as essayé de décliner cette proposition et qui t'ont permis de critiquer ce qui pouvait se faire entre actions individuelles versus point de vue de l'avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, alors dans ma thèse, j'ai étudié le cas de la pollution de l'air et notamment le dispositif des zones à faible émission. Donc c'est un dispositif qui repose aussi sur le pollueur-payeur, dans le sens où il vise à interdire la circulation des véhicules les plus polluants et que ce sont ceux qui possèdent les véhicules polluants qui doivent porter le coup du changement de leur mobilité.

  • Nadia Maïzi

    Donc juste, tu peux nous rappeler les zones à faible émission ? Ce sont donc des régions, des parties de villes ?

  • Charlotte Demonsant

    Les zones à faible émission, c'est une politique nationale qui est dans la loi climat depuis 2021 et qui s'applique localement, donc au niveau souvent des métropoles, et qui vise en fait à déterminer une zone dans laquelle on va interdire des véhicules en fonction de leurs normes d'émission. On appelle les vignettes critères.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Donc, tu disais, on est dans un principe de pollueur-payeur.

  • Charlotte Demonsant

    On est dans un principe de pollueur-payeur et on est face à un dilemme entre équité et efficacité qui est assez évident, puisque l'efficacité de la mesure repose sur l'interdiction du maximum de véhicules polluants, mais que d'un autre côté, il y a des différences sociales importantes entre les différents acteurs. Par exemple, certains peuvent ne pas avoir d'alternative ou ne pas avoir les moyens de changer de véhicule. Et donc, une des solutions, c'est par exemple la dérogation qui va, pour des raisons d'équité, laisser certains véhicules en circulation, mais on voit bien comment ça va directement à l'encontre de l'efficacité de la réduction des émissions.

  • Nadia Maïzi

    Avec la complexité de définir qui peut bénéficier de la dérogation, et le risque à la fin que tout le monde ait une dérogation. Et que finalement, on n'ait plus du tout, effectivement, de réduction des émissions globalement.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça. Enfin, c'est un résumé un petit peu caricatural de la situation, parce que localement, les collectivités mettent énormément d'autres actions en place, qu'on est d'ailleurs en train d'étudier, pour voir comment est-ce qu'ils se saisissent de la complexité, justement, de la mise en œuvre d'un tel dispositif. Mais dans la logique de conception, en fait, des zones à faible émission, on est bien dans ce dilemme-là. Et donc, un des premiers tests qu'on a fait dans la thèse, avec des simulations notamment, ça a été de regarder la situation. est-ce que la pollution de l'air en ville peut être considérée comme un péril commun ? A priori, il y a de nombreux rapports de l'Organisation mondiale de la santé qui rendent compte du nombre de morts, de maladies cardiovasculaires ou respiratoires dont est responsable la pollution de l'air en ville. Et donc si on regarde la pollution de l'air comme un péril commun, on voit aussi qu'il y a un ensemble d'actions possibles. Donc par exemple, on identifie les sources d'émissions qui sont les oxydes d'azote, les particules fines. qui proviennent par exemple du diesel, mais aussi du chauffage au bois dans les logements ou de l'industrie. Donc on peut identifier un ensemble d'actions, ou en tout cas de biens, d'objets, qu'il faudrait arrêter d'utiliser pour réduire la pollution de l'air en ville. Donc voilà.

  • Nadia Maïzi

    Donc la déclinaison de la règle de la varie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on caractérise le péril de la pollution de l'air, on peut aussi se demander qui est la communauté de péril, c'est-à-dire qui sont les acteurs à risque face à ce péril. Et donc là, on retrouve tous les usagers de la zone. C'est-à-dire que même une exposition de 24 heures peut avoir des impacts sur la santé. Donc on peut retrouver les touristes, mais aussi les habitants qui n'ont pas forcément de voiture. Donc tous les usagers de la zone sont concernés par ce péril. Et quand on regarde ce que fait une zone à faible émission, dans sa version la plus simplifiée, Elle fait porter l'effort du sauvetage de tous les usagers de la zone seulement sur les automobilistes, mais sans règle de répartition des efforts.

  • Nadia Maïzi

    Avec, comme tu le disais, un problème peut-être économique qui concerne ces automobilistes puisqu'ils ne peuvent pas forcément changer de mode de transport ou basculer sur un autre type de mobilité. Là, on est vraiment clairement dans ce cas d'inéquité. et d'injustice que tu décrivais au départ.

  • Charlotte Demonsant

    Oui.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, quelle est la solution que tu prônes ou l'intérêt de la varie commune dans ce contexte ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ce qu'on est en train d'explorer, de voir dans quelle mesure ça pourrait aider à concevoir des modalités de répartition de cet effort. Ça soulève de nombreuses questions. Qu'est-ce qui fait richesse sauvée, par exemple, dans une ville ? Dans les simulations que j'ai conduites dans ma thèse, qui sont très simples, Pour l'instant, l'idée, ça a été de dire que si, par exemple, une ville devient inhabitable, l'ensemble des logements qui sont dans cette ville, de leurs valeurs vont être perdus. Si on raisonne en richesse sauvée, les habitants, même s'ils n'ont pas de voiture, ils ont beaucoup à perdre de la non-gestion de ce péril. Donc ma thèse, elle aboutit à un cadre méthodologique et à un plan d'expérimentation pour justement voir à la fois comment est-ce qu'on peut identifier les différents critères, les différentes conditions de la varie commune, les tester, voir ce que ça donne. sur un cas concret. Par exemple, qu'est-ce qui fait richesse sauvée en ville ? Les logements peuvent être perdus, mais est-ce que c'est les seules richesses à sauver qui sont considérées ? Pour ensuite étudier quelles seraient les modalités d'application d'une logique différente du pollueur-payeur pour les instruments.

  • Nadia Maïzi

    Cette logique différente, ça serait de mettre en place un sauvetage. Et quelque part, ce sauvetage, on répartirait les efforts sur tout le monde.

  • Charlotte Demonsant

    Sur l'ensemble de la communauté de Péril.

  • Nadia Maïzi

    Ça pourrait être, par exemple, construire de nouvelles infrastructures pour la mobilité ?

  • Charlotte Demonsant

    Si on pousse l'avarie commune, il peut y avoir des dépenses et des sacrifices. Par exemple, il peut être nécessaire d'abandonner un certain nombre de véhicules, mais la proposition de mobilité alternative peut apparaître comme des dépenses extraordinaires pour réduire la pollution de l'air. C'est aussi à étudier les modalités selon lesquelles certaines actions peuvent faire l'objet d'une avarie commune et d'autres non. Et quelles seraient les conditions de contribution ?

  • Nadia Maïzi

    En fait, avarie commune, ça renvoie pour moi à péril commun, à bien commun. Est-ce que tu peux clarifier ces expressions pour nous ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on peut voir avec le péril commun, c'est que c'est en fait différent d'un bien commun, dans le sens où le bien commun, c'est une approche qui va par exemple être utilisée dans le cadre du problème d'action collective classique. Donc l'idée est que les différents acteurs vont produire ensemble Un bien commun qui pourrait leur être bénéficiaire, mais qui risque d'y avoir des passagers clandestins, donc ceux par exemple qui ne vont pas payer pour le bien commun, mais quand même profiter de ses effets. Le péril commun, il est un peu différent parce que dans le cas d'un bien commun, si on ne fabrique pas le bien commun, la situation n'est pas meilleure, mais elle reste telle qu'elle est. Alors que dans le cas du péril commun, il y a vraiment cette notion de si on ne gère pas le péril commun, l'ensemble des richesses risquent d'être détruites. Le fait de ne pas fabriquer un bien commun n'est pas forcément un péril commun.

  • Nadia Maïzi

    Par contre, la difficulté, c'est qu'il y ait un consensus pour qu'on identifie le péril comme étant commun. C'est un peu le problème qu'on a avec la question du changement climatique. Parce que, comme tu le dis, les scientifiques sont avertis ou essayent d'expliquer quelles peuvent être les conséquences qui constituent un péril commun. Mais encore faut-il que la prise de conscience soit suffisante pour que ce péril commun soit bien identifié par tous.

  • Charlotte Demonsant

    Je ne suis pas sûre qu'il y ait besoin que tout le monde soit, par exemple, conscient du fait qu'il y a un péril. Il y a aussi cette idée que la logique qui peut être véhiculée par les instruments de politique publique peut modifier la manière dont on va agir collectivement. Aujourd'hui, la logique du pollueur-payeur, elle pousse plutôt à des actions individuelles et compétitives entre les acteurs pour... Trouver des alternatives, alors que dessiner des schémas de solidarité face à un péril commun peut davantage produire des effets de collaboration entre les différents acteurs qui peuvent amener à encourager des alternatives collectives qui peuvent être plus efficaces. Plus efficace. Du coup, dans les simulations que j'ai faites sur les zones à faible émission, on voit plusieurs effets que pourrait avoir la règle, notamment le fait que la contribution au prorata des richesses sauvées, elle permet la fabrication d'un intérêt commun entre les différents acteurs, puisque le taux d'avarie, qui correspond à l'ensemble des pertes sur l'ensemble des richesses sauvées, est appliqué de la même manière à tout le monde. Donc tout le monde va avoir intérêt à minimiser le coût du sacrifice pour sauver.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux... nous expliquer ce que c'est que le taux d'avarie et à quoi il va servir ?

  • Charlotte Demonsant

    L'avarie commune, en fait, si on résume les différentes étapes du dispositif, donc il y a le bateau qui va faire face à un péril en mer, le capitaine qui va sacrifier des marchandises, donc par exemple, s'il y a deux marchands, un marchand de plomb et un marchand de blé, et qu'il faut délester le bateau de la moitié de son poids, il va être peut-être plus logique de jeter le plomb, qui va être plus lourd, mais par contre, ça aura voulu dire... qu'il y a un des marchands qui aura porté tout seul le sacrifice pour sauver l'ensemble des marchandises, donc le blé y compris. Donc à l'arrivée de l'expédition, il y a un taux d'avarie qui est calculé. Donc ce taux, c'est l'ensemble des pertes, donc par exemple la valeur du plomb qui était sur le bateau, sur l'ensemble des richesses qu'il y avait à sauver, donc par exemple la valeur du plomb plus la valeur du blé. Et ce taux-là va être appliqué à chacun des marchands. pour calculer combien il aurait dû contribuer pour répartir équitablement les frais du sauvetage. Il y a ensuite des transferts qui sont effectués entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Oui, alors non, mais ce taux d'avari, il sert à quoi ? Donc c'est ce qu'on aurait dû faire si on avait une répartition équitable. Donc c'est ce qu'on fait ? On prélève sur chacun ce prorata ? Comment on règle l'avari à la fin ?

  • Charlotte Demonsant

    Dans le contexte des avaris communes, le marchand qui aura trop sacrifié par rapport au taux d'avari, donc le marchand de blé, va lui compenser une partie. mais pas l'entièreté du plomb qu'il a perdu, puisque lui aussi y contribue aux pertes.

  • Nadia Maïzi

    De sorte qu'à la fin, tout le monde se retrouve avec le même niveau de richesse ?

  • Charlotte Demonsant

    De sorte à ce qu'à la fin, tout le monde ait contribué du même effort pour le sauvetage commun.

  • Nadia Maïzi

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues ?

  • Charlotte Demonsant

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un sacrifice qui est fait par le marchand de plomb.

  • Charlotte Demonsant

    Et par le marchand de blé.

  • Nadia Maïzi

    Mais lequel paye le plus, finalement ?

  • Charlotte Demonsant

    Du coup, la contribution est au prorata des richesses sauvées. Celui qui a le plus de richesses à sauver va être en montant celui qui va contribuer le plus.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Dans tes simulations sur les zones à faible émission, qu'est-ce que tu as réussi à mettre en évidence ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on voit dans les simulations, et ça a été aussi démontré par d'autres travaux en économie et en gestion, c'est que le taux d'avarie permet la fabrication d'un intérêt commun. C'est-à-dire que comme il va être appliqué à tous au prorata des richesses sauvées, tout le monde a intérêt à minimiser ce taux, d'un point de vue économique, pour réduire sa propre contribution. Donc il y a là un effet collaboratif qui apparaît entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, pour être bien clair, minimiser le taux, c'est finalement minimiser ce qui est perdu.

  • Charlotte Demonsant

    C'est minimiser ce qui est perdu ou la valeur de ce qui est perdu. Il y a une incitation à réduire à moindre coût, mais ce qui compte en priorité, c'est d'éviter le péril.

  • Nadia Maïzi

    Si on se met dans la peau d'un décideur public qui doit arbitrer entre les deux types d'approche, qu'est-ce que tu lui ferais comme recommandation et qu'est-ce que finalement il va avoir comme élément pour choisir ? entre les deux approches type pollueur-payeur ou type avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on se met dans la peau d'un décideur public et qu'on cherche à concevoir une politique publique, les instruments aujourd'hui, par exemple les instruments économiques comme la taxe carbone, ils ont l'air assez simples, parce qu'il suffit juste de mettre un prix sur le carburant par exemple. Mais quand on regarde un peu plus en détail, ça demande déjà énormément de connaissances pour savoir quel est le bon prix pour le mettre. Et surtout si on commence à intégrer les enjeux d'équité. ça devient extrêmement compliqué à qualifier. L'efficacité du dispositif va reposer sur la bonne réaction des individus à l'incitation. Si on veut chercher à corriger les effets négatifs d'une taxe carbone, par exemple pour égaliser l'effort de tous, les connaissances sont très difficilement accessibles puisqu'il faut savoir comment chaque individu a réagi à l'incitation de la taxe et quel effet cela a eu sur lui. Alors que d'un autre côté, si on part d'une logique d'avarie commune pour concevoir un instrument, c'est plus exigeant au départ. C'est-à-dire que ça va demander de caractériser à la fois des actions collectives de sauvetage, donc par exemple la transformation des mobilités ou la rénovation énergétique des logements, qui peuvent être des actions très coûteuses. Mais ça demande aussi d'un autre côté de s'interroger sur les modalités de répartition et quelles sont les richesses sauvées qui sont associées. Donc on a au départ une plus grande demande d'expertise de la répartition, ce qui peut paraître plus coûteux au début, mais qui apparaît aussi comme une condition pour permettre de prendre des décisions. qui apparaissent plus légitimes et moins inéquitables, sachant la règle de répartition qui est énoncée au préalable.

  • Nadia Maïzi

    Ça permet de prendre du recul sur le problème posé aussi. C'est plutôt vertueux, parce que tu es obligé de faire ces évaluations de ce qui est richesse, ce qui est richesse commune, et quelque part d'avoir une photo plus pertinente de la situation. Pour moi, c'est l'impression que ça me donne.

  • Charlotte Demonsant

    C'est un cadre qui peut aider à rendre plus explicite les enjeux d'inégalité qui peuvent être associés à la transition écologique. Globalement, les émissions historiques sont corrélées à la richesse, donc la contribution au pro-ata des richesses sauvées peut faire sens d'un point de vue des responsabilités historiques. Avec la différence que dans la logique des avaries communes, la reconnaissance d'une responsabilité n'est plus la condition préalable à l'action, puisqu'on cherche à sauver d'un péril. et non pas forcément assigner les responsabilités.

  • Nadia Maïzi

    Qu'est-ce que tu vois comme point à explorer et comme possibilité d'implémentation, finalement, de ce travail théorique par rapport à l'action climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a de nombreuses pistes de recherche, parce que la proposition de la thèse, ce n'est pas du tout une solution clé en main qui peut juste être mobilisée, mais c'est plutôt un guide d'exploration sur comment est-ce qu'on pourrait concevoir ces formes d'instruments. Mais ça soulève évidemment de nombreuses questions qui restent encore entièrement à explorer, notamment qui est le capitaine ou comment est-ce qu'on constitue des capitaines, c'est-à-dire l'expertise nécessaire mais aussi l'autorité suffisante pour prendre des décisions.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que l'État est bien positionné pour être le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Là, la comparaison au dispositif des zones à faible émission et de la taxe, ça fait penser naturellement à l'État, mais on peut aussi s'interroger sur la capacité de l'État à réunir l'expertise suffisante et en quelle mesure d'autres acteurs. pourraient intégrer le dispositif. Il y a par exemple de nombreux labos de recherche qui s'intéressent aux effets sociaux, des mesures à prendre pour la transition écologique. Donc il y a tout un tas d'expertises pour éclairer ces décisions-là. Donc c'est des discussions ouvertes. On ne sait pas vraiment en fait quel est l'acteur qui est à même de ça. Il y a aussi de nombreuses questions sur à quel moment est-ce qu'il faut mesurer les richesses sauvées, de quelle nature elles sont. Ça ouvre tout un tas de nouvelles questions de recherche qui sont à explorer. Mais l'idée c'est que ça... propose une autre manière de regarder la situation et d'explorer un peu différemment les impasses actuelles.

  • Nadia Maïzi

    Merci Charlotte pour nous avoir entraînés dans quelque part un voyage historique et puis dans un domaine très particulier qui est celui du maritime, avec ce concept d'avarie commune. Je pense que c'est une façon de reposer le problème qui est certainement peut-être plus pertinente. par rapport à la gestion du dilemme équité-efficacité dont tu nous as parlé, et qui devrait donner des perspectives différentes quant à la mise en place de politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre.

  • Charlotte Demonsant

    Merci Nadia. Ces travaux continuent, on continue d'explorer à la fois sur les zones à faible émission, mais aussi sur d'autres cas d'études, comme par exemple la sortie des énergies fossiles. pour voir en quelle mesure les avaries communes peuvent aider à porter un autre regard sur l'action climatique. C'était Planète en transition, un podcast de l'Institut TTI.5.

Description

Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politiques publiques classiques ont engendré plusieurs mouvements de contestation :  les gilets jaunes, la crise des agriculteurs. L’acteur public désireux d’atteindre ses objectifs d’atténuation a opté pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l’action climatique, c’est-à-dire sans garantir de justice sociale.  


Mais comment assurer que l’action climatique soit la plus équitable possible ?  

Dans cet épisode du podcast « Planète en transition », nous vous proposons d’explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime dite la règle des avaries communes. 


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Charlotte Demonsant, doctorante au centre de gestion scientifique de Mines Paris – PSL.


Pour approfondir : 

  • Demonsant, C. (2023). L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l’équité : Étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique (Doctoral dissertation, Université Paris sciences et lettres). https://pastel.hal.science/tel-04318240 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2023). Le changement climatique comme péril commun. Réconcilier action climatique et justice sociale. 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2021). De la ressource commune au péril commun: Repenser nos modèles de l’action climatique. Revue de l’organisation responsable, 16(3), 57-67. https://minesparis-psl.hal.science/hal-03630940/document 


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Charlotte Demonsant

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5.

  • Nadia Maïzi

    Dans son dernier rapport d'évaluation, le GIEC estime qu'il existe des options disponibles dans tous les secteurs permettant de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre mondiales à l'horizon 2030. Il s'agit alors de trouver les mesures, les incitations, les subventions permettant de décliner ces solutions et de les faire adopter à l'échelle individuelle ou dans différentes catégories socio-professionnelles. Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politique publique classique ont engendré plusieurs mouvements de contestation. Les Gilets jaunes La crise des agriculteurs, l'acteur public désireux d'atteindre ses objectifs d'atténuation, a opté dans ces cas pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l'action climatique, c'est-à-dire sans garantir de justice sociale. Mais comment assurer que l'action climatique soit la plus équitable possible ? Dans ce podcast, Planète en transition, nous vous proposons d'explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier, nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime, dite la règle des avaries communes, aujourd'hui avec...

  • Charlotte Demonsant

    Charlotte Demonsant, docteure en sciences de gestion de l'École des mines de Paris. J'ai soutenu ma thèse en septembre 2023, qui s'intitulait L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Charlotte, beaucoup de mots un peu compliqués pour nous dans le titre de ta thèse. Est-ce que tu peux nous reformuler finalement le sujet sur lequel tu as travaillé ?

  • Charlotte Demonsant

    Bien sûr ! Bonjour Nadia, je me suis intéressée au fait que les politiques climatiques aujourd'hui, elles sont confrontées à des enjeux d'équité. C'est-à-dire que la plupart des mesures qu'on met en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, comme les taxes carbone ou les réglementations, elles sont confrontées à des problématiques sociales. Un exemple parlant, c'est la crise des Gilets jaunes, par exemple, en 2019.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler le contexte, en fait ? Qu'est-ce qui avait été proposé par le gouvernement ? Et pourquoi ces réactions ont été suscitées de la part, justement, des Gilets jaunes ?

  • Charlotte Demonsant

    Fin 2018, le gouvernement a voulu augmenter l'éco-taxe carbone. C'est une taxe qui est ajoutée au prix de vente du carburant. Sauf que face à cette augmentation, il y a une partie de la population qui s'est révoltée parce qu'ils n'avaient pas forcément les moyens d'éponger cette hausse de la taxe.

  • Nadia Maïzi

    Et cette population avait-elle les moyens de contourner l'usage du carburant dont elle dépendait ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça la question des enjeux d'équité qui sont soulevés, c'est qu'à la fois les personnes ne peuvent pas payer le montant de la taxe, mais pas forcément non plus accéder à des alternatives, par exemple s'acheter un véhicule électrique ou changer de mode de transport en fonction d'où ils habitent et de leurs moyens, ce qui fait que la taxe est une mesure assez inéquitable.

  • Nadia Maïzi

    Alors dans ton travail de thèse, est-ce que tu as eu une étude systématique de ces mesures ? mise en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, je crois que toi tu appelles ça l'atténuation, qui t'a permis de te référer à une théorie, une approche conceptuelle particulière.

  • Charlotte Demonsant

    Ce que j'ai fait pour accéder à ces logiques-là, je me suis intéressée historiquement à comment a été construite la problématique de l'atténuation du changement climatique. Pour ça, je suis allée regarder les rapports du groupe 3 du GIEC, qui est le groupe spécialisé dans les stratégies d'atténuation du changement climatique. Et donc j'ai décortiqué ces rapports pour comprendre quelle était la logique, la manière de regarder le problème qui avait été élaboré au fil des rapports, donc entre 1990 et 2022.

  • Nadia Maïzi

    Et est-ce que tu as découvert quelque part la clé de cette construction de ces mesures ?

  • Charlotte Demonsant

    Alors ce que j'ai pu voir dans l'analyse des rapports, c'est que déjà premièrement, les catégories d'instruments, elles sont bien stables. C'est-à-dire que depuis le premier rapport de 1990 jusqu'au dernier même de 2022, dans la partie politique nationale, les grandes catégories d'instruments sont bien les réglementations, les mécanismes de taxation et de marché. Donc il y a une stabilité de ces grandes catégories-là. Mais j'ai aussi pu constater qu'en 2014, il y avait un cadre qui avait été posé pour l'atténuation du changement climatique. Ce cadre, c'est le collective action problem problème d'action collective en français, qui provient d'une théorie anglo-saxonne de l'action collective, et qui modélise l'atténuation climatique comme un problème d'une somme d'actions individuelles qui émet trop, et donc causant le changement climatique, et les instruments conçus pour répondre. à ce problème-là vise à modifier des comportements individuels problématiques, donc à les inciter ou à les contraindre par des réglementations. J'ai aussi pu voir que c'était un cadre qui était récemment remis en question, notamment dans le dernier rapport, justement pour des questions d'équité, ce qui encourage un petit peu le questionnement de ma thèse.

  • Nadia Maïzi

    Quelque part, on analyse le fait que des émissions proviennent de comportements individuels. et qu'on imagine qu'on va réussir en quelque sorte à inverser ou à annuler en tout cas ces émissions grâce à l'effet d'une taxe, d'une contrainte, d'une politique de quelque type qu'il soit. Sauf qu'en fait, on ne maîtrise pas vraiment les comportements individuels.

  • Charlotte Demonsant

    C'est difficile à maîtriser, mais il y a aussi un autre enjeu. Quand on cherche à agir sur un comportement individuel, on joue à la fois sur les émissions que les personnes mettent, mais on joue aussi sur les valeurs. qui sont issus de ces émissions, donc ça peut être des usages ou des richesses. Et chaque acteur, que ce soit une entreprise ou un citoyen ou un individu, il a une relation différente entre ces émissions et les valeurs qui sont produites. Par exemple, une émission, elle peut servir à se déplacer pour quelqu'un qui habite à la campagne, et c'est quelque chose de primordial de préserver ce déplacement. L'idée fondamentale, c'est qu'une émission, elle n'a pas la même valeur pour tout le monde. Le coût de réduction d'une émission, il n'est pas le même pour tous. Il n'implique pas les mêmes... transformation.

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, c'est le principe du pollueur-payeur qui est quelque part remis en question.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, c'est ça. L'idée de modifier des comportements et donc d'assigner le coût de la réduction à celui qu'on a choisi comme étant un pollueur. Par exemple, quand on met une taxe carbone, on choisit les automobilistes comme les pollueurs responsables. Pourtant, il y a beaucoup d'autres pollutions et donc au niveau individuel, chaque personne est dépendante de sa propre relation entre les émissions et la valeur que ces émissions lui procurent. que ce soit en termes de richesse, de revenus ou d'usage.

  • Nadia Maïzi

    Donc on comprend là que tu soulèves cette question du dilemme entre l'efficacité d'une mesure mise en place par rapport à la question vraiment des émissions de gaz à effet de serre et le fait que cette mesure peut être complètement inéquitable.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça, c'est qu'en jouant sur les comportements individuels, on modifie à la fois la manière dont les émissions sont réparties entre les différents acteurs. mais aussi la manière dont les richesses et les valeurs sont réparties entre ces différents acteurs également. Donc on modifie simultanément la répartition des émissions et la distribution des richesses au sein de la société.

  • Nadia Maïzi

    Alors, ça t'a amené à penser une autre conception de mesure par rapport à cette question de l'atténuation ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a une autre hypothèse qui a été d'étudier une règle de droit maritime très ancienne qui est étudiée depuis longtemps dans le laboratoire dans lequel j'ai effectué ma thèse, le centre de gestion scientifique de l'école des mines. C'est une règle qui est assez surprenante, qui s'appelle la règle des avaries communes. Cette règle existe depuis plus de 2500 ans. Elle a émergé de manière indépendante à plusieurs endroits du monde. On la retrouve en Chine dans la navigation fluviale, mais aussi dans le droit romain ou dans la Grèce antique. Et ce qui est intéressant, c'est qu'elle est reconnue depuis toutes ces années pour son principe d'équité. Et elle est toujours en vigueur aujourd'hui dans le domaine du droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est quoi la règle ? C'est exactement ce que j'étais en train de me dire. Donc cette règle, elle dit que lorsqu'un bateau fait face à un péril en mer, le capitaine peut sacrifier des marchandises ou effectuer des dépenses extraordinaires pour sauver l'expédition. Et que l'ensemble des pertes... ou des dépenses du sauvetage seront réparties entre tous les intéressés à l'expédition, donc les marchands, l'armateur, le capitaine lui-même, au prorata des intérêts qu'il y avait en jeu, c'est-à-dire des richesses qu'il y avait à sauver par ce geste.

  • Nadia Maïzi

    Donc c'est le capitaine qui prend l'initiative de mettre en place une action de sauvetage, parce que tout le monde fait face à un péril partagé finalement, et on va sauver certaines marchandises, et le coût de ce sauvetage sera équiléparti entre tous les propriétaires de biens.

  • Charlotte Demonsant

    Tous ceux qui avaient quelque chose à sauver.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, ce que tu as mis en évidence, c'est l'idée que tout le monde est d'accord sur... Le fait que le péril est commun.

  • Charlotte Demonsant

    Ce qui m'a intéressée dans cette règle, c'est de modéliser sur quels fondements, sur quelle manière de regarder la situation elle se basait pour comparer par rapport à la manière dont regarde l'atténuation du changement climatique aujourd'hui. Et ce qu'on voit, c'est que la règle au prorata des richesses sauvées, elle rend compte d'une interdépendance bien particulière entre tous ces acteurs-là. C'est que le sacrifice de l'un, l'action de l'un, elle permet de sauver tous les autres. Et c'est ce qui justifie la règle de répartition. C'est parce que... l'un a sacrifié, que j'ai pu sauver mes richesses à moi, mes marchandises à moi ou mon bateau, qu'il a pu arriver à bon port.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un cadre avec des éléments contraignants, finalement, pour se retrouver dans cette situation ?

  • Charlotte Demonsant

    Oui, et l'avarie commune, elle ne s'applique pas tout le temps sur n'importe quelle expédition. Il y a un certain nombre de conditions qui sont à respecter. Notamment, la première, c'est l'existence d'un péril commun. Le péril commun, il n'a pas besoin d'être imminent, il a juste besoin d'exister. Donc ça peut être une tempête extérieure au bateau, mais ça peut aussi être la faute d'un marchand. Par exemple, si un marchand a mal emballé une marchandise inflammable et que ça provoque un incendie sur le bateau, s'il y a besoin de faire une action volontaire, par exemple d'éteindre ou de jeter des marchandises enflammées pour sauver l'expédition, ce sera toujours éligible en avarie commune. Par contre, le fait que ce soit la faute d'un individu sera géré légalement par le droit.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça c'est le premier point. Il faut reconnaître tous ensemble qu'il peut y avoir un... péril commun.

  • Charlotte Demonsant

    À l'époque où les marchands se déplaçaient avec leurs propres marchandises sur les bateaux, on retrouve des traces où le capitaine disait, cher marchand, nous faisons face à un péril, nous devons faire appel à l'avarie commune. Aujourd'hui, ça a beaucoup changé, les marchands ne se déplacent plus avec leurs marchandises, donc le capitaine est responsable de l'expédition, donc s'il y a un péril, c'est lui qui va prendre cette décision-là. La deuxième condition qui découle de ça, c'est que l'action doit être volontaire. Il faut que le sacrifice soit effectué et que pour sauver. Par exemple, il y a une différence fondamentale entre ce qu'on appelle une avarie commune, donc c'est les pertes qui sont mises en commun, et une avarie particulière. Une avarie particulière, c'est par exemple si une marchandise tombe toute seule du bateau ou qu'elle est périmée. Donc là, ce n'est pas lié à une action volontaire de sauvetage et donc ça ne rentre pas dans les pertes communes. Ces deux types d'avaries sont bien différenciés dans le droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Il y a une nuance très claire. Et ensuite, il y a bien sûr l'idée qu'il y a cette action qui est prise pour le sauvetage.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, l'action volontaire, elle doit aussi avoir un résultat utile, c'est-à-dire que la règle des avaries communes, elle s'applique à l'arrivée de l'expédition. Une fois que le bateau est arrivé, on peut évaluer à la fois les pertes, mais aussi les richesses sauvées, pour répartir la contribution entre toutes les parties prenantes de l'expédition.

  • Nadia Maïzi

    Donc on est dans une règle commune, et on voit bien qu'il y a un changement de point de vue complet par rapport à ce que tu nous décrivais au départ sur cette... adressage individuel pour essayer de répondre à cet enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comment tu vas décliner cette idée du droit maritime à notre contexte du changement climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a en fait une différence dans la manière dont on regarde aujourd'hui l'atténuation climatique. On a des acteurs individuels qui produisent des richesses, ces productions de richesses génèrent des émissions, et la somme de ces émissions pose un problème collectif. Donc on va chercher à modifier des comportements individuels. Dans le cas des avaries communes, on a toujours des acteurs qui transportent des marchandises et qui cherchent une valorisation de leurs richesses, mais on a un événement qui est un péril commun qui met en danger l'ensemble de ces richesses. Et donc là, on a une manière de voir la règle des avaries communes qui rend compte que l'action de l'un permet de sauver les autres. La règle d'équité, donc au prorata des richesses sauvées, elle a pour fonction de libérer la possibilité pour le capitaine de jeter au moment du péril. Et cette règle, elle fait l'objet d'un accord international, d'une norme internationale. qui s'appelle les règles Dior-Cayden-Vert depuis le XIXe siècle, qui décrivent les conditions dans lesquelles les dépenses peuvent être acceptées ou non en avaries communes.

  • Nadia Maïzi

    Donc une déclinaison dans le contexte du changement climatique, ça serait quoi ?

  • Charlotte Demonsant

    Par rapport au changement climatique, ce serait dans un premier temps, est-ce qu'on peut caractériser le changement climatique de péril commun ? A priori, il y a plutôt un consensus scientifique aujourd'hui sur le fait que le changement climatique va... Produire des pertes à la fois économiques phénoménales, mais aussi mettre des vies en danger, qui sont les conditions qui correspondent à la description de ce qu'on pourrait caractériser d'un péril commun. Il y a aussi un ensemble d'actions de sauvetage qui ont été aujourd'hui identifiées. On peut par exemple citer les scénarios du GIEC qui décrivent un ensemble d'actions qui pourraient permettre de maintenir les émissions sous un seuil permettant de rester à un réchauffement de 1,5°C par exemple. Donc on a ces actions qui sont des actions de sauvetage.

  • Nadia Maïzi

    Qui est le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Qui est le capitaine ? L'idée n'est pas de proposer une solution clé en main des avaries communes, mais plutôt de... d'explorer les conditions dans lesquelles, par exemple, pourrait se constituer un capitaine, qui sont aujourd'hui les acteurs qui ont l'expertise pour déterminer ses actions, qui sont des acteurs qui pourraient avoir une forme d'autorité, mais ça pourrait aussi être quelque chose de co-construit. Toutes ces questions sont encore largement ouvertes. C'est plutôt ce que j'ai essayé d'amener dans la thèse, c'est qu'en regardant la situation autrement, on peut en fait essayer de sortir de l'impasse actuelle, qui est que les instruments sont confrontés à des problématiques d'équité. Comment est-ce qu'on pourrait concevoir de nouvelles formes d'instruments en regardant autrement la situation ?

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, on revient à cette idée de changer de point de vue et de considérer le changement climatique comme réellement un péril commun et non pas comme une... avaries qui arriveraient à certains et pas à d'autres et qui seraient donc à prendre en compte dans certains endroits. Mais je crois que tu as développé dans ta thèse des exemples dans lesquels tu as essayé de décliner cette proposition et qui t'ont permis de critiquer ce qui pouvait se faire entre actions individuelles versus point de vue de l'avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, alors dans ma thèse, j'ai étudié le cas de la pollution de l'air et notamment le dispositif des zones à faible émission. Donc c'est un dispositif qui repose aussi sur le pollueur-payeur, dans le sens où il vise à interdire la circulation des véhicules les plus polluants et que ce sont ceux qui possèdent les véhicules polluants qui doivent porter le coup du changement de leur mobilité.

  • Nadia Maïzi

    Donc juste, tu peux nous rappeler les zones à faible émission ? Ce sont donc des régions, des parties de villes ?

  • Charlotte Demonsant

    Les zones à faible émission, c'est une politique nationale qui est dans la loi climat depuis 2021 et qui s'applique localement, donc au niveau souvent des métropoles, et qui vise en fait à déterminer une zone dans laquelle on va interdire des véhicules en fonction de leurs normes d'émission. On appelle les vignettes critères.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Donc, tu disais, on est dans un principe de pollueur-payeur.

  • Charlotte Demonsant

    On est dans un principe de pollueur-payeur et on est face à un dilemme entre équité et efficacité qui est assez évident, puisque l'efficacité de la mesure repose sur l'interdiction du maximum de véhicules polluants, mais que d'un autre côté, il y a des différences sociales importantes entre les différents acteurs. Par exemple, certains peuvent ne pas avoir d'alternative ou ne pas avoir les moyens de changer de véhicule. Et donc, une des solutions, c'est par exemple la dérogation qui va, pour des raisons d'équité, laisser certains véhicules en circulation, mais on voit bien comment ça va directement à l'encontre de l'efficacité de la réduction des émissions.

  • Nadia Maïzi

    Avec la complexité de définir qui peut bénéficier de la dérogation, et le risque à la fin que tout le monde ait une dérogation. Et que finalement, on n'ait plus du tout, effectivement, de réduction des émissions globalement.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça. Enfin, c'est un résumé un petit peu caricatural de la situation, parce que localement, les collectivités mettent énormément d'autres actions en place, qu'on est d'ailleurs en train d'étudier, pour voir comment est-ce qu'ils se saisissent de la complexité, justement, de la mise en œuvre d'un tel dispositif. Mais dans la logique de conception, en fait, des zones à faible émission, on est bien dans ce dilemme-là. Et donc, un des premiers tests qu'on a fait dans la thèse, avec des simulations notamment, ça a été de regarder la situation. est-ce que la pollution de l'air en ville peut être considérée comme un péril commun ? A priori, il y a de nombreux rapports de l'Organisation mondiale de la santé qui rendent compte du nombre de morts, de maladies cardiovasculaires ou respiratoires dont est responsable la pollution de l'air en ville. Et donc si on regarde la pollution de l'air comme un péril commun, on voit aussi qu'il y a un ensemble d'actions possibles. Donc par exemple, on identifie les sources d'émissions qui sont les oxydes d'azote, les particules fines. qui proviennent par exemple du diesel, mais aussi du chauffage au bois dans les logements ou de l'industrie. Donc on peut identifier un ensemble d'actions, ou en tout cas de biens, d'objets, qu'il faudrait arrêter d'utiliser pour réduire la pollution de l'air en ville. Donc voilà.

  • Nadia Maïzi

    Donc la déclinaison de la règle de la varie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on caractérise le péril de la pollution de l'air, on peut aussi se demander qui est la communauté de péril, c'est-à-dire qui sont les acteurs à risque face à ce péril. Et donc là, on retrouve tous les usagers de la zone. C'est-à-dire que même une exposition de 24 heures peut avoir des impacts sur la santé. Donc on peut retrouver les touristes, mais aussi les habitants qui n'ont pas forcément de voiture. Donc tous les usagers de la zone sont concernés par ce péril. Et quand on regarde ce que fait une zone à faible émission, dans sa version la plus simplifiée, Elle fait porter l'effort du sauvetage de tous les usagers de la zone seulement sur les automobilistes, mais sans règle de répartition des efforts.

  • Nadia Maïzi

    Avec, comme tu le disais, un problème peut-être économique qui concerne ces automobilistes puisqu'ils ne peuvent pas forcément changer de mode de transport ou basculer sur un autre type de mobilité. Là, on est vraiment clairement dans ce cas d'inéquité. et d'injustice que tu décrivais au départ.

  • Charlotte Demonsant

    Oui.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, quelle est la solution que tu prônes ou l'intérêt de la varie commune dans ce contexte ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ce qu'on est en train d'explorer, de voir dans quelle mesure ça pourrait aider à concevoir des modalités de répartition de cet effort. Ça soulève de nombreuses questions. Qu'est-ce qui fait richesse sauvée, par exemple, dans une ville ? Dans les simulations que j'ai conduites dans ma thèse, qui sont très simples, Pour l'instant, l'idée, ça a été de dire que si, par exemple, une ville devient inhabitable, l'ensemble des logements qui sont dans cette ville, de leurs valeurs vont être perdus. Si on raisonne en richesse sauvée, les habitants, même s'ils n'ont pas de voiture, ils ont beaucoup à perdre de la non-gestion de ce péril. Donc ma thèse, elle aboutit à un cadre méthodologique et à un plan d'expérimentation pour justement voir à la fois comment est-ce qu'on peut identifier les différents critères, les différentes conditions de la varie commune, les tester, voir ce que ça donne. sur un cas concret. Par exemple, qu'est-ce qui fait richesse sauvée en ville ? Les logements peuvent être perdus, mais est-ce que c'est les seules richesses à sauver qui sont considérées ? Pour ensuite étudier quelles seraient les modalités d'application d'une logique différente du pollueur-payeur pour les instruments.

  • Nadia Maïzi

    Cette logique différente, ça serait de mettre en place un sauvetage. Et quelque part, ce sauvetage, on répartirait les efforts sur tout le monde.

  • Charlotte Demonsant

    Sur l'ensemble de la communauté de Péril.

  • Nadia Maïzi

    Ça pourrait être, par exemple, construire de nouvelles infrastructures pour la mobilité ?

  • Charlotte Demonsant

    Si on pousse l'avarie commune, il peut y avoir des dépenses et des sacrifices. Par exemple, il peut être nécessaire d'abandonner un certain nombre de véhicules, mais la proposition de mobilité alternative peut apparaître comme des dépenses extraordinaires pour réduire la pollution de l'air. C'est aussi à étudier les modalités selon lesquelles certaines actions peuvent faire l'objet d'une avarie commune et d'autres non. Et quelles seraient les conditions de contribution ?

  • Nadia Maïzi

    En fait, avarie commune, ça renvoie pour moi à péril commun, à bien commun. Est-ce que tu peux clarifier ces expressions pour nous ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on peut voir avec le péril commun, c'est que c'est en fait différent d'un bien commun, dans le sens où le bien commun, c'est une approche qui va par exemple être utilisée dans le cadre du problème d'action collective classique. Donc l'idée est que les différents acteurs vont produire ensemble Un bien commun qui pourrait leur être bénéficiaire, mais qui risque d'y avoir des passagers clandestins, donc ceux par exemple qui ne vont pas payer pour le bien commun, mais quand même profiter de ses effets. Le péril commun, il est un peu différent parce que dans le cas d'un bien commun, si on ne fabrique pas le bien commun, la situation n'est pas meilleure, mais elle reste telle qu'elle est. Alors que dans le cas du péril commun, il y a vraiment cette notion de si on ne gère pas le péril commun, l'ensemble des richesses risquent d'être détruites. Le fait de ne pas fabriquer un bien commun n'est pas forcément un péril commun.

  • Nadia Maïzi

    Par contre, la difficulté, c'est qu'il y ait un consensus pour qu'on identifie le péril comme étant commun. C'est un peu le problème qu'on a avec la question du changement climatique. Parce que, comme tu le dis, les scientifiques sont avertis ou essayent d'expliquer quelles peuvent être les conséquences qui constituent un péril commun. Mais encore faut-il que la prise de conscience soit suffisante pour que ce péril commun soit bien identifié par tous.

  • Charlotte Demonsant

    Je ne suis pas sûre qu'il y ait besoin que tout le monde soit, par exemple, conscient du fait qu'il y a un péril. Il y a aussi cette idée que la logique qui peut être véhiculée par les instruments de politique publique peut modifier la manière dont on va agir collectivement. Aujourd'hui, la logique du pollueur-payeur, elle pousse plutôt à des actions individuelles et compétitives entre les acteurs pour... Trouver des alternatives, alors que dessiner des schémas de solidarité face à un péril commun peut davantage produire des effets de collaboration entre les différents acteurs qui peuvent amener à encourager des alternatives collectives qui peuvent être plus efficaces. Plus efficace. Du coup, dans les simulations que j'ai faites sur les zones à faible émission, on voit plusieurs effets que pourrait avoir la règle, notamment le fait que la contribution au prorata des richesses sauvées, elle permet la fabrication d'un intérêt commun entre les différents acteurs, puisque le taux d'avarie, qui correspond à l'ensemble des pertes sur l'ensemble des richesses sauvées, est appliqué de la même manière à tout le monde. Donc tout le monde va avoir intérêt à minimiser le coût du sacrifice pour sauver.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux... nous expliquer ce que c'est que le taux d'avarie et à quoi il va servir ?

  • Charlotte Demonsant

    L'avarie commune, en fait, si on résume les différentes étapes du dispositif, donc il y a le bateau qui va faire face à un péril en mer, le capitaine qui va sacrifier des marchandises, donc par exemple, s'il y a deux marchands, un marchand de plomb et un marchand de blé, et qu'il faut délester le bateau de la moitié de son poids, il va être peut-être plus logique de jeter le plomb, qui va être plus lourd, mais par contre, ça aura voulu dire... qu'il y a un des marchands qui aura porté tout seul le sacrifice pour sauver l'ensemble des marchandises, donc le blé y compris. Donc à l'arrivée de l'expédition, il y a un taux d'avarie qui est calculé. Donc ce taux, c'est l'ensemble des pertes, donc par exemple la valeur du plomb qui était sur le bateau, sur l'ensemble des richesses qu'il y avait à sauver, donc par exemple la valeur du plomb plus la valeur du blé. Et ce taux-là va être appliqué à chacun des marchands. pour calculer combien il aurait dû contribuer pour répartir équitablement les frais du sauvetage. Il y a ensuite des transferts qui sont effectués entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Oui, alors non, mais ce taux d'avari, il sert à quoi ? Donc c'est ce qu'on aurait dû faire si on avait une répartition équitable. Donc c'est ce qu'on fait ? On prélève sur chacun ce prorata ? Comment on règle l'avari à la fin ?

  • Charlotte Demonsant

    Dans le contexte des avaris communes, le marchand qui aura trop sacrifié par rapport au taux d'avari, donc le marchand de blé, va lui compenser une partie. mais pas l'entièreté du plomb qu'il a perdu, puisque lui aussi y contribue aux pertes.

  • Nadia Maïzi

    De sorte qu'à la fin, tout le monde se retrouve avec le même niveau de richesse ?

  • Charlotte Demonsant

    De sorte à ce qu'à la fin, tout le monde ait contribué du même effort pour le sauvetage commun.

  • Nadia Maïzi

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues ?

  • Charlotte Demonsant

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un sacrifice qui est fait par le marchand de plomb.

  • Charlotte Demonsant

    Et par le marchand de blé.

  • Nadia Maïzi

    Mais lequel paye le plus, finalement ?

  • Charlotte Demonsant

    Du coup, la contribution est au prorata des richesses sauvées. Celui qui a le plus de richesses à sauver va être en montant celui qui va contribuer le plus.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Dans tes simulations sur les zones à faible émission, qu'est-ce que tu as réussi à mettre en évidence ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on voit dans les simulations, et ça a été aussi démontré par d'autres travaux en économie et en gestion, c'est que le taux d'avarie permet la fabrication d'un intérêt commun. C'est-à-dire que comme il va être appliqué à tous au prorata des richesses sauvées, tout le monde a intérêt à minimiser ce taux, d'un point de vue économique, pour réduire sa propre contribution. Donc il y a là un effet collaboratif qui apparaît entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, pour être bien clair, minimiser le taux, c'est finalement minimiser ce qui est perdu.

  • Charlotte Demonsant

    C'est minimiser ce qui est perdu ou la valeur de ce qui est perdu. Il y a une incitation à réduire à moindre coût, mais ce qui compte en priorité, c'est d'éviter le péril.

  • Nadia Maïzi

    Si on se met dans la peau d'un décideur public qui doit arbitrer entre les deux types d'approche, qu'est-ce que tu lui ferais comme recommandation et qu'est-ce que finalement il va avoir comme élément pour choisir ? entre les deux approches type pollueur-payeur ou type avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on se met dans la peau d'un décideur public et qu'on cherche à concevoir une politique publique, les instruments aujourd'hui, par exemple les instruments économiques comme la taxe carbone, ils ont l'air assez simples, parce qu'il suffit juste de mettre un prix sur le carburant par exemple. Mais quand on regarde un peu plus en détail, ça demande déjà énormément de connaissances pour savoir quel est le bon prix pour le mettre. Et surtout si on commence à intégrer les enjeux d'équité. ça devient extrêmement compliqué à qualifier. L'efficacité du dispositif va reposer sur la bonne réaction des individus à l'incitation. Si on veut chercher à corriger les effets négatifs d'une taxe carbone, par exemple pour égaliser l'effort de tous, les connaissances sont très difficilement accessibles puisqu'il faut savoir comment chaque individu a réagi à l'incitation de la taxe et quel effet cela a eu sur lui. Alors que d'un autre côté, si on part d'une logique d'avarie commune pour concevoir un instrument, c'est plus exigeant au départ. C'est-à-dire que ça va demander de caractériser à la fois des actions collectives de sauvetage, donc par exemple la transformation des mobilités ou la rénovation énergétique des logements, qui peuvent être des actions très coûteuses. Mais ça demande aussi d'un autre côté de s'interroger sur les modalités de répartition et quelles sont les richesses sauvées qui sont associées. Donc on a au départ une plus grande demande d'expertise de la répartition, ce qui peut paraître plus coûteux au début, mais qui apparaît aussi comme une condition pour permettre de prendre des décisions. qui apparaissent plus légitimes et moins inéquitables, sachant la règle de répartition qui est énoncée au préalable.

  • Nadia Maïzi

    Ça permet de prendre du recul sur le problème posé aussi. C'est plutôt vertueux, parce que tu es obligé de faire ces évaluations de ce qui est richesse, ce qui est richesse commune, et quelque part d'avoir une photo plus pertinente de la situation. Pour moi, c'est l'impression que ça me donne.

  • Charlotte Demonsant

    C'est un cadre qui peut aider à rendre plus explicite les enjeux d'inégalité qui peuvent être associés à la transition écologique. Globalement, les émissions historiques sont corrélées à la richesse, donc la contribution au pro-ata des richesses sauvées peut faire sens d'un point de vue des responsabilités historiques. Avec la différence que dans la logique des avaries communes, la reconnaissance d'une responsabilité n'est plus la condition préalable à l'action, puisqu'on cherche à sauver d'un péril. et non pas forcément assigner les responsabilités.

  • Nadia Maïzi

    Qu'est-ce que tu vois comme point à explorer et comme possibilité d'implémentation, finalement, de ce travail théorique par rapport à l'action climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a de nombreuses pistes de recherche, parce que la proposition de la thèse, ce n'est pas du tout une solution clé en main qui peut juste être mobilisée, mais c'est plutôt un guide d'exploration sur comment est-ce qu'on pourrait concevoir ces formes d'instruments. Mais ça soulève évidemment de nombreuses questions qui restent encore entièrement à explorer, notamment qui est le capitaine ou comment est-ce qu'on constitue des capitaines, c'est-à-dire l'expertise nécessaire mais aussi l'autorité suffisante pour prendre des décisions.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que l'État est bien positionné pour être le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Là, la comparaison au dispositif des zones à faible émission et de la taxe, ça fait penser naturellement à l'État, mais on peut aussi s'interroger sur la capacité de l'État à réunir l'expertise suffisante et en quelle mesure d'autres acteurs. pourraient intégrer le dispositif. Il y a par exemple de nombreux labos de recherche qui s'intéressent aux effets sociaux, des mesures à prendre pour la transition écologique. Donc il y a tout un tas d'expertises pour éclairer ces décisions-là. Donc c'est des discussions ouvertes. On ne sait pas vraiment en fait quel est l'acteur qui est à même de ça. Il y a aussi de nombreuses questions sur à quel moment est-ce qu'il faut mesurer les richesses sauvées, de quelle nature elles sont. Ça ouvre tout un tas de nouvelles questions de recherche qui sont à explorer. Mais l'idée c'est que ça... propose une autre manière de regarder la situation et d'explorer un peu différemment les impasses actuelles.

  • Nadia Maïzi

    Merci Charlotte pour nous avoir entraînés dans quelque part un voyage historique et puis dans un domaine très particulier qui est celui du maritime, avec ce concept d'avarie commune. Je pense que c'est une façon de reposer le problème qui est certainement peut-être plus pertinente. par rapport à la gestion du dilemme équité-efficacité dont tu nous as parlé, et qui devrait donner des perspectives différentes quant à la mise en place de politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre.

  • Charlotte Demonsant

    Merci Nadia. Ces travaux continuent, on continue d'explorer à la fois sur les zones à faible émission, mais aussi sur d'autres cas d'études, comme par exemple la sortie des énergies fossiles. pour voir en quelle mesure les avaries communes peuvent aider à porter un autre regard sur l'action climatique. C'était Planète en transition, un podcast de l'Institut TTI.5.

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Description

Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politiques publiques classiques ont engendré plusieurs mouvements de contestation :  les gilets jaunes, la crise des agriculteurs. L’acteur public désireux d’atteindre ses objectifs d’atténuation a opté pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l’action climatique, c’est-à-dire sans garantir de justice sociale.  


Mais comment assurer que l’action climatique soit la plus équitable possible ?  

Dans cet épisode du podcast « Planète en transition », nous vous proposons d’explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime dite la règle des avaries communes. 


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Charlotte Demonsant, doctorante au centre de gestion scientifique de Mines Paris – PSL.


Pour approfondir : 

  • Demonsant, C. (2023). L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l’équité : Étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique (Doctoral dissertation, Université Paris sciences et lettres). https://pastel.hal.science/tel-04318240 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2023). Le changement climatique comme péril commun. Réconcilier action climatique et justice sociale. 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2021). De la ressource commune au péril commun: Repenser nos modèles de l’action climatique. Revue de l’organisation responsable, 16(3), 57-67. https://minesparis-psl.hal.science/hal-03630940/document 


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Charlotte Demonsant

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5.

  • Nadia Maïzi

    Dans son dernier rapport d'évaluation, le GIEC estime qu'il existe des options disponibles dans tous les secteurs permettant de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre mondiales à l'horizon 2030. Il s'agit alors de trouver les mesures, les incitations, les subventions permettant de décliner ces solutions et de les faire adopter à l'échelle individuelle ou dans différentes catégories socio-professionnelles. Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politique publique classique ont engendré plusieurs mouvements de contestation. Les Gilets jaunes La crise des agriculteurs, l'acteur public désireux d'atteindre ses objectifs d'atténuation, a opté dans ces cas pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l'action climatique, c'est-à-dire sans garantir de justice sociale. Mais comment assurer que l'action climatique soit la plus équitable possible ? Dans ce podcast, Planète en transition, nous vous proposons d'explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier, nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime, dite la règle des avaries communes, aujourd'hui avec...

  • Charlotte Demonsant

    Charlotte Demonsant, docteure en sciences de gestion de l'École des mines de Paris. J'ai soutenu ma thèse en septembre 2023, qui s'intitulait L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Charlotte, beaucoup de mots un peu compliqués pour nous dans le titre de ta thèse. Est-ce que tu peux nous reformuler finalement le sujet sur lequel tu as travaillé ?

  • Charlotte Demonsant

    Bien sûr ! Bonjour Nadia, je me suis intéressée au fait que les politiques climatiques aujourd'hui, elles sont confrontées à des enjeux d'équité. C'est-à-dire que la plupart des mesures qu'on met en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, comme les taxes carbone ou les réglementations, elles sont confrontées à des problématiques sociales. Un exemple parlant, c'est la crise des Gilets jaunes, par exemple, en 2019.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler le contexte, en fait ? Qu'est-ce qui avait été proposé par le gouvernement ? Et pourquoi ces réactions ont été suscitées de la part, justement, des Gilets jaunes ?

  • Charlotte Demonsant

    Fin 2018, le gouvernement a voulu augmenter l'éco-taxe carbone. C'est une taxe qui est ajoutée au prix de vente du carburant. Sauf que face à cette augmentation, il y a une partie de la population qui s'est révoltée parce qu'ils n'avaient pas forcément les moyens d'éponger cette hausse de la taxe.

  • Nadia Maïzi

    Et cette population avait-elle les moyens de contourner l'usage du carburant dont elle dépendait ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça la question des enjeux d'équité qui sont soulevés, c'est qu'à la fois les personnes ne peuvent pas payer le montant de la taxe, mais pas forcément non plus accéder à des alternatives, par exemple s'acheter un véhicule électrique ou changer de mode de transport en fonction d'où ils habitent et de leurs moyens, ce qui fait que la taxe est une mesure assez inéquitable.

  • Nadia Maïzi

    Alors dans ton travail de thèse, est-ce que tu as eu une étude systématique de ces mesures ? mise en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, je crois que toi tu appelles ça l'atténuation, qui t'a permis de te référer à une théorie, une approche conceptuelle particulière.

  • Charlotte Demonsant

    Ce que j'ai fait pour accéder à ces logiques-là, je me suis intéressée historiquement à comment a été construite la problématique de l'atténuation du changement climatique. Pour ça, je suis allée regarder les rapports du groupe 3 du GIEC, qui est le groupe spécialisé dans les stratégies d'atténuation du changement climatique. Et donc j'ai décortiqué ces rapports pour comprendre quelle était la logique, la manière de regarder le problème qui avait été élaboré au fil des rapports, donc entre 1990 et 2022.

  • Nadia Maïzi

    Et est-ce que tu as découvert quelque part la clé de cette construction de ces mesures ?

  • Charlotte Demonsant

    Alors ce que j'ai pu voir dans l'analyse des rapports, c'est que déjà premièrement, les catégories d'instruments, elles sont bien stables. C'est-à-dire que depuis le premier rapport de 1990 jusqu'au dernier même de 2022, dans la partie politique nationale, les grandes catégories d'instruments sont bien les réglementations, les mécanismes de taxation et de marché. Donc il y a une stabilité de ces grandes catégories-là. Mais j'ai aussi pu constater qu'en 2014, il y avait un cadre qui avait été posé pour l'atténuation du changement climatique. Ce cadre, c'est le collective action problem problème d'action collective en français, qui provient d'une théorie anglo-saxonne de l'action collective, et qui modélise l'atténuation climatique comme un problème d'une somme d'actions individuelles qui émet trop, et donc causant le changement climatique, et les instruments conçus pour répondre. à ce problème-là vise à modifier des comportements individuels problématiques, donc à les inciter ou à les contraindre par des réglementations. J'ai aussi pu voir que c'était un cadre qui était récemment remis en question, notamment dans le dernier rapport, justement pour des questions d'équité, ce qui encourage un petit peu le questionnement de ma thèse.

  • Nadia Maïzi

    Quelque part, on analyse le fait que des émissions proviennent de comportements individuels. et qu'on imagine qu'on va réussir en quelque sorte à inverser ou à annuler en tout cas ces émissions grâce à l'effet d'une taxe, d'une contrainte, d'une politique de quelque type qu'il soit. Sauf qu'en fait, on ne maîtrise pas vraiment les comportements individuels.

  • Charlotte Demonsant

    C'est difficile à maîtriser, mais il y a aussi un autre enjeu. Quand on cherche à agir sur un comportement individuel, on joue à la fois sur les émissions que les personnes mettent, mais on joue aussi sur les valeurs. qui sont issus de ces émissions, donc ça peut être des usages ou des richesses. Et chaque acteur, que ce soit une entreprise ou un citoyen ou un individu, il a une relation différente entre ces émissions et les valeurs qui sont produites. Par exemple, une émission, elle peut servir à se déplacer pour quelqu'un qui habite à la campagne, et c'est quelque chose de primordial de préserver ce déplacement. L'idée fondamentale, c'est qu'une émission, elle n'a pas la même valeur pour tout le monde. Le coût de réduction d'une émission, il n'est pas le même pour tous. Il n'implique pas les mêmes... transformation.

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, c'est le principe du pollueur-payeur qui est quelque part remis en question.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, c'est ça. L'idée de modifier des comportements et donc d'assigner le coût de la réduction à celui qu'on a choisi comme étant un pollueur. Par exemple, quand on met une taxe carbone, on choisit les automobilistes comme les pollueurs responsables. Pourtant, il y a beaucoup d'autres pollutions et donc au niveau individuel, chaque personne est dépendante de sa propre relation entre les émissions et la valeur que ces émissions lui procurent. que ce soit en termes de richesse, de revenus ou d'usage.

  • Nadia Maïzi

    Donc on comprend là que tu soulèves cette question du dilemme entre l'efficacité d'une mesure mise en place par rapport à la question vraiment des émissions de gaz à effet de serre et le fait que cette mesure peut être complètement inéquitable.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça, c'est qu'en jouant sur les comportements individuels, on modifie à la fois la manière dont les émissions sont réparties entre les différents acteurs. mais aussi la manière dont les richesses et les valeurs sont réparties entre ces différents acteurs également. Donc on modifie simultanément la répartition des émissions et la distribution des richesses au sein de la société.

  • Nadia Maïzi

    Alors, ça t'a amené à penser une autre conception de mesure par rapport à cette question de l'atténuation ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a une autre hypothèse qui a été d'étudier une règle de droit maritime très ancienne qui est étudiée depuis longtemps dans le laboratoire dans lequel j'ai effectué ma thèse, le centre de gestion scientifique de l'école des mines. C'est une règle qui est assez surprenante, qui s'appelle la règle des avaries communes. Cette règle existe depuis plus de 2500 ans. Elle a émergé de manière indépendante à plusieurs endroits du monde. On la retrouve en Chine dans la navigation fluviale, mais aussi dans le droit romain ou dans la Grèce antique. Et ce qui est intéressant, c'est qu'elle est reconnue depuis toutes ces années pour son principe d'équité. Et elle est toujours en vigueur aujourd'hui dans le domaine du droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est quoi la règle ? C'est exactement ce que j'étais en train de me dire. Donc cette règle, elle dit que lorsqu'un bateau fait face à un péril en mer, le capitaine peut sacrifier des marchandises ou effectuer des dépenses extraordinaires pour sauver l'expédition. Et que l'ensemble des pertes... ou des dépenses du sauvetage seront réparties entre tous les intéressés à l'expédition, donc les marchands, l'armateur, le capitaine lui-même, au prorata des intérêts qu'il y avait en jeu, c'est-à-dire des richesses qu'il y avait à sauver par ce geste.

  • Nadia Maïzi

    Donc c'est le capitaine qui prend l'initiative de mettre en place une action de sauvetage, parce que tout le monde fait face à un péril partagé finalement, et on va sauver certaines marchandises, et le coût de ce sauvetage sera équiléparti entre tous les propriétaires de biens.

  • Charlotte Demonsant

    Tous ceux qui avaient quelque chose à sauver.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, ce que tu as mis en évidence, c'est l'idée que tout le monde est d'accord sur... Le fait que le péril est commun.

  • Charlotte Demonsant

    Ce qui m'a intéressée dans cette règle, c'est de modéliser sur quels fondements, sur quelle manière de regarder la situation elle se basait pour comparer par rapport à la manière dont regarde l'atténuation du changement climatique aujourd'hui. Et ce qu'on voit, c'est que la règle au prorata des richesses sauvées, elle rend compte d'une interdépendance bien particulière entre tous ces acteurs-là. C'est que le sacrifice de l'un, l'action de l'un, elle permet de sauver tous les autres. Et c'est ce qui justifie la règle de répartition. C'est parce que... l'un a sacrifié, que j'ai pu sauver mes richesses à moi, mes marchandises à moi ou mon bateau, qu'il a pu arriver à bon port.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un cadre avec des éléments contraignants, finalement, pour se retrouver dans cette situation ?

  • Charlotte Demonsant

    Oui, et l'avarie commune, elle ne s'applique pas tout le temps sur n'importe quelle expédition. Il y a un certain nombre de conditions qui sont à respecter. Notamment, la première, c'est l'existence d'un péril commun. Le péril commun, il n'a pas besoin d'être imminent, il a juste besoin d'exister. Donc ça peut être une tempête extérieure au bateau, mais ça peut aussi être la faute d'un marchand. Par exemple, si un marchand a mal emballé une marchandise inflammable et que ça provoque un incendie sur le bateau, s'il y a besoin de faire une action volontaire, par exemple d'éteindre ou de jeter des marchandises enflammées pour sauver l'expédition, ce sera toujours éligible en avarie commune. Par contre, le fait que ce soit la faute d'un individu sera géré légalement par le droit.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça c'est le premier point. Il faut reconnaître tous ensemble qu'il peut y avoir un... péril commun.

  • Charlotte Demonsant

    À l'époque où les marchands se déplaçaient avec leurs propres marchandises sur les bateaux, on retrouve des traces où le capitaine disait, cher marchand, nous faisons face à un péril, nous devons faire appel à l'avarie commune. Aujourd'hui, ça a beaucoup changé, les marchands ne se déplacent plus avec leurs marchandises, donc le capitaine est responsable de l'expédition, donc s'il y a un péril, c'est lui qui va prendre cette décision-là. La deuxième condition qui découle de ça, c'est que l'action doit être volontaire. Il faut que le sacrifice soit effectué et que pour sauver. Par exemple, il y a une différence fondamentale entre ce qu'on appelle une avarie commune, donc c'est les pertes qui sont mises en commun, et une avarie particulière. Une avarie particulière, c'est par exemple si une marchandise tombe toute seule du bateau ou qu'elle est périmée. Donc là, ce n'est pas lié à une action volontaire de sauvetage et donc ça ne rentre pas dans les pertes communes. Ces deux types d'avaries sont bien différenciés dans le droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Il y a une nuance très claire. Et ensuite, il y a bien sûr l'idée qu'il y a cette action qui est prise pour le sauvetage.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, l'action volontaire, elle doit aussi avoir un résultat utile, c'est-à-dire que la règle des avaries communes, elle s'applique à l'arrivée de l'expédition. Une fois que le bateau est arrivé, on peut évaluer à la fois les pertes, mais aussi les richesses sauvées, pour répartir la contribution entre toutes les parties prenantes de l'expédition.

  • Nadia Maïzi

    Donc on est dans une règle commune, et on voit bien qu'il y a un changement de point de vue complet par rapport à ce que tu nous décrivais au départ sur cette... adressage individuel pour essayer de répondre à cet enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comment tu vas décliner cette idée du droit maritime à notre contexte du changement climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a en fait une différence dans la manière dont on regarde aujourd'hui l'atténuation climatique. On a des acteurs individuels qui produisent des richesses, ces productions de richesses génèrent des émissions, et la somme de ces émissions pose un problème collectif. Donc on va chercher à modifier des comportements individuels. Dans le cas des avaries communes, on a toujours des acteurs qui transportent des marchandises et qui cherchent une valorisation de leurs richesses, mais on a un événement qui est un péril commun qui met en danger l'ensemble de ces richesses. Et donc là, on a une manière de voir la règle des avaries communes qui rend compte que l'action de l'un permet de sauver les autres. La règle d'équité, donc au prorata des richesses sauvées, elle a pour fonction de libérer la possibilité pour le capitaine de jeter au moment du péril. Et cette règle, elle fait l'objet d'un accord international, d'une norme internationale. qui s'appelle les règles Dior-Cayden-Vert depuis le XIXe siècle, qui décrivent les conditions dans lesquelles les dépenses peuvent être acceptées ou non en avaries communes.

  • Nadia Maïzi

    Donc une déclinaison dans le contexte du changement climatique, ça serait quoi ?

  • Charlotte Demonsant

    Par rapport au changement climatique, ce serait dans un premier temps, est-ce qu'on peut caractériser le changement climatique de péril commun ? A priori, il y a plutôt un consensus scientifique aujourd'hui sur le fait que le changement climatique va... Produire des pertes à la fois économiques phénoménales, mais aussi mettre des vies en danger, qui sont les conditions qui correspondent à la description de ce qu'on pourrait caractériser d'un péril commun. Il y a aussi un ensemble d'actions de sauvetage qui ont été aujourd'hui identifiées. On peut par exemple citer les scénarios du GIEC qui décrivent un ensemble d'actions qui pourraient permettre de maintenir les émissions sous un seuil permettant de rester à un réchauffement de 1,5°C par exemple. Donc on a ces actions qui sont des actions de sauvetage.

  • Nadia Maïzi

    Qui est le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Qui est le capitaine ? L'idée n'est pas de proposer une solution clé en main des avaries communes, mais plutôt de... d'explorer les conditions dans lesquelles, par exemple, pourrait se constituer un capitaine, qui sont aujourd'hui les acteurs qui ont l'expertise pour déterminer ses actions, qui sont des acteurs qui pourraient avoir une forme d'autorité, mais ça pourrait aussi être quelque chose de co-construit. Toutes ces questions sont encore largement ouvertes. C'est plutôt ce que j'ai essayé d'amener dans la thèse, c'est qu'en regardant la situation autrement, on peut en fait essayer de sortir de l'impasse actuelle, qui est que les instruments sont confrontés à des problématiques d'équité. Comment est-ce qu'on pourrait concevoir de nouvelles formes d'instruments en regardant autrement la situation ?

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, on revient à cette idée de changer de point de vue et de considérer le changement climatique comme réellement un péril commun et non pas comme une... avaries qui arriveraient à certains et pas à d'autres et qui seraient donc à prendre en compte dans certains endroits. Mais je crois que tu as développé dans ta thèse des exemples dans lesquels tu as essayé de décliner cette proposition et qui t'ont permis de critiquer ce qui pouvait se faire entre actions individuelles versus point de vue de l'avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, alors dans ma thèse, j'ai étudié le cas de la pollution de l'air et notamment le dispositif des zones à faible émission. Donc c'est un dispositif qui repose aussi sur le pollueur-payeur, dans le sens où il vise à interdire la circulation des véhicules les plus polluants et que ce sont ceux qui possèdent les véhicules polluants qui doivent porter le coup du changement de leur mobilité.

  • Nadia Maïzi

    Donc juste, tu peux nous rappeler les zones à faible émission ? Ce sont donc des régions, des parties de villes ?

  • Charlotte Demonsant

    Les zones à faible émission, c'est une politique nationale qui est dans la loi climat depuis 2021 et qui s'applique localement, donc au niveau souvent des métropoles, et qui vise en fait à déterminer une zone dans laquelle on va interdire des véhicules en fonction de leurs normes d'émission. On appelle les vignettes critères.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Donc, tu disais, on est dans un principe de pollueur-payeur.

  • Charlotte Demonsant

    On est dans un principe de pollueur-payeur et on est face à un dilemme entre équité et efficacité qui est assez évident, puisque l'efficacité de la mesure repose sur l'interdiction du maximum de véhicules polluants, mais que d'un autre côté, il y a des différences sociales importantes entre les différents acteurs. Par exemple, certains peuvent ne pas avoir d'alternative ou ne pas avoir les moyens de changer de véhicule. Et donc, une des solutions, c'est par exemple la dérogation qui va, pour des raisons d'équité, laisser certains véhicules en circulation, mais on voit bien comment ça va directement à l'encontre de l'efficacité de la réduction des émissions.

  • Nadia Maïzi

    Avec la complexité de définir qui peut bénéficier de la dérogation, et le risque à la fin que tout le monde ait une dérogation. Et que finalement, on n'ait plus du tout, effectivement, de réduction des émissions globalement.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça. Enfin, c'est un résumé un petit peu caricatural de la situation, parce que localement, les collectivités mettent énormément d'autres actions en place, qu'on est d'ailleurs en train d'étudier, pour voir comment est-ce qu'ils se saisissent de la complexité, justement, de la mise en œuvre d'un tel dispositif. Mais dans la logique de conception, en fait, des zones à faible émission, on est bien dans ce dilemme-là. Et donc, un des premiers tests qu'on a fait dans la thèse, avec des simulations notamment, ça a été de regarder la situation. est-ce que la pollution de l'air en ville peut être considérée comme un péril commun ? A priori, il y a de nombreux rapports de l'Organisation mondiale de la santé qui rendent compte du nombre de morts, de maladies cardiovasculaires ou respiratoires dont est responsable la pollution de l'air en ville. Et donc si on regarde la pollution de l'air comme un péril commun, on voit aussi qu'il y a un ensemble d'actions possibles. Donc par exemple, on identifie les sources d'émissions qui sont les oxydes d'azote, les particules fines. qui proviennent par exemple du diesel, mais aussi du chauffage au bois dans les logements ou de l'industrie. Donc on peut identifier un ensemble d'actions, ou en tout cas de biens, d'objets, qu'il faudrait arrêter d'utiliser pour réduire la pollution de l'air en ville. Donc voilà.

  • Nadia Maïzi

    Donc la déclinaison de la règle de la varie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on caractérise le péril de la pollution de l'air, on peut aussi se demander qui est la communauté de péril, c'est-à-dire qui sont les acteurs à risque face à ce péril. Et donc là, on retrouve tous les usagers de la zone. C'est-à-dire que même une exposition de 24 heures peut avoir des impacts sur la santé. Donc on peut retrouver les touristes, mais aussi les habitants qui n'ont pas forcément de voiture. Donc tous les usagers de la zone sont concernés par ce péril. Et quand on regarde ce que fait une zone à faible émission, dans sa version la plus simplifiée, Elle fait porter l'effort du sauvetage de tous les usagers de la zone seulement sur les automobilistes, mais sans règle de répartition des efforts.

  • Nadia Maïzi

    Avec, comme tu le disais, un problème peut-être économique qui concerne ces automobilistes puisqu'ils ne peuvent pas forcément changer de mode de transport ou basculer sur un autre type de mobilité. Là, on est vraiment clairement dans ce cas d'inéquité. et d'injustice que tu décrivais au départ.

  • Charlotte Demonsant

    Oui.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, quelle est la solution que tu prônes ou l'intérêt de la varie commune dans ce contexte ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ce qu'on est en train d'explorer, de voir dans quelle mesure ça pourrait aider à concevoir des modalités de répartition de cet effort. Ça soulève de nombreuses questions. Qu'est-ce qui fait richesse sauvée, par exemple, dans une ville ? Dans les simulations que j'ai conduites dans ma thèse, qui sont très simples, Pour l'instant, l'idée, ça a été de dire que si, par exemple, une ville devient inhabitable, l'ensemble des logements qui sont dans cette ville, de leurs valeurs vont être perdus. Si on raisonne en richesse sauvée, les habitants, même s'ils n'ont pas de voiture, ils ont beaucoup à perdre de la non-gestion de ce péril. Donc ma thèse, elle aboutit à un cadre méthodologique et à un plan d'expérimentation pour justement voir à la fois comment est-ce qu'on peut identifier les différents critères, les différentes conditions de la varie commune, les tester, voir ce que ça donne. sur un cas concret. Par exemple, qu'est-ce qui fait richesse sauvée en ville ? Les logements peuvent être perdus, mais est-ce que c'est les seules richesses à sauver qui sont considérées ? Pour ensuite étudier quelles seraient les modalités d'application d'une logique différente du pollueur-payeur pour les instruments.

  • Nadia Maïzi

    Cette logique différente, ça serait de mettre en place un sauvetage. Et quelque part, ce sauvetage, on répartirait les efforts sur tout le monde.

  • Charlotte Demonsant

    Sur l'ensemble de la communauté de Péril.

  • Nadia Maïzi

    Ça pourrait être, par exemple, construire de nouvelles infrastructures pour la mobilité ?

  • Charlotte Demonsant

    Si on pousse l'avarie commune, il peut y avoir des dépenses et des sacrifices. Par exemple, il peut être nécessaire d'abandonner un certain nombre de véhicules, mais la proposition de mobilité alternative peut apparaître comme des dépenses extraordinaires pour réduire la pollution de l'air. C'est aussi à étudier les modalités selon lesquelles certaines actions peuvent faire l'objet d'une avarie commune et d'autres non. Et quelles seraient les conditions de contribution ?

  • Nadia Maïzi

    En fait, avarie commune, ça renvoie pour moi à péril commun, à bien commun. Est-ce que tu peux clarifier ces expressions pour nous ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on peut voir avec le péril commun, c'est que c'est en fait différent d'un bien commun, dans le sens où le bien commun, c'est une approche qui va par exemple être utilisée dans le cadre du problème d'action collective classique. Donc l'idée est que les différents acteurs vont produire ensemble Un bien commun qui pourrait leur être bénéficiaire, mais qui risque d'y avoir des passagers clandestins, donc ceux par exemple qui ne vont pas payer pour le bien commun, mais quand même profiter de ses effets. Le péril commun, il est un peu différent parce que dans le cas d'un bien commun, si on ne fabrique pas le bien commun, la situation n'est pas meilleure, mais elle reste telle qu'elle est. Alors que dans le cas du péril commun, il y a vraiment cette notion de si on ne gère pas le péril commun, l'ensemble des richesses risquent d'être détruites. Le fait de ne pas fabriquer un bien commun n'est pas forcément un péril commun.

  • Nadia Maïzi

    Par contre, la difficulté, c'est qu'il y ait un consensus pour qu'on identifie le péril comme étant commun. C'est un peu le problème qu'on a avec la question du changement climatique. Parce que, comme tu le dis, les scientifiques sont avertis ou essayent d'expliquer quelles peuvent être les conséquences qui constituent un péril commun. Mais encore faut-il que la prise de conscience soit suffisante pour que ce péril commun soit bien identifié par tous.

  • Charlotte Demonsant

    Je ne suis pas sûre qu'il y ait besoin que tout le monde soit, par exemple, conscient du fait qu'il y a un péril. Il y a aussi cette idée que la logique qui peut être véhiculée par les instruments de politique publique peut modifier la manière dont on va agir collectivement. Aujourd'hui, la logique du pollueur-payeur, elle pousse plutôt à des actions individuelles et compétitives entre les acteurs pour... Trouver des alternatives, alors que dessiner des schémas de solidarité face à un péril commun peut davantage produire des effets de collaboration entre les différents acteurs qui peuvent amener à encourager des alternatives collectives qui peuvent être plus efficaces. Plus efficace. Du coup, dans les simulations que j'ai faites sur les zones à faible émission, on voit plusieurs effets que pourrait avoir la règle, notamment le fait que la contribution au prorata des richesses sauvées, elle permet la fabrication d'un intérêt commun entre les différents acteurs, puisque le taux d'avarie, qui correspond à l'ensemble des pertes sur l'ensemble des richesses sauvées, est appliqué de la même manière à tout le monde. Donc tout le monde va avoir intérêt à minimiser le coût du sacrifice pour sauver.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux... nous expliquer ce que c'est que le taux d'avarie et à quoi il va servir ?

  • Charlotte Demonsant

    L'avarie commune, en fait, si on résume les différentes étapes du dispositif, donc il y a le bateau qui va faire face à un péril en mer, le capitaine qui va sacrifier des marchandises, donc par exemple, s'il y a deux marchands, un marchand de plomb et un marchand de blé, et qu'il faut délester le bateau de la moitié de son poids, il va être peut-être plus logique de jeter le plomb, qui va être plus lourd, mais par contre, ça aura voulu dire... qu'il y a un des marchands qui aura porté tout seul le sacrifice pour sauver l'ensemble des marchandises, donc le blé y compris. Donc à l'arrivée de l'expédition, il y a un taux d'avarie qui est calculé. Donc ce taux, c'est l'ensemble des pertes, donc par exemple la valeur du plomb qui était sur le bateau, sur l'ensemble des richesses qu'il y avait à sauver, donc par exemple la valeur du plomb plus la valeur du blé. Et ce taux-là va être appliqué à chacun des marchands. pour calculer combien il aurait dû contribuer pour répartir équitablement les frais du sauvetage. Il y a ensuite des transferts qui sont effectués entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Oui, alors non, mais ce taux d'avari, il sert à quoi ? Donc c'est ce qu'on aurait dû faire si on avait une répartition équitable. Donc c'est ce qu'on fait ? On prélève sur chacun ce prorata ? Comment on règle l'avari à la fin ?

  • Charlotte Demonsant

    Dans le contexte des avaris communes, le marchand qui aura trop sacrifié par rapport au taux d'avari, donc le marchand de blé, va lui compenser une partie. mais pas l'entièreté du plomb qu'il a perdu, puisque lui aussi y contribue aux pertes.

  • Nadia Maïzi

    De sorte qu'à la fin, tout le monde se retrouve avec le même niveau de richesse ?

  • Charlotte Demonsant

    De sorte à ce qu'à la fin, tout le monde ait contribué du même effort pour le sauvetage commun.

  • Nadia Maïzi

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues ?

  • Charlotte Demonsant

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un sacrifice qui est fait par le marchand de plomb.

  • Charlotte Demonsant

    Et par le marchand de blé.

  • Nadia Maïzi

    Mais lequel paye le plus, finalement ?

  • Charlotte Demonsant

    Du coup, la contribution est au prorata des richesses sauvées. Celui qui a le plus de richesses à sauver va être en montant celui qui va contribuer le plus.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Dans tes simulations sur les zones à faible émission, qu'est-ce que tu as réussi à mettre en évidence ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on voit dans les simulations, et ça a été aussi démontré par d'autres travaux en économie et en gestion, c'est que le taux d'avarie permet la fabrication d'un intérêt commun. C'est-à-dire que comme il va être appliqué à tous au prorata des richesses sauvées, tout le monde a intérêt à minimiser ce taux, d'un point de vue économique, pour réduire sa propre contribution. Donc il y a là un effet collaboratif qui apparaît entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, pour être bien clair, minimiser le taux, c'est finalement minimiser ce qui est perdu.

  • Charlotte Demonsant

    C'est minimiser ce qui est perdu ou la valeur de ce qui est perdu. Il y a une incitation à réduire à moindre coût, mais ce qui compte en priorité, c'est d'éviter le péril.

  • Nadia Maïzi

    Si on se met dans la peau d'un décideur public qui doit arbitrer entre les deux types d'approche, qu'est-ce que tu lui ferais comme recommandation et qu'est-ce que finalement il va avoir comme élément pour choisir ? entre les deux approches type pollueur-payeur ou type avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on se met dans la peau d'un décideur public et qu'on cherche à concevoir une politique publique, les instruments aujourd'hui, par exemple les instruments économiques comme la taxe carbone, ils ont l'air assez simples, parce qu'il suffit juste de mettre un prix sur le carburant par exemple. Mais quand on regarde un peu plus en détail, ça demande déjà énormément de connaissances pour savoir quel est le bon prix pour le mettre. Et surtout si on commence à intégrer les enjeux d'équité. ça devient extrêmement compliqué à qualifier. L'efficacité du dispositif va reposer sur la bonne réaction des individus à l'incitation. Si on veut chercher à corriger les effets négatifs d'une taxe carbone, par exemple pour égaliser l'effort de tous, les connaissances sont très difficilement accessibles puisqu'il faut savoir comment chaque individu a réagi à l'incitation de la taxe et quel effet cela a eu sur lui. Alors que d'un autre côté, si on part d'une logique d'avarie commune pour concevoir un instrument, c'est plus exigeant au départ. C'est-à-dire que ça va demander de caractériser à la fois des actions collectives de sauvetage, donc par exemple la transformation des mobilités ou la rénovation énergétique des logements, qui peuvent être des actions très coûteuses. Mais ça demande aussi d'un autre côté de s'interroger sur les modalités de répartition et quelles sont les richesses sauvées qui sont associées. Donc on a au départ une plus grande demande d'expertise de la répartition, ce qui peut paraître plus coûteux au début, mais qui apparaît aussi comme une condition pour permettre de prendre des décisions. qui apparaissent plus légitimes et moins inéquitables, sachant la règle de répartition qui est énoncée au préalable.

  • Nadia Maïzi

    Ça permet de prendre du recul sur le problème posé aussi. C'est plutôt vertueux, parce que tu es obligé de faire ces évaluations de ce qui est richesse, ce qui est richesse commune, et quelque part d'avoir une photo plus pertinente de la situation. Pour moi, c'est l'impression que ça me donne.

  • Charlotte Demonsant

    C'est un cadre qui peut aider à rendre plus explicite les enjeux d'inégalité qui peuvent être associés à la transition écologique. Globalement, les émissions historiques sont corrélées à la richesse, donc la contribution au pro-ata des richesses sauvées peut faire sens d'un point de vue des responsabilités historiques. Avec la différence que dans la logique des avaries communes, la reconnaissance d'une responsabilité n'est plus la condition préalable à l'action, puisqu'on cherche à sauver d'un péril. et non pas forcément assigner les responsabilités.

  • Nadia Maïzi

    Qu'est-ce que tu vois comme point à explorer et comme possibilité d'implémentation, finalement, de ce travail théorique par rapport à l'action climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a de nombreuses pistes de recherche, parce que la proposition de la thèse, ce n'est pas du tout une solution clé en main qui peut juste être mobilisée, mais c'est plutôt un guide d'exploration sur comment est-ce qu'on pourrait concevoir ces formes d'instruments. Mais ça soulève évidemment de nombreuses questions qui restent encore entièrement à explorer, notamment qui est le capitaine ou comment est-ce qu'on constitue des capitaines, c'est-à-dire l'expertise nécessaire mais aussi l'autorité suffisante pour prendre des décisions.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que l'État est bien positionné pour être le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Là, la comparaison au dispositif des zones à faible émission et de la taxe, ça fait penser naturellement à l'État, mais on peut aussi s'interroger sur la capacité de l'État à réunir l'expertise suffisante et en quelle mesure d'autres acteurs. pourraient intégrer le dispositif. Il y a par exemple de nombreux labos de recherche qui s'intéressent aux effets sociaux, des mesures à prendre pour la transition écologique. Donc il y a tout un tas d'expertises pour éclairer ces décisions-là. Donc c'est des discussions ouvertes. On ne sait pas vraiment en fait quel est l'acteur qui est à même de ça. Il y a aussi de nombreuses questions sur à quel moment est-ce qu'il faut mesurer les richesses sauvées, de quelle nature elles sont. Ça ouvre tout un tas de nouvelles questions de recherche qui sont à explorer. Mais l'idée c'est que ça... propose une autre manière de regarder la situation et d'explorer un peu différemment les impasses actuelles.

  • Nadia Maïzi

    Merci Charlotte pour nous avoir entraînés dans quelque part un voyage historique et puis dans un domaine très particulier qui est celui du maritime, avec ce concept d'avarie commune. Je pense que c'est une façon de reposer le problème qui est certainement peut-être plus pertinente. par rapport à la gestion du dilemme équité-efficacité dont tu nous as parlé, et qui devrait donner des perspectives différentes quant à la mise en place de politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre.

  • Charlotte Demonsant

    Merci Nadia. Ces travaux continuent, on continue d'explorer à la fois sur les zones à faible émission, mais aussi sur d'autres cas d'études, comme par exemple la sortie des énergies fossiles. pour voir en quelle mesure les avaries communes peuvent aider à porter un autre regard sur l'action climatique. C'était Planète en transition, un podcast de l'Institut TTI.5.

Description

Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politiques publiques classiques ont engendré plusieurs mouvements de contestation :  les gilets jaunes, la crise des agriculteurs. L’acteur public désireux d’atteindre ses objectifs d’atténuation a opté pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l’action climatique, c’est-à-dire sans garantir de justice sociale.  


Mais comment assurer que l’action climatique soit la plus équitable possible ?  

Dans cet épisode du podcast « Planète en transition », nous vous proposons d’explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime dite la règle des avaries communes. 


Cet épisode est un dialogue entre Nadia Maïzi et Charlotte Demonsant, doctorante au centre de gestion scientifique de Mines Paris – PSL.


Pour approfondir : 

  • Demonsant, C. (2023). L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l’équité : Étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique (Doctoral dissertation, Université Paris sciences et lettres). https://pastel.hal.science/tel-04318240 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2023). Le changement climatique comme péril commun. Réconcilier action climatique et justice sociale. 

  • Demonsant, C., Hatchuel, A., Levillain, K., & Segrestin, B. (2021). De la ressource commune au péril commun: Repenser nos modèles de l’action climatique. Revue de l’organisation responsable, 16(3), 57-67. https://minesparis-psl.hal.science/hal-03630940/document 


Planète en transition est un Podcast produit par The Transition Institute 1.5 et réalisé par Nadia Maïzi. 


Ingénieur du son : Mourad Louanchi

Moyens techniques : CHUUUT! FILMS

Music from #Uppbeat (free for Creators!):

https://uppbeat.io/t/danijel-zambo/fairytales 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Charlotte Demonsant

    Planète en transition, le podcast de l'Institut TTI.5.

  • Nadia Maïzi

    Dans son dernier rapport d'évaluation, le GIEC estime qu'il existe des options disponibles dans tous les secteurs permettant de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre mondiales à l'horizon 2030. Il s'agit alors de trouver les mesures, les incitations, les subventions permettant de décliner ces solutions et de les faire adopter à l'échelle individuelle ou dans différentes catégories socio-professionnelles. Les récentes politiques climatiques et environnementales basées sur des instruments de politique publique classique ont engendré plusieurs mouvements de contestation. Les Gilets jaunes La crise des agriculteurs, l'acteur public désireux d'atteindre ses objectifs d'atténuation, a opté dans ces cas pour des décisions implémentant des mesures fortes, de préférence à moindre coût. Il a agi au détriment de la protection des plus vulnérables face aux impacts des changements climatiques et vis-à-vis des effets de l'action climatique, c'est-à-dire sans garantir de justice sociale. Mais comment assurer que l'action climatique soit la plus équitable possible ? Dans ce podcast, Planète en transition, nous vous proposons d'explorer le dilemme entre efficacité et répartition équitable des efforts. En particulier, nous envisagerons comment exploiter une très ancienne règle issue du droit maritime, dite la règle des avaries communes, aujourd'hui avec...

  • Charlotte Demonsant

    Charlotte Demonsant, docteure en sciences de gestion de l'École des mines de Paris. J'ai soutenu ma thèse en septembre 2023, qui s'intitulait L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité étude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique.

  • Nadia Maïzi

    Bonjour Charlotte, beaucoup de mots un peu compliqués pour nous dans le titre de ta thèse. Est-ce que tu peux nous reformuler finalement le sujet sur lequel tu as travaillé ?

  • Charlotte Demonsant

    Bien sûr ! Bonjour Nadia, je me suis intéressée au fait que les politiques climatiques aujourd'hui, elles sont confrontées à des enjeux d'équité. C'est-à-dire que la plupart des mesures qu'on met en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, comme les taxes carbone ou les réglementations, elles sont confrontées à des problématiques sociales. Un exemple parlant, c'est la crise des Gilets jaunes, par exemple, en 2019.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous rappeler le contexte, en fait ? Qu'est-ce qui avait été proposé par le gouvernement ? Et pourquoi ces réactions ont été suscitées de la part, justement, des Gilets jaunes ?

  • Charlotte Demonsant

    Fin 2018, le gouvernement a voulu augmenter l'éco-taxe carbone. C'est une taxe qui est ajoutée au prix de vente du carburant. Sauf que face à cette augmentation, il y a une partie de la population qui s'est révoltée parce qu'ils n'avaient pas forcément les moyens d'éponger cette hausse de la taxe.

  • Nadia Maïzi

    Et cette population avait-elle les moyens de contourner l'usage du carburant dont elle dépendait ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça la question des enjeux d'équité qui sont soulevés, c'est qu'à la fois les personnes ne peuvent pas payer le montant de la taxe, mais pas forcément non plus accéder à des alternatives, par exemple s'acheter un véhicule électrique ou changer de mode de transport en fonction d'où ils habitent et de leurs moyens, ce qui fait que la taxe est une mesure assez inéquitable.

  • Nadia Maïzi

    Alors dans ton travail de thèse, est-ce que tu as eu une étude systématique de ces mesures ? mise en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, je crois que toi tu appelles ça l'atténuation, qui t'a permis de te référer à une théorie, une approche conceptuelle particulière.

  • Charlotte Demonsant

    Ce que j'ai fait pour accéder à ces logiques-là, je me suis intéressée historiquement à comment a été construite la problématique de l'atténuation du changement climatique. Pour ça, je suis allée regarder les rapports du groupe 3 du GIEC, qui est le groupe spécialisé dans les stratégies d'atténuation du changement climatique. Et donc j'ai décortiqué ces rapports pour comprendre quelle était la logique, la manière de regarder le problème qui avait été élaboré au fil des rapports, donc entre 1990 et 2022.

  • Nadia Maïzi

    Et est-ce que tu as découvert quelque part la clé de cette construction de ces mesures ?

  • Charlotte Demonsant

    Alors ce que j'ai pu voir dans l'analyse des rapports, c'est que déjà premièrement, les catégories d'instruments, elles sont bien stables. C'est-à-dire que depuis le premier rapport de 1990 jusqu'au dernier même de 2022, dans la partie politique nationale, les grandes catégories d'instruments sont bien les réglementations, les mécanismes de taxation et de marché. Donc il y a une stabilité de ces grandes catégories-là. Mais j'ai aussi pu constater qu'en 2014, il y avait un cadre qui avait été posé pour l'atténuation du changement climatique. Ce cadre, c'est le collective action problem problème d'action collective en français, qui provient d'une théorie anglo-saxonne de l'action collective, et qui modélise l'atténuation climatique comme un problème d'une somme d'actions individuelles qui émet trop, et donc causant le changement climatique, et les instruments conçus pour répondre. à ce problème-là vise à modifier des comportements individuels problématiques, donc à les inciter ou à les contraindre par des réglementations. J'ai aussi pu voir que c'était un cadre qui était récemment remis en question, notamment dans le dernier rapport, justement pour des questions d'équité, ce qui encourage un petit peu le questionnement de ma thèse.

  • Nadia Maïzi

    Quelque part, on analyse le fait que des émissions proviennent de comportements individuels. et qu'on imagine qu'on va réussir en quelque sorte à inverser ou à annuler en tout cas ces émissions grâce à l'effet d'une taxe, d'une contrainte, d'une politique de quelque type qu'il soit. Sauf qu'en fait, on ne maîtrise pas vraiment les comportements individuels.

  • Charlotte Demonsant

    C'est difficile à maîtriser, mais il y a aussi un autre enjeu. Quand on cherche à agir sur un comportement individuel, on joue à la fois sur les émissions que les personnes mettent, mais on joue aussi sur les valeurs. qui sont issus de ces émissions, donc ça peut être des usages ou des richesses. Et chaque acteur, que ce soit une entreprise ou un citoyen ou un individu, il a une relation différente entre ces émissions et les valeurs qui sont produites. Par exemple, une émission, elle peut servir à se déplacer pour quelqu'un qui habite à la campagne, et c'est quelque chose de primordial de préserver ce déplacement. L'idée fondamentale, c'est qu'une émission, elle n'a pas la même valeur pour tout le monde. Le coût de réduction d'une émission, il n'est pas le même pour tous. Il n'implique pas les mêmes... transformation.

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, c'est le principe du pollueur-payeur qui est quelque part remis en question.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, c'est ça. L'idée de modifier des comportements et donc d'assigner le coût de la réduction à celui qu'on a choisi comme étant un pollueur. Par exemple, quand on met une taxe carbone, on choisit les automobilistes comme les pollueurs responsables. Pourtant, il y a beaucoup d'autres pollutions et donc au niveau individuel, chaque personne est dépendante de sa propre relation entre les émissions et la valeur que ces émissions lui procurent. que ce soit en termes de richesse, de revenus ou d'usage.

  • Nadia Maïzi

    Donc on comprend là que tu soulèves cette question du dilemme entre l'efficacité d'une mesure mise en place par rapport à la question vraiment des émissions de gaz à effet de serre et le fait que cette mesure peut être complètement inéquitable.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça, c'est qu'en jouant sur les comportements individuels, on modifie à la fois la manière dont les émissions sont réparties entre les différents acteurs. mais aussi la manière dont les richesses et les valeurs sont réparties entre ces différents acteurs également. Donc on modifie simultanément la répartition des émissions et la distribution des richesses au sein de la société.

  • Nadia Maïzi

    Alors, ça t'a amené à penser une autre conception de mesure par rapport à cette question de l'atténuation ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a une autre hypothèse qui a été d'étudier une règle de droit maritime très ancienne qui est étudiée depuis longtemps dans le laboratoire dans lequel j'ai effectué ma thèse, le centre de gestion scientifique de l'école des mines. C'est une règle qui est assez surprenante, qui s'appelle la règle des avaries communes. Cette règle existe depuis plus de 2500 ans. Elle a émergé de manière indépendante à plusieurs endroits du monde. On la retrouve en Chine dans la navigation fluviale, mais aussi dans le droit romain ou dans la Grèce antique. Et ce qui est intéressant, c'est qu'elle est reconnue depuis toutes ces années pour son principe d'équité. Et elle est toujours en vigueur aujourd'hui dans le domaine du droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est quoi la règle ? C'est exactement ce que j'étais en train de me dire. Donc cette règle, elle dit que lorsqu'un bateau fait face à un péril en mer, le capitaine peut sacrifier des marchandises ou effectuer des dépenses extraordinaires pour sauver l'expédition. Et que l'ensemble des pertes... ou des dépenses du sauvetage seront réparties entre tous les intéressés à l'expédition, donc les marchands, l'armateur, le capitaine lui-même, au prorata des intérêts qu'il y avait en jeu, c'est-à-dire des richesses qu'il y avait à sauver par ce geste.

  • Nadia Maïzi

    Donc c'est le capitaine qui prend l'initiative de mettre en place une action de sauvetage, parce que tout le monde fait face à un péril partagé finalement, et on va sauver certaines marchandises, et le coût de ce sauvetage sera équiléparti entre tous les propriétaires de biens.

  • Charlotte Demonsant

    Tous ceux qui avaient quelque chose à sauver.

  • Nadia Maïzi

    Donc là, ce que tu as mis en évidence, c'est l'idée que tout le monde est d'accord sur... Le fait que le péril est commun.

  • Charlotte Demonsant

    Ce qui m'a intéressée dans cette règle, c'est de modéliser sur quels fondements, sur quelle manière de regarder la situation elle se basait pour comparer par rapport à la manière dont regarde l'atténuation du changement climatique aujourd'hui. Et ce qu'on voit, c'est que la règle au prorata des richesses sauvées, elle rend compte d'une interdépendance bien particulière entre tous ces acteurs-là. C'est que le sacrifice de l'un, l'action de l'un, elle permet de sauver tous les autres. Et c'est ce qui justifie la règle de répartition. C'est parce que... l'un a sacrifié, que j'ai pu sauver mes richesses à moi, mes marchandises à moi ou mon bateau, qu'il a pu arriver à bon port.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un cadre avec des éléments contraignants, finalement, pour se retrouver dans cette situation ?

  • Charlotte Demonsant

    Oui, et l'avarie commune, elle ne s'applique pas tout le temps sur n'importe quelle expédition. Il y a un certain nombre de conditions qui sont à respecter. Notamment, la première, c'est l'existence d'un péril commun. Le péril commun, il n'a pas besoin d'être imminent, il a juste besoin d'exister. Donc ça peut être une tempête extérieure au bateau, mais ça peut aussi être la faute d'un marchand. Par exemple, si un marchand a mal emballé une marchandise inflammable et que ça provoque un incendie sur le bateau, s'il y a besoin de faire une action volontaire, par exemple d'éteindre ou de jeter des marchandises enflammées pour sauver l'expédition, ce sera toujours éligible en avarie commune. Par contre, le fait que ce soit la faute d'un individu sera géré légalement par le droit.

  • Nadia Maïzi

    Donc ça c'est le premier point. Il faut reconnaître tous ensemble qu'il peut y avoir un... péril commun.

  • Charlotte Demonsant

    À l'époque où les marchands se déplaçaient avec leurs propres marchandises sur les bateaux, on retrouve des traces où le capitaine disait, cher marchand, nous faisons face à un péril, nous devons faire appel à l'avarie commune. Aujourd'hui, ça a beaucoup changé, les marchands ne se déplacent plus avec leurs marchandises, donc le capitaine est responsable de l'expédition, donc s'il y a un péril, c'est lui qui va prendre cette décision-là. La deuxième condition qui découle de ça, c'est que l'action doit être volontaire. Il faut que le sacrifice soit effectué et que pour sauver. Par exemple, il y a une différence fondamentale entre ce qu'on appelle une avarie commune, donc c'est les pertes qui sont mises en commun, et une avarie particulière. Une avarie particulière, c'est par exemple si une marchandise tombe toute seule du bateau ou qu'elle est périmée. Donc là, ce n'est pas lié à une action volontaire de sauvetage et donc ça ne rentre pas dans les pertes communes. Ces deux types d'avaries sont bien différenciés dans le droit maritime.

  • Nadia Maïzi

    Il y a une nuance très claire. Et ensuite, il y a bien sûr l'idée qu'il y a cette action qui est prise pour le sauvetage.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, l'action volontaire, elle doit aussi avoir un résultat utile, c'est-à-dire que la règle des avaries communes, elle s'applique à l'arrivée de l'expédition. Une fois que le bateau est arrivé, on peut évaluer à la fois les pertes, mais aussi les richesses sauvées, pour répartir la contribution entre toutes les parties prenantes de l'expédition.

  • Nadia Maïzi

    Donc on est dans une règle commune, et on voit bien qu'il y a un changement de point de vue complet par rapport à ce que tu nous décrivais au départ sur cette... adressage individuel pour essayer de répondre à cet enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comment tu vas décliner cette idée du droit maritime à notre contexte du changement climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a en fait une différence dans la manière dont on regarde aujourd'hui l'atténuation climatique. On a des acteurs individuels qui produisent des richesses, ces productions de richesses génèrent des émissions, et la somme de ces émissions pose un problème collectif. Donc on va chercher à modifier des comportements individuels. Dans le cas des avaries communes, on a toujours des acteurs qui transportent des marchandises et qui cherchent une valorisation de leurs richesses, mais on a un événement qui est un péril commun qui met en danger l'ensemble de ces richesses. Et donc là, on a une manière de voir la règle des avaries communes qui rend compte que l'action de l'un permet de sauver les autres. La règle d'équité, donc au prorata des richesses sauvées, elle a pour fonction de libérer la possibilité pour le capitaine de jeter au moment du péril. Et cette règle, elle fait l'objet d'un accord international, d'une norme internationale. qui s'appelle les règles Dior-Cayden-Vert depuis le XIXe siècle, qui décrivent les conditions dans lesquelles les dépenses peuvent être acceptées ou non en avaries communes.

  • Nadia Maïzi

    Donc une déclinaison dans le contexte du changement climatique, ça serait quoi ?

  • Charlotte Demonsant

    Par rapport au changement climatique, ce serait dans un premier temps, est-ce qu'on peut caractériser le changement climatique de péril commun ? A priori, il y a plutôt un consensus scientifique aujourd'hui sur le fait que le changement climatique va... Produire des pertes à la fois économiques phénoménales, mais aussi mettre des vies en danger, qui sont les conditions qui correspondent à la description de ce qu'on pourrait caractériser d'un péril commun. Il y a aussi un ensemble d'actions de sauvetage qui ont été aujourd'hui identifiées. On peut par exemple citer les scénarios du GIEC qui décrivent un ensemble d'actions qui pourraient permettre de maintenir les émissions sous un seuil permettant de rester à un réchauffement de 1,5°C par exemple. Donc on a ces actions qui sont des actions de sauvetage.

  • Nadia Maïzi

    Qui est le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Qui est le capitaine ? L'idée n'est pas de proposer une solution clé en main des avaries communes, mais plutôt de... d'explorer les conditions dans lesquelles, par exemple, pourrait se constituer un capitaine, qui sont aujourd'hui les acteurs qui ont l'expertise pour déterminer ses actions, qui sont des acteurs qui pourraient avoir une forme d'autorité, mais ça pourrait aussi être quelque chose de co-construit. Toutes ces questions sont encore largement ouvertes. C'est plutôt ce que j'ai essayé d'amener dans la thèse, c'est qu'en regardant la situation autrement, on peut en fait essayer de sortir de l'impasse actuelle, qui est que les instruments sont confrontés à des problématiques d'équité. Comment est-ce qu'on pourrait concevoir de nouvelles formes d'instruments en regardant autrement la situation ?

  • Nadia Maïzi

    Donc en fait, on revient à cette idée de changer de point de vue et de considérer le changement climatique comme réellement un péril commun et non pas comme une... avaries qui arriveraient à certains et pas à d'autres et qui seraient donc à prendre en compte dans certains endroits. Mais je crois que tu as développé dans ta thèse des exemples dans lesquels tu as essayé de décliner cette proposition et qui t'ont permis de critiquer ce qui pouvait se faire entre actions individuelles versus point de vue de l'avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Oui, alors dans ma thèse, j'ai étudié le cas de la pollution de l'air et notamment le dispositif des zones à faible émission. Donc c'est un dispositif qui repose aussi sur le pollueur-payeur, dans le sens où il vise à interdire la circulation des véhicules les plus polluants et que ce sont ceux qui possèdent les véhicules polluants qui doivent porter le coup du changement de leur mobilité.

  • Nadia Maïzi

    Donc juste, tu peux nous rappeler les zones à faible émission ? Ce sont donc des régions, des parties de villes ?

  • Charlotte Demonsant

    Les zones à faible émission, c'est une politique nationale qui est dans la loi climat depuis 2021 et qui s'applique localement, donc au niveau souvent des métropoles, et qui vise en fait à déterminer une zone dans laquelle on va interdire des véhicules en fonction de leurs normes d'émission. On appelle les vignettes critères.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Donc, tu disais, on est dans un principe de pollueur-payeur.

  • Charlotte Demonsant

    On est dans un principe de pollueur-payeur et on est face à un dilemme entre équité et efficacité qui est assez évident, puisque l'efficacité de la mesure repose sur l'interdiction du maximum de véhicules polluants, mais que d'un autre côté, il y a des différences sociales importantes entre les différents acteurs. Par exemple, certains peuvent ne pas avoir d'alternative ou ne pas avoir les moyens de changer de véhicule. Et donc, une des solutions, c'est par exemple la dérogation qui va, pour des raisons d'équité, laisser certains véhicules en circulation, mais on voit bien comment ça va directement à l'encontre de l'efficacité de la réduction des émissions.

  • Nadia Maïzi

    Avec la complexité de définir qui peut bénéficier de la dérogation, et le risque à la fin que tout le monde ait une dérogation. Et que finalement, on n'ait plus du tout, effectivement, de réduction des émissions globalement.

  • Charlotte Demonsant

    C'est ça. Enfin, c'est un résumé un petit peu caricatural de la situation, parce que localement, les collectivités mettent énormément d'autres actions en place, qu'on est d'ailleurs en train d'étudier, pour voir comment est-ce qu'ils se saisissent de la complexité, justement, de la mise en œuvre d'un tel dispositif. Mais dans la logique de conception, en fait, des zones à faible émission, on est bien dans ce dilemme-là. Et donc, un des premiers tests qu'on a fait dans la thèse, avec des simulations notamment, ça a été de regarder la situation. est-ce que la pollution de l'air en ville peut être considérée comme un péril commun ? A priori, il y a de nombreux rapports de l'Organisation mondiale de la santé qui rendent compte du nombre de morts, de maladies cardiovasculaires ou respiratoires dont est responsable la pollution de l'air en ville. Et donc si on regarde la pollution de l'air comme un péril commun, on voit aussi qu'il y a un ensemble d'actions possibles. Donc par exemple, on identifie les sources d'émissions qui sont les oxydes d'azote, les particules fines. qui proviennent par exemple du diesel, mais aussi du chauffage au bois dans les logements ou de l'industrie. Donc on peut identifier un ensemble d'actions, ou en tout cas de biens, d'objets, qu'il faudrait arrêter d'utiliser pour réduire la pollution de l'air en ville. Donc voilà.

  • Nadia Maïzi

    Donc la déclinaison de la règle de la varie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on caractérise le péril de la pollution de l'air, on peut aussi se demander qui est la communauté de péril, c'est-à-dire qui sont les acteurs à risque face à ce péril. Et donc là, on retrouve tous les usagers de la zone. C'est-à-dire que même une exposition de 24 heures peut avoir des impacts sur la santé. Donc on peut retrouver les touristes, mais aussi les habitants qui n'ont pas forcément de voiture. Donc tous les usagers de la zone sont concernés par ce péril. Et quand on regarde ce que fait une zone à faible émission, dans sa version la plus simplifiée, Elle fait porter l'effort du sauvetage de tous les usagers de la zone seulement sur les automobilistes, mais sans règle de répartition des efforts.

  • Nadia Maïzi

    Avec, comme tu le disais, un problème peut-être économique qui concerne ces automobilistes puisqu'ils ne peuvent pas forcément changer de mode de transport ou basculer sur un autre type de mobilité. Là, on est vraiment clairement dans ce cas d'inéquité. et d'injustice que tu décrivais au départ.

  • Charlotte Demonsant

    Oui.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, quelle est la solution que tu prônes ou l'intérêt de la varie commune dans ce contexte ?

  • Charlotte Demonsant

    C'est ce qu'on est en train d'explorer, de voir dans quelle mesure ça pourrait aider à concevoir des modalités de répartition de cet effort. Ça soulève de nombreuses questions. Qu'est-ce qui fait richesse sauvée, par exemple, dans une ville ? Dans les simulations que j'ai conduites dans ma thèse, qui sont très simples, Pour l'instant, l'idée, ça a été de dire que si, par exemple, une ville devient inhabitable, l'ensemble des logements qui sont dans cette ville, de leurs valeurs vont être perdus. Si on raisonne en richesse sauvée, les habitants, même s'ils n'ont pas de voiture, ils ont beaucoup à perdre de la non-gestion de ce péril. Donc ma thèse, elle aboutit à un cadre méthodologique et à un plan d'expérimentation pour justement voir à la fois comment est-ce qu'on peut identifier les différents critères, les différentes conditions de la varie commune, les tester, voir ce que ça donne. sur un cas concret. Par exemple, qu'est-ce qui fait richesse sauvée en ville ? Les logements peuvent être perdus, mais est-ce que c'est les seules richesses à sauver qui sont considérées ? Pour ensuite étudier quelles seraient les modalités d'application d'une logique différente du pollueur-payeur pour les instruments.

  • Nadia Maïzi

    Cette logique différente, ça serait de mettre en place un sauvetage. Et quelque part, ce sauvetage, on répartirait les efforts sur tout le monde.

  • Charlotte Demonsant

    Sur l'ensemble de la communauté de Péril.

  • Nadia Maïzi

    Ça pourrait être, par exemple, construire de nouvelles infrastructures pour la mobilité ?

  • Charlotte Demonsant

    Si on pousse l'avarie commune, il peut y avoir des dépenses et des sacrifices. Par exemple, il peut être nécessaire d'abandonner un certain nombre de véhicules, mais la proposition de mobilité alternative peut apparaître comme des dépenses extraordinaires pour réduire la pollution de l'air. C'est aussi à étudier les modalités selon lesquelles certaines actions peuvent faire l'objet d'une avarie commune et d'autres non. Et quelles seraient les conditions de contribution ?

  • Nadia Maïzi

    En fait, avarie commune, ça renvoie pour moi à péril commun, à bien commun. Est-ce que tu peux clarifier ces expressions pour nous ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on peut voir avec le péril commun, c'est que c'est en fait différent d'un bien commun, dans le sens où le bien commun, c'est une approche qui va par exemple être utilisée dans le cadre du problème d'action collective classique. Donc l'idée est que les différents acteurs vont produire ensemble Un bien commun qui pourrait leur être bénéficiaire, mais qui risque d'y avoir des passagers clandestins, donc ceux par exemple qui ne vont pas payer pour le bien commun, mais quand même profiter de ses effets. Le péril commun, il est un peu différent parce que dans le cas d'un bien commun, si on ne fabrique pas le bien commun, la situation n'est pas meilleure, mais elle reste telle qu'elle est. Alors que dans le cas du péril commun, il y a vraiment cette notion de si on ne gère pas le péril commun, l'ensemble des richesses risquent d'être détruites. Le fait de ne pas fabriquer un bien commun n'est pas forcément un péril commun.

  • Nadia Maïzi

    Par contre, la difficulté, c'est qu'il y ait un consensus pour qu'on identifie le péril comme étant commun. C'est un peu le problème qu'on a avec la question du changement climatique. Parce que, comme tu le dis, les scientifiques sont avertis ou essayent d'expliquer quelles peuvent être les conséquences qui constituent un péril commun. Mais encore faut-il que la prise de conscience soit suffisante pour que ce péril commun soit bien identifié par tous.

  • Charlotte Demonsant

    Je ne suis pas sûre qu'il y ait besoin que tout le monde soit, par exemple, conscient du fait qu'il y a un péril. Il y a aussi cette idée que la logique qui peut être véhiculée par les instruments de politique publique peut modifier la manière dont on va agir collectivement. Aujourd'hui, la logique du pollueur-payeur, elle pousse plutôt à des actions individuelles et compétitives entre les acteurs pour... Trouver des alternatives, alors que dessiner des schémas de solidarité face à un péril commun peut davantage produire des effets de collaboration entre les différents acteurs qui peuvent amener à encourager des alternatives collectives qui peuvent être plus efficaces. Plus efficace. Du coup, dans les simulations que j'ai faites sur les zones à faible émission, on voit plusieurs effets que pourrait avoir la règle, notamment le fait que la contribution au prorata des richesses sauvées, elle permet la fabrication d'un intérêt commun entre les différents acteurs, puisque le taux d'avarie, qui correspond à l'ensemble des pertes sur l'ensemble des richesses sauvées, est appliqué de la même manière à tout le monde. Donc tout le monde va avoir intérêt à minimiser le coût du sacrifice pour sauver.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que tu peux... nous expliquer ce que c'est que le taux d'avarie et à quoi il va servir ?

  • Charlotte Demonsant

    L'avarie commune, en fait, si on résume les différentes étapes du dispositif, donc il y a le bateau qui va faire face à un péril en mer, le capitaine qui va sacrifier des marchandises, donc par exemple, s'il y a deux marchands, un marchand de plomb et un marchand de blé, et qu'il faut délester le bateau de la moitié de son poids, il va être peut-être plus logique de jeter le plomb, qui va être plus lourd, mais par contre, ça aura voulu dire... qu'il y a un des marchands qui aura porté tout seul le sacrifice pour sauver l'ensemble des marchandises, donc le blé y compris. Donc à l'arrivée de l'expédition, il y a un taux d'avarie qui est calculé. Donc ce taux, c'est l'ensemble des pertes, donc par exemple la valeur du plomb qui était sur le bateau, sur l'ensemble des richesses qu'il y avait à sauver, donc par exemple la valeur du plomb plus la valeur du blé. Et ce taux-là va être appliqué à chacun des marchands. pour calculer combien il aurait dû contribuer pour répartir équitablement les frais du sauvetage. Il y a ensuite des transferts qui sont effectués entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Oui, alors non, mais ce taux d'avari, il sert à quoi ? Donc c'est ce qu'on aurait dû faire si on avait une répartition équitable. Donc c'est ce qu'on fait ? On prélève sur chacun ce prorata ? Comment on règle l'avari à la fin ?

  • Charlotte Demonsant

    Dans le contexte des avaris communes, le marchand qui aura trop sacrifié par rapport au taux d'avari, donc le marchand de blé, va lui compenser une partie. mais pas l'entièreté du plomb qu'il a perdu, puisque lui aussi y contribue aux pertes.

  • Nadia Maïzi

    De sorte qu'à la fin, tout le monde se retrouve avec le même niveau de richesse ?

  • Charlotte Demonsant

    De sorte à ce qu'à la fin, tout le monde ait contribué du même effort pour le sauvetage commun.

  • Nadia Maïzi

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues ?

  • Charlotte Demonsant

    Sans pour autant récupérer les richesses perdues.

  • Nadia Maïzi

    Donc il y a un sacrifice qui est fait par le marchand de plomb.

  • Charlotte Demonsant

    Et par le marchand de blé.

  • Nadia Maïzi

    Mais lequel paye le plus, finalement ?

  • Charlotte Demonsant

    Du coup, la contribution est au prorata des richesses sauvées. Celui qui a le plus de richesses à sauver va être en montant celui qui va contribuer le plus.

  • Nadia Maïzi

    D'accord. Dans tes simulations sur les zones à faible émission, qu'est-ce que tu as réussi à mettre en évidence ?

  • Charlotte Demonsant

    Ce qu'on voit dans les simulations, et ça a été aussi démontré par d'autres travaux en économie et en gestion, c'est que le taux d'avarie permet la fabrication d'un intérêt commun. C'est-à-dire que comme il va être appliqué à tous au prorata des richesses sauvées, tout le monde a intérêt à minimiser ce taux, d'un point de vue économique, pour réduire sa propre contribution. Donc il y a là un effet collaboratif qui apparaît entre les différents acteurs.

  • Nadia Maïzi

    Et donc, pour être bien clair, minimiser le taux, c'est finalement minimiser ce qui est perdu.

  • Charlotte Demonsant

    C'est minimiser ce qui est perdu ou la valeur de ce qui est perdu. Il y a une incitation à réduire à moindre coût, mais ce qui compte en priorité, c'est d'éviter le péril.

  • Nadia Maïzi

    Si on se met dans la peau d'un décideur public qui doit arbitrer entre les deux types d'approche, qu'est-ce que tu lui ferais comme recommandation et qu'est-ce que finalement il va avoir comme élément pour choisir ? entre les deux approches type pollueur-payeur ou type avarie commune.

  • Charlotte Demonsant

    Si on se met dans la peau d'un décideur public et qu'on cherche à concevoir une politique publique, les instruments aujourd'hui, par exemple les instruments économiques comme la taxe carbone, ils ont l'air assez simples, parce qu'il suffit juste de mettre un prix sur le carburant par exemple. Mais quand on regarde un peu plus en détail, ça demande déjà énormément de connaissances pour savoir quel est le bon prix pour le mettre. Et surtout si on commence à intégrer les enjeux d'équité. ça devient extrêmement compliqué à qualifier. L'efficacité du dispositif va reposer sur la bonne réaction des individus à l'incitation. Si on veut chercher à corriger les effets négatifs d'une taxe carbone, par exemple pour égaliser l'effort de tous, les connaissances sont très difficilement accessibles puisqu'il faut savoir comment chaque individu a réagi à l'incitation de la taxe et quel effet cela a eu sur lui. Alors que d'un autre côté, si on part d'une logique d'avarie commune pour concevoir un instrument, c'est plus exigeant au départ. C'est-à-dire que ça va demander de caractériser à la fois des actions collectives de sauvetage, donc par exemple la transformation des mobilités ou la rénovation énergétique des logements, qui peuvent être des actions très coûteuses. Mais ça demande aussi d'un autre côté de s'interroger sur les modalités de répartition et quelles sont les richesses sauvées qui sont associées. Donc on a au départ une plus grande demande d'expertise de la répartition, ce qui peut paraître plus coûteux au début, mais qui apparaît aussi comme une condition pour permettre de prendre des décisions. qui apparaissent plus légitimes et moins inéquitables, sachant la règle de répartition qui est énoncée au préalable.

  • Nadia Maïzi

    Ça permet de prendre du recul sur le problème posé aussi. C'est plutôt vertueux, parce que tu es obligé de faire ces évaluations de ce qui est richesse, ce qui est richesse commune, et quelque part d'avoir une photo plus pertinente de la situation. Pour moi, c'est l'impression que ça me donne.

  • Charlotte Demonsant

    C'est un cadre qui peut aider à rendre plus explicite les enjeux d'inégalité qui peuvent être associés à la transition écologique. Globalement, les émissions historiques sont corrélées à la richesse, donc la contribution au pro-ata des richesses sauvées peut faire sens d'un point de vue des responsabilités historiques. Avec la différence que dans la logique des avaries communes, la reconnaissance d'une responsabilité n'est plus la condition préalable à l'action, puisqu'on cherche à sauver d'un péril. et non pas forcément assigner les responsabilités.

  • Nadia Maïzi

    Qu'est-ce que tu vois comme point à explorer et comme possibilité d'implémentation, finalement, de ce travail théorique par rapport à l'action climatique ?

  • Charlotte Demonsant

    Il y a de nombreuses pistes de recherche, parce que la proposition de la thèse, ce n'est pas du tout une solution clé en main qui peut juste être mobilisée, mais c'est plutôt un guide d'exploration sur comment est-ce qu'on pourrait concevoir ces formes d'instruments. Mais ça soulève évidemment de nombreuses questions qui restent encore entièrement à explorer, notamment qui est le capitaine ou comment est-ce qu'on constitue des capitaines, c'est-à-dire l'expertise nécessaire mais aussi l'autorité suffisante pour prendre des décisions.

  • Nadia Maïzi

    Est-ce que l'État est bien positionné pour être le capitaine ?

  • Charlotte Demonsant

    Là, la comparaison au dispositif des zones à faible émission et de la taxe, ça fait penser naturellement à l'État, mais on peut aussi s'interroger sur la capacité de l'État à réunir l'expertise suffisante et en quelle mesure d'autres acteurs. pourraient intégrer le dispositif. Il y a par exemple de nombreux labos de recherche qui s'intéressent aux effets sociaux, des mesures à prendre pour la transition écologique. Donc il y a tout un tas d'expertises pour éclairer ces décisions-là. Donc c'est des discussions ouvertes. On ne sait pas vraiment en fait quel est l'acteur qui est à même de ça. Il y a aussi de nombreuses questions sur à quel moment est-ce qu'il faut mesurer les richesses sauvées, de quelle nature elles sont. Ça ouvre tout un tas de nouvelles questions de recherche qui sont à explorer. Mais l'idée c'est que ça... propose une autre manière de regarder la situation et d'explorer un peu différemment les impasses actuelles.

  • Nadia Maïzi

    Merci Charlotte pour nous avoir entraînés dans quelque part un voyage historique et puis dans un domaine très particulier qui est celui du maritime, avec ce concept d'avarie commune. Je pense que c'est une façon de reposer le problème qui est certainement peut-être plus pertinente. par rapport à la gestion du dilemme équité-efficacité dont tu nous as parlé, et qui devrait donner des perspectives différentes quant à la mise en place de politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre.

  • Charlotte Demonsant

    Merci Nadia. Ces travaux continuent, on continue d'explorer à la fois sur les zones à faible émission, mais aussi sur d'autres cas d'études, comme par exemple la sortie des énergies fossiles. pour voir en quelle mesure les avaries communes peuvent aider à porter un autre regard sur l'action climatique. C'était Planète en transition, un podcast de l'Institut TTI.5.

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